Tableau de Paris/019
CHAPITRE XIX.
Besoins factices.
Ce n’est pas l’or qui pervertit une nation ; il est pur & innocent chez un peuple où regne la simplicité : il devient dangereux dès qu’il reçoit un prix extrême par l’appât des faux plaisirs.
Lorsqu’on voit avec quelle fureur l’homme se précipite à Paris dans les frivolités du luxe, dès qu’il lui est offert ; à quel point il est devenu ardent pour ces prétendues jouissances, dont nos aïeux se passoient si bien ; combien il a mis de recherches dans ce nouveau genre de délices, & comme il est devenu superbe & dédaigneux pour tout ce qui n’est pas orné de ce brillant superflu qui ne le rend que plus avide & plus inquiet ; on ne peut s’empêcher de craindre qu’il ne tourne absolument en ridicule la vertu, la raison, la frugalité, la tempérance : on doit craindre que l’homme, dans cette ville, n’oublie tout-à-fait sa propre dignité, & ne s’abaisse devant l’idole de la fortune, pour l’intérêt de ces mêmes voluptés qui ne sont pas des besoins, & qui commandent plus impérieusement que ceux de la nature.