CHAPITRE LVII.

Le Monarque.


Le roi est pour les Parisiens ce qu’est le modele au milieu d’une académie de destinateurs. Chacun dans la capitale s’évertue à faire son portrait : on le crayonne, on le représente sous toutes les faces ; & le plus souvent le portrait est manqué & fort peu ressemblant. Ceux qui sont éloignés ne voient que les principaux traits qu’apporte la renommée, & son bruit est vague. Ceux qui l’approchent, voient l’extérieur de l’homme, & les traits fins leur échappent. Entendez le valet qui le déchausse, le courtisan qui le suit à la chasse, le soldat qui combat pour lui, le magistrat qui vient avec des remontrances, l’homme de lettres qui le guette, le philosophe qui le plaint, le peuple qui le juge par la valeur des denrées : autant de portraits différens ; personne ne lit au fond de son ame ; c’est au tems que le portrait fidele doit appartenir. Quel homme néanmoins est plus en vue & paroît plus propre à être saisi ? Le vrai caractere de Louis XV n’est-il pas encore pour nous une espece d’énigme vraiment indéchiffrable ?