Système de la nature. Classe première du règne animal, contenant les quadrupèdes vivipares & les cétacées/Ordre II. Les Brutes

ORDRE II.

LES BRUTES.
Point de dents inciſives.

GENRE V.

RHINOCEROS.
Corne ſolide, perſiſtante, conique, placée ſur le nez, n’adhérant point à l’os.

I. Le Rhinoceros à une corne. Rhinoceros unicornis.

Geſn. quad. p. 842. Albin. tab. muſcul. 4. 8. Knorr delic. f. 2. p. 110. t. K. X. Parſons philoſoph. tranſact. v. 42. n. 523. Edw. av. t. 221. f. 2.

Il habite entre & près les tropiques, dans les lieux humides & marécageux ; il eſt mentionné au livre de Job ſous le nom de Reem. Il étoit ſouvent employé chez les Romains dans leurs combats d’animaux ; on ne l’avoit plus revu en Europe pendant un long eſpace de tems, lorſqu’enfin au ſeizieme ſiecle quelques individus y furent de nouveau tranſportés. Il ſe nourrit de ronces, d’épines, ſe vautre dans la boue, s’apprivoiſe à un certain point ; il eſt doux à moins qu’on ne l’irrite ; dans ſa fureur il déracine les arbres avec fracas. Il urine en arrière, & s’accouple à reculons. La femelle met bas un ſeul petit. La vue du Rhinoceros eſt foible, mais il a l’ouie & l’odorat d’autant plus fins.

Il approche de l’Élephant par la taille & la groſſeur, mais il a les jambes plus courtes ; au reſte il n’en a ni la ſagacité, ni la docilité. Sa forme, ſes manières, ſon grognement le rangent plus près du cochon, ſurtout de celui d’Éthiopie. Il a le cuir dur, impénétrable aux fleches, aux balles, aux coups de ſabre, dénué de poil, ſinon à la queue & aux oreilles : il s’y trouve des ſutures ou plicatures tranſverſales, 1o. ſur le derrière de la tête, 2o. ſur les épaules, 3o. ſur le ventre en avant des cuiſſes & enfin 4o. ſur la croupe. Chair groſſiere, ſpongieuſe, preſque point mangeable. Langue molle. Corne garnie de crins à ſa baſe, aiguë, fibreuſe, ayant quelquefois trois pieds de longueur. Point de dents inciſives dans l'animal adulte ; les jeunes individus en ont deux à la mâchoire ſupérieure & deux à l’inférieure, très éloignées entr’elles ; celles d’en haut recouvrent celles de deſſous. Trois doigts à chaque pied, munis de ſabots. Queue amincie, plus courte que les pieds.

II. Le Rhinoceros à deux cornes. Rhinoceros bicornis.

Syſt. nat. ed. 10. p. 56. n. 2. Sparmann act. holm. 1778. trim. 4. n. 5.

Il habite en Afrique. On trouve très-ſouvent, au rapport de Pallas, des os de cet animal enterrés, dans la Ruſſie, même boreale ; Pauſanias & Martial font mention de cette eſpece, elle eſt repréſentée ſur les médailles de Domitien. Il en eſt parlé au ſixieme ſiecle dans Coſme. À peine ce Rhinoceros paroît-il différer d’eſpece avec le précédent, quoique cependant la différence qui exiſte entr’eux ne ſoit due ni au ſexe ni à l’âge.

Sa chair reſſemble à celle du cochon, ſes viſceres à ceux du cheval. Veſicule du fiel nulle. Point de dents inciſives. Une ſeconde corne derriere la première vers le front.

Le Rhinoceros à trois cornes eſt rare ; la troiſieme corne s’éleve alors de l’une ou l’autre des premières.

GENRE VI.

ÉLEPHANT.
Point de dents inciſives.
Dents canines ſupérieures, très-allongées ; point de dents canines inférieures.
Trompe très longue, prenante.
Corps preſque nud.

I. L’Élephant. Elephas maximus.

Briſſ. quad. 45. Raj. quad. 131. Seb. mus. 1. t. 111. f. 1. Geſn. quad. 377. Aldr. quad. I. 1. c. 9. Jonſt. quad. 30. t. 7. 8. 9. Edw. av. t. 221. f. 1. Buff. hiſt. nat. XI. p. 1. pl. I.

Il habite les endroits marécageux voiſins des rivieres dans la Zone torride de l’ancien Continent. Selon quelques commentateurs, c’eſt le Behemoth du livre de Job. Il ſe nourrit de jeunes arbres, de branches, de feuilles, de fruits, ſurtout de l’oranger & du bananier, dont il devore auſſi le bois, de noix de cocos, de ſemences du bonduc, de froment ; il eſt vorace ; ſe raſſemble en troupe ; vit long-tems ; il eſt docile & intelligent, quoiqu’il ait le cerveau très-petit. Il ſe ſert comme d’une main de la longue trompe, qu’il peut étendre & retirer qui eſt douée d’un odorat très-fin, & terminée par un crochet flexible en forme de doigt. Il prend avec cette trompe ſa nourriture & ſa boiſſon, il l’employe à repouſſer ſon ennemi, il meurt ſi on la lui coupe. Comme elle communique à la trachée-artère, une ſouris qui y entreroit pendant ſon ſommeil, le ſuffoqueroit ; il urine en arrière ; la femelle ſe couche ſur le dos pendant l’accouplement[1] ; elle eſt pleine l’eſpace d’un an[2] ; le jeune Élephant tette ſa mere au moyen de ſes levres. Ce grand animal dirigé par un conducteur aſſis ſur ſon cou, porte toutes ſortes de fardeaux, même des tours garnies de combattans. Il marche d’un pas aſſez vîte & nage avec beaucoup de dextérité. Les Indiens le dreſſent pour la guerre, les Romains autrefois l’armoient à cet effet de faux tranchantes ; depuis l’invention de la poudre il eſt moins propre aux uſages guerriers. Il meurt furieux, s’il eſt bleſſé, même légerement entre la tête & la premiere vertebre du cou.

C’est un très-grand quadrupède, il s’en trouve des individus qui peſent juſqu’à 4500 livres. Corps cendré, rarement rougeâtre ou blanc, preſque ſans poils. Trompe plane en deſſous, tronquée à ſon ſommet. Yeux petits. Dents canines ſupérieures allongées & recourbées en en-haut en forme de cornes, remarquables par leurs fibres crepues (l’ivoire) & dont il n’eſt pas rare que chacune peſe au moins cent cinquante livres. Oreilles très-amples, pendantes, dentées, act. ang. 277. p. 1051. Peau très-épaiſſe, calleuſe, pénétrable cependant aux balles, même de plomb, & ſenſible à la piquure des mouches. Deux mamelles près de la poitrine. Ongles ſitués au deſſus de l’extrêmité des cinq lobes des pieds. Genoux flexibles. Cou court.

Petri g. c. Elephantograph. Lips. 1723.

Deſc. Anat. Biblioth. Med. Dubl. 1681.

P. Gillii. nov. des. Eleph. ad. calc. Ælian. de. h. an. Lugd. 1565. 8. p. 497–525. (fr. ſerao) opuſc. di. fis. argum. Napol. 1766. 4. p. 1–62. t. 1.

On trouve très-souvent des oſſemens d’Élephans enfouis ſous terre dans les Zones tempérées & froides, même de l’Amérique. Pallas nov. Comm. acad. ſcient. petrop. v. 13. & 17. & Merk lettres 1–3 ſur les os foſſiles d’Élephans & de Rhinoceros qui ſe trouvent en Allemagne & à Darmſt. 1786. 4o. L’Élephant a les pieds couverts d’un cuir calleux, qu’on peut tirer en entier comme le ſabot d’un cheval, & par ce caractère il ne ſeroit pas improprement rangé dans l’ordre des grands quadrupedes, mais comme les pieds ſemblent munis d’ongles ſur-impoſés, au nombre de cinq dans les antérieurs & de quatre dans les poſtérieurs, j’ai jugé plus convenable de le placer ici, principalement parce qu’il a ſes mamelles ſituées dans les aiſſelles des jambes antérieures.

GENRE VII.

ODOBÈNE.
Point de dents inciſives (dans l’adulte).
Dents canines ſupérieures ſolitaires.
Dents molaires conſiſtant de chaque côté en un os ridé.
Corps oblong.
Levres géminées.
Pieds poſtérieurs confondus & réunis en nageoires.

I. Le Morſe. Trichechus Roſmarus.

Dents canines ſupérieures ſaillantes & éloignées.

Hourt. nat. 2. p. 7. t. 11. f. 1. Schreb. Saeugth. 2. p. 262. t. 79. Syſt. nat. ed. 10. p. 58. Briſſ. quad. 48. Jonſt. piſc. t. 44. Worm. mus. 289. Olear. mus. 38. t. 23. f. 3. Bonan. mus. 269. f. 27. Geſn. aquat. 211. Raj. quad. 191. Ellis hudſon t. 6. f. 3. Martens Spitsberg 78. t. 1 f. B. Buff. hiſt. nat. XIII. p. 358. pl. 54.

Il habite ſous & près le pôle arctique, principalement à l’embouchure des fleuves. Il mugit comme le bœuf, & ronfle en dormant. Sa longueur eſt environ de dix-huit pieds ; il ſe défend vigoureuſement contre ſes ennemis ; il ſe réunit en troupe. Deux petites dents inciſives à la mâchoire ſupérieure, lorſque l’animal eſt jeune. Dents canines longues, très-éloignées l’une de l’autre, acuminées, finement ſtriées, peſant quelque fois trente livres, & formant un ivoire à fibres entrecroiſées qui ne jaunit point aiſément, dont cependant le noyau tire ſur le brun. Quatre dents molaires menues, aiguës, à chaque côté des mâchoires, creuſées à côté de leur ſommet d’un enfoncement plane. Mouſtaches tranſparentes de la groſſeur d’un tuyau de paille. Narines en forme de croiſſant. Cou épais. Cinq doigts aux pieds, à ongles courts. Les Ruſſes font de ſa peau des traits de charriots, en quoi les Français viennent de les imiter. On eſtime ſa graiſſe. Son ſquelette jetté ſur le ſable conſtitue en grande partie ce qu’on croit être les oſſemens du Mammout[3].

II. Le Dugon. Trichechus Dugong.

Dents canines ſupérieures ſaillantes, rapprochées.

Buff. hiſt. nat. XIII. p. 374. pl. 74. Penn. ſyn. p. 338. n. 264.

Il habite la mer depuis le Cap de Bonne-Eſpérance juſqu’aux îles Philippines ; il eſt aſſez ſemblable au Morſe, mais il a la tête plus acuminée & plus étroite, les narines plus amples & poſées plus-haut : au lieu de dents inciſives il a un plan incliné, preſſé par les dents canines ; celles-ci manquent à la mâchoire inférieure, elles ſont rapprochées & fléchies en dehors dans la mâchoire ſupérieure : dents molaires larges, diſtantes, au nombre de quatre de chaque côté à la mâchoire d’en haut, au nombre de trois à la mâchoire inférieure. Deux mamelles pectorales. La chair du Dugon a le goût de la viande de bœuf.

III. Le Lamantin. Trichechus manatus.

Point de dents canines.

Art. gen. 79. ſyn. 107. Rondel. piſc. 490 Geſn. piſc. 213. Hern. mex. 323. Briſſ. quad. 49. Cluſ. exot. 133. Aldr. piſc. 728. Raj. quad. 193. Buffon hiſt. nat. XIII. p. 277. pl. 57.

v. a. Le Lamantin auſtral. Trichechus manatus auſtralis.

Pileux ; pieds à quatre doigts onguiculés.

Il habite les mers d’Afrique & d’Amérique, particuliérement à l’embouchure des fleuves, qu’il remonte très-ſouvent, s’éloignant peu du rivage. Sa longueur eſt de huit à dix pieds, la largeur de ſix à ſept pieds, ſon poids de cinq à huit cens livres. Peau d’un noir-cendré. Dents molaires au nombre de neuf de chaque côté des mâchoires, quarrées, couvertes d’une écorce verniſſée. Vertèbres au nombre de cinquante.

v. b. Le Lamantin Boréal. Trichechus manatus Borealis.

Sans poil ; pieds dépourvus de doigts & d’ongles.

Il habite le rivage occidental de l’Amérique, & des îles ſituées entre l’Amérique & le Kamtſchatka. Il remonte auſſi très-fréquemment l’embouchure des fleuves. Il a vingt-trois pieds de long & peſe huit mille livres. Sa peau eſt brune lorſqu’elle eſt fraîche ; deſſechée, elle eſt noire. Un os ridé de chaque côté des mâchoires au lieu de dents molaires. Vertèbres au nombre de ſoixante.

Les ſauvages de l’Amérique l’apprivoiſent ſouvent[4] ; il aime la muſique ; c’eſt le Dauphin des anciens. Il eſt très-vorace & mange ſans ceſſe. Le mâle, la femelle & leurs petits vivent en ſociété. Ils ſont monogames & s’accouplent au printems, la femelle fuyant d’abord le mâle en faiſant dans l’eau divers tournoyemens ; elle ſe renverſe ſur le dos pendant le coït. Lorſque l’animal paît l’herbe des bas fonds & qu’ainſi la partie ſupérieure de ſon corps paroit à découvert, les oiſeaux s’y abattent pour y chercher de la vermine. Il mugit comme le bœuf. Sa vue eſt foible, mais il a l’ouie d’autant plus aiguë. Pieds antérieurs palmés preſque comme ceux des tortues de mer ; au lieu de pieds poſtérieurs ſe trouve une queue horiſontale. Point d’oreilles externes. Narines diſtantes, régulières. Levre ſupérieure hériſſée de mouſtaches roides, courbées. Deux mamelles pectorales. V. Decham & Steller. nov. comm. Petrop. v. 2. p. 294 & ſq. Chair très-ſavoureuſe. Son eſpece eſt voiſine du genre des Phoques & de l’ordre des Cétacées. Ce que les fictions ingénieuſes de ſirenes, ſi ſouvent chantées par les poëtes, peuvent avoir de véritable, paroit devoir appartenir au Lamantin.

Tous les Odobènes, habitans de la mer, vivent de varecs, de coralines, de teſtacées & point de chair.

GENRE VIII.

PARESSEUX.
Point de dents inciſives.
Six dents molaires de chaque côté, tronquées obliquement, cylindriques, les deux antérieures plus longues, laiſſant un grand intervalle entr’elles & les autres.
Corps couvert de poils.

I. L’. Bradypus Trydaclylus.

Tous les pieds à trois doigts ; queue courte.

Muſ. ad. fr. 4. Brown. jamaïc. p. 489. Briſſ. quad. p. 21. Geſn. quad. p. 869. Clus. exot. p. 372. f. p. 373. Nieuhof bras. p. 27. Nieremb. hiſt. nat. 163. 164. Edw. av. t. 220. Buff. hiſt. nat. XIII. p. 34. pl. 5. 6. Gautier obs. ſur l’hiſt. nat. 1. ptie. p. 81. pl. A. f. 4.

Il habite les arbres de la partie la plus chaude de l’Amérique méridionale. Il ſe nourrit de feuilles tendres, principalement de celle du Coulequin, ne boit pas, & craint la pluie. Il grimpe facilement,[5] mais marche avec peine & très lentement ; il feroit à peine cinquante pas en un jour ; épouvanté, il ſemble faire des inclinations de tête ; lorſqu’il monte, il rend le ſon d’un vieillard haletant, ſon cri eſt plaintif & par gémiſſemens entrecoupés.[6] Corps très velu, de couleur griſe ; face nue ; gorge jaune ; point d’oreilles ; queue un peu en ovale ; pieds antérieurs plus longs que les poſtérieurs, très-écartés ; doigts combinés, trois à chaque pied ; autant d’ongles, comprimés, très-forts. Deux mamelles pectorales.

II. L’Unau. Bradypus didactylus.

Pieds antérieurs à deux doigts ; point de queue.

Mus. ad. fr. 4. Schreb. Saeugth. 2. p. 200. t. 65. Briſſ. quad. p. 22 Seb. mus. 1. p. 54. t. 33. f. 4. & t. 34. f. 1. Buff. hiſt. nat. XIII. p. 34. pl. 1. Voyez auſſi œuv. comp. in-4o. v. V. p. 507. pl. 65. touchant le petit Unau ou Kouri.

Il habite dans l’Amérique méridionale & dans l’Inde. Il vit de fruits & de racines ; il a l’odorat foible & voit mieux de nuit que de jour.

Corps couvert de poils ferrugineux, ondulés ; tête arrondie ; oreilles grandes[7] ; deux ongles aux pieds antérieurs, trois aux pieds poſtérieurs. Deux mamelles pectorales.

GENRE IX.

FOURMILIER.
Point de dents.
Langue ronde, longue & extenſile ; muſeau allongé en bec.
Corps couvert de poils.

I. Le Petit Fourmilier. Myrmecophaga didactyla.

Deux doigts (ou plutôt deux ongles) aux pieds de devant, quatre à ceux de derrière ; queue velue.

Mus. ad. fr. 1. p. 8. Briſſ. quad. 98. Seb. mus. 1. p. 60. t. 37. f. 3. Edw. av. t. 220. Buff. hiſt. nat. X. p. 144. pl. 30.

Il habite dans l’Amérique méridionale. Il marche ſur ſes talons & lentement

Corps jaunâtre ; ſa taille eſt plus petite & ſon muſeau moins allongé que dans les autres eſpeces ; (ſa queue eſt longue de ſept pouces, recourbée en deſſous par l’extrêmité qui eſt dégarnie de poils).

II. Le Fourmilier à longues oreilles. Myrmecophaga tridactyla.

Pieds antérieurs à trois doigts, les poſtérieurs à cinq doigts. Queue velue.

Briſſ. quad. 27. Seb. mus. 1. p. 60. t. 37. f. 2.

Il habite dans l’Inde,[8] il court avec lenteur, ſe couvre de ſa large queue en queue de chaſſe-mouche, grimpe auſſi les arbres.

Deux mamelles pectorales, ſix abdominales. Bande noire ſur les côtés du corps. Dos garni longitudinalement d’une crinière. Queue comprimée, noire en deſſous, à poils longs ; ceux du deſſus de la queue plus longs & terminés de blanc. Eſt-ce véritablement une eſpece diſtincte ? (le nombre de ſes ongles doit le faire croire, s’il eſt vrai, qu’elle exiſte.)

III. Le Tamanoir. Myrmecophaga jubata.

Pieds antérieurs à quatre doigts, pieds poſtérieurs à cinq doigts ; queue en crinière.

Schreb. Saeugth. 2. p. 203. t. 67. Briſſ. quad. 24. Marcgr. bras. 225. t. 225. Buff. hiſt. nat. X. p. 141. pl. 29. Penn. ſyn. p. 331. n. 260.

Il habite dans l’Amérique méridionale & au Congo. Il ſe couvre de ſa queue en dormant, il s’en garantit de même contre la pluie.

Bande noire ſur la poitrine & les côtés du corps. Queue très-velue, à longs poils, plats & ſans rondeur. Les habitans de l’Amérique mangent la chair de cet animal.

IV. Le Tamandua. Myrmecophaga tetradactyla.

Pieds de devant à quatre doigts ; ceux de derrière à cinq doigts. Queue chauve.

Schreb. Saeugth. 2. p. 205. t. 66. Briſſ. quad. 26. Buff. hiſt. nat. X. p. 144. Penn. ſyn. p. 332. n. 261.

Il habite dans l’Amérique méridionale. Il rode de nuit ; dort le jour. Irrité, il ſe ſaiſit du bâton dont on le menace. Il repoſe en dormant ſur ſes pieds de derriere, & ronfle pendant ſon ſommeil. Extrêmité de la queue chauve, au moyen de laquelle il peut ſe ſuſpendre aux branches des arbres. Bande noire ſur la poitrine & les côtés du corps.

V. Le Fourmilier du Cap. Myrmecophaga capenſis.

Pieds antérieurs à quatre doigts ; muſeau long ; oreilles grandes, pendantes ; queue plus courte que le corps, amincie à ſon ſommet.

Pall. miſcell. Zool. n. 6.

Il habite au cap de Bonne-Eſpérance. Il eſt plus grand que les autres Fourmiliers, au point que Kolbe le compare à un cochon & dit ſon poids être de cent livres. Il fouit la terre, dort de jour, rode de nuit

Les Fourmiliers vivent de fourmis, dont ils déterrent les nids avec leurs ongles ; y inſinuant enſuite leur longue langue, ils la retirent couverte de ces inſectes qu’ils avalent : on les apprivoiſe ; ils vivent long-tems ſans manger, dorment pendant le jour, la tête cachée entre les bras ; ſortent de nuit. Leur fourrure eſt très-épaiſſe.

GENRE X.

PHOLIDOTE.
Point de dents.
Langue ronde longue & extenſile.
Muſeau rétréci en bec.
Corps couvert en deſſus d’écailles mobiles, oſſeuſes.

I. Le Pangolin. Manis pentadactyla.

Pieds à cinq doigts, ou ongles.

Act. Stockh. 1749. p. 265. t. 6. f. 3. Schreb. Saeugth. 2. p. 210. t. 69. Briſſ. quad. 29. Bont. jav. p. 60. Petiv. gaz. 32. t. 20. f. 2. Seb. Muſ. 1. p. 88. t. 54. f. I. & t. 53. f. 4. Herm. Muſ. 295. Buff. hiſt. nat. X. p. 180. pl. 34. Penn. ſyn. p. 329.

Il habite en Guinée, dans la Chine, dans l’Inde ; & dans les îles de l’Ocean Indien.

II. Le Phatagin. Manis tetradaclyla.

Pieds à quatre doigts, ou ongles.[9]

Schreb. Saeugth. 2. p. 211. t. 70. Briſſ. quad. 31. Cluſ. exot. 374. Aldr. ovip. dig. 668. t. 667. Grew. rar. p. 46. Penn. ſyn. p. 328. n. 258. Buff. hiſt. nat. X. p. 180. pl. 34.

Il habite dans l’Inde.

Les Pholidotes ſe nourriſſent de fourmis, de vers, de lezards ; ils ſont muets, marchent lentement, creuſent la terre, cherchent de nuit leur nourriture ; étant irrités, leurs écailles ſe redreſſent, mais ayant peur, ils ſe ramaſſent en boule, la tête & la queue pliées ſous le ventre, de façon qu’ils ne paroiſſent qu’un globe couvert d’écailles tranchantes. Leur chair eſt mangeable ; leur queue eſt graſſe, recherchée dans les feſtins. Corps couvert en deſſus, en forme de cône de pin, d’écailles ſtriées à leur baſe, & entre-mêlées de ſoies, (dans le pangolin) pileux en deſſous (dans le phatagin.) Queue écailleuſe embriquée. Oreilles nues arrondies. Ongles intermédiaires des pieds antérieurs plus grands, qu’ils retirent en marchant. Ils ſont ſi voiſins des Fourmiliers, qu’il ne different guère que par leur vêtement.

GENRE XI.

TATOU.
Point de dents canines.
Dents molaires courtes, cylindriques, au nombre de ſept ou huit de chaque côté.
Corps encuiraſſé d’un têt oſſeux, entrecoupé de bandes.

I. Le Kabaſſou. Daſypus unicinctus.

Têt diviſé en trois parties[10] ; pieds à cinq doigts.

Briſſ. quad. 43. Schreb. Saeugth. 2. p. 225 t. 75. 76. f. 11. 12. Seb. muſ. 1. p. 47. t. 30. f. 3. 4. Buff. hiſt. nat. X. p. 218. pl. 40. Penn. quad. p. 326. n. 256.

Il habite en Afrique[11].

Cuiraſſe antérieure du dos compoſée de ſept rangs de petits boucliers, celle de la croupe formée de neuf rangs.

II. Le Cirquinçon. Daſypus 18cinctus.

Bouclier ſimple ; (dix huit bandes mobiles.}

Il habite…

Eſt-il réellement diſtingué du Cheloniſque & du Tatou à dix huit bandes de Molina hiſt. nat. du Chili L. 4. p. 271, où il lui donne quatre doigts aux pieds de devant ?
(On diſtingue aiſément cette eſpece des autres en ce qu’elle n’a point de grand bouclier derrière, mais depuis le bouclier antérieur juſqu’à la queue, le têt oſſeux eſt diviſé en dix huit bandes jointes enſemble par une peau membraneuſe. Briſſon)

III. L’Apar. Daſypus tricinctus.

Trois bandes mobiles, pieds à cinq doigts. (Ongle extérieur des pieds de devant fait en forme d’ergot.

Houtt. nat. 2. p. 280. t. 16. f. 2. Schreb. Saeugth. 2. p. 215 ; t. 71. A. 76. 1. 2. Briſſ. quad. 24. Red. exper. 91. t. 92. Seb. muſ. 1. p. 62. t. 38. f. 2. 3. Marcg. bras. 232. Cluſ. exot. 109. Grew. muſ. 17. Buff. hiſt. nat. X. p. 206.

Il habite au Bréſil. Il ſe nourrit de mélons, de patates, de poules.

La bande intermédiaire de la cuiraſſe eſt la plus étroite ; ſa ſuperficie ainſi que celle des autres bandes, auſſi bien que des écailles dont les boucliers ſont compoſés, eſt noueuſe ou garnie de petites éminences lenticulaires.

IV. Le Cheloniſque. Daſypus quadricinctus.

Quatre bandes mobiles.

Briſſ. quad. 25. Column. aquat. 2. p. 15. t. 16.

Eſt-ce une variété du précédent ? Le Tatou à quatre bandes de Molina hiſt. nat. Chil. L. 4. p. 270. en eſt-il différent ?

V. L’Encoubert. Daſypus ſexcinctus.

Six bandes mobiles ; pieds à cinq doigts.

Muſ. Ad. Frid. 7. Schreb. Saeugth. 2. p. 218. t. 71. B. Briſſ. quad. 25. Raj. quad. 233. Marcg. Bras. p. 231. Olear. muſ. p. 7. t. 6. f. 4. Cluſ. exot. 330. Buff. hiſt. nat. X. p. 209. pl. 42.

Il habite dans l’Amérique méridionale. Sa chair eſt mangeable. Il vit de melons & d’autres fruits, de patates & d’autres racines ; il fait beaucoup de dégâts dans les plantations. La nuque du cou eſt auſſi couverte d’un bouclier. Penis en ſpirale, à gland plane, comprimé, bordé.

VI. Le Tatou à ſept bandes. Daſypus ſeptem-cinctus.

Sept bandes ; pieds antérieurs à quatre doigts, ceux de derrière à cinq doigts.

Amoen. acad. 1. p. 281. Schreb. Saeugth. 2. p. 220. t. 72. 76. f. 3. 4. Geſn. quad. 103.

Il habite dans l’Amérique méridionale.

Bouclier antérieur échancré par devant. Six bandes ſeulement mobiles.

VII. Le Tatuète. Daſypus octocinctus.

Huit bandes mobiles, deux boucliers.

Schreb. Saeugth. 2. p. 222. t. 73. 76. f. 5. 6. Briſſ. quad. 27. Hernand. mex. p. 314. Buff. hiſt. nat. X. p. 212.

Cette eſpece & la précédente ſont-elles véritablement diſtinctes ? le Tatou à huit bandes de Molina hiſt. nat. chil. L. 4. p. 271. qui a cinq doigts aux pieds poſtérieurs, en differe-t-il ?

VIII. Le Cachicame. Daſypus novem-cinctus.

Neuf bandes mobiles ; pieds de devant à quatre doigts, ceux de derrière à cinq doigts.

Muſ. Ad. Frid. 6. Houtt. nat. 2. p. 284. t. 16. f. 3. Schreb. Saeugth. 2. p. 223. t. 74. 76. f. 7–10. Briſſ. quad. 42. Geſn. quad. p. 935. Marcg. Braſ. p. 235. Seb. muſ. 1. p. 45. t. 29. f. 1. Nieremb. hiſt. nat. p. 158. f. ſup. Grew. muſ. p. 18. Buff. hiſt. nat. X. p. 215. pl. 37.

Il habite dans l’Amérique méridionale ; on le trouve ſurtout fréquemment en Guiane. Sa chair eſt bonne à manger. Le Tatou à onze bandes de Molina hiſt. nat. chil. L. 4. p. 271., ayant quatre doigts aux pieds de devant & cinq doigts à ceux de derrière, eſt-il une eſpece particuliere ?

Les Tatous ſe nourriſſent de racines, de mêlons, de patates, de viande, de poiſſon, d’inſectes, de lombrics ; ils ſortent de nuit, repoſent pendant le jour, fouiſſent la terre, ſont d’un naturel doux ; ils ſe défendent contre leurs ennemis au moyen de leur cuiraſſe qu’ils contractent en rond, ſe reſſerrant ainſi en boule. Leur patrie eſt particulièrement l’Amérique méridionale. Les femelles font des petits tous les mois.

  1. M. Marcellus Bles, ſeigneur de Moërgeſtel, dit dans une lettre écrite de Bois-le-Duc & inſérée par extrait dans les œuvres complettes du Comte de Buffon in-4o. v. IV. p. 274. d’avoir vu que la femelle pendant l’accouplement ſe courbe la tête & le cou & appuye les deux pieds & le devant du corps également courbés ſur la racine d’un arbre comme ſi elle ſe proſternoit par terre, les deux pieds de derrière reſtant debout & la croupe en haut, ce qui donne au mâle, quoique la partie naturelle de la femelle ſe trouve en effet placée preſque ſous le milieu du ventre, la facilité de la couvrir & d’en uſer comme les autres quadrupedes.
  2. Selon les voyageurs il paſſe pour conſtant que la femelle de l’Élephant porte deux ans, cependant le même M. Bles aſſure qu’il a été reconnu par les Hollandois de Ceylan que la durée de la geſtation n’eſt que de neuf mois.
  3. Mr. d’Aubenton a prouvé, que les défenſes & les os prodigieux qu’on attribuoit au Mammout, appartiennent (pour la plûpart) à l’Éléphant.
  4. Gomara hiſt. gen. cap. 31. raconte qu’on en avoit élevé & nourri un jeune dans un lac à Saint Domingue pendant vingt ſix ans, qu’il étoit ſi doux & ſi privé qu’il prenoit doucement la nourriture qu’on lui préſentoit, qu’il entendoit ſon nom, & que quand on l’appelloit, il ſortoit de l’eau & ſe trainoit en rampant juſqu’à la maiſon pour y recevoir ſa nourriture ; qu’il ſembloit ſe plaire à entendre la voix humaine, & le chant des enfans, qu’il n’en avoit nulle peur, qu’il les laiſſoit aſſeoir ſur ſon dos & qu’il les paſſoit d’un bord du lac à l’autre ſans ſe plonger dans l’eau & ſans leur faire aucun mal. Ce fait, ajoute M. de Buffon, ne peut être vrai dans toutes ſes circonſtances, car le Lamantin ne peut abſolument ſe traîner ſur la terre.
  5. Il paroît cependant au rapport des voyageurs, qu’il grimpe auſſi lentement qu’il marche.
  6. L’auteur dit que ſon cri eſt horrible ; je ne trouve point ce fait dans les autres naturaliſtes, il ſemble qu’il ne rend que le ſon triſte a, i, d’où vient ſon nom.
  7. Elles ſont plates, appliquées contre la tête & cachées ſous les poils.
  8. Briſſon dit qu’on le trouve dans les Indes Occidentales. Le genre du Fourmilier ne paroît pas être naturel à l’ancien continent. Il faut donc que Linné par le mot d’Inde ait entendu les Indes Occidentales ou l’Amérique, ou bien que ce ſoit une faute d’impreſſion.
  9. Selon Buffon le Phatagin a comme le Pangolin cinq doigts ou plutôt cinq ongles à tous les pieds ; mais le Phatagin a la queue beaucoup plus longue que le corps, au lieu que dans le Pangolin, elle n’excède pas cette longueur ; celui-ci a ſes pieds de devant garnis d’écailles juſqu’à l’extrêmité, tandis que le Phatagin a ſes pieds & même une partie des jambes de devant dégarnis d’écailles & couverts de poils.
  10. M. de Buffon dit dans une note, que ce qui a fait croire que cet animal n’avoit en effet le têt diviſé qu’en trois parties, c’eſt que les douze bandes mobiles de la cuiraſſe du corps ne paroiſſent pas auſſi diſtinctes & anticipent beaucoup moins les unes ſur les autres que dans les autres eſpeces, en ſorte que cette cuiraſſe paroît au premier coup d’œil comme ſi elle n’étoit que d’une ſeule piece, dont les rangs ſeroient immobiles comme ceux des boucliers, mais pour peu qu’on y regarde de plus près on voit que les bandes ſont mobiles entr’elles & qu’elles ſont au nombre de douze.
  11. Le célèbre naturaliſte cité dans la note précédente, rapporte que tous les tatous ſont originaires d’Amérique, que les voyageurs en parlent tous comme d’animaux naturels a particulière au Mexique, au Bréſil, à la Guiane &c., aucun d’eux ne diſant en avoir trouvé l’eſpece exiſtante en Aſie ni en Afrique. Il paroît que l’erreur de Linné à l’égard du Kabaſſou a pour origine l’indication de Seba.