Pour les autres utilisations de ce mot ou de ce titre, voir Stances.
Les Poëtes français, Texte établi par Eugène CrépetGide, librairieTome troisième : troisième période : de Boileau à Lamartine (p. 378-379).


STANCES

écrites par ducis peu de jours avant sa mort


O beata solitudo
O sola solitudo[1] !
Saint Bernard


Heureuse solitude,
Seule béatitude,
Que votre charme est doux !
De tous les biens du monde,
Dans ma grotte profonde,
Je ne veux plus que vous !

Qu'un vaste empire tombe,
Qu'est-ce au loin pour ma tombe
Qu'un vain bruit qui se perd ;
Et les rois qui s'assemblent,
Et leurs sceptres qui tremblent,
Que les joncs du désert ?

Mon Dieu ! la croix que j'aime,
En mourant à moi-même,
Me fait vivre pour toi.
Ta force est ma puissance,
Ta grâce ma défense,
Ta volonté ma loi.

Déchu de l'innocence,
Mais par la pénitence


1

Encor cher à tes yeux,
Triomphant par tes armes,
Baptisé par tes larmes,
J'ai reconquis les cieux.

Souffrant octogénaire,
Le jour pour ma paupière
N'est qu'un brouillard confus.
Dans l'ombre de mon être,
Je cherche à reconnaître
Ce qu'autrefois je fus.

Ô mon père ! ô mon guide !
Dans cette Thébaïde
Toi qui fixas mes pas,
Voici ma dernière heure ;
Fais, mon Dieu, que je meure
Couvert de ton trépas !

Paul, ton premier ermite,
Dans ton sein qu'il habite,
Exhala ses cent ans.
Je suis prêt; frappe, immole.
Et qu'enfin je m'envole
Au séjour des vivants.

  1. Ducis aurait pu ajouter cette autre épigraphe que je glane dans une de ses lettres à Lemercier : « Pourvu que mon vrai moi vive, il y a un autre moi que j’abandonne. L’air de ce globe n’est pas bon ; ce soleil-ci n’est pas le véritable , je m’attends à mieux. »