Sur six médaillons du statuaire H. Chapu

Œuvres de Sully Prudhomme, poésies 1872-1878Alphonse Lemerre, éditeurPoésies 1872-1878 (p. 197-199).

Sur six médaillons


Du statuaire H. Chapu


I


Levant au ciel ses yeux pleins des divines fièvres,
Le Poète qui chante est près de fuir le sol,
Et l’essor entraînant de l’hymne sur ses lèvres
Imprime à tout son corps la courbure du vol.


II


Explorant l’infini sans déserter la terre,
Le Savant, scrutateur de l’abîme étoile,
Élève son flambeau jusqu’au plus haut mystère,
Et dans son livre ouvert le montre dévoilé.


III

L’Architecte, debout, armé de ses équerres,
Le pied sur une acanthe et les bras étendus,
Imposant l’ordre aux blocs savamment suspendus,
Prête un sourire auguste à la froideur des pierres.


IV

L’ardent Musicien, rivé d’âme et de corps
Au violon palpitant que son archet caresse,
Les doigts crispés, les yeux presque souffrants d’ivresse,
Semble expirer au charme irritant des accords.


V

Le Peintre vers Phœbus où radieuse éclate
L’ardeur qu’à sa palette il demandait en vain,
Se tourne, et, ravivant sa brosse au feu divin,
L’y trempe d’une main hardie et délicate.


VI

À la hauteur des dieux soulevé dans l’éther,
Le Sculpteur, qui médite une immuable forme,
Pour temple à sa pensée, en un paros énorme
Cisèle à tour de bras un front de Jupiter.