CHAPITRE XL.

Ruisseaux.


Un large ruisseau coupe quelquefois une rue en deux, & de maniere à interrompre la communication entre les deux côtés des maisons. À la moindre averse il faut dresser des ponts tremblans. Rien ne doit plus divertir un étranger que de voir un Parisien traverser ou sauter un ruisseau fangeux avec une perruque à trois marteaux, des bas blancs & un habit galonné, courir dans de vilaines rues sur la pointe du pied, recevoir le fleuve des gouttieres sur un parasol de taffetas. Quelles gambades ne fait pas celui qui a entrepris d’aller du fauxbourg S. Jacques dîner au fauxbourg S. Honoré, en se défendant de la crotte, & des toits qui dégouttent ! Des tas de boue, un pavé glissant, des essieux gras, que d’écueils à éviter ! Il aborde néanmoins ; à chaque coin de rue il a appellé un décroteur ; il en est quitte pour quelques mouches à ses bas. Par quel miracle a-t-il traversé sans autre encombre la ville du monde la plus sale ? Comment marcher dans la fange en conservant ses escarpins ? Oh ! c’est un secret particulier aux Parisiens, & je ne conseille pas à d’autres de vouloir les imiter.

Pourquoi ne pas s’habiller conformément à la boue & à la poussiere ? Pourquoi prendre à pied un vêtement qui ne convient qu’à celui qui roule dans une voiture ? Pourquoi n’avoir pas des trottoirs, comme à Londres ?