CHAPITRE XLIX.

Porteurs d’eau.


On achete l’eau à Paris. Les fontaines publiques sont si rares & si mal entretenues, qu’on a recours à la riviere ; aucune maison bourgeoise n’est pourvue d’eau assez abondamment. Vingt mille porteurs d’eau, du matin au soir, montent deux seaux pleins, depuis le premier jusqu’au septieme étage, & quelquefois par-delà : la voie d’eau coûte six liards ou deux sols. Quand le porteur d’eau est robuste, il fait environ trente voyages par jour.

Quand la riviere est trouble, on boit l’eau trouble : on ne sait trop ce qu’on avale ; mais on boit toujours. L’eau de la Seine relâche l’estomac, pour quiconque n’y est pas accoutumé. Les étrangers ne manquent presque jamais l’incommodité d’une petite diarrhée ; mais ils l’éviteroient, s’ils avoient la précaution de mettre une cuillerée de bon vinaigre blanc dans chaque chopine d’eau.

« L’on a vu, sous le costume pénible & laborieux d’un porteur d’eau, un homme forcé de déposer la décoration stérile dont la patrie avoit honoré ses services, chercher l’aliment & le soutien de ses jours dans ce métier rude & abject. Il expira, il y a quelques années, de froid & de misere, entre les compagnons grossiers de son travail journalier, inconnu de ceux dont l’horrible indigence l’avoit rendu l’égal, après avoir confié son secret au ministre de la religion qui recueillit ses derniers soupirs. » Voyez le Babillard, tome I, page 75.