Premiers Analytiques

Logique d’Aristote - tome II - Premiers analytiques
traduite en français pour la première fois et accompagnée de notes perpétuelles par J. Barthélemy Saint-Hilaire
Traduction par Jules Barthélemy-Saint-Hilaire.
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Texte établi par Jules Barthélemy-Saint-HilaireLibraire de Ladrange.
AVERTISSEMENT

Des six parties distinctes dont se compose l’Organon, les Premiers Analytiques sont la plus importante peut-être, et la plus parfaite. La théorie du syllogisme est le centre de toute la logique. C’est à elle que viennent aboutir, comme préliminaires, les Catégories et l’Herméneia ; et elle a pour conséquences, les Derniers Analytiques, les Topiques et les Réfutations des Sophistes. Sans elle, la théorie des éléments simples de la proposition, comme celle de la proposition elle-même, celle de la démonstration, et enfin celle de la discussion régulière ou sophistique, sont incomplètes ou obscures. La théorie du syllogisme unit et éclaircit tout ce qui la précède et tout ce qui la suit. C’est ce qui m’a déterminé à publier d’abord les Premiers Analytiques.

Je n’ai point reproduit le texte, parce qu’il est, en général, très-pur, et que je crains d’augmenter le nombre, déjà si considérable, des volumes qui formeront la traduction générale d’Aristote.

Voici l’ordre et le contenu des trois autres, qui donneront, après celui-ci, le reste de la Logique : le 3e renfermera les Derniers Analytiques ; le 4e, les Topiques et les Réfutations des Sophistes ; le 1er enfin, les Catégories et l’Herméneia, avec le traité de Porphyre, précédés d’une introduction, où la logique d’Aristote sera comparée à celle de Kant et de Hégel. J’espère terminer, dans le courant de l’année prochaine, cette traduction de l’Organon : elle est préparée dès longtemps ; il ne me reste plus qu’à y mettre la dernière main, et à y joindre des notes, comme je l’ai fait pour la portion que je soumets aujourd’hui au jugement du public.

Je ne dois rien à mes devanciers pour la traduction elle-même, puisqu’elle est la première en son genre. La paraphrase, ou plutôt l’extrait de Canaye, publié à la fin du seizième siècle, n’a pu m’être d’aucun secours. Mais, pour l’intelligence du texte, j’ai les plus grandes obligations, d’abord aux commentateurs grecs, Alexandre d’Aphrodise en tête, puis à ceux du moyen-âge, arabes ou européens, Averroës et Albert-le-Grand ; et enfin à ceux de la Renaissance, Pacius et Lucius, dignes héritiers de tous les travaux précédents. Leur appui constant m’a soutenu dans cette difficile carrière. Sans eux, le chemin m’eût été bien plus pénible encore et bien plus long.

La traduction des Premiers Analytiques m’a coûté, à elle seule, près de deux années de travail. Mes peines seront amplement récompensées, si, comme j’ose

l’espérer, il est possible désormais d’étudier et de connaître, en langue française, la logique péripatéticienne.

B. SAINT-HILAIRE.

16 Mars 1839.


PLAN GÉNÉRAL DES PREMIERS ANALYTIQUES.


L’objet commun des deux Analytiques, c’est la place de la démonstration. Toute démonstration vient d’un syllogisme. La théorie du syllogisme doit toujours précéder la théorie de la démonstration. La théorie du syllogisme est l’objet spécial des Premiers Analytiques, comme la théorie de la démonstration est l’objet des Derniers.


LIVRE PREMIER

SECTION PREMIÈRE


FORMATION DU SYLLOGISME


Le syllogisme est une énonciation dans laquelle certaines propositions étant posées, on en conclut nécessairement quelque autre proposition différente de celles-là, par cela seul que celles-là sont posées. Le syllogisme est complet, lorsque la conséquence nécessaire ressort directement de ces données mêmes ; il est incomplet, lorsque, pour obtenir la conclusion nécessaire, il faut faire subir quelque changement de forme aux propositions initiales. De même que le syllogisme se compose de deux propositions, de même la proposition se compose de deux termes : le sujet et l’attribut. La proposition affirme ou nie ; elle est universelle ou particulière, selon que le sujet en est pris dans toute son extension ou dans une partie de son extension. Le sujet est d’ailleurs toujours compris dans la totalité ou l’extension de l’attribut, de même que l’attribut est renfermé dans la compréhension du sujet.

Pour ramener un syllogisme incomplet à être complet, on emploie la conversion. La conversion garde les deux termes de la proposition ; mais du sujet elle fait l’attribut ; et de l’attribut, elle fait le sujet. Tantôt elle change, tantôt elle conserve la quantité de la proposition. Ainsi, d’une proposition universelle affirmative, elle fait une particulière affirmative ; et d’une proposition universelle négative, elle fait encore une universelle négative ; de même que d’une particulière affirmative, elle fait aussi une proposition de semblable espèce. La conversion ne peut rien sur la proposition particulière négative.

La conversion ne s’applique pas seulement aux propositions absolues ; elle s’applique aussi aux propositions modales. Parmi les modales, on ne distinguera que celles qui affectent l’existence d’un caractère de nécessité, et celles qui l’affectent d’un caractère de contingence. Pour les modales nécessaires, les règles sont entièrement les mêmes que pour les propositions absolues ; pour les modales contingentes, les règles changent avec le sens même qu’on attache à contingent. Lorsque le contingent signifie ce qui n’est pas toujours, mais qui peut être ou ne pas être de telle ou telle façon, les propositions modales qu’il forme se convertissent à l’inverse des propositions absolues ; c’est-à-dire que l’universelle négative se convertit en particulière, et que la particulière négative qui ne se convertissait pas se convertit en ses propres termes. Les affirmatives contingentes suivent d’ailleurs la règle générale.

Lorsque trois termes sont entre eux dans ce rapport que le premier contienne le second qui contient le troisième, ces trois termes forment un syllogisme de la première figure. Le premier terme se nomme le majeur, comme étant le plus étendu des trois ; le second se nomme le moyen parce que son étendue tient le milieu entre celle du premier et celle du troisième ; enfin, celui-ci se nomme le mineur, parce que son étendue est moindre que celle des deux autres. Le premier et le dernier se nomment aussi les extrêmes. Comme toute proposition se compose de deux termes, et que l’attribut est plus étendu que le sujet, la proposition qui renfermera le majeur avec le moyen formera la majeure du syllogisme ; la proposition qui renfermera le mineur avec le moyen, sera la mineure ; enfin, la conclusion ne renfermera que le mineur et le majeur. Dans la première figure, où ces relations du moyen et des extrêmes devront toujours être conservées, certaines combinaisons des propositions pourront donner une conclusion ; certaines autres n’en donneront pas. La majeure, avec les quatre formes diverses qu’elle peut recevoir en tant que proposition, et la mineure qui en reçoit autant qu’elle et au même titre, forment, réunies ensemble, seize combinaisons possibles. De ces seize combinaisons, douze ne donnent point de conclusions dans la première figure et sont inutiles ; quatre donnent des conclusions ; et ces quatre conclusions représentent les quatre formes possibles de la proposition : universelle affirmative, universelle négative, particulière affirmative, particulière négative. De plus, tous les syllogismes de la première figure sont complets ; car, pour obtenir la conclusion nécessaire et évidente, il n’est pas besoin de faire subir de changement aux propositions initiales.

Au lieu d’être intermédiaire aux deux termes, sujet du majeur et attribut du mineur, le moyen peut être placé en dehors des extrêmes. Quand il leur sert à tous deux d’attribut, c’est la seconde figure. Des seize combinaisons que la majeure et la mineure réunies peuvent encore ici former entre elles, douze sont inutiles, comme dans la première figure, attendu qu’elles ne donnent pas de conclusions ; quatre donnent des conclusions ; et, de ces quatre conclusions, deux sont universelles négatives, et deux sont particulières négatives. Ainsi la seconde figure n’a point de conclusion affirmative. De plus, tous les syllogismes y sont incomplets ; car, pour y rendre la conclusion évidente, il faut leur appliquer la conversion ou la réduction à l’absurde. La conversion les ramène alors aux modes utiles de même espèce de la première figure, modes qui, sans aucun changement des termes, portent avec eux l’évidence de leur conclusion.

Au lieu d’être attribut des extrêmes, le moyen peut être sujet des deux ; c’est alors la troisième figure. Des seize combinaisons que peuvent former la majeure et la mineure, dix sont inutiles comme ne donnant pas de conclusion ; six sont utiles parce qu’ils en donnent. De ces six conclusions, trois soit particulières affirmatives, et trois sont particulières négatives. Ainsi, la troisième figure n’a point de conclusion universelle. De plus, tous les syllogismes y sont incomplets ; et ils sont ramenés, comme ceux de la seconde, et par les mêmes procédés qu’eux, aux modes de même espèce de la première.

Dans aucune des trois figures, il n’y a de conséquence nécessaire, quand les deux propositions sont particulières. Il se peut dans certains modes, qui tous sont particuliers négatifs, que le mineur soit attribué au majeur. La conclusion est alors indirecte, puisqu’elle est opposée à la conclusion directe et régulière dans laquelle, au contraire, le majeur est attribué au mineur. Ces modes indirects se ramènent tous aux modes de même espèce de la première figure, par la conversion, soit de l’une des propositions, soit des deux ; et de plus, par la transposition des prémisses. — Dans tous les syllogismes, la proposition indéterminée aura la même valeur que la proposition particulière. — Les syllogismes, quels qu’ils soient, peuvent toujours être ramenés aux syllogismes universels de la première figure, soit par la conversion, soit par la réduction à l’absurde. Les deux syllogismes particuliers de cette même figure, tout complets qu’ils sont par eux-mêmes, peuvent aussi être ramenés à ces deux modes universels, par la réduction à l’absurde dans la seconde. Donc, en résumé, tous les modes des trois figures peuvent être ramenés aux deux modes universels, affirmatifs et négatifs, de la première.

Après les syllogismes formés de propositions absolues, viennent les syllogismes formés de propositions modales ; car ce sont là les deux seules espèces que l’on a distinguées dans la nature de la proposition. Lorsque, dans chacune des figures, les deux propositions sont modales nécessaires, les règles des syllogismes à propositions absolues leur sont applicables.

Mais l’une des propositions peut être absolue et l’autre nécessaire, dans la première figure. La conclusion alors est modale nécessaire, quand c’est la majeure qui est nécessaire, et la mineure, absolue. La conclusion au contraire est absolue, si la majeure est absolue, et la mineure, nécessaire.

Dans la seconde figure, la conclusion est modale nécessaire, lorsque celle des prémisses, qui est universelle négative, est aussi modale nécessaire. La conclusion est absolue, quand c’est la majeure affirmative, soit universelle, soit particulière, qui est nécessaire.

Enfin, dans la troisième figure, la conclusion est modale nécessaire et affirmative, quand la proposition universelle, soit majeure, soit mineure, est nécessaire ; elle est nécessaire négative, quand la proposition universelle et nécessaire est aussi négative.

En comparant l’absolu et le nécessaire, on voit que, de prémisses absolues, on ne peut tirer qu’une conclusion absolue, tandis qu’on peut obtenir une conclusion modale nécessaire, quand l’une des deux propositions seulement est modale nécessaire. Du reste, dans les conclusions de mode absolu ou de mode nécessaire, il faut toujours que l’une des deux propositions au moins soit pareille à la conclusion.

Les propositions modales contingentes ont ceci de particulier, qu’outre la conversion ordinaire, elles peuvent encore en recevoir une autre, par laquelle le mode ne change pas de qualité, tandis que le sujet du mode en change ; en d’autres termes, une proposition contingente peut passer de l’affirmative à la négative ; et réciproquement. C’est qu’en effet l’idée de contingent implique l’idée de non-être, tout aussi bien que l’idée d’être. Le contingent est précisément tout ce dont la supposition n’implique aucune absurdité. Donc, n’étant pas nécessaire, il peut ne pas être tout aussi bien qu’il peut être.

Avec deux propositions contingentes dans la première figure, on obtient toujours une conclusion régulière contingente, en observant les règles de cette figure. On peut même, tout en les violant, c’est-à-dire, en admettant une mineure négative, obtenir encore une conclusion, au moyen de la conversion spéciale des contingentes ; car la conversion peut rendre cette mineure affirmative.

Lorsque l’une des propositions est contingente et l’autre absolue dans la première figure, on obtient une conclusion régulière contingente, pourvu que la majeure soit universelle ; on n’obtient point de conclusion, si la majeure est particulière, ou si c’est la mineure qui est universelle.

Lorsque l’une des propositions est contingente et l’autre nécessaire dans la première figure, les règles sont les mêmes que lorsque l’une des propositions est contingente et l’autre absolue. Seulement, avec une majeure absolue universelle négative et une mineure contingente, on n’obtient qu’une conclusion contingente ; avec une majeure nécessaire négative et une mineure contingente, la conclusion peut être soit contingente, soit absolue. Du reste, quand c’est la majeure qui est nécessaire, et la mineure, contingente, les conclusions sont indirectes ; et elles se complètent par la conversion spéciale des contingentes.

Avec deux propositions contingentes, dans la seconde figure, on ne peut jamais obtenir de conclusion ; car on ne pourrait ramener les syllogismes de ce genre à ceux de la première figure.

Lorsque l’une des propositions est absolue et l’autre contingente dans la seconde figure, le syllogisme est impossible, si la proposition absolue est affirmative ou particulière négative. Le syllogisme a lieu, si cette proposition est universelle et négative.

Lorsque l’une des propositions est contingente et l’autre nécessaire dans la seconde figure, le syllogisme est possible, si la proposition négative est universelle et nécessaire. Il ne peut avoir lieu, si c’est l’affirmative qui est nécessaire.

Avec deux propositions contingentes dans la troisième figure, on peut obtenir la conclusion contingente dans les six modes de cette figure, pourvu que la majeure ne soit pas particulière ; et si la mineure est négative, on peut encore obtenir une conclusion contingente, par la conversion spéciale des contingentes appliquée à cette mineure.

Lorsque l’une des propositions est contingente et l’autre absolue dans la troisième figure, la conclusion est contingente dans les six modes de cette figure.

Lorsque l’une des propositions est contingente et l’autre nécessaire dans la troisième figure, le syllogisme ne peut avoir lieu, si la majeure est contingente et affirmative, et la mineure, nécessaire et négative.

Tous les syllogismes, quels qu’ils soient, se forment dans les trois figures, et sont ramenés, par conséquent, aux deux modes universels de la première. Ceci est vrai des syllogismes ostensifs, et l’est également pour les syllogismes hypothétiques. D’abord, pour le syllogisme ostensif, il faut supposer au moins une première proposition ; car, sans proposition, pas de syllogisme. Il faut de plus que cette proposition soit différente de la conclusion ; car autrement on prouverait le même par le même ; ce qui serait ne rien prouver. D’une seule proposition, il est impossible de tirer régulièrement une conclusion nécessaire ; il faut donc au moins deux propositions. Ces propositions, pour être syllogistiques, doivent avoir un terme intermédiaire qui les unisse et enchaîne les attributions.

Soit, en effet, une conclusion à prouver ; cette conclusion se composera nécessairement de deux termes. Si aucun de ces deux termes n’entre dans les propositions, il est évident que ces propositions ne se rapportent pas à la conclusion. Si l’un des deux termes seulement entre dans les propositions, il formera avec un troisième terme une proposition nouvelle ; mais si cette proposition nouvelle ne se rapporte pas au second terme de la conclusion initiale, le premier terme ne sera pas joint syllogistiquement au second terme de cette conclusion. Le nouveau terme pourra bien, avec le premier, et d’autres encore, former un ou plusieurs syllogismes ; mais ces syllogismes ne donneront jamais la conclusion cherchée qui renferme le premier terme joint au second. On ajouterait autant de termes qu’on voudrait, qu’on n’arriverait point encore à cette conclusion. Il faut donc que ce nouveau terme soit joint dans les propositions, non pas seulement à l’un des termes de la conclusion, mais qu’il soit joint aux deux ; autrement, il n’y a pas de syllogisme. Or, il n’y a que trois rapports possibles du moyen aux extrêmes ; ou il est sujet de l’un et attribut de l’autre : ou il est attribut des deux : ou il est sujet des deux. Il n’y a point de quatrième rapport possible ; et c’est là précisément la base des trois figures du syllogisme. Les syllogismes qui, au lieu de conclure ostensivement, concluent par réduction à l’absurde, sont en cela soumis à la même loi que les syllogismes ostensifs. C’est par un syllogisme ostensif qu’ils déduisent la conclusion absurde ; et c’est seulement par hypothèse, qu’est prouvée la conclusion initiale. Les syllogismes par réduction à l’absurde, ne sont qu’une espèce du syllogisme hypothétique. Or, dans tout syllogisme hypothétique, la conclusion est prouvée par hypothèse, comme la conclusion initiale que doit prouver le syllogisme par réduction à l’absurde. Donc, les syllogismes hypothétiques se forment dans l’une des trois figures, tout comme les syllogismes par l’absurde, tout comme les syllogismes ostensifs. Donc, en résumé, tous les syllogismes se forment nécessairement par ces figures qui ne peuvent être plus de trois.

Une condition commune à tous les syllogismes sans exception, c’est qu’il faut de toute nécessité que l’un des termes soit affirmatif, et que l’un des termes soit universel ; autrement, il n’y a point de conclusion nécessaire, ni avec deux négatives, ni avec deux particulières. Pour obtenir une conclusion universelle, il faut que les deux propositions soient universelles. La conclusion particulière peut être tirée de propositions universelles. Enfin, la conclusion est toujours semblable, soit aux deux propositions, soit au moins à l’une d’elles. Quand la conclusion est affirmative, il faut que les deux propositions le soient comme elle ; quand la conclusion est négative, il suffit que l’une des propositions seulement soit négative.

Tout syllogisme se compose de trois termes et pas plus. Du moment qu’il y a plus de trois termes, il y a aussi plus d’un syllogisme ; ce qui n’empêche pas qu’une même conclusion ne puisse s’obtenir par plusieurs moyens, et conséquemment par plusieurs syllogismes. Si donc il y a plus de trois termes, ceux qui seront en surnombre seront parfaitement inutiles. Ainsi, les termes sont toujours un de plus que les propositions. Les conclusions sont toujours la moitié des propositions. Dans les syllogismes composés, le nombre des termes dépassera toujours également de un celui des propositions ; mais le nombre des conclusions croîtra dans une progression beaucoup plus rapide. En effet, en ajoutant un nouveau terme, on ajoute une seule proposition nouvelle ; mais on ajoute autant aux conclusions qu’il y avait de termes avant ce dernier. Ainsi, en ajoutant un quatrième terme, on aura trois conclusions. Ce rapport reste le même, quel que soit d’ailleurs le nombre des termes qu’on ajoute.

On a pu remarquer que certaines espèces de conclusions étaient obtenues dans plusieurs figures. Ces conclusions seront d’autant plus faciles à établir syllogistiquement que le nombre des figures qui les donnent sera plus grand : et d’autant plus difficiles, qu’il sera plus petit. La conclusion universelle affirmative, qui ne s’obtient que dans un seul mode et une seule figure, sera la plus difficile à établir, et la plus facile à réfuter ; et en général, l’universel est bien plus difficile à conclure que le particulier ; l’affirmatif, que le négatif. L’universel affirmatif peut en effet être réfuté par son contraire, l’universel négatif ; ou par son contradictoire, le particulier négatif ; c’est-à-dire qu’il peut être réfuté dans neuf modes. L’universel négatif ne l’est que dans cinq ; le particulier affirmatif ne l’est que dans trois ; le particulier négatif ne l’est que dans un seul, c’est-à-dire, dans l’universel affirmatif. C’est que le particulier ne peut être réfuté que par son contradictoire, attendu qu’il renferme dans son extension l’un des contraires aussi bien que l’autre. Ainsi, l’universel est très difficile à prouver et très facile à réfuter ; le particulier tout au contraire. En général, il est toujours plus facile de réfuter que de prouver.

SECTION SECONDE


RECHERCHE DU TERME MOYEN


Dans toute conclusion deux termes sont donnés. Il s’agit donc uniquement de trouver, pour construire le syllogisme régulier, le troisième terme, destiné à unir les deux autres. Ce troisième terme est le moyen, qui fournira les deux propositions. Il ne suffit pas de connaître les formes du syllogisme, il faut encore savoir, au besoin, le former soi-même. Or, dans la nature il est des choses qui sont toujours et uniquement sujets, sans pouvoir jamais être attributs. D’autres, au contraire, sont toujours attributs, sans pouvoir jamais être sujets. D’autres, enfin, peuvent être à la fois et sujets et attributs. Les premières sont les individus, c’est-à-dire, tous les êtres qui tombent sous nos sens ; les secondes sont les genres ; et les troisièmes, les espèces. L’individu ne peut jamais être que sujet ; car son extension est réduite à lui-même, et ne peut comprendre autre chose que lui. Le genre, placé à l’autre extrémité, renferme tous les termes inférieurs, et n’est lui-même renfermé par aucun, puisqu’il est le plus étendu de tous. Enfin, l’espèce renferme les individus et est renfermée elle-même par le genre. Ainsi, l’espèce est le moyen relativement aux deux extrêmes, qui sont le genre et l’individu. Le genre ne peut jamais être qu’attribut ; l’espèce peut être attribut et sujet. C’est donc sur l’espèce que porteront presque toutes les recherches et les discussions de la dialectique. Deux termes donc étant donnés, qu’il s’agit d’unir, il faut regarder aux antécédents, aux conséquents, et aux répugnants de l’un et de l’autre. Les antécédents seront les sujets ; les conséquents seront les attributs, car l’attribut ne peut venir qu’après le sujet ; les répugnants sont les choses qui ne conviennent point à la chose en question, ou auxquelles cette chose ne convient point : ceci, du reste, revient au même, attendu que la proposition universelle négative se convertit en ses propres termes. Il faudra d’ailleurs distinguer avec soin les conséquents et les antécédents essentiels, des accidentels, comme les vrais, des probables. Il faudra de plus les prendre universels, parce qu’il n’y a pas de syllogisme sans universel ; mais la marque d’universalité sera toujours placée au sujet de la proposition, et ne le sera jamais à l’attribut. Quand on ne pourra trouver, suivant la question, des conséquents et des antécédents d’existence perpétuelle, il faudra prendre au moins les plus habituels. On voit, en outre, qu’on ne pourra prendre les conséquents des deux termes de la question ; car alors on formerait un syllogisme irrégulier de la seconde figure, où les deux propositions seraient affirmatives.

Soit donc à prouver une conclusion universelle affirmative, c’est-à-dire, soit une proposition formée de deux termes, dont l’attribut doit être affirmé du sujet pris dans toute son extension. Le moyen sera un antécédent du majeur et un conséquent du mineur. Du moment donc qu’en examinant les antécédents et les conséquents des deux, on aura rencontré un terme identique, ce sera précisément le moyen cherché ; et l’on pourra construire le syllogisme dans le premier mode de la première figure. Soit ensuite à prouver une conclusion particulière affirmative. Il faut chercher parmi les antécédents des deux termes de la question ; et dès que parmi eux, on aura rencontré un terme identique de part et d’autre, ce terme sera le moyen. Le syllogisme se formera dans le premier mode de la troisième figure. Soit à prouver une conclusion universelle négative. On peut chercher, soit, parmi les conséquents du mineur et les répugnants du majeur, soit, à l’inverse, parmi les conséquents du majeur et les répugnants du majeur. Seulement, dans le premier cas, le syllogisme se forme dans le second mode de la première figure, ou dans le premier de la seconde ; dans l’autre cas, le syllogisme se forme dans le second mode de la seconde. Enfin, soit à prouver une conclusion particulière négative. Il faut chercher parmi les antécédents du mineur et les répugnants du majeur un terme identique de part et d’autre ; et ce sera le terme moyen qui donne le syllogisme dans la troisième figure. Ainsi, pour tout syllogisme, le moyen ne doit être cherché que dans les antécédents, les conséquents, et les répugnants, des deux termes de la question qui doit être prouvée. — On ne pourra établir de syllogisme, si l’on cherche entre les moyens et les extrêmes d’autres rapports que ceux qui viennent d’être indiqués. Il n’y a donc point de syllogisme, si le moyen est conséquent des deux extrêmes. Il n’y en a point, s’il est antécédent du majeur et répugnant du mineur ; car alors le syllogisme, qui est formé dans la première figure, aurait sa mineure négative, ce qui est impossible. Il n’y a point de syllogisme, si le moyen est répugnant des deux termes ; car alors les deux propositions sont négatives, ce qui ne donne de syllogisme dans aucun mode d’aucune figure. Si, au lieu d’un seul moyen entre les extrêmes, on en prenait plusieurs, il y aurait alors plus d’un syllogisme.

Cette théorie de la recherche du moyen est applicable, non seulement aux syllogismes ostensifs, mais aussi aux syllogismes par réduction à l’absurde, et en général aux syllogismes hypothétiques. Elle est applicable au syllogisme composé de propositions modales, comme elle l’est au syllogisme composé de propositions absolues.

On peut ajouter que cette méthode de recherche s’étend au-delà du syllogisme lui-même, et qu’il n’est pas un seul développement de l’esprit, soit dans les sciences, soit dans les arts, qui ne puisse en profiter. Les principes spéciaux de chaque science ne peuvent être donnés que par l’observation ; mais ces principes une fois connus, c’est-à-dire, une fois les deux termes de la question donnés, la méthode s’applique à l’un et à l’autre ; et la démonstration syllogistique se charge d’en prouver les rapports.

La méthode de division dont on faisait usage antérieurement à celle qui vient d’être indiquée, n’en est qu’une bien faible partie. La méthode de division n’est, à vrai dire, qu’un syllogisme impuissant. D’abord, elle suppose toujours ce qui est à démontrer, c’est-à-dire qu’elle fait une hypothèse, et non point une démonstration. Elle conclut toujours un terme plus étendu que celui qu’il s’agit de conclure. Dans les démonstrations régulières, on descend toujours du majeur au moyen terme, qui est moins étendu que lui. La méthode de division, au contraire, prend toujours l’universel pour moyen. Si elle a, par exemple, à prouver que l’homme est mortel, elle établit d’abord que tout animal est mortel ou immortel ; elle ajoute que tout homme est animal ; et elle en conclut que l’homme est mortel ou immortel. Mais ce n’est point là ce qu’il vous faut prouver. L’homme est-il mortel ? oui, répondrez-vous. Mais cette conclusion, ce n’est pas votre impuissant syllogisme qui vous l’a donnée : il vous a dit seulement que l’homme était mortel ou immortel. Qu’il soit mortel, ce n’est donc là qu’une hypothèse ; ce n’est pas du tout une conclusion démontrée. Mortel ou immortel est plus étendu que mortel tout seul. Ainsi, vous concluez un terme plus général que celui qu’il s’agit de prouver. De plus, la méthode de division ne peut jamais donner de conclusion négative, puisque les deux propositions y sont toujours affirmatives ; car la différence est toujours affirmée du genre, comme le genre est affirmé de l’espèce. Ce n’est au fond qu’une pétition de principe. C’est bien cependant aussi une sorte de syllogisme, puisque si cette méthode ne prouve pas ce qui est à prouver, elle prouve du moins un terme supérieur, sous lequel est contenu le terme qu’elle cherche. Elle est tout à fait inapplicable dans les cas, du reste assez nombreux, où l’on ignore quel est celui des deux contraires qui appartient réellement à la chose. Enfin, cette méthode ne sert même pas beaucoup à la définition, à laquelle cependant elle semblerait convenir le mieux, précisément parce qu’elle fait une pétition de principe, et qu’elle ne donne pas toujours exactement la différence de l’espèce. Donc en définitive, la méthode des antécédents et des conséquents est bien la seule qui puisse fournir les éléments vrais de la démonstration.

SECTION TROISIÈME


ANALYSE DES SYLLOGISMES


Jusqu’ici l’on a étudié les syllogismes tout faits, soit dans leurs formes diverses, soit dans leur terme essentiel. Il s’agit maintenant de dégager les éléments du syllogisme, des éléments étrangers auxquels ils sont mêlés dans les discours et les raisonnements ordinaires. C’est là ce qui constitue, à proprement parler, l’analyse. D’abord donc, il faut chercher les deux propositions du syllogisme. Ces deux propositions une fois trouvées, il faut ruminer laquelle est la majeure, laquelle est la mineure. Il faut voir, en outre, quelle est l’universelle, et quelle est la particulière. Par ces recherches, on reconnaîtra la figure spéciale du syllogisme ; car dans la première figure, par exemple, comme dans la seconde, la majeure est toujours universelle. Si, dans le discours qu’on analyse, l’une des deux propositions nécessaires au syllogisme a été omise, il faut la rétablir. Si, au contraire, on a donné plus de propositions qu’il n’en faut, on doit laisser de côté les propositions inutiles. Du reste, il faut bien prendre garde que toute conclusion nécessaire n’est pas, par cela seul, syllogistique ; elle peut être nécessaire, sans que les formes régulières aient été observées. Le syllogisme qui, au fond, est la seule forme possible de raisonnement, est caché dans ce cas ; et alors la conclusion est nécessaire par la pensée même, sans l’être cependant par la forme. Les propositions une fois obtenues, il faut les analyser en leurs termes. Et d’abord, il faut voir, parmi ces termes, quel est le moyen. On le reconnaîtra sans peine en ce qu’il est répété dans les deux propositions, et ne fait point partie de la conclusion ; les deux extrêmes, au contraire, entrent dans la conclusion, et ne sont posés qu’une seule fois chacun dans les propositions. La position du moyen indiquera du reste la figure du syllogisme. Toute énonciation qui ne présentera point cette répétition d’un même terme devra, par cela seul, être considérée comme n’étant point syllogistique. Enfin, la forme même de la proposition indiquera, indépendamment du moyen, la figure où elle peut être obtenue en conclusion. Ainsi, la seconde figure ne peut jamais donner de proposition affirmative ; la troisième ne peut jamais donner de proposition universelle.

Il faudra, du reste, ne pas confondre l’universel et l’indéterminé dans les termes. La proposition universelle et la proposition indéterminée sont séparées par une nuance à peine sensible ; et cependant, si l’on néglige cette nuance, il peut arriver souvent qu’on croie avoir conclu syllogistiquement, tandis qu’au fond on n’a point obtenu de conclusion véritable.

Une autre nuance, également légère, entre les termes, pourrait mener à de nouvelles erreurs ; ce serait de prendre des mots abstraits au lieu de mots concrets. La conclusion pourrait, dans ce cas, être fausse, bien que les propositions fussent vraies. Il faut toujours, dans l’analyse, substituer l’expression concrète à l’expression abstraite. Le syllogisme devient alors beaucoup plus évident, quelle que soit d’ailleurs la figure dans laquelle on le forme.

On ne doit pas croire non plus que les termes du syllogisme soient toujours exprimés en un mot unique et spécial. Parfois, le terme sera une proposition tout entière, une définition complète. En général, dans l’analyse, il faudra bien plus regarder à l’unité de pensée qu’à l’unité d’expression. Ceci concerne les trois termes en commun, mais surtout le terme moyen.

Les termes, quand l’analyse les considère isolément, sont toujours placés au cas direct, c’est-à-dire, au nominatif. Mais, dans les propositions, ils sont placés aux différents cas qu’exige la pensée. Parfois la majeure et la mineure ont leurs termes au même cas ; parfois elles les ont à des cas différents. Ceci s’applique soit aux affirmatives, soit aux négatives. Quand les deux propositions sont au cas direct, la conclusion y est également. Et quand l’une des propositions est à un cas oblique, la conclusion est au même cas qu’elle. Quand les deux propositions sont à des cas obliques, la conclusion peut être à un cas direct ou à un cas oblique, selon la condition de l’attribut de la majeure.

Ici, du reste, il faut considérer avec soin les divers genres d’attributions possibles : attributions essentielles, attributions accidentelles, attributions absolues, attributions nécessaires ou contingentes, soit dans les propositions affirmatives, soit dans les positions négatives.

Lorsque, dans les propositions, se trouve quelque notion complexe, cette notion doit toujours être jointe au majeur, et jamais au moyen, et encore bien moins au mineur ; autrement, les propositions seraient fausses, ou même elles formeraient des non-sens. Du reste, cette notion complexe peut toujours être regardée comme une sorte de limitation qui affecte et le moyen, et la conclusion elle-même.

Dans l’analyse, il faut toujours, aux termes obscurs, substituer des termes plus clairs ; à une expression longue et difficile, une expression plus concise et plus simple. Ainsi, mettre un mot à la place d’un mot, une phrase à la place d’une phrase, mais surtout un mot à la place d’une phrase, ce sont là des ressources analytiques qui, selon le cas, pourront être fort utiles. On comprend d’ailleurs qu’il faut toujours conserver, dans ces permutations, le sens primitif, soit du mot, soit de la phrase.

Il faudra faire également la plus grande attention aux articles. Selon qu’on les oublie ou qu’on les exprime, la pensée peut être complètement modifiée.

Le signe de l’universalité joint, soit au sujet, soit à l’attribut, peut changer complètement aussi le sens de la proposition. La proposition universelle a toujours ce signe joint au sujet ; c’est ce qui la distingue, et de la proposition particulière, et de la proposition indéterminée. On pourrait aisément se convaincre de ceci, en prenant des termes réels dans lesquels l’erreur ou la vérité des propositions, sous ces diverses formes, serait de toute évidence. Du reste, on peut dire ici, une fois pour toutes, que la justesse des règles indiquées ne dépend en rien des termes mêmes qu’on a choisis pour exemples. Les règles sont vraies, quels que soient d’ailleurs les termes qu’on emploie pour les exposer ; et c’est en cela que les lettres, qui ne sont que des signes généraux, expriment parfaitement la généralité même des rapports qu’elles indiquent. On ne fait ici qu’imiter la méthode des géomètres. En réalité, les tracés géométriques n’ont aucune des qualités qu’on leur suppose. La ligne tracée pour la démonstration est supposée de telle longueur, tandis que, de fait, elle en a une toute différente. Les termes réels servent donc uniquement à rendre les règles plus claires et plus sensibles ; ils ne les constituent pas.

L’analyse ne s’applique pas uniquement au syllogisme simple, elle peut s’appliquer aussi au syllogisme composé ; car ces syllogismes eux-mêmes se divisent en plusieurs syllogismes simples. Mais il se peut que les prosyllogismes ne soient pas toujours ramenés à la même figure et au même mode que le syllogisme principal. Chacun de ces prosyllogismes sera donc ramené, selon la diversité des conclusions, tantôt à une figure, tantôt à une autre.

Quand l’analyse s’applique à une définition qu’il s’agit de discuter, il faut s’attacher uniquement à la partie contestée de la définition ; car l’analyse est d’autant plus facile que les termes sont moins nombreux.

Dans les syllogismes hypothétiques, on peut distinguer toujours deux espèces de conclusions : l’une, qui se fait par un syllogisme, que l’analyse peut ramener à l’une quelconque des figures ; l’autre, qui résulte de l’hypothèse, et qui n’est pas, à proprement parler, syllogistique. Aussi, cette dernière conclusion ne peut-elle être ramenée à aucune figure. Dans les syllogismes par réduction à l’absurde, il en est à peu près de même. Le syllogisme qui conduit à l’absurde peut bien être ramené à un mode de l’une des trois figures ; mais la conclusion principale ne le peut, puisqu’elle n’est point obtenue par syllogisme, et puisqu’elle ne l’est que par hypothèse. En outre, les syllogismes hypothétiques diffèrent des syllogismes par réduction à l’absurde, en ce que, pour les premiers, il est besoin d’une convention préalable, tandis que, pour les seconds, l’absurdité même de la conclusion est tellement évidente qu’elle entraîne par cela seul l’assentiment des deux interlocuteurs. Du reste, les syllogismes hypothétiques sont par eux-mêmes assez importants pour mériter une théorie toute spéciale.

L’analyse, après avoir ainsi dégagé les propositions et les termes, et les avoir distingués au milieu de tous les éléments qui les lui cachent, peut chercher encore dans laquelle des figures elle placera la conclusion qui lui sera donnée. Il peut être avantageux, à plusieurs égards, d’obtenir une conclusion, tantôt dans une figure, tantôt dans une autre. Or, on a pu voir, dans les règles générales du syllogisme, que certaines conclusions étaient obtenues dans plusieurs figures ; ou, pour mieux dire, il n’y a ici qu’une seule exception, et c’est pour l’universelle affirmative qui ne peut être obtenue que dans la première figure. C’est au moyen de la conversion qu’on fera passer ainsi une conclusion d’une figure à une autre. Par exemple, les deux modes négatifs de la première figure pourront passer dans la seconde, par conversion simple de la majeure. Les deux particuliers passeront à la troisième, par conversion simple de la mineure. Les deux universels de la seconde passeront à la première, l’un, par la conversion simple de la majeure, l’autre, par la conversion simple de la mineure et de la conclusion, et par la transposition de la mineure à la place de la majeure. Des deux particuliers négatifs de la seconde, l’un passera à la première par conversion simple de la majeure ; l’autre n’y pourra passer que par réduction à l’absurde. En outre, le premier de ces deux modes pourra passer aussi à la troisième figure par la conversion simple des deux propositions. Enfin, des modes de la troisième figure, les cinq premiers pourront passer à la première, soit par la conversion de la mineure en particulière, soit par la conversion simple de la mineure, soit par la conversion simple de la mineure, jointe à la transposition des prémisses. Deux des modes négatifs passeront à la première figure par la conversion particulière de la mineure, et par sa conversion simple ; le troisième n’y passera que par réduction à l’absurde. Enfin, les deux premiers modes négatifs de la troisième figure pourront passer à la seconde, l’une par conversion simple de la majeure et conversion particulière de la mineure, l’autre, par conversion simple des deux propositions. En général, on peut dire que la seconde et la troisième figures dérivent de la première : la seconde, par conversion de la majeure ; la troisième, par conversion de la mineure.

Une dernière attention que doit toujours avoir l’analyse, c’est de ne point confondre l’attribut négatif déterminé et l’attribut affirmatif indéterminé. Les attributs indéterminés sont tout à fait distincts de la simple négation ; ils n’ont pas du tout le même sens qu’elle. L’analyse serait exposée à de graves erreurs, si elle les traitait les uns et les autres de la même manière. L’attribution indéterminée n’est point une négation, c’est une affirmation ; la preuve en est qu’elle ne forme point une contradiction avec l’affirmation primitive. Il y a quatre sortes d’attributions possibles : affirmation déterminée, négation déterminée, affirmation indéterminée et négation indéterminée. L’affirmation et la négation déterminées, ainsi que l’affirmation et la négation indéterminées, forment une contradiction, et ne peuvent, de part et d’autre, être vraies ou fausses toutes deux à la fois. La négation déterminée suit l’affirmation indéterminée ; la négation indéterminée suit l’affirmation déterminée ; mais non point réciproquement. L’affirmation déterminée ne peut exister en même temps que l’affirmation indéterminée ; mais la négation déterminée et l’indéterminée peuvent exister toutes les deux à la fois. Ainsi donc, les syllogismes à négation déterminée et les syllogismes dont l’attribut est indéterminé, ne se résoudront point du tout dans les mêmes modes. Les derniers se rapporteront aux conclusions affirmatives ; les premiers, aux conclusions négatives, quelle que soit d’ailleurs la figure à laquelle ils appartiennent. Du reste, ce qu’on doit observer ici, c’est que jamais une affirmative ou une négative ne peut avoir plus d’une contradictoire.

On a donc vu quelles étaient les formes que le syllogisme pouvait revêtir ; la méthode à employer pour découvrir le terme moyen ; et enfin l’analyse des discours ordinaires en syllogismes.


LIVRE SECOND

SECTION PREMIÈRE


PROPRIÉTÉS DU SYLLOGISME


Un même syllogisme peut donner, sans changer en rien la forme des propositions, plusieurs conclusions différentes, soit par la conversion, soit par l’exposition des termes particuliers, renfermés dans la totalité du moyen ou dans celle du mineur. Ainsi, du moment qu’on a obtenu une conclusion universelle affirmative, on peut obtenir par la conversion de cette conclusion, une particulière affirmative qui sort des mêmes prémisses ; car, d’après les règles antérieurement exposées, la particulière affirmative est une conséquence nécessaire de l’universelle affirmative convertie. Il n’y a d’exception ici que pour la particulière négative, qui ne se convertit pas. En second lieu, on peut obtenir une ou plusieurs conclusions différentes de la première, par la subsumption des termes particuliers, contenus sous un terme plus général. Ainsi, dans les conclusions universelles, l’attribut de la conclusion vaudra, non seulement pour le sujet auquel il est joint, mais encore pour tous les termes contenus sous le mineur et sous le moyen, dans la première figure, et sous le mineur seulement, dans la seconde. La conclusion particulière ne vaudra que pour les termes contenus sous le moyen. Ceci, du reste, s’applique tant aux affirmations qu’aux négations. C’est qu’en effet dans l’universel se trouvent toujours implicitement exprimés tous les cas particuliers.

Tous les syllogismes, sans exception, peuvent tirer une conclusion vraie de prémisses fausses, ce qui n’empêche pas que de prémisses fausses on ne puisse aussi tirer une conclusion fausse comme elles. Quand les deux prémisses sont vraies, on ne peut jamais en tirer qu’une conclusion vraie ; mais il suffit que l’une d’elles soit fausse, pour que la conclusion puisse l’être aussi. Cette faculté d’obtenir une conclusion vraie de prémisses fausses se représente dans toutes les figures, et dans tous les modes. — Il se peut d’ailleurs que les prémisses soient fausses en totalité, ou fausses seulement en partie. La conclusion varie selon cette variation même des prémisses. Ainsi dans la première figure, on peut toujours, de deux prémisses fausses, tirer une conclusion vraie dans les modes universels, soit que les prémisses soient fausses en totalité ou en partie ; et dans les modes particuliers, soit que toutes les deux soient fausses, soit que la majeure seule le soit en tout ou en partie. Quand l’une des propositions seulement est fausse, on peut obtenir la conclusion vraie, dans les modes universels, si la majeure seule est fausse en partie, ou si c’est la mineure qui est fausse, soit en partie, soit en totalité ; dans les modes particuliers, la conclusion est vraie avec une majeure fausse, soit en totalité, soit en partie. La mineure, étant particulière dans ces modes, ne peut jamais être fausse qu’en partie.

Dans la seconde figure, la conclusion vraie peut toujours être tirée de prémisses fausses, soit que d’ailleurs toutes les deux soit fausses, ou seulement l’une des deux ; soit que d’ailleurs elles soient fausses en totalité ou en partie, tant dans les modes universels que dans les modes particuliers. Dans la troisième figure, il en est absolument de même. A cet égard les règles générales pour les trois figures. De la fausseté de la conclusion, on peut déduire celle des prémisses ; mais la vérité de la conclusion n’implique pas du tout la vérité des prémisses. C’est que l’existence du conséquent implique l’existence de l’antécédent ; et la destruction de l’antécédent suit toujours la destruction du conséquent. A l’inverse, l’existence de l’antécédent ne suit pas nécessairement l’existence du conséquent ; et la destruction du conséquent ne suit pas non plus la destruction de l’antécédent. Les propositions sont ici l’antécédent ; et la conclusion forme le conséquent.

Tous les syllogismes, sans exception, peuvent rencontrer circulairement chacune des trois propositions qui les forment, c’est-à-dire que, tour à tour la conclusion peut remplacer la majeure ou la mineure, qui prennent alors tour à tour sa place. Pour que le cercle soit parfait, il faut que les trois formes du syllogisme soient d’extension égale et peuvent alors être pris réciproquement les uns pour les autres. La démonstration circulaire ne peut avoir lieu autrement ; car si on prend un moyen différent de celui du premier syllogisme, on pourra toujours obtenir encore la même conclusion ; mais on ne pourra jamais obtenir pour conclusion l’une des prémisses. Il faut en outre que l’une des prémisses soit renversée en ses propres termes, dont la condition est d’être convertibles. Autrement, si les deux prémisses demeuraient telles qu’elles sont, on obtiendrait toujours le même syllogisme. Dans la première figure et dans le mode universel affirmatif, le cercle est complet, et il se compose de syllogismes au nombre de six ; car alors on peut conclure directement les trois propositions du premier syllogisme ; et de plus, on peut les obtenir sous leur forme renversée. Pour le mode universel négatif, on peut conclure circulairement la majeure négative. La mineure, qui est universelle affirmative, ne peut être conclue directement, parce que les prémisses seraient toutes deux négatives ; mais on l’obtient indirectement par hypothèse, c’est-à-dire, en lui donnant une forme qui de négative la rende affirmative. Pour les modes particuliers, on ne peut prouver la majeure, parce que deux prémisses particulières ne donnent pas de conclusion ; mais la mineure peut être conclue circulairement, pour le mode affirmatif ; et hypothétiquement, pour le mode négatif. Dans la seconde figure, la prémisse universelle affirmative des modes universels ne peut être conclue circulairement, parce qu’il n’y a point de conclusion avec deux prémisses négatives ; mais la prémisse négative universelle peut être conclue directement dans le second mode ; et pour le premier, on obtient la proposition convertie. Pour les modes particuliers, la prémisse universelle ne peut être conclue circulairement ; la prémisse particulière peut être obtenue directement dans le quatrième mode ; et hypothétiquement, dans le troisième.

Dans la troisième figure, la démonstration circulaire ne peut avoir lieu pour les modes, où la conclusion particulière jointe à l’une des prémisses, ne donne point de forme syllogistique. Elle a lieu pour les quatre autres modes, soit directement, soit indirectement.

Les démonstrations circulaires des trois figures ont ceci de commun, que les démonstrations affirmatives de la première figure s’obtiennent toujours dans cette figure, tandis que les négatives s’obtiennent dans la troisième ; que les démonstrations universelles de la seconde ont lieu, partie dans cette figure, partie dans la première ; tandis que les particulières ont lieu, partie dans cette même figure, partie dans la troisième ; enfin que, pour les démonstrations circulaires de la troisième figure, la majeure particulière peut toujours être obtenue directement dans cette même figure. Les démonstrations circulaires de la seconde et de la troisième figure qui s’obtiennent par d’autres figures que celles-là mêmes, ne sont pas circulaires à proprement parler.

Tous les syllogismes sans exception peuvent, et convertissant leur conclusion en une proposition opposée, soit contraire, soit contradictoire, et joignant cette conclusion convertie à l’une des prémisses, former une conclusion nouvelle qui est opposée à l’autre prémisse, soit comme contraire, soit comme contradictoire. Ainsi dans la première figure, et pour les modes universels, avec la contraire de la conclusion, on détruit la majeure du premier syllogisme contradictoirement dans la troisième figure ; et la mineure, contrairement dans la seconde. Avec la contradictoire de la conclusion, on détruit contradictoirement les deux prémisses dans les figures que l’on vient d’indiquer. Pour les modes particuliers, c’est toujours la contradictoire de la conclusion qu’on doit prendre, parce que si l’on prenait la contraire, les deux prémisses étant particulières, toute conclusion deviendrait impossible ; et que d’ailleurs, pour les propositions particulières, les contraires peuvent être vrais tous les deux à la fois.

Dans la seconde figure, la conversion a lieu d’après les mêmes règles à peu près pour les modes universels. Le contraire de la conclusion ne détruit pas la majeure contrairement ; mais elle la détruit contradictoirement dans la troisième figure, de même qu’elle détruit la mineure contrairement dans la première. La contradictoire de la conclusion détruit contradictoirement l’une et l’autre prémisse. Pour les modes particuliers, la contraire de la conclusion ne détruit pas les propositions, pour les causes qu’on en a dites ; mais la contradictoire les détruit toujours toutes les deux.

Dans la troisième figure, la contraire de la conclusion ne peut non plus détruire aucune des deux propositions. Mais la contradictoire détruit la majeure dans la première figure, et la mineure, dans la seconde, contrairement pour les modes universels, contradictoirement pour les modes particuliers.

On voit donc en résumé que la conversion, pour les syllogismes de la première figure, détruit la mineure dans la seconde, et la majeure dans la troisième ; que pour ceux de la seconde, elle détruit la mineure dans la première, la majeure dans la troisième ; et qu’enfin pour les syllogismes de la troisième figure, elle détruit la mineure dans la seconde, et la majeure dans la première.

Tous les syllogismes, sans exception, peuvent prouver leur conclusion par réduction à l’absurde. Le syllogisme par l’absurde prend pour l’une de ses prémisses la contradictoire de la conclusion niée ; il garde comme vraie l’une des prémisses du premier syllogisme ; et il obtient une conclusion absurde qui, étant en contradiction manifeste avec l’autre prémisse, implique, par cela même, la vérité de la conclusion initiale. Dans la conversion dont on vient de tracer les règles, on prenait l’opposé de la conclusion ; et, la joignant à l’une des prémisses, on obtenait une conclusion nouvelle, opposée à l’autre prémisse. Dans la réduction à l’absurde, on prend la contradictoire de la conclusion ; et, y joignant une proposition vraie, on obtient une conclusion évidemment erronée. La conversion exige donc que le syllogisme soit déjà tout fait ; la réduction à l’absurde n’a besoin que d’une seule proposition, dont la vérité est prouvée par cela seul que sa contradictoire est absurde. Ainsi, la conversion emprunte, soit la contraire ; soit la contradictoire de la conclusion ; la réduction à l’absurde n’a jamais recours qu’à la contradictoire. Dans la première figure, la conclusion universelle affirmative ne peut être prouvée par réduction à l’absurde, parce que sa contradictoire, qui est la particulière négative, ne peut être ni majeure ni mineure, dans la première figure où les prémisses n’ont jamais cette forme. La conclusion particulière affirmative peut être prouvée par la réduction à l’absurde, si l’on prend sa contradictoire pour majeure. La conclusion universelle négative peut l’être également, si l’on prend sa contradictoire pour mineure. Enfin, la conclusion particulière négative peut être conclue par réduction à l’absurde, en prenant sa contradictoire, soit pour majeure, soit pour mineure.

Dans la seconde figure, tous les modes peuvent être prouvés par réduction à l’absurde au moyen de la contradictoire de la conclusion, prise comme mineure, pour l’universel affirmatif ; comme majeure ou comme mineure, pour le particulier affirmatif ; comme mineure, pour l’universel négatif ; comme majeure ou comme mineure, pour le particulier négatif.

Dans la troisième figure, on peut également prouver tous les modes par réduction à l’absurde, en prenant la contradictoire de la conclusion comme majeure dans tel mode, ou indifféremment comme majeure ou comme mineure dans tel autre.

On voit donc qu’en général, pour toutes les réductions à l’absurde dans les trois figures, c’est la contradictoire et non pas la contraire de la conclusion, qu’on doit prendre. Il faut ajouter, en outre, que l’on peut, de cette façon, prouver, dans la seconde figure, des conclusions affirmatives, de même qu’on peut prouver des conclusions universelles dans la troisième ; ce qui serait impossible par la démonstration ostensive.

En comparant, du reste, ces deux espèces de démonstrations, on peut voir que l’une et l’autre partent également de deux prémisses accordées. Seulement, pour l’ostensive, ces deux prémisses sont vraies ; pour la démonstration par l’absurde ; l’une des deux seulement est vraie, l’autre est hypothétique, comme contradictoire à la question. Dans la démonstration ostensive, la vérité ou la fausseté de la conclusion n’est connue qu’après les prémisses posées. Dans la démonstration par l’absurde, on connaît la fausseté évidente de la conclusion, avant même qu’elle soit obtenue syllogistiquement. Du reste, les mêmes termes peuvent être employés dans l’une et l’autre espèce de démonstration. Seulement, si la démonstration par l’absurde a lieu dans la première figure, l’ostensive qui affirme a lieu dans la troisième ; et l’ostensive qui nie, dans la seconde. Si la démonstration par l’absurde a lieu dans la seconde figure, l’ostensive se forme dans la troisième ou la première, selon la fausseté de la majeure ou de la mineure. Enfin, quand la démonstration par l’absurde a lieu dans la troisième figure, l’ostensive qui nie se produit, soit dans la première, soit dans la seconde, selon la fausseté de la majeure ou de la mineure. Comme les termes des deux espèces de démonstrations sont identiques, on peut employer au choix, tantôt l’une, tantôt l’autre ; et il suffit alors de prendre la contradictoire avec la conclusion de l’une des prémisses. En général, toute conclusion peut être indifféremment prouvée de l’une ou l’autre manière.

Quelques syllogismes peuvent encore conclure, quand les deux propositions sont opposées l’une à l’autre, soit comme contraires, soit comme contradictoires. Ceci, du reste, ne peut avoir lieu dans la première figure ; car on n’y peut obtenir, ni de conclusion affirmative, laquelle ne s’obtient que par deux prémisses affirmatives, puisque, de toute nécessité, l’une des propositions est négative, ni conclusion négative, puisque, dans les propositions opposées, c’est toujours un même attribut qui est nié ou affirmé d’un même sujet. Or, ce n’est point là la disposition des prémisses dans la première figure. Dans la seconde, on peut conclure avec des propositions contraires dans les modes universels ; et avec des contradictoires, dans les modes particuliers. Dans la troisième figure, il n’y a point, avec des propositions opposées, de syllogisme affirmatif, pour les causes qu’on a dites plus haut ; mais il y en a de négatifs, avec des propositions contraires, dans un des modes négatifs, et avec des contradictoires, dans les deux autres. On peut voir qu’avec des propositions opposées, on ne doit jamais conclure que le faux ; car la conclusion, ainsi obtenue, nie toujours son propre sujet. Quand les prémisses sont fausses, sans être opposées entre elles, on peut encore en conclure le vrai, ainsi qu’on l’a vu. Du reste, cette conclusion, tirée de prémisses opposées, n’est guère en usage que parmi les sophistes, qui s’en servent souvent pour embarrasser leurs adversaires.

SECTION SECONDE


VICES DU SYLLOGISME


La pétition de principe consiste à prendre comme principe de démonstration la chose même qui est à démontrer. On pose alors, dans les prémisses, ce que l’on doit prouver dans la conclusion ; et l’on ne démontre point. Il y a quatre manières diverses de ne point démontrer. D’abord, si l’on viole les règles essentielles des syllogismes, de manière à ne pas obtenir de conclusion légitime. En second lieu, si les prémisses sont moins connues que la conclusion elle-même. Ensuite, si l’on conclut l’antérieur par le postérieur. Enfin, et cette dernière manière est véritablement la pétition de principe, si l’on admet comme prouvée par elle-même une chose qui ne peut être directement connue par elle-même. Ainsi donc, dans la pétition de principe, on pose tout d’abord comme principe ce qui précisément est à conclure. La forme ordinaire de la pétition de principe est celle-ci : l’une des prémisses étant douteuse, l’autre, qu’on lui joint, est formée de termes identiques, ou seulement réciproques, ou dont l’un implique l’autre. La pétition de principe peut avoir lieu dans les trois figures. Elle peut avoir lieu, soit dans la majeure, soit dans la mineure. Lorsque le moyen terme et le mineur sont identiques, le sujet et l’attribut de la mineure sont les mêmes ou sont réciproques ; la pétition de principe a lieu alors dans la majeure, qui, du reste, doit toujours être supposée moins connue que la conclusion ; et, avec cette condition, on y fait encore pétition de principe, quand le mineur n’est qu’une espèce du moyen. Pour que la pétition de principe eût lieu dans la mineure, il faudrait que la mineure fût à la conclusion dans les mêmes rapports que l’était tout à l’heure la majeure, c’est-à-dire, qu’elle fût aussi inconnue que la conclusion ; et que, de plus, le majeur et le moyen fussent identiques ou réciproques, ou que le moyen ne fût qu’une espèce du majeur. Dans la seconde figure, la pétition de principe a lieu lorsque deux mêmes attributs sont attribués à un même sujet ; dans la troisième figure, lorsque les deux termes de la mineure sont identiques ou réciproques, et qu’un seul terme est attribué aux deux. La pétition de principe peut se produire dans les syllogismes affirmatifs comme dans les négatifs. Dans les affirmatifs, elle est toujours affirmative, parce que les deux prémisses le sont elles-mêmes. Dans les syllogismes négatifs, elle est toujours négative, parce qu’elle a toujours lieu dans la prémisse qui est elle-même négative. Ainsi la pétition de principe affirmative ne pourra avoir lieu dans la seconde figure qui n’a point de conclusion affirmative ; mais la pétition négative peut avoir lieu dans les trois figures.

La conclusion fausse, dans les syllogismes par réduction à l’absurde, est mal justifiée, lorsque l’absurdité n’en subsiste pas moins, soit qu’on enlève, soit qu’on garde l’hypothèse. Ce vice des syllogismes par l’absurde est tantôt évident, lorsque l’hypothèse n’a aucun rapport aux termes mêmes de la conclusion ; et tantôt caché, lorsque l’hypothèse est bien d’accord avec la conclusion, sans que cependant ce soit d’elle que la conclusion sorte nécessairement. La conclusion vient alors d’une proposition qui tient à l’hypothèse ; et, pour trouver cette nouvelle proposition, il faut, tantôt descendre des termes supérieurs aux termes inférieurs, et tantôt remonter à l’inverse. Pour descendre des termes supérieurs, il faudra prendre le sujet même de l’hypothèse, et en faire l’attribut de la proposition nouvelle. Pour remonter au contraire des termes inférieurs aux termes supérieurs, il faudra prendre l’attribut de l’hypothèse, et en faire le sujet de la proposition. Pour que la conclusion absurde soit régulière et inattaquable, il faut que l’hypothèse s’accorde avec les termes de la conclusion, c’est-à-dire, que le sujet et l’attribut de l’une et de l’autre soient identiques. Rien n’empêche, du reste, qu’on puisse obtenir une seule et même conclusion absurde par plusieurs hypothèses fausses ; mais alors il y a autant de syllogismes que d’hypothèses.

En général, la fausseté de la conclusion tient toujours à la fausseté, soit de l’une des prémisses, soit des deux prémisses. L’erreur admise dans les propositions descend à la conclusion même qu’elles forment ; et, pour découvrir l’erreur primitive, il faut la chercher dans celle des prémisses, qui est le principe de toute la consécution syllogistique. Dans les syllogismes composés, c’est également l’erreur initiale qui est cause de toutes les erreurs suivantes ; et c’est à elle aussi qu’il faut toujours remonter. Du moment que, dans le syllogisme principal, la conclusion est fausse, c’est que l’une des prémisses du premier syllogisme est fausse aussi ; et la fausseté de cette prémisse tient à la fausseté même de l’une des propositions du prosyllogisme. Et, en remontant toujours ainsi, jusqu’à la fausseté initiale.

Le catasyllogisme a lieu, lorsque, dans une discussion, on accorde par inadvertance une donnée que l’adversaire emploie à réfuter syllogistiquement à l’interlocuteur qui la lui a accordée. Pour éviter le catasyllogisme, il faut ne jamais répéter deux fois un même terme ; car alors il n’y aura pas de moyen terme ; et le syllogisme de la réfutation ne sera pas possible. Si l’on voit la conclusion que l’adversaire prépare, on s’y opposera en ne lui accordant, ni le rapport des termes, ni les propositions applicables à la figure où la conclusion qu’il cherche devrait se trouver. Si, au lieu d’éviter le catasyllogisme de la part de son adversaire, il s’agit de l’obtenir contre lui, il faut alors poser seulement les prémisses des prosyllogismes sans en tirer les conclusions. Si l’on a besoin, pour arriver au but qu’on se propose, de plusieurs termes moyens qui se suivent et se tiennent, il ne faut pas les prendre dans l’ordre régulier ; il faut, au contraire, intervertir cet ordre, afin d’embarrasser les réponses de celui à qui l’on s’adresse. Si, au lieu de plusieurs termes moyens, un seul doit suffire ; il faut alors commencer le syllogisme par ce moyen lui-même ; et aller ensuite, soit au mineur, soit au majeur. Dans la déduction habituelle, on part du majeur pour passer au moyen et arriver au mineur.

La Réfutation consiste à donner à son adversaire des propositions contradictoires à la thèse que l’on soutient soi-même. Quand on attaque, on obtiendra la réfutation, en forçant l’adversaire lui-même à donner des propositions syllogistiques contraires ou opposées à sa thèse. On évitera la réfutation en ne répondant que des propositions qui ne peuvent pas être mises en syllogisme, c’est-à-dire, en évitant toujours de donner des affirmatives et des universelles ; car, sans affirmatif et sans universel, il n’y a pas de syllogisme ; et par conséquent, il n’y a pas de réfutation.

L’erreur peut, en général, tenir à deux causes. D’abord, il est possible que, relativement à une même chose, on ignore et l’on sache tout à la fois quelque chose. Ainsi, il est possible que pour une conclusion qui peut être obtenue par plusieurs termes moyens, on connaisse l’un de ces termes, et qu’on en ignore un autre. On peut savoir en outre, d’une manière générale, quelque chose, sans le savoir d’une manière spéciale ; ou réciproquement. On peut savoir la chose en puissance dans les prémisses, et l’ignorer effectivement dans la conclusion, tant que cette conclusion n’a pas été formulée syllogistiquement. Par exemple, on peut, dans les prémisses, savoir d’une manière universelle que la somme des angles d’un triangle est égale à deux droits, et ignorer par conclusion que telle figure est un triangle. On sait donc en puissance que cette figure a ses trois angles égaux à deux droits ; mais on ne sait pas actuellement que cette figure est triangulaire. En ce sens, la théorie du Ménon est insoutenable : la science humaine tout entière n’est point réminiscence ; l’âme peut bien apporter avec elle la science de l’universel ; mais il est impossible de soutenir qu’elle apporte la science du particulier. Aussi, quand on dit que, d’une même chose, on sait et l’on ignore à la fois quelque chose, on ne veut pas dire qu’on puisse avoir à la fois les deux contraires, l’erreur et la vérité ; on veut dire uniquement que l’erreur seule est en acte et en réalité, tandis que la science demeure en simple puissance. Il est impossible que, sur une même chose, on ait à la fois les deux idées contraires, pas plus qu’il n’est possible de confondre l’essence du bien et l’essence du mal, quoiqu’une même chose, sous divers aspects, puisse sembler tantôt bonne et tantôt mauvaise.

SECTION TROISIÈME


RÉDUCTION DE TOUTES LES FORMES DE RAISONNEMENT AU SYLLOGISME


Tout raisonnement qui conclut est au fond un raisonnement syllogistique ; car c’est le syllogisme seul qui peut communiquer à un raisonnement quelconque la puissance nécessaire de conclusion. Il est possible que la forme soit défectueuse ; mais un examen plus attentif découvrira toujours le syllogisme sous les irrégularités qui le dissimulent. Ces diverses anomalies que le raisonnement peut présenter à l’apparence, tiennent à plusieurs causes ; et elles proviennent toutes du rapport des termes entre eux. Ainsi, dans la première figure, du moment que les extrêmes sont réciproques l’un à l’autre, il faut aussi que le moyen le soit aux deux ; et alors, comme la proposition, sous sa forme directe ou sous sa forme renversée, est toujours également vraie, on peut prendre indifféremment l’une ou l’autre forme, dans les applications syllogistiques. De plus, si quatre termes opposés entre eux, deux à deux, sont tels que le premier soit réciproque au second comme le troisième l’est au quatrième, du moment que le premier et le troisième sont de toute nécessité l’un vrai et l’autre faux, il faut que le second et le quatrième soient dans le même rapport. Si c’est le premier et le second, le troisième et le quatrième qui sont ainsi entre eux, le premier sera réciproque au troisième, comme le second le sera au quatrième. Dans la seconde figure, lorsque le premier terme est au second et au troisième tout entiers exclusivement, du moment que le second est au troisième, il faut que le premier et le second soient réciproques entre eux. Il en résulte qu’avec une majeure réciproque, on peut même dans la seconde figure obtenir une conclusion régulière avec deux prémisses affirmatives. Dans la troisième figure, lorsque le premier et le second terme sont à tout le troisième, si le second et le troisième sont réciproques entre eux, il faudra que le premier soit aussi attribué au second. Alors on pourra, avec une mineure réciproque, obtenir dans la troisième figure une conclusion universelle tirée de prémisses universelles.

Cette dernière règle s’applique directement à l’induction, qui est un syllogisme où le majeur est conclu du moyen par le mineur, tandis que, dans le syllogisme ordinaire, le majeur est conclu du mineur par le moyen. La conclusion n’est ici possible qu’à cette seule condition qu’on prendra pour moyen la collection de tous les cas particuliers contenus sous le mineur. Le syllogisme fournit alors une conclusion universelle dans la troisième figure. L’induction donne donc une proposition immédiate, c’est-à-dire, qui n’a pas besoin de moyen pour être conclue. Le syllogisme, au contraire, ne donne jamais qu’une proposition médiate. En soi et par nature, le syllogisme est plus clair que l’induction, et il lui est supérieur. L’induction est plus claire pour nous, et provient plus des sens que de l’intelligence.

L’exemple est une sorte d’induction. Seulement, au lieu de conclure le majeur du moyen par le mineur, il le conclut par un terme semblable au mineur. L’exemple peut, du reste, employer un ou plusieurs de ces termes semblables. Il faut donc préalablement, pour se servir de l’exemple, savoir que le moyen est au mineur, et le majeur, au terme semblable. On obtient ainsi un prosyllogisme, et un syllogisme. Dans le prosyllogisme, on connaît les deux prémisses ; dans le syllogisme principal, on ne connaît que la mineure : la conclusion du prosyllogisme devient la majeure du syllogisme ; et c’est ainsi qu’on peut obtenir la conclusion principale. L’exemple diffère et du syllogisme et de l’induction. Le syllogisme descend de l’universel au particulier ; l’exemple procède d’un cas particulier plus connu à un cas particulier moins connu, mais renfermé dans le même genre que le premier. L’induction part de tous les cas particuliers pour conclure universellement le majeur du moyen, sans avoir besoin d’un autre syllogisme concluant le majeur du mineur. L’exemple part d’un cas particulier, ou tout au plus de quelques cas particuliers, pour conclure d’abord le majeur du moyen, et ensuite, le majeur du mineur par le moyen. Ainsi, le syllogisme va du tout à la partie ; l’induction va de la partie au tout ; l’exemple va de la partie à la partie.

L’abduction a lieu dans les syllogismes dont la majeure est évidente, mais dont la mineure, toute vraie qu’elle peut être, a cependant encore besoin d’être confirmée. Il faut alors, avant de tirer la conclusion, démontrer cette mineure ; et l’on fait ainsi un pas de plus vers la science que la conclusion doit donner. Pour qu’il y ait quelque avantage à prouver ainsi la mineure, il faut qu’elle soit plus croyable, ou tout au moins, aussi croyable que la conclusion. En second lieu, il vaut mieux prouver la mineure que la conclusion, lorsque cette mineure peut être prouvée par un nombre moindre de termes moyens. Si la mineure est aussi inconnue que la conclusion, ou si la majeure elle-même avait besoin de preuve, ces propositions ne pourraient conduire à la science. Si la mineure était une proposition immédiate, l’abduction serait parfaitement inutile pour elle ; car alors cette mineure serait un principe de démonstration.

L’objection est la proposition, soit contraire, soit contradictoire, que l’on oppose à la proposition de l’adversaire. Dans le syllogisme à conclusion universelle, la proposition est toujours universelle ; mais l’objection peut être, soit universelle, soit particulière ; car l’universel peut être détruit, soit par l’universel, soit par le particulier.

L’objection, étant opposée à la proposition, ne pourra jamais se produire que dans la première et dans la troisième figures, les seules qui renferment des conclusions opposées. Quand l’objection est universelle négative, elle se produit dans la même figure ; quand elle est particulière, elle se forme dans la troisième. En effet, dans le premier cas, le moyen est antécédent du majeur et conséquent du mineur ; et, dans le second, le moyen est antécédent des deux extrêmes. C’est qu’il faut toujours que, dans l’objection, l’attribut soit le même que dans la proposition qu’elle attaque ; or, dans la seconde figure, le majeur est sujet du moyen. L’objection universelle vient se placer entre le sujet et l’attribut de la proposition initiale ; elle prend un terme plus général que le sujet et qui le renferme, mais qui lui-même est renfermé dans l’attribut de la proposition. L’objection particulière prend, au contraire, un terme qui est sujet à la fois, et du sujet, et de l’attribut de la proposition, contre laquelle elle est formée. Ainsi d’abord, c’est la première figure ; ensuite, c’est la troisième. Telle est la véritable objection logique. L’on peut encore faire des objections que l’on tire, soit des contraires, soit des semblables, soit des opinions reçues ; mais ce sont là des formes d’objection qui appartiennent à la rhétorique.

Reste enfin l’enthymème, dernière espèce de raisonnement, qui peut être ramenée au syllogisme, xomme toutes celles qui précèdent, l’enthymème est un syllogisme complet, comme tous les autres, qui se fonde pour conclure sur la vraisemblance ou sur le signe indicateur de la chose qui est conclue. La forme de l’enthymème peut être tout à fait pareille à celle du syllogisme ; mais ordinairement, on n’y exprime qu’une seule des deux propositions. Il faudrait, du reste, se garder de croire que c’est là le caractère spécial de l’enthymème. L’induction, l’exemple, etc. n’ont le plus souvent, comme l’enthymème, qu’une seule des deux propositions exprimée. Le caractère vrai de l’Enthymème, c’est de fonder la nécessité de sa conclusion sur le vraisemblable ou sur le signe. Le signe est toujours ici le moyen ; et par conséquent, il peut recevoir autant de positions que le moyen lui-même, soit dans la première, soit dans la seconde, soit dans la troisième figure. Seulement, dans la première figure, le syllogisme, formé par le signe, est parfaitement régulier ; et la conclusion est universelle. Dans la troisième figure, la conclusion est vraie ; mais elle n’est pas obtenue régulièrement, et elle est toujours particulière. Enfin, l’enthymème de la seconde figure est tout à fait irrégulier, parce que les deux prémisses y sont affirmatives ; et par conséquent la conclusion n’est pas prouvée. — La théorie des signes pourrait être utilement appliquée à l’étude de la nature, en admettant les trois hypothèses suivantes : 1° que les qualités naturelles affectent le corps en même temps qu’elles affectent l’âme ; 2° que chaque qualité se révèle par un signe extérieur unique ; 3° que l’on peut connaître dans les êtres animés, et la qualité spéciale à chaque espèce, et le signe de cette qualité. Ceci admis, du moment qu’un signe apparaîtra dans un être, il révélera en lui la qualité spéciale qui revêt ce signe. Par exemple, si les fortes extrémités du lion sont un signe de son courage, tous les animaux qui auront de fortes extrémités seront courageux. Nulle difficulté pour les genres qui n’ont qu’une seule qualité et qu’un seul signe. Quand il y a plusieurs qualités et plusieurs signes dans le genre d’êtres qu’on étudie, il faut donc observer d’autres genres où l’une quelconque de ces qualités sera seule, et accompagnée, par conséquent, d’un seul signe. — Cette espèce de syllogisme, que l’on pourrait appeler syllogisme physiognomonique, se construit dans la première figure. La majeure est alors une proposition réciproque, c’est-à-dire que le signe peut être pris pour la qualité, comme la qualité pour le signe ; le signe est d’ailleurs plus étendu que le mineur. Par exemple, tous les animaux qui ont de fortes extrémités sont courageux : or, le lion a de fortes extrémités ; donc le lion est courageux.

RÉSUMÉ GÉNÉRAL


On a donc étudié, dans les Premiers Analytiques, le syllogisme sous toutes ses faces : 1° dans sa formation ; 2° dans son élément essentiel, le moyen : 3° dans ses éléments dégagés de la confusion des raisonnements ordinaires ; 4° dans ses propriétés ; 5° dans ses vices ; 6° dans ses rapports avec les autres formes de raisonnement, au fond desquelles il est toujours caché, et qui, sans lui, n’auraient pas la puissance de conclure.

Le Syllogisme ainsi connu, il faut passer à la Démonstration.



LIVRE PREMIER



SECTION PREMIÈRE

FORMATION DU SYLLOGISME


CHAPITRE PREMIER

Sujet et but des Analytiques. — Définitions et espèces, de la Proposition, du Terme, du Syllogisme. — Définitions de quelques autres expressions importantes.


La division de ce livre en trois sections, admise par tous les commentateurs, est indiquée plus bas par Aristote lui-même, ch. 32, § 1, et liv. 2, ch. 1, § 1.

 

§ 1[1]. D’abord, nous dirons le sujet et le but de cette étude : le sujet, c’est la démonstration ; le but, c’est la science de la démonstration. § 2[2]. Puis, nous définirons les mots suivants : proposition, terme, syllogisme ; et nous montrerons ce que c’est qu’un syllogisme complet et un syllogisme incomplet. § 3[3]. Et à la suite, nous expliquerons ce qu’il faut entendre quand nous disons que telle chose est ou n’est pas dans la totalité de telle autre chose, et qu’elle est attribuée à toute une autre ou qu’elle ne lui est aucunement attribuée.

§ 4[4]. Ainsi, en premier lieu, la Proposition est une énonciation qui affirme ou qui nie une chose d’une autre chose. § 5[5]. Elle est, ou universelle, ou particulière, ou indéterminée. Je l’appelle universelle quand l’attribut est à toute la chose ou n’est à aucune partie de la chose ; particulière, quand l’attribut est affirmé ou nié d’une partie de la chose, ou bien qu’il n’appartient pas à toute la chose ; indéterminée, quand l’attribut est affirmé ou nié du sujet, sans indication d’universalité ni de particularité ; telles sont ces deux propositions : La notion des contraires est une seule et même notion : Le plaisir n’est pas un bien. § 6[6]. Entre la proposition démonstrative et la proposition dialectique, il y a cette différence que la proposition démonstrative pose l’une des deux parties de la contradiction ; car, pour démontrer, on ne fait pas une question, mais l’on pose un principe ; au contraire, la proposition dialectique comprend dans une question la contradiction tout entière. Au reste cette différence ne fait rien à la formation du syllogisme de l’une et de l’autre proposition. En effet, qu’on démontre ou qu’on interroge, on fait toujours le syllogisme en posant qu’une chose est ou n’est pas à une autre. Ainsi donc, d’une manière toute générale, la proposition est syllogistique quand elle affirme ou qu’elle nie une chose d’une autre chose, sous l’une des formes qui viennent d’être indiquées. Elle est démonstrative, quand elle est vraie, et qu’elle dérive des conditions primitivement posées. Elle est dialectique, lorsque, sous forme de question, elle comprend les deux parties de la contradiction, ou que, sous forme de syllogisme, elle admet l’apparent et le probable, ainsi qu’il a été dit dans les Topiques. Les traités suivants feront comprendre exactement la nature de la proposition et ses différences, selon qu’elle est syllogistique, démonstrative ou dialectique ; pour le moment, ce que nous venons d’en dire doit être suffisant.

§ 7[7]. J’appelle Terme l’élément de la proposition, c’est-à-dire, l’attribut et le sujet auquel il est attribué, soit qu’on y joigne, soit qu’on en sépare l’idée d’être ou de n’être pas.

§ 8[8]. Le Syllogisme est une énonciation, dans laquelle certaines propositions étant posées, on en conclut nécessairement quelque autre proposition différente de celles-là, par cela seul que celles-là sont posées. Quand je dis par cela seul que celles-là sont posées, j’entends que c’est à cause d’elles que l’autre proposition est conclue ; et j’entends par cette dernière expression qu’il n’y a pas besoin de terme étranger pour obtenir la conclusion nécessaire. § 9[9]. J’appelle donc syllogisme complet celui où il n’est besoin d’aucune autre donnée que les données préalablement admises pour que la proposition nécessaire apparaisse dans toute son évidence. § 10[10]. J’appelle incomplet celui où il faut une ou plusieurs autres données, qui peuvent bien être nécessaires d’après les termes d’abord posés, mais qui n’ont pas été toutefois formulées précisément dans les propositions.

§ 11[11]. Quand on dit qu’une chose est dans la totalité d’une autre, ou qu’une chose est attribuée à une autre tout entière, ces deux expressions ont le même sens. Dire qu’une chose est attribuée à une autre tout entière, c’est dire qu’on ne suppose aucune partie du sujet dont l’autre chose ne puisse être dite : et de même pour n’être attribué à aucun.




CHAPITRE II

Conversion des proportions absolues, c’est-à-dire, exprimant l’existence sans caractère de nécessité ni de contingence. — Règles de la proposition universelle négative, de l’universelle affirmative, de la particulière affirmative, de la particulière négative. — Exemples à l’appui des quatre règles.


§ 1[12]. Comme toute proposition exprime que la chose est simplement, ou qu’elle est nécessairement, ou qu’elle peut être ; et que, dans toute espèce d’attribution, les propositions sont ou affirmatives ou négatives ; comme, de plus, les propositions affirmatives et négatives sont tantôt universelles, tantôt particulières, tantôt indéterminées, § 2 il y a nécessité que la proposition simple universelle privative puisse se convertir en ses propres termes ; par exemple, si aucun plaisir n’est un bien, il faut nécessairement aussi qu’aucun bien ne soit un plaisir. § 3 La proposition affirmative doit aussi se convertir, non pas en universelle, mais en particulière ; si, par exemple, tout plaisir est un bien, il faut aussi que quelque bien soit un plaisir. § 4 Parmi les propositions particulières, l’affirmative se convertit nécessairement en particulière ; car si quelque plaisir est un bien, il faut aussi que quelque bien soit un plaisir. § 5 Mais il n’y a pas de conversion nécessaire pour la proposition privative ; en effet, si homme n’est pas attribuable à quelque animal, il ne s’ensuit pas que animal ne soit pas attribuable à quelque homme.

§ 6[13]. Soit donc d’abord la proposition universelle négative AB ; si A n’est à aucun B, B ne sera non plus à aucun A ; car, si B est à quelque A, par exemple à C, il ne sera plus vrai que A ne soit à aucun B, puisque C est supposé être l’un des B. § 7[14]. Mais, si A est à tout B, B sera aussi à quelque A ; car, s’il n’était à aucun, A ne serait non plus à aucun B ; or, l’on a supposé qu’il était à tous. § 8[15]. Même conversion pour la proposition particulière ; en effet, si A est à quelque B, il faut nécessairement aussi que B soit à quelque A ; car, s’il n’est à aucun, A ne sera non plus à aucun B. § 9[16]. Enfin, si A n’est pas à quelque B, il n’est pas nécessaire non plus que B ne soit pas à quelque A : B, par exemple, est animal, et A homme ; car homme n’appartient pas à tout animal, mais animal appartient à tout homme.


CHAPITRE IIII

Conversion des propositions modales, c’est-à-dire, de celles où l’existence est modifiée par quelque caractère de nécessité ou de contingence. — Propositions nécessaires, universelles négatives et affirmatives, particulières affirmatives et négatives. — Propositions contingentes, affirmatives et négatives.


§ 1[17]. La règle sera la même encore pour les propositions nécessaires, c’est-à-dire que l’universelle privative se convertit en universelle, et que chacune des deux affirmatives se convertit en particulière. § 2 En effet, s’il est nécessaire que A ne soit à aucun B, il est nécessaire aussi que B ne soit à aucun A, parce que, s’il était nécessairement à quelque A, A serait aussi à quelque B. § 3 Si A est nécessairement à tout B ou à quelque B, B sera aussi nécessairement à quelque A : car s’il n’y avait pas nécessité qu’il y fût, A ne serait pas non plus nécessairement à quelque B. § 4[18]. Quant à la proposition particulière privative, elle ne peut ici non plus se convertir, par la même raison que nous avons dite plus haut.

§ 5[19]. Pour les propositions contingentes, comme contingent se prend dans bien des sens, puisque nous disons que le nécessaire et le non nécessaire et le possible sont contingents, la conversion de toutes les propositions affirmatives se fera ici de la même manière. Si donc A peut être à tout B ou à quelque B, B pourra être aussi à quelque A : car s’il pouvait n’être à aucun, A pourrait aussi n’être à aucun B. C’est ce que nous avons déjà démontré. § 6[20]. La règle change pour la conversion des négatives ; mais elle est encore la même pour les propositions où les choses sont toutes contingentes, soit parce que nécessairement elles ne sont pas, soit parce qu’elles ne sont pas nécessairement. Par exemple, si l’on dit que l’homme peut ne pas être cheval, et que la blancheur peut n’être à aucun vêtement, de ces deux choses l’une nécessairement n’est pas, l’autre n’est pas nécessairement. Ici donc la conversion a lieu de la même manière. En effet, si être cheval peut n’appartenir à aucun homme, être homme peut n’appartenir aussi à aucun cheval ; et si blancheur peut n’être à aucun vêtement, vêtement aussi peut n’être à aucune blancheur. Autrement, s’il y a nécessité que vêtement soit à quelque blancheur, blancheur aussi sera nécessairement à quelque vêtement. C’est ce qu’on a démontré plus haut. Même raisonnement pour la proposition particulière négative. § 7[21]. Au contraire, pour les choses que l’on dit contingentes, parce qu’elles sont le plus habituellement et naturellement de telle façon, ce qui est la définition que nous donnons de contingent, il n’en sera plus de même pour les convenions négatives. Ainsi la proposition universelle privative ne se convertit pas, et la proposition particulière se convertit. Ceci deviendra évident quand nous traiterons du contingent. Bornons-nous ici à constater, après tout ce qui précède, que pouvoir n’être à aucune chose ou pouvoir n’être pas à quelque chose, ont la forme d’affirmations. C’est que le verbe pouvoir est placé dans la proposition comme le verbe être ; et que le verbe être, a quelques attributions qu’on l’ajoute, forme toujours et absolument une affirmation : par exemple, ceci est non bon, ceci est non blanc ; ou d’une manière toute générale, ceci est non cela. Du reste, cette théorie sera reprise et confirmée plus loin. Mais, quant aux conversions, ces propositions contingentes seront comme les autres propositions.


CHAPITRE IV

Du syllogisme. — Première figure du syllogisme : définition de la figure, du moyen, et des externes. — Modes universels et particuliers, tant affirmatifs que négatifs : modes concluants et non concluants. — Modes concluants, réduits à quatre : douze non concluants éliminés. — Propriétés générales de la première figure.


§ 1[22]. Ceci une fois posé, disons avec quels éléments, dans quels cas, et sous quelle forme se produit tout syllogisme. Ce n’est que plus tard qu’il faut parler de la démonstration ; auparavant, on doit traiter du syllogisme parce que le syllogisme est plus général que la démonstration, qui n’est qu’une sorte de syllogisme, tandis que tout syllogisme n’est pas une démonstration.

§ 2[23]. Lors donc que trois termes sont les uns à l’égard des autres dans un tel rapport, que le dernier soit dans la totalité du moyen, et que le moyen soit ou ne soit pas dans la totalité du premier, il faut nécessairement qu’il y ait syllogisme complet des extrêmes. § 3[24]. J’appelle moyen le terme qui, étant lui-même renfermé dans un autre, renferme aussi un autre terme, et devient alors moyen par sa position même. Les extrêmes sont, et le terme qui est contenu dans un autre terme, et le terme qui en contient aussi un autre. § 4[25]. Par exemple, si A est attribué à tout B, et que B soit attribué à tout C, il est nécessaire que A soit attribué à tout C. Nous avons dit plus haut ce que nous entendons par être attribué à tout.

§ 5[26]. De même, si A n’est attribué à aucun B, et que B soit attribué à tout C, A ne sera attribué à aucun C. § 6[27]. Mais, si le premier terme est conséquent à tout le moyen, et que le moyen n’appartienne en rien au dernier terme, il n’y aura pas de syllogisme des extrêmes ; car il ne résulte rien de nécessaire de la disposition de ces termes. Le premier terme, en effet, peut à la fois être à tout le dernier et n’être en rien au dernier ; de sorte qu’il n’y a point de conclusion nécessaire, ni particulière, ni universelle : et, comme il n’y a aucune conclusion nécessaire, il n’y aura pas de syllogisme par ces termes. Que les termes pour l’affirmative universelle, soient : animal, homme, cheval ; et pour la négative universelle : animal, homme, pierre. § 7[28]. Il n’y aura pas non plus de syllogisme, lorsque le premier terme n’est à aucun moyen, ni le moyen à aucun dernier. Que les termes de l’affirmation soient : science, ligne, médecine ; de la négation : science, ligne, unité. § 8[29]. Lors donc que les termes sont universels, on voit clairement les cas où, dans cette figure, il y aura syllogisme, et ceux où il n’y en aura pas ; on voit aussi que, dès qu’il y a syllogisme, les termes doivent être nécessairement disposés ainsi que nous l’avons dit ; et, dès qu’ils le seront ainsi, il est évident que le syllogisme se produira.

§ 9[30]. Mais si, des deux termes, celui-ci est universel et celui-là particulier relativement à l’autre, lorsque l’universel, soit affirmatif, soit privatif, est placé dans l’extrême majeur, et que le particulier affirmatif est à l’extrême mineur, nécessairement le syllogisme est complet. Le syllogisme est impossible si l’universel est au mineur, ou que les termes soient de toute autre façon. § 10[31]. J’appelle majeur l’extrême dans lequel est le moyen, et mineur, l’extrême qui est sujet du moyen. § 11 Soit, en effet, A à tout B et B à quelque C ; si donc être attribué à tout est bien ce que j’ai dit au début, il faut nécessairement que A soit à quelque C. § 12[32]. Et si A n’est à aucun B, et que B soit à quelque C, il y a nécessité que A ne soit pas à quelque C ; car nous avons expliqué aussi ce que nous entendons par n’être attribué à aucun. Et donc le syllogisme sera complet. § 13 Il en serait ainsi encore si B C était indéterminée, pourvu qu’elle fût affirmative : car le syllogisme restera le même, soit qu’on fasse B C indéterminée, soit qu’on la fasse particulière.

§ 14[33]. Mais si l’universel attributif ou privatif est placé à l’extrême mineur, il n’y aura pas de syllogisme, que d’ailleurs la proposition indéterminée ou particulière soit affirmative ou négative. § 15[34]. Par exemple, si A est ou n’est pas à quelque B, et que B soit à tout C, les termes de l’affirmation sont : bien, disposition, prudence ; de la négation : bien, disposition, ignorance. § 16[35]. D’autre part, si B n’est à aucun C, et que A soit ou ne soit pas à quelque B, ou qu’il ne soit pas à tout B, il n’y aura pas non plus de syllogisme dans ce cas. Les termes de l’affirmation universelle sont : blanc, cheval, cygne ; et de la négation universelle : blanc, cheval, corbeau. § 17[36]. On peut prendre les mêmes termes dans le cas où AB serait une proposition indéterminée.

§ 18[37]. Quand l’universel, soit attributif soit négatif, est placé au majeur, et que le particulier privatif est placé au mineur, il n’y aura pas non plus de syllogisme, soit qu’on fasse le privatif indéterminé soit qu’on le fasse particulier. § 19 Par exemple, si A est à tout B, et que B ne soit pas à quelque C, ou à tout C ; car le terme auquel le moyen n’est pas particulièrement aura le premier pour conséquent universel, soit affirmatif, soit négatif. Supposons que les termes soient : animal, homme, blanc ; parmi les choses blanches auxquelles homme n’est pas attribué, prenons cygne et neige. D’une part, animal est attribué à tout, et, d’autre part, il n’est attribué à aucun ; de sorte qu’il n’y aura pas de syllogisme. § 20[38]. Supposons encore que A ne soit à aucun B, et que B ne soit pas à quelque C ; admettons, en outre, que les termes soient : inanimé, homme, blanc ; prenons ensuite, parmi les choses blanches auxquelles on ne peut attribuer homme, cygne et neige ; inanimé est attribué, d’une part, à tout, d’autre part, à aucun. § 21[39]. De plus, comme cette proposition, B n’est pas à quelque C, est indéterminée ; car du moment que le terme n’est à aucun ou qu’il n’est pas à tout, il est vrai de dire qu’il n’est pas à quelque ; en prenant les termes de manière qu’il ne soit à aucun, il n’y a pas de syllogisme, comme on l’a déjà dit ; donc il est évident qu’il n’y aura pas de syllogisme, en établissant les termes comme on vient de l’indiquer ; car il y en aurait eu aussi pour les autres. La démonstration serait encore pareille si l’universel était supposé privatif. § 22[40]. Il n’y aura pas davantage de syllogisme si les deux intervalles sont particuliers, affirmatifs ou négatifs, ou si l’un est affirmatif et l’autre négatif, ou bien si l’un est indéterminé et l’autre défini, ou enfin si tous deux sont indéterminés. Dans tous ces cas le syllogisme est impossible ; les termes communs à toutes ces suppositions peuvent être : animal, blanc, homme : animal, blanc, pierre. § 23[41]. Il est donc évident, d’après tout ceci, que, quand le syllogisme est particulier dans cette figure, il faut nécessairement que les termes soient disposés comme nous l’avons dit : s’ils le sont ainsi, il y a syllogisme ; s’ils le sont autrement, il n’y a pas de syllogisme possible.

§ 24[42]. Il est également évident que tous les syllogismes de cette figure sont complets, puisque tous concluent par des données primitives. § 25[43]. On voit aussi que toutes les espèces de conclusions sont prouvées par cette figure ; car on y trouve : être à tout, n’être à aucun, être à quelque, n’être pas à quelque. § 26 Voilà ce que j’appelle la première figure.


CHAPITRE V

Seconde figure du syllogisme. — Définitions de la figure, du moyen, des extrêmes. — Modes universels. — Modes particuliers. — Modes concluants réduits à quatre ; douze non concluants éliminés. — Propriétés générales de la seconde figure.


§ 1[44]. Lorsqu’un même terme est, d’une part, à tout le premier terme, et que, d’autre part, il n’est aucunement au second, ou bien lorsqu’à la fois il est aux deux tout entiers, ou n’est à aucun des deux, c’est là ce que j’appelle la seconde figure. § 2[45]. Je nomme moyen, dans cette figure, le terme attribué aux deux autres. Je nomme extrêmes les termes auxquels celui-là est attribué, extrême majeur celui qui est placé près du moyen, extrême mineur celui qui est le plus éloigné du moyen. § 3[46]. Le moyen est placé en dehors des extrêmes, et il est le premier en ordre. § 4[47]. Il n’y aura donc pas dans cette figure de syllogisme complet. § 5 Mais le syllogisme ici sera possible, les termes d’ailleurs étant ou n’étant pas universels. § 6[48]. Avec des termes universels, il y aura syllogisme quand le moyen sera d’une part à tout, et d’autre part à aucun, quelque soit d’ailleurs celui des deux termes qui soit privatif. Autrement, il n’y aura pas de syllogisme. § 7[49]. Par exemple, que M ne soit attribué à aucun N, et qu’il soit attribué à tout O, comme la proposition privative se convertit, N ne sera à aucun M. Mais on supposait que M était à tout O ; N ne sera donc à aucun O ; c’est ce qu’on a déjà démontré. § 8[50]. Ensuite, si M est à tout N, et n’est à aucun O, O ne sera non plus à aucun N ; car si M n’est à aucun O, O non plus ne sera à aucun M ; mais M était supposé à tout N, donc O ne sera à aucun N ; ainsi on est revenu à la première figure. Mais, comme la proposition négative se convertit, N ne sera non plus à aucun O, et alors le syllogisme sera le même. § 9[51]. On pourrait démontrer encore ceci par réduction à l’absurde. § 10[52]. Il est donc évident que, les termes ainsi disposés, il y a syllogisme, mais non pas syllogisme complet ; car la conclusion nécessaire ne se forme pas uniquement avec les données primitives ; il faut, en outre, d’autres éléments. § 11[53]. Mais si M est attribué à tout N et à tout O, il n’y aura pas de syllogisme. Termes de l’affirmation : substance, animal, homme ; de la négation : substance, animal, pierre. Substance ici est le terme moyen. § 12[54]. Il n’y a pas non plus de syllogisme quand M n’est attribué ni à aucun N, ni à aucun O ; que les formes pour l’affirmation soient : ligne, animal, homme ; pour la négation : ligne, animal, pierre. § 13[55]. Il est donc évident que, pour qu’il y ait syllogisme avec des termes universels, il faut que ces termes soient disposés ainsi que nous l’avons dit en débutant ; car on n’obtient pas de conclusion nécessaire s’ils le sont autrement.

§ 14[56]. Si le moyen n’est universel que dans l’un des extrêmes, lorsqu’il l’est dans la majeure soit affirmativement soit privativement, et que, dans la mineure, il est particulier et en opposition avec l’universel : j’entends par en opposition le cas où l’universel étant négatif, le particulier est affirmatif, ou bien celui où l’universel étant affirmatif, le particulier est négatif : alors il y a nécessité que le syllogisme soit particulier négatif. § 15[57]. En effet, si M n’est à aucun N et s’il est à quelque O, il faut nécessairement que N ne soit pas à quelque O ; car la proposition négative se convertissant, N non plus ne sera à aucun M ; mais comme l’on supposait que M était à quelque O, N ne sera pas à quelque O ; car le syllogisme alors est de la première figure. § 16[58]. Ensuite, si M est à tout N et n’est pas à quelque O, il est nécessaire que N ne soit pas à quelque O ; car s’il est à tout Ο, comme M est aussi attribué à tout N, il faut que M soit à tout O : mais on supposait qu’il n’était pas à quelque O. De plus, si M est à tout N, et s’il n’est pas à tout O, il y aura ce syllogisme, que N n’est pas à tout O. La démonstration ici est la même. § 17[59]. Si M est attribué à tout Ο et ne l’est pas à tout N, il n’y aura pas de syllogisme. Termes pour l’affirmation : animal, substance, corbeau ; et pour la négation : animal, blanc, corbeau. § 18[60]. Il n’y en aura pas non plus si M n’est attribué à aucun O, et s’il l’est à quelque N. Termes de l’affirmation : animal, substance, pierre ; et de la négation : animal, substance, science. § 19[61]. Ainsi donc l’universel étant de forme opposée à celle du particulier, on a dit quand il y aura et quand il n’y aura pas de syllogisme.

§ 20 Mais si les deux propositions sont de même forme, toutes deux privatives ou toutes deux affirmatives, il n’y aura pas de syllogisme. § 21 Supposons-les d’abord privatives, et que l’universel soit joint à l’extrême majeur, par exemple que M ne soit à aucun N, et qu’il ne soit pas à quelque O. N peut également être à tout O, et n’être à aucun. Termes de la négation universelle : noir, neige, animal. On ne peut pas trouver de termes pour l’affirmation universelle, puisque M à la fois est à quelque O, et n’est pas à quelque autre O : car si N est à tout O, et que M ne soit à aucun N, M ne sera non plus à aucun O ; mais l’on a supposé qu’il était à quelque O. Donc il n’est pas possible de trouver des termes de ce genre : mais il faut démontrer ceci en observant que la proposition est indéterminée ; en effet, puisqu’il est vrai aussi de dire que M n’est pas à quelque O, même quand il n’est à aucun, et comme, lorsqu’il n’est à aucun O, il n’y a pas de syllogisme, il est évident qu’il n’y en aura pas davantage dans le cas actuel. § 22[62]. Supposons ensuite que les deux propositions soient attributives, et que l’universel ait toujours la même place, par exemple, que M soit à tout N, et à quelque O ; N alors peut être à tout O ou n’être à aucun. Les termes de la négation universelle sont : blanc, cygne, pierre. Il n’y en aura pas pour l’affirmative universelle, par la raison déjà dite plus haut ; et il faut démontrer ceci par l’indéterminé de la proposition. § 23[63]. Avec l’universel joint à l’extrême mineur, en supposant que M ne soit à aucun O, et qu’il ne soit pas à quelque N, N alors peut être à tout O ou n’être à aucun O. Termes de l’affirmation : blanc, animal, corbeau ; de la négation : blanc, pierre, corbeau. § 24[64]. Mais, si les propositions sont attributives, les termes de la négation seraient : blanc, animal, neige ; et de l’affirmation : blanc, animal, cygne. § 25 Il est donc clair que, quand les propositions sont de même forme, et que l’une est universelle, l’autre particulière, il n’y a pas de syllogisme possible. § 26[65]. Il n’y en a pas non plus, si le moyen est ou n’est pas particulièrement à l’un et à l’autre extrême, ou bien si particulièrement il est à l’un et n’est pas à l’autre, ou bien s’il n’est à aucun des deux en entier, ou s’il est d’une manière indéterminée. Termes communs de tous ces ras : blanc, animal, homme ; blanc, animal, inanimé.

§ 27[66]. En résumé, on voit que, quand les termes sont les uns envers les autres comme on l’a dit, il y a nécessairement syllogisme, et que, s’il y a syllogisme, il faut nécessairement que les termes soient dans ces relations. § 28[67]. Il est évident, en outre, que tous les syllogismes de cette figure sont incomplets, puisque tous ne concluent que par l’addition de quelques données, lesquelles sont ou nécessairement renfermées dans les termes, ou admises à titre d’hypothèses, comme dans le cas où nous démontrons par l’absurde. § 29[68]. On voit enfin que, dans cette figure, il n’y a pas de syllogisme affirmatif, mais que tous y sont privatifs, les universels comme les particuliers.


CHAPITRE VI

Troisième figure du syllogisme. — Définitions de la figure, du moyen, des extrêmes. — Modes universels. — Modes particuliers. — Modes concluants réduits à 6 : 10 asyllogistiques éliminés. — Propriétés générales de la troisième figure..


§ 1[69]. Lorsqu’à l’égard d’un même terme les autres termes sont, l’un attribué universellement, et l’autre nié de même, ou bien lorsque tous deux sont ou ne sont pas universellement à ce même terme, j’appelle cette figure la troisième. § 2[70]. Je nomme ici moyen le terme auquel nous attribuons les deux autres, extrêmes les termes attribués, extrême majeur celui qui est le plus éloigné du moyen, extrême mineur celui qui en est le plus rapproché. § 3[71]. Le moyen est en dehors des extrêmes, et il est le dernier par sa place. § 4[72]. Dans cette figure il n’y a pas non plus de syllogisme complet, § 5 mais le syllogisme est possible, que les termes soient joints au moyen universellement ou non universellement. § 6 Les termes donc étant universels, par exemple, P et R étant à tout S il y aura ce syllogisme, que P est nécessairement à quelque R ; car, la proposition universelle affirmative se convertissant, S sera à quelque R ; mais, puisque P est à tout S et S à quelque R, il y a nécessité que P soit à quelque R, et alors le syllogisme se forme dans la première figure. On peut encore faire cette démonstration par la réduction à l’absurde et par l’exposition ; car, les deux termes étant à tout S, si l’on prend l’un des S, N par exemple, P et R seront à cet S, de sorte que P sera à quelque R. § 7[73]. Si R est à tout S, et que P ne soit à aucun S, il y aura ce syllogisme que nécessairement P ne sera pas à quelque R, le même mode de démonstration serait possible en convertissant la proposition R S ; et l’on pourrait démontrer aussi par réduction à l’absurde, comme dans les cas précédents. § 8[74]. Si R n’est à aucun S, et que P soit à tout S il n’y aura pas de syllogisme. Termes de l’affirmation : animal, cheval, homme ; et de la négation : animal, inanimé, homme. § 9[75]. Si les deux termes ne sont attribués à aucun S, il n’y aura pas non plus de syllogisme. Termes de l’affirmation : animal, cheval, inanimé ; de la négation : homme, cheval, inanimé : inanimé étant le moyen. § 10[76]. Tels sont les cas où, dans cette figure, il y aura et il n’y aura pas de syllogisme, avec des termes universels. En effet, les deux termes étant attributifs, il y aura ce syllogisme, que l’un des extrêmes est particulièrement à l’autre extrême. Lorsqu’ils sont privatifs, il n’y a pas de syllogisme ; mais, lorsque l’un est privatif et l’autre affirmatif, si c’est le majeur qui est privatif et l’autre affirmatif, il y aura ce syllogisme, que l’un des extrêmes n’est pas particulièrement à l’autre extrême ; autrement il n’y aura pas de syllogisme.

§ 11 Lorsque, par rapport au moyen, l’un des termes est universel et l’autre particulier, si tous les deux sont attributifs, il y a nécessairement syllogisme, quel que soit d’ailleurs celui des termes qui est universel. § 12 Si donc R est à tout S, et P à quelque S, nécessairement P sera à quelque R. Par la conversion de l’affirmative, S sera à quelque P ; et, puisque R est à tout S, et S à quelque P, R sera aussi à quelque P, d’où P aussi sera à quelque R. § 13 Ensuite, si R est à quelque S et P à tout S, P sera nécessairement aussi à quelque R. Le mode de démonstration serait ici le même. § 14[77]. Et l’on peut démontrer encore, par la réduction à l’absurde et par l’exposition, comme pour les cas précédents. § 15[78]. Mais, si l’un des termes est attributif et l’autre privatif, et que l’attributif soit universel, avec le mineur affirmatif, il y aura syllogisme. En effet, si R est à tout S, et que P ne soit pas à quelque S, P nécessairement ne sera pas à quelque R ; car, s’il était à tout R, et que R fût à tout S, P aussi serait à tout S ; ce qui est contraire à la supposition. On peut démontrer ceci sans la réduction à l’absurde, en supposant un des S auquel P n’est pas. § 16[79]. Avec le majeur attributif, il n’y aura pas de syllogisme : par exemple, si P est à tout S, et que R ne soit pas à quelque S. Termes de l’affirmation universelle : animé, homme, animal. Pour la négation universelle, on ne peut trouver de termes, puisque R est à tel S et n’est pas à tel autre ; car, si P est à tout S et R à quelque S, P sera aussi à quelque R ; mais l’on avait supposé que P n’était à aucun R. Il faut ici procéder comme dans les cas précédents ; car, comme n’être pas à quelque est indéterminé, il est vrai de dire que ce qui n’est à aucun n’est pas non plus à quelque ; or, quand on avait n’être à aucun, il n’y avait pas de syllogisme donc il est évident qu’ici non plus il n’y en aura pas davantage. § 17[80]. Si le privatif est universel et que le particulier soit affirmatif, pourvu que le majeur soit privatif et le mineur attributif, il y aura syllogisme ; car, si P n’est à aucun S, et que R soit à quelque S, P ne sera pas à quelque R ; et, de nouveau, l’on aura la première figure, en convertissant la proposition R S. § 18[81]. Avec le mineur privatif, il n’y aura pas de syllogisme. Termes de l’affirmation : animal, homme, sauvage, et de la négation : animal, science, sauvage ; le moyen, de part et d’autre, est sauvage. § 19[82]. Si les deux termes sont privatifs, et que l’un soit universel, l’autre particulier, il n’y aura pas non plus de syllogisme. Avec un mineur universellement joint au moyen, termes de la négation : animal, science, sauvage, et de l’affirmation : animal, homme, sauvage. § 20[83]. Si c’est, au contraire, le majeur qui est universel et le mineur particulier, les termes de la négation seraient : corbeau, neige, blanc ; mais, pour ceux de l’affirmation, on ne saurait en trouver, si R est à tel S tandis qu’il n’est pas à tel autre ; car, si P est à tout R, et R à quelque S, P sera aussi à quelque S ; mais l’on supposait qu’il n’était à aucun. Il faut encore prouver ceci par le caractère indéterminé de la proposition.

§ 21[84]. Le syllogisme n’est pas possible non plus, si l’un et l’autre extrême sont ou ne sont pas particulièrement au moyen ; si l’un y est et que l’autre n’y soit pas ; que l’un soit particulièrement au moyen et que l’autre ne soit pas à tout le moyen ; ou bien si les propositions sont indéterminées. Termes communs de tous ces cas : animal, homme, blanc ; animal, inanimé, blanc.

§ 22[85]. Telles sont évidemment les conditions pour que, dans cette figure, le syllogisme soit ou ne soit pas possible. Si les termes sont disposés comme on l’a dit, il y aura nécessairement syllogisme ; et, s’il y a syllogisme, les termes seront nécessairement ainsi. § 23[86]. Il est, de plus, évident que, dans cette figure, tous les syllogismes sont incomplets ; car tous ne concluent qu’en ajoutant quelque donnée nouvelle. § 24 On voit enfin qu’il n’est pas possible, dans cette figure, d’obtenir de syllogisme universel, ni affirmatif, ni privatif.


CHAPITRE VII

Modes indirects dans les trois figures. — Réduction des deux dernières figures à la première. — Réduction de tous les modes aux deux seuls modes universels de la première figure.


§ 1[87]. Il n’est pas moins évident que, dans toutes les figures, au cas où il n’y a pas syllogisme, si les deux termes sont affirmatifs ou privatifs, ou tous les deux particuliers, il n’y a pas de conséquence nécessaire. § 2[88]. Mais, si l’un est attributif et l’autre privatif, et que le privatif soit pris universellement, il y a toujours syllogisme du petit extrême attribué au grand. § 3[89]. Par exemple, que A soit à tout B, ou à quelque B, et que B ne soit à aucun C ; les propositions, en effet, pouvant se convertir, il y a nécessité que C ne soit pas à quelque A. § 4[90]. Et, de même, dans les autres figures, le syllogisme s’y obtient toujours par la conversion.

§ 5[91]. Il est encore évident que la proposition indéterminée, prise à la place de la proposition particulière attributive, donnera toujours le même syllogisme qu’elle dans toutes les figures.

§ 6[92]. Il est également clair que tous les syllogismes incomplets se complètent par la première figure ; car tous concluent ou ostensivement ou par réduction à l’absurde ; et, de l’une et l’autre façon, c’est la première figure qui est produite. S’ils se complètent ostensivement, c’est par la conversion qu’ils concluent, et l’on a vu que la conversion donnait toujours la première figure. S’ils sont démontrés par réduction à l’absurde, là supposition erronée que l’on fait donne le syllogisme dans la première figure. Soit, par exemple, un syllogisme de la dernière : si A et B sont à tout C, A est aussi à quelque B ; car, si A n’est à aucun B, et que B soit à tout C, A ne sera à aucun C ; mais on l’avait supposé à tout C. Et de même pour tous les autres cas.

§ 7[93]. On peut même ramener tous les syllogismes aux syllogismes universels de la première figure. § 8 D’abord, ceux de la seconde se complètent évidemment par ceux-là, non pas tous de la même manière ; mais les universels, par la conversion du privatif ; et chacun des particuliers, par la réduction à l’absurde. § 9[94]. Quant aux syllogismes particuliers de la première figure, ils sont complets par eux-mêmes ; mais il serait encore possible de les démontrer, en les ramenant à l’absurde par la seconde figure. Par exemple, si A est à tout B, et B à quelque C, A sera aussi à quelque C ; car, s’il n’est à aucun C, et qu’il soit à tout B, B ne sera non plus à aucun C ; or, nous ne savons ceci que par la seconde figure. La démonstration serait encore la même pour le privatif ; car, si A n’est à aucun B et que B soit à quelque C, A ne sera pas non plus à quelque C ; car, s’il est à tout C, et qu’il ne soit à aucun B, B ne sera non plus à aucun C ; et c’était là précisément la moyenne figure. Ainsi donc, comme tous les syllogismes de la moyenne figure sont ramenés aux syllogismes universels de la première, et que les syllogismes particuliers de la première sont ramenés à ceux de la moyenne figure, il est clair aussi que les syllogismes particuliers de la première seront ramenés aux syllogismes universels de cette même figure. § 10[95]. Enfin, les syllogismes de la troisième, si les termes sont universels, se complètent immédiatement par ces mêmes syllogismes. § 11 Et, si les termes sont particuliers, c’est par les syllogismes particuliers de la première figure ; et ceux-ci viennent d’être ramenés aux universels. Ainsi donc, c’est à eux aussi que les syllogismes particuliers de la troisième figure seront ramenés. § 12 Donc, en résumé, tous les syllogismes seront ramenés aux syllogismes universels de la première figure.

§ 13[96]. On sait maintenant comment se forment les syllogismes qui affirment ou nient simplement l’existence. On les a vus d’abord chacun dans une même figure, et l’on a vu ensuite leurs rapports, quand ils sont de figures différentes.


CHAPITRE VIII

Syllogismes des modales. — Syllogismes avec les deux prémisses marquées du caractère de nécessité.


§ 1[97]. Comme c’est une chose fort différente que d’être simplement, et d’être nécessairement, et d’être d’une manière contingente ; car bien des choses sont sans être nécessairement, et d’autres ne sont ni nécessairement ni même pas du tout, mais peuvent être ; on conçoit sans peine que le syllogisme, dans chacun de ces cas, sera différent aussi, et que les termes n’en seront pas semblables. Ainsi, tel syllogisme sera composé de termes nécessaires, tel autre de termes absolus, tel autre enfin de termes contingents.

§ 2[98]. Pour les propositions nécessaires, il en est à peu près comme pour les propositions d’existence absolue ; les termes, en effet, étant disposés de même, le syllogisme se produira, et ne se produira pas également, soit pour la simple existence, soit pour l’existence nécessaire affirmée ou niée. La seule différence, c’est qu’on ajoutera aux termes que la chose est ou qu’elle n’est pas, nécessairement. § 3[99]. Le privatif, en effet, se convertit absolument de même ; et nous garderons ici, dans un sens tout à fait pareil, les expressions : être dans la totalité, être attribué à tout. Dans les autres cas, on démontrera donc de la même manière, c’est-à-dire par la conversion, la conclusion du nécessaire, précisément comme on l’a fait pour les conclusions d’existence absolue. Mais, dans la figure moyenne, lorsque l’universel est affirmatif et que le particulier est privatif ; et, dans la troisième, lorsque l’universel est affirmatif et que le particulier est privatif, la démonstration ne se fera plus de même ; mais alors il faudra exposer un terme auquel l’un et l’autre extrêmes ne soient pas, et construire le syllogisme relativement à lui ; car il y aura conclusion du nécessaire pour ce terme ; et, si la conclusion est du nécessaire pour le terme ainsi exposé, elle le sera également pour une partie du premier terme ; car celui qu’on expose en est précisément une partie. Du reste, les deux syllogismes se forment chacun dans la figure qui lui est propre.


CHAPITRE IX

Mélange de l’absolu{3} et du nécessaire dans la première figure. — Règle générale : La majeure doit être modale nécessaire, pour que la conclusion le soit aussi. — Examen des modes universels et des modes particuliers.


§ 1[100]. Il arrive aussi quelquefois que, l’une des propositions seulement étant nécessaire, le syllogisme le soit aussi ; mais ce n’est pas indifféremment l’une des deux propositions : il faut que ce soit la majeure. § 2[101]. Par exemple, si l’on suppose que A soit ou ne soit pas nécessairement à B, et que B soit simplement à C, avec des propositions ainsi formées, A sera ou ne sera pas nécessairement à C ; car, A étant ou n’étant pas nécessairement à tout B, et C étant un des B, il est évident que C aussi sera nécessairement de l’une ou de l’autre de ces formes. § 3[102]. Mais, si A B n’est pas nécessaire ; et que B C le soit, la conclusion ne sera pas du nécessaire ; car, si elle en était, A serait nécessairement à quelque B, par la première et la troisième figure : ce qui est faux ; car B peut être tel que A ne puisse lui être aucunement. On peut voir, en outre, par les termes seuls, que la conclusion ne sera pas du nécessaire ; par exemple, soit A mouvement, B animal, et C homme ; l’homme est nécessairement animal ; mais l’animal ne se meut pas nécessairement non plus que l’homme. § 4[103]. Et, de même, en supposant A B privatif ; car la démonstration serait pareille. § 5[104]. Quant aux syllogismes particuliers, si la proposition universelle est nécessaire, la conclusion sera du nécessaire aussi ; quand, au contraire, c’est la particulière qui est nécessaire, la conclusion n’est plus du nécessaire, la proposition universelle étant d’ailleurs privative ou affirmative. § 6[105]. Ainsi d’abord, supposons que l’universel soit nécessaire, et que A soit nécessairement à tout B, et que B soit simplement à quelque C, il faut alors que A soit nécessairement à quelque C ; car C est sujet de B, et l’on supposait que A était nécessairement à tout B. § 7[106]. Il en est de même si le syllogisme est privatif, et la démonstration sera toute pareille. § 8[107]. Mais, si c’est le particulier qui est nécessaire, la conclusion ne sera pas du nécessaire ; car ceci n’a rien d’absurde, non plus que pour les syllogismes universels. § 9[108]. Même règle pour les syllogismes particuliers privatifs. Termes : mouvement, animal, blanc.


CHAPITRE X

Mélange de l’absolu et du nécessaire dans la seconde figure. — Règle générale : Pour que la conclusion soit modale nécessaire, il faut que la proposition universelle négative le soit aussi. — Examen des modes universels et des modes particuliers.


§ 1[109]. Dans la seconde figure, si la proposition privative est nécessaire, la conclusion aussi sera du nécessaire : si c’est l’affirmative qui est nécessaire, la conclusion n’en sera pas.

§ 2[110]. Supposons d’abord que la privative est nécessaire, et que A ne puisse être à aucun B, et qu’il soit simplement à C, comme la proposition privative se convertit, B ne peut non plus être à aucun A ; mais A est à tout C : donc B ne peut être à aucun C ; car C est sujet de A. § 3[111]. Il en est de même encore si l’on suppose C privatif. En effet, si A ne peut être à aucun C, C non plus ne peut être à aucun A ; mais A est à tout B, de sorte que C ne peut être à aucun B ; c’est donc encore la première figure qui revient : donc B ne pourra être davantage à C ; car ici la conversion est également possible. § 4[112]. Si c’est la proposition attributive qui est nécessaire, la conclusion ne sera pas du nécessaire. En effet, supposons que A soit nécessairement à tout B, et qu’il ne soit simplement à aucun C, le privatif étant converti, on obtient la première figure : or, on a démontré que, quand la proposition privative dans la majeure n’est pas nécessaire, la conclusion n’est pas non plus du nécessaire ; donc elle n’en sera pas davantage pour le cas supposé ici. § 5[113]. De plus, si la conclusion est du nécessaire, elle a cette forme que C nécessairement n’est pas à quelque A ; car si B nécessairement n’est à aucun C, C nécessairement non plus ne sera à aucun B ; mais il est nécessaire que B soit à quelque A, puisque A était nécessairement à tout B : donc il est nécessaire que C ne soit pas à quelque A ; mais rien n’empêche que A ne soit pris de telle sorte qu’il puisse être à tout C. § 6[114]. Il est possible même, par la seule exposition des termes, de démontrer que la conclusion n’est pas absolument du nécessaire, mais qu’elle n’est du nécessaire qu’avec les conditions posées. Soit, par exemple, A animal, B homme, C blanc, et que les propositions soient de la même forme, il est possible que animal ne soit à aucun être blanc ; homme alors ne sera non plus à aucun être blanc, mais non pas du tout nécessairement ; car il se peut que l’homme devienne blanc, mais non pas cependant tant qu’animal ne conviendra à aucun être blanc : ces conditions une fois admises, la conclusion sera du nécessaire, mais elle n’en sera pas absolument parlant.

§ 7[115]. Il en sera de même encore pour les syllogismes particuliers. Ici aussi, quand la proposition privative est universelle et nécessaire, la conclusion sera également du nécessaire. Si, au contraire, c’est la proposition attributive qui est universelle et nécessaire, et que la privative soit particulière et non nécessaire, la conclusion ne sera pas du nécessaire. § 8[116]. Soit donc d’abord la proposition privative universelle et nécessaire : que A, par exemple, ne puisse être à aucun B, mais qu’il soit à quelque C, le privatif pouvant se convertir, B ne pourra être non plus à aucun A ; mais A est à quelque C, donc B nécessairement n’est pas à quelque C.

§ 9[117]. D’autre part, que la proposition attributive soit universelle et nécessaire, et que l’affirmation soit jointe à B. Si A est nécessairement à tout B, et qu’il ne soit pas à quelque C, il est évident que B ne sera pas à quelque C, mais non pas nécessairement ; car ici les termes utiles à la démonstration seront les mêmes que pour les syllogismes universels.

§ 10[118]. Mais dans le cas où la proposition privative nécessaire est particulière, la conclusion ne sera pas du nécessaire ; du reste, la démonstration aurait lieu avec les mêmes termes.


CHAPITRE XI

Mélange de l’absolu et du nécessaire dans la troisième figure. — Règle générale : Avec deux affirmatives, la conclusion est modale nécessaire, si la prémisse universelle est nécessaire ; avec une seule affirmative, si l’universelle négative est nécessaire. — Examen de tous les modes.


§ 1[119]. Dans la dernière figure, les termes étant universels relativement au moyen, et les deux propositions étant attributives, il suffit que l’une des deux indifféremment soit nécessaire, pour que la conclusion soit également du nécessaire. L’une étant privative et l’autre attributive, si c’est la privative qui est nécessaire, la conclusion sera aussi du nécessaire ; elle n’en sera pas, Si c’est l’attributive qui est nécessaire. § 2[120]. Supposons d’abord que les deux propositions soient attributives, et que A et B soient à tout C, et que A C soit nécessaire ; puis donc que B est à tout C, C aussi sera à quelque B, car la proposition universelle se convertit en particulière. Ainsi, A étant nécessairement à tout C, et C à quelque B, nécessairement aussi A sera à quelque B ; car B est sujet de C. On revient donc à la première figure. § 3[121]. On démontrera de la même façon, si c’est B C qui est nécessaire ; car C peut se convertir en quelque A ; de sorte que, si B est nécessairement à tout C, et que C soit à quelque A, B sera nécessairement aussi à quelque A. § 4[122]. D’autre part, soit A C privatif, et B C affirmatif, et que le privatif soit nécessaire : l’affirmative étant convertie, C sera à quelque B ; mais A nécessairement n’est à aucun C, A, nécessairement, non plus ne sera pas à quelque B ; car B est sujet de C. § 5[123]. Si c’est l’attributif qui est nécessaire, la conclusion ne sera pas du nécessaire. Soit, par exemple, B C attributif et nécessaire, et A C privatif et non nécessaire, l’affirmatif étant converti, C sera nécessairement à quelque B ; de sorte que, si A n’est à aucun C, et que C soit à quelque B, A ne sera pas non plus à quelque B, mais non pas nécessairement ; car il a été démontré, dans la première figure, que, si la proposition privative n’est pas nécessaire, la conclusion n’est pas non plus du nécessaire. § 6[124]. Ceci, du reste, peut devenir évident d’après les termes seuls. Par exemple, que A soit bon, B animal, et C cheval : il se peut que bon ne soit à aucun cheval ; mais animal est nécessairement à tout cheval ; pourtant il n’est pas nécessaire que quelque animal ne soit pas bon, puisqu’il est possible, au contraire, que tout animal soit bon ; ou bien, si cette dernière supposition n’est pas admissible, il faut prendre un autre terme, dormir ou veiller, attributs dont tout animal est susceptible. § 7 On voit donc, quand les termes sont universels relativement au moyen, dans quels cas la conclusion sera du nécessaire.

§ 8[125]. Soit maintenant l’un des termes universels et l’autre particulier : les deux propositions étant attributives, lorsque l’universel est nécessaire, la conclusion est également du nécessaire. Même démonstration que précédemment ; car le particulier attributif peut aussi se convertir : si donc B est nécessairement à tout C, et que A soit sujet de C, il est nécessaire que B soit à quelque A ; mais, si B est à quelque A, il est nécessaire aussi que A soit à quelque B ; car il y a conversion. § 9[126]. Il en serait de même si A C était nécessaire en même temps qu’il est universel ; car B est sujet de C. § 10[127]. Si c’est le particulier qui est nécessaire, la conclusion ne sera pas du nécessaire. § 11[128]. Soit, par exemple, B C particulier et nécessaire, et que A soit à tout C, mais non toutefois nécessairement, en convertissant B C, on revient à la première figure ; et la proposition universelle n’est pas nécessaire, mais c’est la particulière qui l’est. Avec des propositions de ce genre, la conclusion n’était pas du nécessaire : elle n’en est pas davantage ici. § 12[129]. On peut voir ceci d’après les termes seuls : que A soit veille, B bipède, et C animal ; il est nécessaire que B soit à quelque C, mais A peut être à tout C, et A n’est pas nécessairement à B ; car il n’est pas nécessaire que quelque bipède soit endormi ou éveillé. § 13[130]. On pourrait également démontrer ceci par les mêmes termes, quand bien même la proposition AC serait particulière et nécessaire.

§ 14[131]. Soit maintenant l’un des termes attributif et l’autre privatif, si l’universel est privatif et nécessaire, la conclusion aussi sera du nécessaire. Par exemple, si A ne peut être à aucun C, et que B soit à quelque C, il est nécessaire que A ne soit pas à quelque B.

§ 15[132]. Si c’est l’affirmatif qui est nécessaire, qu’il soit d’ailleurs universel ou particulier, ou bien si le privatif est particulier, la conclusion ne sera pas du nécessaire. Du reste, nous dirons ici ce que nous avons dit pour les cas antérieurs. Termes, quand l’universel attributif est nécessaire : veille, animal, homme, homme étant pris pour moyen terme ; et quand c’est le particulier attributif qui est nécessaire : veille, animal, blanc. En effet, il est nécessaire que animal soit à quelque être blanc ; mais veille peut n’être à aucun ; et il n’est pas non plus nécessaire que veille ne soit pas à quelque animal. Pour le cas où la proposition particulière privative est nécessaire, les termes seraient : bipède, mouvement, animal, animal étant le moyen.


CHAPITRE XII

Comparaison de l’absolu et du nécessaire. — Règles générales des conclusions absolues et des conclusions modales nécessaires.


§ 1[133]. Il est donc évident qu’il n’y a de syllogisme absolu qu’autant que les propositions sont absolues toutes deux ; mais pour qu’il y ait syllogisme du nécessaire, il suffit que l’une des deux seulement soit nécessaire. § 2[134]. De part et d’autre, il faut toujours, les syllogismes d’ailleurs étant privatifs ou affirmatifs, que l’une des propositions soit pareille à la conclusion ; en disant pareille, j’entends que si la conclusion est absolue, l’une des propositions aussi est absolue, et que si la conclusion est du nécessaire, l’une des propositions en est aussi. On voit également que la conclusion ne sera ni dit nécessaire, ni absolue, à moins que l’une des propositions ne soit nécessaire ou absolue. § 3 Tel est à peu près tout ce qu’on avait à dire sur le nécessaire, et sur la différence qui le sépare de l’absolu.


CHAPITRE XIII

Du contingent et des propositions modales contingentes.


§ 1[135]. Après ceci, traitons du contingent, et disons quand, comment, et avec quels éléments il y aura syllogisme. § 2[136]. Être contingent et contingent se disent d’une chose qui n’est pas nécessaire, mais dont la supposition n’implique aucune impossibilité ; car c’est par homonymie que nous disons que le nécessaire même est contingent. § 3[137]. Que le contingent soit bien cela, c’est ce qu’on peut voir sans peine dans les négations et les affirmations opposées. Ainsi ces énonciations : Il n’est pas possible que ce soit-il est impossible que ce soit-il est nécessaire que ce ne soit pas, ou sont des propositions équivalentes, ou du moins elles se suivent les unes les autres. Donc aussi les propositions opposées à celles-là : il est possible que ce soit-il n’est pas impossible que ce soit-il n’est pas nécessaire que ce ne soit pas, ou seront équivalentes, ou du moins elles s’enchaîneront mutuellement. Pour toute chose, en effet, il faut qu’il y ait, soit affirmation, soit négation. Ainsi donc le contingent sera non nécessaire, et le non nécessaire sera contingent. § 4[138]. On doit remarquer que toutes les propositions du contingent peuvent être converties les unes dans les autres. Par là je veux dire, non pas que les affirmatives se convertissent dans les négatives, mais que toutes celles qui ont la forme affirmative se convertissent avec l’opposition : par exemple, pouvoir être se convertit en pouvoir ne pas être, pouvoir être à toutes pouvoir n’être à rien, ou en pouvoir n’être pas à tout, et pouvoir être à quelque en pouvoir n’être pas à tout. Même méthode pour les autres cas. En effet, le contingent n’étant pas nécessaire, et le non nécessaire pouvant ne pas être, il est clair que si A peut être à B, il peut aussi ne pas y être ; et que s’il peut être à tout B, il peut aussi ne pas être à tout B. Même raisonnement encore pour les affirmatives particulières, où la démonstration serait toute semblable. C’est que les propositions de ce genre sont affirmatives et non pas négatives, et que le verbe pouvoir y occupe tout à fait la place du verbe être, ainsi qu’il a été dit précédemment.

§ 5 Ceci posé, remarquons encore que contingent a deux significations. D’une part, c’est ce qui est le plus habituel, mais sans caractère de nécessité : par exemple, le grisonnement de l’homme, sa croissance, son dépérissement, et en général tout ce qui est dans l’ordre de la nature : car rien de tout cela n’est d’une nécessité constante, puisque l’homme n’existe pas toujours ; mais du moment que l’homme existe, ou cela est de nécessité, ou du moins cela est le plus ordinairement. D’autre part, le contingent est encore l’indéterminé qui peut être ainsi ou non ainsi. C’est, par exemple, que l’animal se meuve, ou qu’il survienne un tremblement de terre pendant qu’il se meut ; et en général, c’est tout ce qui ne dépend que du hasard. En effet, rien de tout cela n’est par nature de telle façon plutôt que de la façon contraire. § 6[139]. Chacun de ces deux contingents se convertit donc avec les propositions opposées, mais non pas de la même manière. Le contingent qui est naturel se convertit en contingent qui n’est pas nécessairement ; c’est ainsi qu’il est possible que l’homme ne grisonne pas ; le contingent indéterminé se convertit en contingent qui n’est pas plus d’une façon que de l’autre. § 7 il n’y a pas de science ni de syllogisme démonstratif pour les contingents indéterminés, parce que le moyen terme alors n’est pas certain ; mais il y en a pour les contingents naturels, et presque toutes nos recherches et nos pensées n’ont rapport qu’aux contingents de ce dernier genre. Les autres contingents peuvent bien aussi donner le syllogisme, mais ce n’est pas là qu’on le cherche habituellement.

§ 8[140]. Ceci, du reste, sera mieux expliqué encore dans la suite. Maintenant nous avons à dire dans quels cas, comment, et avec quels éléments se forme le syllogisme des propositions contingentes.

§ 9[141]. D’abord, cette proposition : Il est possible que telle chose soit à telle autre, présente deux significations, exprimant à la fois ou bien que cette autre chose est, ou bien qu’elle peut être. Ainsi cette proposition : A peut être à ce à quoi est B, indique également ou la chose dont B est dit, ou la chose dont il peut être dit. Cette proposition, du reste, que A peut être à ce à quoi est B, revient absolument à celle-ci, que A convient à tout B. Donc évidemment, on trouve deux sens dans cette proposition : Il se peut que A soit à tout B. Voyons d’abord le cas où B peut être à la chose dont C est dit, et A à la chose dont est dit B ; et cherchons la nature et la forme du syllogisme ; car, de cette façon, les propositions sont toutes deux contingentes ; mais, lorsque A peut être à la chose dont B est dit simplement, l’une des propositions est absolue et l’autre contingente. Il nous faut donc ici, comme ailleurs, commencer par les propositions de forme semblable.


CHAPITRE XIV

Syllogismes à prémisses contingentes dans la première figure.


§ 1[142]. Lors donc que A peut être à tout B, et que B peut être à tout C, on aura ce syllogisme complet, que A peut être à tout C. Cela est clair, par la définition même du contingent ; car c’est bien en ce sens que nous disions : Pouvoir être à tout. § 2[143]. De même, si A peut n’être à aucun B, et que B puisse être à tout C, le syllogisme sera que A peut n’être à aucun C ; car, dire que A pouvait ne pas être à la chose à laquelle pouvait être B, c’était n’omettre aucun des contingents sujets de B. § 3[144]. Quand A peut être à tout B, et que B peut n’être à aucun C, il n’y a pas de syllogisme avec les propositions primitives ; mais, si l’on convertit la proposition BC selon la règle du contingent, le syllogisme revient le même qu’auparavant. En effet, puisque B peut n’être à aucun C, il peut aussi être à tout C, et c’est ce qui a été dit plus haut. Ainsi, B pouvant être à tout C, et A pouvant être aussi à tout B, le syllogisme est pareil encore. § 4[145]. Il en serait de même si la négation était jointe au contingent dans les deux propositions : je veux dire, par exemple, que A peut n’être à aucun B, et B à aucun C. Par les propositions primitives, il est vrai, on n’obtient pas de syllogisme ; mais, en les convertissant, on retrouve encore le même syllogisme qu’auparavant.

§ 5[146]. Il est donc évident qu’en supposant la négation jointe, soit à l’extrême mineur, soit aux deux propositions, ou bien il n’y a pas de syllogisme, ou du moins il n’est pas complet, puisque la conclusion nécessaire ne s’obtient que par conversion. § 6 Si l’une des propositions est universelle et l’autre particulière, l’universelle étant supposée à l’extrême majeur, le syllogisme sera complet. § 7[147]. Car, si A peut être à tout B, et B à quelque C, A peut aussi être à quelque C. Cela est évident, par la définition même qu’on a donnée de : Pouvoir être à tout. § 8[148]. De même, si A peut n’être à aucun B, et que B puisse être à quelque C, il est nécessaire que A puisse ne pas être à quelque C. La démonstration est ici la même. § 9[149]. Si, au contraire, la proposition particulière est privative, et l’universelle affirmative, toutes deux conservant toujours la même position ; par exemple, si A peut être à tout B, et que B puisse ne pas être à quelque C, avec les propositions ainsi disposées, le syllogisme n’est pas évident ; mais, en convertissant la proposition particulière, et en supposant que B puisse être à quelque C, la conclusion sera la même qu’auparavant, comme on l’a dit au début. § 10[150]. Si la proposition de l’extrême majeur est particulière, et celle du mineur, universelle, soit qu’on les suppose toutes deux affirmatives, ou toutes deux privatives, ou de forme diverse, ou bien toutes deux indéterminées, ou toutes deux particulières, il n’y aura pas de syllogisme ; car rien n’empêche que B ne dépasse A, et ne soit pas attribué au même nombre de sujets. Soit, par exemple, C, dont B dépasse A ; alors A peut n’être contingent ni à tout C, ni l’être à aucun C, ni l’être à quelque C, ni ne l’être pas à quelque C, puisque les propositions du contingent se convertissent les unes dans les autres, et que B peut être à plus de choses que A. On peut se convaincre de ceci en prenant des termes précis. En effet, lorsque les propositions sont ainsi disposées, le premier terme à la fois n’est contingent à aucun dernier, et il est nécessairement tout. Les termes communs de tous ces cas sont, pour la conclusion affirmative du nécessaire : animal, blanc, homme ; et pour la conclusion négative du contingent : animal, blanc, vêtement. On voit donc que, quand les termes sont dans cette position, il n’y a pas de syllogisme ; car tout syllogisme conclut, ou que la chose est simplement, ou qu’elle est nécessairement, ou qu’elle peut être. Mais ici le syllogisme ne conclut ni l’existence simple, ni l’existence nécessaire, parce que le terme négatif empêche la conclusion affirmative, et que l’affirmatif empêche la négative. Reste donc seulement la possibilité d’existence ; mais cela même ne peut être ; car il a été démontré que, quand les termes sont ainsi disposés, le premier est nécessairement à tout le dernier, et n’est contingent à aucun. Il n’y a donc pas de syllogisme du contingent ; car le nécessaire n’a jamais été le contingent.

§ 11[151]. Il est donc évident que les termes étant universels avec les propositions contingentes, le syllogisme se forme toujours dans la première figure, que les termes soient d’ailleurs attributifs ou privatifs ; seulement, s’ils sont attributifs, le syllogisme est complet ; s’ils sont privatifs, il est incomplet.

§ 12[152]. Il ne faut pas, du reste, prendre possible dans le sens où sont possibles les choses nécessaires ; il faut l’entendre selon la définition qui en a été donnée, et c’est ce qu’on oublie quelquefois.


CHAPITRE XV

Syllogismes à prémisses, absolue et contingente mêlées, dans la première figure.


§ 1[153]. Lorsque l’une des propositions est absolue et l’autre contingente, si celle de l’extrême majeur exprime la contingence, tous les syllogismes seront complets ; et ils seront du contingent dans le sens de la définition donnée. Si c’est la proposition de l’extrême mineur qui est contingente, tous les syllogismes seront incomplets ; et les privatifs seront non pas du contingent, selon la définition, mais du nécessaire, soit à aucun, soit non à tout. En effet, si une chose n’est nécessairement à aucune autre, ou n’est pas nécessairement à toute une autre, nous disons qu’il se peut qu’elle ne soit aucunement au qu’elle ne soit pas à toute cette chose. § 2[154]. Que A, par exemple, puisse être à tout B, et que B soit simplement à tout C. C étant sujet de B, et A pouvant être à tout B, il est évident que A peut être aussi à tout C, et le syllogisme ici est complet. § 3[155]. De même, si la proposition A B est privative, et B C affirmative, et que la première soit contingente et l’autre absolue, on aura ce syllogisme complet : A peut n’être à aucun C.

§ 4[156]. Il est donc clair que, si l’absolu est à l’extrême mineur, les syllogismes seront complets. § 5 Quand il en est autrement, ce n’est que par la réduction à l’absurde qu’on peut démontrer la réalité de ces syllogismes ; et il sera évident ; par cela même, qu’ils sont incomplets, puisque la démonstration n’a pas lieu par les seules propositions qu’on a primitivement admises. § 6[157]. Il faut dire d’abord que, si A étant, il y a nécessité que B soit ; A étant possible, nécessairement aussi B sera possible. Soit, par exemple, ce cas : A possible et B impossible ; si le possible, parce qu’il est possible, a eu lieu, l’impossible, parce qu’il est impossible, n’aura pas lieu. Si donc A est possible en même temps que B est impossible, A pourra arriver sans B ; et, s’il peut arriver, il pourra aussi être ; par ce qui est arrivé, quand il est arrivé, existe. § 7[158]. Il faut entendre ici par possible et impossible, non seulement ce qui peut arriver, mais encore ce qui est dit avec vérité, ce qui est réellement ; et tous les divers autres sens de possible ; car la règle est la même pour tous. § 8[159]. De plus, quand nous disons que A étant, B est aussi, il ne faut pas supposer que, par cela que tel objet A existe, B existera aussi, attendu qu’il est impossible de tirer rien de nécessaire de l’existence d’un seul objet, et qu’il en faut au moins deux ; par exemple, quand les propositions sont telles qu’il a été dit pour le syllogisme. On a vu, en effet, que, si C est à D et D à F, C sera aussi de toute nécessité à F. En supposant que l’une et l’autre proposition sont possibles, la conclusion sera possible aussi. Si donc l’on suppose les propositions représentées par A, et la conclusion par B, il arrivera non seulement que A étant nécessaire, B le sera aussi ; mais, de plus, A étant possible, l’autre le sera également. § 9[160]. Ceci prouvé, il en résulte clairement que, prenant une hypothèse fausse, mais non impossible, la conclusion obtenue d’après l’hypothèse sera fausse, et non impossible ; par exemple, que A soit faux, mais non pas cependant impossible, et que A étant, B soit aussi, B sera faux, mais non pourtant impossible ; car il a été démontré que, si B est parce que A existe, A étant possible, B sera possible aussi ; or, on suppose que A est possible, B le sera donc également ; car, s’il était impossible, il s’ensuivrait que la même chose serait à la fois possible et impossible.

§ 10[161]. Après ces explications, supposons que A soit à tout B, et que B puisse être à tout C ; donc, nécessairement, A peut être à tout C. Supposons, en effet, qu’il ne le puisse pas, et que B soit à tout C ; cela sera faux, mais non pas pourtant impossible. Si donc A ne peut pas être à C, et que B soit à tout C, A ne peut pas être à tout B ; et c’est alors le syllogisme de la troisième figure. Mais l’on supposait qu’il pouvait être à tout B ; il est donc nécessaire que A puisse être à tout C ; car, avec une hypothèse fausse, mais non pas impossible, la conclusion serait impossible. On peut encore réduire à l’absurde par la première figure, en supposant que B est à C ; car, si B est à tout C, et que A puisse être à tout B, A pourra être aussi à tout C ; mais la supposition était qu’il ne pouvait pas être à tout. § 11[162]. Il faut prendre ces mots : être à tout, sans tenir compte du temps, le présent, par exemple, et sans les rapporter à tel moment précis ; il faut les entendre d’une manière absolue ; car nous faisons des syllogismes avec des propositions de ce genre, tandis que, si l’on rapporte la proposition au moment présent, on ne pourra faire de syllogisme. Ainsi, rien n’empêcherait que homme ne s’appliquât dans un moment donné à tout ce qui est mobile : par exemple, si aucun autre être que l’homme ne se remuait ; mais mobile peut convenir aussi à tout cheval, tandis que homme ne peut convenir à aucun cheval. Supposons que le premier terme soit animal, le moyen, mobile, et le dernier, homme ; les propositions seront disposées semblablement, mais la conclusion sera du nécessaire, et non pas du possible ; car nécessairement l’homme est animal. On voit, d’après cela, qu’il faut prendre l’universel d’une manière absolue et sans aucune limitation de temps. § 12[163]. Supposons encore A B proposition universelle privative, et que, A n’étant à aucun B, B puisse être à tout C ; dans cette supposition, il y a nécessité que A puisse n’être à aucun C. Supposons, en effet, que cela ne se puisse pas, et que B soit à C comme auparavant ; il est alors nécessaire que A soit à quelque B, et le syllogisme a lieu par la troisième figure ; mais la conclusion est impossible ; donc A peut n’être à aucun C, puisque, d’une supposition fausse, mais non impossible, on tirerait une conclusion impossible. § 13[164]. Le syllogisme, dans ce cas, ne conclut donc pas le possible, suivant la définition, mais il conclut que le terme n’est nécessairement à aucun. En effet, c’est là la contradiction de l’hypothèse admise, puisqu’on avait supposé que A était nécessairement à quelque C ; mais le syllogisme réduit à l’absurde donne la contradiction opposée.

§ 14[165]. Il est évident encore, en prenant des termes précis, que la conclusion ne sera pas contingente. Que A, par exemple, soit corbeau, que B soit pensant, et que C soit homme. A n’est alors à aucun B, car aucun être pensant n’est corbeau ; mais B peut être à tout C, car penser peut appartenir à tout homme ; mais A nécessairement n’est à aucun C ; donc la conclusion n’est pas contingente. § 15[166]. Mais elle n’est pas non plus toujours nécessaire. En effet, que A soit mobile, B la science, et C l’homme ; A ne sera à aucun B, mais B peut être à tout C, et la conclusion ne sera pas du nécessaire, puisqu’il n’est pas nécessaire qu’aucun homme ne se meuve, et qu’il n’est pas nécessaire non plus que quelque homme soit en mouvement. Il est donc clair que la conclusion exprime que la chose n’est pas nécessairement. On pourrait, du reste, choisir les termes encore mieux.

§ 16[167]. Mais, si l’on suppose le privatif à l’extrême mineur exprimant la contingence, il n’y aura pas de syllogisme avec les seules propositions données, mais il y en aura par la conversion de la proposition contingente, comme on l’a fait dans les cas précédents. Ainsi, supposons que A soit à tout B, mais que B puisse n’être à aucun C ; avec les termes ainsi disposés, il n’y aura pas de conclusion nécessaire ; mais, en convertissant B C et en supposant que B puisse être à tout C, il y aura syllogisme comme plus haut ; car les termes ont une position toute semblable. § 17[168]. Il en serait encore de même si les deux intervalles étaient privatifs, et que A B, par exemple, exprimât : n’être pas, et que B C exprimât : pouvoir n’être à aucun. Avec les propositions données, il n’y a pas de conclusion nécessaire ; mais il y aura syllogisme si l’on convertit la proposition contingente. En effet, que A ne soit à aucun B, et que B puisse n’être à aucun C, de ces données on ne peut tirer de conclusion nécessaire. Mais, si l’on suppose que B puisse être à tout C, ce qui est vrai, et que la proposition A B reste sans changer, on obtiendra encore le même syllogisme. § 18[169]. Si l’on a supposé que B n’est pas à C, et non point qu’il puisse ne pas être à C, il n’y aura pas de syllogisme, que du reste la proposition A B soit, ou privative, ou affirmative. Les termes communs de l’affirmation du nécessaire sont : blanc, animal, neige ; et de la négation du possible : blanc, animal, poix.

§ 19[170]. Il est donc évident qu’avec des termes universels, l’une des propositions étant absolue et l’autre contingente, si c’est la proposition de l’extrême mineur qui est contingente, il y a toujours syllogisme, tantôt avec les propositions mêmes, et tantôt par la conversion. Du reste, nous venons de dire plus haut quand se produit chacun de ces cas, et à quelles conditions il se produit.

§ 20[171]. L’un des deux intervalles étant universel et l’autre particulier, lorsque l’universel de l’extrême majeur est supposé contingent, soit négatif, soit affirmatif, et que le particulier est affirmatif et absolu, le syllogisme est complet comme lorsque les termes sont universels ; et la démonstration est la même que précédemment. § 21[172]. Lorsque c’est le membre de l’extrême majeur qui est universel, mais absolu et non contingent, et que l’autre est particulier et contingent, les deux propositions étant d’ailleurs, soit négatives, soit affirmatives, ou l’une négative et l’autre affirmative, il y a nécessairement syllogismes incomplets ; seulement les uns ne seront démontrés que par réduction à l’absurde, et les autres le seront par la conversion de la proposition contingente, comme on l’a fait précédemment. Il y aura syllogisme par conversion quand la proposition universelle, jointe à l’extrême majeur, exprime : être ou n’être pas, et que la particulière contingente est privative contingente : par exemple, si A est ou n’est pas à tout B, et que B puisse ne pas être à quelque C ; car, si l’on convertit B C en tenant compte de la contingence, le syllogisme a lieu. § 22[173]. Mais, lorsque la proposition particulière est absolue privative, il n’y a pas de syllogisme. Termes de l’affirmation : blanc, animal, neige ; et de la négation : blanc, animal, poix. Et il faut alors établir la démonstration par l’indéterminé. § 23[174]. Mais, si l’universel est joint à l’extrême mineur, et le particulier, au majeur, quel que soit celui des deux qui soit privatif ou affirmatif, contingent ou absolu, il n’y aura pas de syllogisme. Il n’y en aura pas davantage, si les propositions sont particulières ou indéterminées, soit qu’on les suppose contingentes ou absolues, ou l’une d’une façon et l’autre d’une autre. La démonstration serait la même que pour les cas précédents. Les termes communs d’être nécessaire sont : animal, blanc, homme ; de n’être pas possible : animal, blanc, vêtement.

§ 24[175]. Il est donc évident que, l’universel étant joint à l’extrême majeur, il y a toujours syllogisme, et qu’il n’y en a pas toutes les fois qu’il est joint au mineur.


CHAPITRE XVI

Syllogismes à prémisses, nécessaire et contingente mêlées, dans la première figure.


§ 1[176]. Lorsque l’une des propositions affirme ou nie le nécessaire, et que l’autre exprime le contingent, le syllogisme aura lieu, si les termes sont de la même façon ; et il sera complet si le nécessaire est joint à l’extrême mineure. Les termes étant affirmatifs, la conclusion sera du contingent et non de l’absolu, qu’ils soient d’ailleurs universels ou qu’ils ne le soient pas. Si l’un est affirmatif et l’autre négatif, l’affirmatif étant du nécessaire, la conclusion sera contingente et non pas de l’absolu négatif. Si c’est le privatif qui est du nécessaire, la conclusion sera du contingent négatif et de l’absolu négatif ; les termes d’ailleurs peuvent être ou ne pas être universels. Contingent doit avoir ici, dans la conclusion, le même sens que pour les cas précédents. Mais il n’y aura pas syllogisme concluant que nécessairement la chose n’est pas ; car c’est tout autre chose qu’être non nécessairement, et que nécessairement ne pas être. § 2[177]. Il est donc clair qu’il n’y a pas de conclusion du nécessaire lorsque les termes sont affirmatifs. Soit, en effet, A nécessairement à tout B, et que B puisse être à tout C, il y aura syllogisme incomplet, concluant que A peut être à tout C ; et la démonstration prouve qu’il est incomplet ; car, pour le démontrer, il faudra prendre le même moyen que précédemment. § 3[178]. Soit encore A peut être à tout B, B est nécessairement à tout C. Il y aura certainement syllogisme concluant, que A peut être à tout C, mais non pas qu’il y soit réellement ; et ce syllogisme sera complet et non pas incomplet, car il conclut directement par les propositions initiales. § 4[179]. Mais, si les propositions ne sont pas de forme semblable, et que d’abord la privative soit nécessaire, et que nécessairement A puisse n’être à aucun B, mais que B puisse être à tout C, il sera nécessaire que A ne soit à aucun C. Qu’on admette, en effet, qu’il soit à tout C ou à quelque C ; mais l’on avait supposé d’abord qu’il pouvait n’être à aucun B. Puis donc que le privatif se convertit, B peut aussi n’être à aucun A ; mais l’on suppose que A est à tout C, ou à quelque C ; donc B ne saurait être à aucun C ou à tout C ; or, on supposait d’abord qu’il était à tout C. Il est donc évident qu’il y a aussi syllogisme de : pouvoir ne pas être, quand il y en a de : ne pas être. § 5[180]. Supposons, d’autre part, que la proposition affirmative soit nécessaire, que A puisse n’être à aucun B, et que B soit nécessairement à tout C, le syllogisme sera bien ici complet, non point de : ne pas être, mais de : pouvoir ne pas être ; car la proposition de l’extrême majeur a reçu cette forme. L’on ne peut, du reste, réduire à l’absurde. Si l’on suppose, en effet, que A soit à quelque C, et qu’il puisse n’être à aucun B, il ne résultera de là aucune impossibilité. § 6[181]. Si le privatif, joint à l’extrême mineur, exprime la contingence, il y aura syllogisme par la conversion, comme précédemment. § 7[182]. Il n’y en aura pas s’il exprime la non-contingence. Le syllogisme n’aura pas lieu non plus quand les deux propositions sont privatives, si ce n’est dans le cas où le contingent est joint à l’extrême mineur. Les termes, du reste, sont pareils ; pour l’affirmation : blanc, animal, neige ; et pour la négation : blanc, animal, poix.

§ 8[183]. Il en sera de même des syllogismes particuliers ; lorsque le privatif est nécessaire, la conclusion sera négative absolue. Si, par exemple, A peut n’être à aucun B, et que B puisse être à quelque C, il est nécessaire que A ne soit pas à quelque C ; car, s’il est à tout, et qu’il puisse n’être à aucun B, B aussi peut n’être à aucun A ; donc, si A est à tout C, B peut n’être à aucun C ; mais la supposition était qu’il pouvait être à quelque C.

§ 9[184]. Lorsque le particulier affirmatif est nécessaire dans le syllogisme privatif, par exemple, B C, ou quand c’est l’universel dans le syllogisme affirmatif, comme A B, il n’y aura pas de conclusion absolue. La démonstration serait ici la même que plus haut. § 10[185]. Si l’on suppose l’universel joint à l’extrême mineur, soit affirmatif, soit privatif et contingent, et si, de plus, le particulier nécessaire est joint à l’extrême majeur, il n’y aura pas de syllogisme. Termes du nécessaire affirmatif : animal, blanc, homme ; du non contingent : animal, blanc, vêtement. § 11[186]. Lorsque l’universel est nécessaire et le particulier contingent, l’universel étant privatif, les termes de l’affirmation sont : animal, blanc, corbeau ; et de la négation : animal, blanc, poix. § 12[187]. Si l’universel est affirmatif, les termes de l’affirmation seront : animal, blanc, cygne ; et du non contingent : animal, blanc, neige. § 13[188]. Si les propositions sont indéterminées, ou toutes deux particulières, il n’y aura pas non plus de syllogisme. Termes communs de l’affirmation : animal, blanc, homme ; de la négation : animal, blanc, inanimé. En effet, animal est à quelque être blanc ; et blanc est à quelque être inanimé, nécessairement, et non d’une manière contingente. Il en est de même pour le contingent, et les termes peuvent servir pour tous les cas divers. § 14[189]. Il est évident, d’après ce qui précède, que, les termes étant disposés pareillement dans les propositions absolues et dans les propositions nécessaires, le syllogisme a lieu, et n’a pas lieu de la même manière. Seulement, si la proposition privative est contingente absolue, la conclusion est contingente ; si la privative est nécessaire, la conclusion est à la fois contingente et absolue négative. § 15[190]. Il est évident aussi que tous les syllogismes sont incomplets, et qu’ils se complètent par les figures indiquées plus haut.


CHAPITRE XVII

Syllogismes à deux prémisses contingentes, dans la seconde figure. — Règle générale : Tous les modes de ce genre sont inutiles.


§ 1[191]. Dans la seconde figure, lorsque les propositions sont toutes deux contingentes, il n’y a pas de syllogisme, qu’on les fasse, soit affirmatives, soit privatives, universelles ou particulières. L’une des propositions étant absolue et l’autre contingente, si c’est l’affirmative qui est absolue, il n’y aura pas de syllogisme : mais si c’est l’universelle privative, il y en aura toujours. Il en sera aussi de même lorsque l’une des propositions est nécessaire et l’autre contingente ; mais il faut comprendre encore ici le contingent placé dans les conclusions, avec le sens que nous lui avons donné précédemment.

§ 2[192]. D’abord, il faut démontrer ici que le privatif contingent ne peut se convertir ; si, par exemple, A peut n’être à aucun B, il ne faut pas nécessairement aussi que B puisse n’être à aucun A. Supposons-le, en effet, et que B puisse n’être à aucun A. Comme les affirmations contingentes se convertissent en négations, les contraires aussi bien que les opposées, et que B peut n’être à aucun A, il est évident qu’il pourrait se faire aussi que B fût à tout A. Mais ceci est faux. En effet, parce que telle chose peut être à telle autre chose, il n’en résulte pas que nécessairement celle-ci soit à celle-là ; par conséquent le privatif ne se convertit pas. § 3[193]. D’autre part, rien n’empêche que A puisse n’être à aucun B, tandis que B nécessairement n’est pas à quelque A. Par exemple, la blancheur peut ne pas convenir à tous les hommes, parce qu’il est possible aussi qu’elle leur convienne ; mais il n’est pas exact de dire qu’il se peut que homme ne convienne à aucun être blanc ; parce que, de fait, il est beaucoup d’êtres blancs auxquels, nécessairement, il n’appartient pas ; or, le nécessaire n’a pas été confondu par nous avec le contingent. § 4[194]. On ne pourrait même pas démontrer par l’absurde que la conversion a lieu ; par exemple, si parce qu’il est faux que B puisse n’être à aucun A, on prétendait qu’il est vrai qu’il ne peut pas n’être à aucun ; car ce sont là l’affirmation et la négation. Mais si cela est, il est vrai alors que B est nécessairement à quelque A, et, par suite, A l’est aussi à quelque B : mais ceci est impossible ; car, de ce que B ne peut pas n’être à aucun A, il ne s’ensuit pas que, nécessairement, il soit à quelque A. C’est que : Ne pouvoir pas n’être à aucun, a deux significations, dont l’une exprime que la chose nécessairement est à quelqu’un, et la seconde, que nécessairement elle n’est pas à quelqu’un. En effet, parce que telle chose, nécessairement n’est pas à quelque A, il n’est pas vrai de dire qu’elle peut n’être pas à tout A, de même qu’il ne sera pas plus exact de dire que ce qui est à une chose nécessairement, peut aussi être à toute cette chose. Si donc l’on prétendait que C, ne pouvant être à tout D, nécessairement il n’est pas à quelque D, on se tromperait ; car il est peut-être à tout D ; mais comme il est nécessairement à quelque D, nous disons qu’il peut n’être pas à tout D. Ainsi donc à cette proposition : Pouvoir être à tout ; il y en a deux opposées, qui sont : Être nécessairement à quelqu’un, et N’être pas nécessairement à quelqu’un ; même, opposition pour celle-ci : Pouvoir n’être à aucun. Donc, évidemment, en comprenant le contingent et le non-contingent dans le sens de notre définition antérieure, il faut admettre pour opposé, non pas seulement : Être nécessairement à quelqu’un, mais encore : N’être pas nécessairement à quelqu’un. Ce sens une fois admis, on ne rencontre plus d’impossibilité : et par suite, il n’y a plus de syllogisme. § 5 Il est donc évident, par ce qui précède, qu’ici le privatif ne peut se convertir.

§ 6[195]. Ceci prouvé, supposons que A puisse n’être à aucun B, mais qu’il puisse être à tout C. Il n’y aura pas de syllogisme au moyen de la conversion, car on a dit qu’une proposition de ce genre ne peut avoir de conversion. Mais il n’y en aura pas non plus par réduction à l’absurde ; car en supposant que B puisse être à tout C, il n’y aura là rien de faux, puisque A pourrait être à tout C, et n’être à aucun. Donc, en général, quand il y a syllogisme, il est clair que c’est un syllogisme du contingent, puisque aucune des propositions n’est absolue, syllogisme qui serait, du reste, soit affirmatif, soit privatif : mais il n’est possible d’aucune des deux façons ; car si on le suppose affirmatif, on démontrera par des termes que la conclusion est négative contingente ; et s’il est privatif, que la conclusion est non pas contingente, mais nécessaire. Soit A blanc, B homme, et C cheval. A, c’est-à-dire blanc, peut-être à l’un tout entier, et peut n’être pas du tout à l’autre ; mais il n’est pas contingent non plus ni que B soit à C, ni qu’il n’y soit pas. D’abord, qu’il ne se puisse pas qu’il y soit, cela est de toute évidence, puisque aucun cheval n’est homme. Mais il n’est même pas contingent qu’il n’y soit pas, attendu qu’il est nécessaire qu’aucun cheval ne soit homme ; or, nous n’avons jamais confondu le nécessaire avec le contingent ; donc, il n’y a pas ici de syllogisme. § 7[196]. La démonstration serait toute pareille si l’on prenait la négation dans un ordre inverse, ou si l’on faisait les deux propositions, soit affirmatives, soit privatives. La démonstration a lieu avec les mêmes termes. § 8[197]. Que l’une des propositions soit universelle, l’autre particulière, ou toutes deux particulières ou indéterminées, ou de telle autre façon qu’on voudra les combiner, la démonstration pourra toujours se faire par les mêmes termes. § 9 Il est donc évident qu’avec deux propositions contingentes, il n’y aura pas ici de syllogisme possible.


CHAPITRE XVIII

Syllogismes à prémisses, l’une absolue et l’autre contingente, dans la seconde figure. — Règle générale : Il y a conclusion contingente, quand l’une des prémisses est absolue universelle négative.


§ 1[198]. Quand l’une des propositions est absolue et l’autre contingente, si c’est l’affirmative qui est absolue et la privative qui est contingente, il n’y aura pas encore de syllogisme, les termes étant d’ailleurs universels ou particuliers ; la démonstration serait la même et par les mêmes termes. Mais si c’est l’affirmative qui est contingente, et la privative qui est absolue, il y aura syllogisme. § 2[199]. Supposons, en effet, que A ne soit à aucun B, mais qu’il puisse être à tout C. En convertissant la proposition privative, B ne sera à aucun A ; mais l’on supposait que A pouvait être à tout C, il y aura donc syllogisme concluant que B ne peut être à aucun C, dans la première figure. § 3[200]. De même encore, quand on mettrait le privatif à C. § 4[201]. Si les propositions sont toutes deux privatives, et que l’une exprime : Ne pas être, et l’autre la possibilité de ne pas être, ces données seules ne fourniront pas de conclusion nécessaire ; mais en convertissant la proposition contingente, il y a syllogisme concluant que B peut n’être à aucun C, comme dans les cas précédents : car ici encore on aura la première figure. § 5[202]. Si les deux propositions sont affirmatives, il n’y aura pas de syllogisme. Termes pour l’affirmation : santé, animal, homme ; et pour la négation : santé, cheval, homme.

§ 6[203]. Il en sera de même pour les syllogismes particuliers. En effet, lorsque l’affirmatif est absolu, soit universel, soit particulier, il n’y a pas de syllogisme. Ceci se démontrerait de la même manière et par les mêmes termes que précédemment. § 7[204]. Quand c’est le privatif qui est absolu, le syllogisme a lieu par la conversion, comme dans les cas antérieurs. § 8[205]. Mais si les deux intervalles sont supposés privatifs, et que l’absolu privatif soit universel, il n’y aura pas de conclusion nécessaire avec les données toutes seules. Mais le contingent étant converti, comme dans les cas précédents, il y aura syllogisme. § 9[206]. Si le privatif est absolu, et qu’il soit particulier, il n’y aura pas de syllogisme, que l’autre proposition soit du reste affirmative ou privative. § 10[207]. Il n’y en aura pas non plus si elles sont toutes deux, ou indéterminées, soit affirmatives soit négatives, ou particulières. La démonstration est la même et par les mêmes termes.


CHAPITRE XIX

Syllogismes à prémisses, l’une nécessaire, l’autre contingente, dans la seconde figure.


§ 1[208]. Quand l’une des propositions est nécessaire et l’autre contingente, si c’est la privative qui est nécessaire, il y aura syllogisme, concluant non pas seulement que la chose peut ne pas être, mais aussi qu’elle n’est pas ; avec l’affirmative nécessaire, il n’y a pas de syllogisme. § 2[209]. Supposons, en effet, que A nécessairement ne soit à aucun B, mais qu’il puisse être à tout C ; en convertissant la proposition privative, B ne sera non plus à aucun A, mais A pouvait être à tout C. On a donc encore un syllogisme de la première figure, concluant que B peut n’être à aucun C. Il est clair en même temps que B n’est à aucun C ; car supposons qu’il y soit : si donc A peut n’être à aucun B, et que B soit à quelque C, A ne peut pas être à quelque C ; mais la supposition était qu’il pouvait être à tout C. § 3[210]. On démontrerait de la même façon, si le privatif s’appliquait à C.

§ 4[211]. Que l’affirmatif maintenant soit nécessaire et l’autre membre privatif et contingent ; que A puisse n’être à aucun B, et qu’il soit nécessairement à tout C, les termes étant ainsi disposés, il n’y aura pas de syllogisme ; car la conséquence est que B nécessairement n’est pas à C. Que, par exemple, A soit blanc, B homme, et C cygne. Blanc est nécessairement à cygne, et il peut n’être à aucun homme ; et homme nécessairement ne convient à aucun cygne. Il est donc clair qu’il n’y a pas de syllogisme du contingent ; car le nécessaire n’était pas le contingent. Il n’y en a pas non plus du nécessaire ; car le nécessaire résultait, ou de deux propositions nécessaires, ou d’une privative nécessaire. Il peut se faire encore, avec ces données, que B soit à C ; car rien n’empêche que C soit sujet de B, et que A puisse être à tout B, et soit nécessairement à C. Si, par exemple, C est éveillé, B animal, et A mouvement ; car nécessairement tout animal éveillé a le mouvement, et cela peut convenir à tout animal ; tout être éveillé est un animal. B est donc clair qu’il n’y a pas non plus de conclusion négative absolue, puisqu’il y a nécessité de l’affirmation absolue avec les termes disposés ainsi. Il n’y a pas non plus de syllogisme des propositions opposées à celles-là ; donc il n’y a ici aucun syllogisme possible. § 5[212]. On ferait la démonstration de la même manière, si l’on supposait l’affirmative placée à l’inverse. § 6[213]. Mais les propositions étant de même forme, si elles sont toutes deux privatives, il y a toujours syllogisme, en convertissant la proposition contingente comme dans les cas précédents. § 7[214]. Car, supposons que A nécessairement ne soit pas à B, et qu’il puisse ne pas être à C ; en convertissant les propositions, B n’est à aucun A, et A peut être à tout C. Voilà donc encore la première figure. § 8[215]. De même, si l’on joint le privatif à C. § 9[216]. Mais si les propositions sont affirmatives, il n’y aura pas de syllogisme. D’abord, évidemment, on n’aura pour conclusion ni : Ne pas être, ni : Nécessairement ne pas être, parce qu’il n’y a point ici de proposition privative, ni absolue, ni nécessaire. On n’en aura pas non plus davantage de : Pouvoir ne pas être ; car, avec cette disposition des termes, B nécessairement ne sera pas à C : par exemple, que A soit blanc, B cygne, et C homme. Il n’y aura pas davantage de syllogisme des énonciations opposées, puisqu’il a été démontré que nécessairement B n’est pas à C ; donc il n’y aura pas du tout de syllogisme.

§ 10[217]. Même règle pour les syllogismes particuliers. En effet, quand le privatif est universel et nécessaire, il y aura toujours syllogisme du contingent et de l’absolu négatif ; on le démontrerait par la conversion. § 11[218]. Quand c’est l’affirmative qui est nécessaire, il n’y aura jamais de syllogisme. Ceci se démontrerait de la même façon que pour les modes universels, et par les mêmes termes. § 12[219]. Il n’y a pas non plus de syllogisme, si les propositions sont toutes deux affirmatives ; et ici la démonstration se ferait encore comme ci-dessus. § 13[220]. Si toutes deux sont privatives, et que l’absolue privative soit universelle et nécessaire, les données initiales ne suffiront pas à fournir une conclusion nécessaire ; mais il y aura syllogisme comme dans les cas précédents, par la conversion de la proposition contingente. § 14 Si toutes deux sont indéterminées ou particulières, il n’y aura pas de syllogisme ; la démonstration est ici la même, et se fait par les mêmes termes.

§ 15[221]. On voit donc, d’après ceci, que, la privative étant universelle et nécessaire, il y a toujours syllogisme, concluant non seulement : Pouvoir ne pas être, mais aussi : N’être pas. Au contraire, avec l’affirmative, il n’y en a jamais. § 16[222]. Il est évident encore que, les termes étant disposés de même dans les propositions nécessaires et dans les absolues, il peut y avoir et ne pas y avoir de syllogisme. § 17[223]. Il est clair enfin que tous ces syllogismes sont incomplets, et qu’on les complète par les figure indiquées.


CHAPITRE XX

Syllogismes à deux prémisses contingentes, dans la troisième figure.


§ 1[224]. Dans la dernière figure, il y aura syllogisme, les deux propositions étant contingentes ou avec l’une des deux seulement. Si donc les deux propositions expriment le contingent, la conclusion aussi sera contingente ; de même encore quand l’une sera contingente et l’autre absolue. Mais, si l’une des deux est nécessaire, et que, de plus, elle soit affirmative, il n’y aura point de conclusion possible, ni nécessaire, ni absolue ; si elle est privative, la conclusion sera négative absolue, comme précédemment. Mais, ici encore, il faut comprendre dans le même sens le contingent des conclusions.

§ 2[225]. Soient d’abord les deux propositions contingentes, que A et B puissent être à tout C. Comme l’affirmative se convertit en particulière, et que B peut être à tout C, et aussi peut être à quelque B ; si donc A peut être à tout C, et C à quelque B, A nécessairement peut être aussi à quelque B. C’est là la première figure. § 3[226]. Si A peut n’être à aucun C, et que B puisse être à tout C, il y a nécessité que A puisse ne pas être à quelque B. C’est encore la première figure au moyen de la conversion. § 4[227]. Si les deux propositions sont privatives, il ne résultera pas de conclusion nécessaire avec les données initiales ; mais il y aura syllogisme comme précédemment par la conversion des propositions. En effet, si A et B peuvent ne pas être à C, en convertissant : Pouvoir ne pas être, on aura de nouveau la première figure par cette conversion. § 5[228]. Si l’un des termes est universel et l’autre particulier, les termes étant disposés de la même façon que pour l’absolu, il y aura et il n’y aura pas de syllogisme. § 6[229]. Ainsi, que A puisse être à tout C, et B à quelque C, on retrouvera la première figure, en convertissant la proposition particulière ; car, si A peut être à tout C, et C à quelque B, A peut être aussi à quelque B. § 7[230]. Il en est de même si l’on met l’universel à B C. § 8[231]. De même encore si A C est privatif et B C affirmatif. En effet, par la conversion, on retrouvera toujours la première figure. § 9[232]. Si les propositions sont toutes deux privatives, l’une universelle, l’autre particulière, avec ces données il n’y aura pas, il est vrai, de syllogisme ; mais il y en aura comme précédemment, si on les convertit. § 10[233]. Si toutes deux sont indéterminées ou particulières, il n’y aura pas de syllogisme, parce qu’il faut nécessairement alors que A soit à tout B, et qu’il ne soit à aucun B. Termes de l’affirmation : animal, homme, blanc ; de la négation : cheval, homme, blanc ; blanc étant le moyen.


CHAPITRE XXI

Syllogismes, à prémisses, l’une absolue, l’autre contingente, dans la troisième figure.


§ 1[234]. Si l’une des propositions est absolue et l’autre contingente, la conclusion sera contingente et non absolue ; et le syllogisme aura lieu, si les termes sont disposés comme dans les exemples antérieurs. § 2[235]. Supposons-les d’abord affirmatifs ; que A soit à tout C, et que B puisse être à tout C ; en convertissant B C, on aura la première figure ; et la conclusion sera que A peut être à quelque B ; car, lorsque dans la première figure, l’une des propositions exprime la contingence, on a vu que la conclusion l’exprime aussi. § 3[236]. De même, si B C est absolue, et A C contingente ; et encore A C étant privative, et B C affirmative, quelle que soit d’ailleurs la proposition qui soit absolue, la conclusion, de l’une ou l’autre façon, sera toujours contingente. En effet, on revient encore ici à la première figure ; et il a été démontré que, dans cette figure, il suffit qu’une proposition exprime le contingent pour que la conclusion soit aussi contingente. § 4[237]. Si le contingent privatif est joint à l’extrême mineur, ou que les deux membres soient privatifs, il n’y aura pas de syllogisme avec les données initiales ; mais il y en aura en les convertissant comme dans les cas précédents.

§ 5[238]. Si l’une des propositions est universelle et l’autre particulière, toutes les deux étant affirmatives, ou bien si l’universelle est privative et la particulière affirmative, les syllogismes se formeront de la même manière ; car tous concluront par la première figure. Donc évidement le syllogisme conclura le contingent et non l’absolu. § 6[239]. Si l’affirmative est universelle et la privative particulière, la démonstration se fera par réduction à l’absurde. Que B, par exemple, soit à tout C, et que A puisse ne pas être à quelque C : par suite, il est nécessaire que A puisse ne pas être à quelque B ; car si A est nécessairement à tout B, et que B soit supposé être à tout C, A sera nécessairement aussi à tout C ; c’est ce qu’on a précédemment démontré ; mais la supposition était que A pouvait ne pas être à quelque C. § 7[240]. Si les propositions sont toutes deux indéterminées ou particulières, il n’y aura pas de syllogisme. La démonstration est la même que dans les modes universels, et par les mêmes termes.


CHAPITRE XXII

Syllogismes à prémisses, l’une nécessaire, l’autre contingente, dans la troisième figure.


§ 1[241]. Si l’une des propositions est nécessaire et l’autre contingente, les termes étant affirmatifs, il y aura toujours syllogisme du contingent. Mais lorsque l’un est affirmatif et l’autre privatif, si c’est l’affirmatif qui est nécessaire, il y aura syllogisme de : Pouvoir ne pas être ; si c’est le privatif, il y aura syllogisme, à la fois de : Pouvoir ne pas être, et de : Ne pas être. Mais il n’y aura pas de syllogisme de : Nécessairement ne pas être, non plus que dans les autres figures. § 2[242]. Supposons d’abord les termes affirmatifs. Qu’ainsi, A soit nécessairement à tout C, et que B puisse être à tout C ; puisque A est nécessairement à tout C, et que C peut être à quelque B, A pourra être aussi à quelque B ; et il ne sera pas absolu, car c’est là ce qu’on obtenait par la première figure. § 3[243]. La démonstration serait la même, si l’on prenait B C nécessaire, et AC contingente. § 4[244]. D’autre part, supposons l’un affirmatif et l’autre privatif, et que l’affirmatif soit nécessaire. Qu’ainsi A puisse n’être à aucun C, mais que B soit nécessairement à tout C ; c’est encore ici la première figure ; et la conclusion sera contingente et non absolue, parce que la proposition privative est contingente. Par conséquent, l’on voit que la conclusion sera contingente aussi : car lorsque dans la première figure les propositions étaient ainsi disposées, la conclusion était contingente. § 5[245]. Si c’est la proposition privative qui est nécessaire, la conclusion sera et : Pouvoir ne pas être à quelqu’un, et : N’être pas. Supposons, par exemple, que A nécessairement ne soit pas à C, et que B puisse être à tout C ; si l’on convertit l’affirmatif B C, on a la première figure, et la proposition privative devient nécessaire ; or, quand les propositions étaient ainsi disposées, on avait dans la conclusion que A pouvait ne pas être, et aussi qu’il n’était pas à quelque C ; donc, il y a nécessité aussi que A ne soit pas à quelque B. § 6[246]. Si le privatif est joint à l’extrême mineur, pourvu qu’il soit contingent, il y aura syllogisme en convertissant la proposition comme auparavant. § 7[247]. Si le privatif est nécessaire, il n’y en aura pas ; car il est alors nécessaire qu’il soit à tout ; et il peut n’être à aucun. Termes pour : Être à tout : sommeil, cheval dormant, homme ; et de : N’être à aucun : sommeil, cheval éveillé, homme.

§ 8[248]. Il en sera de même, si l’un des termes est universel et l’autre particulier, par rapport au moyen ; car si tous les deux sont affirmatifs, il y aura syllogisme de : Pouvoir être, et non pas de : Être. Et de même aussi, quand l’un des deux est privatif et l’autre affirmatif, et que l’affirmatif est nécessaire. Mais si c’est le privatif qui est nécessaire, la conclusion sera de : Ne pas être. Le mode de démonstration serait le même, les termes étant ou n’étant pas universels ; car il faut toujours compléter ces syllogismes par la première figure, de sorte que, dans ceux-là, le résultat est le même que dans les autres. § 9[249]. Si le négatif pris universellement se trouve joint à l’extrême mineur, il y aura syllogisme par la conversion quand le négatif est contingent. § 10[250]. S’il est nécessaire, il n’y en aura pas ; on démontrerait ceci de la même manière, et par les mêmes termes, que pour les cas universels. § 11 On voit donc quand et comment, dans cette figure, il y aura syllogisme, tantôt du contingent, tantôt de l’absolu. § 12 Il est évident aussi que tous ces syllogismes sont incomplets, et que tous sont complétés par la première figure.


CHAPITRE XXIII

Réduction de tous les syllogismes, tant hypothétiques qu’ostensifs, aux trois figures.


§ 1[251]. Que les syllogismes conclus dans ces figures soient complétés par les syllogismes universels de la première et qu’ils y soient tous ramenés, c’est ce qui est évident d’après ce qui a été dit : maintenant nous allons prouver qu’il en est absolument de même de tout syllogisme quelconque, en démontrant que tout syllogisme se forme dans l’une de ces figures.

§ 2[252]. D’abord, il faut nécessairement que toute démonstration et tout syllogisme, démontrent que l’objet existe ou qu’il n’existe pas ; que cet objet est, soit universel, soit particulier ; et qu’ils le démontrent, soit ostensivement, soit par hypothèse ; car la démonstration par l’absurde n’est qu’une partie de la démonstration hypothétique.

§ 3[253]. Occupons-nous d’abord des syllogismes ostensifs ; car ce point une fois prouvé pour ces syllogismes, on le comprendra clairement pour ceux qui concluent par l’absurde, et, en général, pour tous les syllogismes hypothétiques.

§ 4[254]. Lors donc qu’on doit conclure A de B c’est-à-dire que A est ou n’est pas à B il faut nécessairement supposer une chose d’une autre. § 5[255]. Si l’on attribue A à B, on revient précisément au point de départ. § 6[256]. Mais si l’on veut conclure A de C, et que C ne soit attribué à aucun autre terme, ni qu’aucun autre terme ne lui soit attribué, non plus qu’aucun autre à A, il n’y aura pas de syllogisme, attendu qu’il ne résulte rien de nécessaire de ce qu’on suppose une seule chose à une seule autre. Donc, il faut ajouter encore une autre proposition. § 7[257]. Si l’on attribue encore A à un autre objet, ou un autre objet à A, ou un autre objet à C, rien n’empêche, il est vrai, qu’il y ait alors syllogisme ; mais avec ces données seules, il n’y en aura pas encore relativement à B. Quand C est attribué à un autre objet, et cet autre à tel autre, et celui-ci à un autre encore, sans qu’aucun se rapporte à B, il n’y aura pas davantage de syllogisme de A à B. C’est que, avons-nous dit, il n’y a point absolument de syllogisme d’un terme à un autre, à moins qu’on ne prenne quelque terme moyen qui, par attribution, puisse se rapporter aux deux premiers d’une façon quelconque. Le syllogisme, en effet, d’une manière générale, se compose de propositions ; et le syllogisme relatif à telle chose se compose de propositions relatives à telle chose ; et le syllogisme de telle chose, attribuée à telle autre chose, se compose de propositions de telle chose attribuée à telle autre chose. Il est donc impossible qu’il y ait une proposition relative à B, si l’on n’affirme ou si l’on ne nie rien de lui. De même, point de proposition de A à B, si l’on ne pose rien qui leur soit commun, et si l’on ne fait qu’affirmer ou nier de tous deux des choses qui leur sont spéciales. Il faut donc, entre les deux, un terme moyen qui enchaîne les attributions pour qu’il y ait syllogisme de telle chose relativement à telle autre. § 8[258]. Si donc il est nécessaire de prendre quelque terme commun aux deux ; si, de plus, cela ne se peut faire que de trois façons : en attribuant A à C et C à B, ou C aux deux, ou les deux à C ; et ce sont là les trois figures que nous avons dites, il est évident que tout syllogisme doit se former par l’une de ces figures. § 9[259]. Le raisonnement est tout à fait le même, si A est joint à B par plusieurs moyens ; car, quelque nombreux qu’ils soient, la figure reste la même.

§ 10 Il est donc incontestable que les syllogismes ostensifs se forment par les figures antérieurement indiquées. § 11[260]. On va prouver que les syllogismes qui concluent par l’absurde se complètent aussi par elles. En effet, tous les syllogismes qui démontrent par l’absurde concluent le faux par syllogisme ; mais ils démontrent la donnée initiale par hypothèse, en prouvant qu’il y a une absurdité dans la supposition de la contradictoire. En voici un exemple : on prouve que le diamètre est incommensurable, parce que, si on le suppose commensurable, il s’ensuit que le pair est égal à l’impair. On conclut donc par syllogisme que l’impair devrait être égal au pair ; et l’on ne démontre alors que par hypothèse que le diamètre est incommensurable, parce que la contradiction de ceci conduit à une erreur évidente. En effet, raisonner par l’absurde, c’est précisément montrer que quelque impossibilité résulte de l’hypothèse d’abord admise. Mais comme, dans les syllogismes conclus par l’absurde, on démontre l’erreur par un syllogisme ostensif, et que la donnée initiale elle-même se démontre hypothétiquement ; comme, en outre, nous avons dit que les syllogismes ostensifs se forment par nos trois figures, il est évident aussi que les syllogismes par l’absurde se forment par ces figures également. § 12[261]. De même encore pour tous les autres syllogismes hypothétiques, puisque, dans tous, le syllogisme se forme relativement à la proposition ajoutée ; et la donnée initiale est prouvée, soit par assentiment, soit par quelque autre hypothèse. § 13[262]. Mais, si ceci est exact, il faut nécessairement que toute démonstration, tout syllogisme ait lieu par les trois figures dont on a parlé ; et, ceci démontré, il est clair que tout syllogisme se complète par la première figure, et peut se ramener aux syllogismes universels de cette figure.


CHAPITRE XXIV

Règles générales des termes du Syllogisme. — Rapports de la conclusion aux prémisses.


§ 1[263]. Il faut, de plus, dans tout syllogisme, que l’un des termes soit affirmatif, et qu’il y ait de l’universel. Sans universel, en effet, ou il n’y aura pas de syllogisme, du moins il n’y en aura pas relativement à la question. Ou bien il y aura pétition de principe. Ainsi, qu’on ait à démontrer que la musique est un plaisir honnête, si l’on établit seulement que le plaisir est honnête, sans dire : Tout plaisir, il n’y aura pas de syllogisme. D’autre part, si l’on dit qu’un certain plaisir est honnête, et que ce soit un autre plaisir que celui de la musique, le raisonnement ne se rapporte plus à l’objet en question. Enfin, si l’on dit que c’est le plaisir même de la musique, on fait une pétition de principe. Ceci est encore plus évident par les figures géométriques. Par exemple, soit à démontrer que les côtés de l’isocèle appuyés à la base sont égaux ; soient les lignes A, B, conduites au centre ; si l’on fait l’angle A C égal à B D, sans avoir posé que les angles des demi-circonférences sont égaux ; si, de plus, on prend l’angle C égal à D, sans avoir ajouté que tous les angles d’une section sont égaux ; et si enfin on admet que E, F, sont des angles égaux, parce qu’ils sont de part et d’autre les restes d’angles égaux diminués de quantités égales, on fera une pétition de principe, à moins qu’on ne pose d’abord que les restes sont égaux quand on ôte une quantité égale à des quantités égales. Il est donc évident que, dans tout syllogisme, il faut de l’universel. § 2[264]. On sait, en outre, que l’universel est conclu quand tous les termes sont universels ; et le particulier, avec des termes de l’une et l’autre espèce. Si donc la conclusion est universelle, il faut aussi que les termes soient universels ; mais, les termes étant universels, il peut se faire que la conclusion ne le soit pas. § 3[265]. Il est clair encore que, dans tout syllogisme, il faut que les deux propositions, ou au moins l’une des deux, soit semblable à la conclusion. Je veux dire que, non seulement elle doit être pareille, en tant qu’affirmative ou privative, mais aussi en tant que nécessaire, ou absolue, ou contingente. Ici, du reste, il faudrait examiner encore les autres modes d’attribution.

§ 4[266]. On voit donc, en général, quels sont les cas où il y aura, et il n’y aura pas de syllogisme : ceux où il est possible et ceux où il est complet ; l’on voit enfin que, quand il y a syllogisme, il faut nécessairement que les termes aient l’une des dispositions que l’on a indiquées.


CHAPITRE XXV

Du nombre des termes, des propositions, et des conclusions, dans les Syllogismes.


§ 1[267]. Il est évident aussi que toute démonstration se fait par trois termes, et pas plus ; § 2[268]. ce qui n’empêche pas qu’une même conclusion ne puisse s’obtenir par des termes différents, et que E, par exemple, puisse être démontré par A B, et par C D, ou par A B, et A C, et B C ; car il peut se faire qu’il y ait plusieurs moyens pour les mêmes conclusions ; mais, dans ce cas, il y a, non plus un syllogisme unique, mais bien plusieurs syllogismes. § 3[269]. De même encore, si chacune des deux propositions A, B, est démontrée par syllogisme : par exemple A par D E, et B par F H ; ou encore que l’une soit démontrée par induction, l’autre par syllogisme. Mais, même de cette façon, il y a plusieurs syllogismes ; car il y a aussi plusieurs conclusions, qui sont A, B et C. § 4[270]. S’il n’y a qu’un seul syllogisme et non plusieurs, il se peut encore que la même conclusion s’obtienne par plus de trois termes. § 5[271]. Mais, pour démontrer C par A B, il est impossible qu’il y ait plus de trois termes. Soit E, par exemple, conclu de A B C D. Il y a donc nécessité que l’un de ces termes soit mis en rapport avec l’autre, l’un étant pris comme tout, l’autre comme partie ; car on a démontré précédemment que, quand il y a syllogisme, il faut nécessairement que certains termes soient dans cette relation. Que A soit donc ainsi par rapport à B ; il y a dès lors une conclusion tirée de ces termes, et elle est soit E, soit l’un des deux termes ou D, soit tout autre terme différent de ceux-là. Si c’est E, le syllogisme sera conclu des seuls termes A B. Si C D sont tels entre eux que l’un soit pris comme tout, et l’autre comme partie, on en tirera quelque conclusion ; et cette conclusion sera alors ou E, ou l’un des deux termes A B, ou tel autre terme différent d’eux. Si la conclusion est, soit E, soit l’un des deux termes A B, ou il y aura plusieurs syllogismes ; ou bien, comme on l’a supposé plus haut, la même conclusion se tirera de plus de trois termes ; mais si c’est un terme différent de ceux-là, il y aura plusieurs syllogismes et sans liaison entre eux. Si C n’est pas à D dans une relation telle qu’ils puissent faire un syllogisme, ces données seront inutiles, à moins qu’on ne les ait prises pour en tirer une induction, ou pour dissimuler les intentions, ou pour tel autre motif analogue. Mais si E n’est pas la conclusion tirée de A B, et qu’il y en ait une autre, et que de C D on conclue l’un de ces deux termes ou quelque autre terme différent, il y a plusieurs syllogismes qui ne se rapportent pas au sujet en question ; car on avait supposé que la conclusion serait E. Si l’on ne tire aucune conclusion de C D, on les aura pris sans aucune utilité ; et il n’y a point alors de syllogisme relatif à la proposition primitive. Donc, il est bien évident que toute démonstration et tout syllogisme se font par trois termes seulement.

§ 6[272]. De cela il résulte clairement que le syllogisme a lieu par deux propositions et pas plus ; car les trois termes forment deux propositions, à moins qu’on n’y en ajoute quelque autre, comme on l’a dit antérieurement, pour compléter les syllogismes. § 7[273]. Il est donc évident que, pour un raisonnement syllogistique où les propositions qui produisent la conclusion principale ne sont pas paires, et il y a parfois nécessité que les propositions soient tirées de conclusions antécédentes, ce raisonnement, ou n’est pas syllogistique, ou bien l’on a demandé pour sa thèse plus qu’on n’avait besoin. § 8[274]. Mais les syllogismes n’étant considérés que dans leurs propositions essentielles, tout syllogisme se forme de propositions paires et de termes impairs. Les termes sont toujours un de plus que les propositions ; les conclusions sont toujours la moitié des propositions. § 9[275]. Si l’on conclut, au moyen de prosyllogismes, ou par plusieurs moyens qui se tiennent ; par exemple, A B par C et par D, le nombre des termes dépassera toujours de un celui des propositions. En effet, ou le terme ajouté est en dehors des extrêmes, ou il est intermédiaire ; et, de toute façon, les intervalles seront un de moins que les termes. Les propositions seront toujours en même nombre que les intervalles ; cependant elles ne seront pas toujours paires, ni les termes toujours impairs ; il y aura alternative : quand les propositions sont paires, les termes sont impairs ; quand les termes sont pairs, les propositions sont impaires. En effet, avec chaque terme ajouté, on ajoute une proposition, à quelque place qu’on pose ce nouveau terme ; et, puisque, les propositions étant paires, les termes sont impairs, il est évident qu’ils doivent changer de rôle, quand on leur ajoute la même quantité. Du reste, les conclusions n’auront plus le même rapport ni avec les termes, ni avec les propositions. En ajoutant un terme, on ajoute des conclusions qui sont une de moins que les termes antérieurs : car ce n’est que pour le dernier seulement qu’il n’y aura point de conclusion ; mais il y en a pour tous les autres. Par exemple, si l’on ajoute D à ABC, l’on ajoute en même temps deux conclusions, l’une relative à A, l’autre relative à B ; et de même pour tous les autres qu’on ajouterait. Si l’on ajoute le terme intermédiairement, c’est encore le même rapport : car ce n’est que relativement à un seul terme qu’il ne fera pas de syllogisme ; et le nombre des conclusions sera beaucoup plus grand que celui des termes et des propositions.


CHAPITRE XXVI

Des conclusions diverses dans chaque figure selon qu’elles sont faciles ou difficiles à établir ou à réfuter. — L’universelle affirmative est la plus difficile à établir, et la plus facile à réfuter.


§ 1[276]. Puisque nous savons de quels éléments se forment les syllogismes, quelles sont les conclusions obtenues dans chaque figure, et de combien de manières on peut les obtenir, nous comprendrons clairement aussi quelle conclusion est facile et quelle conclusion est difficile à prouver. Celle qui s’obtient dans plus de figures et dans plus de cas, sera facile ; celle, au contraire, qui s’obtient dans moins de figures et dans moins de cas, sera prouvée plus difficilement. § 2[277]. L’affirmatif universel ne se démontre que par la première figure, et d’une seule façon dans cette figure ; le privatif se démontre par la première et par la moyenne figure : dans la première, d’une seule façon, et de deux, dans la seconde ; l’affirmatif particulier, par la première et par la dernière : d’une seule façon dans la première, et de trois dans la dernière ; le privatif particulier se démontre par toutes les figures, mais une seule fois dans la première, deux fois dans la seconde, et trois fois dans la dernière.

§ 3[278]. Il est donc évident que l’universel affirmatif est le plus difficile à établir, le plus facile à réfuter ; et, d’une manière générale, les propositions universelles sont bien plus aisées à détruire que les particulières. En effet, les propositions de ce genre sont réfutées par la négative universelle et par la négative particulière, dont l’une, la particulière négative, se démontre par toutes les figures, et dont l’autre, l’universelle négative, se démontre dans deux. Même observation pour les universelles négatives : la proposition initiale est réfutée à la fois, et par l’affirmative universelle, et par l’affirmative particulière, c’est-à-dire qu’elles le sont dans deux figures. Pour les particulières, au contraire, il n’y a qu’une seule manière de les réfuter, par l’universelle affirmative ou négative. Mais aussi les particulières sont bien plus aisées à établir, parce qu’elles sont obtenues dans bien plus de figures, et de bien plus de manières. § 4[279]. Il ne faut pas non plus oublier que l’on peut réfuter l’un par l’autre, l’universel par le particulier, et le particulier par l’universel ; mais l’on ne peut établir l’universel par le particulier, tandis que l’on peut établir celui-ci par le premier. § 5 Il n’est pas moins clair que renverser une proposition est toujours plus facile que l’établir.

§ 6[280]. Tout ce qui précède a dû nous apprendre comment se produit tout syllogisme, par combien de termes et de propositions il se forme, dans quel rapport les propositions sont les unes avec les autres, quelles sont, de plus, les conclusions obtenues dans chaque figure, quelles sont celles qui se démontrent dans plus de figures, et enfin celles qui se démontrent dans moins de figures.

SECTION SECONDE


SECTION SECONDE

RECHERCHE DU TERME MOYEN


CHAPITRE XXVII

Règles générales pour la découverte du Moyen. — Des Conséquents et des Antécédents : de leurs rapports.


§ 1[281]. Quels sont les moyens de toujours trouver au besoin les syllogismes relatifs à la question posée ; quel est le chemin qui nous doit mener à la connaissance des principes spéciaux de chaque question : voilà ce qu’il nous faut dire maintenant. C’est qu’en effet il ne doit peut-être pas nous suffire d’étudier la formation des syllogismes ; il faut encore posséder la faculté d’en faire.

§ 2[282]. Parmi toutes les choses, il y en a qui ne peuvent jamais être attribuées à d’autres avec vérité, d’une manière universelle ; par exemple, Cléon, Callias, et tout ce qui est individuel et perceptible aux sens. C’est à celles-là, au contraire, que les autres peuvent être attribuées : ainsi les deux êtres que nous venons de citer sont l’un et l’autre, homme et animal. Certaines choses sont elles-mêmes attribuées à d’autres, sans que d’autres puissent cependant leur être antérieurement attribuées. D’autres, enfin, peuvent servir d’attributs à d’autre et recevoir elles-mêmes des attributs : ainsi, homme peut être l’attribut de Callias ; et il reçoit lui-même l’attribut : animal. § 3[283]. Il est donc évident que certaines choses, par leur nature même, ne peuvent être attribuées à aucune autre ; et c’est le cas de la plupart des choses qui tombent sous nos sens, de ne pouvoir jamais être attributs ; si ce n’est improprement : ainsi nous pouvons dire parfois que cette personne blanche est Socrate, et que ce qui approche est Callias. Nous montrerons plus loin que, même en remontant dans les termes supérieurs, il y a une limite où l’on doit s’arrêter : mais ici, contentons-nous d’avoir posé ce principe. § 4[284]. On ne peut donc, pour ces choses supérieures, démontrer que quelque autre chose leur soit attribuée, si ce n’est par pure supposition ; ce sont celles-là, au contraire, qui le sont aux autres. Les individus ne sont jamais attribués aux autres choses, mais les autres choses leur sont attribuées. Quant aux termes intermédiaires, il est clair qu’ils peuvent être employés de deux façons ; car ils servent d’attributs aux autres choses, et reçoivent les autres choses comme attributs. Du reste, c’est presque uniquement sur les termes de ce genre que portent les discussions et les recherches.

§ 5[285]. Ainsi donc il faut prendre les propositions relatives à chaque objet, en supposant d’abord cet objet lui-même, ainsi que ses définitions et tout ce qui lui est propre ; ensuite tout ce qui est conséquent à cet objet ; puis, tout ce dont il est lui-même le conséquent ; et enfin tout ce qui ne peut pas lui appartenir. Quant aux choses auxquelles l’objet lui-même ne peut appartenir, il est inutile de distinguer, puisque le privatif se convertit. § 6[286]. Il faut bien remarquer encore parmi les conséquents ceux qui se rapportent à l’essence même de la chose, et ceux qui sont attribués, soit comme propres, soit comme accidents ; et, parmi ces attributs, quels sont ceux qui ne sont que supposés et ceux qui sont réels ; car, plus on connaîtra d’attributs, plus on trouvera vite la conclusion ; et, plus ils seront vrais, plus la démonstration sera parfaite. § 7[287]. Il ne faut pas choisir, du reste, les conséquents d’une partie de la chose, mais les conséquents de la chose tout entière. Ainsi, il faut prendre, non pas le conséquent applicable en particulier à tel homme, mais le conséquent applicable à tout homme ; car le syllogisme ne se forme que par les propositions universelles. Quand, donc, la proposition est indéterminée, on ne sait si elle est universelle ; déterminée, au contraire, on le voit sans peine. § 8[288]. On doit aussi distinguer les choses dont cette chose est universellement le conséquent, par les mêmes motifs que je viens de dire. § 9[289]. Quant au conséquent lui-même, il ne doit pas être pris dans son universalité ; par exemple : homme n’a pas pour conséquent tout animal ; musique n’a pas pour conséquent toute science ; il doit seulement être pris d’une manière absolue comme dans les propositions ordinaires ; car cette addition est inutile, et de plus impossible ; par exemple : tout homme est tout animal ; ou, la justice est toute vertu. C’est la chose dont une autre est le conséquent qui peut recevoir la marque d’universalité. § 10[290]. Lorsque le sujet est contenu dans un autre terme dont il faut prendre les conséquents, on ne doit pas chercher dans les conséquents de l’attribut ceux qui suivent ou ne suivent pas l’universel, parce qu’on les prend déjà dans les conséquents du sujet ; en effet, tout ce qui est conséquent de animal l’est aussi de l’homme. La règle est la même pour tout ce qui doit être nié de l’attribut. Mais il faut prendre avec soin tout ce qui est propre à la chose ; car il y a certaines propriétés qui appartiennent à l’espèce, à l’exclusion du genre ; et, en effet, il y a nécessité que certaines propriétés soient spéciales dans différentes espèces. § 11[291]. Il ne faut pas non plus prendre pour antécédents de l’universel les choses qui ont pour conséquent le terme renfermé dans l’universel ; par exemple, il ne faut pas prendre comme antécédents de animal les choses dont homme est le conséquent ; car, nécessairement si animal suit homme, il doit également suivre tout ce que suit homme ; mais ceci fait plus spécialement partie de la recherche des antécédents de homme. § 12[292]. Il faut choisir aussi les conséquents et les antécédents les plus habituels ; car pour les conclusions qui expriment le plus habituel, le syllogisme se forme aussi de propositions exprimant le plus habituel, soit que toutes, ou seulement quelques unes, soient de ce genre. La conclusion ; dans chaque syllogisme, est pareille aux principes. § 13[293]. Enfin, il ne faut pas prendre les conséquents de tous les termes ; car ceux-là ne donneront pas de syllogisme : quelle en est la raison, c’est ce que la suite va faire voir clairement.


CHAPITRE XXVIII

Règles de la conclusion universelle affirmative, de la particulière de même forme. — Règles de la conclusion universelle négative, de la particulière de même forme. — Exemples à l’appui.


§ 1[294]. Quand on veut affirmer une chose d’une autre tout entière, il faut considérer les sujets de la chose affirmée dont cette chose est dite, et tous les conséquents de l’objet auquel elle doit être attribuée ; car, si l’un d’eux est identique, il y aura nécessité que la première de ces choses soit à l’autre. § 2[295]. Si l’on veut prouver, non une affirmation universelle, mais seulement une affirmation particulière, il faut regarder aux antécédents des deux choses ; car, si l’un de ces antécédents est identique, il faut nécessairement que la chose soit à une partie de l’autre. § 3[296]. Quand on veut établir une négation universelle, pour ce qui concerne le terme auquel la chose doit ne pas être, il faut regarder aux conséquents ; et, pour ce qui concerne le terme qui doit ne pas y être, il faut regarder aux choses qui ne peuvent lui être attribuées ; ou, à l’inverse, pour le terme auquel la chose doit ne pas appartenir, il faut regarder aux choses qui ne peuvent lui être attribuées ; et, pour le terme qui ne peut appartenir, il faut regarder aux conséquents. Et, en effet, quel que soit celui de ces termes qui soit identique, la chose doit universellement n’être pas à l’autre ; car le syllogisme se forme, tantôt par la première figure, tantôt par la moyenne. § 4[297]. Enfin, pour établir une négation particulière, en ce qui concerne le terme auquel la chose doit ne pas être, il faut regarder aux antécédents qu’il suit ; et pour le terme qui doit ne pas être à la chose, il faut regarder à celles qui ne peuvent lui appartenir ; car, si l’un de ces termes est identique, il y a nécessité que la conclusion soit négative particulière. § 5[298]. Voici, du reste, une exposition qui rendra, sans doute, plus clair ce qu’on vient de dire. Soit, par exemple, les conséquents de A représentés par B, et les choses dont il est lui-même le conséquent représentés par C, et celles qui ne peuvent lui appartenir par D. D’autre part, que les choses qui sont à E soient représentées par F ; celles dont E est le conséquent représentées par G, et enfin celles qui ne peuvent lui appartenir, représentées par H. § 6[299]. Si, donc, quelqu’un des C est identique à un des F, il est nécessaire que A soit à tout E, parce que F est à tout C et A à tout C ; donc A est à tout E. § 7[300]. Si C et G sont identiques, il est nécessaire que A soit à quelque E : A est, en effet, conséquent de tout C, et E de tout G. § 8[301]. Si F et D sont identiques, A ne sera à aucun E, dès lors le prosyllogisme ; en effet, le privatif pouvant se convertir, si F est identique à D, A ne sera à aucun F, et F sera à tout E. § 9[302]. Si B et H sont identiques, A ne sera encore à aucun E : car B sera à tout A et ne sera à aucun E ; or B était identique à H, et H n’était à aucun E. § 10[303]. Si D et G sont identiques, A ne sera pas à quelque E ; car A ne sera pas à G, puisqu’il n’est pas non plus à D ; mais G est subordonné à E ; donc A ne sera pas à quelque E. § 11[304]. Si G et B sont identiques, le syllogisme sera retourné ; car G sera à tout A, puisque B est à A ; et E sera à B, car B est supposé identique à G. Mais il n’est pas nécessaire que A soit à tout E, il est seulement nécessaire qu’il soit à quelque E, parce que l’attribution universelle se convertit en attribution particulière. § 12[305]. Il est donc clair qu’il faut, dans chaque question, regarder pour les deux termes aux circonstances qu’on vient de dire, puisque c’est par elles que se forment tous les syllogismes.

§ 13[306]. On doit aussi, parmi les conséquents et les antécédents de chaque chose, considérer surtout les premiers et les plus universels, Ainsi, par exemple, pour E, il faut plutôt regarder à K F, qu’à F tout seul, et pour A, plus à KC qu’à C tout seul ; car si A est à K F, il est aussi à F et à E ; et s’il n’est pas le conséquent de K F, il peut l’être toutefois de F. On doit appliquer un examen analogue aux termes dont la chose en question est elle-même le conséquent ; car si elle est le conséquent des premiers, elle l’est aussi des termes subordonnés à ceux-là ; et, sans suivre les premiers termes, elle peut encore suivre ceux qui leur sont subordonnés. § 14[307]. On voit donc clairement que tout l’examen se réduit à trois termes et à deux propositions. § 15[308]. On voit aussi que tous les syllogismes se forment par les figures indiquées plus haut ; car on démontre que A est tout à E quand on suppose un des C et un des F identiques ; C F sera le moyen, et les extrêmes seront A et E ; c’est donc la première figure. L’on démontre la particulière affirmative en supposant C et G identiques, et c’est la dernière figure : car G est moyen. On démontre l’universelle négative, si D et F sont identiques, et c’est à la fois la première figure et la moyenne : la première, parce que A n’est à aucun F, la privative se convertissant ; et que E est à tout F : la moyenne, parce que D n’est à aucun A et est à tout E. On démontre la particulière négative quand D et G sont identiques ; mais c’est la dernière figure, car A n’est à aucun G, et E est à tout G. Il est donc évident que tous ces syllogismes ont lieu par les figures énoncées précédemment. § 16[309]. On voit, en outre, qu’il ne faut pas prendre des conséquents applicables à tous les termes, parce qu’on n’obtient point ainsi de syllogisme ; car on a déjà démontré qu’on ne pourrait point conclure affirmativement avec des conséquents tout seuls. L’on ne peut, non plus, conclure négativement par les conséquents des deux termes ; car il faut que l’un soit affirmatif et l’autre négatif. § 17[310]. Il est donc clair encore que toutes les recherches, autres que celles-là dans le choix des termes, sont inutiles pour faire des syllogismes ; par exemple : si les conséquents sont identiques pour l’un et l’autre terme ; ou bien si les choses dont A est conséquent sont identiques à celles qui ne s’appliquent pas à E ; ou bien, enfin, s’il y a identité pour les choses qui ne peuvent convenir à aucun des deux : car, dans tous ces cas, il ne se forme pas de syllogisme. En effet, si les conséquents, par exemple B et F sont identiques, on obtient la figure moyenne avec les deux propositions attributives. S’il y a identité entre telles dont A est le conséquent et celles qui ne peuvent être à E, par exemple G et H, c’est la première figure, avec la proposition de l’extrême mineure privative. S’il y a identité entre les choses qui ne conviennent ni à l’un ni à l’autre terme, comme D et H, les deux propositions seront privatives, soit dans la première figure, soit dans la figure moyenne : et, de cette façon, il n’y a pas non plus de syllogisme.

§ 18[311]. On peut remarquer encore que, dans cette recherche, il faut prendre les termes identiques et non pas les termes différents ou contraires ; d’abord, parce que cette recherche s’applique au moyen, et qu’on doit prendre le moyen, non pas différent, mais identique. § 19[312]. En second lieu, dans les cas où le syllogisme peut se former, en prenant, soit le contraire, soit les termes qui ne peuvent servir à la fois d’attribut au même terme, on les ramènera tous aux cas précédents. § 20[313]. Par exemple : si B et F sont contraires, ou s’ils ne peuvent être attribués à un même objet, avec des données de ce genre, il y aura syllogisme concluant que A ne peut être à aucun E. Mais cette conclusion se tire, non pas des données initiales, mais bien par le procédé antérieurement indiqué ; ainsi B étant à tout A et n’étant à aucun E, il est nécessaire que B soit identique à quelque H. § 21[314]. De même encore, si B et G ne peuvent être attribués au même objet, on conclura que A n’est point à quelque E ; car, de cette façon encore, on aura la figure moyenne, parce que B étant à tout A et n’étant à aucun G, il faut nécessairement que B soit identique à quelque H ; et, de fait, il n’y a aucune différence à dire que B et G ne sont point au même objet, ou de dire que B est identique à quelque H, puisque, par H, on avait compris toutes les choses qui ne peuvent être à E.

§ 22[315]. Enfin, on peut voir que, de ces dernières recherches, on ne peut tirer aucun syllogisme ; car si B et F sont contraires, il faut que B soit identique à quelque H pour que ces deux termes puissent former un syllogisme ; mais, en prenant ainsi les contraires, il arrive qu’on fasse fausse route, parce qu’on omet parfois l’identité de B et de H.


CHAPITRE XXIX

Recherche du Moyen dans les Syllogismes par réduction à l’absurde, dans les Syllogismes hypothétiques et dans les Syllogismes formés de propositions modales. — Règles des quatre espèces de propositions.


§ 1[316]. Les règles des syllogismes ostensifs s’appliquent aussi aux syllogismes qui concluent par l’absurde : car ceux-ci se forment également par les conséquents et les antécédents des deux termes. De part et d’autre, c’est la même recherche, puisque ce qui est démontré ostensivement peut aussi l’être par l’absurde et avec les mêmes termes ; et réciproquement, ce qui est démontré par l’absurde, peut se démontrer ostensivement. § 2[317]. Soit, par exemple : A n’est à aucun E ; supposons alors qu’il soit à quelque E. Puisque R est à tout A et A à quelque E, B sera aussi à quelque E ; mais on supposait qu’il n’était à aucun. On prouve encore ainsi que A est à quelque E : car si A n’est à aucun E, et que E soit à tout G, A ne sera à aucun G ; mais on supposait qu’il était à tout G. Même observation pour les autres cas ; car, dans tous, la démonstration par l’absurde se tire toujours des conséquents et des antécédents des deux termes. § 3[318]. On peut dire encore que, pour chaque espèce de conclusion, la recherche est la même, soit qu’on veuille démontrer ostensivement, soit qu’on veuille réduire à l’absurde, puisque les deux démonstrations se font avec les mêmes termes. Ainsi, par exemple, soit démontré que A n’est à aucun E, parce qu’il en résulte que B est à quelque E, ce qui est impossible. Si l’on suppose que B n’est à aucun E, et qu’il est à tout A, il est clair que A ne sera à aucun E : d’autre part, si l’on a conclu ostensivement que A n’est à aucun E, on démontrera, par l’absurde, qu’il n’est à aucun, après avoir supposé qu’il était à quelque E. Le raisonnement est le même pour tous les autres cas ; dans tous, il faut toujours supposer un terme commun, différent des termes donnés, et auquel se rapporte le syllogisme qui conclut l’erreur, de telle sorte que, cette proposition étant convertie, et l’autre restant identique, le syllogisme devient ostensif avec les mêmes termes. § 4[319]. C’est que, entre le syllogisme ostensif et celui qui conclut par l’absurde, la seule différence consiste en ce que, dans l’ostensif, les deux propositions sont supposées vraies, et que, dans l’autre, l’une d’elles est fausse.

§ 5[320]. Ceci, du reste, sera plus clair, par la suite, quand nous traiterons du syllogisme par l’absurde. Ici contentons-nous de savoir qu’il faut s’attacher également à ces considérations, soit qu’on veuille faire un syllogisme ostensif, soit qu’on veuille conclure par l’absurde. § 6[321]. Dans les autres syllogismes hypothétiques, soit qu’ils se fassent par subsumption ou par assumption, il faudra regarder, non pas aux sujets primitifs, mais aux sujets assumés, et le mode de recherche sera encore le même. § 7[322]. Il faut, de plus, considérer combien il y a d’espèces de syllogismes hypothétiques, et les distinguer entre eux.

§ 8[323]. On peut donc démontrer chaque espèce de conclusion de la manière qu’on a dite ; mais l’on peut encore en établir quelques-unes d’une autre façon. Ainsi, les conclusions universelles peuvent s’obtenir, par la considération du particulier, hypothétiquement. Si, par exemple C et G sont identiques, et que E ne soit supposé qu’aux G seulement, A serait alors à tout E. De même, si D et G sont identiques, et que E ne soit attribué qu’aux G, A ne sera à aucun E. On peut donc encore établir la recherche de cette façon.

§ 9[324]. Il est évident qu’on peut appliquer aussi cette méthode aux syllogismes formés de propositions nécessaires et contingentes ; car la recherche est la même, et le syllogisme se fait avec les termes disposés dans le même ordre, soit pour l’absolu, soit pour le contingent. § 10[325]. Il faut comprendre aussi par contingentes les choses qui ne sont pas, mais qui pourraient être ; car il a été prouvé que le syllogisme du contingent se forme aussi avec celles-là. § 11[326]. Il en sera de même pour les autres modes d’attribution.

§ 12[327]. Il est donc clair, d’après tout ce qui vient d’être dit, que non seulement tous les syllogismes peuvent se former par cette méthode, mais qu’il est impossible qu’ils se forment par une autre. En effet, on a prouvé que tout syllogisme se produisait dans l’une des figures exposées ; or, ces figures ne peuvent s’établir que par les conséquents et les antécédents de chaque objet, puisque c’est d’eux seuls que viennent les propositions, ainsi que le moyen ; donc le syllogisme n’est pas possible par d’autres procédés que ceux-là.


CHAPITRE XXX

Application générale des règles relatives à la recherche du Moyen, soit dans les Sciences, soit dans les Arts. — Des principes spéciaux et des rapports de la démonstration à ces principes.


§ 1[328]. La méthode reste toujours la même, qu’on l’applique, soit à la philosophie, soit à l’art, soit à la science. Toujours il faut réunir autour de chaque sujet proposé ce qui lui est attribué, et ce à quoi il peut être attribué ; toujours il faut tâcher de réunir le plus grand nombre possible de ces rapports ; toujours il faut les étudier sous trois termes, de tel point de vue pour réfuter la proposition, de tel autre pour l’établir, prenant les attributs vrais, pour raisonner avec toute vérité, et se bornant, dans les syllogismes dialectiques, à la simple probabilité.

§ 2[329]. On a expliqué aussi les principes généraux des syllogismes, on a dit ce qu’ils sont, et l’on a indiqué le moyen de les découvrir, afin qu’on ne se donne pas la peine d’examiner tous les mots, ni de recourir aux mêmes éléments pour renverser ou établir un raisonnement, soit que d’ailleurs on l’établisse, ou on le réfute universellement, ou particulièrement ; et afin qu’on limite la recherche à des objets moins nombreux et déterminés. § 3[330]. Quel que soit l’objet en question, il y a toujours un choix à faire ; par exemple, pour le bien et la science. Dans toutes les sciences les principes sont spéciaux pour la plupart ; et c’est à l’expérience de fournir ces principes pour chacune d’elles. Par exemple, l’expérience astronomique fournit les principes de la science astronomique ; et ce n’est qu’après avoir longtemps observé les phénomènes qu’on est arrivé aux démonstrations de l’astronomie. Tous les arts, toutes les sciences en sont là. Mais, du moment que les principes sont acquis pour chaque objet, nous pouvons nous charger d’en tirer des démonstrations régulières. Si, dans l’observation, l’on n’a rien omis de ce qui appartient réellement au sujet, nous pourrons, dans tout ce qui est susceptible d’être démontré, découvrir la démonstration, et l’exposer ; et, si la démonstration est naturellement impossible, nous pourrons encore rendre cela même évident.

§ 4[331]. Ici l’on a dit, d’une manière toute générale et sommaire, comment se fait le choix des propositions. Mais nous avons traité ce sujet avec toute l’exactitude désirable dans notre ouvrage sur la Dialectique.


CHAPITRE XXXI

De la Méthode de division. — Son impuissance ; elle fait toujours une pétition de principe, et prend l’universel pour moyen. — Sa conclusion est toujours hypothétique, et elle ne peut jamais être négative. — La méthode de division ne donne pas même de bonnes définitions. — Exemples divers à l’appui.


§ 1[332]. On peut voir, sans peine, que la division en genres n’est qu’une bien faible partie de la méthode que nous venons d’indiquer ; cette division n’est qu’un syllogisme impuissant : elle suppose ce qui est à démontrer ; et elle conclut toujours un des termes supérieurs. § 2[333]. D’abord, aucun de ceux qui ont employé cette méthode n’ont pris garde à ce défaut ; et ils se sont efforcés de prouver qu’on pouvait démontrer la substance même et l’essence des choses : aussi n’ont-ils compris ni comment l’on peut faire des syllogismes par la division, ni que l’on pouvait en faire par la méthode que nous avons exposée.

§ 3[334]. Dans les démonstrations, quand on veut prouver par syllogisme l’existence de quelque chose, il faut donc toujours que le moyen terme qui forme le syllogisme soit moins étendu que le premier des extrêmes, et qu’il ne lui soit point attribué universellement. La division, au contraire, vise à un résultat tout opposé, puisqu’elle prend l’universel pour moyen. Soit, par exemple, animal, représenté par A ; mortel par B, immortel par C, et l’homme, dont il s’agit d’avoir la définition, représenté par D. La division suppose que tout animal est mortel ou immortel ; en d’autres termes, que ce qui est A est tout entier ou B ou C. De plus, par cette méthode de division, on pose toujours que l’homme est animal, c’est-à-dire que l’on suppose que A est dit de D. La conclusion est donc, que tout D est ou B ou C, c’est-à-dire qu’il faut admettre que l’homme est mortel ou immortel, puisqu’il est nécessaire que l’animal soit mortel ou immortel ; mais il n’est pas du tout nécessaire que l’homme soit mortel, on le suppose simplement. Or, c’est là précisément ce qu’il fallait conclure. Soit encore, en faisant A animal mortel, B sympode, C apode et D l’homme ; on suppose ici de même que A est ou B ou C : car tout animal mortel a des pieds ou n’en a pas : et l’on suppose que A s’applique à D, puisqu’on a supposé que l’homme est un animal mortel. Ainsi il y a nécessité que l’homme soit un animal à pieds ou sans pieds : mais il n’est pas nécessaire qu’il ait des pieds, c’est une supposition ; or, c’est là encore ce qu’il fallait démontrer. Ainsi donc, les partisans de la méthode de division sont toujours conduits à prendre l’universel pour moyen terme ; et, pour eux, les extrêmes sont, et ce dont il faut démontrer, et les différences. Enfin, ils ne disent pas nettement ce que c’est que l’homme, ou l’objet quelconque de la recherche, de manière qu’il y ait là une conséquence nécessaire. C’est qu’ils suivent une tout autre route que la véritable, et ils ne soupçonnent pas qu’il y a des ressources dont ils peuvent disposer. § 4[335]. Il est évident que, par cette méthode, on ne peut jamais nier ; et qu’on ne peut pas, non plus, établir de syllogismes relatifs au propre, à l’accident, au genre, et à tous ces cas où l’on ne dit si la chose est de telle ou telle manière : par exemple, si le diamètre est ou non commensurable. En effet, en supposant que toute étendue est commensurable ou incommensurable, et que le diamètre est une étendue, on a pour conclusion que le diamètre est, ou commensurable ou incommensurable. Si l’on admet qu’il est incommensurable, on prendra précisément ce qu’il s’agit de prouver ; on ne peut donc pas du tout le démontrer ainsi ; car c’est là une méthode, qui rend impossible toute démonstration. Soit, par exemple : commensurable on incommensurable, représenté par A, étendue par B, le diamètre par C. § 5[336]. Ainsi, il est évident que ce mode de recherche ne peut convenir à toute espèce d’investigation, et qu’il n’est pas même applicable là où, cependant, il semblerait convenir le mieux.

§ 6[337]. On voit donc, d’après ce qui précède, quels sont les éléments des démonstrations, comment elles se forment et quels sont les points à considérer dans chaque question.

SECTION TROISIÈME


SECTION TROISIÈME

ANALYSE DES SYLLOGISMES EN FIGURES ET EN MODES


CHAPITRE XXXII

Analyse générale en propositions, termes et figures. — Dégagement des propositions ; éléments superflus et à rejeter, éléments omis et à rétablir. — Dégagement des termes, et particulièrement du moyen. — Examen de la figure spéciale.


§ 1[338]. Après tout ceci, il faut indiquer la manière de ramener tous les syllogismes aux figures énoncées plus haut. C’est là, en effet, la seule partie de notre étude qu’il nous reste à considérer ; car si, connaissant déjà la formation des syllogismes, et ayant la possibilité de les découvrir, nous apprenons, de plus, quand ils sont tout construits, à les résoudre dans les trois figures, l’objet que nous nous étions proposé, au début, sera tout à fait rempli. Ce sera en même temps confirmer et éclaircir tout ce qui précède par ce qui va suivre ; car, tout ce qui est vrai doit être, de tout point, conséquent à soi-même.

§ 2[339]. D’abord, donc, il faut s’attacher à dégager les deux propositions du syllogisme. La division, en effet, est plus facile en grandes parties qu’en petites, et les composés sont toujours plus grands que leurs éléments. § 3 Il faut rechercher ensuite quelle proposition est universelle, quelle autre est particulière. § 4[340]. Et si l’on a négligé de les donner toutes deux, il faut rétablir celle qui manque. Souvent, en effet, soit en écrivant, soit en discutant, on oublie, après avoir posé la proposition universelle, d’exprimer la particulière qu’elle renferme ; ou bien, en donnant de telles propositions, on omet celles qui rendent les premières concluantes, et l’on fait, pour d’autres, d’inutiles demandes. Il faut donc examiner si l’on a pris quelque proposition inutile, et si l’on n’en a pas négligé de nécessaire ; il faut alors ajouter l’une et retrancher l’autre, jusqu’à ce qu’on arrive enfin aux deux propositions ; car il n’est pas possible, sans cette précaution, de résoudre les raisonnements ainsi présentés. § 5[341]. Pour certains cas, il est facile de voir ce qui manque ; mais, parfois, on a peine à le découvrir, et l’on croit qu’il y a syllogisme parce que, en effet, il résulte des données quelque chose de nécessaire. Par exemple, si l’on suppose que ce qui n’est pas substance étant détruit, la substance n’est pas détruite ; mais que les éléments dont une chose se forme étant détruits, il faut que la chose même soit détruite aussi. Ceci posé, en effet, il est nécessaire que la partie de la substance soit aussi substance. Mais les données ne suffisent pas pour fournir cette conclusion, et ici les propositions manquent. Qu’on suppose encore que l’homme existant, il faut nécessairement que l’animal existe aussi ; et que l’animal étant, il y a nécessairement substance. Donc, alors, l’existence de l’homme entraîne aussi celle de la substance nécessairement. Pourtant, il n’y a pas là réellement de syllogisme, puisque les propositions ne sont pas telles que nous l’avons dit. Ce qui nous trompe, dans ce cas, c’est que, de ces données, il sort une conséquence nécessaire, et que le syllogisme aussi en donne une de ce genre. Mais le nécessaire est encore plus large que le syllogisme ; car tout syllogisme est nécessaire, et tout nécessaire n’est pas syllogisme. Ce n’est donc pas seulement parce que, de certaines données, il ressort une conséquence, qu’il faut essayer immédiatement la résolution, il faut avant tout dégager les deux propositions.

§ 6[342]. Voici comment, ensuite, on les divisera en termes. § 7[343]. Parmi les termes, on prendra pour moyen celui qui se répète dans les deux propositions ; car le moyen, et ceci a lieu dans toutes les figures, doit se retrouver dans les deux propositions. § 8[344]. Si donc, le moyen est attribué à un autre terme, ou qu’un autre lui soit attribué, ou bien s’il est affirmé d’un terme, et qu’un autre soit nié de lui, c’est la première figure. S’il est affirmé lui-même et nié de quelque terme, c’est la figure moyenne. Si les autres termes lui sont attribués, ou que l’un soit nié et l’autre affirmé de lui, c’est la dernière ; car c’est là la position que le moyen occupait dans chaque figure. Peu importe, d’ailleurs, que les propositions ne soient pas universelles ; la définition du moyen reste toujours la même. § 9[345]. Il est donc évident que, dans un raisonnement, où un même terme n’est pas répété plusieurs fois, il n’y a pas de syllogisme ; car il n’y a pas de moyen.

§ 10[346]. D’ailleurs, comme nous savons quelle conclusion se trouve dans chaque figure, et dans quelle figure est l’universelle, et dans quelle, est la particulière, il est clair qu’on doit examiner, non point toutes les figures, mais seulement la figure spéciale de la conclusion dont on s’occupe : et quand la conclusion s’obtient dans plusieurs figures à la fois, nous reconnaîtrons toujours la figure par la position du moyen.


CHAPITRE XXXIII

Quantité et ressemblance des termes ; confusion de l’Universel et de l’Indéterminé. — Exemples divers.


§ 1[347]. Souvent donc l’on est trompé dans les raisonnements par ce caractère même de nécessité que je viens de dire ; mais c’est quelquefois aussi par la ressemblance dans la forme des termes, chose qu’il ne faut pas perdre de vue. § 2[348]. Soit, par exemple, A attribué à B, et B à C ; on pourrait croire qu’avec des termes ainsi disposés, il y a syllogisme ; et cependant il n’y a là ni conséquence nécessaire, ni syllogisme. § 3[349]. Soit, par exemple, A représentant : Être toujours, B : Aristomène imaginable, et C Aristomène. Il est vrai que A est à B, car Aristomène est toujours imaginable ; mais, en outre, B est à C, car Aristomène est Aristomène imaginable ; mais A n’est pas à C, car Aristomène est mortel. En effet, on a vu qu’il n’y a pas de syllogisme avec des termes de cette forme ; et il fallait que la proposition A B fût universelle. Mais ce serait une erreur de croire que tout Aristomène imaginable est immortel, puisque Aristomène est mortel. § 4[350]. Soit encore, C : Miccale, B : Miccale musicien, et A : Mourir demain. B peut être, avec vérité, attribué à C, car Miccale est Miccale musicien ; mais A peut aussi être attribué à B, car Miccale musicien mourra demain ; mais A attribué à C est une erreur. Cet exemple est identique au premier, parce qu’il n’est pas vrai universellement que Miccale musicien mourra demain ; et, sans cette universalité, il n’y avait pas de syllogisme. § 5[351]. L’erreur ici vient d’une nuance à peine sensible, et de ce que nous accordons qu’il n’y pas de différence à dire : Cette chose est à cette autre, ou à dire : Cette chose est à toute cette autre.


CHAPITRE XXXIV

Forme vicieuse des termes, qui souvent doivent être des mots concrets ; et non des mots abstraits. Erreur possible dans les trois figures. — Moyen d’éviter cette erreur : substituer toujours l’expression concrète à l’expression abstraite. — Exemples divers.


§ 1[352]. Souvent aussi l’on se trompera, parce que les termes, dans la proposition, n’auront pas été bien exprimés : par exemple, soit A la santé, B la maladie, et C l’homme. Il est vrai de dire que A ne peut être à aucun B, car la santé n’est jamais à la maladie ; et que B est à tout C, car tout homme est susceptible de maladie ; donc il semblerait résulter de ceci que la santé ne saurait être à aucun homme. Le motif de cette erreur c’est que, dans l’énonciation les termes n’ont pas été bien posés ; car, en changeant les termes qui expriment la disposition, il n’y aura plus de syllogisme. Par exemple, qu’au lieu de : santé, on mette : sain, et au lieu de maladie : malade ; dès lors il n’est plus vrai de dire qu’il n’est pas possible que sain soit à malade. Mais, si l’on ne fait pas ce changement, il n’y a plus syllogisme que du contingent, c’est-à-dire, de ce qui n’est pas impossible : et, en effet, il est possible que la santé ne soit à aucun homme. § 2[353]. Cette erreur pourra se produire tout aussi bien dans la moyenne figure. Ainsi la santé ne peut être à aucune maladie, mais elle peut être à tout homme : donc la maladie n’est à aucun homme. § 3[354]. Dans la troisième figure, la conclusion fausse est sous forme contingente ; car la santé et la maladie, la science et l’ignorance, et en général les contraires, peuvent être à tout un même objet ; mais il est impossible qu’ils soient jamais l’un à l’autre. Ceci, du reste, est contradictoire à une remarque précédente ; car l’on a établi que, quand plusieurs choses pouvaient être à une seule et même, elles pouvaient aussi être les unes aux autres.

§ 4[355]. Il est donc clair que, dans tous ces cas, l’erreur ne résulte que de l’énoncé des termes, et qu’en permutant ceux qui expriment la disposition, il n’y a plus de conclusion erronée. Ainsi, il est évident que, dans les propositions de ce genre, il faut toujours substituer le dérivé de la disposition à la disposition elle-même, et prendre ce dérivé pour terme.


CHAPITRE XXXV

Les termes ne sont pas toujours exprimés par un mot unique et spécial : les termes sont parfois des propositions tout entières. — Exemple.


§ 1[356]. Il ne faut pas non plus prétendre trouver toujours pour les termes un mot spécial ; car il est bien des notions qui n’ont pas de mots spéciaux ; et alors il est fort difficile de résoudre de pareils syllogismes. On pourra donc se tromper parfois en recherchant ainsi un mot qui n’existe pas. Par exemple, on pensera qu’il y a syllogisme pour des propositions sans termes moyens. Soient deux angles droits représentés par A, B triangle, C isocèle. A est à C par B, mais il est à B sans que ce soit par un autre terme ; car le triangle vaut en soi deux angles droits : donc il n’y aura pas de moyen terme pour A B, qui est cependant démontrable. Ainsi, il est évident qu’il ne faut pas croire que le moyen soit toujours rendu par un mot distinct ; parfois, c’est tout une proposition, comme dans l’exemple qu’on vient de citer.


CHAPITRE XXXVI

Des cas que les termes doivent recevoir. — Règle générale : les termes pris isolément sont toujours au nominatif : dans les propositions, ils sont mis au cas que le sens de la pensée exige. — Syllogismes affirmatifs dans la première figure, avec divers cas dans les propositions. — Syllogismes négatifs dans les trois figures. — Remarques communes aux uns et aux autres.


§ 1[357]. Quand on dit que le premier terme est attribué au moyen, et celui-ci au dernier terme, on ne veut pas dire que ces termes doivent toujours être attribués de la même manière : le premier au moyen, et celui-ci au dernier ; observation qui s’applique également à la négation ; mais autant de significations peut avoir le verbe : Être, et autant de significations vraies a cette expression : Telle chose est telle autre chose, autant en ont les expressions : Être et n’être pas attribué. § 2[358]. Par exemple, lorsqu’on dit : La notion des contraires est unique. Soit A la notion unique, et B les contraires réciproques ; A est alors à B ; mais on ne prétend pas dire par là que les contraires sont une seule notion ; on veut dire qu’on peut affirmer d’eux, avec vérité, que la notion qui les donne est unique. § 3[359]. Tantôt il se peut que le premier soit attribué au moyen, et que le moyen ne puisse l’être au troisième. Par exemple, si : La sagesse est la science, et qu’il y ait : Sagesse du bien, la conclusion est qu’il y a : Science du bien. Mais le bien n’est pas du tout la science, c’est la sagesse. § 4[360]. Tantôt le moyen terme est attribué au troisième, sans que le premier le soit au moyen. Par exemple, s’il y a : Science de tel objet quelconque ou de son contraire, et que le bien soit à la fois, et un contraire, et tel objet quelconque, la conclusion est : Il y a science du bien. Mais le bien n’est pas du tout la science, et pas plus tel bien que son contraire ; mais c’est le bien seul qui est tout cela. § 5[361]. Parfois aussi il se peut que le premier ne soit pas attribué au moyen, ni celui-ci, au troisième ; le premier, du reste, pouvant se dire et pouvant ne pas se dire du troisième. Par exemple, quand l’on dit : S’il y a science de telle chose, il y a un genre de cette chose ; or, il y a science du bien, la conclusion est : Donc il y a genre du bien ; mais ici aucun terme n’est attribué à un autre. Soit encore : La chose dont il y a science est aussi genre ; or, il y a science du bien, la conclusion est : Donc le bien est aussi genre. Ainsi, le premier terme est attribué au dernier ; mais ils ne sont pas attribués l’un à l’autre. § 6[362]. Il faut raisonner de la même manière pour la négation ; et quand on dit que telle chose n’est pas attribuée à telle autre, on ne veut pas toujours dire que telle chose n’est pas telle autre chose, mais on veut dire, tantôt que telle chose n’est pas de telle chose, ou qu’elle n’est pas à telle chose. § 7[363]. Par exemple : Il n’y a ni mouvement de mouvement, ni production de production ; mais il y a mouvement et production du plaisir : donc le plaisir n’est ni production ni mouvement. Ou encore : Il peut y avoir signe du rire, mais il n’y a pas signe du signe : donc le rire n’est pas signe. § 8[364]. Et de même pour tous les autres cas où l’on réfute la conclusion en montrant que le genre lui est attribué d’une façon quelconque. § 9[365]. Soit encore, par exemple : L’occasion n’est pas le temps opportun ; car l’occasion existe aussi pour Dieu, mais pour lui le temps ne peut être opportun, parce que la Divinité n’a jamais rien qui lui soit utile. Les termes sont ici : L’occasion, le temps opportun, et Dieu ; mais la proposition doit être formée avec le cas convenable du nom.

§ 10[366]. Nous disons donc, d’une manière générale et absolue, qu’il faut toujours mettre les termes à l’appellation directe des noms. Ainsi, l’homme, le bien, les contraires ; et non pas : de l’homme, du bien, des contraires. Quant aux propositions, il faut y poser les divers cas qu’exige chaque mot. Ainsi, on dit : A cela, avec égal ; de cela, avec double ; cela, avec frappant ou voyant ; ou même : Cet, avec homme, animal ; ou enfin, l’on prend telle autre tournure que le mot demande dans la proposition.


CHAPITRE XXXVII

Examen des divers genres d’attributions.


Quand on dit que telle chose est à telle chose, et que telle chose est dite avec vérité de telle autre, ces expressions ont autant de sens qu’il y a de genres d’attributions, que ces attributions d’ailleurs, soient restreintes ou absolues, simples ou complexes. Et de même pour la négation. Ceci, du reste, mérite un examen et une détermination plus précis.


CHAPITRE XXXVIII

Des termes redoublés : il faut toujours dans l’analyse les confondre dans le majeur et non dans le moyen. — Exemples divers. — Syllogismes avec ou sans termes redoublés. — Rapports du moyen au mineur, quand le moyen est redoublé ou qu’il ne l’est pas. — Exemples.


§ 1[367]. Toute notion redoublée dans les propositions doit être jointe au premier extrême, et non point au moyen. § 2[368]. Par exemple, si l’on concluait en syllogisme qu’il y a cette science de la justice qu’elle est un bien, il faudrait placer : Qu’elle est un bien ou en tant qu’elle est un bien, avec le premier extrême. Soit A, par exemple, la science que telle chose est un bien, B le bien, et C la justice. A peut être, avec vérité, attribué à B : car l’on sait du bien qu’il est le bien ; mais B peut être avec une égale vérité attribué à C : car la justice est ce qui est le bien : et c’est ainsi que se fait la résolution du syllogisme. Mais si c’est à B qu’on joint : Qu’elle est un bien, l’assertion n’est plus vraie. Il sera bien vrai que A est attribué à B ; mais il ne le sera pas du tout que B le soit à C ; car attribuer à la justice que le bien est le bien, c’est une erreur et un non sens. § 3[369]. Même remarque si l’on prétendait démontrer qu’une chose salubre peut être connue en tant que bien ; que le bouc-cerf est intelligible en tant que n’étant pas ; ou enfin, que l’homme est mortel en tant que sensible. C’est que, en effet, dans tous les cas où l’on ajoute quelque chose à l’attribution, il faut joindre la notion complexe au majeur.

§ 4[370]. La position des termes ne reste pas la même, quand on met dans le syllogisme des notions absolues, et quand on limite la notion par une restriction quelconque de nature ou d’étendue ; par exemple, quand l’on conclut que le bien est connaissable, et que l’on conclut d’une chose qu’on peut connaître d’elle qu’elle est un bien. § 5[371]. Si l’on démontre d’une manière absolue que le bien est connaissable, chose sera le terme moyen. § 6[372]. Mais si l’on démontre que l’on peut connaître d’une chose qu’elle est un bien, il faut alors prendre pour moyen cette chose spéciale. Soit A la connaissance que cette chose est telle chose, B cette chose même, et C le bien. On peut attribuer, avec vérité, A à B, car on sait de telle chose qu’elle est telle chose ; mais on peut attribuer aussi B à C, car C est cette chose même : de sorte que A sera aussi à C ; et l’on saura donc du bien qu’il est bien ; car la chose spéciale était le signe même de l’essence. § 7[373]. Mais si l’on prenait chose pour moyen terme, et qu’on joignît au majeur, chose, pris absolument, et non pas la chose spéciale, on conclurait syllogistiquement, non pas qu’on sait du bien qu’il est bien, mais seulement qu’il est. Soit, par exemple : A la connaissance que la chose est, B la chose, et C, le bien. § 8[374]. Il est donc évident que c’est ainsi qu’il faut disposer les termes dans les syllogismes limités.


CHAPITRE XXXIX

Changements de mots utiles à l’analyse. — Exemple.


§ 1[375]. Parfois aussi, il faut faire permuter les termes de même valeur, soit les mots avec les mots, les propositions avec les propositions, soit un mot avec une proposition ; et prendre toujours un mot à la place d’une proposition entière ; car on peut alors plus facilement dégager les termes. § 2[376]. Ainsi donc, s’il n’y a aucune différence à dire, ou que le supposable n’est pas le genre du probable, ou bien que le probable n’est pas essentiellement supposable, attendu que le sens est le même ; au lieu du jugement entier, d’abord énoncé, il faudra prendre comme termes : supposable et probable.


CHAPITRE XL

Règle des articles dans l’analyse.


§ 1[377]. Mais comme ce n’est pas du tout la même chose de dire : Le plaisir est un bien, et de dire : Le plaisir est le bien, il faut soigneusement faire cette distinction pour les termes : et si le syllogisme est : Le plaisir est le bien, il faut prendre pour terme : le bien. Si l’on dit au contraire qu’il est un bien, il faut prendre : un bien. Et de même pour tous les cas analogues.


CHAPITRE XLI

Importance du signe de l’universalité pour l’analyse : positions diverses que ce signe peut prendre dans les propositions. — De l’utilité des lettres dans les explications logiques : imitation de la méthode des géomètres : la substitution des termes réels aux formules littérales ne peut mener à l’erreur.


§ 1[378]. Il n’y a point d’identité, ni pour le fond ni pour la forme, entre ces deux expressions : A est à toute la chose à laquelle est B, et A est à toute la chose à laquelle, tout entière, est B ; car il se peut fort bien que B soit à C, sans qu’il soit cependant à tout C. Soit, par exemple B, quelque chose de beau : C, blanc. Si quelque chose de beau est à quelque chose de blanc, il est vrai de dire que beau est à blanc ; mais, peut-être, ne l’est-il pas de dire qu’il est à tout ce qui est blanc. § 2[379]. Si donc, A est à B, mais non pas à tout ce dont B est dit, soit que B soit à tout C, ou spécialement à quelque C, non seulement il n’est pas nécessaire que A soit à tout C, mais encore il n’est pas du tout à C. § 3[380]. Si A est à toute la chose de laquelle tout entière B est dit avec vérité, il en résultera que A est attribué à toute la chose à laquelle tout entière B est attribué. § 4[381]. Si, pourtant, A est dit de la chose dont tout entière B est dit, rien n’empêche que B ne soit à C, auquel tout entier A n’est pas, ou auquel même il n’est pas du tout. § 5[382]. On voit donc, avec trois termes, que cette expression : A est attribué à toute la chose à laquelle est attribué B, veut dire qu’il est attribué à toutes les choses auxquelles B est attribué. Si B est attribué à toute la chose, A le sera aussi ; et si B n’est pas attribué à toute la chose, il n’est pas nécessaire que A l’y soit non plus.

§ 6[383]. Il ne faut pas croire, du reste, que jamais cette exposition des termes puisse nous conduire à l’erreur ; car nous n’appliquons pas ensuite ce que nous trouvons ainsi ; mais nous imitons le géomètre qui suppose que telle ligne a un pied de long, qu’elle est droite et qu’elle est sans largeur, bien qu’il n’en soit rien, sans se servir du tout de ces suppositions pour en tirer des raisonnements. En général, toutes les fois qu’on ne rapporte pas un terme à un autre, comme le tout à sa partie, ou comme la partie à son tout, on ne peut arriver, quoi qu’on fasse, à rien démontrer ; car alors il n’y a pas de syllogisme. Nous avons donc ici recours à l’exposition des termes en parlant à l’élève, comme nous en appellerions au témoignage de ses sens ; mais nous ne disons pas qu’il soit impossible de faire une démonstration sans ce secours, comme il serait impossible de faire un syllogisme sans les propositions dont on le tire.


CHAPITRE XLII

Analyse des Syllogismes composés : les conclusions pensent appartenir à diverses figures.


§ 1[384]. N’oublions pas que, dans un même syllogisme, toutes les conclusions n’appartiennent pas à la même figure ; mais que l’une a lieu par celle-ci, et l’autre par celle-là. Il en résulte que c’est aussi de cette manière qu’il faut faire les résolutions. § 2[385]. Toutes les conclusions ne se trouvent pas dans toutes les figures ; mais chaque figure ayant des conclusions qui lui sont propres, la nature de la conclusion indiquera toujours dans quelle figure il faut la chercher.


CHAPITRE XLIII

Dans la réfutation des définitions, l’analyse ne doit s’attacher qu’au terme contesté. — Exemple.


Quand il s’agit d’argumenter contre une définition, et que les arguments ont porté sur un des éléments de la définition, il faut prendre comme terme cet élément unique, et non pas la définition tout entière ; car alors on sera beaucoup moins embarrassé de la prolixité des détails. Par exemple, si l’on a démontré que l’eau est un liquide potable, il faut prendre uniquement pour termes : potable et eau.


CHAPITRE XLIV

L’Analyse est inapplicable aux Syllogismes par réduction à l’absurde et à tous les Syllogismes hypothétiques.


§ 1[386]. Il ne faut pas non plus essayer d’analyser les syllogismes hypothétiques ; car on ne le pourrait avec les données initiales, puisqu’ils concluent, non point par syllogisme, mais seulement par suite d’une convention admise des deux côtés. Par exemple, si après avoir supposé que, la puissance des contraires n’étant pas unique, la notion qu’on en acquiert n’est pas unique non plus, l’on démontre qu’il y a plus d’une puissance des contraires, du salubre et de l’insalubre par exemple, parce que, autrement, une seule et même chose pourrait être à la fois salubre et insalubre ; on a bien démontré que la puissance des contraires n’est pas unique ; mais on n’a pas encore démontré que leur notion ne l’est pas ; et, cependant, il y a nécessité d’en convenir : mais ce n’est pas par syllogisme ; c’est seulement par hypothèse. On ne peut donc résoudre ce dernier syllogisme : mais on peut résoudre l’autre syllogisme, concluant qu’il n’y a pas une puissance unique des contraires ; car c’est bien là un syllogisme réel, tandis que l’autre n’est qu’une hypothèse. § 2[387]. Même raisonnement pour les syllogismes qui concluent par réduction à l’absurde ; on ne peut davantage les résoudre. Seulement on peut résoudre la conclusion elle-même qui est absurde, parce quelle est démontrée par un syllogisme : mais on ne peut le faire pour l’autre conclusion, qui n’est obtenue qu’hypothétiquement. § 3[388]. Ces syllogismes diffèrent des précédents en ce que, dans ceux-ci, il faut faire une convention à l’avance pour tomber ensuite d’accord ; on convient, par exemple, que si l’on démontre qu’il n’y a qu’une puissance des contraires, on aura démontré qu’il n’y a non plus, pour eux, qu’une notion. Mais, dans les autres syllogismes, on s’accorde sans même avoir rien convenu préalablement, parce que l’erreur est de toute évidence ; et que, si, par exemple, l’on suppose le diamètre commensurable, il en résulte que l’impair est égal au pair. § 4[389]. Il est encore beaucoup d’autres syllogismes qui concluent par hypothèse, et qu’il faut examiner et expliquer nettement. Nous dirons plus loin quelles en sont les différences et quelles sont toutes les manières dont les syllogismes hypothétiques peuvent se former. Pour le moment, bornons-nous à savoir qu’il n’est pas possible de résoudre cette espèce de syllogisme ; nous en avons dit le motif.


CHAPITRE XLV

Analyse d’une figure dans l’autre. — Analyse des Syllogismes de la première figure dans la seconde et réciproquement. — Analyse des Syllogismes de la première figure dons la troisième et réciproquement. — Analyse des Syllogismes de la seconde figure dans la troisième et réciproquement. — Exceptions diverses.


§ 1[390]. Toutes les conclusions qui se démontrent dans plusieurs figures, du moment qu’elles sont prouvées syllogistiquement dans l’une, peuvent aussi être ramenées syllogistiquement à l’autre. Par exemple : la conclusion privative, dans la première, peut être ramenée à la seconde ; et la privative, dans la figure moyenne, à la première. Ceci, cependant, s’applique, non pas à tous les syllogismes, mais seulement à quelques-uns ; c’est ce que la suite montrera clairement. § 2[391]. Si A, en effet, n’est à aucun B, et que B soit à tout C, A n’est à aucun C. C’est la première figure ; et, si l’on convertit le privatif, on aura la figure moyenne ; car B n’est à aucun A, mais il est à tout C. § 3[392]. Et, de même, si la conclusion ; au lieu d’être universelle, est particulière ; si, par exemple, A n’est à aucun B, et que B soit à quelque C ; car, en convertissant là proposition privative, on obtiendra la figure moyenne.

§ 4[393]. Parmi les syllogismes de la seconde figure, les universels peuvent être ramenés à la première, et l’un des deux seulement, parmi les syllogismes particuliers. § 5[394]. Soit A à aucun B, mais à tout C. Le privatif étant converti, on a, par la première figure, que B n’est à aucun A, et que A sera à tout C. § 6[395]. Si l’affirmatif est joint à B, et le privatif à C, il faut prendre C comme premier terme ; car il n’est à aucun A, et A est à tout B ; donc C ne sera à aucun B : et B ne sera non plus à aucun C, puisque le privatif se convertit. § 7[396]. Si le syllogisme est particulier, et que le privatif soit joint à l’extrême majeur, on le ramènera à la première figure. Par exemple : si A n’est à aucun B, mais qu’il soit à quelque C ; le privatif étant converti, on aura la première figure : car B n’est à aucun A, mais A est à quelque C. § 8[397]. Quand c’est l’affirmatif qui est joint à l’extrême majeur, il n’y a pas de résolution possible. Par exemple, si A est à tout B, mais non à tout C ; car A B n’admet pas de conversion ; et il n’y a pas de syllogisme, même quand on fait la conversion.

§ 9[398]. De même, les syllogismes de la troisième figure ne peuvent pas tous être résolus dans la première, mais tous ceux de la première le seront dans la troisième. § 10[399]. Soit, en effet, A à tout B, et B à quelque C. Puisque l’affirmatif particulier se convertit, C sera à quelque B, mais A était à tout B ; et c’est la troisième figure. § 11[400]. De même, quand le syllogisme est privatif ; car la proposition particulière affirmative se convertit ; et A n’est à aucun B, mais C sera à quelque B.

§ 12[401]. Quant aux syllogismes de la dernière figure, un seul ne se résout pas dans la première ; c’est quand le privatif n’est pas universel ; mais tous les autres peuvent s’y résoudre. § 13 Ainsi, que A et B soient attribués à tout C, C sera converti particulièrement avec l’un et l’autre extrême ; donc, il sera à quelque B. Alors on aura la première figure ; car A est à tout C, et C à quelque B. § 14 Et si A est à tout C, et B à quelque C, le raisonnement sera le même ; car B se convertit relativement à C. § 15 Mais si B est à tout C, et A à quelque C, B doit être pris comme premier terme ; car B est à tout C, et C est à quelque A ; de sorte que B est à quelque A ; et, comme le particulier se convertit, A sera aussi à quelque B. § 16 Si le syllogisme est privatif, les termes étant universels, il faut le traiter de même. Ainsi, soit B à tout C, et A à aucun C, C sera donc à quelque B, et A ne sera à aucun C ; et alors C sera le moyen terme. § 17 Et, de même, si le privatif est universel, et que l’affirmatif soit particulier ; car A ne sera à aucun C, mais C sera à quelque B. § 18 Si le privatif est pris particulièrement, il n’y aura pas de résolution possible. Par exemple : si B est à tout C, et que A ne soit pas à quelque C ; car B C étant converti, les deux propositions seront particulières. § 19 Il est évident aussi que, pour résoudre ces deux figures l’une dans l’autre, il faut convertir dans chacune d’elles la proposition qui est jointe à l’extrême mineur. Cette proposition, une fois changée de place, le passage d’une figure à l’autre peut se faire.

§ 20 Des syllogismes de la figure moyenne, l’un se résout dans la troisième, l’autre ne s’y résout point. § 21 Quand l’universel est privatif, il s’y résout ; car, soit, par exemple : A à aucun B, mais à quelque C ; les deux extrêmes se convertissent de même, relativement à A, de sorte que B n’est à aucun A, et C est à quelque A ; A est alors pris pour moyen. § 22 Mais quand A est à tout B, et qu’il n’est pas à quelque C, il n’y a pas de résolution possible ; car aucune des deux propositions ne devient universelle par la conversion. § 23 Les syllogismes de la troisième figure seront aussi résolus dans la moyenne, quand le privatif est universel. Par exemple : Si A n’est à aucun C, et que B soit à quelque C, ou à tout C, alors C ne sera à aucun A, mais il sera à quelque B. § 24 Mais si le privatif est particulier, le syllogisme ne se résoudra pas ; car le négatif particulier n’a pas de conversion possible. § 25 Il est évident que les mêmes syllogismes qui ne se résoudraient pas dans la première figure ne se résoudront pas davantage dans les deux autres ; et que les autres syllogismes, se ramenant à la première figure, ceux-là sont les seuls qui concluent par l’absurde.

§ 26 On voit donc, d’après ce qui précède, quels sont les moyens de résoudre les syllogismes et de ramener les figures les unes aux autres.


CHAPITRE XLVI

Analyse appliquée aux attributs indéterminés, affirmatifs et négatifs ; et aux oppositions. — Comparaison de l’attribut négatif et de l’attribut indéterminé : différence de ces deux formes d’attribution. — Affirmation et négation de l’attribut indéterminé. — Comparaison des quatre espèces d’attributions affirmatives et négatives, déterminées et indéterminées. — Exemples divers.


§ 1[402]. Il importe beaucoup, soit qu’on établisse une proposition, soit qu’on la réfute, de savoir si ces expressions : Ne pas être telle chose, et : Être non telle chose, ont une signification identique ou différente : par exemple, s’il y a identité ou différence entre : N’être pas blanc, et : Être non blanc. § 2[403]. En effet, ces expressions n’ont pas un sens absolument pareil ; et la négation d’être blanc n’est pas : Être non blanc ; mais c’est ; N’être pas blanc. § 3[404]. En voici la raison : cette proposition ; Il peut marcher, est à celle-ci : Il peut ne pas marcher, dans le même rapport que : Il est blanc, est à : Il est non blanc ; et cette proposition : Il sait le bien, à celle-ci : Il sait le non-bien. Enfin, cette locution : Il sait le bien, et celle-ci : Il est sachant le bien, ne diffèrent en rien, non plus que : Il peut marcher, ne diffère de : Il est pouvant marcher. Et de même pour les oppositions : Il ne peut pas marcher, il n’est pas pouvant marcher. Si donc cette proposition : Il n’est pas pouvant marcher, exprime la même chose que : Il est pouvant ne pas marcher, ou : Ne marcher pas, ces deux choses seront à la fois au même objet ; car le même individu peut, et marcher, et ne marcher pas ; et il sait le bien et le non-bien. Mais l’affirmation et la négation opposées ne peuvent être à la fois vraies de la même chose. Donc, tout comme ce n’est pas une seule et même chose de ne pas savoir le bien, et de savoir le non-bien ; de même, ce n’est pas chose identique non plus d’être non bon, et de ne pas être bon ; car si, parmi des choses en proportion, les unes sont différentes, les autres doivent l’être aussi. § 4[405]. Ce n’est pas non plus la même chose d’être non égal, et de n’être pas égal ; car, d’une part, on subordonne quelque chose à ce qui est non égal, et ce quelque chose c’est l’inégal ; mais, de l’autre part, on ne subordonne rien. C’est qu’en effet tout n’est pas égal ou inégal ; mais tout est, ou égal, ou non égal. § 5[406]. Ainsi encore : Il y a du bois non blanc, et : Il n’y a pas de bois blanc, sont deux assertions qui ne peuvent exister à la fois ; car, s’il y a du bois non blanc, il y a donc du bois ; mais, quand il n’y a pas de bois blanc, il n’est pas du tout nécessaire qu’il y ait du bois. § 6[407]. Donc, évidemment, de cette proposition : Il est bon, la négation n’est pas : Il est non bon. Et comme, de toute nécessité, il faut que, sur un objet quelconque, l’affirmation ou la négation soit vraie, si ce n’est pas la négation qui est vraie, il est clair que l’affirmation le sera en quelque manière. De plus, il y a négation à toute affirmation ; et ici, par exemple, la négation est : Il n’est pas non bon.

§ 7[408]. Voici l’ordre de ces oppositions entre elles. Soit : Être bon, représenté par A ; n’être pas bon par B ; être non bon par C, subordonné à B ; et n’être pas non bon par D, subordonné à A. A ou B sera à tout, et ils ne seront tous deux à aucun même terme ; C ou D sera également à tout, et les deux ensemble ne seront à aucun même terme ; et tout ce qui a C doit avoir aussi B ; car, s’il est vrai de dire que l’objet est non blanc, il est vrai aussi de dire qu’il n’est pas blanc. Il est impossible, en effet, qu’il soit à la fois blanc et non blanc ; ou bien que le bois soit à la fois non blanc et blanc. Si donc il n’y a pas affirmation, il y a négation. Mais C ne suit pas toujours B ; car ce qui n’est pas du tout du bois n’est pas non plus du bois non blanc. Mais, au contraire, tout ce qui a A doit avoir aussi D ; car il a, ou C, ou D ; mais, comme l’objet ne peut être à la fois blanc et non blanc, il aura D ; en effet, de ce qui est blanc, il est vrai de dire qu’il n’est pas non blanc. Cependant A ne peut se dire de tout D ; car, de ce qui n’est pas du tout bois, il n’est pas vrai de dire A, c’est-à-dire qu’il est du bois blanc. Ainsi, D est vrai ; mais A ne l’est pas, à savoir que c’est du bois blanc. Il est clair aussi que A C ne peuvent être ensemble à aucun même terme, quoique B et D puissent être parfois tous deux à un terme identique. § 8[409]. Il en serait de même pour la série des privations relativement aux attributions opposées. Soit égal, représenté par A ; non égal par B ; inégal par C ; non inégal par D. § 9[410]. En outre, dans beaucoup de cas où une même chose est à un terme et n’est pas à l’autre, la négation peut être également vraie : ou que tout n’est pas blanc ou que chaque chose n’est pas blanche, tandis que l’affirmation est fausse : ou que chaque chose est non blanche, ou que toutes choses sont non blanches. De même pour cette affirmation : Tout animal est blanc, la négation n’est pas : Tout animal est non blanc ; car ces deux assertions sont fausses ; mais bien : Tout animal n’est pas blanc.

§ 10[411]. Maintenant qu’il est bien évident que ces deux propositions : Il est non blanc et : Il n’est pas blanc, ont une signification différente, et que l’une est une affirmation et l’autre une négation, il est clair aussi que la manière de prouver l’une, et la manière de prouver l’autre, peuvent différer. Par exemple, on ne prouvera pas de chacune ces deux propositions : Tout ce qui est animal n’est pas blanc, ou bien, peut n’être pas blanc : L’on peut en dire avec vérité, non blanc ; c’est-à-dire qu’il est non blanc. Tandis que pour ces assertions : Il est vrai de dire qu’il est blanc, ou bien : Qu’il est non blanc, le mode de démonstration est le même ; car ces deux propositions sont démontrées affirmativement par la première figure. Cette addition : Il est vrai, est placée ici tout comme le verbe : Est ; car la négation de cette proposition : Il est vrai de dire blanc, n’est pas : il est vrai de dire non blanc, mais bien : Il n’est pas vrai de dire blanc. Si l’on veut démontrer qu’il est vrai de dire que tout ce qui est homme est, ou musicien, ou non-musicien, il faut supposer que tout ce qui est animal est musicien ou non-musicien ; et la démonstration sera complète. Mais, si l’on veut prouver que tout ce qui est homme n’est pas musicien, on le démontrera par la négative des trois manières qu’on a dites.

§ 11[412]. En général, lorsque A et B sont de telle sorte entre eux qu’ils ne peuvent être à la fois au même objet, mais que l’un des deux doit être nécessairement à tout ; et, de plus, quand C et D sont dans le même rapport ; si A est conséquent de C sans lui être réciproque, D aussi sera conséquent de B sans lui être réciproque non plus ; et alors A et D pourront être au même objet ; mais B et C ne le pourront pas. D’abord, que D soit conséquent de B, en voici la preuve : l’un des deux termes, C, D, étant nécessairement à tout, et C ne pouvant être à ce à quoi est B, attendu qu’il amène avec lui A, et que A et B ne peuvent être au même objet, il est évident que D sera conséquent. En outre, puisque C n’est pas réciproque à A, et que C ou D est à tout, il est possible alors que A et D soient au même objet ; mais B et C ne peuvent être au même objet, parce que A est conséquent de C ; et qu’ainsi il y a là quelque chose d’impossible. Il est donc évident que B n’est pas réciproque à D, puisque A D peuvent être en même temps à l’objet. § 12[413]. Il arrive aussi quelquefois qu’on se trompe dans cette disposition des termes, parce qu’on n’a pas bien pris les termes opposés, dont l’un doit être nécessairement à tout objet. Par exemple, soient A et B ne pouvant être ensemble au même objet, mais l’un étant nécessairement à ce à quoi l’autre n’est pas ; de plus, C et D étant dans le même rapport ; et A étant conséquent de tout C ; si l’on en conclut que B est nécessairement à ce à quoi est D, c’est une erreur. Soit, en effet, la négation de A D, représentée par F ; et de C D, par H. Il y a nécessité que A ou F soit à tout objet ; car il faut qu’il y ait ou affirmation, ou négation. Et de même pour C ou H, car ce sont à l’affirmation et la négation ; or, l’on a supposé que A est à tout ce à quoi est C ; et H sera aussi à tout ce à quoi est F. De plus, puisque l’un des termes F, B, est à tout objet, et que l’un des termes H, D, y est de même, H étant conséquent de F, B le sera aussi de D ; et c’est ce que nous savons déjà. Si donc A est conséquent de C, B le sera de D, ce qui est faux ; car la consécution était à l’inverse pour les termes qui sont dans ce rapport. § 13[414]. C’est qu’il n’est peut-être pas nécessaire que A ou F soit à tout objet, non plus que F ou B, attendu que F n’est pas la négation de A ; car la négation de : Il est bon, est : il n’est pas bon. Mais cette proposition : Il n’est pas bon, n’est pas de même valeur que celle-ci : Il n’est ni bon ni non bon. La démonstration serait pareille pour C D ; car les négations prises plus haut seraient alors deux, pour une seule affirmation.


LIVRE SECOND



SECTION PREMIERE.

PROPRIÉTÉS DU SYLLOGISME.


CHAPITRE PREMIER.

Un même Syllogisme peut avoir plusieurs conclusions différentes : d’abord par la conversion de la conclusion, puis par l’exposition des termes contenus sous le moyen et le mineur. — Conclusions universelles de la première et de la seconde figures. — Conclusions particulières des trois figures.


§ 1[415]. Nous venons d’expliquer les figures du syllogisme, la nature et le nombre de propositions qui le composent, les cas et les formes dans lesquels il se produit. De plus, nous avons dit les points auxquels il faut s’attacher, soit qu’on établisse, soit qu’on réfute une proposition, et indiqué les méthodes à employer dans l’examen du sujet, quel qu’il soit. Enfin, nous avons montré par quelle voie on peut arriver aux principes pour chaque question. § 2[416]. Puis donc que, parmi les syllogismes, les uns sont universels et les autres particuliers, tous les universels peuvent avoir plusieurs conclusions ; et, parmi les particuliers, les affirmatifs en ont plusieurs ; les négatifs n’en ont jamais qu’une seule. C’est que les propositions, autres que ces dernières, peuvent se convertir, mais la privative particulière ne se convertit pas ; et la conclusion est une proposition qui exprime une chose d’une autre chose. Aussi tous les autres syllogismes peuvent avoir plusieurs conclusions. Par exemple : si l’on a démontré que A est à tout B, ou à quelque B, il est nécessaire aussi que B soit à quelque A. Et si A n’est à aucun B, B n’est à aucun A ; et cette conclusion est autre que la précédente. Mais si A n’est pas à quelque B, il n’est pas du tout nécessaire que B ne soit pas à quelque A ; car il est possible qu’il soit à tout A. C’est donc une cause commune qui fait que tous les syllogismes peuvent avoir plusieurs conclusions, soit les universels, soit les particuliers. § 3[417]. On peut encore démontrer ceci autrement pour les syllogismes universels ; car il y aura un même syllogisme pour tous les termes qui sont sous le moyen ou sous la conclusion, si l’on place ceux-ci dans le moyen ou ceux-là dans la conclusion. § 4[418]. Par exemple, si A B est conclu par C, il y a nécessité que A soit attribué à tous les termes subordonnés à B ou à C ; car, si D est dans la totalité de B, et B dans celle de A, D sera aussi dans celle de A ; en outre, si £ est dans la totalité de C, et C dans A, Ε sera aussi dans la totalité de A. § 5[419]. De même y si le syllogisme était privatif. § 6[420]. Dans la seconde figure, on ne pourra conclure que ce qui est subordonné à la conclusion. Par exemple, si A n’est à aucun B, mais s’il est à tout C, la conclusion sera que B n’est à aucun C. Si, donc, D est subordonné à C, il est évident que B ne lui est pas attribué. Mais il n’est pas évident, par syllogisme, qu’il n’est pas aux termes subordonnés à A ; cependant il ne sera pas à Ε, s’il est subordonné à A. Mais on a démontré, par syllogisme, que B ne pouvait être à aucun C ; et l’on a admis, sans démonstration, qu’il n’était pas à A ; donc, il ne résulte pas de ce syllogisme que B ne soit pas à E. § 7[421]. Dans les syllogismes particuliers, il n’y aura pas nécessité de conclure ce qui est sous la conclusion ; car il n’y a pas de syllogisme, puisque cette proposition est elle-même particulière. Mais il y aura nécessité de conclure tout ce qui est sous le moyen ; seulement ce ne sera pas par ce syllogisme. § 8[422]. Par exemple, si A est à tout B, et B à quelque C ; car il n’y aura pas de conclusion de ce qui est sous C ; mais il y en aura de ce qui est sous B, sans que ce soit par le syllogisme précédent. § 9[423]. De même encore pour les autres figures ; il n’y aura pas conclusion nécessaire pour ce qui est sous la conclusion ; mais il y en aura pour ce qui est sous le moyen, sans que ce soit par ce syllogisme, de même qu’on a prouvé, dans les syllogismes universels, ce qui était sous le moyen par la proposition qui n’avait pas été démontrée. Ainsi, il n’y aura pas de conclusion nécessaire pour les syllogismes universels ; ou bien il y en aura aussi pour les particuliers.


CHAPITRE II.

La conclusion n’est jamais fausse avec des prémisses vraies ; elle peut être vraie avec des prémisses fausses. — Première figure. — Syllogismes universels avec deux prémisses fausses en tout ou en partie : avec une prémisse fausse entièrement et l’autre vraie : avec une prémisse fausse en partie et l’autre vraie. — Syllogismes particuliers avec une prémisse fausse entièrement et l’autre vraie : avec une prémisse fausse en partie et l’autre vraie : avec deux prémisses fausses.


§ 1[424]. Il se peut que les propositions dont se forme le syllogisme soient toutes deux vraies, comme il se peut qu’elles soient toutes deux fausses, ou bien que l’une soit fausse et l’autre vraie. La conclusion, nécessairement, est ou vraie ou fausse. § 2[425]. Il n’est pas possible de tirer une conclusion fausse de propositions vraies ; mais on peut tirer une conclusion vraie de propositions fausses, si ce n’est relativement à la cause, au moins relativement au fait lui-même. Il n’y a pas, en effet, de syllogisme de la cause qui soit tiré de propositions fausses ; on dira plus loin par quel motif.

§ 3[426]. D’abord, voici la preuve que, de propositions vraies, on ne peut pas tirer une conclusion fausse. En effet, si A étant, il y a nécessité que B soit, B n’étant pas, il y a nécessité, non moins évidente, que A ne soit pas. Si donc, A est vrai, B le sera nécessairement aussi, ou bien il en résulterait cette contradiction absurde : qu’une même chose, dans un même temps, serait et ne serait pas. Mais, de ce que A est ici un terme unique, l’on ne doit pas du tout supposer qu’une seule chose étant, une autre chose en résulte nécessairement ; car ceci n’est pas possible. Le résultat nécessaire qu’on obtient est une conclusion ; et, le moins qu’il faille, pour en former une, c’est trois termes composant deux intervalles ou propositions. Si donc, il est vrai que A soit à tout ce à quoi est B, et B, à ce à quoi est C, il est nécessaire que A soit à tout ce à quoi est C ; et ceci ne peut être faux ; car alors la même chose, à la fois, serait et ne serait pas. Ainsi donc, A, pris comme terme unique, renferme deux propositions réunies. Il en serait de même pour les propositions privatives, c’est-à-dire que, pour elles non plus, on ne peut, en partant de propositions vraies, arriver à une conclusion fausse.

§ 4[427]. Mais on peut tirer le vrai de propositions fausses, les propositions étant toutes deux fausses, ou l’une des deux seulement. Du reste, celle-ci ne peut pas être prise au hasard ; et ce doit être la seconde, si on la suppose fausse tout entière. Ce peut être indifféremment l’une ou l’autre, si on ne la suppose pas fausse dans toute son étendue. § 5[428]. Soit, en effet, A à C tout entier, mais à aucun B, et que B ne soit pas non plus à C. Et en appliquant à des exemples, on a : Animal n’est à aucune pierre, ni pierre à aucun homme. Si, donc, l’on suppose A à tout B, et B à tout C, A sera aussi à tout C ; et de deux propositions fausses on tirera une conclusion vraie ; car tout homme est animal. § 6[429]. De même pour la conclusion privative. Supposons que ni A ni B ne puissent être à aucun C ; que, cependant, A soit à tout B, et, par exemple, que, gardant les mêmes termes, on prenne homme pour terme moyen. Animal, non plus que homme, ne convient à aucune pierre : mais animal convient à tout homme. Si, donc, l’on suppose que animal ne convient à rien de ce à quoi il convient ; et, au contraire, qu’il convient à tout ce à quoi il ne convient pas, la conclusion sera vraie ; et elle sera tirée encore de deux propositions fausses. § 7[430]. On démontrera ceci de la même façon, si les deux propositions sont supposées fausses en partie seulement. § 8[431]. En ne supposant fausse que l’une des deux, si c’est la première qui, tout entière, soit fausse, par exemple A B, la conclusion ne sera pas vraie ; mais elle le sera, si c’est la proposition B C qu’on suppose fausse tout entière. J’entends par proposition tout entière fausse, celle qui est contraire à la proposition vraie : par exemple, c’est quand une chose qui ne convient à aucun est supposée convenir à tout, ou quand ce qui convient à tout est supposé ne convenir à aucun. § 9[432]. Soit, en effet, A ne convenant à aucun B, et B convenant à tout C. Si nous supposons vraie la proposition B C, et A B fausse tout entière, c’est-à-dire que A est à tout B, il est impossible que la conclusion soit vraie ; car on avait supposé que A n’est à aucun C, puisque A n’était à rien de ce à quoi est B, et que B était à tout C. § 10[433]. De même, si A est à tout B, et B à tout C, et que la proposition B C soit supposée vraie, A B supposée fausse tout entière, et que A ne soit à rien de ce à quoi est B, cette conclusion sera fausse ; car A sera à tout C, puisqu’on a supposé que A est à tout ce à quoi est B, et B à tout C. § 11[434]. Il est donc clair que, quand la première proposition tout entière est supposée fausse, soit affirmative, soit privative, et que l’autre est vraie, la conclusion ne peut être vraie. § 12[435]. Elle sera vraie, si la proposition n’est pas fausse tout entière. En effet, si A est à tout C et à quelque B, et B à tout C ; par exemple, animal à tout cygne et à quelque être blanc, et blanc à tout cygne ; si l’on suppose que A soit à tout B, et B à tout C, A sera aussi véritablement à tout C ; car tout cygne est animal. § 13[436]. De même encore, si A B est privative ; car il se peut que A soit à quelque B, et qu’il ne soit à aucun C, tandis que B est à tout C ; par exemple, animal est à quelque être blanc et n’est à aucune neige ; mais blanc est à toute neige. Si donc l’on suppose que A n’est à aucun B, et que B est à tout C, A ne sera à aucun C. § 14[437]. Si la proposition A B tout entière est vraie, et B C tout entière fausse, le syllogisme sera vrai ; car rien n’empêche que A soit à la fois à tout B et à tout C : et, cependant, que B ne soit à aucun C ; par exemple, toutes les espèces qui sont du même genre, mais qui ne sont pas subordonnées ; car animal est à homme et à cheval, et cheval n’est à aucun homme. Si, donc, l’on suppose que A est à tout B, et B à tout C, la conclusion sera vraie, bien que la proposition B C soit tout entière fausse. § 15[438]. De même aussi, la proposition A B étant privative ; car il peut se faire que A ne soit à aucun B ni à aucun C, et que B ne soit à aucun C ; par exemple, le genre est tout autre pour les espèces d’un genre différent ; car l’animal n’est ni à la musique ni à la médecine. Supposant donc que A n’est à aucun B, et que B est à tout C, la conclusion sera vraie. § 16[439]. Si la proposition B C n’est pas tout entière fausse, et qu’elle le soit seulement en quelque point, la conclusion sera encore vraie de cette façon. En effet, rien n’empêche que A soit à B et à C tout entiers, et que B, pourtant, soit encore à quelque C ; par exemple, le genre est à l’espèce et à la différence ; car animal convient à tout homme et à tout être muni de pieds, tandis que homme convient à quelques êtres munis de pieds, mais non à tous. Si donc on suppose que A convient à tout B, et B à tout C, A conviendra aussi à tout C ; ce qui était vrai. § 17[440]. De même, la proposition A B étant privative ; car il se peut que A ne soit ni à aucun B, ni à aucun C, et que B, cependant, soit à quelque C : comme, par exemple, le genre n’est pas à l’espèce et à la différence qui sont d’un genre différent. Ainsi, animal ne convient à aucune sagesse, ni à aucune sagesse théorique, mais sagesse convient à quelque sagesse théorique. Si donc l’on a supposé que A ne convient à aucun B, et que B convient à tout C, A ne sera à aucun C : mais cela était vrai.

§ 18[441]. Pour les syllogismes particuliers, quand la première proposition est tout entière fausse, et que l’autre est vraie, il se peut que la conclusion soit vraie. Et elle l’est encore, et avec la proposition A B, fausse en partie, et avec la proposition B C, tout entière vraie, et avec la particulière fausse, et enfin avec les deux propositions fausses. § 19[442]. Car rien n’empêche que A ne soit à aucun B et soit à quelque C, et que B soit à quelque C ; par exemple, animal n’est à aucune neige, mais il est à quelque être blanc, et la neige est à quelque être blanc. Si donc l’on prend la neige pour moyen, que le premier terme soit : animal, et qu’on suppose que A est à B tout entier, et B à quelque C, la proposition A B sera tout entière fausse, et B C sera vraie, ainsi que la conclusion. § 20[443]. De même, si la proposition A B est privative ; car il se peut faire que A soit à B tout entier et ne soit pas à quelque C ; et, cependant, que B soit à quelque C ; par exemple, animal est à tout homme, et il n’est pas le conséquent de quelque être blanc ; mais homme convient à quelque être blanc. Si donc, en prenant homme pour moyen, l’on suppose que A n’est à aucun B, et que B est à quelque C, la conclusion sera vraie, bien que la proposition A B soit tout entière fausse. § 21[444]. Si A B n’est fausse qu’en partie, la conclusion sera vraie, si B C est vraie aussi ; car rien n’empêche que A soit à quelque B et à quelque C, et que B soit à quelque C : que animal, par exemple, soit à quelque être beau et à quelque être grand, et que beau soit à quelque être grand. Si, donc, l’on suppose que A est à tout B et B à quelque C, la proposition A B sera fausse en partie, et la proposition B C, vraie, ainsi que la conclusion. § 22[445]. De même, si la proposition A B est privative ; car les termes seront les mêmes et disposés de la même manière pour la démonstration. § 23[446]. En outre, si A B est vraie et B C fausse, la conclusion sera vraie ; car rien n’empêche que A ne soit à B tout entier et à quelque C, et que B ne soit à aucun C. Animal, par exemple, est à tout cygne et à quelque être noir ; mais cygne n’est à aucun être noir. Si donc l’on suppose que A est à tout B et B à quelque C, la conclusion sera vraie, quoique B C soit faux. § 24[447]. De même, si l’on fait la proposition A B privative ; ainsi il se peut que A ne soit à aucun B et qu’il ne soit pas à quelque C, et cependant que B ne soit à aucun C ; par exemple, le genre à l’espèce qui est d’un autre genre et à l’accident de ses propres espèces. Ainsi, animal n’est à aucun nombre, mais il est à quelque être blanc ; et nombre n’est à aucun être blanc. Si donc l’on prend : nombre pour moyen, et que A soit supposé n’être à aucun B, mais que B soit supposé à quelque C, A ne sera pas à quelque C ; ce qui était vrai. Ainsi la proposition A B est vraie, et la proposition B C est fausse. § 25[448]. Si A B est fausse en partie et que B C soit fausse aussi, la conclusion sera vraie ; car rien n’empêche que A soit à quelque B et à quelque C aussi, et que B ne soit à aucun C ; par exemple, si B est le contraire de C y et que tous deux soient des accidents d’un même genre ; car animal est à quelque être blanc et à quelque être noir, mais blanc n’est à aucun être noir. Si donc l’on a supposé que A est à tout B et B à quelque C, la conclusion sera vraie. § 26[449]. De même, en faisant la proposition A B privative. Les termes resteront les mêmes et seront placés pareillement pour la démonstration. § 27[450]. Les propositions étant toutes deux fausses, la conclusion pourra encore être vraie ; car il se peut que A ne soit à aucun B et qu’il soit à quelque C ; et, cependant, que B ne soit à aucun C ; par exemple, le genre à l’espèce qui est d’un autre genre, et à l’accident de ses propres espèces. Animal, en effet, n’est à aucun nombre, mais il est à quelque être blanc, et le nombre n’est à aucun être blanc. Si, donc, l’on suppose que A est à tout B et B à quelque C, la conclusion sera vraie, bien que les propositions soient toutes deux fausses. § 28[451]. De même, A B étant privative ; car rien n’empêche que A soit à B tout entier, et qu’il ne soit pas à quelque C, ni que B ne soit à aucun C ; par exemple, animal convient à tout cygne et ne convient pas à quelque être noir, et cygne ne convient à aucun être noir. Si donc l’on a supposé que A n’est à aucun B, et que B est à quelque C, A ne sera pas à quelque C. La conclusion est donc vraie ; mais les propositions sont fausses.


CHAPITRE III.

La conclusion peut être vraie avec des prémisses fausses. — Seconde figure. — Syllogismes universels avec deux prémisses fausses entièrement : avec une prémisse entièrement fausse et l’autre vraie : avec deux prémisses fausses en partie. — Syllogismes particuliers avec une prémisse fausse et l’autre vraie ; avec deux prémisses fausses


§ 1[452]. Dans la figure moyenne, on peut toujours faire des syllogismes vrais par des propositions fausses, soit les deux étant tout entières fausses ; soit l’une ou l’autre l’étant en partie ; soit l’une tout entière étant vraie, l’autre tout entière étant fausse, quelle que soit d’ailleurs la proposition fausse ; soit toutes les deux étant fausses en partie ; soit l’une étant complètement vraie et l’autre fausse en partie ; soit enfin, l’une étant tout à fait fausse, et l’autre vraie en partie : tout ceci, d’ailleurs, étant applicable aux syllogismes universels, aussi bien qu’aux syllogismes particuliers. § 2[453]. En effet, A n’étant à aucun B, mais étant à tout C ; par exemple, animal à aucune pierre, mais à tout cheval ; si l’on établit les propositions sous forme contraire, et qu’on suppose A à tout B et à aucun C, la conclusion sera vraie, bien que tirée de deux propositions tout entières fausses. § 3[454]. De même encore, si A est à tout B, et qu’il ne soit à aucun ; car le syllogisme sera le même. § 4[455]. De même aussi, l’une étant entièrement fausse, l’autre entièrement vraie ; car rien n’empêche que A soit à tout B et à tout C, et que B ne soit cependant à aucun C ; par exemple, le genre qui est aux espèces non subordonnées. Ainsi, animal est à tout cheval et à tout homme, et aucun homme n’est cheval. Si donc l’on a supposé que animal est à l’un tout entier, et qu’il n’est aucunement à l’autre, l’une des propositions sera tout entière fausse, l’autre tout entière vraie ; la négation étant indifféremment dans l’une ou l’autre des propositions. § 5[456]. De même, si l’une est fausse en partie, et l’autre tout entière vraie ; car A peut être à quelque B et à tout C, et B cependant n’être à aucun ; par exemple, animal est à quelque être blanc, et à tout corbeau, et blanc n’est à aucun corbeau. Si donc l’on a suppose que A n’est à aucun B, mais qu’il est à tout entier, la proposition A B sera fausse en partie, et A C est tout entière vraie ; et la conclusion sera vraie aussi. § 6[457]. De même, en déplaçant la négation ; et la démonstration se fera par les mêmes termes. § 7[458]. Même résultat encore, si la proposition affirmative est fausse en partie, et la privative tout entière vraie ; car rien n’empêche que A soit à quelque B, et qu’il ne soit pas à tout, et que B ne soit à aucun ; comme, par exemple, animal est à quelque être blanc ; mais il n’est à aucune poix, et blanc n’est à aucune poix. Si donc l’on a supposé que A est à B tout entier, et n’est à aucun, A B sera fausse en partie, et A C sera tout entière vraie ; et la conclusion, également. § 8[459]. Si les deux propositions sont fausses en partie, la conclusion sera encore vraie ; car A peut être à quelque B et à quelque C, et B n’être à aucun ; comme animal est à quelque être blanc et à quelque être noir ; mais blanc n’est à aucun être noir. Si donc on a suppose que A est à tout B et qu’il n’est à aucun, les deux propositions seront fausses partiellement, et la conclusion sera vraie. § 9[460]. Même résultat, en déplaçant la privative, et avec les mêmes termes.

§ 10[461]. Il est tout aussi évident que ces règles sont applicables aux syllogismes particuliers ; car rien n’empêche que A soit à tout B et à quelque, et que B ne soit pas à quelque C ; comme, par exemple, animal est à tout homme et à quelque être blanc ; mais homme ne sera pas à quelque être blanc. Si donc l’on a supposé que A n’est à aucun B, et qu’il est à quelque, la proposition universelle sera tout entière fausse ; et la particulière sera vraie, ainsi que la conclusion. § 11[462]. Même résultat, si l’on prend la proposition A B affirmative ; car il se peut faire que A ne soit à aucun B et ne soit pas à quelque ; et que B ne soit pas à quelque. Ainsi, animal n’est à aucun être inanimé, et il n’est pas à quelque être blanc ; mais inanimé n’est pas à quelque être blanc. Si donc l’on a supposé que A est à tout B, et qu’il n’est pas à quelque C, la proposition universelle A B sera tout entière fausse ; la proposition A C sera vraie, ainsi que la conclusion. § 12[463]. De même encore, si la proposition universelle est supposée vraie, et la particulière, fausse. En effet, rien n’empêche que A ne soit conséquent ni d’aucun B, ni d’aucun C, et que B ne soit pas à quelque C ; par exemple, animal n’est conséquent d’aucun nombre ni d’aucun être inanimé ; et nombre n’est pas conséquent de quelque être inanimé. Si donc l’on a supposé que A n’est à aucun B, et qu’il est à quelque C, la conclusion sera vraie, ainsi que la proposition universelle ; mais la particulière sera fausse. § 13[464]. De même, en supposant l’universelle affirmative ; car il peut se faire que A soit à B et à C tout entiers, et que cependant B ne soit pas conséquent de quelque C ; par exemple, le genre relativement à l’espèce et à la différence. En effet, animal est conséquent de tout homme et de tout être muni de pieds ; mais homme n’est pas le conséquent de tout être muni de pieds. Si donc l’on a supposé que A est à B tout entier, et qu’il n’est pas à quelque C, l’universelle sera vraie, la particulière, fausse, et la conclusion, vraie. § 14[465]. Il est évident que, même de deux propositions fausses, on pourra tirer une conclusion vraie ; par exemple, si A peut être à B tout entier, et qu’il ne soit à aucun, et cependant que B ne soit pas le conséquent de quelque ; car, si l’on a supposé que A n’est à aucun B, et qu’il est à quelque, les deux propositions seront fausses, et la conclusion sera vraie. § 15[466]. De même aussi, la proposition universelle étant affirmative, et la particulière, privative ; car il se peut que A ne soit à aucun B, et qu’il soit le conséquent de tout, et que B ne soit pas à quelque ; par exemple, animal n’est à aucune science ; mais il est conséquent de tout homme, bien que science ne soit pas le conséquent de tout homme. Si donc l’on a supposé que A est à B tout entier, et qu’il n’est pas conséquent de quelque, les propositions seront fausses ; et cependant la conclusion sera vraie.


CHAPITRE IV.

La conclusion peut être vraie avec des prémisses fausses. — Troisième figure. — Syllogismes à prémisses universelles toutes deux entièrement fausses, toutes deux fausset en partie. — Syllogismes avec une prémisse particulière. Remarques applicables aux trois figures : la fausseté de la conclusion implique celle des prémisses ou de l’une des prémisses ; la fausseté des prémisses n’implique ni la fausseté ni la vérité de la conclusion.


§ 1[467]. Dans la dernière figure, on conclura également le vrai de propositions fausses, les deux étant fausses tout entières, ou l’une et l’autre l’étant en partie, ou l’une tout entière, vraie, et l’autre, fausse, ou l’une fausse en partie, et l’autre, vraie tout entière, ou à l’inverse ; et enfin, de quelque autre façon qu’il soit possible de modifier les propositions. § 2[468]. En effet, rien n’empêche que, ni A ni B, ne soient à aucun C, et que, cependant, A soit à quelque B ; par exemple, ni homme, ni muni de pieds, n’est le conséquent d’aucun être inanimé ; mais homme, cependant, est à quelque être muni de pieds. Si donc l’on a supposé que A et B soient à tout C, les propositions seront fausses tout entières ; mais la conclusion sera vraie. § 3[469]. De même, l’une étant privative et l’autre, affirmative ; car il peut se faire que B ne soit à aucun C et A à tout C, et que A ne soit pas à quelque B ; ainsi, noir n’est à aucun cygne ; mais animal est à tout cygne, et animal n’est pas à tout être noir ; de sorte que, si l’on a supposé que B est à tout C, et que A n’est à aucun C, A ne sera pas à quelque B ; et la conclusion sera vraie, bien que les deux propositions soient fausses. § 4[470]. Si toutes les deux sont fausses en partie, la conclusion sera encore vraie ; car rien n’empêche que A et B soient à quelque C, et que A soit à quelque B ; que, par exemple, blanc et beau soient à quelque animal, et blanc à quelque être beau. Si donc l’on a supposé que A et B soient à tout C, les propositions seront fausses en partie ; mais la conclusion sera vraie. § 5[471]. De même, si l’on suppose A C privative ; car rien n’empêche que A ne soit pas à quelque C, que B soit à quelque C, et que A ne soit pas à tout B ; par exemple, blanc n’est pas à quelque animal, mais beau est à quelque animal ; et blanc n’est pas à tout être beau. Si donc l’on a suppose que A n’est à aucun C, et que B est à tout C, les deux propositions seront fausses en partie ; mais la conclusion sera vraie. § 6[472]. Même résultat, en prenant l’une tout entière vraie, l’autre tout entière fausse ; car il se peut que A et B soient conséquents de tout C, et cependant que A ne soit pas à quelque B ; par exemple, animal et blanc sont conséquents de tout cygne ; et cependant animal n’est pas à tout être blanc. En prenant donc ces termes, si l’on a supposé que B est à C tout entier, et que A n’est pas à C tout entier, la proposition B C tout entière sera vraie ; la proposition A C, tout entière fausse ; et la conclusion, vraie. § 7[473]. De même encore, si B C est faux, et A C, vrai. Les termes, pour la démonstration, seront les mêmes : Noir, cygne, inanimé. § 8[474]. Le résultat ne change pas, même si l’on fait les deux propositions affirmatives ; car rien n’empêche que B soit conséquent de tout C, mais que A ne soit pas à C tout entier, et qu’il soit à quelque B. Par exemple, animal est à tout cygne, noir n’est à aucun cygne, et noir est à quelque animal. Si donc l’on a supposé que A et B soient à tout C, la proposition B C sera vraie tout entière ; mais A C sera tout entière fausse, et la conclusion sera vraie. § 9[475]. De même, si l’on suppose que A C soit vraie ; et la démonstration se fera par les mêmes termes. § 10[476]. Même résultat, si l’une est tout entière vraie, et l’autre, fausse en partie ; car il se peut que B soit à tout C, et A à quelque C, et A à quelque B. Par exemple, bipède est à tout homme, mais beau n’est pas à tout homme, et beau est à quelque bipède. Si donc l’on a supposé que A et B soient à tout C, la proposition B C sera vraie tout entière, et la proposition A C sera fausse en partie ; mais la conclusion sera vraie. § 11[477]. De même, si A C est vraie, et que B C soit fausse en partie, on fera la démonstration avec les mêmes termes, qu’on changera de place. § 12[478]. Même résultat, l’une étant privative et l’autre affirmative ; car, puisque B peut être à C tout entier, et A à quelque C, les termes étant ainsi disposés, A n’est pas à tout B. Si donc l’on a supposé que B est à tout C, et que A n’est à aucun C, la privative sera fausse en partie ; et l’autre sera tout entière vraie, ainsi que la conclusion. § 13[479]. De plus, comme il a été prouvé que, A n’étant à aucun C, et B étant à quelque C, A peut ne pas être à quelque B, il est évident que, même A C étant tout entière vraie, et B C fausse en partie, la conclusion peut encore être vraie ; car, si l’on a supposé que A n’est à aucun C, mais que B est à tout C, A C tout entière est vraie, et B C est fausse en partie.

§ 14[480]. Il n’est pas moins évident que, pour les syllogismes particuliers aussi, l’on conclura le vrai par des propositions fausses. Il faudra prendre les mêmes termes qu’avec les propositions universelles, affirmatifs pour les conclusions affirmatives, privatifs pour les privatives ; car il n’y a ici aucune différence, quand la proposition est universelle négative, à supposer qu’elle est universelle affirmative ; ou, quand elle est affirmative particulière, à supposer qu’elle est universelle, en ce qui concerne l’exposition des termes. Du reste, la méthode est la même pour les syllogismes privatifs.

§ 15[481]. Il est donc clair que, si la conclusion est fausse, il faut que les éléments dont on la tire soient faux, ou tous, ou du moins quelques-uns ; et que, lorsqu’elle est vraie, il n’est pas nécessaire qu’ils soient vrais, ni quelques-uns, ni tous. Mais il se peut qu’aucun élément n’étant vrai dans le syllogisme, la conclusion le soit, sans que toutefois elle le soit nécessairement. § 16[482]. Le motif de ceci, c’est que, lorsque deux choses sont l’une par rapport à l’autre, de telle sorte que, l’une étant, il faut nécessairement que l’autre soit, la seconde n’étant pas, l’autre ne sera pas non plus ; mais, la seconde étant, il n’est pas nécessaire que l’autre soit. § 17[483]. Mais il est impossible qu’une même chose soit nécessairement, selon qu’une même autre chose est ou n’est pas. Par exemple : je veux dire qu’il est impossible que, si A étant blanc, B doit être grand de toute nécessité, A n’étant pas blanc, B soit encore grand nécessairement. En effet, puisque, cette chose A étant blanche, il y a nécessité que cette autre chose B soit grande, et que, B étant grand, C ne soit pas blanc, il faut nécessairement, si A est blanc, que C ne le soit pas. Et, si l’on suppose deux choses dont il faut nécessairement que l’une soit par l’existence de l’autre, la seconde n’étant pas, il y a nécessité que la première ne soit pas. Donc, B n’étant pas grand, il n’est pas possible que A soit blanc ; mais, si, A n’étant pas blanc, il est nécessaire que B soit grand, il résulte, de toute nécessité, que, B n’étant pas grand, ce même B est grand : ce qui est absurde. Car, si B n’est pas grand, A nécessairement ne sera pas blanc. Si donc, A n’étant pas blanc, B est grand, il en résulte, comme avec les trois termes, que, si B n’est pas grand, ce même B est cependant grand.


CHAPITRE V.

Démonstration circulaire. — Première figure. — Définition de la démonstration circulaire ; exemple ; cas où elle a lieu.— Exposition de la démonstration circulaire pour les modes de la première figure, tant les universels que les particuliers.


§ 1[484]. Démontrer circulairement et réciproquement, c’est au moyen de la conclusion et de l’une des propositions, dont l’attribution est renversée, conclure l’autre proposition que l’on avait prise dans le syllogisme antérieur. § 2[485]. Par exemple, si, devant démontrer que A est à tout C, on l’a démontré par B ; et que l’on démontre ensuite que A est à B en supposant que A est à C et C à B, on conclura ainsi que A est à B. Mais, d’abord, on avait supposé, au contraire, que B est à C. Ou bien encore, si, pour démontrer que B est à C, l’on suppose que A est à C, ce qui était la conclusion antérieure, et que B est à A ; mais, d’abord, on supposait, tout au contraire, que A était à B. § 3[486]. Il n’y a pas d’autre manière de faire une démonstration réciproque. Si l’on introduit un autre moyen, la preuve n’est plus circulaire ; car alors on ne garde plus les mêmes propositions. Et si c’est elles qu’on emploie, il n’en faut prendre qu’une seule ; car si l’on prenait les deux, la conclusion serait la même, tandis qu’il faut qu’elle soit autre. § 4[487]. Dans les termes qui ne se convertissent pas, le syllogisme a lieu, l’une des propositions restant indémontrée, parce qu’il n’est pas possible de prouver, avec des termes de ce genre, que le troisième terme est au moyen, ou le moyen au premier. Avec des termes réciproques, on peut au contraire les prouver tous les uns par les autres ; c’est, par exemple, quand A, B, C, se convertissent les uns dans les autres. § 5[488]. Car soit démontré A C par l’intermédiaire de B, et, en outre, A B, par la conclusion et la proposition B C renversée ; et de même, B C, par la conclusion et par la proposition A B renversée ; il faut démontrer la proposition C B et B A ; car ce sont les seules dont nous nous sommes servis sans les avoir démontrées. Si donc l’on suppose que B est à tout C, et que C est à tout A, il y aura syllogisme de B relativement à A. De même, si l’on suppose que C est à tout A, et A à tout B, il est nécessaire que C soit à tout B. Ainsi donc, dans ces deux syllogismes, la proposition C A est prise sans qu’on la démontre, mais toutes les autres sont démontrées ; et si nous démontrons aussi celle-là, toutes seront démontrées les unes par les autres. Si donc l’on suppose que C est à tout B et B à tout A, les deux propositions sont démontrées ; et C est nécessairement à A. § 6[489]. Il est donc clair que c’est seulement avec des termes qui se convertissent que l’on peut faire des démonstrations circulaires et mutuelles ; dans les autres cas, il en est ainsi que nous l’avons dit. § 7[490]. Il arrive aussi dans ces derniers syllogismes que, pour démontrer, on se sert du démontré même ; car C est démontré de B, et B de A, en supposant que C est dit de A ; et C a été démontré de A par ces mêmes propositions. Ainsi nous nous servons de la conclusion pour faire la démonstration.

§ 8[491]. Dans les syllogismes privatifs, voici comment l’on démontre les termes les uns par les autres. Soit B à tout C, et A à aucun B. La conclusion est que A n’est à aucun C. Si donc il faut conclure que A n’est à aucun B, proposition qu’on a déjà prise, A ne sera à aucun C, mais C sera à tout B ; car, de cette façon, la proposition est renversée. § 9[492]. Mais s’il faut conclure que B est à C, il ne faut plus convertir A B de la même manière ; car c’est une même proposition, que B n’est à aucun A, et que A n’est à aucun B. § 10[493]. Mais il faut supposer que B est à tout ce à quoi A n’est pas. Soit A n’être à aucun C, ce qui était la conclusion ; mais que B soit à tout ce à quoi A n’est pas ; il est donc nécessaire que B soit à tout C. § 11[494]. Ainsi, de ces propositions, chacune est devenue conclusion ; et c’est là démontrer circulairement, c’est-à-dire, en prenant la conclusion et l’une des propositions renversée, conclure l’autre proposition.

§ 12[495]. Dans les syllogismes particuliers, il n’est pas possible de démontrer la proposition universelle par les autres, mais on peut démontrer la particulière. § 13[496]. Et l’on voit bien pourquoi cela n’est pas possible pour l’universelle ; c’est que l’universelle se démontre par des termes universels ; mais la conclusion ici n’est pas universelle ; et il faut faire la démonstration au moyen de la conclusion et de l’une des propositions. Il n’y a même pas encore de syllogisme en convertissant la proposition, parce que les deux propositions deviennent alors particulières. § 14[497]. Mais on peut démontrer la particulière. Soit démontré que A est à quelque C par B. Si l’on suppose que B est à tout A, et que l’on garde la conclusion, B sera aussi à quelque C ; c’est la première figure, et A est le moyen. § 15[498]. Si le syllogisme est privatif, on ne peut démontrer la proposition universelle par le motif qu’on a dit précédemment. § 16[499]. On ne peut pas plus démontrer la particulière, si A B est renversé comme dans les syllogismes universels ; mais on le peut par assumption. Ainsi B est à quelqu’une des choses, à quelqu’une desquelles A n’est pas. Si les termes ont une autre disposition, il n’y a plus de syllogisme, parce que la particulière dévient négative.


CHAPITRE VI.

Démonstration circulaire. — Seconde figure. — Dans les Syllogismes universels, la prémisse affirmative ne peut être démontrée circulairement ; mais la négative peut l’être. — Dans les Syllogismes particuliers, la prémisse universelle ne peut être démontrée circulairement, et la particulière soit affirmative, soit négative, peut l’être, quand l’universelle est affirmative.


§ 1[500]. Dans la seconde figure, on ne peut démontrer de cette manière l’affirmatif ; mais on peut démontrer le privatif. § 2[501]. L’affirmatif ne se prouve pas, parce que les deux propositions ne sont pas affirmatives, puisque la conclusion est privative, et que l’affirmative ne s’obtient que par deux affirmatives. § 3[502]. Quant au privatif, il peut être démontré circulairement. Soit A à tout B et à aucun C, la conclusion est que B n’est à aucun C. Si donc l’on a supposé que B est à tout A et n’est à aucun C, il est nécessaire que A ne soit à aucun C ; car c’est la seconde figure ; et B est moyen. § 4[503]. Si A B est privatif et l’autre proposition affirmative, ce sera la première figure ; car C est à tout A, et B à aucun C : de sorte que B n’est à aucun A. De là, A non plus n’est à aucun B, et le moyen est C. Ainsi, la conclusion et une seule proposition ne suffisent pas pour faire le syllogisme ; et il faut, pour le faire, ajouter une autre proposition. § 5[504]. Mais, si le syllogisme n’est pas universel, la proposition universelle n’est pas démontrée, par la même raison que nous avons dite plus haut. § 6[505]. Mais la particulière est démontrée, lorsque la proposition universelle est affirmative. Soit, en effet, A à tout B, et non à tout C, la conclusion est : B n’est pas à quelque C. Si donc l’on suppose que B soit à tout A, et non à tout C, A ne sera pas à quelque C, et le moyen est B. § 7[506]. Si l’universelle est privative, la proposition A C ne sera pas démontrée en renversant A B ; car il arrive que les deux, ou l’une des deux propositions, devient négative ; et alors il n’y a pas de syllogisme possible. Mais on démontrera ici de même que pour les universelles, en supposant que A est à quelqu’une des choses à toutes lesquelles B n’est pas.


CHAPITRE VII.

Démonstration circulaire. — Troisième figure. — Syllogismes à deux prémisses universelles. — Syllogismes à prémisses, l’une universelle et l’autre particulière.


Remarques applicables aux trois figures : la démonstration circulaire peut avoir lieu dans une même figure ou dans des figures différentes.


§ 1[507]. Dans la troisième figure, si les deux propositions sont universelles, il n’est pas possible de faire une démonstration des termes les uns par les autres ; car l’universel n’est démontré que par des propositions universelles ; et la conclusion, dans cette figure, est toujours particulière. Ainsi, il est évident que, dans cette figure, on ne peut conclure la proposition universelle. § 2[508]. Si l’une des propositions est universelle et l’autre particulière, tantôt on pourra démontrer circulairement, tantôt on ne le pourra pas. Quand toutes deux sont affirmatives, et que l’universel est à l’extrême mineur, on le pourra ; s’il est à l’autre extrême, on ne le pourra pas. § 3[509]. Soit A à tout C, et B à quelque C, la conclusion est A B. Si donc l’on suppose que C soit à tout A, en renversant la proposition universelle, et que A est à quelque B, ce qui était la conclusion, il est bien démontré que C est à quelque B ; mais il n’est pas démontré que B soit à quelque C. Il est cependant nécessaire, si C est à quelque B, que B soit aussi à quelque C ; mais ce n’est pas la même chose que telle chose soit à telle autre, et que cette autre soit à la première. Il faut encore ajouter que, si la première est à la seconde partiellement, la seconde aussi est partiellement à la première ; mais, même en admettant ceci, il n’y a pas de syllogisme au moyen de la conclusion et de l’une des propositions. § 4[510]. Mais si B est à tout C, et A à quelque C, on pourra démontrer A C, en supposant que C est à tout B, et A à quelque B ; car si C est à tout B et A à quelque B, il faut nécessairement que A soit à quelque C, et le moyen est B. § 5[511]. Si l’une des propositions est affirmative et l’autre privative, et que l’affirmative soit universelle, l’autre proposition pourra être démontrée. Que B soit à tout C, et que A ne soit pas à quelque C, la conclusion est que A n’est pas à quelque B. Si donc l’on ajoute que C est à tout B, tandis que A, au contraire, n’était pas à tout B, il est nécessaire que A ne soit pas à quelque C, et le moyen est B. § 6[512]. Lorsque la privative est universelle, l’autre proposition n’est pas démontrée, à moins qu’on ne suppose, comme pour les cas précédents, que l’autre terme est à quelques-unes des choses à toutes lesquelles le premier n’est pas. Par exemple : si A n’est à aucun C, et que B soit à quelque C. La conclusion est que A n’est pas à quelque B. Si donc l’on suppose que C est à quelqu’une des choses à toutes lesquelles A n’est pas, il est nécessaire que C soit à quelque B. § 7[513]. Il n’est pas possible de démontrer d’une façon différente l’autre proposition en renversant l’universelle ; car il n’y aura pas du tout de syllogisme.

§ 8[514]. Il est donc évident que, dans la première figure, la démonstration circulaire se fait par la troisième et la première ; car la conclusion étant affirmative, c’est par la première ; privative, par la dernière. En effet, on a supposé que l’un des termes était à tout ce à quoi l’autre n’est aucunement. Dans la figure moyenne, quand le syllogisme est universel, il se démontre par cette figure même, et par la première ; lorsqu’il est particulier, c’est encore par la seconde et par la dernière. Dans la troisième figure, toutes les démonstrations se font par cette même figure. § 9[515]. De plus, on voit que, dans la troisième et la moyenne figures, les syllogismes qui ne se forment pas par ces figures mêmes, ou ne sont pas susceptibles de démonstration circulaire, ou sont incomplets.


CHAPITRE VIII.

Conversion des Syllogismes. — Première figure. — Définition de la conversion. — Syllogismes universels : conversion par contraire, conversion par contradictoire. — Syllogismes particuliers : conversion par contraire, conversion par contradictoire.


§ 1[516]. Convertir un syllogisme consiste, en déplaçant la conclusion, à faire un nouveau syllogisme, dans lequel on conclut que l’extrême majeur n’est pas au moyen, ou que celui-ci n’est pas au dernier. Alors il faut nécessairement qu’avec la conclusion convertie, et l’une des propositions qu’on garde, on détruise l’autre proposition ; car, si elle subsiste, la conclusion subsistera aussi. § 2[517]. Mais il y a une différence à convertir la conclusion en sa contradictoire, ou en sa contraire ; car le syllogisme n’est pas le même, selon qu’on la convertit de l’une ou l’autre façon. Ceci deviendra clair par ce qui va suivre. J’appelle contradictoire : Tout, non tout ; ou bien : Quelque, aucun ; j’appelle contraire : Tout, aucun ; ou bien : Quelque, non quelque. § 3[518]. Soit démontré A de C par B, moyen. Si l’on suppose que A n’est à aucun C, et qu’il est à tout B, B ne sera à aucun C ; et, si l’on suppose que A n’est à aucun C, et que B est à tout C, on conclut que A n’est pas à tout B, ce qui ne veut pas dire qu’il ne sera absolument à aucun ; car l’universel, comme on l’a vu, ne se démontre pas dans la troisième figure. Ainsi, l’on ne peut du tout, par la conversion, détruire universellement la proposition jointe à l’extrême majeur, puisqu’elle est toujours détruite par la troisième figure ; car il faut prendre les deux propositions relativement à l’extrême mineur. § 4[519]. De même, si le syllogisme est privatif. Soit démontré que A n’est à aucun C par B. Si donc l’on suppose que A est à tout C, et qu’il n’est à aucun B, B ne sera à aucun C ; et, si A et B sont à tout C, A sera à quelque B ; mais on a supposé qu’il n’était à aucun.

§ 5[520]. Si la conclusion est convertie en sa contradictoire, les nouveaux syllogismes seront contradictoires, mais non universels ; car l’une des propositions devient particulière ; et, par suite, la conclusion est aussi particulière. § 6[521]. Soit, en effet, un syllogisme affirmatif, et que la conversion se fasse comme on vient de dire. Si donc A n’est pas à tout C, et s’il est à tout B, B n’est pas à tout C ; et, si A n’est pas à tout C, et que B soit à tout C, A n’est pas à tout B. § 7[522]. De même, si le syllogisme est privatif ; car, si A est à quelque C et n’est à aucun B, B ne sera pas à quelque C ; mais non pas absolument à aucun C ; et, si A est à quelque C et B à tout C, comme on le supposait d’abord, A sera à quelque B.

§ 8[523]. Dans les syllogismes particuliers, quand la conclusion est convertie en sa contradictoire, les deux propositions peuvent être détruites. Mais, si elle l’est en sa contraire, aucune ne l’est ; car il ne se peut plus ici, comme pour les syllogismes universels, qu’on les détruise toutes deux par la conversion, parce que la conclusion est restreinte. On ne peut en détruire même une seule. § 9[524]. En effet, soit prouvé que A est à quelque C ; donc, si l’on suppose que A n’est à aucun C, et que B est à quelque C, A ne sera pas à quelque B. Et, si A n’est à aucun C et qu’il soit à tout B, B ne sera à aucun C ; ainsi on détruit les deux propositions. § 10[525]. Mais, si la conversion a lieu par contraire, ni l’une ni l’autre proposition ne sera détruite ; car, si A n’est pas à quelque C, et qu’il soit à tout B, B ne sera pas à quelque C. Mais la donnée première ne sera pas même encore détruite ; car il se peut que B soit à quelque C, et qu’il ne soit pas à quelque autre. Mais, pour A B, proposition universelle, il n’y aura pas de syllogisme du tout ; car, en supposant que A n’est pas à quelque C, et que B est à quelque C, aucune des propositions ne sera universelle. § 11[526]. De même encore, si le syllogisme est privatif ; car, si l’on suppose que A est à tout C, les deux propositions sont détruites ; si on le suppose seulement à quelque C, ni l’une ni l’autre ne le sera ; et ici la démonstration serait la même.


CHAPITRE IX.

Conversion des Syllogismes. — Seconde figure. — Syllogismes universels : conversion par contraire, conversion par contradictoire. — Syllogismes particuliers : conversion par contraire, conversion par contradictoire.


§ 1[527]. Dans la seconde figure, il n’est pas possible de détruire, par contraire, la proposition jointe à l’extrême majeur, de quelque façon que la conclusion soit convertie ; car la conclusion sera toujours dans la troisième, qui ne renferme pas, comme on l’a vu, de syllogismes universels. Mais nous pourrons détruire l’autre proposition de la manière même qu’aura été faite la conversion ; je veux dire que, s’il y a conversion par contraire, ce sera par contraire ; s’il y a conversion contradictoire, ce sera contradictoirement. § 2[528]. Soit A à tout B et à aucun C, la conclusion est B C. Si donc l’on suppose que B est à tout C, et qu’on garde la proposition A B, A sera à tout C ; car c’est la première figure. Mais si B est à tout C, et si A n’est à aucun C, A ne sera pas à tout B ; et c’est la dernière figure. § 3[529]. Si B C est convertie contradictoirement, A B sera démontré comme plus haut ; et A C le sera par contradictoire ; car si B est à quelque C, et si A n’est à aucun C, A ne sera pas à quelque B. De plus, si B est à quelque C, et A à tout B, A sera à quelque C ; donc, le syllogisme se forme par la contradictoire. § 4[530]. On démontrerait de même, si les propositions étaient réciproquement de forme différente. § 5[531]. Si le syllogisme est particulier, la conclusion étant convertie par contraire, aucune des propositions ne sera détruite, non plus qu’elle ne l’était dans la première figure. Mais toutes les deux le sont, si la conversion est contradictoire. § 6[532]. Supposons que A n’est à aucun B, et qu’il soit à quelque C, la conclusion est B C. Si donc l’on suppose que B est à quelque C, et que l’on garde A B, la conclusion sera que A n’est pas à quelque C. Mais la donnée primitive n’est pas détruite, parce qu’on peut avoir également : Être et n’être pas à quelque A. De même si B est à quelque C et A à quelque C, il n’y aura pas de syllogisme ; car aucune des données n’est universelle ; et ainsi la proposition A B ne peut être détruite. § 7[533]. Mais si la conversion est contradictoire, les deux propositions seront détruites. En effet, si B est à tout C, et que A ne soit à aucun B, A ne sera à aucun C ; mais on supposait qu’il était à quelque C. Et encore si B est à tout C, et A à quelque C, A sera à quelque B. § 8[534]. La démonstration est la même, si la proposition universelle est affirmative.


CHAPITRE X.

Conversion des Syllogismes. — Troisième figure. — Syllogismes affirmatifs : conversion par contraire, conversion par contradictoire. — Syllogismes négatifs : conversion par contraire, conversion par contradictoire. Remarques applicables aux trois figures. — Examen des figures où se forment les Syllogismes opposés aux premiers.


§ 1[535]. Dans la troisième figure, quand la conclusion est convertie par contraire, ni l’une ni l’autre des propositions n’est détruite dans aucun des syllogismes : mais, quand elle l’est par contradictoire, toutes les deux sont toujours détruites. § 2[536]. Soit prouvé que A est à quelque B, et que C soit pris pour moyen, les propositions étant universelles. Si donc on suppose que A n’est pas à quelque B, mais que B est à tout C, il n’y a pas de syllogisme de A à C. De même, si A n’est pas à quelque B, mais est à tout C, il n’y aura pas de syllogisme de B à C. § 3[537]. On démontrera de la même façon, lorsque les propositions ne seront pas universelles. En effet, il faut par la conversion, ou que toutes deux deviennent particulières, ou que l’universelle se trouve jointe à l’extrême mineur ; et l’on sait que, de cette façon, il n’y a pas de syllogisme, ni dans la première figure, ni dans la moyenne. § 4[538]. Si les propositions sont converties par contradictoire, elles sont toutes deux détruites. § 5[539]. Car si A n’est à aucun B, et que B soit à tout C, A ne sera à aucun C. Et, de même, si A n’est à aucun B, et qu’il soit à tout C, B ne sera à aucun C. § 6[540]. De même encore, si l’une des propositions n’est pas universelle ; car si A n’est à aucun B, et que B soit à quelque C, A ne sera pas à quelque C. Mais si A n’est à aucun B et qu’il soit à tout C, B ne sera à aucun C. § 7[541]. Même résultat, si le syllogisme est privatif. Soit prouvé que A n’est pas à quelque B, et que B C soit affirmatif et A C négatif ; c’est ainsi, en effet, que se formait ce syllogisme. Lors donc que l’on prend la proposition contraire de la conclusion, il n’y a pas de syllogisme ; car si A est à quelque B et B à tout C, il n’y avait pas de syllogisme de A à C. Et, de même, si A est à quelque B et n’est à aucun C, il n’y en avait pas de B à C ; donc, les propositions ne sont pas détruites. § 8[542]. Mais, lorsqu’on prend la contradictoire, elles le sont ; car si A est à tout B et B à tout C, A sera à tout C ; mais on supposait qu’il n’était à aucun. Et encore si A est à tout B et n’est à aucun C, B ne sera à aucun C ; mais on le supposait à tout C. § 9[543]. On démontre de même, lorsque les propositions ne sont pas universelles ; car la proposition A C devient universelle et privative ; et l’autre proposition, particulière et affirmative. Si donc A est à tout B, et B à quelque C, A, par suite, est à quelque C : mais on supposait qu’il n’était à aucun C. Soit encore A à tout B et à aucun C, B, alors, n’est à aucun C : mais on le supposait à quelque C. § 10[544]. Si A est à quelque B, et B à quelque C, il n’y a pas de syllogisme ; il n’y en a pas non plus, si A est à quelque B et n’est à aucun C. Ainsi, d’une façon, les propositions sont détruites ; et elles ne le sont pas, de l’autre.

§ 11[545]. On voit donc, d’après ce qui vient d’être dit, comment il faut que la conclusion se convertisse pour que le syllogisme ait lieu dans chaque figure. § 12[546]. On voit de plus quand est prouvée la contraire, et quand est prouvée la contradictoire de la proposition. § 13[547]. On peut remarquer aussi que, dans la première figure, les syllogismes se forment par la figure moyenne et la dernière ; et que la proposition, jointe à l’extrême mineur, est toujours détruite par la moyenne, et celle du majeur, toujours par la dernière. Dans la seconde, les propositions sont détruites par la première et la dernière : celle de l’extrême mineur, toujours par la dernière figure ; et celle de l’extrême majeur, toujours par la troisième. Enfin, dans la dernière figure, elles sont détruites par la première et par la moyenne : celle de l’extrême majeur, toujours par la première ; celle du mineur, toujours par la moyenne. § 14[548]. On voit donc clairement ce que c’est que la conversion, les cas où elle donne le syllogisme dans chaque figure, et la nature de ceux qu’elle y produit.


CHAPITRE XI

Réduction à l’absurde. — Première figure. — Définition de la démonstration par réduction à l’absurde. — Toutes les espèces de conclusions sont ainsi démontrées dans toutes les figures, excepté la conclusion universelle affirmative qui ne l’est pas dans la première. — De la conclusion particulière affirmative. — De la conclusion universelle négative. — De la conclusion particulière négative. — Remarques applicables à tous les modes de la première figure.


§ 1[549]. Le syllogisme par réduction à l’absurde a lieu lorsqu’on prend la contradictoire de la conclusion, et que l’on y ajoute une autre proposition. Il se forme dans toutes les figures, et rassemble à la conversion. La seule différence, c’est que l’on convertit, quand le syllogisme est déjà fait et que l’on a admis les deux propositions, tandis qu’on réduit à l’absurde, quand la contradictoire, bien qu’on ne l’ait pas d’abord accordée, est vraie de toute évidence. Du reste, les termes sont les mêmes dans les deux cas, et on les prend de part et d’autre sous la même forme. Par exemple, soit A à tout B, et que C soit moyen, si l’on suppose que A n’est pas à tout B, ou n’est à aucun B, et qu’il est à tout C, proposition prise pour vraie, il faut nécessairement que C ne soit à aucun B, ou ne soit pas à tout B. Mais ceci est impossible : par conséquent la supposition qu’on fait est fausse : donc la contradictoire est vraie. Et de même pour les autres figures ; car tous les cas où l’on peut employer la conversion se prêtent aussi au syllogisme par l’absurde.

§ 2[550]. Toutes les autres conclusions sont donc démontrées par l’absurde dans toutes les figures ; mais l’universelle affirmative, qui est prouvée dans la moyenne et la troisième, ne l’est pas dans la première. § 3[551]. Supposons, en effet, que A ne soit pas à tout B, ou ne soit à aucun B ; et ajoutons une autre proposition quelconque, c’est-à-dire, que C est à tout A, ou B à tout D ; car on obtient ainsi la première figure. Si donc l’on suppose que A n’est pas à tout B, il n’y a pas de syllogisme, de quoique façon que l’on prenne la proposition. § 4[552]. Si A n’est supposé à aucun B, et que l’on ajoute B D, il y aura bien syllogisme du faux ; mais l’objet en question n’est pas démontré ; car, si A n’est à aucun B, et que B soit à tout D, A ne sera à aucun D. Mais supposons que cela soit impossible : donc il est faux que A ne soit à aucun B. Mais, s’il est faux qu’il ne soit à aucun, il ne s’ensuit pas qu’il soit vrai qu’il soit à tout. § 5[553]. Si l’on ajoute la proposition C, il n’y a pas de syllogisme, non plus que quand on supposait que A n’était pas à tout B. § 6[554]. Il est donc clair que L’affirmative universelle n’est pas démontrée par l’absurde dans la première figure.

§ 7[555]. Mais la particulière affirmative, l’universelle négative, et la particulière négative, peuvent l’être.

§ 8[556]. Supposons, en effet, que A ne soit à aucun B, et que B soit supposé à tout C, ou à quelque C. Alors il est nécessaire que A ne soit à aucun C, ou ne soit pas à tout C ; mais cela est impossible. En supposant vrai et de toute évidence que A soit à tout C, si la dernière conclusion est fausse, il est nécessaire que A soit à quelque B. § 9[557]. Si l’autre proposition est jointe à A, il n’y aura pas de syllogisme. § 10[558]. Il n’y en aura pas non plus, lorsque la supposition est la contraire de la conclusion : par exemple, la particulière négative. C’est donc évidemment la contradictoire qu’il faut supposer. § 11[559]. Soit supposé encore que A est à quelque B, et supposé aussi que C est à tout A : il est alors nécessaire que C soit à quelque B. Mais supposons cela impossible : donc la supposition qu’on a faite était fausse ; et, puisqu’il en est ainsi, il est vrai que C n’est à aucun B. § 12[560]. De même, si C A est supposé privatif. § 13[561]. Mais, si la proposition est jointe à B, il n’y aura pas de syllogisme. § 14[562]. Si l’on suppose la contraire, le syllogisme aura bien lieu, et l’on arrivera à l’absurde ; mais alors on ne démontre pas l’objet en question. § 15[563]. En effet, soit supposé que A est à tout B, et que C soit à tout A, il y aura nécessité que C soit à tout B. Mais cela est impossible : de sorte qu’il est faux que A soit à tout B. Mais, de ce qu’il n’est pas à tout, il ne s’ensuit pas nécessairement qu’il n’est à aucun. § 16[564]. De même encore, si l’on joint l’autre proposition à B ; car il y aura syllogisme, et l’on prouve l’impossibilité. Mais l’hypothèse n’est pas détruite ; et c’est, par conséquent, la contradictoire qu’il faut supposer.

§ 17[565]. Pour démontrer que A n’est pas à tout B, il faut supposer qu’il est à tout ; car, si A est à tout B, et C à tout A, C sera à tout B ; donc, si cela est impossible, la supposition qu’on a faite est fausse. § 18[566]. Même résultat, si l’on joint l’autre proposition à B. § 19[567]. Si A C était négatif, il en serait encore de même ; car le syllogisme a lieu également. § 20[568]. Si l’on joint à B le privatif, il n’y aura rien de démontré. § 21[569]. Mais, si l’on suppose, non qu’il est à tout, mais qu’il est à quelque, il est alors démontré, non qu’il n’est pas à tout, mais bien qu’il n’est à aucun. Car, soit A à quelque B, et C à tout A, C sera aussi à quelque B. Si donc cela est impossible, il est faux que A soit à quelque B ; de sorte qu’il est vrai qu’il n’est à aucun. Mais, ceci démontré, la proposition vraie est détruite aussi ; car A était à quelque B, et n’était pas à quelque autre B. De plus, l’absurde ne se produit pas ici par l’hypothèse ; car alors elle serait fausse, puisque, de données vraies, on ne peut conclure le faux. Mais elle est vraie ici, puisque A est à quelque B. Donc il faut supposer, non qu’il est à quelque B, mais qu’il est à tout B. § 22[570]. De même, si nous démontrions que A n’est pas à quelque B ; car, si c’est la même chose de n’être pas à quelque et de n’être pas à tout, la démonstration doit être pareille pour les deux cas.

§ 23[571]. Il est donc évident qu’il faut supposer dans tous les syllogismes, non pas la contraire, mais la contradictoire. De cette façon, l’on aura une conclusion nécessaire ; et l’on obtiendra une proposition probable, parce que, si, pour toute chose, il faut que l’affirmation ou la négation soit vraie, une fois démontré que ce n’est pas la négation qui est vraie, il est nécessaire que ce soit l’affirmation ; et réciproquement, quand l’on ne suppose pas que l’affirmation est vraie, il y a lieu de croire que c’est la négation. Mais on ne peut admettre la proposition contraire d’aucune des deux façons. En effet, s’il est faux qu’il ne soit à aucun, il n’est pas nécessairement vrai pour cela qu’il soit à tout ; ni probable que, si l’un des deux est faux, l’autre soit vrai.

§ 24[572]. Il est clair que, dans la première figure, toutes les autres conclusions sont obtenues par réduction à l’absurde, mais que l’affirmative universelle ne l’est pas.


CHAPITRE XII.

Réduction à l’absurde. — Seconde figure. — De la conclusion universelle affirmative. — De la conclusion particulière affirmative. — De la conclusion universelle négative — De la conclusion particulière négative. — Remarques applicables à toutes les conclusions dans la seconde figure.


§ 1[573]. Dans la figure moyenne et dans la dernière, on peut démontrer même l’universelle affirmative. Supposons, en effet, que A n’est pas à tout B, et qu’il est à tout C. Si donc il n’est pas à tout B et qu’il soit à tout C, C ne sera pas à tout B. Mais cela est impossible, en supposant qu’il est évident que C est à tout B ; donc, la supposition était fausse ; donc, il est vrai qu’il est à tout. § 2[574]. Si l’on suppose la proposition contraire, il y aura bien syllogisme, et l’impossibilité sera démontrée ; mais la chose en question ne l’est pas ; car si A n’est à aucun B, et s’il est à tout C, C ne sera à aucun B. Mais cela est impossible ; donc, il est faux qu’il ne soit à aucun. Mais si cela est faux, il n’est pas vrai pour cela qu’il soit à tout. § 3[575]. Lorsque A est à quelque B, supposons qu’il ne soit à aucun B et qu’il soit à tout C ; alors il y a nécessité que C ne soit à aucun B. Si donc cela est impossible, il faut nécessairement que A soit à quelque B. § 4[576]. Si l’on suppose qu’il n’est pas à quelque B, ce sera le même résultat que dans la première figure. § 5[577]. Supposons encore que A soit à quelque B, et qu’il ne soit à aucun C, alors il y a nécessité que C ne soit pas à quelque B. Mais on le supposait à tout C ; donc la supposition est fausse ; et A ne sera à aucun B. § 6[578]. A n’étant pas à tout B, supposons qu’il soit à tout, et qu’il ne soit à aucun C, il y a nécessité alors que C ne soit à aucun B. Mais cela est impossible ; donc, il est vrai qu’il n’est pas à tout B. § 7[579]. En résumé, l’on voit que tous les syllogismes s’obtiennent dans la figure moyenne.


CHAPITRE XIII.

Réduction à l’absurde. — Troisième figure. — De la conclusion universelle affirmative. — De la conclusion particulière affirmative. — De la conclusion universelle négative. — De la conclusion particulière négative.


Règles générales applicables aux trois figures : Il faut toujours prendre la contradictoire et non la contraire.

§ 1[580]. Et de même aussi par la dernière. Soit, en effet, supposé que A n’est pas à quelque B, et que C est à tout B ; donc, A ne sera pas à quelque C. Mais si cela est impossible, il sera faux qu’il n’est pas à quelque C ; donc il est vrai qu’il est à tout. § 2[581]. Si l’on suppose que A n’est à aucun B, il y aura syllogisme, et l’impossibilité sera prouvée. Mais l’objet en question ne l’est pas ; car si l’on suppose la proposition contraire, ce sera le même résultat que dans les cas qui précèdent. § 3[582]. Il faut prendre cette dernière supposition elle-même, si l’on veut conclure l’affirmative particulière ; car si A n’est à aucun B, et que C soit à quelque B, A n’est pas à tout C. Si donc cela est faux, il est vrai que A est à quelque B. § 4[583]. Lorsque A n’est à aucun B, si l’on suppose qu’il est à quelque B, et qu’on ajoute que C est à tout B, il y a nécessité que A soit à quelque C. Mais il n’était à aucun C ; donc, il est faux que A soit à quelque B. § 5[584]. Si l’on suppose que A est à tout B, la question n’est pas démontrée. § 6[585]. Pour conclure que l’objet n’est pas à tout, il faut prendre cette supposition même qu’il est à tout. Ainsi A étant à tout B, et C à quelque B, A est à quelque C. Mais il n’en était pas ainsi ; donc, il est faux qu’il soit à tout ; et, par suite, il est vrai qu’il n’est pas à tout. § 7[586]. Si l’on suppose qu’il est à quelque, ce sera la même démonstration que dans les cas précédents.

§ 8[587]. Il est donc évident que, dans tous les syllogismes par l’absurde, c’est la contradictoire qu’il faut supposer. § 9[588]. Il est clair aussi que, dans la figure moyenne, l’affirmatif est prouvé d’une certaine manière ; et que l’universel l’est dans la dernière.


CHAPITRE XIV.

Comparaison de la démonstration par l’absurde et de la démonstration ostensifs. — Différences et rapports des deux démonstrations, dans les propositions, les termes, la figure, — Résolution des Syllogismes par l’absurde en Syllogismes ostensifs. — Première figure ; seconde figure ; troisième figure ; — Résolution des Syllogismes ostensifs en Syllogismes par l’absurde. — Remarques générales sur la liaison des deux espèces de démonstrations.


§ 1[589]. La démonstration par l’absurde diffère de l’ostensive en ce qu’elle pose la proposition qu’elle veut détruire, en conduisant à une absurdité reconnue. La démonstration ostensive, au contraire, prend son point de départ dans des propositions accordées pour vraies. Ainsi l’une et l’autre prennent les deux propositions accordées. Mais l’une prend les propositions mêmes qui doivent donner le syllogisme ; l’autre n’en prend qu’une, avec la contradictoire de la conclusion. § 2[590]. Dans l’une, il n’est pas nécessaire que la conclusion soit connue, ni que l’on suppose à l’avance qu’elle est ou qu’elle n’est pas. Dans l’autre, au contraire, il faut nécessairement supposer d’abord qu’elle n’est pas. Peu importe, du reste, que la conclusion soit affirmative ou négative ; car le procédé est le même pour les deux cas.

§ 3[591]. Toute conclusion ostensive peut être aussi démontrée par l’absurde ; et toute conclusion par l’absurde peut être démontrée ostensivement, et par les mêmes termes, mais non dans les mêmes figures. § 4[592]. Lorsque le syllogisme par l’absurde a lieu dans la première figure, la conclusion vraie sera ou dans la moyenne, ou dans la dernière ; privative, dans la moyenne ; affirmative, dans la dernière. Lorsque le syllogisme par l’absurde a lieu dans la figure moyenne, la conclusion vraie est dans la première, pour toutes les espèces de conclusions. Lorsque le syllogisme est dans la dernière, la conclusion vraie est dans la première et la moyenne ; les affirmatives, dans la première ; les privatives, dans la moyenne. § 5[593]. En effet, soit démontré que A n’est à aucun B ou n’est pas à tout B, par la première figure ; l’hypothèse était donc que A était à quelque B. Mais l’on a admis que C était à tout A, et qu’il n’était à aucun B ; car c’est ainsi que se formait le syllogisme et l’absurdité. Mais c’est là la figure moyenne, quand C est à tout A, et n’est à aucun B : et il est clair alors que A n’est à aucun B. § 6[594]. De même, si l’on a démontré qu’il n’était pas à tout ; car alors l’hypothèse est qu’il est à tout ; mais on admettait que C était à tout A, et qu’il n’était pas à tout B. § 7[595]. Et de même, si l’on fait C A privatif ; car, dans ce cas, c’est de nouveau la figure moyenne. § 8[596]. Qu’il ait encore été démontré que A est à quelque B, l’hypothèse est alors qu’il n’est à aucun B. Mais on admettait que B était à tout C, et que A était ou à tout C, ou à quelque C ; car c’est ainsi qu’on aura une impossibilité. Or c’est là la dernière figure, quand A et B sont à tout C ; et il est clair alors qu’il y a nécessité que A soit à quelque B. § 9[597]. De même, si l’on a admis que B ou A soit à quelque C.

§ 10[598]. Soit démontré encore, dans la figure moyenne, que A est à tout B ; l’hypothèse était donc que A n’est pas à tout B. Mais l’on a admis que A est à tout G et G à tout B : car c’est ainsi qu’on obtiendra l’absurdité ; or, c’est la première figure quand A est à tout C et C à tout B. § 11[599]. Même résultat, si l’on a démontré que A est à quelque B ; car l’hypothèse était que A n’était à aucun B, et l’on a admis que A est à tout C et C à quelque B. § 12[600]. Si le syllogisme est privatif, l’hypothèse est que A est à quelque B. Mais l’on a admis, et que A n’est à aucun C, et que C est à tout B ; et alors on a la première figure. § 13[601]. La preuve est la même, si le syllogisme n’est pas universel et que l’on ait prouvé que A n’est pas à quelque B ; car l’hypothèse était que A est, à tout B. Mais l’on a admis que A n’est à aucun C et que C est à quelque B : car, de cette façon, l’on a la première figure.

§ 14[602]. Dans la troisième figure, soit encore démontré que A est à tout B : l’hypothèse était donc que A n’était pas à tout B. Mais l’on a admis que C était à tout B et A à tout C ; car c’est ainsi qu’on aura conclu l’absurde ; or, c’est là la première figure. § 15[603]. De même, si la conclusion est particulière affirmative ; car l’hypothèse sera que A n’est à aucun B ; mais l’on a admis que C est à quelque B, et A à tout C. § 16[604]. Quand le syllogisme est privatif, l’hypothèse est que A est à quelque B. Mais l’on a admis que C n’est à aucun A et qu’il est à tout B : or, c’est là la figure moyenne. § 17[605]. De même, si la conclusion n’est pas universelle ; car l’hypothèse sera que A est à tout B. Mais l’on a admis que C n’est à aucun A et qu’il est à quelque B ; or c’est là encore la figure moyenne.

§ 18[606]. Il est donc clair qu’avec les mêmes termes, on peut à la fois démontrer chaque conclusion, et ostensiblement et par l’absurde. § 19[607]. On pourra, de même encore, quand les syllogismes seront ostensifs, les ramener à l’absurde dans les termes donnés, si l’on prend la contradictoire de la conclusion ; car les syllogismes qui se forment ainsi sont pareils à ceux que donne la conversion ; et alors nous avons aussi sur-le-champ les figures où se forment chacune des conclusions. § 20[608]. Il est donc clair que toute conclusion est démontrable des deux manières, et par l’impossible et ostensivement ; et que l’on ne saurait isoler l’un de l’autre ces deux procédés.


CHAPITRE XV.

La conclusion peut être tirée de prémisses opposées, soit contraires, soit contradictoires. — Oppositions diverses des propositions. Première figure. — Seconde figure. — Troisième figure. — Opposition évidente ou cachée. — Fausseté de la conclusion. — Syllogismes hypothétiques. — Conclusion affirmative ou négative.


§ 1[609]. Maintenant nous allons montrer dans quelle figure on peut faire un syllogisme avec des propositions opposées, et dans quelle figure on ne le peut pas. § 2[610]. J’entends par : propositions opposées dans la forme ; les quatre suivantes : Tout aucun, tout non tout, quelque aucun, et enfin, quelque non quelque. En réalité, il n’y en a vraiment que trois qui soient opposées ; car : Quelque n’est opposé que dans la forme à : Non quelque. De ces oppositions, j’appelle contraires celles qui sont universelles, c’est-à-dire : Tout aucun. Par exemple : Toute science est louable, est contraire à : Aucune science n’est louable. Quant aux autres, je les nomme opposées.

§ 3[611]. Dans la première figure, il n’y a pas de syllogisme par des propositions opposées, ni affirmatif, ni négatif ; affirmatif, parce qu’il faut que les deux propositions soient affirmatives, et que les opposées sont, l’une affirmative, et l’autre négative ; privatif, parce que les opposées affirment ou nient une même chose d’une même chose ; et que le moyen, dans la première figure, n’est pas attribué aux deux termes, mais que l’un des termes lui est attribué, tandis que lui-même est attribué à l’autre terme ; or les propositions sous cette forme ne sont pas opposées.

§ 4[612]. Dans la figure moyenne, on peut faire un syllogisme, et avec des contradictoires et avec des contraires. § 5[613]. Soit, en effet, Bon, représenté par A, la Science par B et par C. Si l’on suppose que toute science est bonne, ou que aucune science n’est bonne, A est à tout B et à aucun C ; donc B n’est à aucun C, c’est-à-dire : Aucune science n’est science. § 6[614]. De même, si après avoir suppose que toute science est louable, on supposait que la médecine ne l’est pas ; car A est à tout B et n’est à aucun C ; donc, Quelque science ne sera pas science. § 7[615]. De même, si A est à tout C et n’est à aucun B, B est science, C médecine, et A conjecture ; car en admettant que aucune science n’est conjecturale, on a admis cependant que quelque science l’était. On voit que ce cas diffère du précédent, à cause de la conversion qui a lieu dans les termes ; car d’abord l’affirmation était jointe à B, maintenant elle l’est à C. § 8[616]. De même, si l’autre proposition n’est pas universelle ; car le moyen est toujours le terme qui est dit négativement de l’un, et affirmativement de l’autre. § 9[617]. Ainsi donc, il se peut qu’avec des propositions opposées on obtienne une conclusion. Mais ce n’est ni toujours, ni d’une manière absolue ; c’est seulement quand les termes, pris pour sujets du moyen, sont identiques, ou qu’ils sont entre eux comme le tout relativement à la partie. Autrement la conclusion est impossible ; car alors les propositions ne sont ni contraires ni contradictoires.

§ 10[618]. Dans la troisième figure, le syllogisme affirmatif ne pourra jamais se former de propositions opposées, par la même raison qui a été dite pour la première figure. Mais le négatif aura lieu, les termes, d’ailleurs, étant universels, ou ne l’étant pas. § 11[619]. Soit, la science représentée par B et C, et la médecine par A. Si l’on suppose que toute médecine est de la science, et que aucune médecine n’est de la science, B a été pris comme étant à tout A et C à aucun A ; donc, il y aura quelque science qui ne sera pas science. § 12[620]. De même, si A B n’est pas une proposition universelle ; car si quelque médecine est une science, et que aucune médecine ne soit une science, il en résulte que quelque science n’est pas science. § 13[621]. Les termes étant universels, les propositions sont contraires ; et contradictoires, si l’un des deux est particulier.

§ 14[622]. Il faut bien savoir que l’on peut prendre les propositions opposées, comme nous le faisons, en disant que toute science est bonne et que aucune science n’est bonne, ou que quelque science n’est pas bonne. C’est là ce qu’on sait fort bien d’ordinaire ; mais on peut encore établir l’autre partie de la contradiction par d’autres moyens de discussion ; ou même l’obtenir, ainsi qu’on l’a dit dans les Topiques. § 15[623]. Puisque les affirmations ont toujours trois contradictions possibles, il s’ensuit qu’on pourra prendre les opposées au nombre de six : Tout et aucun, tout et non tout, quelque et aucun ; et de plus faire la conversion de chacune dans les termes. Par exemple : A à tout B et à aucun C, ou bien à tout C et à aucun B, ou bien à tout l’un et non à tout l’autre ; et l’on peut, encore une fois, faire la conversion dans les termes. Et de même pour la troisième figure. En résumé, on voit le nombre des manières et l’espèce des figures où peut se former le syllogisme, au moyen de propositions opposées.

§ 16[624]. Il n’est pas moins évident qu’on peut tirer une conclusion vraie de propositions fausses, ainsi qu’on l’a déjà dit, mais qu’on ne peut la tirer de propositions opposées ; car le syllogisme est toujours contraire à la chose en question. Par exemple si elle est bonne, on obtient qu’elle n’est pas bonne ; ou bien si, animal, que elle n’est pas animal ; parce que le syllogisme vient de la contradictoire, et que les termes pris pour sujets sont identiques, ou bien que l’un est comme tout et l’autre comme partie. § 17[625]. Il est évident aussi que, dans les paralogismes, rien n’empêche d’obtenir la contradiction de l’hypothèse ; par exemple, s’il y a impair, d’obtenir non impair ; car la conclusion était contraire avec des propositions opposées. Si donc on les suppose telles, on aura la contradiction de l’hypothèse. § 18[626]. Il faut remarquer aussi que l’on ne peut conclure les contraires par un seul syllogisme, de façon que la conclusion, soit que ce qui n’est pas bon est bon, ou telle autre conclusion pareille, à moins que la proposition qui est prise la première n’ait la forme de la proposition suivante : Tout animal est blanc et non blanc ; or, l’homme est animal. Ou bien il faut prendre d’abord la contradictoire, comme, par exemple, que : Toute science est conjecturale ; et prouver ensuite qu’elle n’est pas conjecturale, parce que la médecine est une science et que aucune médecine n’est conjecturale ; et c’est ainsi que les réfutations s’établissent. Ou bien enfin, il faut tirer les conclusions de deux syllogismes. Ainsi, pour que les propositions admises soient bien réellement contraires, il n’y a pas d’autre manière que celle qui a été indiquée plus haut.


SECTION SECONDE.

VICES DU SYLLOGISME.


CHAPITRE XVI.

Pétition de principe. — Définition de la pétition de principe : ses espèces diverses. — Syllogismes affirmatifs de la première figure où la pétition de principe a lieu, dans la majeure ; dans la mineure. —Des autres Syllogismes de la seconde et de la troisième figures.


§ 1[627]. Faire une pétition de principe, employer son principe, consiste, pour indiquer seulement ici le genre de ce défaut, à ne pas démontrer l’objet en question. § 2[628]. Ceci, du reste, peut avoir lieu de plusieurs manières, soit quand on ne fait pas du tout de conclusion régulière, soit quand on conclut par des termes plus inconnus ou également inconnus, soit enfin quand on conclut l’antérieur par le postérieur ; car la démonstration ne peut se former que par termes plus notoires et plus élevés. Rien de tout cela n’est encore une pétition de principe. Mais, comme certaines choses se font naturellement connaître d’elles-mêmes, et d’autres au moyen de choses étrangères, les principes, par exemple, étant connus par eux seuls, et les propositions subordonnées à ces principes l’étant par des données autres qu’elles-mêmes, lorsqu’on essaie de démontrer par elle-même une chose qui n’est pas notoire par elle-même, on fait une pétition de principe. § 3[629]. Ceci, d’ailleurs, peut avoir lieu de telle sorte que l’objet même en question soit immédiatement employé ; ou bien l’on peut aussi, en ayant recours à quelques autres termes qui ne sont naturellement connus que par cet objet, démontrer le principe par ces termes. Ainsi, par exemple, si l’on démontre A par B, et B par C, et que C ne puisse être naturellement démontré que par A, il en résulte que, dans un tel syllogisme, on démontre A par A lui-même. C’est, au reste, l’erreur que commettent ceux qui croient démontrer les lignes parallèles ; car ils ne s’aperçoivent pas qu’ils admettent des données qu’on ne saurait démontrer, sans que ces lignes mêmes soient parallèles. Aussi, faire des syllogismes de ce genre, c’est dire simplement de chaque chose qu’elle est si elle est ; et, de cette façon-là, toute chose pourrait être connue directement par elle-même ; ce qui est impossible. § 4[630]. Si donc, ignorant également que A est à C, et qu’il est à B, quelqu’un suppose que A est à B, on ne peut pas dire encore qu’il fasse une pétition de principe. Mais il est évident qu’il ne démontre pas ; car une chose également inconnue ne peut être un principe de démonstration. Mais, si B est à C dans un rapport d’identité, ou s’il est clair qu’ils peuvent se convertir l’un dans l’autre, ou que l’un est à l’autre, alors on fait une pétition de principe ; car on démontrerait aussi, par ces termes, que A est à B, en les convertissant. C’est là le véritable obstacle à la démonstration, et non pas du tout le mode du syllogisme. Si l’on démontre ainsi, on commet le défaut que je viens d’indiquer ; et la conversion a lieu comme s’il y avait trois termes. § 5[631]. De même, si l’on suppose que B est à C, quand on ignore également si A est à C, ce n’est pas encore là faire une pétition de principe ; mais l’on ne démontre pas. Au contraire, si A et B sont identiques, ou si l’on peut les convertir, ou que A soit le conséquent de B, il y a encore ici, et par la même cause, pétition de principe ; car nous avons dit plus haut que, faire une pétition de principe, c’est démontrer par elle-même une chose qui ne peut être connue par elle-même.

§ 6[632]. Si donc, faire une pétition de principe, c’est uniquement démontrer par elle-même une chose qui n’est pas évidente par elle-même ; et, si l’on ne démontre pas, soit parce que l’objet à démontrer et les objets par lesquels on veut le démontrer sont également inconnus, soit parce que des choses identiques sont attribuées à un même terme, ou que le même terme est attribué à des choses identiques, il en résulte que, dans la figure moyenne et dans la troisième, on peut également, de ces deux dernières façons, faire une pétition de principe. § 7[633]. Mais, avec un syllogisme affirmatif, elle n’a lieu que dans la troisième et dans la première figures. On peut faire une pétition de principe négative, lorsque des termes identiques sont niés d’un même terme ; et les deux propositions ne sont pas à employer indifféremment, non plus que dans la figure moyenne, parce que les termes ne peuvent pas être convertis dans les syllogismes négatifs. § 8[634]. Dans les démonstrations, la pétition de principe s’adresse à des termes qui sont vrais ; et, en dialectique, à des termes qui ne sont que probables.


CHAPITRE XVII.

Conclusion fausse non justifiée — Syllogismes où a lieu ce défaut. — Espèces diverses avec les termes supérieurs ou avec les termes inférieurs. — Conclusion résultant de l’hypothèse. — Conclusion fausse dans les Syllogismes négatifs.


§ 1[635]. Nier la conclusion fausse comme non justifiée par ce qui précède, argument fort en usage dans les discussions, a lieu surtout dans les syllogismes conclus par l’absurde, lorsque l’on contredit la chose même qui était démontrée par réduction à l’absurde. En effet, quand on ne la contredit pas, on ne dit point que le faux conclu ne résulte pas de la donnée ; mais l’on objecte que quelque erreur est contenue dans les prémisses. On ne pourra pas non plus le dire dans la démonstration ostensive ; car on n’y pose pas la contradiction. De plus, quand on a réfuté ostensivement quelque proposition par A B C, il n’est pas possible de dire que le syllogisme se forme en dehors des données mêmes qu’on a prises ; car on ne peut dire qu’une chose est hors de la question que quand, cette chose étant retranchée, le syllogisme ne s’en forme pas moins ; or, c’est ce qui n’a pas lieu dans les syllogismes ostensifs ; car, en retranchant la thèse elle-même, il n’y a plus de syllogisme qui s’y rapporte. Il est donc évident que c’est dans les syllogismes par l’absurde, que l’on peut dire que la conclusion fausse n’est pas justifiée, lorsque l’hypothèse primitive est dans ce rapport avec l’absurde, que, soit qu’elle existe, soit qu’elle n’existe pas, l’impossibilité n’en est pas moins conclue.

§ 2[636]. La façon la plus claire de montrer que la conclusion fausse ne résulte pas de l’hypothèse, c’est le cas où le syllogisme, formé de moyens qui concluent par l’absurde, est absolument sans rapport à l’hypothèse elle-même, ainsi qu’on l’a dit dans les Topiques. C’est alors prendre pour cause ce qui n’est pas réellement cause. Par exemple, c’est comme si, pour prouver que le diamètre est incommensurable, on cherchait à démontrer la proposition de Zénon : qu’il n’y a pas de mouvement ; et qu’on appliquât la démonstration par l’absurde à cette proposition même. Ici, la conclusion fausse ne se rapporterait aucunement à la proposition primitive. § 3[637]. Une autre manière, c’est quand l’absurde tient bien à l’hypothèse, sans cependant avoir lieu par elle : et ce cas peut se présenter en faisant accorder les syllogismes, soit dans les termes supérieurs, soit dans les termes inférieurs. § 4[638]. Par exemple, si l’on suppose A à B, B à C, C à D, et que ce soit une erreur que B est à D. En effet, si, en retranchant A, B n’en demeure pas moins à C, et C à D, la conclusion fausse ne vient pas de l’hypothèse primitive. § 5[639]. Ou bien, si l’on prend le terme supérieur. Par exemple, si A est à B, et Ε à A, et F à E, et qu’il soit faux que F est à A. En effet, l’absurde n’en subsistera pas moins, en retranchant l’hypothèse primitive. § 6[640]. C’est que toujours il faut joindre l’absurde aux termes primitifs ; et alors l’absurde résultera de l’hypothèse. § 7[641]. Ainsi, en prenant le rapport des termes en descendant, il faut joindre l’absurde à celui des termes qui sert d’attribut ; car, s’il est impossible que A soit à D, en retranchant A, il n’y a plus d’absurdité. § 8[642]. Et, en le prenant en montant, il faut joindre l’absurde au terme qui reçoit l’attribut ; car, si F ne peut être à B, en retranchant B, il n’y a plus d’absurdité. § 9[643]. Et, de même, si les syllogismes étaient privatifs. § 10[644]. Il est donc évident que, si l’absurde n’est pas joint aux termes primitifs, il n’y a pas de conclusion fausse par la thèse posée.

§ 11[645]. Mais ne peut-on pas dire que, même de cette façon, la conclusion fausse ne résultera pas toujours de l’hypothèse ? car, si l’on suppose que A est non pas à B, mais à K, et Κ à C, et celui-ci à D, même, sous cette forme, l’absurde subsiste encore. De même aussi, quand l’on prend les termes en remontant. Et, comme l’absurdité se produit, que l’hypothèse soit ou ne soit pas, il est clair que cette absurdité ne résulte pas réellement de l’hypothèse.

§ 12[646]. Mais, quand on dit que, l’hypothèse étant ôtée, la conclusion fausse ne s’en produit pas moins, il ne faut pas comprendre que l’absurdité ne peut se conclure qu’à l’aide d’un terme étranger. On doit entendre seulement que, cette hypothèse étant retranchée, la même absurdité se produit par les propositions qui demeurent. On ne voit, en effet, rien de faux à dire que la même absurdité puisse se produire par plusieurs hypothèses : par exemple, à soutenir que les parallèles se rencontrent, soit parce que l’angle interne serait plus grand que l’angle externe, soit parce que le triangle vaudrait plus de deux angles droits.


CHAPITRE XVIII.

Du raisonnement faux. — La fausseté de la conclusion dépend toujours d’une première fausseté dans les prémisses. — Syllogismes simples : Syllogismes composés.


§ 1[647]. Le raisonnement faux provient toujours d’une première erreur, soit que le syllogisme résulte de deux propositions, soit qu’il résulte de plusieurs. Si c’est de deux, il faut nécessairement que l’une d’elles, ou même toutes les deux soient fausses ; car, de propositions vraies, ainsi qu’on l’a vu, il ne sort pas de syllogisme faux. S’il résulte de plusieurs propositions, comme C conclu par A B, et celles-ci par D E F G, alors il y a quelque erreur dans les termes supérieurs, et c’est à cause de cette erreur que le raisonnement est faux : car A et B sont conclus par ces termes supérieurs ; et, par conséquent, c’est d’eux que viennent la conclusion et l’erreur.


CHAPITRE XIX.

Du Catasyllogisme. — Conseils divers aux interlocuteurs : conseils à celui qui répond : conseils à celui qui interroge, soit pour les Syllogismes composés, soit pour les Syllogismes simples.


§ 1[648]. Pour éviter d’être réfuté syllogistiquement, il faut avoir bien soin, lorsque l’adversaire demande une donnée sans les conclusions qu’elle fournit, de ne pas lui accorder deux fois le même terme dans les propositions ; car nous savons qu’il n’y a pas de syllogisme possible sans terme moyen, et que le moyen terme est celui qui est répété plusieurs fois. § 2[649]. Nous savons aussi ce que nous avons à observer dans le moyen, relativement à chaque espèce de conclusion ; car nous savons la nature de celles que renferme chaque figure. La forme de la conclusion ne doit pas nous échapper non plus, puisque nous savons bien comment nous devons suivre la discussion. § 3[650]. Mais il faut, quand on argumente soi-même, dissimuler soigneusement ce que nous avons recommandé d’éviter quand on répond. § 4[651]. Un premier moyen d’y parvenir, c’est de ne pas donner les conclusions des prosyllogismes, mais de les laisser dans l’ombre, en ne prenant que les propositions nécessaires. § 5[652]. C’est, en second lieu, de ne pas demander les termes voisins, mais de multiplier les intermédiaires de ces termes. Par exemple, supposons qu’il faille conclure A de F, et que les moyens soient B C D Ε, il faut alors demander si A est à B, et ensuite, non pas si B est à C, mais si D est à E, et ensuite si B est à C ; et ainsi du reste. § 6[653]. Si le syllogisme a lieu par un seul moyen, il faut commencer par ce moyen même ; car c’est ainsi qu’on échappera le mieux à l’attention de celui qui répond.


CHAPITRE XX.

De la Réfutation. — Définition de la Réfutation : cas divers où elle peut avoir lieu.


§ 1[654]. Comme nous savons dans quels cas et avec quels termes se forme le syllogisme, nous voyons aussi, sans peine, quand a lieu et quand n’a pas lieu la Réfutation. § 2[655]. Elle peut avoir lieu, soit quand toutes les réponses sont accordées, soit quand elles sont de forme dissemblable : l’une étant, par exemple, affirmative, et l’autre négative ; car il y avait syllogisme avec des termes de l’une et de l’autre façon. Si donc la thèse est contraire à la conclusion, il faut nécessairement qu’il y ait Réfutation ; car la Réfutation est le syllogisme de la contradiction. § 3[656]. Mais si l’on n’accorde aucune proposition, il est impossible qu’il y ait Réfutation ; car on a vu qu’il n’y a pas de syllogisme quand tous les termes sont négatifs ; donc, il n’y a pas non plus de Réfutation ; car, s’il y avait Réfutation, il faudrait qu’il y eût syllogisme ; mais il peut y avoir syllogisme sans que, nécessairement, il y ait Réfutation. § 4[657]. Même observation, si la réponse ne fournit aucune proposition universelle ; car ici encore la Réfutation et le syllogisme sont tout à fait sur la même ligne.


De l’erreur et de ses diverses espèces. — Erreur causée par la fausseté de la majeure, quand les moyens ne sont pas subordonnés ; quand ils le sont. — Erreur causée par l’ignorance de la mineure particulière. — Critique de la théorie du Méoon sur la nature de la science. — On n’a jamais à la fois la science et l’erreur contraires. — De la connaissance en acte et simultanée des deux prémisses.


§ 1[658]. Il peut se faire que, de même qu’on se trompe dans la position des termes, on se trompe quelquefois aussi dans la pensée. Par exemple, quand une même chose est essentiellement à plusieurs autres, il se peut que, ignorant l’une de ces choses, on pense que la première n’y est pas du tout, tandis que l’on en connaît une autre à laquelle elle est. Ainsi, supposons que A est en soi à B et à C, et que ces termes soient également à tout D. Si l’on pense que A est à tout B et B à tout D, mais que A n’est à aucun C, et que C est à tout D ; alors on aura d’une même chose relativement à une même chose la science et l’ignorance. § 2[659]. Même résultat, si l’on se trompe sur des termes d’une seule série ; par exemple, si A est à B et B à C, et C à D, et que l’on croie que A est à tout B, et qu’il n’est à aucun C, on saura tout à la fois que la chose est, et l’on pensera qu’elle n’est pas. § 3[660]. Mais ici que peut-on croire, si ce n’est qu’on ne pense pas de ces choses tout ce que l’on en sait ? En effet, on sait, en quelque façon, que A est à C par B, c’est-à-dire, comme on sait le particulier par l’universel. Mais ce que l’on sait de cette façon incomplète, on croit n’en avoir absolument aucune idée, bien que ce soit là une chose impossible. § 4[661]. Quant à la première espèce d’erreur, lorsque le moyen n’est pas de la même série, il n’est pas possible qu’on mette, par la pensée, les deux propositions à la fois en rapport avec chacun des moyens. Par exemple, si A est à tout B, et qu’il ne soit à aucun C, et que ces deux termes soient à la fois à tout D ; car alors il faut que la première proposition soit contraire, ou absolument, ou du moins en partie. En effet, si l’on pense que A est à tout ce à quoi est B, et si l’on sait que B est à D, on sait aussi que A est à D. D’autre part, si l’on pense que A n’est à rien de ce à quoi est C, on pense alors certainement que A n’est pas à quelque objet à quoi est B. Mais après avoir pensé que A est à tout ce à quoi est B, penser ensuite qu’il n’est pas à quelqu’une des choses auxquelles est B, c’est contredire sa propre pensée, ou absolument, ou du moins en partie ; donc, il n’est pas possible d’avoir cette pensée. § 5[662]. Mais rien n’empêche de penser l’une des propositions relativement aux deux moyens, ou les deux propositions relativement à un seul : par exemple, que A est à tout B, et B à D, et ensuite que A n’est à aucun C.

§ 6[663]. Cette erreur est tout à fait analogue à celle que nous commettons à l’égard des choses particulières ; ainsi A étant à tout B et B à tout C, A sera à tout C. Si donc l’on sait que A est à tout ce à quoi est B, on sait aussi qu’il est à C ; mais il se peut faire qu’on ignore que C existe. Soit, par exemple, A deux angles droits, B triangle, et C un triangle réel. On peut croire, en effet, que C n’existe pas, quoique sachant fort bien que tout triangle vaut deux angles droits ; on saura donc et on ignorera en même temps une même chose ; car savoir que tout triangle vaut deux angles droits n’est pas une expression qui ait une signification simple ; d’une part, on peut entendre ici la science générale, et de l’autre, la science particulière. L’on sait donc, de science générale, que C vaut deux droits ; mais on ne le sait pas de science particulière ; et ainsi l’on ne possédera pas la science et l’erreur contraires l’une à l’autre. § 7[664]. C’est là, du reste, précisément le sens de la théorie soutenue dans le Ménon, que la science humaine n’est que réminiscence. Il n’est pas du tout possible qu’on sache à l’avance les cas particuliers ; mais en même temps qu’a lieu l’induction, on acquiert la notion des choses particulières comme si l’on ne faisait que les reconnaître. C’est qu’il y a certaines choses que nous savons instantanément ; par exemple, que cette figure vaut deux angles droits, du moment que nous savons qu’elle est un triangle. Et de même pour tous les autres cas.

§ 8[665]. Nous connaissons donc les cas particuliers de science générale, mais nous ne les savons pas de la science qui leur est propre ; et c’est là ce qui fait que nous nous trompons sur eux, sans que ce soit, cependant, d’une façon contraire à la science même. Nous nous trompons en ce sens seulement, que nous possédons la science générale, et que nous errons dans la notion particulière. C’est précisément ce qui se passe dans les cas que nous avons indiqués plus haut ; car l’erreur commise relativement au moyen n’est pas contraire à la science acquise par le syllogisme, non plus que la pensée qui s’adresse à l’un et à l’autre des deux moyens. § 9[666]. Mais rien n’empêche que, sachant que A est à tout B et B à C, on pense que A n’est pas à C. Par exemple, on peut fort bien savoir que toute mule est stérile, savoir aussi que tel animal est une mule, et croire cependant que cette mule est pleine ; car on ne sait pas que A est à C, si l’on ne considère point à la fois les deux propositions. § 10[667]. Ainsi il est évident que, si l’on sait l’un et qu’on ne sache pas l’autre, on pourra se tromper. Et c’est précisément là le rapport des notions générales aux notions particulières ; en effet, nous ne pouvons connaître aucune des choses sensibles, en dehors même de notre sensation, les eussions-nous, d’ailleurs, antérieurement perçues, si ce n’est en ce sens que nous en avons bien une connaissance générale et propre, mais sans en avoir une connaissance actuelle. Savoir, en effet, a trois significations distinctes : on peut savoir de science générale, ou de science propre et spéciale, ou de science actuelle ; et, par conséquent, l’on peut se tromper d’autant de façons. § 11[668]. Rien n’empêche donc que l’on puisse savoir et se tromper relativement à un même objet ; mais non pas, pourtant, par contraire. Or, c’est ce qui arrive à celui qui sait par les deux propositions, mais qui n’en a pas antérieurement vu le rapport. Ainsi, en supposant que cette mule est pleine, il n’a pas la science actuelle ; mais, pourtant, par cette pensée même, il n’a pas non plus l’erreur contraire à la science ; car l’erreur contraire à la proposition universelle, c’est un syllogisme.

§ 12[669]. Mais quand on pense que ce qui est bien est mal, on pense alors qu’une même chose est bien et mal à la fois. En effet, soit le bien A, le mal B, et le bien encore C ; si donc l’on pense que B et C soient la même chose, l’on pensera aussi que C est B ; et, de même encore, que A est B ; de sorte que C aussi est A. En effet, quand il était vrai que B est dit de ce à quoi est C, et que A est dit de ce à quoi est B, il était vrai aussi que A est dit de C ; donc, il en doit être absolument de même pour le verbe : Penser. Ainsi encore pour le verbe : Être ; car C et B étant la même chose, et B et A étant identiques aussi, C est identique à A. Donc, aussi, il en est tout à fait de même avec le verbe : Penser. § 13[670]. Mais doit-on comme conséquence nécessaire accorder qu’il est possible d’avoir les pensées contraires, si l’on accorde ce premier point, qu’on puisse croire que le bien est le mal ? Mais on a peut-être tort de supposer que l’on puisse jamais croire que le bien soit le mal, si ce n’est accidentellement, parce que, en effet, on peut penser ceci de plusieurs façons ; mais c’est ce que nous examinerons ailleurs avec plus de soin.


SECTION TROISIÈME.

RÉDUCTION DE TOUTES LES FORMES DE RAISONNEMENT AU SYLLOGISME.


CHAPITRE XXII.

Réciprocité des termes. — Conversion réciproque des propositions par la conversion de la conclusion. — Conversion de la conclusion par la conversion de la majeure. — Conversion de la conclusion par conversion de la mineure, dans divers modes. — Règles diverses. — Exemples à l’appui.


§ 1[671]. Quand les extrêmes sont réciproques l’un à l’autre, il faut nécessairement que le moyen aussi le soit à tous deux. En effet, A étant à C par B, si la conclusion est réciproque, C est aussi à tout ce à quoi est A. Mais B est aussi réciproque à A ; et B est par C à tout ce à quoi est A ; enfin, C est également réciproque à B par A, pris pour moyen. § 2[672]. De même encore pour la négation ; par exemple, si B est à C, et que A ne soit pas à B, A ne sera pas non plus à C. Si donc B est réciproque à A, C le sera aussi à A ; car, supposons que B ne soit pas à A, C n’y sera pas non plus ; car B était supposé à tout C. § 3[673]. Si C est réciproque à B, B l’est aussi à A ; car C est à tout ce à quoi est B. § 4[674]. Si C est réciproque à A, B est aussi réciproque à A ; car C est à tout ce à quoi est B. Mais C n’est pas à ce à quoi est A ; et, dans ce cas seulement, la conversion réciproque commence par la conclusion, tout comme pour le syllogisme affirmatif ; ce qui n’avait pas lieu dans les autres cas.

§ 5[675]. Quand A et B sont réciproques, et que C et D le sont également, s’il est nécessaire que, ou A, ou C soit à tout objet, il faut alors aussi que B et D soient de telle sorte que l’un des deux soit à tout objet. En effet, puisque B est à ce à quoi est A, et D à ce à quoi est C, et que A et C sont à tout objet, mais non tous deux à la fois, il est clair que B et D sont à tout objet, mais sans y être non plus tous les deux à la fois ; car il y a ici deux syllogismes qui se tiennent. § 6[676]. De plus, quand A ou B, et C ou D sont à tout objet, mais n’y sont pas à la foie, si A et C sont réciproques, B et D le sont aussi ; car, si B n’est pas à une certaine chose à laquelle est D, il est clair qu’alors A est à cette chose. Mais, si A y est, C y est aussi, puisqu’ils sont réciproques ; donc C et D y sont à la fois. Mais cela est absurde. Par exemple, si l’incréé est impérissable, et l’impérissable, incréé, il faut nécessairement que le créé soit périssable, et que le périssable soit créé.

§ 7[677]. Mais, lorsque A est à B tout entier et à C tout entier, et qu’il n’est attribué à aucune autre chose, si B est aussi à tout C, il est nécessaire que A et B soient réciproques. En effet, puisque A est dit des mes termes B, C, et que B est attribué à lui-même et à C, il est évident que B peut être dit de toutes les choses dont A est dit ; et que, de plus, il sera dit de A lui-même.

§ 8[678]. En outre, quand A et B sont à C tout entier, et que C est réciproque à B, il faut que A soit à tout B ; car, A étant à tout C, et C à tout B, à cause de la réciprocité, il faut aussi que A soit à tout B.

§ 9 Lorsque, de deux choses opposées, A et B, A est préférable à B, et que D l’est également à C, si A C sont préférables à B D, A sera aussi préférable à D. En effet, A est tout autant à rechercher que B est à fuir, puisqu’ils sont opposés. Même rapport de C à D, puisqu’ils sont opposés également. Si donc A est aussi désirable que D, B doit être autant à fuir que C ; car l’un et l’autre sont pareillement opposés à l’un et à l’autre : ce qui doit être fui à ce qui doit être désiré. Ainsi le rapport sera tout à fait identique entre A C et B D. Mais, puisque les premiers sont plus désirables que les autres, il c’est pas possible qu’ils le soient également ; car alors B D seraient également désirables. Mais, si D est préférable à A, B est aussi moins à fuir que C ; car le moindre est opposé au moindre. Mais le bien plus grand avec le mal moindre est préférable au bien plus petit avec le mal plus grand ; donc B D, en somme, est préférable à A ; mais ce n’est pas ici le cas. A est donc préférable à D, et C, par suite, sera moins à fuir que B. Si donc tout amant, selon le véritable amour, préfère A, c’est-à-dire, être digne de bonheur, et n’avoir pas le bonheur, représenté par C, plutôt que d’avoir le bonheur, représenté par D, et n’être pas digne de bonheur, représenté par B, il est clair que A, être digne de bonheur, est préférable au bonheur même. Ainsi donc, être aimé est préférable, en amour, au plaisir des sens ; ainsi l’amour vise bien plus à l’affection qu’au plaisir ; et, l’affection étant son objet principal, c’est là sa véritable fin. Ainsi le plaisir, ou n’est pour rien en amour, ou il n’y est que pour l’affection. On pourrait, du reste, appliquer cette théorie à toutes nos autres passions, à tous nos autres efforts.

§ 10 On voit donc clairement les rapports des termes dans les conversions, et le résultat de la comparaison des choses à préférer ou à fuir.


CHAPITRE XXIII.

De l’Induction. — Son importance égale à celle du Syllogisme. — Exemples d’inductions. — L’Induction s’applique aux propositions immédiates, c’est-à-dire, qui n’ont pas de moyen terme.— Comparaison de l’Induction et du Syllogisme : le Syllogisme prouve le majeur du mineur par le moyen : l’Induction prouve le majeur du moyen par le mineur. — L’Induction est plus évidente que le Syllogisme.


§ 1[679]. Maintenant nous devons dire que c’est par les figures antérieurement exposées que se forment, non seulement les syllogismes dialectiques et démonstratifs, mais encore les syllogismes de rhétorique ; et, d’une manière générale, que c’est toujours par ces figures que se fonde la certitude, quelle que soit d’ailleurs la voie qu’on suive pour y parvenir. C’est que, en effet, toutes nos convictions ne s’acquièrent que par syllogisme ou par induction.

§ 2[680]. L’induction, et le syllogisme par induction, ont lieu lorsque l’on conclut l’un des extrêmes du moyen par l’autre extrême. § 3[681]. C’est, par exemple, si B est moyen de A C, démontrer par C que A est à B ; car voilà comment nous faisons des inductions. § 4[682]. Soit A longève, B qui n’a pas de fiel, et C tous les animaux quelconques longèves, comme l’homme, le cheval, le mulet, etc. Donc A est à C tout entier ; car tout C est longève ; mais B aussi, c’est-à-dire, qui n’a pas de bile, est à tout C ; si donc C est réciproque à B, et qu’il ne dépasse pas le moyen, il est nécessaire alors que A soit à B ; car l’on a démontré plus haut que deux choses quelconques étant les attributs d’un même objet, si l’extrême est réciproque à l’une d’elles, il faut que l’autre attribut soit aussi à l’attribut réciproque. Du reste, on doit supposer que C est composé de tous les cas particuliers ; car l’induction les comprend tous. § 5[683]. Tel est le syllogisme de la proposition primitive et immédiate.

§ 6[684]. Dans les propositions qui ont un moyen terme, le syllogisme a lieu par ce moyen ; dans celles qui n’en ont pas, il a lieu par l’induction. § 7 On pourrait donc dire que l’induction est en quelque sorte opposée au syllogisme : car celui-ci démontre l’extrême du troisième terme par le moyen : celle-là démontre l’extrême du moyen par le troisième terme. § 8[685]. Ainsi donc le syllogisme qui se produit par un terme moyen est, de nature, antérieur et plus notoire : mais celui qui se forme par induction est plus évident pour nous.


CHAPITRE XXIV.

De l’Exemple, — Définition de l’Exemple qui est une espèce d’Iduction — Condition de cette forme de raisonnement. — Caractère spécial qui la distingue. — Différences qui séparent l’Exemple de l’Induction.


§ 1[686]. L’exemple a lieu quand l’extrême est démontré du moyen par un terme semblable au troisième. § 2[687]. Mais il faut que l’on sache que le moyen est au troisième terme, et que le premier extrême est au terme semblable. § 3[688]. Par exemple, soit : A mauvais, et B faire la guerre contre ses voisins. C représente la guerre des Athéniens contre les Thébains, et D celle des Thébains contre les Phocéens. Si donc nous voulons prouver qu’il est mauvais de faire la guerre aux Thébains, il faut supposer qu’il est mauvais de faire la guerre contre ses voisins. Or, on tire cette assertion de la connaissance des cas analogues ; par exemple, de ce que la guerre contre les Phocéens a été fatale pour les Thébains. Puis donc qu’il est mauvais de faire la guerre à ses voisins, et que la guerre contre les Thébains est une guerre contre des voisins, il est clair qu’il est mauvais de faire la guerre aux Thébains. Ainsi, il est clair que B est à C et à D ; car tous deux sont : Faire la guerre contre des voisins. Et il est clair aussi que A est à D ; car la guerre contre les Phocéens n’a pas été avantageuse pour les Thébains. Et l’on démontrera par D que A est à B. On prouverait encore ainsi le rapport du moyen à l’extrême, lors même qu’on appuierait l’assertion sur plusieurs cas analogues au lieu d’un seul.

§ 4[689]. Il est donc évident que l’exemple n’est point un rapport du tout à la partie, ni de la partie au tout ; c’est le rapport d’une partie à une partie, puisque les deux termes sont les sujets d’un même terme, et que, seulement, l’un est plus connu que l’autre.

§ 5[690]. L’exemple diffère de l’induction en ce que l’une démontre, par tous les cas particuliers, que l’extrême est au moyen et n’enchaîne pas le syllogisme à l’autre extrême, tandis que l’exemple le fait, et ne démontre point par tous les cas particuliers.


CHAPITRE XXV.

De l’Abduction. — Définition de l’Abduction. — Elle est de deux espèces, selon que la mineure est aussi probable ou plus probable que la conclusion ; et selon que les intermédiaires de la mineure sont plus ou moins nombreux que ceux de la condition — Exemples de ces deux espèces d’Abduction. — Rapport de l’Abduction et de la Science.


§ 1[691]. L’abduction a lieu lorsqu’il est certain que le premier terme est au moyen, et qu’il est incertain que le moyen est au dernier, bien que cette mineure soit aussi croyable ou même plus croyable que la conclusion. En outre, l’abduction a lieu quand les intermédiaires du dernier extrême et du moyen sont en plus petit nombre ; car, alors, de ces deux façons, on est plus près de savoir. § 2[692]. Par exemple, soit A qui peut être enseigné, B la science, C la justice. Il est évident que la science peut être enseignée ; mais que la justice soit une science, c’est ce qu’on ignore. Si donc B C est aussi croyable ou plus croyable que A C, c’est une abduction ; car on est plus près de savoir en ajoutant B C à A C, tandis que, auparavant, on n’avait pas du tout la science. § 3[693]. Il y a encore abduction si les intermédiaires sont moins nombreux entre B et C ; car, de cette façon encore, on est plus près de savoir. Par exemple, soit D, le cercle être carré, Ε figure rectiligne, et F un cercle. S’il n’y a qu’un seul moyen pour Ε F, c’est-à-dire, si le cercle devient égal à une figure rectiligne au moyen de lunules, on touche presque à la science. § 4[694]. Mais, lorsque B C n’est pas plus croyable que A C, et que les moyens ne sont pas en plus petit nombre, il n’y a plus ce que je nomme abduction comme il n’y en a pas non plus quand B C est sans moyen ; car alors c’est à la science même qu’on est arrivé.


CHAPITRE XXVI.

De l’Objection. — Définition de l’Objection. — Différence de l’Objection et de la proposition. — L’Objection est de deux espèces, et se forme dans deux figures. — Objection à la proposition affirmative ; à la proposition négative. — L’Objection ne peut avoir lieu dans la seconde figure : motifs divers de cette exception. — Autres espèces d’Objections.


§ 1[695]. L’objection est une proposition contraire à une autre proposition. § 2[696]. Elle diffère de la proposition en ce qu’elle peut être même particulière, tandis que la proposition ne le peut pas, ou du moins ne le peut dans les syllogismes universels. § 3[697]. L’objection est de deux espèces, et se forme dans deux figures. Elle est de deux espèces ; car toute objection est, ou universelle, ou particulière. Elle se forme dans deux figures ; car les objections sont toujours opposées à la proposition ; et les conclusions opposées ne se trouvent que dans la première et la troisième figures. § 4[698]. En effet, quand quelqu’un demande une proposition affirmative universelle, on lui fait l’objection par une négative universelle ou par une négative particulière. Et, de ces deux formes de proposition, l’une, la négative universelle, est de la première figure ; et l’autre, la négative particulière, de la troisième. Par exemple, soit, A, que la notion est unique, et B, les contraires. Si quelqu’un a soutenu qu’il n’y a qu’une notion unique pour les deux contraires, on lui fait une objection en disant qu’il n’y a pas du tout une notion unique pour les opposés ; or, les contraires sont des opposés. Et, dans ce cas, on a la première figure. Ou bien, on lui objecte qu’il n’y a pas une notion unique pour le connu l’inconnu ; et alors on a la troisième figure. En effet, de C, c’est-à-dire, le connu et l’inconnu, il est vrai de dire que ce sont là des contraires ; mais il est faux qu’on les connaisse par une notion unique.

§ 5[699]. De même pour la proposition privative ; si quelqu’un demande qu’on lui accorde qu’il n’y a pas une notion unique des contraires, nous soutenons qu’il y a notion unique pour tous les opposés ; ou du moins pour certains contraires, comme, par exemple, pour le sain et le morbide. Quand on dit qu’il y a notion unique pour tous, c’est la première figure ; et, pour quelques-uns, c’est la troisième.

§ 6[700]. En général, dans tous les cas où l’on fait une objection universelle, il faut nécessairement joindre la contradiction à celui des termes donnés qui est universel. Par exemple, si quelqu’un demande qu’on lui accorde qu’il n’y a pas une notion unique pour tous les contraires, il faut objecter qu’il n’y en a qu’une pour les opposés ; il faut alors, nécessairement, que ce soit la première figure ; car le moyen est ici l’universel relatif à la donnée primitive. Si l’objection est particulière, la contradiction doit se joindre à l’universel qui est sujet de la proposition. Par exemple, quand l’on dit qu’il n’y a pas une seule notion du connu et de l’inconnu, les contraires sont universels relativement à ces deux termes, et c’est alors la troisième figure ; car le moyen est, dans ce cas, le terme pris particulièrement, c’est-à-dire, connu et inconnu. § 7[701]. En effet, c’est des figures par lesquelles on peut conclure le contraire, que nous cherchons aussi à tirer les objections. C’est donc uniquement dans ces deux figures que nous les faisons, parce que ce sont ces figures seules qui offrent des conclusions opposées ; et que, dans la figure moyenne, il n’y avait pas de conclusion affirmative. § 8[702]. Si l’objection se faisait dans la figure moyenne, on serait forcé de rendre le raisonnement beaucoup plus long. Par exemple, si l’on niait que A est à B parce que C n’est pas conséquent de B. En effet, ceci ne devient évident qu’au moyen de propositions différentes ; mais il ne faut pas que l’objection ait recours à des termes différents ; l’autre proposition qu’elle prend doit être sur-le-champ parfaitement claire.

§ 9[703]. C’est là aussi ce qui fait que cette figure est la seule dont le Signe ne puisse être tiré.

§ 10[704]. Il faut étudier encore les autres espèces d’objection ; par exemple, celle que l’on tire du contraire ou du semblable, ou des opinions reçues. On doit voir enfin, s’il est possible de former l’objection particulière dans la première figure, ou l’objection négative dans la figure moyenne.


CHAPITRE XXVII.

De l’Enthymème.— Définitions et différences du Vraisemblable et du Signe. — Définition de l’Enthymème. — Première, troisième, seconde figures — Différence du Signe et du Syllogisme. — Différences des Enthymèmes selon les figures. — Du Signe et de la Preuve.


Application de cette théorie à l’étude des qualités naturelles des êtres. — Du Syllogisme physiognomonique.


§ 1[705]. Il ne faut pas confondre le Vraisemblable et le Signe ; le Vraisemblable n’est qu’une proposition probable ; et l’on entend par probable ce qui, dans la plupart des cas, arrive ou n’arrive point, est ou n’est point.; par exemple : Les hommes haïssent ceux qui les envient ; ils aiment ceux qui les aiment. § 2[706]. Le Signe, au contraire, tend à être précisément la proposition démonstrative, soit nécessaire, soit probable. La chose dont l’existence ou la production entraîne l’existence d’une autre chose, soit antérieure, soit postérieure, c’est là ce qu’on appelle le Signe, indiquant que l’autre chose est arrivée ou qu’elle existe.

§ 3[707]. L’Enthymème est donc un syllogisme formé de propositions vraisemblables ou de Signes.

§ 4[708]. Le Signe, d’ailleurs, peut avoir trois fonctions diverses, autant que le moyen peut avoir de positions dans les figures, soit comme dans la première, soit comme dans la moyenne, soit comme dans la troisième. § 5[709]. Par exemple, c’est la première figure, quand on démontre qu’une femme est grosse parce qu’elle a du lait ; car le moyen, c’est avoir du lait. A représente être grosse, B, avoir du lait, et C, la femme. § 6[710]. Mais, quand on prouve que les sages sont vertueux, parce que Pittacus est vertueux, c’est la dernière figure qu’on emploie ; A représente vertueux, B, les sages, et C, Pittacus. Il est certainement vrai d’attribuer A et B à C ; seulement l’on supprime l’une des propositions, parce qu’on la connaît ; et l’on ne conserve que l’autre. § 7[711]. Si l’on prouve qu’une femme est grosse parce qu’elle est pâle, on emploie la figure moyenne. En effet, c’est parce que la pâleur vient à toutes les femmes grosses, et qu’elle vient aussi à cette femme, que l’on croit avoir démontré que cette femme est grosse ; la pâleur représentée par A, être grosse, par B, et femme, par C.

§ 8[712]. Si donc l’on n’exprime qu’une seule proposition, c’est seulement le Signe ; et, si l’on ajoute la seconde, c’est un syllogisme. Par exemple, Pittacus est généreux ; car les ambitieux sont généreux ; et Pittacus est ambitieux. Ou bien encore : Les sages sont bons ; car Pittacus est bon ; et, de plus, il est sage. C’est donc ainsi que l’on forme tous ces syllogismes. § 9[713]. Seulement celui qui se produit par la première figure est irréprochable, s’il est vrai, parce qu’il est universel. Celui qui se forme par la dernière peut être attaqué, bien que la conclusion soit vraie ; car ce syllogisme n’est pas universel, et il n’est pas directement relatif à la question. En effet, de ce que Pittacus est vertueux, il ne s’ensuit pas nécessairement que les autres sages soient vertueux comme lui. Quant au syllogisme qui se forme par la figure moyenne, il est toujours parfaitement attaquable ; car il n’y a jamais de syllogisme possible quand les termes sont ainsi disposés. Par exemple, de ce que la femme grosse est pâle, et de ce que telle femme est pâle, il ne s’ensuit pas nécessairement que cette femme soit grosse.

§ 10[714]. Ainsi donc on pourra conclure le vrai dans toutes les figures ; mais ce sera avec les différences que je viens de dire.

§ 11[715]. Peut-être pourrait-on aussi établir la division suivante entre les Signes. Parmi eux, on appellerait Preuve celui qui est moyen ; car on dit que la Preuve est ce qui fait savoir ; et c’est surtout le moyen qui a cette propriété. L’on réserverait alors le nom de Signe pour ceux qui occuperaient les positions extrêmes, tandis que la preuve serait le Signe même tiré de la position moyenne ; car le plus probable et le plus vrai est celui qui prouve par la première figure.

§ 12[716]. Il serait donc possible de connaître la nature intime des êtres, si l’on accorde que les qualités naturelles modifient le corps et l’âme à la fois. On peut bien dire que celui qui apprend la musique a l’âme modifiée d’une certaine manière ; mais cette modification ne peut compter au nombre de nos qualités naturelles. Au contraire, les passions, les désirs, sont des mouvements tout à fait de nature. Si donc l’on accordait ce premier point ; si, de plus, on accordait qu’il n’y a qu’un seul Signe pour une seule qualité ; et si, enfin, nous pouvions arriver à connaître la qualité et son Signe propre dans tous les genres d’êtres, nous serions alors capables de connaître la nature de ces êtres. En effet, si telle qualité est particulière à une certaine classe d’êtres, comme le courage au lion, il faut nécessairement que cette qualité se révèle par quelque Signe ; car on a supposé que l’âme et le corps sont affectés l’un avec l’autre. Admettons que le Signe, ici, soit d’avoir de fortes extrémités, qualité qui ne peut pas appartenir à d’autres genres tout entiers, puisque l’on dit que le Signe est propre, en ce sens qu’il appartient à tout le genre, mais non pas en ce sens qu’il n’appartient qu’à ce genre seulement, comme nous le disons habituellement. Ainsi donc, ce même Signe se représentera dans un autre genre ; et l’homme ou tel autre animal sera courageux ; par conséquent, il aura ce Signe spécial, puisque nous avons admis qu’il n’y en avait qu’un seul pour une seule qualité. § 13[717]. Si donc cela est vrai, et que nous puissions réunir des Signes analogues par l’étude des êtres qui n’ont qu’une seule qualité spéciale, en admettant toujours que chacune de ces qualités a son Signe, et que nécessairement elle n’en a qu’un seul, nous pourrons fort bien, à ces conditions, deviner la nature des êtres. § 14[718]. Mais, quand le genre tout entier a deux qualités qui lui sont propres, le lion, par exemple, qui a le courage à la fois et la générosité, comment reconnaîtrons-nous, parmi ces signes propres au genre, quel est le signe spécial de l’une ou l’autre qualité ? Est-ce, en regardant si ces deux qualités sont à un autre genre, sans être toutes deux à ce genre entier ; tel individu, dans la totalité de ce genre, ayant l’une de ces qualités sans avoir la seconde ? En voyant, par exemple, que tel individu est courageux sans être généreux, s’il a l’un des deux signes, il est évident que, dans le lion, c’est bien toujours le signe du courage.

§ 15[719]. Deviner ainsi la nature des êtres est possible par la première figure, quand le moyen est réciproque au premier extrême, et qu’il dépasse le troisième, auquel il n’est pas réciproque. Ainsi, soit le courage A, les fortes extrémités B, C le lion. B est à tout ce à quoi est C ; mais il est aussi à d’autres êtres ; A est aussi à tout ce à quoi est B ; mais, comme il n’est pas à d’autres choses, il lui est parfaitement réciproque. Autrement, il n’y aurait pas un signe unique pour une qualité unique.


FIN DES PREMIERS ANALYTIQUES.
  1. Au temps d’Alexandre d’Aphrodise, la leçon vulgaire des manuscrits était : la science de la dém. l’accusatif, au lieu du génitif qui est dans nos textes ; quelques manuscrits seulement donnaient cette dernière leçon qu’Alexandre défend de l’adopter, et qui lui semble s’accorder mieux avec le début même de la phrase.
  2. Pour la définition de la proposition, voir plus bas § 4, et pour ses diverses espèces §§ 5 et 6. La définition de la proposition affirmative et négative a été déjà donnée dans l’Herméneia, ch. 6, §§ 1 et 2 ; et celle de ses espèces, même traité, ch. 7, §§ 1. et suiv. La définition de la proposition dialectique, à quelques légères différences près, est aussi celle de l’Herméneia, ch. 11, § 2. — La définition du Terme est plus bas § 7, et celle du Syllogisme, §§ 8, 9, 10.
  3. L’explication de ces expressions se trouve plus bas, § 11.
  4. Voir l’Herméneia, chap. 6 et 7.
  5. Les logiciens postérieurs ont en outre distingué une quatrième espèce de proposition : c’est la proposition singulière, où le sujet est un nom d’individu. La proposition singulière rentre du reste dans l’universelle, par cela seul que le sujet y est pris dans toute son étendue. Voir la logique de Port-Royal, 2° partie, ch. 3. — La notion… Le plaisir… n’ont, en effet, aucun signe d’universalité ni de particularité.
  6. Ainsi, pour reprendre l’exemple même d’Aristote, voici une proposition syllogistique : La notion des contraires est une seule et même notion ; voici une proposition dialectique : La notion des contraires est elle une seule et même notion ! ou en exprimant dans l’interrogation la contradiction tout entière : la notion des contraires est-elle ou n’est-elle pas une seule et même notion ? Il est évident que, pour établir le syllogisme, il faut, après l’interrogation, poser celle des deux parties de la contradiction que l’interlocuteur admet dans sa réponse, et qu’on ne peut plus laisser la proposition sous forme interrogative. — Dans les Topiques, cette citation se rapporte au sujet tout entier des Topiques, et particulièrement au livre I, ch. 1, § 1. Voir du reste, sur le nom des Topiques, mon Mémoire sur la Logique d’Aristote, tom. 1, pag. 108. — Les traités suivants… c’est, pour la proposition syllogistique les Premiers Analytiques eux-mêmes, pour la proposition démonstrative les Derniers Analytiques, et les Topiques pour la proposition dialectique.
  7. J’appelle Terme… Terme, limite, parce que le terme est en quelque sorte la fin, la limite de la proposition. C’est par une image analogue qu’Aristote appelle les propositions : intervalles. Voir plus loin Premiers Analytiques, liv. 2, ch. 2, § 3, et dans ce 1er liv. ch. 4, § 22 et passim. — Alexandre fait remarquer que le mot terme, pris en se sens, était inconnu du temps d’Aristote et que voilà pourquoi l’auteur dit à la première personne : j’appelle, etc.; c’est une expression nouvelle qu’il crée à son usage. Voir ch. 4, § 3.
  8. Le Syllogisme… Le syllogisme signifie, comme on le voit ici, dans sa véritable acception, l’ensemble des deux propositions d’où sort la conclusion nécessaire. Mais souvent Aristote appelle syllogisme la conclusion même tirée des prémisses. Voir dans ce liv., ch. 5, § 29 ; ch. 6, § 24 et passim.
  9. Syllogisme complet… C’est celui où les propositions n’ont pas besoin d’être converties pour que l’évidence apparaisse ; ce sont tous les syllogismes de la première figure.
  10. Incomplet… celui où il est besoin de convenir une ou deux propositions pour que la nécessité apparaisse dans toute son évidence ce sont les syllogismes de la seconde et de la troisième figures. — Les propositions qu’on obtient par la conversion ne sont pas à proprement parler, des propositions nouvelles, puisqu’elles sont toujours formées du même sujet et du même attribut. Mais la forme sous laquelle on les avait d’abord présentées est changée. On peut voir du reste, dans le chapitre suivant, les effets de la conversion sur les diverses espèces de propositions.
  11. J’ai conservé, autant que j’ai pu, les formules aristotéliques ; mais on reconnaît sans peine dans être attribué à tout, la proposition universelle affirmative ; dans n’être attribué à aucun, l’universelle négative ; dans être à quelque, la proposition particulière affirmative ; dans n’être pas à tout ou à quelque, la particulière négative. Pour bien comprendre tout le mécanisme du syllogisme, il faut donner la plus grande attention au sens de ces deux formules : être compris dans la totalité, être attribué à tout. Elles ont bien la même signification comme le dit Aristote ; mais voici cependant la nuance fort grave qui les sépare : la première se dit du sujet qui est compris dans la totalité, dans l’extension de l’attribut. La seconde, au contraire, se dit de l’attribut qui fait partie de la compréhension totale du sujet. Ainsi avec la première formule on va du sujet à l’attribut, c’est-à-dire, de la partie au tout ; avec la seconde, on va, au contraire, de l’attribut au sujet, c’est-à-dire, du tout à la partie ; ou, en d’autres termes, du particulier à l’universel dans le premier cas, et de l’universel au particulier dans le second. L’universel se comprend toujours de l’extension du terme, et du nombre total des individus ou des espèces que cette extension renferme. On peut voir plus bas comment la formule de : être compris dans la totalité, s’applique à la définition de la première figure, ch. 4, § 2.
  12. Simplement… Les propositions simples ou absolues, propositiones purae, des scholastiques, sont opposées aux modales. Les propositions absolues qui affirment ou qui nient l’existence, sans la modifier d’aucune manière. sont appelées : catégoriques par Kant et beaucoup de logiciens modernes. Je n’ai pu conserver ce terme parce que, dans Aristote, il a le sens tout spécial qu’on lui verra plus bas dans ce chapitre,
  13. Voici le premier usage des lettres représentant des idées ; c’est un procédé tout algébrique, c’est-à-dire, de généralisation. Déjà, dans l’Herméneia, ch. 13, § 1 et suiv., Aristote a fait usage de tableaux pour représenter sa pensée relativement à la consécution des modales. Il parle encore spécialement de figures explicatives, liv. 3 des Derniers Analytiques, ch. 17, § 7. Vingt passages de l’Histoire des Animaux attestent qu’il joignait des dessins à ses observations et à ses théories zoologiques. Les illustrations pittoresques datent donc de fort loin. L’emploi symbolique des lettres a été appliqué aussi par Aristote à la physique. Il l’avait emprunté, sans doute, aux procédés des mathématiciens. Voir plus bas les figures du syllogisme, ch. 4, § 28 ; et ch. suiv. — Soit donc…. AB, A animal, B pierre. Si A n’est attribuable à aucun B, B non plus ne sera attribuable à aucun A ; c’est-à-dire que si aucune pierre n’est animal, aucun animal, non plus, ne sera pierre. Supposons en effet que B soit attribuable à quelque A, c’est-à-dire, que pierre puisse être dit d’un animal quelconque, de l’homme, par exemple, représenté par C ; on admet alors que l’homme est pierre ; et comme l’homme est aussi animal, il s’ensuit donc que quelque pierre, homme, est animal ; or, on a admis d’abord comme vrai qu’aucune pierre n’est animal. Donc la contradictoire de cette proposition est fausse, parce que les contradictoires ne peuvent être vraies à la fois ; Herméneia, ch. 10, § 13 ; donc, on ne peut admettre que quelque animal soit pierre, parce que cette hypothèse conduit à l’absurde ; donc aucun animal n’est pierre ; ce qui était à prouver.
  14. Si A est à tout B… Démonstration pareille à la précédente, et qui s’appuie sur la règle qui vient d’être prouvée, que la proposition universelle négative se convertit en ses propres termes.
  15. A ne sera non plus à aucun B… Contradictoire de la première proposition admise que A est à quelque B, et fausse par conséquent.
  16. La méthode dont Aristote s’est servi dans la démonstration des règles précédentes, est une sorte de réduction à l’absurde au moyen d’un exemple sensible, dont l’impossibilité est attestée aussitôt qu’il nous est offert. C’est ce que les logiciens grecs appellent proprement exposition, et les scholastiques aussi. Elle consiste à tirer d’un terme général A, auquel on refuse certain attribut, un terme particulier C auquel on accorde le même attribut. Puis l’on montre le rapport évident du terme C au terme A, et l’on prouve qu’on ne peut accorder à l’individu l’attribut qu’on nie du genre entier qui le comprend : ce qui est évident. — Conversion est employée plus loin dans un sens un peu différent, et c’est une des propriétés du syllogisme et non plus de la proposition. Voir plus loin P. A., liv. 2, ch. 8. Aristote n’a point ici appliqué les règles de la conversion aux propositions indéterminées, ainsi que le fait observer Alexandre, bien que ce soit la troisième espèce de proposition indiquée, ch. 1, § 5 ; c’est qu’elles ne sont pas d’usage dans le syllogisme, et que d’ailleurs elles sont de même valeur que les particulières.
  17. La même… que pour les propositions simples. — L’universelle privative…, Privative ou négative doit s’entendre ici du dictum et non du mode qui, au contraire, est affirmatif comme en le voit dans l’exemple que l’auteur donne lui-même, § 2 : Il est nécessaire que A ne soit à aucun B. Aristote appelle habituellement ces propositions affirmatives et non pas négatives. Voir Herméneia, ch. 12, § 9, et plus bas, dans ce chapitre, § 7, où il dit expressément que ces propositions ont la forme affirmative. — Chacune des deux affirmatives…, l’universelle et la particulière.
  18. Plus haut…, ch. 2, § 5.
  19. J’ai substitué souvent le mot de possible, comme plus clair, à celui de contingent. Voir plus loin, ch. 13, § 1. — La conversion de toutes les propositions affirmatives…. quel que soit, du reste, le sens qu’on donne à contingent, et qu’on l’applique, soit ce qui est nécessairement, soit à ce qui est sans être nécessairement, soit à ce qui peut être et ne pas être. Voir plus loin, ch. 13 de ce livre.
  20. La règle… est encore la même, pour les négatives quand le contingent est pris dans les deux premiers sens où on l’applique au nécessaire et au non nécessaire. — Démontré plus haut, ch. 2, § 6.
  21. La définition… de contingent, c’est la troisième des significations données plus haut à contingent : et c’est, selon Aristote, le sens vrai de contingent. Ici la règle, qui subsiste pour les propositions contingentes affirmatives, change pour les contingentes négatives, c’est-à-dire qu’au lieu de se convertir en ses propres termes comme dans les propositions simples, la proposition contingente universelle négative se convertit en particulière, et que la particulière négative, qui ne se convertissait pas, se convertit en ses propres termes. La raison en est que les propositions de ce genre sont, comme Aristote le dit un peu plus bas, de véritables propositions affirmatives, et qu’alors elles suivent la règle des affirmatives et non celle des négatives, l’universelle se convertissant en particulière, la particulière en ses propres termes. — Quand nous traiterons du contingent, voir plus loin, dans ce livre, ch. 13 et 17. — Forme toujours une affirmation, Voir Herméneia, ch. 12, § 2 et suiv., et plus loin, dans ce livre, ch. 13, § 4. — Confirmée plus loin, ch. 13 et 17 de ce livre. On peut se convaincre de la justesse de ces règles, en essayant de convertir successivement des propositions modales, où l’idée énoncée sous forme de contingence soit d’abord nécessaire, puis non nécessaire, puis enfin réellement contingente. Par exemple, contingent nécessaire : il se peut qu’aucun homme ne soit cheval ; contingent non nécessaire : il se peut qu’aucun vêtement ne soit blanc ; contingent simple : il se peut qu’aucun homme ne se lave ; ce dernier contingent ne se convertit pas en ses propres termes ; car si l’on dit : il se peut qu’aucun être qui se lave ne soit homme, non seulement cela se peut d’une manière contingente, mais cela est absolument, puisqu’en réalité il y a des animaux autres que l’homme qui se lavent.
  22. Plus tard…, Les Derniers Analytiques sont consacrés à la démonstration.
  23. Lors donc…, La définition ne convient ici qu’à la première figure et à ses deux modes universels, et non point au syllogisme en général, comme pourrait le faire croire ce qui précède. La définition du syllogisme est au ch. 1, § 8. — Le dernier…, c’est-à-dire, le petit extrême ou mineur, sujet de la conclusion, soit dans la totalité du moyen, ou sujet du moyen. Voir, ch. 1, § 11. — Soit ou ne soit pas dans la totalité du premier, c’est-à-dire, sujet du premier, ou attribut de la conclusion qu’on appelle aussi grand extrême ou majeur. Voir plus bas, § 10 On peut remarquer qu’Aristote commence ici par la mineure, ne mettant la majeure qu’en second lieu. C’est sa formule même qui exige cet ordre. Procédant du moins étendu au plus étendu, il doit nécessairement commencer par le mineur qui est dans le moyen, et suivre par le moyen qui est dans le majeur, pour conclure que le mineur est dans le majeur. C’est là le fondement même de l’évidence syllogistique, le principe auquel toutes les figures et tous les modes doivent être ramenés. Aristote pose ici, en termes fort clairs, si ce n’est spéciaux, les éléments de la fameuse formule de continente et de contento, donnée, d’après lui, par les scholastiques, et rappelée par Leibnitz. Voir plus loin, ch. 41, § 6. Il faut ajouter que par les expressions : soit dans la totalité du moyen… soit ou ne soit pas dans la totalité du premier, Aristote indique l’une des conditions fondamentales de la première figure, à savoir que la mineure soit affirmative, la majeure pouvant être affirmative ou négative indifféremment, pourvu qu’elle soit universelle.
  24. J’appelle…, Cette expression indique, comme l’ont pensé tous les commentateurs, que c’est Aristote lui-même qui a créé toutes ces dénominations syllogistiques. Voir aussi plus bas, §§, 10 et 26. — Le moyen est renfermé dans le majeur et renferme le mineur. — Les extrêmes… qui est contenu…, c’est le petit extrême contenu dans le moyen :.. qui en contient…, c’est le grand extrême qui contient le moyen. Toutes ces définitions ne s’appliquent encore qu’à la première figure. Dans les autres, le moyen n’est plus intermédiaire, et moyen par position réelle ; il ne l’est que par ses fonctions logiques. Voir la seconde et la troisième figures, ch. 5 et 6.
  25. Pour qu’on puisse suivre plus aisément toute cette théorie, j’emploierai les notations si commodes que les scholastiques ont empruntées aux commentateurs grecs : A, proposition universelle affirmative ; E, universelle négative ; I, particulière affirmative ; O, particulière négative. J’emploierai aussi les mots techniques pour les modes : BArbArA, CElArEnt, DArII, FErIO, etc. — Si A est attribué… syllogisme en Barbara, avec deux prémisses universelles affirmatives. Aristote reprend ici, pour l’énoncé des propositions, l’ordre vulgaire, mettant la majeure AB d’abord, puis la mineure BC. L’évidence n’en est pas moindre parce qu’il place l’attribut le premier en disant : Animal est attribué à tout homme, et non pas le sujet avant l’attribut, comme quand on dit : Tout homme est animal. Aristote va, de cette façon, de l’attribut au sujet, c’est-à-dire, du plus étendu au moins étendu. Dans la première figure, A est toujours majeur, B moyen, C mineur : AB la majeure, BC la mineure, AC la conclusion. — Plus haut… ch. 1, § 11.
  26. De même… syllogisme en Celarent, majeure universelle négative, et mineure universelle affirmative.
  27. Est conséquent, c’est-à-dire, s’il est attribué. Ce mode AE, avec une majeure universelle affirmative et une mineure universelle négative, est inutile. Aristote le prouve en montrant qu’avec ces données il n’y a pas de conclusion nécessaire, c’est-à-dire que la conclusion peut aussi bien être affirmative que négative. Soit d’abord les termes de l’affirmation A, animal, est attribué à tout homme ; E, homme, n’est attribut à aucun cheval : A, animal, est attribué à tout cheval, conclusion universelle affirmative. Mais on peut avoir tout aussi bien une conclusion universelle négative ; ainsi : A, animal, est attribué à tout homme ; E, homme, n’est attribué à aucune pierre ; E, animal, n’est attribué à aucune pierre. Ainsi, avec les prémisses AE, on peut, en faisant varier les termes, avoir également à la conclusion l’affirmative ou la négative. Il n’y a point ici de conclusion nécessaire, donc il n’y a point de syllogisme.
  28. Le premier terme n’est à aucun moyen, ni le moyen à aucun dernier, c’est-à-dire, quand les deux prémisses sont universelles négatives BE, on peut avoir une conclusion affirmative A, ou une négative E indifféremment, comme on peut s’en convaincre en mettant l’exemple en forme : E, science, n’est attribué à aucune ligne, E, ligne, n’est attribué à aucune médecine, A, science, est attribué à toute médecine : ou bien, E, science, n’est attribué à aucune ligne, E, ligne, n’est attribué à aucune unité, E, science, n’est attribué à aucune unité. Il n’y a donc point ici de conclusion nécessaire, il n’y a donc point de syllogisme.
  29. En résumé, parmi les modes universels, deux sont concluants, AA et EA : deux sont inutiles AE et EE.
  30. Aristote passe ici au cas où l’une des prémisses est universelle et l’autre particulière. La règle générale qui vaut pour tous les modes de la première figure, s’applique ici comme plus haut : la majeure doit être universelle, et la mineure affirmative.
  31. J’appelle…, Voir plus haut, § 3, et ch. 1, § 7. — Sujet du moyen, c’est-à-dire, qui est dans le moyen. § 11. Mode AI, DArII des scholastiques. — Au début, ch. 1, § 11.
  32. Mode El, FErIO des scholastiques. — Nous avons expliqué, ch. 1, § 11.
  33. Il n’y a pas de syllogisme possible avec une mineure universelle, c’est-à-dire qu’on a indifféremment conclusion affirmative ou conclusion négative, comme on peut le voir en mettant les exemples en forme, ainsi qu’on l’a fait plus haut.
  34. Mode inutile avec les prémisses I ou O et A. On a d’une part pour conclusion : Bien est attribué à toute prudence ; et d’autre part : Bien n’est attribué à aucune ignorance, c’est-à-dire qu’il n’y a pas de conclusion nécessaire.
  35. Si B… Aristote débute ici par la mineure. C’est le mode inutile, I ou O et E, dans les prémisses. On a d’une part pour conclusion : Blanc est attribué à tout cygne, et d’autre part : Blanc n’est attribué à aucun corbeau, c’est-à-dire qu’il n’y a pas de conclusion nécessaire.
  36. Voir plus haut, § 13 ; seulement ici, il s’agit de la majeure AB ; plus haut, il s’agissait de la mineure le § 18. Il n’y a pas de syllogisme possible quand la mineure est négative. Voir plus haut, § 9.
  37. Mode inutile AO. On a d’une part pour conclusion : A, Animal, et attribué à tout cygne, et d’autre part : E, Animal, n’est attribué à aucune neige : donc il n’y a pas de conclusion nécessaire.
  38. Mode inutile EO : A, Inanimé, est attribué à toute neige : E, Inanimé, n’est attribué à aucun cygne. Pas de conclusion nécessaire.
  39. Comme on l’a déjà dit, plus haut, § 6 ; les deux prémisses sont alors une universelle affirmative et une universelle négative, d’après la remarque faite ici par Aristote, que la particulière indéterminée équivaut à la négative universelle. On a alors AE, mode inutile. — Comme on vient de l’indiquer. § 19, c’est-à-dire, la majeure AB universelle affirmative, et BC particulière négative.— Pour les autres, c’est-à-dire, pour les termes qui forment les prémisses AE. — Si l’universel était supposé privatif, comme dans l’exemple du § 20, on aurait alors EE, mode inutile du § 7. — Alexandre a substitué car au lieu de mais au début de cette phrase. — Voici, à partir du § 18, tout le raisonnement d’Aristote qui est assez difficile à suivre : Avec une universelle affirmative ou négative à la majeure, et une particulière négative à la mineure, il n’y a pas de syllogisme possible. Il développe le premier cas, § 19, c’est-à-dire, le cas de l’affirmative ; et le second, § 20. Puis il explique ceci en faisant observer que la particulière négative est indéterminée, et qu’elle peut être tout aussi bien considérée comme une universelle négative. Or, pour celle-ci a été prouvé, § 8, qu’il n’y avait pas de syllogisme : donc il n’y a pas non plus pour celle-là ; car autrement il y en aurait pour la supposition du § 6 qui est la même.
  40. intervalles, ou propositions comprises entre les deux termes qui en sont comme les limites — Modes inutiles II, OO, IO, OI. — Animal, blanc, homme, termes de l’affirmation qui donnent pour conclusion : Animal est attribué à tout homme. — Animal, blanc, pierre, termes de la négation qui donnent pour et conclusion : Animal n’est attribué à aucune pierre. Ainsi la conclusion peut indifféremment être affirmative et négative : donc il n’y a pas de conclusion nécessaire, et par suite il n’y a pas de syllogisme. Voir plus haut dans ce chapitre § 14.
  41. Comme nous l’avons dit, à savoir que la majeure soit universelle et la mineure affirmative.
  42. Propriétés générales de la première figure. Tous les syllogismes y sont complets, c’est-dire, évidents par eux-mêmes ; toutes les conclusions s’y trouvent : universelle affirmative, universelle négative, particulière affirmative, particulière négative. Il faut ajouter à ces deux propriétés celles qui ont été énumérées déjà § 8, et celles qui sont rappelées § 23. Il faut bien remarquer la méthode qu’Aristote a suivie dans ce chapitre pour découvrir les règles générales de la première figure ; c’est celle qu’il emploiera dans le reste de l’Organon. Il étudie d’abord chacune des seize combinaisons que les quatre formes de la majeure A, E, I, O, peuvent donner en s’unissant aux quatre formes pareilles de la mineure. Puis, prenant des exemples où la conclusion est de toute évidence, il les applique successivement à chacune de ces combinaisons ; celles qui donnent la conclusion fournie d’ailleurs par le bon sens, sont concluantes, ou syllogistiques, les autres sont asyllogistiques. Aristote en reconnaît quatre de la première espèce et douze de la seconde. Après avoir éliminé les asyllogistiques, il étudie les propriétés communes des quatre syllogistiques, et il en tire les lois de la première figure. Il est impossible que la synthèse se fonde avec plus de certitude et de vérité. Cette méthode doit paraître un modèle achevé d’analyse. — Alexandre remarque que Théophraste ajoutait aux quatre modes d’Aristote cinq modes indirects, dont le philosophe lui-même parlera plus bas, ch. 7 et liv. 4, ch. 1.
  43. Propriétés générales de la première figure. Tous les syllogismes y sont complets, c’est-dire, évidents par eux-mêmes ; toutes les conclusions s’y trouvent : universelle affirmative, universelle négative, particulière affirmative, particulière négative. Il faut ajouter à ces deux propriétés celles qui ont été énumérées déjà § 8, et celles qui sont rappelées § 23. Il faut bien remarquer la méthode qu’Aristote a suivie dans ce chapitre pour découvrir les règles générales de la première figure ; c’est celle qu’il emploiera dans le reste de l’Organon. Il étudie d’abord chacune des seize combinaisons que les quatre formes de la majeure A, E, I, O, peuvent donner en s’unissant aux quatre formes pareilles de la mineure. Puis, prenant des exemples où la conclusion est de toute évidence, il les applique successivement à chacune de ces combinaisons ; celles qui donnent la conclusion fournie d’ailleurs par le bon sens, sont concluantes, ou syllogistiques, les autres sont asyllogistiques. Aristote en reconnaît quatre de la première espèce et douze de la seconde. Après avoir éliminé les asyllogistiques, il étudie les propriétés communes des quatre syllogistiques, et il en tire les lois de la première figure. Il est impossible que la synthèse se fonde avec plus de certitude et de vérité. Cette méthode doit paraître un modèle achevé d’analyse. — Alexandre remarque que Théophraste ajoutait aux quatre modes d’Aristote cinq modes indirects, dont le philosophe lui-même parlera plus bas, ch. 7 et liv. 4, ch. 1.
  44. Cette définition ne s’applique, comme on le voit, qu’aux modes universels soit affirmatifs, soit négatifs. Voir ch. 4, § 1.
  45. Placé près du moyen, MNO étant les trois lettres de cette figure, M moyen est le premier, N placé près de lui est le majeur, O plus éloigné de N est le mineur.
  46. En dehors des extrêmes, c’est-à-dire qu’il n’est point renfermé entre les deux comme dans la première figure : il est le premier, parce qu’Aristote énonce toujours l’attribut avant le sujet.
  47. C’est que, pour qu’il y ait syllogisme complet, il faut, comme pour la première figure, que le moyen soit intermédiaire, ce qui n’a lieu, dans la seconde et la troisième, qu’à l’aide de la conversion.
  48. C’est-à-dire qu’avec des propositions universelles, il faut que l’une des deux indifféremment soit négative et l’autre affirmative, ou, en d’autres termes, qu’elles diffèrent en qualité.
  49. Mode EA, CEsArE. — Se convertit… déjà démontré, voir ch. 2, § 2, et ch. 4, § 5. Cesare de la seconde figure, se réduit à Celarent de la première comme l’indique la lettre C, par la conversion simple de la majeure universelle négative E, comme l’indique la lettre S. Soit, par exemple, ce syllogisme en Cesare : Animal n’est attribué à aucune pierre, Animal est attribué à tout homme : donc Pierre n’est attribué à aucun homme ; on obtient le syllogisme en Celarent en convertissant la majeure en ses propres termes : Pierre n’est attribué à aucun animal, Animal est attribué à tout homme : donc Pierre n’est attribué à aucun homme, conclusion évidente.
  50. Mode AE, CAmEstrEs, réduit à Celarent de la première figure en convertissant la mineure et la conclusion universelles négatives en leurs propres termes, et en faisant varier les prémisses, c’est-à-dire, en prenant la majeure pour la mineure, et réciproquement, comme l’indique la lettre M. Soit le syllogisme en Camestres : MN, Animal est attribué à tout homme ; MO, Animal n’est attribué à aucune pierre : NO, donc Homme n’est attribué à aucune pierre ; on obtient un syllogisme en Celarent en convertissant la mineure et la conclusion, et changeant l’ordre des prémisses : Pierre n’est attribué à aucun animal, animal est attribué à tout homme : donc Pierre n’est attribué à aucun homme. — Le syllogisme sera le même, que dans la première figure, syllogisme étant pris ici pour conclusion. En effet, si Pierre n’est attribué à aucun homme, Homme non plus n’est attribué à aucune pierre.
  51. Réduction à l’absurde, ou à l’impossible, comme dit réellement le texte. Voici en quoi consiste cette méthode dont Aristote fera le plus grand usage, et qu’il a ici le tort de ne point définir. Pour établir la vérité de la conclusion obtenue, on prouve que sa contradictoire est une absurdité, et que, par conséquent, la première conclusion est vraie puisque jamais deux contradictoires ne peuvent être fausses à la fois. Du moment que l’une est absurde, il est démontré que l’autre est vraie, Supposons que, dans l’exemple cité plus loin, en Cesare, on nie la conclusion : Pierre n’est attribué à aucun homme, on admettra alors sa contradictoire : Pierre est attribué à quelque homme. Joignant donc cette nouvelle proposition, comme mineure, à la première majeure admise, on aurait en Ferio : Animal n’est attribué à aucune pierre, Pierre est attribué à quelque homme, donc Animal n’est pas attribué à quelque homme : mais, dans la première mineure, on avait admis, au contraire, qu’animal est attribué à tout homme ; donc sa contradictoire qu’animal n’est pas attribué à quelque homme, est fausse ; donc la mineure : Pierre est attribué a quelque homme est fausse, puisqu’elle conduit à une contradiction : donc Pierre n’est attribué à aucun homme. Même démonstration pour Camestres réduit à Darii.
  52. D’autres éléments, c’est-à-dire, des conversions.
  53. Mode inutile AA, pouvant donner, selon les termes, une conclusion affirmative ou une négative, c’est-à-dire, qu’il n’y a pas de conclusion nécessaire. Voir ch. 4, § 22 et § 14.
  54. Mode inutile EE, donnant également, pour conclusion, ou l’affirmation ou la négation.
  55. En débutant, § 6.
  56. Le syllogisme soit particulier négatif, syllogisme pris encore ici pour conclusion. Voir § 8.
  57. Mode EI, FEstInO réduit à Ferio de la première figure, par la conversion simple de la majeure, comme l’indique la lettre S.
  58. Mode AO, BArOcO, réduit à Barbara de la première figure, comme l’Indique B, par réduction à l’absurde comme l’indique C. Cette réduction se fait ici par le mode Barbara auquel Baroco ne peut se rapporter autrement, puisque la mineure et la conclusion étant particulières négatives n’ont pas de conversion possible, et que la majeure universelle affirmative ne pourrait se convertir qu’en particulière affirmative ; ce qui donnerait deux particulières pour les prémisses, et rendrait le syllogisme impossible. Voir plus haut, § 9. La contradictoire de la particulière négative est l’universelle affirmative. — De plus… C’est-à-dire que substituant dans la mineure cette forme : n’est pas à tout, à celle-ci : n’est pas à quelque, on obtiendra également dans la conclusion la forme substituée : n’est pas à tout. — La démonstration ici est la même, c’est-à-dire, par réduction à l’absurde.
  59. Mode inutile OA, qui donne, selon les termes, une conclusion tantôt affirmative, tantôt négative, c’est-à-dire qu’il ne donne pas de conclusion nécessaire : Substance est attribué à tout corbeau : Blanc n’est attribué à aucun corbeau.
  60. Mode inutile IE, à conclusion variable : Substance est attribué à toute pierre ; Substance n’est attribué à aucune science. — Dans cet exemple, l’édition de Berlin substitue dans le texte unité à pierre, sans indiquer aucune autorité. Cette leçon est empruntée à Isingrinius qui la donne aussi sans la justifier.
  61. Mode inutile BO, Neige n’est attribué à aucun animal. — Puisque M à la fois est, c’est-à-dire, quand le moyen peut être affirmé d’une partie du mineur, et nié de l’autre. En effet, si l’on pouvait obtenir cette conclusion affirmative : N est à tout O, comme on a obtenu d’abord cette négative : N n’est à aucun O, on aurait en gardant la majeure : M n’est à aucun N, cette conclusion : M n’est à aucun O, contradictoire de la mineure admise : M est à quelque O. — Il n’y a pas de syllogisme… On a démontré, plus haut, § 12, qu’avec deux universelles négatives EE, le syllogisme est impossible. La négative O du mode EO, rentre dans l’universelle négative E : donc il n’y aura pas davantage de syllogisme ici.
  62. Mode inutile AI, à conclusion variable. Pas de conclusion universelle affirmative, si ce n’est en contredisant la mineure d’abord admise. — Dite plus haut, § précédent. — L’indéterminé de la proposition, I particulière affirmative, est indéterminée en ce sens qu’elle peut être vraie en même temps que son universelle affirmative A : or, on a démontré que ce mode AA était inutile, plus haut, § 11 : donc AI qui y rentre l’est également.
  63. Mode inutile OE, à conclusion variable.
  64. Mode inutile IA, à conclusion variable. — Les propositions sont attributives, c’est-à-dire, avec une majeure particulière affirmative, et une mineure universelle de même qualité, d’après la supposition du § 23.
  65. Modes inutiles II, OO, IO, OI ; avec toutes les modifications nécessaires de qualité dans les prémisses, la quantité restant la même, on a d’une part : Animal est attribué à tout homme ; d’autre part, Animal n’est attribué à aucun être inanimé
  66. Comme on l’a dit, à savoir que la majeure est universelle, et les propositions de qualité différente, l’une étant affirmative, tandis que l’autre est négative.
  67. Propriétés générales de la seconde figure : Tous les syllogismes y sont incomplets ; ils sont tous négatifs, soit universels soit particuliers. — La méthode suivie pour l’exposition de cette seconde figure, est identique à celle de la première.
  68. Propriétés générales de la seconde figure : Tous les syllogismes y sont incomplets ; ils sont tous négatifs, soit universels soit particuliers. — La méthode suivie pour l’exposition de cette seconde figure, est identique à celle de la première.
  69. Cette définition, comme celles des deux premières figures, ne s’applique qu’aux modes universels.
  70. Le moyen est sujet des deux autres termes. Les trois termes pour cette figure étant représentés par P R S, P le majeur est le plus éloigné de S le moyen, et R le mineur en est le plus proche.
  71. Le moyen, dans la troisième figure, est comme, dans la seconde, placé en dehors des extrêmes, et non au milieu comme pour la première. Seulement ici, il est le dernier au lieu d’être au premier rang, parce que, dans le mode d’énonciation adopté par Aristote, le sujet ne vient jamais qu’après l’attribut.
  72. Non plus, que dans la seconde. Voir au ch. précédent, § 4.
  73. Mode de EA, FERApiOn, ramené à Ferio de la première figure, par la conversion de la mineure particulière, comme l’indique la lettre P. — Le même mode… comme dans le § précédent par réduction à la première figure, en convertissant RS — Par réduction à l’absurde, en prenant la contradictoire de la conclusion, en gardant la mineure du premier syllogisme, et en obtenant une nouvelle conclusion contradictoire à la majeure précédemment admise.
  74. Mode inutile AE, à conclusion variable : Animal est attribué à tout cheval ; Animal n’est attribué à aucun être inanimé.
  75. Mode inutile EE, à conclusion variable : Animal est attribué à tout cheval ; Homme n’est attribué à aucun cheval.
  76. Pour qu’il y ait syllogisme avec des prémisses universelles, il faut que la mineure soit affirmative. Syllogisme est pris ici, comme plus haut, ch. 5, § 14, pour conclusion. § 12. Mode IA DIsAmIs, réduit à Darii de la première figure comme l’indique l’initiale D, par la conversion simple de la majeure et de la conclusion, comme l’indiquent deux lettres SS, et par la transposition des prémisses comme l’indique la lettre M. § 13. Mode AI DAtIsI, réduit à Darii par la conversion simple de la mineure.
  77. Par la réduction à l’absurde et par l’exposition, voir § 6. La réduction à l’absurde pour Disamis se fait par un syllogisme en Celarent ; pour Datisi, par un syllogisme en Ferio.
  78. Mode OA, BrOcArdO, réduit à Barbara de la première figure, comme l’indique l’initiale B, par réduction à l’absurde, comme l’indique C ; en prenant pour majeure dans un second syllogisme la contradictoire de la première conclusion, on obtient une contradictoire à la majeure précédemment admise. — En supposant…, c’est-à-dire par l’exposition d’un des termes.
  79. Mode inutile AO. — L’on avait supposé… pour obtenir l’universelle négative. — Cas précédents… § 8.
  80. Mode EI FErIsOn, réduit à Ferio de la première figure par la conversion simple de la mineure.
  81. Mode inutile IE, à conclusion variable : Animal est attribué à tout homme ; Animal n’est attribué à aucune science.
  82. Mode inutile OE, à conclusion variable : Animal n’est attribué à aucune science ; Animal est attribué à tout homme.
  83. Mode inutile EO, à conclusion variable : Corbeau n’est attribué à aucune neige. — On ne peut obtenir de conclusion affirmative, parce qu’avec la mineure O, il peut se faire que le mineur ne soit pas à une partie du moyen, et soit à une autre partie en même temps, c’est-à-dire qu’on puisse tout aussi bien l’affirmer que le nier du moyen. Supposons en effet qu’on ait une conclusion affirmative universelle, P est à tout R ; la prenant pour majeure d’un nouveau syllogisme, et y ajoutant la nouvelle mineure : R est à quelque S, on aura en Darii, la conclusion ; P est à quelque S, contradictoire à la première majeures E ; P n’est à aucun S ; donc on ne peut avoir de conclusion affirmative universelle. De plus, O étant indéterminée, elle peut être vraie en même temps que son universelle de même forme E ; ainsi il peut être vrai à la fois que quelque être blanc ne soit pas corbeau, et qu’aucun être blanc ne soit corbeau. Or, dans ce dernier cas, il n’y a pas de syllogisme possible avec deux prémisses EE, comme on l’a prouvé § 9 ; il n’y en aura donc pas non plus ici, puisque EO rentre dans EE. Voir ch. 4, § 21.
  84. Modes inutiles II, OO, IO, OI.
  85. Comme on l’a dit, à savoir que l’une des prémisses doit être universelle et la mineure affirmative.
  86. Propriétés générales de la troisième figure : Tous les syllogismes sont incomplets ; pas de conclusion universelle. La méthode reste toujours semblable à celle des deux premières figures ; ch. 4, § 25.
  87. Au cas où il n’y a pas syllogisme, c’est-à-dire, que les modes inutiles, indiqués dans les chapitres précédents pour les trois figures, ne peuvent conclure quand les prémisses sont toutes deux affirmatives ou négatives, ou toutes deux particulières.
  88. Mais, quand les prémisses sont de qualité différente, et que la négative est universelle, il peut y avoir syllogisme ; seulement ce n’est plus le grand extrême qui est conclu du petit, c’est au contraire le petit qui est attribué au grand. De là, le nom de modes indirects, parce que la conclusion est indirecte. Ce sont ces modes indirects, au nombre de cinq, deux pour la première figure, un pour la seconde, et deux pour la troisième, dont on a fait la quatrième figure ; on l’attribue ordinairement à Galien ; mais on doit évidemment la rapporter à Aristote. Voir pour cette question les Annexes de mon Mémoire sur la Logique, tome 2.
  89. Par exemple que A soit à tout B… Mode indirect, FApEsmO, réduit à Ferio, par la conversion de la majeure universelle affirmative en particulière, de la mineure universelle négative en ses propres termes, et enfin la transposition des prémisses — Ou à quelque B… Mode indirect FApEsmO, réduit aussi à Ferio par la conversion simple de la majeure et de la mineure, et la transposition des prémisses.
  90. De même, dans les autres figures… Aristote ne développe point sa pensée. Voici les modes indirects des autres figures : FirEsmO, pour la seconde, réduit à Ferio par la conversion simple de la mineure, et la transposition des prémisses ; pour la troisième, FApEmO, réduit à Ferio par la conversion particulière de la majeure et la transposition ; et FrisEmO réduit à Ferio par la conversion simple de la majeure et la transposition. Ces cinq modes indirects, se réduisant au même mode direct de la première figure, se forment tous avec une majeure affirmative de quantité quelconque, et une mineure universelle négative. Pour la première figure, il faut convertir les deux prémisses ; pour la seconde, la mineure seulement ; et pour la troisième, la majeure. Dans toutes, il faut en outre transposer les prémisses. Il faut remarquer de plus que les cinq modes indirects donnent tous une conclusion particulière négative, la seule qui ne puisse se convertir : autrement la conversion possible de la conclusion les rend des modes directs, comme Ferio, Festino, etc.
  91. Attributive… Les commentateurs ont remarqué, avec raison, que ceci pouvait tout aussi bien s’appliquer à la particulière affirmative qu’à la négative, et que le mot de catégorique devait s’entendre d’une manière générale. L’indéterminé, dans le syllogisme, équivaut au particulier.
  92. Ostensivement, c’est-à-dire, par démonstration directe. La conversion ramène toujours les syllogismes des deux dernières figures aux modes de la première ; et quand on emploie la réduction à l’absurde, c’est encore dans la première que s’obtient le syllogisme de l’impossible. Aristote en donne un exemple nouveau à la fin du paragraphe : Si A n’est à aucun B, etc., syllogisme en Celarent, pour démontrer, par l’absurde, que A est à quelque B. La réduction à l’absurde ne donne pas toujours et nécessairement la première figure : mais si l’on réduit de la troisième à la seconde, par exemple, on n’obtient encore qu’un syllogisme incomplet, puisque ceux de la seconde figure ne se complètent eux-mêmes que par la première.
  93. Les universels, par la conversion du privatif… Cesare réduit à Celarent par la conversion simple de la majeure : Camestres réduit à Celarent par la conversion simple de la mineure et la transposition des prémisses : — Et chacun des particuliers… Festino à Celarent par réduction à l’absurde, et de même Baroco à Barbara.
  94. Quant aux syllogismes particuliers… Pour prouver que Darii se réduit à Celarent ainsi que Ferio, il montre d’abord que Darii se réduit à Camestres et Ferio à Cesare : Or Camestres et Cesare se réduisent à Celarent, comme on vient de le voir.
  95. Si les termes sont universels… Darapti est ramené à Celarent, Felapton à Barbara par réduction à l’absurde. — Si les termes sont particuliers… Disamis, Datisi, ramenés à Darii, Ferison à Ferio. Brocardo, quoique particulier, se ramène directement à Barbara par réduction à l’absurde.
  96. Simplement l’existence, pour les opposer à ceux qui la nient ou l’affirment avec caractère de nécessité ou de contingence. Voir plus haut, ch. 2, § 1. Il va exposer, dans les chapitres suivants, les syllogismes formés de propositions modales.
  97. Être nécessairement… Voir plus haut, ch. 2, § 1. — De termes nécessaires,… contingents,… absolus,.., je suis obligé d’imiter ici la concision aristotélique ; mais on comprend sans peine que les termes absolus sont ceux qui expriment la simple existence, l’existence pure et sans modification ; les termes nécessaires, ceux qui expriment l’existence marquée d’un caractère de nécessité ; les termes contingents, ceux qui expriment la contingence, l’existence contingente.
  98. En thèse générale, les règles du syllogisme composé de termes nécessaires sont les mêmes que pour le syllogisme composé de termes absolus, à la seule différence de ce caractère de nécessité. Il n’y a que deux exceptions à ceci, et elles sont exposées au § suivant.
  99. Le privatif, en effet, se convertit… Voir plus haut, ch. 2, § 2. — Être dans la totalité, voir ch. 1, § 11. — Dans les autres cas… Dans les cas autres que les deux suivants, de la seconde et de la troisième figure. — La conclusion du nécessaire, c’est-à-dire la conclusion où la modale est marquée du caractère de nécessité. — Mais, dans la figure moyenne,… Voici la première exception : Baroco. — Et, dans la troisième… Voici la seconde : Brocardo. Les syllogismes en Baroco et en Brocardo, quand les termes sont absolus, sont ramenés à la première figure par réduction à l’absurde, comme on l’a vu, ch. 5, § 16, et ch. 6, § 15 : mais quand les termes sont nécessaires, on ne se sert plus de cette méthode ; on emploie l’exposition qui donne un syllogisme nouveau propre à confirmer le premier, soit dans la seconde, soit dans la troisième figure. — Ne soient pas, c’est-à-dire, auquel l’un des deux extrêmes seulement puisse être attribué. Soit, par exemple, un syllogisme de termes nécessaires en Baroco : nécessairement tout homme est doué de raison : nécessairement quelque être bipède n’est pas doué de raison : donc nécessairement quelque être bipède n’est pas homme. Pour confirmer ce syllogisme, on peut, en s’attachant à l’un des termes contenus sous le mineur, bipède, et exposant ce terme, prouver que la qualité d’homme ne lui convient pas ; qu’on prenne, par exemple, parmi les bipèdes, oiseau ; l’on obtient en Camestres une autre conclusion du nécessaire qui confirme la première : nécessairement, tout homme est doué de raison : nécessairement, aucun oiseau (bipède) n’est doué de raison : donc, nécessairement, aucun oiseau n’est homme : donc aussi, nécessairement, quelque être bipède (l’oiseau par exemple) n’est pas homme, première conclusion qui est ainsi confirmée. — Pour Brocardo, on exposerait un terme contenu dans l’extension du moyen ; et on confirmerait en Felapton. Par cela même que la conclusion est modale nécessaire pour le terme exposé, il s’ensuit que le terme plus général, dont il n’est qu’une partie, a aussi le caractère de nécessité, au moins dans une partie de son extension : nécessairement, quelque être bipède n’est pas homme. Alexandre d’Aphrodise explique pourquoi Aristote ne se sert pas ici de la réduction à l’absurde. C’est que la contradictoire d’une conclusion du nécessaire étant une proposition contingente, il y aurait eu, dans le nouveau syllogisme, mélange du contingent et du nécessaire, forme qui n’a pas encore été exposée et qui ne le sera que plus loin, ch. 16 et 19. Pour éviter l’inconvénient de parler d’une chose encore inconnue, Aristote a préféré l’exposition qui donne des modales nécessaires, comme le premier syllogisme, à la réduction à l’absurde qui devait contenir une modale contingente. — Dans la figure qui lui est propre, c’est-à-dire, dans celle même où est formé le premier syllogisme, que le second doit confirmer. Camestres est de la seconde comme Baroco, et Felapton de la troisième comme Brocardo. — Pour cette expression : Conclusion du nécessaire, voir ch. 9, § 1.
  100. Le syllogisme le soit aussi, syllogisme pris encore pour conclusion. Il faut dire ici et dans les chapitres suivants : la conclusion, le syllogisme, est du nécessaire, et non pas seulement, nécessaire, afin de distinguer le caractère de nécessité dont sont marquées ces modales, de la simple nécessité de conséquence qui accompagne toute conclusion syllogistique régulière, et dont il a été parlé dans la définition même du syllogisme, ch. 1, § 8. — Théophraste et Eudème, au rapport d’Alexandre, ne partageaient pas l’avis de leur maître, et ils soutenaient que l’une des prémisses étant nécessaire, l’autre absolue, la conclusion était toujours absolue. Alexandre avait fait du reste un ouvrage spécial sur les dissentiments logiques d’Aristote et de ses disciples. Il paraît se ranger ici à l’avis de Théophraste.
  101. Que A soit…, syllogisme formé d’une modale nécessaire universelle affirmative, d’une mineure simple de même qualité ; — ou ne soit pas, syllogisme formé d’une modale nécessaire universelle négative avec une mineure simple universelle affirmative. Le premier syllogisme est en Barbara, le second en Celarent. L’un et l’autre ont pour conclusion une modale nécessaire. — C étant un des B, c’est-à-dire que C le mineur est sujet de B le moyen, dans la première figure. — De l’une ou de l’autre de ces formes, c’est-à-dire que la conclusion du nécessaire sera tantôt affirmative, tantôt négative, selon la qualité même de la majeure.
  102. A B n’est pas nécessaire, c’est-à-dire, la majeure, et que sa mineure BC le soit, la conclusion ne sera plus du nécessaire ; car il faudrait que la majeure AB fût du nécessaire aussi, et ceci se prouverait par réduction à l’absurde dans la première figure ou dans la troisième. On peut s’en assurer en prenant un syllogisme en Barbara, avec majeure simple et mineure nécessaire. La conclusion sera simple. Puis on prendrait cette conclusion pour en faire dans un syllogisme en Darapti ou en Darii une majeure, qu’on modifierait par le caractère de nécessité. On obtiendrait ainsi une conclusion du nécessaire contradictoire à la majeure simple admise dans le premier syllogisme. — L’homme est nécessairement animal, mineure ; — l’animal ne se meut pas nécessairement, majeure ; — non plus que l’homme, conclusion. Le syllogisme entier serait en Barbara : Tout animal se meut ; il est nécessaire que tout homme soit animal : donc tout homme se meut, mais non nécessairement.
  103. A B privatif, c’est-à-dire, en faisant la majeure simple universelle privative, et le syllogisme en Celarent avec une mineure nécessaire : — la démonstration serait pareille, c’est-à-dire qu’on réduirait à l’absurde, comme plus haut, par la troisième figure et la première, en Felapton, et en Ferio. La conclusion ne serait pas du nécessaire non plus que pour le syllogisme en Barbara.
  104. Quant aux syllogismes particuliers, Darii, Ferio, c’est qu’en effet dans l’un et dans l’autre, la proposition universelle est la majeure, tandis que la proposition particulière est la mineure. Or il a été établi plus haut, § 1, qu’il fallait que la majeure fût du nécessaire pour que la conclusion en fût aussi. — Privative ou affirmative, A dans Darii, E dans Ferio.
  105. Ainsi d’abord…, syllogisme en Darii avec majeure modale nécessaire et mineure simple ; la conclusion sera du nécessaire et particulière.
  106. Si le syllogisme est privatif, Dario, syllogisme pour conclusion. La majeure serait une modale nécessaire universelle négative ; la mineure simple et particulière affirmative : la conclusion serait alors une modale nécessaire particulière négative.
  107. Si c’est le particulier qui est nécessaire, la conclusion n’est plus du nécessaire, parce qu’alors c’est la mineure qui est nécessaire, tandis qu’il faut toujours que ce soit la majeure, d’après le § 1. — Pour les syllogismes universels, §§ 3 et 4.
  108. Pour les syllogismes particuliers privatifs, Ferio avec majeure simple et mineure nécessaire. La conclusion ne sera pas du nécessaire, d’après les règles antérieures et surtout celle du § 1. Eudème et Théophraste, comme on l’a vu au § 1, soutenaient que dans tous les cas le mélange du nécessaire et de l’absolu donnait une conclusion absolue ; mais les propositions absolues prises pour exemples par les deux disciples sont plutôt contingentes ; et les conclusions ainsi obtenues sont au fond des contingentes mises seulement sous forme d’absolues, ainsi que le remarque Alexandre.
  109. Règle générale comme au début du chapitre précédent : Pour que dans la seconde figure la conclusion soit une modale nécessaire, quand l’une des prémisses est simple, et l’autre marquée du caractère de nécessité, il faut que ce soit l’universelle négative qui soit nécessaire, majeure ou mineure.
  110. Il faut remarquer que dans ce chapitre, bien qu’il s’agisse de la seconde figure, Aristote conserve néanmoins les lettres de la première. Le moyen est donc ici représenté par A, attribut des deux extrêmes. — Que la privative est nécessaire, syllogisme en Cesare avec majeure nécessaire, mineure simple, et conclusion modale nécessaire, réduit à Celarent par la conversion simple de la majeure ; — sujet de A, le texte dit sous A, c’est-à-dire, compris dans la totalité de A.
  111. C privatif, c’est-à-dire si c’est la mineure et non plus la majeure qui est privative. Le syllogisme est alors en Camestres, avec majeure simple, mineure nécessaire et conclusion du nécessaire. Il se réduit aussi à Celarent, par la conversion simple de la mineure, et la transposition des prémisses ; — également possible, c’est-à-dire que B, proposition universelle négative, se convertit comme AC, qui est une proposition de même qualité.
  112. On a démontré, Voir ch. précédent, § 4 : le syllogisme est en Camestres, réduit à Celarent. — Étant converti, il faut ajouter : et les prémisses étant transposées.
  113. Démonstration par réduction à l’absurde pour confirmer la démonstration précédente. La conclusion du syllogisme précédent était : B n’est à aucun C, sans caractère de nécessité. Supposons, contre la démonstration, qu’elle puisse avoir ce caractère, on a alors : nécessairement B n’est à aucun C, et par conversion simple : nécessairement C n’est à aucun B ; mais d’après la majeure du syllogisme précédent : nécessairement A est à tout B, on a pour mineure convertie de celui-ci : nécessairement B est à quelque A ; et enfin la conclusion : nécessairement C n’est pas à quelque A, proposition opposée à la mineure du premier syllogisme que C n’est à aucun A.
  114. Démonstration nouvelle, par l’exposition des termes, que la conclusion ne peut être du nécessaire. — De la même forme, c’est-à-dire comme plus haut, § 4, que la majeure est une modale nécessaire universelle affirmative, et la mineure simple universelle négative. Le syllogisme est de nouveau en Camestres : nécessairement animal est attribué à tout homme : animal n’est attribué à aucun être blanc, donc homme n’est attribué à aucun être blanc.
  115. Même règle qu’au § 1.
  116. Syllogisme en Festino, avec majeure nécessaire universelle négative, mineure absolue particulière affirmative, et conclusion du nécessaire, particulière négative, réduit à Ferio, par la conversion simple de majeure.
  117. Soit jointe à B, c’est-à-dire à la majeure. Syllogisme en Baroco, avec majeure nécessaire universelle affirmative, mineure simple particulière négative, et conclusion universelle particulière négative. — Pour les syllogismes universels, c’est-à-dire, pour les syllogismes à conclusion universelle : plus haut, § 2, 3, 4.
  118. Autre syllogisme en Baroco, avec majeure absolue universelle affirmative, mineure nécessaire particulière négative, et conclusion absolue particulière négative.
  119. Règle générale, comme aux deux chapitres précédents, pour la troisième figure : Avec les prémisses affirmatives, la conclusion est modale nécessaire, si la prémisse universelle est nécessaire : avec l’une des prémisses négatives, il n’y a de conclusion du nécessaire que si l’universelle négative est nécessaire.
  120. Aristote se sert encore ici, comme pour la seconde figure, des lettres de la première ; C est donc moyen. — Syllogisme en Darapti, avec majeure universelle affirmative nécessaire, mineure simple universelle affirmative, et conclusion modale nécessaire particulière affirmative. Il se réduit à Darii de la première figure par conversion particulière de la mineure. — On revient à la première figure, voir plus haut ch. 19, § 6.
  121. Si c’est B C qui est nécessaire, c’est-à-dire, si c’est la mineure au lieu de la majeure. Le syllogisme est encore en Darapti, avec majeure simple universelle affirmative, mineure nécessaire universelle affirmative et conclusion modale nécessaire particulière affirmative. On le réduit à Darii par la conversion particulière de la majeure, la transposition des prémisses afin d’avoir une majeure nécessaire, et la conversion simple de la conclusion.
  122. Syllogisme en Felapton, avec majeure nécessaire universelle négative, mineure simple universelle affirmative, et conclusion modale nécessaire particulière affirmative, réduit à Ferio par la conversion particulière de la mineure.
  123. Autre syllogisme en Felapton ; mais ici c’est la mineure qui est modale nécessaire, au lieu de la majeure. — BC mineure, AC majeure. — Majeure simple universelle négative, mineure nécessaire universelle affirmative, conclusion absolue particulière négative ; réduction à Ferio par la conversion particulière de la mineure. — Il a été démontré, ch. 9, § 7.
  124. D’après les termes seuls, c’est-à-dire que l’évidence peut naître du simple examen de termes dont les rapports réels sont bien connus, et que l’on combinerait suivant les modes de la troisième figure. On sait d’abord qu’il est possible qu’aucun cheval ne soit bon, majeure universelle négative : en second lieu, l’on sait que nécessairement tout cheval est animal, mineure nécessaire universelle affirmative ; on en conclut simplement que quelque animal n’est pas bon. — Un autre terme, c’est-à-dire, substituer à : bon, un autre attribut qui appartienne plus évidemment encore à tout animal, par exemple, veiller ou dormir.
  125. Syllogisme en Disamis, avec majeure simple affirmative particulière, mineure nécessaire universelle affirmative, et conclusion modale nécessaire particulière affirmative BC mineure, AC majeure. — Que précédemment, ch. 9, § 6. — Syllogisme en Darii avec majeure et conclusion modales nécessaires, et auquel a été ramené Disamis par conversion simple de la majeure et de la conclusion, et par transposition des prémisses. — Car il y a conversion, c’est-à-dire que par la conversion on peut retrouver le premier syllogisme en Disamis.
  126. Si A C était nécessaire, syllogisme en Datisi avec majeure nécessaire, mineure simple, et conclusion modale nécessaire, ramené à Darii par la conversion simple de la mineure.
  127. Autre syllogisme en Datisi, et c’est la mineure et non plus la majeure qui est nécessaire.
  128. BC, mineure particulière affirmative nécessaire. — A soit à tout C, mineure simple universelle affirmative. — Syllogisme en Datisi ramené à Darii par la conversion simple de la mineure. — N’était pas du nécessaire, dans la première figure, lorsque le particulier était nécessaire et l’universel simple, la conclusion était simple et non pas modale nécessaire. Voir ch. 9, § 9.
  129. D’après les termes seuls, Voir plus haut, § 6. On a pour syllogisme en Datisi : Tout animal veille (mais non pas nécessairement) ; nécessairement quelque animal est bipède : donc quelque bipède veille (mais non pas nécessairement).
  130. Syllogisme en Disamis, avec majeure nécessaire, ramené à Darii par la conversion simple de la majeure et de la conclusion, et la transposition des prémisses.
  131. Syllogisme en Ferison, avec majeure nécessaire et conclusion modale nécessaire, ramené à Ferio par conversion simple de la mineure.
  132. Si c’est l’affirmatif qui est nécessaire, c’est-à-dire, si c’est la mineure. — Qu’il soit d’ailleurs universel ou particulier, soit en Brocardo, soit en Ferison. — Pour les cas antérieurs. Voir §§ 5 et 10, où par la conversion on obtenait dans la première figure une mineure nécessaire avec une majeure simple, cas qui ne pouvait donner de conclusion modale nécessaire. Voir ch. 9, § 1. — Quand l’universel attributif est nécessaire, syllogisme en Brocardo : Quelque homme ne veille pas ; il est nécessaire que tout homme soit animal ; donc quelque animal ne veille pas (mais non pas nécessairement). — Le particulier attributif qui est nécessaire, syllogisme en Ferison : Aucun être blanc ne veille : il est nécessaire que quelque être blanc soit animal : donc quelque animal ne veille pas (mais non pas nécessairement). — Où la proposition particulière privative, syllogisme en Brocardo avec majeure nécessaire : Il est nécessaire que quelque animal ne soit pas bipède ; tout animal se meut : donc quelque être qui se meut n’est pas bipède (mais non pas nécessairement). — Il paraît que dans les éditions antérieures à Alexandre, on lisait : Bipède étant le moyen, au lieu d’animal. C’est Alexandre qui a fait cette correction, indispensable, comme il l’atteste lui même.
  133. Syllogisme absolu, syllogisme pris encore pour conclusion. Absolu veut dire ici que la conclusion n’est pas modale. Il faut sous-entendre : affirmatif, après absolu ; car il y a des conclusions absolues, même quand l’une des prémisses seulement est absolue : mais il n’y a de conclusions affirmatives que quand les prémisses sont affirmatives toutes les deux. Alexandre trouve donc, avec raison, que cette règle d’Aristote est trop générale, et qu’il faut la restreindre à la troisième figure pour laquelle elle est juste. L’expression d’Aristote, en grec, porte avec elle l’idée d’affirmation de simple existence, d’existence absolue et non modale. Alexandre propose d’entendre ici ces mots dans le sens d’affirmation simplement, et alors la règle d’Aristote sera vraie. — Absolues toutes deux, sous-entendu encore : affirmatives.
  134. De part et d’autre, c’est-à-dire, pour les conclusions absolues et les conclusions modales nécessaires. — Les syllogismes d’ailleurs, c’est-à-dire, les conclusions, comme au § 1, et ailleurs.
  135. Du contingent, j’ai préféré souvent, dans ce chapitre et ailleurs, le mot : possible au mot : contingent, parce qu’il est plus clair, et surtout parce qu’il se prête mieux aux diverses locutions dont il s’est fait usage dans toute cette théorie. Aristote lui-même autorise ce changement en mettant en rapport non contingent et impossible, § 3.
  136. Par homonymie, c’est-à-dire, en comprenant sous le même mot deux idées différentes. Voir les Catégories, ch. 1, § 1, pour la définition d’homonymie, et plus haut, ch. 3, § 5.
  137. Toute cette théorie de la consécution des modales a été exposée dans l’Herméneia, ch. 13, §§ 1 et suiv. Aristote veut prouver ici que le possible et le non-nécessaire se confondent ; et il établit d’abord que les trois premières énonciations. Il n’est pas possible, etc., etc., sont équivalentes entre elles ; donc les trois énonciations opposées celle-là le seront aussi. Or, dans ces dernières, le non-nécessaire, le non-impossible, et le possible, sont mis au même rang : donc ils peuvent être pris l’un pour l’autre. — Pour toute chose en effet. Voir Herméneia, ch. 9, § 2.
  138. Toutes les propositions du contingent, c’est-à-dire, toutes les modales qui indiquent une simple contingence. — Converties les unes dans les autres, ce n’est plus la même nuance de conversion que celle qui a été indiquée plus haut, ch. 3 § 5. Aristote, du reste, se sert ici du même mot. Conversion, et j’ai dû suivre son exemple. Il veut dire seulement que, sans faire varier le mode et tout en lui laissant sa forme, ce qui est joint au mode, le sujet, peut varier de l’affirmation à la négation. C’est que du moment qu’une chose est possible, elle peut, à la fois, être ou n’être pas. — Non pas que les affirmatives se convertissent dans les négatives, ainsi : Il est possible que ce soit, ne se change pas en : Il n’est pas possible que ce soit, mais bien en : Il est possible que ce ne soit pas. — Avec l’opposition, c’est-à-dire que les sujets du mode sont opposés, comme affirmation et négation. — Pour les autres cas, c’est-à-dire, pour la négation du mode, en prenant : Il n’est pas possible, à la place de : Il est possible. — Pour les affirmatives particulières, telles que celle-ci : A peut être à quelque B, A peut ne pas être à quelque B. — Précédemment, ch. 8, § 7, et Herméneia, ch. 19, § 5. — Théophraste, au rapport d’Alexandre, n’admettait point cette théorie de son maître, sur la conversion des propositions contingentes. Elle est, du reste, parfaitement conforme à celle qui est exposée dans l’Herméneia ; et Alexandre tire de cette conformité un argument contre l’opinion d’Andronicus qui contestait l’authenticité de ce demie traité.
  139. Avec les propositions opposées, c’est-à-dire, quand les propositions, jointes au mode, deviennent opposées sans que le mode change. Ainsi cette possibilité est toute naturelle : Il est possible que l’homme grisonne : car le plus ordinairement la tête de l’homme blanchit avec l’âge. Si l’on prend la proposition opposée : Il est possible que l’homme ne grisonne pas, le possible n’a aucun caractère de nécessité : car il n’est pas du tout nécessaire que l’homme ne grisonne pas ; et le plus souvent il grisonne. Le contingent indéterminé se convertit, dans la proposition opposée, en contingent tout aussi indéterminé que lui. Ainsi : Il est possible que l’homme marche : Il est possible que l’homme ne marche pas, sont deux possibles aussi indéterminés l’un que l’autre : voilà ce qui Aristote veut dire par ceci : Le contingent indéterminé se convertit en possible qui n’est pas plus d’une façon que de l’autre. — Alexandre paraît avoir lu au début de ce paragraphe : se convertit aussi avec les propositions opposées. Il propose de retrancher cette conjonction que n’ont plus nos éditions. Voir ch. XI, § 15.
  140. Dans la suite, dans ce liv., ch. 27, § 14, et Derniers Anal., liv. 1, ch. 6, § 10, ch. 8, § 3, ch. 30, et liv. 9, ch. 12, § 14 et suiv.
  141. La distinction que fait ici Aristote est subtile ; et l’on n’en voit pas très nettement l’importance pour la théorie qui va suivre. La voici, en termes plus simples, si toutefois j’en ai bien saisi le sens que les commentateurs n’ont pas éclairci. Quand on dit qu’il est possible qu’une chose soit à une autre, deux cas se présentent : ou cette seconde chose existe réellement, ou elle peut exister. Le mode ne préjuge rien sur l’existence absolue ou modale du sujet de la proposition. Soit par exemple : A peut être à tout B ; cela veut dire tout aussi bien que A est possible et que B est possible. On peut tour à tour attribuer la contingence au premier ou au second terme. Cela est vrai : mais il n’est pas facile de dire en quoi cette remarque importe à l’exposition du syllogisme formé de propositions contingentes. — Voyons d’abord le cas, etc., c’est-à-dire, le cas où les prémisses sont toutes deux des modales contingentes. — Mais, lorsque A peut être, etc., c’est-à-dire, quand l’une des prémisses est modale contingente, et que l’autre est absolue. — Comme ailleurs, ch. 4, 5, 6, où il a exposé d’abord les syllogismes formés de deux prémisses absolues, ch. 8, où il a exposé les syllogismes formés de deux prémisses nécessaires, puis enfin, ch. 9 et suiv., où il a exposé les syllogismes formés de prémisses mixtes, absolues et nécessaires. La marche qu’il adopte pour les syllogismes à une ou deux prémisses contingentes sera tout à fait analogue à celle qu’il a déjà suivie.
  142. Syllogisme en Barbara, à deux prémisses contingentes et à conclusion contingente. — Nous disions, ch. 13, § 2.
  143. Syllogisme en Celarent, dans les mêmes conditions. — Aucun des contingents sujets de B, et C est un de ces sujets.
  144. Mode inutile AE, c’est-à-dire que la majeure est universelle affirmative contingente, et la mineure universelle négative contingente. — La proposition BC, c’est-à-dire, la mineure. — Selon la règle du contingent, c’est-à-dire, si l’on change l’affirmation du sujet en négation, tout en laissant le mode tel qu’il est. C’est ce qu’on a vu, ch. 13, § 4. — Le même qu’auparavant, la mineure négative se convertissant en affirmative, on aura de nouveau un syllogisme en Barbara, § 1. — Dit plus haut, ch. 13, § 4. — Pareil encore, pareil à celui du § 1.
  145. Jointe au contingent, c’est-à-dire, si les deux prémisses étaient contingentes et négatives. On les convertira toutes deux en affirmatives, comme on vient de le dire, et l’on aura de nouveau le syllogisme du § 1 en Barbara.
  146. Soit à l’extrême mineur, comme au § 3. — Soit aux deux propositions, comme au § 4.
  147. Syllogisme en Darii, à deux prémisses contingentes et à conclusion contingente. — Qu’on a donné, ch. 13, § 4.
  148. Syllogisme en Ferio, à deux prémisses contingentes et à conclusion contingente. — La même, c’est-à-dire, en revenant à la définition donnée plus haut, ch. 13, § 4, de : Pouvoir n’être à aucun.
  149. La même position, c’est-à-dire, l’universelle étant toujours majeure, et la particulière, mineure. C’est le mode inutile AO, rendu concluant par la conversion de la particulière négative en affirmative, et ramené ainsi à Darii. — Qu’auparavant, § 7. — Au début, §§ 3 et 4, et pour la conversion, ch. 13, § 4.
  150. Modes inutiles IA, EO, IE, OA, etc. — Que B ne dépasse A, c’est-à-dire, n’ait plus d’extension que lui et qu’alors il puisse être attribué à un plus grand nombre de sujets. — Se convertissent les unes dans les autres, ch. 13, § 4. — Et que B peut être à plus de choses que A, alors A nécessairement n’est pas à certaines choses auxquelles est B ; et par suite il ne peut être d’aucune façon à C, qui est l’une de ces choses. La conclusion est toujours dans ce cas modale nécessaire, et voilà pourquoi le contingent n’y peut entrer sous aucune forme. — Pour la conclusion affirmative du nécessaire, voici ce faux syllogisme avec les diverses formes que les contingentes peuvent recevoir dans la majeure et dans la mineure : Il se peut que quelque être blanc soit (ou ne soit pas) animal : il se peut que tout homme soit blanc (ou par la conversion, qu’aucun homme ne soit blanc, que quelque homme soit blanc, que quelque homme ne soit pas blanc), donc, nécessairement, tout homme est animal. Cette conclusion doit être modale nécessaire quelle que soit la forme des prémisses ; mais l’on voit aussi qu’il n’y a pas là de syllogisme. — Pour la conclusion négative du contingent : Il se peut que quelque être blanc soit (ou ne soit pas) animal : Il se peut que tout vêtement soit blanc (ou qu’aucun vêtement ne soit blanc, ou que quelque vêtement soit blanc, ou que quelque vêtement ne soit pas blanc), donc, il n’est pas possible qu’aucun vêtement soit animal ; c’est-à-dire : Il est nécessaire qu’aucun vêtement ne soit animal. Il n’y a pas là non plus de syllogisme. C’est qu’en effet, dans ces deux cas, B ayant plus d’extension que A, c’est-à-dire, blanc s’appliquant à plus de sujets qu’animal, puisqu’il s’applique aussi à des choses inanimées, en résulte que A ne peut être contingent à C par B, puisque A n’a qu’un rapport de nécessité, et pas du tout de contingence, avec BC. Alexandre propose, comme termes plus clairs, pour le premier cas : blanc, marchant, cygne ; et pour le second : blanc, marchant, corbeau — Le terme négatif, c’est-à-dire que la conversion négative de la contingence dans la majeure détruit conclusion affirmative du premier syllogisme ; et que la conversion affirmative, dans la majeure contingente du second, en détruit aussi la conclusion négative. — Il a été démontré, dans l’exemple précédent.
  151. Règle générale, avec deux prémisses contingentes, dans la première figure, la conclusion est contingente quand la majeure est universelle : si la mineure est affirmative, la conclusion est directe ; si elle est négative, la conclusion s’obtient par la conversion. La formule d’Aristote n’est pas ici très nette.
  152. Qui en a été donnée, ch. 13, § 2, et qui a été déjà plusieurs fois rappelée.
  153. Et ils seront du contingent, c’est-à-dire, les conclusions seront des modales contingentes. — De la définition donnée, ch. 13, § 2 et 3. — Les privatifs seront non pas du contingent, c’est-à-dire, les conclusions privatives ne seront pas des modales contingentes : elles seront des modales nécessaires, niant ou que l’attribut soit aucunement au sujet, ou qu’il soit à tout le sujet. — Théophraste et Eudème combattaient encore ici Aristote, et soutenaient que l’une des prémisses étant contingente, il fallait toujours que la conclusion fût contingente. Voir plus haut, ch. 9, § 1.
  154. Syllogisme en Barbara, avec majeure et conclusion contingentes.
  155. Syllogisme en Celarent, avec majeure et conclusion contingentes.
  156. , 5. Avec une mineure absolue, Les syllogismes sont complets : si c’était la majeure qui fût absolue, il faudrait démontrer par réduction à l’absurde, c’est-à-dire que les syllogismes seraient incomplets. L’hypothèse se forme alors par la négation du mode. — Quand il en est autrement, c’est-à-dire, quand la majeure est absolue et la mineure contingente.
  157. Avant d’étudier en détail les modes indirects où c’est la mineure, et non plus la majeure, qui est contingente, Aristote explique les règles de la consécution entre l’antécédent et le conséquent ; et il établit qu’ils sont toujours liés entre eux par une parité constante, soit d’existence absolue, soit de nécessité, soit de contingence. — Il pourra aussi être, sans B, ce qui est contraire à la supposition, puisqu’on a par hypothèse que A étant, B est aussi. Voir plus bas, § 10.
  158. Ce qui est dit avec vérité, c’est-à-dire, ce dont l’existence peut être affirmée avec vérité. — Autres sens de possible, Voir, ch. 13, § 2, 3 et 4.
  159. Qu’il a été dit pour le syllogisme, ch. 1, § 8, et ch. 4, § 2. — On a vu, en effet, ch. 4, § 4, syllogisme en Barbara. Aristote change ici les lettres pour éviter la confusion avec les exemples spéciaux de la première figure.
  160. Une hypothèse fausse, c’est le cas du § 5, où il s’agit de démontrer, par réduction à l’absurde, les syllogismes dont la mineure est contingente. — Il a été démontré, Voir plus haut dans ce chapitre, § 6, et la restriction du § 8.
  161. Syllogisme où la majeure est absolue, et la mineure contingente. — Supposons, en effet, qu’il ne le puisse pas, hypothèse fausse, mais non impossible, par la négation du mode. On a dans le nouveau syllogisme : A ne peut être à tout C, majeure donnée par l’hypothèse contradictoire à la première conclusion : B est à tout C, mineure absolue qui est fausse comparée à cette première : B peut être à tout C, mais qui cependant n’est pas impossible : Donc, A ne peut être à tout B, conclusion par la troisième figure, mode Brocardo. Aristote dit seulement pour la majeure : si A ne peut être à C ; Alexandre fait remarquer qu’il faut nécessairement à tout C. — Mais l’on supposait, dans le premier syllogisme : ainsi la conclusion hypothétique est contradictoire à la première majeure : donc la première conclusion est vraie : donc A peut être à tout C. — Par la première figure, en supposant que B est à C, c’est-à-dire, en faisant la mineure absolue au lieu de contingente, et la majeure contingente au lieu d’absolue : A peut être à tout B, B est à tout C, donc A peut être à tout C, syllogisme de la première figure en Barbara, mais dont la conclusion est contradictoire à la majeure du syllogisme précédent de la troisième figure. Ainsi, d’un antécédent impossible, on tirerait un conséquent possible, ce qui a été démontré absurde, §§ 6 et suiv.
  162. Nous faisons des syllogismes. Syllogisme paraît pris ici dans le sens général de raisonnement. — Disposées semblablement, c’est-à-dire que la majeure sera absolue, et la mineure contingente : Tout ce qui se meut est animé, il se peut que tout homme se meuve : nécessairement tout homme est animé, conclusion modale nécessaire sans limitation de temps. Ou bien en limitant le temps dans la majeure : tout ce qui se meut (à un certain moment donné) est homme, il se peut que tout cheval se meuve, nécessairement aucun cheval n’est homme, conclusion vraie, mais qui ne sait pas du tout des prémisses, parce que la limitation du temps a faussé la majeure.
  163. Syllogisme en Celarent, mineure et conclusion contingentes Comme auparavant, § 10. — Voici les deux syllogismes, le premier en Celarent : A n’est à aucun B, B peut être à tout C : donc A peut n’être aucun C : ou bien en prenant la contradictoire pour démontrer le syllogisme par l’impossible, on a, en prenant le nécessaire opposé au contingent : il est nécessaire que A soit quelque C, B est à tout C : donc A est à quelque B, syllogisme en Disamis de la troisième figure. — Mais la conclusion est impossible. En effet cette conclusion : A est à quelque B, contredit la majeure admise du premier syllogisme : A n’est à aucun B ; donc en définitive, A ne peut être à aucun C. C’est qu’en effet d’un antécédent faux, mais possible, on ne peut tirer un conséquent impossible. Voir plus haut, §§ 6 et suiv.
  164. Suivant la définition, donnée, ch. 13, § 2. — Que le terme n’est nécessairement à aucun, c’est-à-dire que la conclusion est modale nécessaire, et universelle négative. — L’hypothèse admise, A est nécessairement à quelque C. — La contradiction opposée, c’est-à-dire, A est à quelque B, contradictoire de la majeure, dans le premier syllogisme : A n’est à aucun B.
  165. Voici le syllogisme en Celarent avec ces trois termes : Aucun être pensant n’est corbeau, il est possible que tout homme soit un être pensant : nécessairement aucun homme n’est corbeau. Ainsi la conclusion est modale nécessaire et non pas contingente.
  166. La conclusion peut aussi, dans ce cas, ne pas affirmer la nécessité : elle peut la nier. — Mais elle n’est pas non plus toujours nécessaire, sous-entendu : et affirmative. — Voici le syllogisme en Celarent : Aucune science n’est mobile : il se peut que tout homme ait la science : donc il se peut qu’aucun homme ne se meuve : ou, en d’autres termes, il n’est pas nécessaire que quelque homme se meuve. Pour rendre dans cet exemple l’évidence plus complète, il faudrait au terme abstrait : science, substituer le terme concret : être savant, qui serait avec homme, dans une relation plus directe et qui rendrait la majeure plus claire. C’est ce qu’Aristote a voulu dire en remarquant, à la fin de ce §, que les termes pourraient être mieux choisis.
  167. La majeure est universelle affirmative absolue ; la mineure et universelle négative contingente : c’est donc le mode inutile AE, de la première figure : il n’y a pas de syllogisme possible, mais en convertissant la mineure, selon les règles indiquées, ch. 13, § 4, on obtient la proposition universelle affirmative contingente, que B peut être à tout C : et alors le syllogisme entier est en Barbara, avec mineure et conclusion contingentes. — Comme plus haut, §§ 2 et 10, où la majeure est absolue et la mineure contingente.
  168. Intervalles pour propositions. — Mode inutile EE de la première figure : mais en convertissant la mineure en universelle affirmative, selon la règle du ch. 13, § 4, on aura un syllogisme en Celarent. — Reste sans changer, c’est-à-dire qu’on ne fasse aucun changement dans la majeure. — Le même syllogisme, celui du § 15.
  169. C’est-à-dire, si la mineure BC est absolue et négative au lieu d’être modale négative contingente, et que la majeure devienne contingente d’absolue qu’elle était : Il se peut que tout animal soit blanc (ou qu’aucun animal ne soit blanc) ; aucune neige n’est animal, il est nécessaire que toute neige soit blanche. — En second lieu, pour la négation du possible, ou l’affirmation du nécessaire : Il se peut que tout animal soit blanc (ou qu’aucun animal ne soit blanc), aucune poix n’est animal : il ne se peut pas que quelque poix soit blanche ; ou, en d’autres termes, il est nécessaire qu’aucune poix ne soit blanche. Ni de part ni d’autre, il n’y a de syllogisme proprement dit.
  170. Règle générale. — Avec les propositions mêmes, quand la mineure est affirmative. — Par la conversion, quand elle est négative. — Nous venons de dire, dans tous les §§ précédents.
  171. Syllogismes complets à majeure universelle, affirmative ou négative, contingente, et à mineure particulière affirmative, absolue. — Que précédemment, plus haut, § 2. Le premier syllogisme avec majeure universelle affirmative, est en Darii ; le second, avec majeure négative, est en Ferio.
  172. Il y a ici quatre modes particuliers indirects : 1° majeure absolue universelle affirmative et mineure contingente particulière affirmative ; 2° majeure absolue universelle négative, et mineure contingente particulière négative ; 3° majeure absolue universelle affirmative et mineure contingente particulière négative ; 4° majeure absolue universelle négative et mineure contingente particulière affirmative. — Les uns, le 1er et le 4e : les autres, le 2e et le 3e : c’est ce qu’Aristote veut dire par la fin de ce §: Il y aura syllogisme par conversion, etc. — Par exemple, si A, etc., avec la majeure affirmative, mode AO, converti en AI par la conversion de la mineure, c’est-à-dire en Darii ; avec la majeure négative, mode EO, converti en EI par la conversion de la mineure, c’est-à-dire, en Ferio. — En tenant compte de la contingence, d’après les règles du ch. 13, § 4.
  173. Syllogisme à majeure universelle, affirmative ou négative contingente, et à mineure particulière négative absolue : Il se peut que tout animal soit blanc (ou qu’aucun animal ne soit blanc), quelque neige n’est pas animal : Nécessairement la beige est blanche. — En second lieu : Il se peut que tout animal soit blanc (ou qu’aucun animal ne soit blanc), quelque poix n’est pas animal : Il est nécessaire que la poix ne soit pas blanche. — Par l’indéterminé, dans les exemples précédents, on a dit : la neige, la poix, sans détermination de quantité, soit universelle, soit particulière.
  174. Modes inutiles IA, OA, IE, OE. La majeure étant contingente ; En premier lieu : Il se peut que quelque être blanc soit animal, tout homme est blanc : Il est nécessaire que tout homme soit animal. — En second lieu : Il se peut que quelque être blanc soit animal : tout vêtement est blanc (ou aucun vêtement n’est blanc) : Il ne se peut que quelque vêtement soit animal ; ou en d’autres termes, il est nécessaire qu’aucun vêtement ne soit animal. — La mineure étant contingente, on aurait les mêmes conclusions, c’est-à-dire qu’il n’y a point ici de syllogisme.
  175. Résumé général des règles précédentes.
  176. De la même façon, que dans le mélange de l’absolu et du contingent au chapitre précédent, c’est-à-dire que la proposition nécessaire se comporte ici, comme plus haut, la proposition absolue. — Qu’ils soient d’ailleurs universels ou qu’ils ne le soient pas. Il faut se rappeler que l’une des deux propositions doit nécessairement être universelle pour qu’il y ait syllogisme. — Pour les cas précédents, c’est-à-dire, dans le mélange du contingent et de l’absolu : le mélange de deux contingents, etc. Voir la définition de contingent, ch. 13, §§ 2 et 3. Mais ici contingent a le sens de non-nécessaire, comme on l’a vu plusieurs fois pour les conclusions négatives du chapitre 15, §§ 18, 23, etc. Voici en résumé les règles tracées dans ce § où l’exposition est peut-être un peu embarrassée : Le mélange du nécessaire et du contingent ressemble beaucoup à celui de l’absolu et du contingent ; avec majeure contingente et mineure nécessaire, il y a syllogisme complet et conclusion contingente dans le sens vrai de la définition : avec majeure nécessaire et mineure contingente, le syllogisme est incomplet : si la proposition nécessaire est négative, la conclusion est négative, soit contingente dans le sens de non-nécessaire, soit même absolue.
  177. Syllogisme en Barbara : Il est nécessaire que A soit à tout B ; il se peut que B soit à tout C : donc il se peut que A soit à tout C. Ce syllogisme est incomplet, en ce sens que la contingence de la conclusion n’est pas évidente. Il faut alors employer, pour la démontrer, les mêmes procédés que précédemment, c’est-à-dire la réduction à l’absurde, en ramenant Barbara à Brocardo de la troisième figure. Si l’on nie qu’il se puisse que A soit à tout C, on admet alors que nécessairement A n’est pas à quelque C : or, par la mineure convertie et absolue, tout B est à C : donc A n’est pas à quelque B, contradictoire de la majeure d’abord admise, que nécessairement A est à tout B. On pourrait encore, par réduction à l’absurde, ramener Barbara à Baroco de la seconde figure, en conservant la majeure et en prenant la conclusion convertie pour mineure. La conclusion nouvelle serait alors contradictoire à la première mineure.
  178. Syllogisme en Barbara, avec majeure et conclusion contingente, et avec mineure nécessaire.
  179. De forme semblable, c’est-à-dire toutes deux de même qualité. Le syllogisme est en Celarent, avec majeure modale nécessaire, mineure contingente, et conclusion absolue. On démontre ceci par l’élection à l’absurde, c’est-à-dire, en ramenant Celarent à Ferio. Voici le premier syllogisme : Nécessairement A n’est à aucun B ; B peut être à tout C : donc A n’est à aucun C. Si l’on nie cette conclusion, on prend alors sa contradictoire, et on en fait la mineure d’un nouveau syllogisme, en convertissant la majeure : Nécessairement B n’est à aucun A : A est à quelque C ; donc nécessairement B n’est pas à quelque C. Mais ceci contredit la mineure admise de premier syllogisme : B peut être à tout C : donc la première conclusion et vraie, et A n’est à aucun C. — Il y a aussi syllogisme de : pouvoir ne pas être, syllogisme pris encore pour conclusion ; c’est-à-dire que du moment qu’une chose n’est pas réellement, c’est qu’elle peut ne pas être. Par conséquent, cette première conclusion entraîne nécessairement la seconde.
  180. Autre syllogisme en Celarent, où c’est la mineure, et non plus la majeure, qui est nécessaire : A peut n’être à aucun B ; nécessairement B est à tout C : donc A peut n’être à aucun C. — A reçu cette forme, c’est-à-dire que la majeure est modale contingente comme la conclusion. — Aucune impossibilité, c’est-à-dire que la conclusion ne donne pas de proposition contradictoire à l’une de celles qui ont été précédemment admises. En effet, mettant le syllogisme en forme, avec cette nouvelle majeure donnée par l’hypothèse, on a : A est à quelque C ; A peut n’être à aucun B, prémisses IE qui ne peuvent donner de conclusion dans la seconde figure ; et par conséquent on n’a point de contradictoire à l’une des propositions précédentes ; ou, comme dit le texte, point d’impossibilité. Alexandre lisait pour la proposition hypothétique : A n’est à aucun C, au lieu de : A est à quelque C, leçon aujourd’hui vulgaire, et que donnaient déjà de son temps quelques manuscrits. Il me semble que c’est la véritable, parce que pour tenter la réduction à l’absurde, il faut prendre la contradictoire de la première conclusion, et cette contradictoire est : A est à quelque C.
  181. Syllogisme à majeure nécessaire affirmative, et à mineure contingente négative. On le ramène à Barbara par la conversion de la mineure en contingente affirmative, d’après les règles du ch. 13, § 4. — Comme précédemment, ch. 15, § 16.
  182. Exprime la non-contingence, c’est-à-dire, si la mineure est nécessaire, la majeure devenant contingente, l’une et l’autre gardant la quantité du § précédent. — Quand les deux propositions sont privatives, c’est-à-dire, quand la majeure est contingente négative, et la mineure nécessaire négative, toutes deux étant universelles. — Le contingent est joint à l’extrême mineur, c’est-à-dire que la majeure est nécessaire négative, et la mineure contingente négative, toutes deux étant universelles. — Les termes, du reste, sont pareils, que plus haut, ch. 15, § 22. En premier lieu : Il se peut que tout animal soit blanc ; nécessairement aucune neige n’est animal : nécessairement toute neige est blanche. — Il se peut que tout animal soit blanc : Nécessairement aucune poix n’est animal : nécessairement aucune poix n’est blanche. Pour rendre les exemples plus clairs, Alexandre propose de remplacer animal par cheval : Point de syllogisme ni de part ni d’autre, soit pour l’affirmation, soit pour la négation. On pourrait en avoir en faisant la mineure contingente. Aristote ne donnant pas de termes, je prends ceux des commentateurs : Nécessairement aucun être blanc n’est noir ; il se peut que tout homme soit blanc : donc il se peut qu’aucun homme ne soit noir.
  183. Syllogisme en Ferio. — Si, par exemple, A peut n’être à aucun B, il faudrait plus régulièrement : A nécessairement n’est à aucun B. — Car, s’il est à tout, hypothèse conduisant à l’absurde. On ramène ainsi Ferio à Celarent par la conversion simple de la majeure nécessaire universelle négative gardée pour majeure, et avec la contradictoire de la première conclusion prise pour mineure. On obtient alors une conclusion nécessaire qui contredit la mineure contingente qu’on avait d’abord admise.
  184. Deux syllogismes, le premier en Ferio, avec majeure contingente et mineure nécessaire ; le second en Darii, à majeure nécessaire et à mineure contingente. — Dans le syllogisme privatif, par exemple, B C. — Dans le syllogisme affirmatif, comme A B, Aristote veut indiquer ici les deux syllogismes qui doivent suivre, puisqu’il reprend la démonstration précédente, mais il ne les donne pas cependant en forme. Les voici : 1° Ferio : Il se peut qu’aucun homme ne soit blanc ; nécessairement quelque animal est homme : donc il se peut que quelque animal ne soit pas blanc. — 2° Darii : Il est nécessaire que tout être blanc soit coloré ; il se peut que quelque homme soit blanc : donc il se peut que quelque homme soit coloré. — De part et d’autre la conclusion est contingente et non point absolue ; BC désigne la mineure du premier syllogisme, et AB, la majeure du second.
  185. Modes inutiles à majeure particulière nécessaire, et à mineure universelle contingente, soit affirmatives, soit négatives : Nécessairement quelque être blanc est (ou n’est pas) animal ; il se peut que tout homme (ou qu’aucun homme ne) soit blanc : nécessairement tout homme est animal. — Nécessairement quelque être blanc est ou n’est pas animal ; il se peut que tout vêtement (ou qu’aucun vêtement ne) soit blanc : il ne se peut pas, ou il est nécessaire, qu’aucun vêtement ne soit animal. Il n’y a point là, comme on le voit, de syllogismes.
  186. Modes inutiles à majeure particulière nécessaire, et à mineure universelle contingente, soit affirmatives, soit négatives : Nécessairement quelque être blanc est (ou n’est pas) animal ; il se peut que tout homme (ou qu’aucun homme ne) soit blanc : nécessairement tout homme est animal. — Nécessairement quelque être blanc est ou n’est pas animal ; il se peut que tout vêtement (ou qu’aucun vêtement ne) soit blanc : il ne se peut pas, ou il est nécessaire, qu’aucun vêtement ne soit animal. Il n’y a point là, comme on le voit, de syllogismes.
  187. Il se peut que quelque être blanc soit (ou ne soit pas) animal ; nécessairement tout cygne est blanc ; nécessairement tout cygne est animal. — Il se peut que quelque état blanc soit (ou ne soit pas) animal ; nécessairement toute neige est blanche : nécessairement aucune neige n’est animal. Pas de syllogismes.
  188. Voici les deux premiers syllogismes faux, quand c’est la majeure qui est contingente : Il se peut que l’être blanc soit (ou ne soit pas) animal ; nécessairement l’homme est (ou n’est pas) blanc : nécessairement tout homme est animal. — Il se peut que l’être blanc soit (ou ne soit pas) animal ; nécessairement l’inanimé est ou n’est pas blanc ; nécessairement aucun être inanimé n’est animal. Voici les deux autres faux syllogismes, quand c’est la mineure qui est contingente. Nécessairement l’être blanc est (ou n’est pas) animal ; il se peut que l’homme soit (ou ne soit pas) blanc : nécessairement tout homme est animal. — Nécessairement l’être blanc est (ou n’est pas) animal ; il se peut que tout être inanimé soit blanc : nécessairement aucun être inanimé n’est animal. — Il en est de même pour le contingent, c’est-à-dire quand la mineure est contingente, comme dans les deux derniers modes.
  189. C’est-à-dire, que les propositions soient absolues ou qu’elles soient modales nécessaires, elles se comportent tout à fait de même dans le mélange avec le contingent. L’expression du texte est ici un peu trop concise
  190. Autre syllogisme en Celarent, où c’est la mineure, et non plus la majeure, qui est nécessaire : A peut n’être à aucun B ; nécessairement B est à tout C : donc A peut n’être à aucun C. — A reçu cette forme, c’est-à-dire que la majeure est modale contingente comme la conclusion. — Aucune impossibilité, c’est-à-dire que la conclusion ne donne pas de proposition contradictoire à l’une de celles qui ont été précédemment admises. En effet, mettant le syllogisme en forme, avec cette nouvelle majeure donnée par l’hypothèse, on a : A est à quelque C ; A peut n’être à aucun B, prémisses IE qui ne peuvent donner de conclusion dans la seconde figure ; et par conséquent on n’a point de contradictoire à l’une des propositions précédentes ; ou, comme dit le texte, point d’impossibilité. Alexandre lisait pour la proposition hypothétique : A n’est à aucun C, au lieu de : A est à quelque C, leçon aujourd’hui vulgaire, et que donnaient déjà de son temps quelques manuscrits. Il me semble que c’est la véritable, parce que pour tenter la réduction à l’absurde, il faut prendre la contradictoire de la première conclusion, et cette contradictoire est : A est à quelque C.
  191. Lorsque les propositions sont toutes deux contingentes. Ce cas sera étudié dans le présent chapitre. — L’une des propositions étant absolue et l’autre contingente. Voir le chapitre 18. — L’une des propositions est nécessaire et l’autre contingente. Voir le chapitre 19. — Précédemment, ch. 13, § 2 et suiv., et ch. 3, § 5 et suiv.
  192. La proposition contingente négative ne peut se convertir en ses propres termes. Ainsi cette proposition : A peut n’être à aucun B, ne se convertit pas en celle-ci : B peut n’être a aucun A. En effet, A pouvant n’être à aucun B, il peut aussi être à tout B, et B pouvant n’être à aucun A, il peut aussi être à tout A : ainsi la proposition universelle contingente : A peut être à tout B, se convertirait en ses propres termes : B peut être à tout A : ce qui a été démontré faux, ch. 3, § 5. Théophraste et Eudème soutenaient, au contraire, que la proposition contingente universelle négative, pouvait se convertir en ses propres termes Alexandre prend parti contre eux pour Aristote. Voir plus haut, ch. 13, § 4, et ch. 15, § 1.
  193. Autre argument qui prouve que la conversion est impossible. C’est que, d’une part, A peut n’être à aucun B, tandis qu’il y a nécessité que B ne soit pas à quelque A. Si donc la proposition contingente négative pouvait se convertir en ses propres termes, on confondrait alors le contingent et le nécessaire, bien qu’ils soient fort distincts, comme on l’a dit, ch. 13, §§ 2 et 3. — N’a pas été confondu, ch. 3 et 13.
  194. Autre argument pour prouver que la conversion de la contingente universelle négative est impossible : on ne peut, en aucune manière, la réduire à l’absurde. Ainsi, à cette proposition : B peut n’être à aucun A, la contradictoire est : B ne peut pas n’être à aucun A. Or, cette proposition a deux sens possibles : d’abord que B est nécessairement à quelque A ; ou bien que nécessairement il ne soit pas à quelque A. Ainsi on ne peut réduire à l’absurde la négation de la proposition contingente universelle négative, convertie en ses propres termes, parce qu’alors on a également, soit l’affirmation, soit la négation. — Pouvoir être à tout, etc. Cette proposition a deux opposées ; sa contraire : pouvoir n’être à aucun, en aura aussi deux. — Notre définition antérieure, ch. 13, § 2 et suiv. — Et par suite, il n’y a plus de syllogisme, c’est-à-dire qu’on ne peut réduire à l’absurde.
  195. Après avoir prouvé que la contingente universelle négative ne peut se convertir, il faut prouver, ainsi qu’il a été dit au § 1, que, dans la seconde figure, il n’y a pas de syllogisme possible avec deux contingentes. — De ce genre, c’est-à-dire, contingente universelle négative qui est prise ici comme majeure. — Ne peut avoir de conversion, par conséquent, ne peut être ramené de la seconde figure à la première qui le compléterait. — Car en supposant. Voici le premier syllogisme : Il se peut que A ne soit à aucun B : il se peut que A soit à tout C : donc il se peut que B ne soit à aucun C. — En prenant la contradictoire de cette conclusion pour essayer de réduire à l’absurde, on a, la majeure ne pouvant se convertir : Il se peut que A ne soit à aucun B, nécessairement B est à tout C : donc il se peut que A ne soit pas à tout C, conclusion qui ne contredit pas du tout la première ; car dès qu’une chose est contingente, elle peut à la fois être ou n’être pas. — Par des termes, c’est-à-dire, en prenant des exemples positifs. — Il se peut que nul homme ne soit blanc : il se peut que tout cheval soit blanc : Nécessairement aucun cheval n’est homme, conclusion modale nécessaire.
  196. Dans un ordre inverse, c’est-à-dire, si l’on rendait la majeure affirmative et la mineure négative : Il se peut que tout homme soit blanc : Il se peut qu’aucun cheval ne soit blanc : Nécessairement aucun cheval n’est homme. — On pourrait encore faire les deux prémisses universelles affirmatives, ou universelles négatives, la conclusion ne changerait pas.
  197. La démonstration pourra toujours se faire par les mêmes termes, c’est-à-dire, la conclusion restera toujours : Nécessairement aucun cheval n’est homme.
  198. La démonstration serait la même, avec les mêmes termes que dans les exemples précédents.
  199. Syllogisme en Cesare ramené à Celarent.
  200. Quand on mettrait le privatif à C, c’est-à-dire, si l’on faisait la majeure affirmative, et la mineure négative, toutes deux universelles. Le syllogisme est alors en Camestres, ramené à Celarent par conversion et transposition.
  201. Exprime : ne pas être, c’est-à-dire, si la proposition est absolue négative. — La possibilité de ne pas être, c’est-à-dire, si l’autre proposition est contingente négative. — Mais en convertissant la proposition contingente, c’est-à-dire, en faisant de la contingente négative une contingente alternative, d’après les règles des ch. 3 et 13. Le syllogisme est alors en Cesare ou en Camestres, selon qu’on fait contingente, soit la majeure, soit la mineure ; et on ramène ces deux modes à Celarent de la première figure.
  202. Il se peut que tout animal soit sain ; tout homme est sain : Nécessairement tout homme est animal. — Il se peut que tout cheval soit sain ; tout homme est sain : Nécessairement aucun homme n’est cheval. Les conclusions seraient toujours les mêmes si l’on faisait passer la contingence de la majeure à la mineure, et l’absolu, de la mineure à la majeure.
  203. Pour les syllogismes particuliers, c’est-à-dire, où l’une des prémisses est particulière. — Précédemment, § 5.
  204. Syllogisme en Festino, avec majeure absolue négative, ramené à Ferio par conversion simple de la majeure.
  205. Intervalles, pour propositions. — Syllogisme à majeure absolue universelle, et à mineure contingente particulière, toutes deux négatives. — Le contingent étant converti, c’est-à-dire, de négatif devenant affirmatif, ch. 3 et 13.
  206. Modes inutiles, où la mineure absolue étant particulière négative, la majeure serait contingente universelle, soit affirmative, soit négative.
  207. Les mêmes termes, par exemple, avec deux particulières affirmatives : Il se peut que quelque cheval soit sain ; quelque homme est sain : Nécessairement aucun homme n’est cheval.
  208. Règle générale, répétée aussi plus bas, § 15, et annoncée déjà plus haut, ch. 17, § 1.
  209. Syllogisme en Cesare ramené à Celarent par la conversion simple de la majeure. — Car supposons qu’il y soit, démonstration par l’absurde que non seulement il est possible que B ne soit à aucun C, mais encore qu’il n’y est pas d’une manière absolue. On obtiendrait ainsi une conclusion qui contredirait la mineure admise du premier syllogisme.
  210. Si le privatif s’appliquait à C, c’est-à-dire, si la mineure était négative à la place de la majeure ; le syllogisme est alors en Camestres ramené à Celarent par la conversion simple de la mineure et de la conclusion, et par la transposition des prémisses.
  211. Que l’affirmatif maintenant soit nécessaire. C’est le second cas du § 1, c’est-à-dire que c’est la proposition affirmative, et non plus la négative, qui est modale nécessaire : Il se peut qu’aucun homme ne soit blanc : nécessairement tout cygne est blanc : Nécessairement aucun cygne n’est homme. — Il n’y a pas de syllogisme du contingent, c’est-à-dire, pas de conclusion modale contingente. — Le nécessaire résultait. Voir plus haut, ch. 8, 9, 10, 11. — Si, par exemple, C est éveillé. Alexandre d’Aphrodise propose de substituer : marchant à : éveillé, pour rendre la relation de l’idée de mouvement plus évidente. Voici le syllogisme d’après Aristote : Il se peut qu’aucun animal ne se meuve ; il est nécessaire que tout être éveillé se meuve ; Tout être éveillé est animal. — Il n’y a pas non plus de syllogisme des propositions opposées, c’est-à-dire qu’on ne peut obtenir non plus les conclusions opposées à celles qu’on vient d’indiquer. Or, on a démontré qu’on ne pouvait obtenir ici de conclusion négative, ni contingente, ni nécessaire, ni absolue. Les conclusions opposées seraient des conclusions affirmatives, soit contingentes, soit nécessaires, soit absolues. Pour rendre les exemples du texte plus clairs, Alexandre propose de mettre : entrant, à la place de : éveillé, parce que le mouvement appartient plus évidemment à celui qui entre qu’à celui qui veille. — Il paraît aussi que de son temps les manuscrits portaient : affirmations opposées au lieu de : propositions opposées ; il accepte lui-même cette dernière leçon qui est devenue la leçon vulgaire.
  212. L’affirmative placée à l’inverse. Dans tous les syllogismes précédents, on a placé l’affirmation à la majeure : ce serait alors la placer à la mineure, et dire, par exemple, en reprenant l’exemple du § 4 : Nécessairement tout cygne est blanc : il se peut qu’aucun homme ne soit blanc : Nécessairement aucun homme n’est cygne.
  213. De même forme, c’est-à-dire, de même qualité. — Comme dans les cas précédents, c’est-à-dire, de négative en affirmative, d’après les règles des chapitres 3 et 13.
  214. En convertissant les propositions. Le syllogisme se forme alors en Celarent.
  215. Si l’on joint le privatif à C, c’est-à-dire, si l’on fait la mineure négative nécessaire au lieu de la majeure.
  216. Parce qu’il n’y a point ici de proposition privative, ni absolue, ni nécessaire. Or il faut une négative, soit absolue, soit nécessaire, dans les prémisses, poursuit une conclusion négative, soit absolue, soit nécessaire. — B nécessairement ne sera pas à C : Nécessairement tout cygne est blanc ; il se peut que tout homme soit blanc : Nécessairement aucun homme n’est cygne. — Syllogisme des énonciations opposées, c’est-à-dire, syllogisme où la conclusion serait opposée à la conclusion précédente.
  217. Syllogismes particuliers, c’est-à-dire, où la conclusion est particulière. La règle est la même que pour les conclusions universelles, en ce qu’il faut également ici que la privative soit nécessaire. Le syllogisme est, du reste, en Festino que l’on ramène par la conversion de la majeure à Ferio. — Syllogisme du contingent, c’est-à-dire, conclusion contingente négative.
  218. Par les mêmes termes : Il se peut qu’aucun homme ne soit blanc : nécessairement quelque cygne est blanc : Nécessairement aucun cygne n’est homme. — Il se peut qu’aucun animal ne se meuve : nécessairement quelque être éveillé se meut : Nécessairement tout être éveillé est animal. Voir plus haut, § 4.
  219. Comme ci-dessus : Nécessairement tout cygne est blanc : il se peut que quelque homme soit blanc : Nécessairement aucun homme n’est cygne. On pourrait encore faire la majeure contingente et la mineure nécessaire, et aussi la majeure particulière et la mineure universelle, dans les deux cas.
  220. Syllogisme en Festino ramené à Ferio par la conversion simple de la majeure nécessaire.
  221. Confirmation nouvelle de la règle générale du § 1. — Avec l’affirmative. Sous-entendu : nécessaire universelle.
  222. C’est-à-dire que les propositions absolues se comportent tout à fait comme les nécessaires, dans le mélange avec le contingent.
  223. Incomplets, parce qu’ils sont tous de la seconde figure et que tous les syllogismes de la seconde complètent par la première. Voir ch. 5.
  224. Dans ce paragraphe, Aristote expose, comme au chapitre 17, le sujet des deux chapitres suivants qui comprennent le mélange de l’absolu et du contingent, et le mélange du nécessaire et du contingent, dans la troisième figure. — Comme précédemment, ch. 19, § 3. — Dans le même sens. Voir la définition du contingent, ch. 13, § 2. — Le contingent des conclusions, les propositions contingentes qui sont les conclusions.
  225. Syllogisme en Darapti, ramené à Darii de la première figure, par la conversion de la mineure universelle en particulière.
  226. Syllogisme en Felapton réduit à Ferio de la première figure par la conversion de la mineure universelle en particulière.
  227. Les deux propositions sont d’abord contingentes universelles négatives. On les convertit en universelles affirmatives d’après les règles du ch. 3, § 4, et du ch. 13 ; et après cette conversion, le syllogisme est en Darapti ramené, comme plus haut, à Darii de la première figure.
  228. Il y aura et il n’y aura pas de syllogisme, dans les mêmes cas où il y en a et n’y en a pas avec les propositions absolues.
  229. Syllogisme en Datisi, ramené à Darii par conversion simple de la mineure particulière.
  230. Syllogisme en Disamis, BC la mineure étant universelle, ramené à Darii de la première figure par conversion simple de la majeure et de la conclusion, et par transposition des prémisses.
  231. Syllogisme en Ferison, ramené à Ferio de la première figure par conversion simple de la mineure.
  232. Les deux propositions sont d’abord négatives : on les convertit en affirmatives, selon les règles du ch. 3, et le syllogisme devient possible comme au § 4.
  233. Il se peut que quelque être blanc soit animal ; il se peut que quelque être blanc soit homme : Nécessairement tout homme est animal. — Il se peut que quelque être blanc soit cheval : il se peut que quelque être blanc soit homme : Nécessairement aucun homme n’est cheval. — Pas de syllogisme ni de part ni d’autre, parce que les deux propositions sont particulières.
  234. Dans les exemples antérieurs, ch. 20.
  235. Syllogisme en Darapti, ramené à Darii de la première figure, par la conversion de la majeure universelle en particulière. — On a vu, ch. 15 et 16.
  236. Syllogisme à majeure contingente et mineure absolue, à l’inverse du syllogisme précédent ; du reste il est toujours en Darapti, ramené de même à Darii. — Et encore A C étant privative, et B C affirmative, syllogisme en Felapton, ramené à Ferio par la conversion de la mineure universelle en particulière. Dans le premier cas, la majeure est absolue, la mineure est contingente, ainsi que la conclusion ; dans le second, c’est la majeure et la conclusion qui sont contingentes, et la mineure est absolue. — Il a été démontré, ch. 15 et 16.
  237. Les propositions sont d’abord : 1° la majeure absolue affirmative et la mineure contingente négative : on conserve la majeure et l’on convertit la mineure en affirmative, d’après les règles du ch. 3, § 4. Le syllogisme revient alors en Darapti. 2° La majeure absolue négative, et la mineure contingente négative : on conserve la majeure, et l’on convertit la mineure en affirmative d’après les règles du ch. 3 : le syllogisme revient alors en Fetapton.
  238. Ce § renferme l’indication de six syllogismes ; deux en Disamis, le premier avec majeure absolue et mineure contingente, et le second à l’inverse : deux en Datisi, avec les mêmes conditions : et enfin deux en Ferison, de même ; ramenés tous les six par les procédés connus aux modes correspondants de la première figure.
  239. Syllogisme en Brocardo, ramené à Barbara de la première figure par réduction à l’absurde : Il se peut que A ne soit pas à quelques : B est à tout C ; donc il se peut que A ne soit pas à quelque B. Supposons que nécessairement A soit à tout B : B est à tout C : Donc nécessairement A est à tout C, conclusion contradictoire à la majeure admise dans le premier syllogisme.
  240. Les mêmes termes, ch. 19, et 20. Animal, homme, blanc : cheval, homme, blanc.
  241. Les termes étant affirmatifs, c’est-à-dire, les deux propositions étant affirmatives. — Il y aura toujours syllogisme du contingent, c’est-à-dire conclusion contingente. — Le 1er § contient le résumé des règles qui seront développées dans tout ce chapitre. — Non plus que dans les autres figures, On a déjà vu, plus haut, ch. 5, § 1, que Théophraste et Eudème différaient en ceci d’Aristote, et qu’en général ils attaquaient toute sa théorie sur les conclusions des syllogismes modaux. L’ouvrage spécial d’Alexandre sur ce point difficile, n’est pas parvenu jusqu’à nous : mais il atteste ici, qu’il s’était occupé de ces dissentiments avec beaucoup de soin, dans ce livre et dans ses Commentaires logiques, que nous ne possédons pas non plus, et qu’il ne faut pas confondre avec le seul que nous ayons de lui sur le premier livre des Premiers Analytiques.
  242. Syllogisme en Darapti, ramené à Darii par conversion de la mineure universelle en particulière. — Et que C peut être à quelque B, par la conversion particulière de la première mineure. — Car c’est là ce qu’on obtenait, c’est-à-dire, une conclusion contingente, ch. 16, § 9.
  243. Autre syllogisme en Darapti où c’est la mineure et non plus la majeure qui est nécessaire, et où la majeure devient contingente à la place de la mineure.
  244. Syllogisme en Felapton, amené à Ferio par conversion particulière de la mineure. La majeure est contingente, et la mineure nécessaire. — Les propositions étaient ainsi, ch. 16, §§ 8, 9.
  245. Si c’est la proposition privative qui est nécessaire, c’est-à-dire, la majeure de Felapton. — L’affirmatif B, c’est-à-dire, la mineure. — Quand les propositions étaient ainsi, ch. 16, § 8.
  246. Les propositions sont d’abord une majeure nécessaire et une mineure contingente négative que l’on convertit, comme auparavant, et d’après les règles des chapitres 3 et 13, en contingente affirmative. Le syllogisme revient alors en Darapti.
  247. Il se peut que tout homme dorme : nécessairement aucun homme n’est un cheval dormant : Nécessairement tout cheval dormant dort. — Il se peut que tout homme dorme : nécessairement aucun homme n’est un cheval éveillé ; Nécessairement aucun cheval éveillé ne dort. — Il n’y a de syllogisme possible ni de part ni d’autre.
  248. Si tous les deux sont affirmatifs, deux syllogismes en Disamis, en faisant varier de la majeure à la mineure la contingente et la nécessaire : deux syllogismes en Datisi, avec les mêmes conditions. — Et de même aussi, quand l’un des deux est privatif, deux syllogismes en Ferison, avec les mêmes conditions. Les quatre premiers sont ramenés à Darii, les deux autres à Ferio.
  249. La mineure est d’abord une contingente négative que l’on convertit en affirmative, ch. 3, § 4 ; et le syllogisme revient alors en Disamis.
  250. Par les mêmes termes, § 7, plus haut.
  251. Ce qui a été dit, ch. 7 où il a été démontré que tous les modes des diverses figures se réduisent aux deux universels de la première, Barbara et Celarent. — Tout syllogisme quelconque, y compris les hypothétiques.
  252. Les syllogismes ostensifs sont ceux qui concluent avec les données initiales, soit directement sans les changer, soit indirectement par la conversion : les syllogismes hypothétiques sont ceux où l’on prouve que la contradictoire d’une conclusion précédente mène à une absurdité, et qu’ainsi cette conclusion est vraie.
  253. Voici les deux parties de ce chapitre : du § 4 au § 10, il sera prouvé que tous les syllogismes ostensifs se ramènent aux trois figures. Du § 11, à la fin, il sera prouvé qu’il en est de même des syllogismes hypothétiques.
  254. Une chose d’une autre, c’est-à-dire, un sujet, et un attribut relatif à ce sujet.
  255. Au point de départ, on fait une pétition de principe, la proposition étant, du reste, soit affirmative, soit négative.
  256. Rien de nécessaire. Voir la définition du syllogisme, ch. 1, § 8.
  257. Si l’on attribue encore A à un autre objet, A est alors attribut des deux termes, c’est la seconde figure, — ou un autre objet à A, A est alors attribut et sujet, c’est la première figure, — ou un autre objet C, C est alors sujet de deux termes, c’est la troisième figure. — Il n’y en aura pas encore relativement à B, parce que B n’a pas été compris dans les attributions. — Quelque terme moyen, Voir la définition du syllogisme, ch. 1, § 8, et la définition des figures, ch. 4, 5, 6.
  258. Aristote établit ici qu’il ne peut y avoir que trois figures du syllogisme, parce qu’il n’y a que trois positions possibles du moyen : attribut et sujet, c’est la première figure : deux fois attribut, c’est la seconde ; deux fois sujet, c’est la troisième. Voir plus haut, ch. 7, § 2.
  259. Le syllogisme est alors composé et devient un sorite.
  260. La réduction à l’absurde se fait toujours par un syllogisme ostensif qui rentre dans l’une des trois figures — Le diamètre est incommensurable, au côté ou à la circonférence. Voici cette démonstration par l’absurde, d’après Alexandre d’Aphrodise qui la tire du 10e livre d’Euclide. Supposons la diagonale et le côté commensurables. Le rapport sera exprimé par deux nombres qu’on peut toujours supposer premiers entre eux. Soit donc un carré dont la diagonale soit 4, et le côté 3, premiers entre eux ; comme le carré fait sur l’hypoténuse est double du quarré fait sur le côté, on aura pour le premier 16, et pour le second 9 ; 16 et 9, carrés de 4 et de 3 sont premiers entre eux comme leurs racines : or les nombres qui représentent les carrés sont entre eux comme ces carrés eux-mêmes : donc 9 serait la moitié de 16, puisque le carré du côte est la moitié de celui de l’hypoténuse. 16 est un nombre carré qui se divise en deux parties égales, sa moitié doit donc se diviser en deux parties égales : donc 9 est pair comme 16 lui-même : absurdité évidente qui prouve que le côté et la diagonale sont commensurables. Resterait à examiner le cas où les deux nombres premiers sont des pairs : la démonstration serait, du reste, toute pareille. — Nous avons dit, du § 4 au § 10. Voir plus haut dans ce ch., § 3.
  261. Pour tous les autres syllogismes hypothétiques, ceci prouve évidemment qu’Aristote a connu les syllogismes hypothétiques, et qu’il n’a pas borné ses recherches, comme on l’a trop souvent répété, aux syllogismes par réduction à l’absurde, qui ne sont, comme il le dit lui-même, § 2, qu’une partie des syllogismes hypothétiques. Il semble même annoncer, ch. 29, § 7, qu’il étudiera toutes les espèces du syllogisme hypothétique ; mais cette partie de ses travaux n’est pas parvenue jusqu’à nous ; ou le temps ne lui a pas permis de l’accomplir. — À la proposition ajoutée. L’hypothèse ou la proposition ajoutée, sert à former un syllogisme ostensif. — Soit par assentiment, quand l’adversaire convient de la fausseté évidente de la contradictoire, et par conséquent de la vérité de la conclusion initiale qu’il niait d’abord, — soit par quelque autre hypothèse, c’est-à-dire qu’on ne prend plus, comme dans la réduction à l’absurde, la contradictoire ; mais on fait une hypothèse différente qui sert à prouver également la première conclusion.
  262. Aux syllogismes universels, ch. 7, § 7 et suiv.
  263. L’un des termes soit affirmatif, C’est ce dont on peut se convaincre par l’examen de tous les modes indiqués dans les chapitres précédents. Il n’en est pas un seul, où l’une des propositions, au moins, ne soit affirmative. Dans les syllogismes les propositions contingentes, les deux peuvent être d’abord négatives ; mais on a vu que pour mettre le syllogisme en forme, il fallait toujours en convertir une au moins en affirmative. — Et qu’il y ait de l’universel, la proposition ne peut avoir que trois formes possibles, sous le rapport de la quantité : universelle, indéterminée, particulière : Tout plaisir, le plaisir, quelque plaisir. Aristote prouve, par l’exemple qu’il développe, que l’indéterminée et la particulière ne fournissent pas de syllogisme : reste donc l’universelle qui seule peut en donner. — Par les figures géométriques, mot à mot : dans les tracés. Je crois qu’Aristote a voulu joindre ici, à l’exemple moral qui précède, un exemple sensible où les yeux pussent suivre son raisonnement. Je ne pense pas qu’il ait voulu dire seulement que dans les démonstrations de géométrie, il fallait toujours, comme dans les autres syllogismes, une proposition universelle. — Pour bien comprendre ceci, il faut tracer la figure réelle. Le sommet du triangle sera le centre de la circonférence qui passera par les sommets de chacun des deux angles de la base ; AC, BD, désignent ici la somme de chacun des angles E et F du triangle, joints aux petits angles formés sous la base, par la base elle-même et la section du cercle qu’elle intercepte. Ces petits angles sont désignés par C et D. Ici, du reste, on peut trouver qu’Aristote et ses commentateurs ont pris une route trop longue et trop difficile. On pouvait, en se bornant aux angles adjacents à la base, prouver que, si d’abord l’on n’admet pas d’une manière générale que les angles sont égaux quand ils interceptent sur la circonférence une section égale, on ne peut conclure que les angles adjacents sont égaux. La démonstration eût été, dans ce cas, beaucoup moins compliquée : et l’on aurait évité l’inconvénient de prendre des angles formés d’une droite et d’une courbe, qui, scientifiquement parlant, ne sont pas des angles. — À moins qu’on ne pose d’abord, Proposition universelle, indispensable au syllogisme pour qu’il soit possible. Voir la règle établie au début du §.
  264. La conclusion universelle n’est possible que quand les deux prémisses sont universelles, Barbara, Celarent, Cesare, Camestres : mais les deux prémisses peuvent être universelles sans que la conclusion le soit, Darapti, Felapton. La conclusion particulière, est possible, quand l’une des prémisses est particulière, ou même les deux étant universelles.
  265. Les autres modes d’attribution, les modales autres que nécessaires, contingentes ; c’est-à-dire, vraies, probables, etc., et telles autres modifications dont les propositions pourront être affectées. Voir l’Herméneia, ch. 12, § 9, et plus bas, ch. 29, § 11.
  266. Il est possible, c’est-à-dire, incomplet, dans la seconde et la troisième figures. — Que l’on a indiquées, dans les chapitres 4, 5, 6, etc. où il a été traité des modes utiles du syllogisme dans chaque figure, et des modes inutiles.
  267. Démonstration est pris ici pour syllogisme : Voir à la fin du § 5, dans ce chapitre.
  268. E étant la conclusion, il se présente plusieurs cas : ou elle est démontrée par des propositions toutes différentes, AB, et CD ; ou elle est démontrée par des propositions qui se suivent en s’enchaînant, AB donnant sa majeure à AC, et sa mineure BC qui prend pour majeure la mineure de AB. De toute manière, il y a plusieurs syllogismes, et chaque syllogisme n’a jamais que trois propositions.
  269. Il peut encore se faire que chacune des propositions du premier syllogisme ait besoin d’être elle-même démontrée par des prosyllogismes, ou bien que l’une soit démontrée par prosyllogisme et l’autre par induction. Voir liv. 2, ch. 33. — Qui sont A, B et C, A, conclusion du premier prosyllogisme, est la majeure du syllogisme principal ; B, conclusion du second prosyllogisme, en est la mineure : C en est la conclusion.
  270. Le syllogisme est alors composé ; en d’autres termes, c’est un sorite qui peut se résoudre lui-même en plusieurs syllogismes n’ayant chacun que trois termes.
  271. Pour démontrer C par A B, Syllogisme simple trois termes : si l’on nie qu’il ne faille que trois termes, on suppose alors qu’une conclusion quelconque, E par exemple, peut s’obtenir par quatre termes ABCD. — Démontré précédemment, ch. 23, § 4, et ch. 24, § 6. — Si c’est E, le syllogisme n’a alors que trois termes. — Et cette conclusion, le nombre des termes reste toujours le même — Comme on l’a supposé plus haut, § 4, C’est le cas du sorite. — Ces données seront inutiles, car il n’y aura pas de lien syllogistique entre ces termes. — Pour en tirer une induction, Voir les Topiques, liv. 8, ch. 1, § 7 et 8. — Qui ne se rapportent pas au sujet, car le sujet est E qu’on doit nécessairement avoir dans la conclusion et qu’il s’agit de prouver. — Alexandre voudrait mettre : si l’on ne tire aucune conclusion de AB, au lieu de : CD, parce qu’on a déjà démontré pour CD, et que AB reste seul à démontrer.
  272. Ceci explique fort bien l’expression d’intervalles, pris pour propositions. Entre trois points donnés, entre trois termes, il n’y a que deux intervalles possibles. — Antérieurement, pour compléter les syllogismes, c’est-à-dire, les propositions converties et les réductions à l’absurde. Voir dans les ch. 2, 5, 6, les règles de la conversion.
  273. De conclusions antécédentes, c’est-à-dire, de prosyllogismes.
  274. Propositions essentielles, c’est-à-dire, indispensables pour le former. Il s’agit donc ici de syllogismes simples, et au § suiv. de syllogismes composés.
  275. Plusieurs moyens qui se tiennent, c’est le sorite du § 4. — En dehors des extrêmes, soit avant, soit après. — Intermédiaire, placé entre les deux extrêmes, ou entre deux des extrêmes si l’on en suppose plus de deux. — Les propositions seront toujours, on ne doit donc pas confondre tout à fait intervalle et proposition, bien que l’un puisse être pris pour l’autre, comme on l’a déjà vu. — La même quantité, il est évident que deux nombres, l’un pair, l’autre impair, étant donnés, si on leur ajoute de part et d’autre l’unité, le premier de pair devient impair, et le second, à l’inverse. — Les conclusions n’auront plus le même rapport, ainsi, avec trois termes, dans le syllogisme simple, on a une seule conclusion. AB et DC propositions, AC conclusion : avec un quatrième terme D, on a trois propositions AB, BC, AD et trois conclusions AC, AD, BD ; avec un cinquième terme E, quatre propositions AB, BC, CD, DE et six conclusions AC, AD, BD, AE, BE, CE ; avec un sixième terme, on aurait cinq propositions et dix conclusions ; avec un septième, six prépositions et quinze conclusions ; avec un huitième, sept propositions et vingt et une conclusions ; avec un neuvième, huit propositions et vingt-huit conclusions : c’est-à-dire que la progression des termes étant la progression naturelle des nombres, les conclusions seraient toujours la somme de mêmes nombres. — Si l’on ajoute D à ABC, en dehors, soit avant, soit après. — Qu’il ne fera pas de syllogisme, c’est-à-dire, il n’y aura qu’un seul terme, C, avec lequel D ne formera pas de conclusion.
  276. Dans plus de cas, c’est-à-dire, dans plus de modes. J’ai rendu fidèlement le mot grec, afin de conserver la langue même d’Aristote, que les scholastiques ont changée. Cas convient ici peut-être mieux encore que mode, qui du reste est l’expression ordinaire.
  277. L’affirmatif universel, c’est-à-dire, la conclusion universelle affirmative, A, Barbara. — Le privatif, sous-entendu : universel E, Celarent dans la première figure : Disamis et Camestres dans la seconde. — L’affirmatif particulier, I, Darii dans la première figure : Disamis, Datisi dans la troisième. — Le privatif particulier, O, Ferio dans la première : Festino, Baroco dans la seconde : Felapton, Brocardo, Ferison dans la troisième. — En résumé la première figure a toutes les espèces de propositions possibles dans les conclusions qu’elle donne : la seconde, n’a que des propositions négatives ; la troisième, n’a que des propositions particulières. On peut ajouter, d’après Pacius, que les propositions diverses données par la première figure n’y sont conclues qu’une fois : que celles de la seconde l’y sont deux fois : et enfin que celles de la troisième l’y sont trois fois.
  278. La conclusion universelle affirmative ne s’obtient que d’une seule manière dans une seule figure, Barbara ; et on peut la réfuter de neuf manières, soit par l’universelle négative, c’est-à-dire, contrairement, en Celarent, Cesare, Camestres, soit par la particulière négative, c’est-à-dire, contradictoirement, Ferio, Festino, Baroco, Felapton, Brocardo, Ferison. En effet, soit la proposition universelle : Tout homme est juste ; on la réfute soit en prouvant contrairement de trois façons qu’aucun homme n’est juste ; soit contradictoirement de six façons, que quelque homme n’est pas juste. — Même observation pour les universelles négatives, ainsi cette proposition : Aucun homme n’est juste, est réfutée contrairement d’une façon, par la proposition universelle affirmative : Tout homme est juste ; et contradictoirement de quatre façons, par la proposition particulière affirmative : Quelque homme est juste. — Pour les particulières au contraire, tant affirmatives que négatives, la réfutation ne peut être que contradictoire et non plus contraire ; c’est ce qu’Aristote entend quand il dit ici : d’une seule manière. Ainsi la particulière affirmative se réfute par l’universelle négative de trois façons ; et la particulière négative par l’universelle affirmative d’une seule façon. C’est que les propositions particulières contraires sont également vraies : Quelque homme est juste : Quelque homme n’est pas juste ; et par conséquent l’une ne peut servir à réfuter l’autre. — Elles sont obtenues dans bien plus de figures, et de bien plus de manières, dans les trois figures et dans dix modes sur quatorze.
  279. Réfuter l’un par l’autre, sous-entendu : contradictoirement. — Mais l’on ne peut établir, en effet, de ce que quelque homme est juste, on n’en peut conclure que tout homme est juste, tandis que de cette dernière proposition on peut conclure la première.
  280. Résumé, de toutes les théories antérieures sur les éléments du syllogisme, sur ses figures, tant avec les propositions absolues qu’avec les modales, et sur les conclusions de divers genres, ici se termine la première partie de ce premier livre, d’après les commentateurs. Voir plus haut, ch. 1, § 1
  281. Dans toute question, on donne nécessairement deux termes, le sujet et l’attribut. Il s’agit de savoir quelles sont leurs relations ; et c’est le moyen terme qui, syllogistiquement, doit fournir cette connaissance. Le terme moyen une fois trouvé, il est facile de construire le syllogisme d’après les règles précédentes, qui ont établi tous les rapports qu’il peut avoir avec les deux extrêmes. Voir les trois derniers chap., et les ch. 4, 5, 6.
  282. Cette théorie de l’attribution est tout à fait la même que celle qui a été exposée dans les Catégories, ch. 2, § 2 et suiv. Certaines choses ne sont jamais que sujets : ce sont les individus ; et tout ce qui tombe sous nos sens est individuel ; d’autres ne sont jamais qu’attributs ; ce sont les genres les plus étendus, les genres proprement dits ; entre ces deux extrêmes, l’individu, le genre, viennent se placer, comme intermédiaires, les espèces et les genres subordonnés, qui peuvent être à la fois attributs et sujets, attributs par rapport aux sujets qui les précèdent, sujets par rapport aux attributs qui les suivent. Il ne faut jamais perdre de vue ces remarques, si l’on veut bien comprendre la théorie des antécédents et des conséquents. De ses trois termes, les seuls possibles, individu, espèce, genre, le premier est enveloppé par le second, le second par le troisième, c’est-à-dire que le premier qui n’enveloppe rien ne peut jamais être attribut, que le troisième qui n’est enveloppé par rien ne peut jamais être sujet, et que le second qui est à la fois enveloppant et enveloppé peut à la fois être sujet ou attribut.
  283. C’est le cas de la plupart des choses, en effet tous les êtres de la nature que nos sens peuvent atteindre, sont individuels, c’est-à-dire qu’ils forment chacun une unité distincte sans laquelle ils n’existeraient pas pour nous. Ce n’est donc que par accident, improprement, qu’on en peut faire des attributs, c’est-à-dire, les employer comme si réellement ils n’étaient pas individuels. — Nous montrerons plus loin, Derniers Analytiques, liv. 1, ch. 19 § 8 et suiv. — Dans les termes supérieurs, en remontant de genre en genre, on arrive nécessairement à un genre suprême qui comprend tous les autres, et auquel on doit s’arrêter par impossibilité même d’aller plus haut.
  284. Quant aux termes intermédiaires, c’est-à-dire, les Espèces.
  285. L’objet en question étant donné, il faut d’abord l’admettre lui-même avec ses définitions, et tout ce qui lui est propre et particulier. Ensuite il faut chercher ses attributs (consequentia), puis ses sujets (antecedentia), et enfin ce qui ne peut être pour lui ni sujet ni attribut (repugnantia). — Il est inutile de distinguer, ainsi quand on dit que telle chose n’est pas à telle autre, il est inutile d’ajouter que cette seconde n’est pas à la première ; car on sait que la privative universelle se convertit en ses propres termes ; et qu’ainsi du moment qu’aucun homme n’est parfait, il s’ensuit qu’aucun être parfait n’est homme. Voir plus haut, ch. 2, § 2, la conversion de l’universelle négative.
  286. À l’essence même de la chose, mot à mot : Dans le qu’est-ce ? Dans la question : qu’est-ce ? quidditas des scholastiques. Ainsi il faut bien reconnaître si les attributs sont, ou essentiels, ou propres, ou seulement accidentels.
  287. Les attributs qu’on choisit appartenant a tout le sujet, il s’ensuit que la proposition est universelle, et l’on a vu, ch. 24, § 1, que l’universel était une des conditions indispensables du syllogisme. De plus les propositions universelles contiennent et supposent les particulières, tandis que celles-ci ne donnent pas du tout les premières.
  288. Par le même motif, il faut chercher les antécédents dont l’objet en question puisse être universellement le conséquent. On obtient encore ainsi des propositions universelles.
  289. L’attribut n’a jamais la marque d’universalité : et l’on ne saurait dire : Tout homme est tout animal ; on dit simplement et d’une manière absolue : Tout homme est animal. Voir cette même remarque, Herméneia, ch. 7, § 4. — La marque d’universalité, le signe de l’universalité n’est jamais qu’à l’antécédent, c’est-à-dire, au sujet.
  290. Dans un autre terme, c’est-à-dire, l’attribut. Cette règle a déjà été exposée en d’autres termes dans les Catégories, ch. 3, § 1. Les attributs de l’attribut sont en nombre égal ceux du sujet. Ainsi, pour connaître les conséquents d’un terme, il n’est pas besoin de rechercher les conséquents de son attribut qui lui appartiennent bien certainement, parce que les qualités du genre appartiennent à l’individu, et qu’ainsi tous les conséquents de l’animal qui est le genre, sont en nombre égal ceux de l’homme qui est l’espèce ou l’individu. — Ce qui doit être nié, Repugnantia des scolastiques, en d’autres termes, les attributs négatifs ou répugnants. — Ce qui est propre à la chose, c’est-à-dire qu’il ne faut pas s’éloigner du sujet, et qu’il faut se borner à ses attributs directs et spéciaux, sans aller jusqu’aux attributs de ses attributs ; ce qui serait inutile.
  291. La règle du paragraphe précédent, qui concernait les conséquents, reste aussi la même pour les antécédents, c’est-à-dire qu’il ne faut pas rechercher les antécédents des antécédents, mais les antécédents directs de la chose. — Qui ont pour conséquent le terme renfermé dans l’universel, c’est-à-dire, les sujets du sujet renfermé dans l’attribut. — Les choses dont homme est le conséquent, c’est-à-dire, les sujets de homme qui est lui-même sujet de animal. — Tout ce que suit homme, parce que l’attribut de l’attribut est toujours celui du sujet. — De la recherche des antécédents de homme, et non pas de ceux de animal. Ainsi, quand on recherche les sujets de animal, il ne faut pas prendre ceux de l’homme qui sont trop éloignés.
  292. Le plus habituel, ainsi, pour prendre les exemples d’Alexandre d’Aphrodise, on a, d’ordinaire une navigation heureuse quand on voyage après l’équinoxe d’hiver : on se porte bien ordinairement quand on prend une nourriture saine. — Est pareille aux principes, ou aux prémisses : ceci a été démontré, ch. 15, § 6, où il a été établi que de possible on ne pouvait conclure l’impossible.
  293. De tous les termes, c’est-à-dire, des deux termes ; car alors on a dans la seconde figure deux prémisses affirmatives, ce qui ne peut donner de syllogisme. — La suite, c’est ce qu’Aristote lui-même indique, ch. suivant, § 16.
  294. Pour établir la conclusion universelle affirmative en Barbara, il faut chercher d’abord les sujets de l’attribut, puis les attributs du sujet ; ou comme dit Aristote, les antécédents de la chose affirmée et les conséquents de la chose dont on doit affirmer. Si l’on trouve un des antécédents identique à l’un des conséquents, ce terme identique sera le moyen, et le syllogisme alors sera possible. Voici un exempte d’Alexandre d’Aphrodise : soit à démontrer que tout plaisir est bon. Parmi les antécédents de l’attribut, je trouve le terme désirable : car tout ce qui est désirable est bon : parmi les conséquents du sujet, je trouve encore ce même terme désirable ; alors je puis faire le syllogisme suivant, en prenant désirable pour moyen : Tout ce qui est désirable est bon : tout plaisir est désirable : Donc tout plaisir est bon. Le syllogisme, en effet, est régulier.
  295. Pour établir la conclusion particulière affirmative, il faut regarder aux antécédents du sujet et de l’attribut : et dès qu’on trouve un antécédent identique pour l’un et pour l’autre, le syllogisme est possible, et se forme en Darapti de la troisième figure, ramenée par conversion particulière de la mineure à Darii de la première figure. Ainsi, en prenant toujours les exemples d’Alexandre, soit à prouver que quelque plaisir est un bien. On trouve pour antécédent de plaisir, occupation vertueuse ; et cet antécédent peut être aussi celui du bien ; on a donc en syllogisme : Toute occupation vertueuse est un plaisir ; toute occupation vertueuse est un bien ; Donc quelque plaisir est un bien. Il suffirait de convertir la mineure en particulière pour obtenir la même conclusion dans la première figure.
  296. Pour établir la conclusion universelle négative, il faut regarder à la fois, et aux conséquents du sujet et aux répugnants de l’attribut ; ou bien réciproquement, aux répugnants du sujet et aux antécédents de l’attribut. Dès qu’on a trouvé un antécédent et un répugnant identiques, le syllogisme est possible ; et il se forme, soit dans la première figure d’une seule manière, soit dans la seconde, de deux manières : c’est-à-dire, en Celarent dans le premier cas, en Cesare et Camestres, dans le second. Soient toujours les deux termes bien et plaisir avec lesquels il s’agit de démontrer qu’aucun plaisir n’est un bien. En cherchant d’abord les conséquents du sujet, on trouve que tout plaisir est imparfait ; et les répugnants de l’attribut, qu’aucun bien n’est imparfait. Le terme identique étant trouvé, on construit le syllogisme en Cesare de la seconde figure : Aucun bien n’est imparfait : tout plaisir est imparfait ; Donc aucun plaisir n’est un bien ; ou en convertissant la majeure en ses propres termes, le syllogisme est en Celarent : Aucune chose imparfaite n’est un bien ; tout plaisir est imparfait ; Donc aucun plaisir n’est un bien. En cherchant, en second lieu, les répugnants du sujet et les conséquents de l’attribut, on forme le syllogisme en Camestres : Tout plaisir est imparfait ; aucun bien n’est imparfait : Donc aucun plaisir n’est un bien. — Certains manuscrits, au rapport d’Alexandre d’Aphrodise, supprimaient toute cette partie de phrase : « pour ce qui concerne le terme auquel la chose doit ne pas être, il faut regarder aux conséquents ». Alexandre se prononce avec raison pour la leçon plus complète et plus claire qui est encore la nôtre.
  297. Pour établir la conclusion particulière négative, il faut chercher les antécédents du sujet, et les répugnants de l’attribut. Dès qu’on a trouvé un antécédent et un répugnant identiques, le syllogisme est possible, et donne la conclusion particulière négative en Felapton. Soit : facile, antécédent de plaisir, et répugnant de bien, on aura : Aucune chose facile n’est un bien ; toute chose facile est un plaisir ; Donc quelque plaisir n’est pas un bien. En convertissant en Ferio, on aurait le syllogisme de la première figure. Aucune chose facile n’est un bien : quelque plaisir est facile ; Donc quelque plaisir n’est pas un bien.
  298. Application des principes précédents : A représente l’attribut de la conclusion, ses conséquents sont B, ses antécédents C, et ses répugnants D ; E représente le sujet de la conclusion, ses conséquents sont F, ses antécédents G, et ses répugnants H. Ainsi B et F sont conséquents, C et G antécédents, D et H répugnants.
  299. Si, donc, quelqu’un des C est identique à un des F, c’est-à-dire, si un antécédent est identique à un conséquent, on aura la conclusion universelle affirmative : A est à tout E, Barbara.
  300. Si C et G sont identiques, c’est-à-dire, si les antécédents sont identiques, on aura la conclusion particulière affirmative, Darapti.
  301. Si F et D sont identiques, c’est-à-dire, si un conséquent en mineur est identique à un répugnant du majeur, on aura la conclusion universelle négative ; mais ici il faut prouver la majeure par un prosyllogisme. D étant répugnant de A, on a, pour majeure du prosyllogisme : A n’est à aucun D ; pour mineure : D est à tout F ; Donc A n’est à aucun F, conclusion qui sert de majeure au syllogisme principal : A n’est à aucun F, F est à tout E ; Donc A est à tout E. — Le privatif pouvant se convertir, c’est qu’on a d’abord : D n’est à aucun A, d’où, par la conversion, A n’est à aucun D, majeure du prosyllogisme.
  302. Si B et H sont identiques, c’est-à-dire, si un conséquent du majeur est identique à un répugnant du mineur, on aura encore la conclusion universelle négative, mais en Camestres, avec prosyllogisme : H est à tout B, H n’est à aucun E : Donc B n’est à aucun E ; et le syllogisme principal est : B est à tout A, B n’est à aucun E, Donc A n’est à aucun E.
  303. Si D et G sont identiques, c’est-à-dire, si un répugnant du majeur est identique à un antécédent du mineur, on aura une conclusion particulière négative en Felapton, avec prosyllogisme : A n’est à aucun D, D est à tout G ; Donc A n’est à aucun G ; et le syllogisme principal est : A n’est à aucun G, E est à tout G ; donc A n’est pas à quelque E.
  304. Si G et B sont identiques, c’est-à-dire, si un antécédent du mineur est identique à un conséquent du majeur. — Le syllogisme sera retourné, c’est-à-dire que l’on aura : E est à tout A, au lieu de : A est à tout E, pour conclusion. E est à tout B, car il est à tout G identique à B, B est à tout A, Donc E est à tout A, et par la conversion de cette universelle en particulière : A est à quelque E. — Dans cet examen des différentes conclusions, Aristote n’a indiqué que les six modes où les prémisses sont universelles ; il a laissé de côté les huit autres, où l’une des prémisses est particulière. Il serait facile de les obtenir tous en changeant la quantité des modes indiqués : ainsi Darii s’obtiendrait en changeant la mineure de Barbara en particulière, Ferio en changeant celle de Celarent, Disamis en changeant la majeure de Darapti en particulière, etc.
  305. Aux circonstances qu’on vient de dire, aux antécédents, aux conséquents et aux répugnants tant de sujet que d’attribut.
  306. Ainsi, par exemple, pour E, c’est-à-dire, pour le mineur, il vaut mieux regarder parmi ses conséquents au genre KF, qu’à son espèce F, parce que le genre est plus étendu que l’espèce. — Et pour A, le majeur, il vaut mieux regarder à KC, son genre, qu’à C, son espèce ; car si A est au genre, il est aussi à l’espèce et à l’individu ; et il peut sans être au genre, être encore aux deux autres, espèce et individu. — Aux termes dont la chose en question est elle-même le conséquent, c’est-à-dire, aux antécédents. — Des termes subordonnés, c’est-à-dire, moins étendus. — Suivre les premiers termes, c’est-à-dire, sans être aux termes les plus généraux.
  307. À trois termes et à deux propositions, Éléments du syllogisme.
  308. Tous les syllogismes, dont il vient d’être question dans la théorie précédente. — Que A est tout à E. Voir plus haut, § 6. — La particulière affirmative, § 7. — L’universelle négative, § 8. — La particulière négative, § 10. — Énoncées précédemment, ch. 5, 6, 7. — Aristote a omis ici le mode indiqué au § 9 en Camestres. Il serait facile de le rétablir au besoin.
  309. Applicables à tous les termes c’est-à-dire, aux deux termes : car le syllogisme se formerait alors dans la seconde figure, et l’on ne saurait conclure, ni affirmativement puisque la seconde figure n’a que des modes négatifs, ni négativement puisque le négatif ne peut être conclu de deux affirmatives, ch. 5, et ch. 24, § 3.
  310. Autres que celles-là, Celles qui ont été indiquées dans tout ce chapitre pour les antécédents, les conséquents, les répugnants. Point de syllogisme ; si les conséquents sont identiques, car alors on a la seconde figure avec deux prémisses affirmatives ; si l’antécédent du majeur est identique à un répugnant du mineur, car alors on a la première figure avec mineure négative ; et enfin, s’il y a identité des répugnants, car alors on a deux prémisses négatives. Aristote développe du reste tout ceci dans ce §. C’est une suite des règles antérieures.
  311. Et non pas les termes différents, Alexandre d’Aphrodise paraît n’avoir pas vu la négative, qui cependant se justifie fort bien. Le sens serait un peu changé, et l’on traduirait alors : « On voit clairement quels sont les termes identiques, et quels sont les termes différents ou contraires qu’il faut prendre ». Différents s’appliquerait alors à la réunion d’un conséquent et d’un répugnant. Mais comme il s’agit ici de la recherche du moyen qui doit être identique, j’ai cru devoir m’en tenir à la leçon vulgaire qui est plus conforme à ce sens. L’édition de Berlin ne donne point de variante de manuscrits. Du reste, il faut dire aussi que le § suivant semblerait, à première vue, confirmer l’opinion d’Alexandre. Philopon adopte la négation, bien qu’il connaisse et discute les doutes de son prédécesseur.
  312. Aux cas précédents, c’est-à-dire, aux modes de réunion indiqués § 6 et suiv.
  313. Concluant que A ne peut être à aucun E, Conclusion du § 3. Ainsi, B étant noir, A poix, E neige ; on aurait : Toute poix est noire : aucune neige n’est noire ; Donc aucune neige n’est poix ; et B, conséquent de A, est Identique à H répugnant de E. — Antérieurement indiqué, c’est-à-dire qu’il faut convertir la mineure et la conclusion simplement, et transposer les prémisses ; et de plus B est identique à H.
  314. On conclura que A n’est point à quelque E, B est à tout A, B n’est à aucun G ; Donc A n’est à aucun G : par conséquent il n’est pas à quelque E ; car G est un antécédent ou une espèce de E. Voir § 5 et encore ici B est identique à H.
  315. Si donc, dans les deux cas, il y a syllogisme, ce n’est pas du tout parce que B et F, et B et G sont contraires : mais parce que B est identique à H ; ce qui confirme la règle générale du § 18, et réfute la leçon d’Alexandre.
  316. Règle générale. Dans les syllogismes concluant par l’absurde, la méthode pour la recherche du moyen est la même que pour les syllogismes ostensifs. — Les conséquents et les antécédents, ajoutez : et les répugnants. — De part et d’autre, Peut-être cette règle est-elle ici exprimée d’une manière trop générale puisqu’il y a deux modes, Baroco de la seconde figure, et Brocardo de la troisième, qui ne se peuvent prouver que par réduction à l’absurde.
  317. La conclusion universelle négative se prouve par l’absurde avec les mêmes procédés que l’affirmative. Il faut reprendre l’exemple donné plus haut, ch. 28, § 9. Voici le syllogisme ostensif en Camestres : B est à tout A, B n’est à aucun E ; Donc A n’est à aucun E. Si l’on nie cette conclusion et qu’on affirme que A est à quelque E, on est conduit à l’absurde en Darii : B est à tout A, A est à quelque E, mineure nouvelle ; Donc B est à quelque E. Or, on a supposé, ch. 20, § 9, que B et H étaient identiques, c’est-à-dire que B ne pouvait être à aucun E ; donc la seconde conclusion est impossible ; donc la première, qui est sa contradictoire, est vraie. — On prouve encore ainsi que A est à quelque E, c’est-à-dire qu’on prouve aussi dans la réduction à l’absurde la conclusion particulière affirmative, avec le même procédé de recherche des conséquents, antécédents, etc. On a démontré, ch. 28, § 7, que A est à quelque E parce que C et G sont identiques. Si l’on prend la contradictoire pour majeure, on a : A n’est à aucun E ; or E est à tout G ; Donc A n’est à aucun G ; mais ceci est absurde, car on avait supposé que C et G étaient identiques, et que A était à tout G ; donc la première conclusion est vraie, que A est à quelque E, puisque sa contradictoire est impossible. — Pour les autres cas, c’est-à-dire pour la conclusion universelle affirmative, et pour la conclusion particulière négative. Pour les démontrer par l’absurde, il faudra toujours chercher le moyen dans les antécédents, les conséquents et les répugnants.
  318. On peut ajouter que, si la recherche des conséquents et des antécédents est la même pour les syllogismes par l’absurde, les termes sont aussi les mêmes que dans les syllogismes ostensifs. Il suffit ici de reprendre les exemples cités au § précédent. Seulement on part maintenant du syllogisme par l’absurde pour arriver à l’intensif ; puis, de l’ostensif, on revient au syllogisme par l’absurde. — Pour tous les autres cas, c’est-à-dire, pour la conclusion universelle affirmative, et pour les deux particulières affirmative et négative. — Cette proposition étant convertie, c’est-à-dire, la conclusion du syllogisme par l’absurde étant changée en sa contradictoire. Voici un exemple du syllogisme par l’absurde : Tout homme est animal, quelque plante est homme ; Donc quelque plante est animal. Changeant cette proposition en sa contradictoire qui devient mineure, on a le syllogisme ostensif : Tout homme est animal : aucune plante n’est animal ; Donc aucune plante n’est homme.
  319. Cette différence étant la seule, le reste est identique, c’est-à-dire que les termes, les conséquents, les antécédents et les répugnants sont les mêmes.
  320. Par la suite, Voir liv. 2, ch. 11, 12, 13 la théorie de la réduction à l’absurde, et ch. 14, la comparaison des deux démonstrations ostensives et par l’absurde.— Également à ces considérations, Qui concernent les antécédents, les conséquents et répugnants. Ici le texte varie entre : mêmes et ces. J’ai adopté la dernière leçon qui complète davantage la pensée et qu’Alexandre d’Aphrodise paraît avoir préférée aussi.
  321. Ceci confirme ce qui a été dit plus haut, ch. 23, § 12, qu’Aristote a connu, si c’est théorisé, les syllogismes hypothétiques. — Par subsumption ou par assumption, La subsumption ou transsumption a lieu, quand la mineure catégorique du syllogisme hypothétique ne contient pas d’autre terme que la majeure : l’assomption au contraire a lieu quand un terme nouveau est introduit. Voici un syllogisme hypothétique par subsumption : S’il est homme, il est animal ; or, il est homme ; Donc il est animal. En voici un par assumption : Platon est là où est Socrate ; or, Socrate est à Athènes ; Donc Platon est à Athènes ; le terme ajouté est : Athènes. Il faut remarquer du reste qu’Aristote appelle cette dernière espèce de syllogisme : par qualité et non : par assumption, parce que l’assumption repose presque toujours sur une qualité du premier sujet, c’est-à-dire, du sujet hypothétique. — Aux sujets assumés, c’est-à-dire, aux sujets nouveaux introduits dans la mineure.
  322. Ceci ne suffit pas tout à fait pour établir qu’Aristote a fait lui-même la théorie des syllogismes hypothétiques. La pensée a quelque chose d’ambigu ; et l’on peut tout aussi bien croire qu’Aristote parle ici des recherches dont les syllogismes hypothétiques pourraient être l’objet pour les logiciens en général, que des recherches qu’il se propose de faire personnellement. Alexandre d’Aphrodise est tout à fait muet ici sur ces nouvelles recherches d’Aristote, que Théophraste, imité d’ailleurs en cela par Eudème et quelques autres, semble avoir suivies dans le premier livre de ses Premiers Analytiques. Il y avait distingué, autant qu’on en peut juger, les syllogismes hypothétiques en deux classes : les purement hypothétiques, c’est-à-dire, composés de deux prémisses et d’une conclusion hypothétiques, et les mixtes où l’une des prémisses et la conclusion étaient absolues. Il avait de plus exposé les trois figures pour ces syllogismes. — Au chapitre 44, § 4, Aristote revient sur ce sujet à propos de l’analyse appliquée aux syllogismes hypothétiques ; et là il promet positivement de traiter lui-même des nuances et des modes du syllogisme hypothétique. Ce travail a péri, ou peut-être Aristote ne l’a-t-il point accompli, car, au temps d’Alexandre d’Aphrodise, il n’existait déjà plus. Philopon assure, d’après des commentateurs antérieurs, qu’Aristote n’a jamais composé cet ouvrage.
  323. De la manière qu’on a dite, ch. 38, §§ 1, 2, 3, 4, pour les quatre espèces de conclusion. — D’une autre façon, c’est dire, hypothétiquement. — Quand C et G étaient identiques, Voir ch. 28, § 7, la conclusion était particulière affirmative : mais par hypothèse, on peut l’obtenir universelle, si l’on suppose que E n’est applicable qu’aux H seulement, c’est-à-dire que le seul sujet de G soit E. En effet, A est à tout C, il est donc aussi à tout G qui est identique à C. Mais si E est le seul sujet de G, ils peuvent se convertir l’un dans l’autre, et G sera aussi le seul sujet de E. Ainsi : Tout ce qui peut rire est homme : tout homme peut rire. L’universel se convertit en universel et non plus en particulier, quand le sujet et l’attribut sont égaux : c’est là l’hypothèse qu’il faut faire, et alors le particulier peut donner l’universel. — Même démonstration pour l’universelle négative qui peut être donnée par la particulière négative, si l’on suppose que E et G sont de même étendue, et peuvent se convertir l’un dans l’autre. Voir plus haut, ch. 28, § 10. — De cette façon, c’est-à-dire, hypothétiquement. — Pacius a remarqué avec raison qu’Aristote ne parlait ici que des modes de la troisième figure, Darapti, Felapton, et qu’on pourrait obtenir l’universel affirmatif dans la seconde figure avec deux prémisses universelles affirmatives, en supposant que la majeure se convertit réciproquement, et le particulier affirmatif dans la seconde figure, à la même condition.
  324. La règle applicable d’abord aux syllogismes hypothétiques, l’est encore aux syllogismes modaux.
  325. Il a été prouvé, ch. 15, § 15, et passim, dans le mélange du contingent et de l’absolu.
  326. Autres modes d’attribution. Les espèces de modales autres que les deux principales : nécessaire et contingente. Voir Herméneia, ch. 14, § 9, et plus haut, ch. 24, § 3.
  327. Cette méthode, La recherche des antécédents, des conséquents et des répugnants
  328. Partout où le raisonnement trouve sa place, il se réduit en syllogisme : et l’élément essentiel du syllogisme, c’est le moyen qui ne peut être trouvé que par les procédés indiqués plus haut. — Ce qui lui est attribué, Aristote omet en général les répugnants, et il les comprend sans doute dans les expressions de sujets et d’attributs, parce qu’ils ne sont en effet que des sujets et des attributs niés au lieu d’être affirmés. — Les syllogismes dialectiques. Voir la fin de ce chapitre.
  329. On a expliqué, Dans tous les chapitres de la première section. — Le moyen de les découvrir, Dans les chapitres précédents de cette seconde section. — Et déterminés, Les antécédents, les conséquents et les répugnants.
  330. Le bien et la science, Ce sont les deux termes d’une proposition qu’il s’agirait de prouver. — Pour la plupart, C’est qu’à côté des principes spéciaux de chaque science, il y a les axiomes qui valent pour toutes les sciences ; mais les axiomes sont en petit nombre, tandis que les principes spéciaux sont très nombreux, et s’accroissent par les progrès même de la science. — L’expérience, Les modernes n’ont jamais fait une part plus belle ni plus large à l’observation. — Si, dans l’observation, Aristote dit précisément : dans l’histoire, c’est-à-dire, la simple connaissance des faits, sans preuve ni démonstration. De là, comme l’ont fort bien remarqué les commentateurs, la parfaite exactitude de ce titre : Histoire des Animaux, parce que cet ouvrage n’est qu’une collection de faits, où l’observation seule joue un rôle.
  331. Le choix des propositions, par la recherche du moyen. — Notre ouvrage sur la Dialectique, c’est-à-dire, les Topiques, comme Alexandre l’a remarqué. Voir pour cette variable de titre mon Mémoire sur le Logique, tome I, p. 247.
  332. La division en genres, il est évident que tout ce chapitre est une polémique contre la méthode platonicienne qui procédait par la division. Tous les commentateurs sont ici d’accord pour reconnaître que les attaques d’Aristote portent sur Socrate, Platon et son école. — La division en genres, Il serait plus exact de dire : la division des genres en leurs espèces : mais les espèces supérieures sont, il est vrai, des genres relativement aux inférieures. — La méthode de division a deux défauts principaux : elle fait une pétition de principe, et conclut toujours un terme supérieur, c’est-à-dire, un terme plus étendu que celui qui est en question. Les exemples qui suivent éclairciront ceci.
  333. Qu’on pouvait démontrer la substance, Cette doctrine est combattue tout au long, Derniers Analytiques, liv. 3, ch. 4, 5, 6, 7. Que nous avons exposée, des conséquents, des antécédents et des répugnants.
  334. Le principe général de la démonstration, c’est-à-dire du syllogisme, c’est que le moyen soit moins étendu que le majeur, et qu’il ne puisse jamais lui servir d’attribut. Le moyen est alors enveloppé par le majeur, qui à plus forte raison enveloppe le mineur enveloppé lui-même par le moyen. La méthode de division, au contraire, prend un moyen plus étendu que le majeur ; et voilà pourquoi sa conclusion n’a point de caractère de nécessité, ou d’évidence. Ainsi, pour prouver que l’homme est mortel, elle pose d’abord que l’homme est animal ; or l’animal est mortel ou immortel ; Donc l’homme est mortel ou immortel. Mais ce terme : mortel ou immortel est plus étendu que celui qu’on cherche : mortel ; et le moyen, animal, est plus entendu encore que lui, puisque mortel et immortel sont les différences de l’animal. Or il reste toujours à savoir si l’homme est mortel, et l’on ne peut l’affirmer que par hypothèse : on le suppose, on ne le démontre pas, quoique ce soit précisément ce qui est à démontrer. — Même raisonnement, si au lieu d’animal pour moyen, on prenait animal mortel, c’est-à-dire, le genre affecté d’une différence, ou l’espèce. Le moyen terme serait toujours plus large que le majeur. — Une conséquence nécessaire, Il y a bien dans la conclusion par division une sorte de nécessité : mais cette conclusion ne résout pas du tout la question.
  335. On ne peut jamais nier, c’est-à-dire qu’on ne peut jamais avoir de conclusion négative, puisque les deux prémisses sont toujours affirmatives. — Relatifs au propre, Voir les Topiques, liv. I, ch. 5. C’est que pour le propre, l’accident et le genre, il n’y a plus de division possible, le genre étant pris ici pour le dernier terme qui enveloppe tous les termes secondaires. — Est de telle ou telle manière, Il est des cas où l’on ne connaît point les deux termes nécessaires à la division : Les étoiles sont-elles en nombre pair ou impair ? Le diamètre est-il, ou non, commensurable ? Or la démonstration peut résoudre ces questions, soit directement, soit en prouvant qu’elles sont insolubles. Quant à la division, elle ne peut rien pour aucune. — Soit, par exemple, Voici le syllogisme entier qu’Aristote s’abstient de donner : Toute étendue est commensurable ou non commensurable : tout diamètre est une étendue : Donc tout diamètre est commensurable ou incommensurable, ce qui ne démontre rien. C’est un syllogisme impuissant.
  336. Là où, cependant, il semblerait convenir le mieux, c’est-à-dire, les définitions.
  337. Éléments des démonstrations, Démonstrations, pris encore ici pour syllogismes, comme au début du chapitre, § 3. — Les points à considérer ; les antécédents, les conséquents et les répugnants.
  338. Il faut remarquer ici cette indication très nette, donnée par l’auteur lui-même, des trois parties de ce premier livre. La première renferme l’origine, la formation du syllogisme ; la seconde, la découverte du syllogisme ; et la troisième, l’analyse proprement dite. Ainsi, la théorie porte d’abord sur les transformations de toute espèce que le syllogisme peut recevoir suivant la quantité, la qualité et la modalité des propositions : en second lieu, vient la méthode pour découvrir, deux termes étant donnés, le moyen qui doit les unir syllogistiquement puis enfin, le raisonnement étant présenté sous sa forme habituelle et vulgaire, il s’agit de le ramener aux formules régulières des figures et des modes. Formation du syllogisme, découverte du moyen syllogistique, analyse en syllogisme, tels sont, d’après Aristote même, les sujets des trois sections, distingués plus tard avec une parfaite raison par les commentateurs. — Théophraste, comme nous rapprend Alexandre, avait composé un ouvrage spécial sur le sujet de cette troisième section : l’Analyse des syllogismes. Voir plus haut, ch. 1, § 1.
  339. En grandes parties, Les propositions sont des parties plus grandes que les termes, puisqu’elles sont des composés dont les termes ne sont que les éléments.
  340. Négligé de les donner toutes deux, Comme dans les enthymèmes ou les raisonnements enthymématiques. Voir liv. 2, ch. 27.
  341. Et l’on croit qu’il y a syllogisme, la forme n’est pas régulière ; mais, au fond, il y a conséquence nécessaire. Il faut donc rétablir tous les termes et les propositions intermédiaires particulières, qui ont été omises. — Par exemple, Voici tout le raisonnement : Il n’y a pas syllogisme dans les propositions suivantes, bien qu’il y ait conclusion nécessaire : Ce qui n’est pas substance étant détruit, la substance n’est pas détruite ; or, les parties étant détruites, le tout qu’elles forment est détruit ; Donc les parties de la substance sont elles-mêmes substance. On sait bien ici, d’une manière confuse, que la conclusion est nécessaire ; mais, pour s’en rendre clairement compte, il faut rétablir les intermédiaires, et remettre les propositions sous leur vraie forme. Voici alors le syllogisme évident : Tout ce dont la destruction entraîne la destruction de la substance, est substance aussi ; or, les parties de la substance étant détruites, la substance est détruite ; Donc les parties de la substance sont substance comme elle. — Qu’on suppose encore, Voici ce faux syllogisme qui est hypothétique : S’il y a animal, il y a substance ; or, s’il y a homme, il y a animal ; Donc nécessairement l’homme étant, il y a substance. Le syllogisme régulier serait : Tout animal est substance, tout homme est animal ; donc tout homme est substance.
  342. Après l’analyse en propositions, vient l’analyse des propositions elles-mêmes en termes : du composé, il faut passer au simple.
  343. Ceci ressort de la définition même du moyen dans les trois figures. Voir plus haut, ch. 4, 5 et 6.
  344. Le moyen est sujet du majeur et attribut du mineur, dans la première figure : attribut des deux, dans la seconde, et sujet des deux, dans la troisième. — Que le moyen occupait. Voir ch. 4, 5, 6, les règles appliquées aux trois figures.
  345. Sans moyen terme, pas de syllogisme possible.
  346. Voir chap. 26, §§ 2 et suiv. — Dans plusieurs figures, comme la conclusion particulière affirmative, et les deux négatives, universelle et particulière. L’universelle affirmative ne se trouve que dans une seule figure, la première, Barbara ; et ne peut être donnée par les autres.
  347. La ressemblance dans la forme des termes, La ressemblance dans la forme fait souvent confondre les termes universels et les termes indéfinis. Il en résulte que la proposition indéterminée est vraie, tandis que la même proposition, prise universellement, devient fausse.
  348. Il faut supposer ici, ce que ne dit pas expressément Aristote, que les propositions AB, BC sont indéterminées ; car, autrement, le syllogisme serait régulier.
  349. L’exemple donné ici doit paraître assez bizarre. Il est à croire, comme le suppose Pacius, que cet exemple était vulgaire au temps d’Aristote, et que les sophistes en faisaient ordinairement usage dans leurs discussions. — Imaginable, c’est-à-dire, que l’intelligence peut concevoir quand elle veut. Voici le syllogisme entier : Aristomène imaginable est toujours ; or, Aristomène est Aristomène imaginable ; Donc Aristomène est toujours, conclusion fausse ; car Aristomène est mortel. Pour qu’il y eût syllogisme régulier, il faudrait que la majeure fût universelle : Tout Aristomène imaginable est toujours, et alors elle serait fausse. — Avec des termes de cette forme, c’est-à-dire, indéterminés, ch. 24, § 1.
  350. Cet exemple est aussi bizarre que le précédent, et Aristote l’emploie sans doute pour les mêmes raisons. Miccale, musicien, mourra, c’est-à-dire, que Miccale mourra comme musicien, ou, en d’autres termes, qu’il cessera d’être musicien. Voici le syllogisme entier : Micalle, musicien, mourra demain ; or, Miccale est Micalle musicien ; Donc Miccale mourra demain, conclusion fausse car on lui suppose une vie beaucoup plus longue. Pour que le syllogisme fût régulier, il faudrait que la majeure fût universelle ; et alors elle serait fausse. Alexandre propose, comme exemple plus clair, celui qui suit : A bon, B commode, C plaisir ; A est attribué à B, c’est-à-dire que le commode est bon ; B est dit de C, car le plaisir est commode ; mais on ne peut conclure A de C, c’est-à-dire que le plaisir est bon, parce que bon n’a pas été attribué à tout ce qui est commode universellement. L’attribution a été tout indéterminée.
  351. L’erreur vient uniquement de ce qu’on confond l’universel et l’indéterminé, séparés par une nuance très faible d’expression, qu’on ne doit pas cependant négliger.
  352. Voici le syllogisme entier dans la première figure, Celarent : Il est nécessaire que la santé ne soit à aucune maladie : la maladie est à tout homme ; Donc il est nécessaire que la santé ne soit à aucun homme, conclusion fausse. Elle est modale nécessaire d’après les règles posées au chap. 9, § 2. — Qui expriment la disposition, c’est-à-dire, les termes abstraits de : maladie, santé. — Il n’y aura plus de syllogisme, sous-entendu : apparent, c’est-à-dire qu’on verra sur-le-champ la fausseté du syllogisme. Le voici : Il est nécessaire qu’aucun malade ne soit bien portant : tout homme est malade ; Donc il est nécessaire qu’aucun homme ne soit bien portant, conclusion fausse qui résulte de la fausseté même de la majeure ; car le malade n’est pas nécessairement malade puisqu’il peut recouvrer la santé. — Si l’on ne fait pas ce changement, Si l’on garde les termes abstraits, la conclusion vraie est modale contingente : Il se peut que la santé ne soit à aucun homme, et non point absolue.
  353. Cette erreur est également possible dans la seconde figure en Cesare : Il est nécessaire que la santé ne soit à aucune maladie : il se peut quel la santé soit à tout homme ; Donc la maladie n’est à aucun homme. Ici encore on découvrira la fausseté de la majeure, en prenant les termes concrets : sain, malade, au lieu des termes abstraits : santé, maladie, car la majeure alors sera fausse, comme ci-dessus.
  354. Dans la troisième figure, il faut que le moyen soit sujet des deux termes. Les deux termes sont ici des contraires, le même sujet pourra bien les recevoir tour à tour : mais dans la conclusion ils ne pourront être l’un à l’autre, c’est-à-dire que la conclusion sera fausse avec les deux prémisses vraies ; c’est qu’on aura pris les termes abstraits au lieu des concrets. Ainsi en Darapti : Il se peut que la santé soit à tout homme : il se peut que la maladie soit à tout homme ; Donc il se peut que la santé soit à quelque maladie, conclusion fausse. En remettant les termes concrets, le syllogisme sera vrai de tout point : Il se peut que tout homme soit sain : il se peut que tout homme soit malade : Donc il se peut que quelque malade soit sain. — Remarque précédente. Plus haut, ch. 20, § 2, il a été établi que de deux prémisses contingentes dans la troisième figure, sortait toujours une conclusion contingente, vraie comme elles ; et ici la conclusion est fausse ; c’est que les termes sont mal énoncés.
  355. En permutant ceux qui expriment la disposition, c’est-à-dire, en prenant les adjectifs au lieu des substantifs abstraits. — Le dérivé de la disposition… sain à santé, malade à maladie. Voir § 3
  356. Les termes ne peuvent pas toujours être représentés par des mots distincts et uniques ; ce sera parfois une proposition tout entière, une définition, qu’il faudra prendre pour terme. Ainsi dans ce syllogisme : Tout triangle a ses angles équivalents à deux droits ; l’isocèle est un triangle ; Donc l’isocèle a ses angles équivalents à deux droits. Il serait impossible de prendre pour terme, dans la majeure un mot unique ; il faut prendre la notion tout entière que les trois angles de tout triangle sont égaux à deux droits. Or, cette proposition elle-même, qui sert ici de terme, pourrait être démontrée ; et en effet la géométrie la démontre. — Le moyen soit toujours rendu, Le moyen ou les extrêmes, et en général les termes soient exprimés complètement, en un seul mot.
  357. Quand on dit que le majeur est au moyen, et le moyen au mineur, il ne faut pas en conclure que de part et d’autre la forme de l’attribution soit la même. Ainsi l’attribut peut être au nominatif dans la majeure, et à tout autre cas dans la mineure ; ou réciproquement. Ceci est vrai, que la proposition soit d’ailleurs affirmative ou négative ; ainsi, Être ou n’être pas attribué, reçoit autant de sens que être ou n’être pas. En effet l’on dit aussi bien ; Telle chose est telle autre chose, au nominatif que telle chose est de telle autre chose, au génitif, ou enfin telle chose est à telle autre chose, au datif, selon les nuances de la pensée.
  358. Voici d’abord un exemple pour l’affirmation : Quand on dit que la notion des contraires est unique, c’est-à-dire que, par cela seul qu’on connaît l’un des contraires, on connaît l’autre au même instant, on représente, dans cette proposition, la notion unique par A, et les contraires par B en mettant ces deux termes au nominatif. Mais dans la proposition mise en forme, ils ne peuvent être posés ainsi, car alors on aurait : Les contraires sont une notion unique, tandis qu’on doit avoir au génitif : La notion des contraires est unique.
  359. Après avoir appliqué la règle générale à une proposition isolée, il faut l’appliquer aux propositions dans le syllogisme. — Soit attribué, Il faut ne pas perdre de vue que dans tout ce chapitre, être attribué est pris elliptiquement pour : être attribué au nominatif et non point à un cas oblique. Dans ce syllogisme : La sagesse est science ; or il y a sagesse du bien, Donc il y a science du bien, la majeure est formée d’un attribut direct au nominatif ; la mineure et la conclusion sont formées d’attributs obliques au génitif. Ainsi la conclusion n’est pas du tout dans ce cas : La science est bien ; mais la majeure seule a cette forme : La sagesse est science.
  360. Autre exemple d’un syllogisme qui diffère du précèdent en ce que c’est la mineure, au lieu de la majeure qui a un attribut direct ; la majeure, et la conclusion sont obliques. Voici les deux syllogismes, selon qu’on prend le bien, soit absolument, soit comme contraire d’un autre terme, qui serait le mal, par exemple : Il y a science d’un objet quelconque ; or le bien est un objet quelconque : Donc il y a science du bien. — Il y a science d’un contraire ; or le bien est un contraire : Donc il y a science du bien. — La conclusion est : Il y a science du bien, au génitif, et non pas au nominatif : Le bien est la science ; car c’est le bien seul avec : objet quelconque et : contraire, qui peut se mettre au nominatif. — Est tout cela, c’est-à-dire : objet quelconque et contraire, au nominatif.
  361. Autre exemple la majeure et la mineure sont obliques ; la conclusion, dans ce cas, est alors tantôt directe, tantôt oblique. Dans ce syllogisme, elle est oblique : Il y a genre de la chose dont il y a science ; or il y a science du bien : Donc il y a genre du bien. — Dans celui-ci elle est directe : La chose dont il y a science est aussi genre ; Il y a science du bien : Donc le bien est genre. — Est attribué au dernier, c’est-à-dire, le majeur est attribué au mineur, avec le nominatif, et non avec un cas oblique. Voir la remarque du § 3.
  362. Seconde partie de la règle, pour la négation, Voir § 1.
  363. Syllogismes où les deux prémisses sont obliques et la conclusion directe : Il n’y a pas mouvement de mouvement ; il y a mouvement de plaisir : Donc le plaisir n’est pas mouvement. — Il n’y a pas production de production ; il y a production de plaisir : Donc le plaisir n’est pas production. — Il y a signe du rire ; il n’y a pas signe du signe : Donc le rire n’est pas signe.
  364. Où l’on réfute la conclusion, c’est-à-dire, où la conclusion est négative et l’attribut nié, dans la seconde figure. — En montrant que le genre, Le genre signifie ici le terme moyen, qui, dans la seconde figure, est attribué aux deux termes et joue en quelque sorte, par rapport à eux, le rôle du genre par rapport aux espèces. Alexandre va même jusqu’à croire qu’il y a ici une faute de la part des éditeurs, et il pense qu’il faudrait mettre : le moyen au lieu de : le genre. — D’une façon quelconque, c’est-à-dire, soit au nominatif, soit aux cas obliques.
  365. Voici un syllogisme de la troisième figure, où les propositions sont obliques et la conclusion directe : Il n’y a pas pour la Divinité de temps opportun ; il y a occasion pour la Divinité : Donc l’occasion n’est pas le temps opportun. — Les termes sont ici, au nominatif, quand on les prend isolément ; mais dans les propositions en forme, on les met aux cas divers que réclame la pensée, comme on peut le voir dans les exemples précédents.
  366. Règle générale présentée plus explicitement. — Ou même : cet, avec homme, animal. Le masculin au lieu du neutre, quand le mot est masculin au lieu d’être neutre. En résumé, quand l’une des prémisses est à un cas oblique, conclusion est aussi à ce cas oblique ; quand les deux sont obliques, la conclusion est tantôt directe, tantôt oblique. Les termes isolés sont toujours au nominatif.
  367. Lorsqu’en cherchant à dégager par l’analyse les termes du syllogisme, on trouve une notion redoublée, il faut la confondre dans le majeur, en l’y réunissant comme une de ses parties, et ne pas la joindre au moyen non plus qu’au mineur. Notion redoublée ne doit pas s’entendre ici du moyen qui est répété dans les deux propositions. L’exemple du § suivant l’indique assez.
  368. Soit par exemple ce syllogisme : Il y a cette science du bien qu’il est bien (c’est-à-dire, on sait du bien qu’il est bien) ; or la justice est un bien : Donc il y a cette science de la justice qu’elle est un bien. Quels sont ici les termes vrais du syllogisme ? quel est celui des trois auquel il faut rapporter cette notion : qu’il est bien, redoublé dans la majeure et dans la conclusion ? C’est au majeur ; de sorte qu’on aura pour majeur : Science qu’il est bien ou science en tant que bien ; pour mineur : justice, et pour moyen : bien. — C’est ainsi que se fait la résolution, Elle n’aurait pas lieu si l’on joignait la notion redoublée soit au mineur, soit au moyen ; car alors on aurait ce syllogisme qui est un non-sens : Il y a cette science du bien qu’il est bien : or la justice est un bien en tant que bien, mineure inintelligible qui empêche toute conclusion. L’erreur vient de ce qu’on aurait pris : bien en tant que bien, pour moyen, au lieu de prendre : bien, absolument.
  369. Voici les syllogismes entiers dont Aristote ne donne ici que les conclusions : Le bien peut être connu en tant que bien ; or le salubre est bien : Donc le salubre peut être connu en tant que bien. Ici le majeur doit être avec la notion redoublée : Connu en tant que bien ; le mineur, salubre ; le moyen, bien. Si l’on joignait la notion redoublée au mineur ou au moyen, la conclusion ne serait plus possible. — Le non-être est intelligible en tant que non-être : le bouc-cerf est un non-être : Donc le bouc-cerf est intelligible en tant que non-être : majeur, intelligible en tant que non-être ; non-être, moyen : bouc-cerf, mineur. — Tout être sensible est mortel en tant que sensible : l’homme est un être sensible ; Donc il est mortel en tant que sensible : majeur, mortel en tant que sensible : moyen, sensible : mineur, homme.
  370. Des notions absolues, Comme dans l’exemple cité plus bas dans ce paragraphe : Le bien est connaissable. — Restriction quelconque, Comme dans l’autre, exemple : Telle chose connaissable est un bien : connaissable est une limite de chose, qui n’est point alors pris absolument.
  371. Toute chose est connaissable ; le bien est une chose : Donc le bien est connaissable.
  372. Voici le sens de ce § qui est fort obscur : Quand la conclusion est absolue, le moyen est absolu lui-même, et il suffit qu’il puisse servir de sujet au majeur ; quand la conclusion est limitée, restreinte, le moyen doit avoir aussi une limite qui rende vraie l’attribution qu’on lui fait du majeur. Le syllogisme dont Aristote indique la conclusion, pourrait être construit ainsi : Il y a science du désirable qu’il est désirable : or le bien est désirable : Donc il y a science du bien qu’il est désirable ; ou, en d’autres termes : Il y a science du bien qu’il est bien : car désirable est le signe substantiel bien, c’est-à-dire que l’essence même du bien c’est d’être désirable. La chose spéciale est ici : désirable : B est désirable, C est le bien : A, la connaissance que la chose est désirable. B est moyen. Le moyen et le mineur se confondent essentiellement.
  373. Voici le syllogisme entier : Il y a science d’une chose qu’elle est une chose ; le bien est une chose : Donc il y a science du bien qu’il est une chose, ou qu’il est.
  374. Limités, c’est-à-dire, où l’attribut n’est pas pris d’une manière absolue.
  375. Pour découvrir plus aisément les termes vrais du syllogisme, il peut être utile de substituer parfois un mot à un autre, une proposition à une proposition, et plus ordinairement encore un mot unique à une proposition entière.
  376. Essentiellement supposable, mot à mot : n’est pas ce qu’est supposable. Au temps d’Alexandre d’Aphrodise, cette règle de logique était contestée ; et en effet il est des cas où la réduction, à une proposition plus simple, à une expression plus concise, peut causer de l’obscurité. C’est au discernement du logicien de décider, selon les divers cas, s’il faut préférer la proposition explicite à la proposition réduite. La règle donnée dans ce § n’en est pas moins en général utile et de facile application.
  377. Il faut, dans la décomposition des termes, faire attention aux articles qui modifient complètement le sens. Cette règle s’applique fort bien à la langue française, et à toutes celles qui, comme elle et la langue grecque, ont des articles. En latin, cette règle, qui ne serait pas moins utile, devrait être exprimée d’une autre manière ; car il faudrait toujours examiner avec soin si le terme est pris dans toute son étendue, ou avec une limitation.
  378. À laquelle est BÀ laquelle, tout entière, est B, Dans le premier cas on obtient deux propositions, avec majeure universelle affirmative, et mineure indéterminée, ce qui donne un syllogisme de la première figure en Darii. Dans le second, la majeure et la mineure sont toutes les deux universelles affirmatives, et le syllogisme est alors en Barbara. — Il se peut fort bien, Dans le premier cas la proposition est indéterminée : dans le second, elle est universelle.
  379. Si donc, A est à B, c’est-à-dire, si la majeure est indéterminée et non pas universelle. — Soit que B soit à tout C, ou spécialement à quelque C, c’est-à-dire, soit que la mineure soit universelle ou particulière ; c’est alors le mode inutile IA ou le mode inutile II, Voit plus, haut, ch. 1, §§ 15 et 22. De l’une ou l’autre façon, le syllogisme est impossible.
  380. Le syllogisme alors à la majeure universelle affirmative, la mineure de même : et il est en Barbara.
  381. Le syllogisme alors à la majeure indéterminée, la mineure universelle, toutes deux affirmatives. C’est le mode inutile IA, indique ch. 4, § 15, c’est-à-dire, que le syllogisme n’est pas possible.
  382. Avec trois termes, littéraux ABC.
  383. Exposition des termes, c’est-à-dire, la représentation sensible des termes par des lettres. On a vu un peu plus haut, ch. 6, § 14 et ch. 8, que l’exposition des termes se prenait dans un sens plus général, et qu’exposer un terme, c’était d’un terme universel en tirer un particulier, d’un plus étendu en tirer un moins étendu. Ici exposer les termes, c’est les mettre sous forme visible, c’est-à-dire, sous forme littérale. La pensée est du reste fort claire. — Nous n’appliquons pas ensuite ce que nous trouvons ainsi, c’est-à-dire, sous n’appliquons pas les formules elles-mêmes qui nous sont ainsi données ; mais nous appliquons les règles dont les formules ne sont que l’expression. Le géomètre, non plus, ne démontre rien en partant de la forme réelle et visible des figures, qu’il trace sur le tableau : il démontre uniquement d’après les axiomes ou les théorèmes dont ces figures sont l’expression. — Comme le tout à sa partie, Voilà, sous une autre forme, le principe suprême du syllogisme : De Continente et de Contento. C’est déjà presque la formule scholastique dont on a eu tort de faire honneur à Leibnitz, mais dont il a du moins reconnu la justesse et la profondeur. Voir ch. 4, § 2. — À l’élève, Ceci semblerait prouver que c’est Aristote lui-même qui a institué dans l’école l’enseignement de la syllogistique.
  384. Dans un même syllogisme, sous-entendu : composé : car si le syllogisme était simple, il n’aurait qu’une conclusion. — Toutes les conclusions, le sorite qui est le plus ordinaire des syllogismes composés, a toutes ses conclusions dans la première figure, en Barbara. Mais ceci n’est pas une règle générale pour les syllogismes composés : et dans un syllogisme qui présente trois ou quatre conclusions successives, l’une peut être dans la première figure, l’autre dans la seconde, etc., ou bien toutes étant dans la même figure, l’une peut être obtenue par tel mode, l’autre par un mode différent. — De cette manière, c’est-à-dire, en cherchant dans diverses figures.
  385. Chaque figure ayant des conclusions qui lui sont propres, Voir plus haut, ch. 26. La première figure seule préserve les quatre espèces possibles de conclusions : la seconde n’a pas de conclusion affirmative : la troisième n’en a pas d’universelle. — Dans quelle figure il faut la chercher, Il faut joindre à la nature de la conclusion, la position du moyen ch. 32, § 10 ; et l’on reconnaîtra sans peine la figure.
  386. La conclusion d’un syllogisme hypothétique ne s’obtient pas ostensivement ; elle s’appuie uniquement sur une convention préliminaire, par laquelle on suppose que si telle chose est démontrée, telle autre le sera également. Par exemple, voici une convention préliminaire : SI les contraires ont une seule et même qualité, la notion des contraires sera unique (c’est-à-dire, qu’on en acquerra la connaissance en une seule et même fois). Ceci posé, on prouve, par syllogisme ostensif, que certains contraires n’ont pas une seule et même qualité, et prenant pour moyen terme les contraires salubre et insalubre, on démontre qu’ils ont des qualités toutes différentes. Le syllogisme est alors en Darapti ; Le salubre et l’insalubre n’ont pas les mêmes qualités ; or, salubre et insalubre sont ces contraires : Donc quelques contraires n’ont pas les mêmes qualités. La supposition a été démontrée ; et par cela seul d’après la convention, la conclusion principale l’est aussi : la notion des contraires n’est pas unique. Mais cette démonstration ne résulte pas d’un syllogisme ; elle résulte uniquement de l’hypothèse, et elle ne peut être ramenée à aucune figure par l’analyse. — On prouverait du reste la majeure : Le salubre et l’insalubre n’ont pas les mêmes qualités, par réduction à l’absurde ; car la contradictoire mènerait à cette conclusion, évidemment inadmissible, que le salubre et l’insalubre sont identiques. La proposition initiale serait alors vraie.
  387. La règle précédente s’applique aux syllogismes concluant par réduction à l’absurde, qui ne sont, comme on l’a vu, ch. 23, § 3, qu’une partie des syllogismes hypothétiques. La conclusion absurde s’obtient par syllogisme, et ce syllogisme peut alors être soumis à l’analyse : mais la contradictoire vraie, c’est-à-dire, la conclusion première ne peut être analysée, puisqu’elle n’est obtenue que par hypothèse.
  388. La différence des syllogismes par réduction à l’absurde et des syllogismes hypothétiques, c’est que dans ceux-ci il y a une condition préliminaire, une convention, placée ordinairement dans la majeure, tandis que pour les premiers, il n’est pas besoin de convention antérieure. La conclusion qu’on obtient en prenant, soit pour majeure, soit pour mineure, la contradictoire de celle qu’on nie, est si évidemment impossible qu’on doit en reconnaître l’absurdité, et admettre par cela seul la vérité de la contradictoire. — Il en résulte que l’impair est égal au pair. Voir cette démonstration, ch. 24, § 1.
  389. Plus loin, Cette partie du travail d’Aristote a sans doute péri, elle n’existait déjà plus au temps d’Alexandre ; mais peut-être aussi n’a-t-elle jamais été composée. Voir plus haut, ch. 29, § 7. Ce chapitre suffit à prouver qu’Aristote a distingué très nettement les syllogismes par l’absurde, des syllogismes hypothétiques. Cette dernière, dénomination est tout à fait pour lui ce qu’elle est pour nous. Quelques logiciens modernes ont cru à tort que les syllogismes par hypothèse, d’hypothèse étaient uniquement, dans Aristote, les syllogismes concluant par réduction à l’absurde ; il n’en est rien. — Pour ce chapitre, comme pour les précédents, j’ai cru devoir suivre la division généralement admise par les éditeurs ; mais une simple lecture suffit évidemment pour convaincre que cette division n’est pas à l’abri de toute critique. Il est plusieurs de ces petits chapitres, bien que le sujet en soit distinct, qui auraient pu sans aucun inconvénient être réunis. Mais ce chapitre XLIV doit être distingué des précédents ; il forme un tout à part, ainsi que les deux derniers.
  390. On peut, par l’analyse, ramener une conclusion, soit à l’une soit à l’autre des trois figures, quand cette conclusion peut être obtenue dans plusieurs figures. Ainsi la conclusion universelle négative s’obtient dans la première et dans la seconde ; la particulière affirmative dans la première ; et la troisième ; la particulière négative dans les trois. Voir plus haut, ch. 26, § 2 et suiv. L’analyse ramènera donc ces trois conclusions, à celle des figures qu’elle voudra. Il n’y a que la conclusion universelle affirmative qui fasse exception. On ne l’obtient que dans la première figure. Cette théorie se rattache donc à la théorie de la conversion exposée plus haut, ch. 3, et à celle des syllogismes complets et incomplets ; mais il ne faut pas du tout la confondre avec ces deux autres théories. Du reste tout ce qui va suivre dans ce chapitre est très facile à comprendre, quand on connaît bien le mécanisme des mots techniques Barbara, Celarent, et le sens spécial de toutes les lettres qui les composent. Voir plus haut, ch., 4, § 4, et ch., 5 et 6. — La conclusion privative universelle E est dans Celarent de la première figure, qui se ramène à Cesare de la seconde, comme Cesare et Camestres de la seconde se ramènent à Celarent de la première. — Non pas à tous les syllogismes, On verra par le détail qui suit que les deux modes Baroco et Brocardo ne peuvent être ramenés à une figure autre que la leur : Barbara ne peut non plus se trouver que dans la première. Cette condition de ces trois modes est indiquée par l’identité de l’initiale B. — Il ne faut pas perdre de vue dans tout ce chapitre que, en général, la seconde figure vient de la première par la conversion de la majeure ; et la troisième, par la conversion de la mineure : la seconde se change en la troisième par la conversion des deux propositions. Il faut ajouter aussi, dans certains cas la transposition des prémisses, comme pour Camestres ramené à Celarent.
  391. Syllogisme en Celarent de la première figure, ramené à Cesare de la seconde, par conversion simple de la majeure.
  392. Syllogisme en Ferio, de la première, ramené à Festino de la seconde, par conversion simple de la majeure. — Celarent et Ferio sont les deux seuls modes de la première figure qui puissent passer dans la seconde. Barbara ne passe dans aucune, et Darii ne peut passer que dans la troisième, puisque la seconde n’a que des conclusions négatives.
  393. Dans les modes de la seconde figure, Cesare et Camestres, c’est-à-dire, les universels, passent tous deux à la première des deux particuliers, Festino y passe : Baroco n’y passe pas, parce que la mineure O n’a pas de conversion possible.
  394. Syllogisme en Cesare de la seconde figure, ramené à Celarent de la première, par conversion simple de la majeure. Voir dans ce ch., § 2, et ch. 5, § 7.
  395. Syllogisme en Camestres de la seconde figure, ramené à Celarent de la première, par conversion simple de la mineure et transposition des prémisses ; ce qu’Aristote indique en disant : il faut prendre C pour premier terme, c’est-à-dire, pour majeur. La conclusion doit alors aussi être convertie simplement. Voir ch. 5, § 8.
  396. Si le syllogisme est particulier, et négatif, puisqu’il n’y a que des conclusions négatives dans la seconde figure. — Syllogisme en Festino, de la seconde figure, ramené à Ferio de la première, par conversion simple de la majeure, comme plus haut dans ce ch., § 3, et ch. 5, § 15, où sont indiquées les règles de la seconde figure.
  397. Syllogisme en Baroco, qui ne peut se ramener à aucune autre figure ; car la majeure universelle affirmative ne pouvant se convertir qu’en particulière, et la mineure étant déjà particulière, on aurait deux particulières, ce qui rend tout syllogisme impossible : et la mineure particulière négative ne peut pas non plus se convertir. Voir ch. 2 § 5, et ch. 5, § 16. — A B n’admet pas de conversion, Sous-entendu, simple : car elle admet une conversion particulière qui ne peut être ici d’aucune utilité ; ce qu’Aristote exprime en disant : même quand on fait la conversion.
  398. Ne peuvent pas tous, En effet Brocardo est excepté par la même raison que Baroco, § 1 et § 8. — Tous ceux de la première, L’expression de tous est peut-être trop générale, puisque Barbara ne passant dans aucune figure, ne passe pas dans la troisième, et que Celarent ne passe que dans la seconde. Ainsi, sur quatre modes, deux seulement passent à la troisième figure.
  399. Syllogisme en Darii de la première figure, ramené à Datisi de la troisième, par conversion simple de la mineure.
  400. Syllogisme en Ferio de la première, ramené à Ferison de la troisième, par conversion simple de la mineure.
  401. Brocardo est le seul mode de la troisième figure qui ne passe pas à la première, §§ 1, 8, 9. — Quand le privatif n’est pas universel, c’est-à-dire, quand la mineure est particulière négative.
  402. Aristote, non plus que ses commentateurs, n’a point nettement indiqué quel était le lien de ce chapitre aux précédents : et à première vue, il est difficile de saisir ce rapport ; je crois que le voici : Dans l’analyse des syllogismes, il importe de bien distinguer la nature des propositions, et de ne pas confondre les négatives avec les affirmatives. Or, c’est ce qui peut arriver aisément dans certains cas, quand, sous forme de négative, la proposition est réellement affirmative. Ainsi quand on dit : Cette chose est non blanche ou, en général : Ceci est non cela : ces propositions sont de vraies affirmatives, quoique d’abord on pût les croire négatives. Or, cette erreur pourrait tromper le logicien dans l’analyse, et sur le mode, et sur la figure du syllogisme. Prévenir l’erreur, en la signalant, est donc un complément nécessaire de la théorie générale de l’analyse. Ces questions du reste, ont été traitées déjà dans l’Herméneia. Au § 5, ch. 10, de ce traité, l’auteur renvoie à la théorie, exposée ici, dans les Analytiques qu’il désigne nommément. Voir un peu plus bas dans ce chapitre §, 7. — N’être pas blanc, est la négation d’un attribut déterminé ; être non blanc, est l’affirmation d’un attribut indéterminé. Telle est la différence de ces deux expressions.
  403. Voir l’Herméneia, ch. 10, § 5.
  404. Pour prouver que ces deux propositions : ceci n’est pas blanc, et ceci est non blanc, ne sont pas identiques, Aristote substitue à blanc et non blanc, des exemples plus clairs ; marcher, ne pas marcher ; bien, non bien. Ces propositions nouvelles reçoivent d’ailleurs une forme tout à fait analogue, c’est-à-dire que, comme dans les premières, la négation est mise devant l’attribut. Or, il est évident que : Il peut ne pas marcher, peut se dire d’un homme en même temps que : il peut marcher : donc ces deux propositions ne sont pas contradictoires ; car les contradictoires ne sont jamais vraies à la fois d’un seul et même objet. Herméneia, ch. 7, § 9. — Parmi des choses en proportion, mot à mot : analogues. Par exemple : si marcher est à ne pas marcher, et bien à non bien, comme blanc est à non blanc, et que marcher et ne pas marcher diffèrent entre eux, il est bien clair que la même différence se reproduira entre blanc et non blanc : donc ces deux propositions ne sont pas du tout identiques : Ceci n’est pas blanc et ceci est non blanc, pas plus que : Il peut marcher, il peut ne pas marcher, ne sont identiques entre elles.
  405. Voici la nuance de la pensée que la langue française ne peut pas ici très bien rendre, et qui d’ailleurs est fort délicate : quand on dit d’une chose qu’elle est non égale, on sous-entend par la même qu’elle existe, et qu’elle est inégale à une autre ; mais quand on dit qu’elle n’est pas égale, on ne sous-entend ni son existence ni son inégalité ; car, si la chose n’existe pas, on peut tout aussi bien lui appliquer l’attribut d’égale que tout autre attribut. C’est qu’en effet tout n’est pas égal ou inégal. Il n’y a que les quantités qui aient cette propriété ; voir les Catégories, ch. 6, § 26 : mais tout est égal ou non égal, c’est-à-dire que du moment qu’une chose est, on peut la qualifier d’égal, si elle est une quantité, ou de non égal, si elle n’est pas une quantité. La distinction, du reste, que fait ici Aristote, peut paraître subtile, bien qu’elle soit vraie.
  406. Troisième argument pour prouver que les deux assertions du § 1 : Ceci n’est pas blanc, ceci est non blanc, ne sont pas identiques. Pour sentir la force de ce nouvel argument, il suffit de joindre un sujet aux deux propositions nouvelles, par exemple : La pierre est du bois non blanc, la pierre n’est pas du bois blanc. La seconde assertion est vraie, la première est évidemment fausse ; donc évidemment aussi elles ne sont pas identiques.
  407. Conclusion des raisonnements antérieurs : Donc, il est non bon, n’est pas la négation de : Il est bon. — L’affirmation ou la négation soit vraie, Herméneia, ch. 7, § 12. — En quelque manière, c’est-à-dire, indéterminée. — Il y a négation à toute affirmation, Herméneia, ch. 6, § 3.
  408. Pour mieux faire comprendre ceci, les commentateurs grecs et les autres, à leur suite, dressent un tableau dont on peut faire remonter l’idée jusqu’à Aristote lui-même. Voir plus haut, ch. 2, § 6. Ce tableau consiste en un carré aux angles duquel on a mis les quatre propositions : A à l’angle supérieur à gauche, B à l’angle supérieur à droite, C à l’angle inférieur à gauche, D à l’angle inférieur à droite, les angles étant joints d’ailleurs par des diagonales. Il en résulte six combinaisons AB. CD, BC, AD, AC, BD, qu’Aristote étudie successivement ; AB représente les contradictoires à attribut déterminé ; CD les contradictoires à attribut indéterminé ; BC le conséquent et l’antécédent, la négation déterminée et l’affirmation indéterminée ; AD l’antécédent et le conséquent, c’est-à-dire, l’affirmation déterminée et la négation indéterminée ; AC les diagonales qui ne peuvent être vraies à la fois, affirmation déterminée et affirmation indéterminée ; enfin BD diagonales aussi, qui peuvent être vraies à la fois, négation déterminée et négation indéterminée. — A ou B sera à tout, c’est-à-dire, pour toute chose il y a affirmation ou négation : mais jamais l’affirmation et la négation ne sont ensemble à la même chose, parce que les contradictoires ne sont jamais toutes deux vraies à la fois. — C ou D sera également à tout, par la même raison. — Tout ce qui a C doit avoir aussi B, c’est-à-dire, tout ce qui a l’antécédent doit avoir aussi le conséquent. — C ne suit pas toujours B, c’est-à-dire que le conséquent peut exister sans antécédent. — Tout ce qui a A doit avoir aussi D, c’est-à-dire, encore que ce qui a l’antécédent doit avoir aussi le conséquent. — Car il y a C vu D, c’est-à-dire, l’affirmation indéterminée ou la négation indéterminée. — Ainsi, D est vrai, c’est-à-dire que de conséquent peut être vrai sans que l’antécédent le soit. — A C ne peuvent être ensemble, c’est-à-dire, l’affirmation déterminée ; et l’affirmation indéterminée. — Quoique B et D puissent être parfois tous deux, c’est-à-dire, la négation déterminée et la négation indéterminée ; car ce qui n’existe pas n’est : ni bon, ni non bon.
  409. Des privations relativement aux attributions, on voit par l’exemple cité ce qu’Aristote entend ici par privations. Ainsi : égal est l’attribution, inégal, la privation. L’attribution opposée à égal est non égal qui a encore la forme affirmative : l’attribution opposée à inégal est non inégal. Les rapports sont ici tout à fait les mêmes que plus haut : Est blanc, n’est pas blanc ; est non blanc, n’est pas non blanc ; et les lettres sont aussi les mêmes. La forme seule est différente.
  410. Si la négation déterminée et la l’affirmation indéterminée étaient équivalentes, il n’y aurait pas des cas où l’une est vraie et l’autre fausse ; elles seraient vraies ou fausses toutes deux à la fois ; or le contraire arrive, car cette négation déterminée est vraie : Tout n’est pas blanc, et cette affirmation indéterminée est fausse : Tout est non blanc.
  411. L’une est une affirmation, la première ; l’autre une négation, la seconde. — La manière de prouver, dans l’analyse qu’on y applique, puisque l’affirmation indéterminée se rapporte aux conclusions affirmatives, et la négation détermine aux conclusions négatives. — Tout ce qui est animal n’est pas blanc, proposition universelle négative, absolue, avec un attribut déterminé.— Ou bien, peut n’être pas blanc, en rétablissant toute la proposition : Il est contingent que tout ce qui est animal ne soit pas blanc, proposition universelle affirmative contingente. — L’on peut en dire avec vérité, rétablissant toute la proposition : L’on peut dire avec vérité que tout ce qui est animal est non blanc, proposition universelle affirmative modale, avec un attribut indéterminé. — Tandis que pour ces assertions, toutes deux affirmatives, la première avec un attribut déterminé, la seconde avec un attribut indéterminé. — Démontrées affirmativement par la première figure, c’est-à-dire, en Barbara. — Cette addition, c’est-à-dire, cette forme modale : Il est vrai. — Est, ou musicien, ou non-musicien, attribut déterminé dans le premier cas, indéterminé dans le second. Voici les deux syllogismes, tous deux en Barbara : Tout animal est musicien ; tout homme est animal ; Donc tout homme est musicien. — Tout animal est non musicien ; tout homme est animal ; Donc tout homme est un musicien. — Que tout ce qui est homme n’est pas musicien, ou aucun homme n’est musicien, proposition universelle négative qui se démontre dans les trois modes : Celarent, Cesare, Camestres. — Qu’on a dites, ce sont ces trois modes de la première et de la seconde figure.
  412. Pour suivre plus facilement le raisonnement, il faut substituer des termes aux lettres : Voici ceux des commentateurs : A non égal, B égal, C inégal, D non inégal. — A et B, non égal et égal, ne peuvent être au même objet ; mais l’un d’eux est nécessairement à tout : car tout est ou non égal ou égal. C et D sont dans le même rapport : car inégal et non inégal ne peuvent être au même objet ; et l’un d’eux nécessairement est à tout. — Si A est conséquent de C sans en être réciproque, c’est-à-dire, si A suit C sans que C suive A ; en effet, du moment qu’une chose est inégale, elle est non égale : mais, du moment qu’elle est non égale, il ne s’ensuit pas qu’elle soit inégale. Et de même, du moment qu’une chose est non inégale, elle est égale ; mais il ne s’ensuit pas que du moment qu’elle est égale, elle soit non inégale. — A et D pourront être au même objet, c’est-à-dire, quand l’objet n’est pas, il est non égal et non inégal ; mais égal et inégal ne peuvent être au même objet, que cet objet d’ailleurs soit ou ne soit pas. — D soit conséquent de B car des deux termes C et D, l’un doit être nécessairement à tout, et à B par exemple : or C ne peut être conséquent ; donc c’est D qui l’est. — A et D soient au même objet, Non égal, non inégal, peuvent être tous deux au non-être ; en effet A est conséquent de C, c’est-à-dire que le non-égal suit l’inégal ; mais B et C ne peuvent être au même objet, parce qu’un même objet ne peut être égal et inégal à la fois. — B n’est pas réciproque à D, c’est-à-dire que, D étant admis, B ne suit pas nécessairement, bien que D suive B.
  413. On peut croire parfois que B suit D, ce qui est une erreur, parce qu’on n’aura pas bien su distinguer les propositions vraiment opposées. Soit : A n’est pas bon ; B, il est bon ; C, il est non bon ; D, il n’est pas non bon. F sera la négation de A et de D, c’est-à-dire : ni il n’est pas bon, ni il n’est pas non bon ; H la négation de C et de D : ni il n’est non bon, ni il n’est pas non bon. — A ou F soit à tout objet, F étant la négation supposée d’une négation devient une sorte d’affirmation, et alors tout objet quelconque doit être A ou F nié ou affirmé ; et de même pour C et H, qui sont aussi affirmation ou négation. Mais c’est en ceci que consiste l’erreur : car F n’est pas la négation de A, mais de A et de D ; H n’est pas la négation de C, mais bien la négation de C et de D. — Car la consécution était à l’inverse, en effet, les quatre termes supposés étant A, B, C, D, on avait conséquence de C à A, mais non pas de A à C ; et de même, conséquence de B à D, mais non pas de D à B. Or, on suppose dans la démonstration précédente qu’il y a conséquence de D à B : donc cette démonstration est fausse ; car elle s’éloigne de l’hypothèse admise.
  414. C’est que F n’est pas la négation de A tout seul, non plus que celle de B tout seul ; car la négation de : Il est bon, est : Il n’est pas bon. Or F exprime ceci : Il n’est ni bon, ni non bon. F est donc en réalité la négation de A et B pris ensemble, et non pas du tout la négation de l’un des deux pris à part. — Car les négations prises plus haut, c’est-à-dire, B et F seraient deux contre une seule affirmation, A : ce qui est impossible ; Herméneia, ch. 6, § 2 et ch. 7, § 12 passim. Sans parler de toutes les difficultés sur la théorie qui précède, on peut trouver qu’Aristote lui a donné ici trop d’importance et trop de développement, surtout pour la dernière partie qui traite du rapport des opposées dans les conséquents et les antécédents. Voici les deux règles générales que la Scholastique a tirées de celles d’Aristote : Quatre termes opposés et subordonnés les uns aux autres, étant mis deux à deux dans un même rapport : 1° l’opposé de l’antécédent de l’un suit toujours l’opposé du conséquent de l’autre, sans que réciproquement l’opposé du conséquent suive l’opposé de l’antécédent ; 2° l’opposé de l’antécédent peut être vrai en même temps que le conséquent de cet antécédent ; mais l’opposé du conséquent ne peut jamais réciproquement être vrai en même temps que l’antécédent de ce conséquent.
  415. Récapitulation de toutes la théories du premier livre. — Nous venons d’expliquer, section première du livre. — De plus, nous avons dit, section seconde du premier livre. — Enfin, nous avons montré, section troisième du premier livre. Ceci confirme la division du premier livre adoptée par les commentateurs, et que l’auteur a déjà indiquée lui-même, liv. 1, ch. 1, § 1, et ch. 32, § 1. Voir plus haut.
  416. La propriété, qu’ont certains syllogismes de présenter plusieurs conclusions, a deux causes : la première, c’est la conversion même des propositions dont les règles ont été exposées, liv. 1, ch. 3 ; la seconde, c’est l’exposition des termes contenus sous le mineur et sous le moyen. Aristote s’occupe d’abord de la conversion. Ainsi, il est clair que, quand on a obtenu pour conclusion une universelle affirmative, on peut par la conversion obtenir une particulière affirmative ; car c’est ainsi que se convertit l’universelle affirmative. Quand on a obtenu une conclusion particulière affirmative, on peut, en la convertissant en ses propres termes, en obtenir une autre ; et de même pour l’universelle négative. La particulière négative est la seule qui reste simple, parce qu’elle n’a pas de conversion possible. — Puis donc que, parmi les syllogismes, Syllogismes est encore pris ici, comme il l’a déjà souvent été, pour conclusions. — Tous les universels, soit affirmatifs, soit négatifs. — Et la conclusion est une proposition, c’est-à-dire, déterminée et spéciale, de telle sorte que la conversion, tout en gardant les deux mêmes termes pour sujet et pour attribut, fait cependant une proposition et une conclusion nouvelles. — C’est donc une cause commune, La conversion.
  417. La seconde cause est l’exposition des termes, ou, dans le langage scholastique, la subsumption. Ainsi, quand on a démontré que tous les hommes sont des substances, on a démontré par cela même que tous les termes particuliers, contenus sous le terme universel d’hommes, c’est-à-dire, les individus, Socrate, Platon, etc., sont aussi des substances. — Un même syllogisme, c’est-à-dire, un syllogisme de même forme, une conclusion universelle. — Qui sont sous le moyen, c’est-à-dire, tous les termes qui peuvent être sujets du moyen. — Ou sous la conclusion, tous ceux qui peuvent être sujets du mineur, sujet lui-même du majeur dans la conclusion. — Si l’on place ceux-ci dans le moyen, c’est-à-dire, si l’on en fait les sujets du moyen dans d’autres syllogismes. — Ou ceux-là dans la conclusion, si l’on en fait les sujets du mineur.
  418. Il faut remarquer qu’ici A est le majeur, B le mineur, et C le moyen ; le syllogisme est en Barbara. En résumé l’attribut de la conclusion, attribut du mineur, sera attribut de tous les termes dont le mineur est attribut : il sera également attribut de tous les termes dont le moyen est attribut. Il suffit de se rappeler ici ce que c’est que l’extension d’un terme pour voir que la règle d’Aristote est de toute évidence. Voir, liv. 1, ch. 1, § 11, et Catégories, ch. 3, § 1. Le moins étendu est renfermé dans le plus étendu ; le genre renferme l’espèce ; et l’espèce, l’individu ; le genre renferme toutes les espèces ; l’espèce, tous les individus. Voir plus haut, liv. I, ch. 4, § 2..
  419. Si le syllogisme était privatif. Syllogisme en Celarent.
  420. Cette règle se comprend sans peine d’après le § 4. Dans la seconde figure, le majeur n’étant pas attribut du moyen ne le renferme pas ; il ne renferme pas le mineur dans la conclusion. — Ici A est pris pour moyen, B est le majeur, et C le mineur. — Si A n’est à aucun B, Syllogisme en Cesare. — Il est évident que B ne lui est pas attribué, c’est-à-dire, n’est pas attribué aux termes subordonnés au mineur ; mais il n’est pas évident, par syllogisme, que le majeur n’est pas aux termes subordonnés au moyen. — Mais il n’est pas évident, par syllogisme, c’est-à-dire que ce n’est pas par conclusion démonstrative qu’on sait que B n’est à aucun des termes subordonnés à A : on a seulement supposé dans la majeure que A n’est à aucun B : on a donc supposé aussi implicitement par la conversion que B n’est à aucun A, ni, par conséquent, à aucun des termes subordonnés à A. Cependant il est certain que B n’est point attribué à ces termes ; mais ce n’est pas par une déduction syllogitisque qu’on le sait.
  421. Après avoir étudié les conclusions universelles dans les deux figures qui en offrent, il font passer aux conclusions particulières : or, ici on ne peut conclure les sujets du mineur parce qu’il est lui-même particulier. On ne peut conclure que ce qui est sujet du moyen, et c’est alors par un syllogisme différent du premier. — Car il n’y a pas de syllogisme, C’est qu’en effet si l’on prend la conclusion particulière pour en faire la majeure d’un nouveau syllogisme, on ne peut construire de syllogisme dans la première figure où il faut toujours que la majeure soit universelle.
  422. Syllogisme en Darii : A est à tout B ; B à quelque C ; Donc A est à quelque C. Par ce syllogisme on ne démontrera aucun des sujets de C, et il n’y aura pas pour eux de conclusion possible : mais il y aura, si ce n’est démonstration directe, du moins conclusion tacite pour les sujets de B. Soit, par exemple : A bipède, B nomme, et C animal. On aura : Tout homme est bipède : quelque animal est homme ; Donc quelque animal est bipède. Si l’on prend un des sujets de C, c’est-à-dire, un des termes renfermés sous le terme générique d’animal : cheval, par exemple, la conclusion ne vaudra pas pour lui : car, de ce que quelque animal est bipède, il ne s’ensuit pas du tout que cheval soit bipède : mais, comme l’on a admis dans la majeure que tout homme est bipède, si l’on prend l’un des sujets de B, homme, qui est moyen, il y aura conclusion pour ce sujet. Soit Ethiopien, un des termes renfermés dans la totalité du terme générique, homme : du moment que tout homme est bipède, implicitement Ethiopien, sujet d’homme, est aussi bipède.
  423. La règle du § précédent, appliquée à la première figure, vaut encore pour les deux autres, c’est-à-dire qu’on pourra conclure indirectement les termes subordonnés au moyen, et non les termes subordonnés au mineur. — Mais il y en aura pour ce qui est sous le moyen, Pacius a remarqué ici avec raison que l’analyse n’était pas poussée assez loin. Cette règle ne vaut pas pour tous les modes, comme le texte le ferait croire. Parmi les syllogismes particuliers de la seconde figure, il en est un, Baroco, et parmi ceux de la troisième, il en est deux, Disamis et Brocardo, qui repoussent cette règle. En effet, si l’on prend un des termes subordonnés au moyen dans Baroco, et qu’on en fasse la mineure d’un nouveau syllogisme, on aura le mode inutile AA dans la seconde figure. De même pour Disamis, en prenant un des sujets du moyen, on a dans la première figure le mode inutile IA ; et pour Brocardo OA, mode inutile de la première figure. Ainsi voilà trois modes, Baroco ; Disamis et Brocardo, qui doivent être exceptés de la règle d’Aristote. Il ne paraît pas que cette omission ait frappé les commentateurs grecs, du moins ceux dont les ouvrages nous restent, et entre autres, Philopon ; mais Averroës et Albert-le-Grand, qui discute ceci tout au long, et qui rapporte l’opinion d’Alpharabius, avaient remarqué cette lacune Cette théorie des conclusions diverses, soit patentes, soit cachées, d’un même syllogisme, est surtout utile en dialectique, dans la discussion, où il faut faire la plus grande attention à ce qu’on accorde à l’adversaire, soit explicitement, soit implicitement.
  424. Dans les syllogismes concluant par réduction à l’absurde, dont il a été fait un grand usage dans tout le premier livre, on suppose toujours ce principe, exposé ici : que, quand la conclusion est fausse, il faut que l’une des prémisses soit fausse : et cette prémisse fausse est précisément l’hypothèse. — Les propositions étant tantôt vraies, tantôt fausses, soit toutes deux, soit l’une d’elles, que sera la conclusion dans ces divers cas ?
  425. La conclusion n’est jamais fausse quand les prémisses sont vraies : mais elle peut être vraie avec des prémisses fausses. Seulement, dans ce dernier cas, la conclusion est vraie en ce sens qu’elle ressort bien des prémisses pour celui qui les a accordées : mais au fond, et quand on remonte à la cause réelle, on trouve qu’elle est fausse. — On dira plus loin. Derniers Analytiques, ch. 13. L’une des propositions étant fausse, ou toutes deux l’étant, le moyen est nécessairement dans un rapport faux avec l’un des extrêmes ou avec les deux extrêmes : or, c’est par le moyen que le mineur est joint au majeur. Il se peut que dans la conclusion cette union ait lieu en fait et avec vérité : mais la cause n’a point été donnée, puisque le moyen seul qui la peut donner a été mal pris.
  426. Confirmation de la première règle, que de propositions vraies on ne peut pas tirer une conclusion fausse. Représentant les propositions ou prémisses par A et la conclusion par B, A étant vrai, il faut que B le soit aussi de toute nécessité. En effet B est à A dans ce rapport que son existence résulte de celle de A : ainsi A étant, B est aussi ; et par suite B n’étant pas, A n’est pas non plus ; car si A était, comme dès lors B serait aussi, on aurait à la fois que B est et que B n’est pas, ce qui est absurde. Si au lieu de l’existence absolue, on suppose l’existence modifiée : au lieu de : A est, A est vrai, ce principe n’en vaudra pas moins. Donc A, les prémisses, étant vrai, il faut nécessairement que B, la conclusion, le soit aussi : autrement B serait vrai, et à la fois ne serait pas vrai, ce qui est contradictoire et absurde. — A est ici un terme unique, A à lui seul représente les deux premières vraies : car il faut toujours au moins trois termes pour obtenir une conclusion, comme on l’a vu, liv. ι, ch. 23, § 1 et suiv. — Deux propositions réunies, et par conséquent, trois termes. — De même pour les propositions privatives, c’est-à-dire, au lieu de supposer l’existence de A et celle de B a la suite, en pourrait tout aussi bien à l’inverse nier l’une d’abord et l’autre ensuite.
  427. Continuation de la seconde règle du § 2. — Ce doit être la seconde, c’est-à-dire, la mineure. — Fausse tout entière…, si on ne la suppose pas fausse dans toute son étendue, Fausse en totalité, fausse en partie, s’appliquent tous deux à des propositions universelles : seulement la proposition universelle est fausse en totalité quand elle est contraire à la vraie ; et en partie, quand elle lui est contradictoire. Ainsi cette proposition universelle est fausse en totalité : Aucun homme n’est animal, car elle est contraire, c’est-à-dire opposée seulement en quantité à la vraie : Tout homme est animal. Au contraire, cette proposition universelle est fausse en partie : Aucun homme n’est juste ; car elle est contradictoire à la vraie : Quelque homme est juste, c’est-à-dire qu’elle lui est opposée en quantité comme en qualité. Les propositions particulières ne peuvent admettre cette distinction, parce qu’elles sont ou tout à fait vraies, ou tout à fait fausses. Voir du reste plus bas, § 8, l’explication qu’Aristote donne lui-même de ces expressions.
  428. Syllogisme à conclusion vraie avec deux prémisses fausses, en Barbara : Toute pierre est animal : tout homme est pierre : Donc tout homme est animal.
  429. Syllogisme en Celarent à conclusion vraie avec deux prémisses fausses. — A représente animal, B homme, C pierre : ni A ni B ne peuvent par conséquent être réellement à C ; en prenant le contraire, on aura deux prémisses fausses, et cependant la conclusion sera vraie : Aucun homme n’est animal : toute pierre est homme : Donc aucune pierre n’est animal. — Animal ne convient à rien, animal à homme. — Qu’il convient à tout, animal à pierre,
  430. Les propositions ci-dessus sont fausses en totalité ; la règle reste la même si elles sont fausses en partie. Voici les exemples ; Aristote omet de les donner comme faciles à suppléer ; en Barbara : Tout être blanc est animal ; tout oiseau est blanc : Donc tout oiseau est animal, — En Celarent : Nul être blanc n’est animal ; toute pierre est blanche : Donc nulle pierre n’est animal. Les prémisses sont fausses en partie.
  431. Seconde partie de la règle du § 4. Après avoir étudié le cas où les deux prémisses sont fausses, reste à étudier le cas où l’une des deux seulement est fausse. — La première, c’est-à-dire, la majeure. — La proposition B C, c’est-à-dire la mineure. Il suffit que la majeure seule soit fausse en totalité pour que la conclusion soit fausse aussi ; si c’est la mineure qui est fausse en totalité, la conclusion peut encore être vraie. — Par exemple, universelle affirmative dans le premier cas ; universelle négative dans le second. Voir §§ 9 et 10.
  432. A ne convenant à aucun B, sous-entendu : avec vérité. — Syllogisme en Barbara. La majeure étant fausse tout entière, c’est-à-dire, contraire à la proposition vraie, la conclusion sera fausse, bien que la mineure soit vraie : Tout animal est pierre : tout homme est animal : Donc tout homme est pierre.
  433. A B supposée fausse tout entière, c’est-à-dire, la majeure fausse en totalité, universelle négative, contraire à la proposition vraie qui est universelle affirmative. — Syllogisme en Celarent : Aucun animal n’est vivant : tout homme est animal : Donc aucun homme n’est vivant.
  434. Résumé des règles précédentes. Quand la première proposition, c’est-à-dire, la majeure, est fausse en totalité, et que l’autre, c’est-à-dire, la mineure, est vraie, la conclusion est fausse, soit que d’ailleurs la majeure universelle soit affirmative ou négative.
  435. Si la majeure n’est fausse qu’en partie, la conclusion pourrai ! être vraie. — Syllogisme en Barbara : Tout être blanc est animal : tout cygne est blanc : Donc tout cygne est animal.
  436. Si A B est privative, c’est-à-dire, si la majeure est négative, et fausse en partie : Aucun être blanc n’est animal : toute neige est blanche : Donc aucune neige n’est animal ; syllogisme en Celarent.
  437. Après avoir étudié les cas où la majeure est fausse et la mineure vraie, il faut étudier ceux où au contraire la majeure est vraie et la mineure fausse : on examinera d’abord le cas où cette mineure est fausse en totalité. — Le syllogisme sera vrai, Syllogisme pris encore ici pour conclusion. — Subordonnées, les unes aux autres. — Syllogisme en Barbara, avec majeure vraie et mineure fausse en totalité : Tout cheval est animal : tout homme est cheval : Donc tout homme est animal.
  438. A B étant privative, c’est-à-dire, avec une majeure universelle négative : syllogisme en Celarent : Nulle musique n’est animal : toute médecine est musique ; Donc nulle médecine n’est animal.
  439. La mineure, au lieu d’être musse en totalité, peut ne l’être qu’en partie, syllogisme en Barbara : Tout homme est animal : tout être qui a des pieds est homme ; Donc tout être qui a des pieds est animal.
  440. A B étant privative, c’est-à-dire, la majeure universelle étant négative, syllogisme en Celarent. Nulle sagesse n’est animal : toute sagesse théorique est sagesse ; Donc nulle sagesse théorique n’est animal.
  441. Après avoir épuisé les modes universels : Barbara, Celarent, il faut passer aux modes particuliers : Darii, Ferio. Seulement ici les nuances seront en moindre nombre parce que la mineure, étant particulière, ne pourra point être fausse en partie seulement ; elle ne peut l’être qu’en totalité. Voir plus haut, §§ 4 et 8. — Les syllogismes particuliers, syllogismes pour conclusions. — La première proposition, la majeure. — L’autre, la mineure. — Règle générale : La conclusion particulière peut être vraie, soit que la majeure soit fausse en totalité ou en partie, la mineure étant vraie, soit que la mineure soit fausse, la majeure étant vraie, soit enfin que toutes les deux soient fausses.
  442. Premier cas : majeure musse en totalité, mineure vraie : syllogisme en Darii : Toute neige est animal : quelque être blanc est neige ; Donc quelque être blanc est animal.
  443. Second cas : la majeure, fausse en totalité, étant négative au lieu d’être affirmative, la mineure restant vraie, syllogisme en Ferio : Nul homme n’est animal : quelque être blanc est homme ; Donc quelque être blanc n’est pas animal.
  444. Troisième cas : majeure fausse en partie, mineure vraie, syllogisme en Darii : Tout être beau est animal : quelque être grand est beau ; Donc quelque être grand est animal.
  445. Quatrième cas : la majeure fausse, en partie, étant négative au lieu d’être affirmative, la mineure restant vraie, syllogisme en Ferio : Aucun être beau n’est animal : quelque être grand est beau ; Donc quelque être grand n’est pas animal.
  446. Cinquième cas : la majeure étant vraie, et la mineure fausse ; syllogisme en Darii : Tout cygne est animal : quelque être noir est cygne, Donc quelque être noir est animal.
  447. Sixième cas : la majeure vraie étant négative au lieu d’être affirmative, la mineure restant fausse ; syllogisme en Ferio : Aucun nombre n’est animal : quelque être blanc est nombre ; Donc quelque être Manc n’est pas animal.
  448. Septième cas : les prémisses étant toutes deux fausses, la majeure peut l’être en partie ou en totalité, la mineure l’étant toujours ici en totalité. Avec majeure fausse en partie, et mineure fausse, la conclusion peut être vraie ; syllogisme en Darii : Tout être blanc est animal : quelque être noir est blanc ; Donc quelque être noir est animal.
  449. Huitième cas : AB privative, c’est-à-dire, la majeure fausse en partie étant négative au lieu d’être affirmative, la mineure restant fausse, syllogisme en Ferio : Nul être blanc n’est animal : quelque être noir est blanc ; Donc quelque être noir n’est pas animal.
  450. Neuvième cas : toutes deux fausses, sous-entendu en totalité : syllogisme en Darii : Tout nombre est animal : quelque être blanc est nombre ; Donc quelque être blanc est animal.
  451. Dixième cas : AB étant privative, c’est-à-dire, la majeure fausse en totalité étant négative au lieu d’être affirmative : Nul cygne n’est animal : quelque être noir est cygne ; Donc quelque être noir est animal.
  452. Règle générale : on peut toujours dans la seconde figure tirer une conclusion vraie de prémisses fausses, les deux ou l’une des deux seulement étant fausses, soit en totalité, soit en partie. — Syllogismes vrais… Syllogismes universels… Syllogismes particuliers, syllogisme pris encore pour conclusion, comme il l’a été déjà fort souvent.
  453. Sous forme contraire, afin de les rendre fausses en totalité. Voir ch. précédent, §§ 4 et 8. — Syllogisme en Camestres : Toute pierre est animal : aucun cheval n’est animal : Donc aucun cheval n’est pierre ; majeure et mineure fausses en totalité, conclusion vraie.
  454. Syllogisme en Cesare : Aucun cheval n’est animal : toute pierre est animal : Donc aucune pierre n’est cheval. — Le syllogisme sera le même, On voit, au contraire, qu’il n’est pas tout à fait le même, puisque, d’une part, les prémisses sont renversées, et que de l’autre, la conclusion est convertie. L’expression d’Aristote est trop générale.
  455. Apres avoir supposé les deux prémisses fausses en totalité, dans les modes universels, il faut supposer l’une seulement fausse et l’autre vraie : la mineure fausse, la majeure vraie : syllogisme en Camestres : Tout cheval est animal : aucun homme n’est animal : Donc aucun homme n’est cheval. — Majeure fausse, mineure vraie, syllogisme en Cesare : Aucun cheval n’est animal : tout homme est animal : Donc aucun homme n’est cheval. Les deux conclusions sont vraies.
  456. La majeure étant fausse en partie, et la mineure vraie, syllogisme en Cesare : Aucun être blanc n’est animal : tout corbeau est animal : Donc aucun corbeau n’est blanc.
  457. En déplaçant la négation, c’est-à-dire, en la supposant à la mineure au lieu de la majeure, syllogisme en Camestres : Tout corbeau est animal : aucun être blanc n’est animal : Donc aucun être blanc n’est corbeau ; majeure vraie, mineure fausse en partie ; conclusion convertie du syllogisme précédent, comme au § 3.
  458. Syllogisme en Camestres, avec majeure affirmative fausse en partie : Tout être blanc est animal : aucune poix n’est animal : Donc aucune poix n’est blanche. — On peut ajouter le syllogisme en Cesare qu’Aristote ne fait qu’indiquer, en ne précisant dans cette règle ni la majeure ni la mineure : Aucune poix n’est animal : tout être blanc est animal : Donc aucun être blanc n’est poix ; conclusion convertie du syllogisme précédent.
  459. Après avoir étudié le cas on l’une des deux propositions seulement est fausse en partie, reste pour les modes universels, le cas où elles sont toutes les deux fausses en partie. La conclusion est encore vraie, syllogisme en Camestres : Tout être blanc est animal : aucun être noir n’est animal : Donc aucun être noir n’est blanc.
  460. En déplaçant la privative, c’est-à-dire, en la supposant à la majeure au lieu de la mineure, syllogisme en Cesare : Aucun être blanc n’est animal : tout être noir est animal : Donc aucun être noir n’est blanc.
  461. Après les conclusions universelles, viennent les particulières ; elles seront encore vraies, les prémisses étant fausses. —Syllogisme en Festino : Aucun homme n’est animal, quelque être blanc est animal : Donc quelque être blanc n’est pas animal ; l’une des deux propositions, la majeure, est ici fausse.
  462. Syllogisme en Baroco : Tout être inanimé est animal : quelque être blanc n’est pas animal : Donc quelque être blanc n’est pas inanimé.
  463. On a supposé jusqu’ici la majeure fausse et la mineure vraie, il faut maintenant supposer, à l’inverse, la majeure vraie et la mineure fausse ; la conclusion n’en sera pas moins vraie ; syllogisme en Festino : Aucun nombre n’est animal : quelque être inanimé est animal : Donc quelque être inanimé n’est pas nombre
  464. L’universelle affirmative, syllogisme en Baroco, avec majeure universelle affirmative et vraie : Tout homme est animal : quelque être muni de pieds n’est pas animal : Donc quelque être muni de pieds n’est pas homme.
  465. Après avoir vu pour les modes particuliers le cas où l’une des deux propositions est fausse, reste le cas où toutes les deux le sont ; syllogisme en Festino : Aucun homme n’est animal : quelque être inanimé est animal : Donc quelque être inanimé n’est pas homme. — Les éditions portent ordinairement : si A est à B tout entier et à tout entier ; or, il faut nécessairement : si A n’est à aucun C ; car autrement la proposition : A est à quelque, ne serait pas fausse, et il faut qu’elle le soit. Boece seul, comme l’indique sa traduction, a en ici la leçon véritable. Il faut la rétablir d’après son autorité, comme le propose Pacius. Averroès et Albert-le-Grand ont suivi Boèce, sans avoir connu, à ce qu’il paraît, d’autre leçon que la bonne.
  466. La proposition universelle, c’est-à-dire, la majeure ; syllogisme en Baroco : Toute science est animal : quelque homme n’est pas animal : Donc quelque homme n’est pas science. Les prémisses sont toutes les deux, fausses.
  467. Ce chapitre est divisé en deux parties bien distinctes. Du § 1 au § 14, il s’agit de la troisième figure, dans laquelle on peut tirer une conclusion vraie de prémisses fausses, quelle que soit d’ailleurs la nuance des propositions vraies ou fausses, toutes deux, ou l’une des deux, en totalité ou en partie : du § 15 à la fin, sont résumées les règles générales relatives à cette seconde propriété du syllogisme dans les trois figures.
  468. Examen des modes où les deux prémisses sont universelles ; syllogisme en Darapti, avec des propositions fausses en totalité et conclusion vraie : Tout être inanimé est homme : tout être inanimé a des pieds : Donc quelque être qui a des pieds est homme.
  469. Syllogisme en Felapton, avec des propositions fausses en totalité et conclusion vraie : Nul cygne n’est animal : tout cygne est noir : Donc quelque être noir n’est pas animal.
  470. Les deux prémisses étant fausses en partie, au lieu de l’être en totalité, la conclusion est encore vraie ; syllogisme en Dorapti : Tout animal est blanc : tout animal est beau : Donc quelque être beau est blanc.
  471. A C privative, c’est-à-dire, la majeure ; syllogisme en Felapton : Aucun animal n’est blanc : tout animal est beau : Donc quelque être beau n’est pas blanc.
  472. L’une des propositions seulement étant fausse en totalité, et l’autre étant vraie, la conclusion sera vraie aussi. — N’est pas à C tout entier, c’est-à-dire, n’est à aucun C ; syllogisme en Felapton : Nul cygne n’est animal : tout cygne est blanc : Donc quelque être blanc n’est pas animal. La majeure est fausse en totalité, et la mineure est vraie.
  473. Si la mineure, au contraire, est fausse en totalité, et la majeure, vraie, la conclusion sera encore vraie ; autre syllogisme en Felapton : Nul cygne n’est noir : tout cygne est inanimé : Donc quelque être inanimé n’est pas noir.
  474. Les deux propositions affirmatives, la majeure étant fausse en totalité et la mineure vraie, comme au § 6 ; syllogisme en Dorapti : Tout cygne est noir : tout cygne est animal : Donc quelque animal est noir, conclusion vraie avec majeure fausse.
  475. Ou à l’inverse, si l’on fait AC la majeure vraie, et la mineure fausse en totalité, comme au § 7 ; autre syllogisme en Darapti : Tout cygne est animal : tout cygne est noir Donc quelque être noir est animal conclusion convertie du syllogisme précédent.
  476. L’une des prémisses étant fausse en partie au lieu de l’être en totalité, la conclusion est encore vraie. Soit d’abord la majeure qu’est fausse en partie ; syllogisme en Darapti : Tout homme est beau tout homme est bipède : Donc quelque bipède est beau.
  477. Ou à l’inverse, la majeure AC étant vraie et la mineure fausse en partie ; autre syllogisme en Darapti : Tout homme est bipède : tout homme est beau : Donc quelque être beau est bipède. — Qu’on changera de place, On voit en effet qu’il a suffi de transposer les prémisses du syllogisme précédent, c’est-à-dire, de prendre le majeur pour mineur ; et réciproquement.
  478. Syllogisme en Felapton. — L’une étant privative, c’est-à-dire, la majeure : Aucun homme n’est blanc : tout homme est animal : Donc quelque animal n’est pas blanc ; la majeure est fausse en partie, et la mineure est vraie.
  479. On peut, à l’inverse, supposer la majeure vraie et la mineure fausse en partie ; autre syllogisme en Felapton : Nul homme n’est pierre : tout homme est blanc : Donc quelque être blanc n’est pas pierre.
  480. Syllogismes particuliers, c’est-à-dire, ceux où l’une des prémisses est particulière, l’autre étant nécessairement universelle, comme Disamis, Datisi, Brocardo, Ferison : il ne peut être question ici que de conclusions particulières, puisque toutes, sans exception, le sont dans la troisième figure. — Avec les propositions universelles, Darapti, Felapton, où les deux prémisses sont universelles : ainsi pour obtenir le syllogisme en Disamis, il faudra prendre les mêmes termes qu’en Durapti : la majeure seule sera changée d’universelle en particulière, et au lieu de dire : Tout homme est bipède, on aurait : Quelque homme est bipède. — À supposer qu’elle est universelle affirmative, c’est-à-dire, à la faire totalement fausse. — À supposer qu’elle est universelle, c’est-à-dire, à la frire fausse en partie. Voir plus haut, ch. 2, §§ 3 et 8. — L’exposition des termes, c’est-à-dire, la substitution de termes réels aux lettres, et les relations dans lesquelles on les met les uns avec les autres. — Pour les syllogismes privatifs, c’est-à-dire, à conclusion privative, Brocardo, Ferison, parce qu’il était question antérieurement des deux particuliers affirmatifs, Datisi, Disamis.
  481. Résumé général des règles sur le rapport des prémisses et de la conclusion en tant que vraies ou fausses. De la fausseté de la conclusion, on peut affirmer celle des prémisses ; mais de la vérité de la conclusion, on ne peut pas affirmer celle des prémisses : car la conclusion peut être vraie sans qu’aucune des prémisses le soit, comme on l’a vu dans les chapitres 2, 8 et dans celui-ci.
  482. Deux choses, Ce sont ici d’une part les prémisses, et de l’autre la conclusion : ainsi la conclusion étant vraie, il n’est pas nécessaire que les prémisses soient vraies ; la conclusion n’étant pas vraie, il est nécessaire que les prémisses ne soient pas vraies non plus. En d’autres termes, considérant la conclusion comme conséquent, et les prémisses comme antécédent, on tire cette règle générale : L’existence du conséquent n’implique pas celle de l’antécédent ; mais la destruction du conséquent implique celle de l’antécédent.
  483. En appliquant ceci au syllogisme, on peut dire en d’autres termes, qu’il n’est pas possible que la même conclusion demeure, si l’on suppose tour à tour que les prémisses soient et ne soient pas vraies. — Une même chose, le conséquent. — Une même autre, l’antécédent. — C ne soit pas blanc, Aristote pose ici un troisième terme pour rendre la déduction plus évidente. Voici tout le syllogisme hypothétique : si A est blanc, B est grand : or si B est grand, C n’est pas blanc : Donc si A est blanc, C n’est pas blanc. — La seconde n’étant pas, c’est-à-dire, quand le conséquent n’est pas vrai, l’antécédent n’est pas non plus vrai ; mais si l’antécédent est vrai, le conséquent doit l’être ; c’est ce qu’Aristote entend quand il dit : deux choses dont il faut nécessairement que l’une soit par l’existence de l’autre. L’une c’est le conséquent vrai, l’autre c’est l’antécédent vrai. — Si, A n’étant pas blanc, supposition qui doit conduire à une absurdité. On avait dans le premier syllogisme : Si A est blanc, B est grand : or A est blanc : Donc B est grand ; en prenant la contradictoire de la majeure, que l’adversaire nie, on a : Si A n’est pas blanc, B est grand : or si B n’est pas grand, A n’est pas blanc : Donc si B n’est pas grand, B est grand, conclusion absurde ; c’est donc la majeure elle-même qui est absurde, car la mineure a été admise et prouvée : « la seconde n’étant pas, il y a nécessité que la première ne soit pas. » — Comme avec les trois termes, A, B, C, posés au début de ce paragraphe. C’est que, dans ce dernier exemple, B est pris deux fois, au lieu de C. En résumé, on ne peut de la fausseté des prémisses induire la fausseté nécessaire de la conclusion, puisqu’on peut aussi bien de prémisses fausses tirer une conclusion vraie qu’une conclusion fausse comme elles : mais de la vérité des prémisses on peut toujours induire celle de la conclusion. De la fausseté des prémisses, on ne peut induire la vérité de la conclusion : car cette vérité de la conclusion ne peut être induite nécessairement que de la vérité des prémisses. Voir les exemples cités dans ce chapitre, et dont ces règles sont tirées.
  484. Définition de la démonstration circulaire. Il faut que tour à tour chaque prémisse devienne conclusion ; et la conclusion, tantôt majeure, tantôt mineure. — Dont l’attribution est renversée, Ce n’est pas la conversion proprement dite, comme dans les propositions absolues ; et il ne faut pas non plus la confondre avec la conversion toute différente des modales. Voir liv. 1, ch. 2 et 3. Il s’agit ici d’un renversement plutôt que d’une conversion. La démonstration circulaire peut être plus ou moins complète, comme on le verra dans ce chapitre. Elle n’est parfaite qu’en Barbara ; et encore faut-il que tous les termes soient réciproques, c’est-à-dire qu’étant d’extension parfaitement égale, ils puissent toujours être pris indifféremment les uns pour les autres. Ainsi les deux termes de cette proposition : Tout être qui peut rire est homme : tout homme est un être qui peut rire.
  485. Voici ces trois syllogismes dont le second prouve la majeure du premier, laquelle devient conclusion, la conclusion du premier devenant majeure du second ; et dont le troisième prouve la mineure du premier, laquelle devient conclusion, la conclusion du premier devenant mineure du troisième ; ainsi : 1° A est à tout B, B est à tout C, donc A est à tout C ; 2° A est a tout C, C est à tout B, donc A est à tout B ; 3° B est à tout A, A est à tout C, donc B est à tout C. — On verra plus bas, § 5, que le cercle parfait comprend encore trois syllogismes démontrant les trois propositions renversées du premier syllogisme, c’est-à-dire, la mineure du second, la majeure du troisième, et la conclusion renversée du premier.
  486. Il ne peut y avoir d’autre méthode que celle qu’on vient d’indiquer ; car si l’on prend un moyen différent du premier, c’est un nouveau syllogisme ; ce n’est plus le premier sur lequel on revient circulairement. Si l’on prend plus d’une des deux propositions, c’est-à-dire si l’on prend les deux dans les nouveaux syllogismes, on obtient la même conclusion : il n’y a pas de mouvement, et par conséquent pas de cercle ; car la démonstration circulaire est une sorte de mouvement.
  487. Qui ne se convertissent pas, c’est-à-dire, qui n’ont pas une extension parfaitement égale. — Restant indémontrée, c’est-à-dire que celle des propositions où les termes ne sont pas réciproques ne peut être démontrée circulairement. — Que le troisième terme est au moyen, c’est-à-dire, la mineure du second syllogisme du § 2. — Ou le moyen au premier, c’est-à-dire, la majeure du troisième syllogisme du § 2. — Avec des termes réciproques, c’est-à-dire, d’extension égale. C’est là la condition essentielle de la démonstration circulaire parfaite.
  488. Voici tous les syllogismes du cercle parfait, ils sont au nombre de six : 1° ABC, A est à tout B, B à tout C, donc A à tout C ; 2° A est à tout C, C est à tout B, donc A est à tout B ; 3° B est à tout A, A est à tout C, donc B est à tout C ; 4° B est à tout C, C est à tout A, donc B est à tout A ; 5° C est à tout A, A est à tout B, donc C est à tout B ; 6° enfin, C est à tout B, B est à tout A, donc C est à tout A. Ainsi le premier syllogisme est le point de départ ; le second prouve la majeure du premier, le troisième, sa mineure ; le quatrième prouve la majeure du troisième ; le cinquième prouve la mineure du second, et enfin le sixième prouve la mineure du quatrième, laquelle est aussi majeure du cinquième. — Les deux propositions sont démontrées, la majeure dans le cinquième, et la mineure dans le quatrième. — On pourrait prendre pour termes réels : A pouvant rire, B raisonnable, C homme.
  489. Que nous l’avons dit, Voir plus haut, § 4.
  490. Ces derniers syllogismes, Les trois derniers. — On se sert du démontré même, c’est-à-dire que, comme pour les trois premiers, on se sert de la conclusion démontrée pour démontrer les prémisses. — C est démontré de B, le cinquième syllogisme, et B de A, le quatrième, par C démontré de A, c’est-à-dire, par le sixième ; et la conclusion même du sixième a été démontrée par les conclusions du cinquième et du quatrième servant de majeure et de mineure.
  491. Privatifs, c’est-à-dire, à conclusion universelle négative, Celarent. — B à tout C, Aristote débute par la mineure. Premier syllogisme : A n’est à aucun B, B est à tout C ; donc A n’est à aucun C. — Il faut conclure que A n’est à aucun B, c’est-à-dire, pour démontrer la majeure déjà prise, on peut faire ce second syllogisme : A n’est à aucun C, C est à tout B, donc A n’est à aucun B.
  492. S’il faut conclure que B est à C, c’est-à-dire, pour démontrer la mineure de Celarent : on ne le peut par la conversion ordinaire ; car la proposition universelle négative, se convertissant en ses propres termes, reste la même, c’est-à-dire, pour parler plus exactement, qu’elle ne change ni de qualité, ni de quantité ; alors les deux prémisses sont négatives, et le syllogisme n’est pas possible.
  493. Pour démontrer la mineure de Celarent, il faut faire une sorte d’assumption qui rend la majeure affirmative hypothétique de négative absolue qu’elle était d’abord ; et le syllogisme se construit ainsi : B est à tout ce à quoi A n’est aucunement : or, A n’est à aucun C ; donc B est à tout C, mineure du premier syllogisme, qui est alors démontrée.
  494. Les trois propositions de Celarent se trouvent ainsi prouvées : d’abord la conclusion dans le premier syllogisme : la majeure, dans le second, § 8 ; la mineure dans le troisième, § 10, par assumption hypothétique.
  495. Après les modes universels, il faut étudier les modes particuliers, Darii et Ferio. En voici la règle générale ; pour Darii : la majeure est indémontrable par les deux autres, qui peuvent être démontrées par la majeure,
  496. Le motif en est évident, c’est que la majeure étant universelle, lorsqu’elle devient conclusion, les deux prémisses sont particulières, ce qui ne donne pas de syllogisme : et même la conversion de la mineure ne remédie ici à rien, puisque la particulière affirmative, en se convertissant, reste toujours particulière affirmative.
  497. On peut démontrer la particulière, c’est-à-dire, la mineure. Voici le premier syllogisme : A est à tout B ; B est à quelque C : donc A est à quelque C. Voici le second qui prouve la mineure remplacée alors par la conclusion qu’elle-même remplace ; mais de plus, il faut renverser la majeure : B est à tout A ; A est à quelque C : donc B est à quelque C.
  498. Si le syllogisme est privatif, Ferio. — La proposition universelle, c’est-à-dire, la majeure. — Précédemment, § 13.
  499. On ne peut pas plus démontrer la particulière, c’est-à-dire, la mineure. — Si A B est renversé, comme au § 14. — Par assumption, comme pour la mineure de Celarent, § 10. Il faut faire en sorte que la particulière négative de la conclusion O devienne affirmative ; alors le syllogisme reste en Ferio. Voici le premier syllogisme : A n’est à aucun B, B est à quelque C, donc A n’est pas à quelque C. Voici le second qui prouve la mineure : B est à quelqu’une des choses à aucune desquelles n’est A, A est non à tout C, donc B est à quelque C. On voit du reste que ces sortes de conclusions sont peu naturelles, et qu’il faut, en quelque façon, torturer les propositions, pour les obtenir.
  500. Règle générale des syllogismes universels : La proposition affirmative, c’est-à-dire, la mineure de Cesare et la majeure de Camestres, ne peut être démontrée circulairement. La proposition négative, c’est-à-dire, la majeure de Cesare et la mineure de Camestres, peut être démontrée. — De cette manière, c’est-à-dire, circulairement. — L’affirmatif, c’est-à-dire, la proposition universelle affirmative ; le privatif, la proposition universelle négative.
  501. Ceci est évident pour l’universelle affirmative ; car les propositions sont alors toutes deux négatives ; et il n’y a pas de syllogisme possible. — Puisque la conclusion est privative, La conclusion du premier syllogisme qui devient majeure pour Camestres et mineure pour Cesare, dans les seconds syllogismes.
  502. Quant au privatif, c’est-à-dire, la mineure de Camestres et la majeure de Cesare. Voici d’abord pour Camestres. Premier syllogisme : A est à tout B : A n’est à aucun C : Donc B n’est à aucun C ; second syllogisme prouvant la mineure : B est à tout A : B n’est a aucun C : Donc A n’est à aucun C ; la majeure a été renversée en ses propres termes.
  503. Si A B est privatif, voici pour Cesare, AB étant la majeure. — Ce sera la première figure, c’est-à-dire qu’on démontrera circulairement en ramenant Cesare à Celarent. Premier syllogisme : A n’est à aucun B : A est à tout C : Donc B n’est à aucun C ; second syllogisme pour prouver la majeure, Ε, universelle négative : B n’est à aucun C : C est à tout A : Donc B n’est à aucun A ; ou en convertissant selon les règles ordinaires, A n’est à aucun B ; mineure qu’il s’agissait de prouver, mais qu’on ne prouve ici que par l’intermédiaire d’une autre proposition équivalente, et dans une autre figure, c’est-à-dire, de la seconde dans la première.
  504. Si le syllogisme n’est pas universel, syllogisme pour conclusion : il s’agit des deux modes Festino, Baroco. — La proposition universelle, La majeure de Baroco n’est pas démontrée par la raison dite plus haut, § 2, non plus que celle de Festino, c’est-à-dire, à cause des deux particulières.
  505. La particulière est démontrée, c’est-à-dire, la mineure non des deux modes, mais de Baroco seulement. Premier syllogisme : A est à tout B : A n’est pas à quelque C : Donc B n’est pas à quelque C ; second syllogisme pour prouver la mineure : B est à tout A : B n’est pas à quelque C : Donc A n’est pas à quelque C ; la majeure a été renversée en ses propres termes.
  506. Cette règle ne peut s’appliquer à Festino, où la majeure universelle est négative ; la mineure du second syllogisme, qui est la conclusion du premier, étant négative, de deux négatives on ne peut tirer de syllogisme. — Ou l’une des deux, Il ne semble pas qu’ici, il puisse y avoir lieu à l’alternative. Les deux propositions sont négatives, puisque d’une part la majeures demeure, et que la conclusion Ο devient mineure. Le texte paraît ici altéré, bien que les manuscrits ne donnent pas de variante. — De même que pour les universelles, c’est-à-dire, par l’assumption. Premier syllogisme en Festino : A n’est à aucun B : A est à quelque C : Donc B n’est pas à quelque C ; second syllogisme prouvant la mineure : A est à quelqu’une des choses à toutes lesquelles B n’est pas : B est non à tout C : Donc A est à quelque C. Voir au ch. précédent, dernier paragraphe.
  507. Ce chapitre se compose de deux parties distinctes ; du § 1 au § 8, il traite de la démonstration circulaire dans la troisième figure ; dans les §§ 8 et 9, il présente quelques remarques générales sur la démonstration circulaire dans les trois figures. — Si les deux propositions sont universelles, modes Darapti, Felapton : le motif est évident d’après ce qui a été dit dans le chapitre précédent pour Celarent et Camestres. Pour Darapti, pas de syllogisme à conclusion universelle, puisque l’une des propositions est particulière ; pour Felapton, pas de syllogisme possible, puisque les deux sont négatives.
  508. Si l’une des propositions… Datisi, Disamis. — L’universel est à l’extrême mineur : Disamis — à l’autre extrême : Datisi.
  509. Premier syllogisme en Datisi : A est à tout C : B est à quelque C : Donc A est à quelque B ; second syllogisme en Darii pour prouver la mineure : C est à tout A : A est à quelque B : Donc C est à quelque B ; la majeure universelle a été renversée en ses propres termes, et l’on a obtenu la conclusion convertie ; car de : C est à quelque B, on tire, par les règles ordinaires de la conversion : B est à quelque C. Mais cependant on n’a pas obtenu directement la conclusion cherchée par l’une des propositions, et la conclusion du premier syllogisme : ce cercle n’est donc pas complet, puisqu’il a fallu pour le former avoir recours à une nouvelle proposition.
  510. Si B est à toute, syllogisme en Disamis. Aristote débute ici par la mineure. Premier syllogisme en Disamis : A est à quelque C : B est à toute : Donc A est à quelque B ; second syllogisme de même mode, pour démontrer la majeure : A est à quelque B : C est à tout B : Donc A est à quelque C ; la mineure universelle affirmative est renversée en ses propres termes.
  511. Si l’une des propositions, Brocarda, Ferison. — Que l’affirmative soit universelle, d’abord Brocardo ; l’autre proposition, c’est-à-dire, la mineure. Premier syllogisme en Brocardo : A n’est pas à quelque C : B est à tout C : Donc A n’est pas à quelque B ; second syllogisme de même mode pour prouver la majeure, en renversant la mineure en ses propres termes : A n’est pas à quelque B : C est à tout B : Donc A n’est pas à quelque C. — Que B soit à tout C, Aristote débute par la mineure. — Si donc l’on ajoute, CB peut être considérée comme ajoutée ; car c’est une nouvelle proposition venue de la conversion de BC, mineure du premier syllogisme.
  512. Lorsque la privative est universelle, Ferison. — Comme pour les cas précédents, Voir ch. 6, § 7, et ch. 5, §§ 10,16. Premier syllogisme en Ferison : A n’est à aucun C : B est à quelque C : Donc A n’est pas à quelque B ; second syllogisme de même mode pour prouver la mineure : C est à quelqu’une des choses à toutes lesquelles A n’est pas : B est non à tout A : Donc C est à quelque B, conclusion convertie de la première mineure : B est à quelque C.
  513. Car il n’y aura pas du tout de syllogisme. En effet, avec la majeure négative universelle, et la conclusion négative particulière du premier syllogisme, on obtient pour prémisses deux négatives, qui ne peuvent donner de syllogisme. Ainsi on ne peut prouver directement la mineure de Ferison ; il faut adopter l’assumption indiquée au § précédent.
  514. Seconde partie de ce chapitre, résumant les règles générales de la démonstration circulaire dans les trois figures : on peut voir les règles particulières dans les ch. 5 et 6, et le début de celui-ci. — Privative, par la dernière, c’est-à-dire que le syllogisme par assumption qui prouve la mineure de Ferio, a lieu dans la troisième figure, puisque le moyen est sujet des deux extrêmes. Voici ces règles pour tous les modes, d’après Pacius : Barbara prouve sa majeure et sa mineure en Barbara, et le cercle est parfait ; Celarent prouve sa majeure en Celarent, sa mineure par assumption ; Darii ne prouve que sa mineure et c’est en Darii ; Ferio ne prouve qu’elle non plus et par assumption. Dans la seconde figure : Cesare ne prouve que sa majeure en Celarent, et la conclusion est convertie ; Camestres ne prouve que sa mineure, et c’est en Camestres ; Festino ne prouve que sa mineure, et c’est par assumption ; Baroco ne prouve que sa mineure, et c’est en Baroco. Dans la troisième figure : Darapti et Felapton ne prouvent ni leur majeure ni leur mineure ; Disamis ne prouve que sa majeure, et c’est en Disamis ; Datisi ne prouve que sa mineure en Darii, et la conclusion est convertie ; Brocardo ne prouve que sa majeure, et c’est en Brocardo ; enfin Ferison ne prouve que sa mineure, et c’est par assumption. — Toutes les démonstrations, Aristote a tort de dire : toutes, puisqu’il reconnaît lui-même au § suivant, que quelques-unes se font dans une figure autre que la troisième : il faut ici sous-entendre : complètes après : toutes les démonstrations ; et alors la remarque est juste. L’expression a le tort ici d’être trop générale.
  515. Les syllogismes qui ne se forment pas par ces figures mêmes, C’est la majeure de Cesare, qui se conclut en Celarent, et la mineure de Datisi, qui se conclut en Darii. — Sont incomplets, en ce qu’on obtient non la proposition sous sa forme première, mais sous sa forme convertie : l’universelle négative en universelle négative, la particulière affirmative en particulière affirmative.
  516. Convertir un syllogisme, Aristote se sert ici du même mot qu’il a employé pour la conversion des propositions, liv. 1, ch. 2 et 3. Les scholastiques au contraire ont créé une expression nouvelle, et ils ont appelé obversion la conversion appliquée, non plus aux propositions, mais aux syllogismes ; ils ont eu raison. L’idée est différente, l’expression doit l’être aussi. Je me suis attaché cependant à suivre le texte ; le devoir du traducteur est de reproduire fidèlement même les fautes de son auteur, sauf à les signaler. Qu’il soit donc bien entendu que conversion doit avoir ici le sens nouveau que lui donne Aristote, et non plus le sens qu’il lui avait donné, quand il l’appliquait aux propositions absolues ou modales. Du reste Pacius a été ici de mon avis ; car il a conservé, dans sa traduction latine, les mots convertere, conversio. Seulement il aurait dû faire une remarque analogue à celle que je fais ici moi-même. — En déplaçant la conclusion, La conclusion en effet devient l’une des prémisses du nouveau syllogisme, soit majeure, soit mineure ; il faut de plus qu’elle soit convertie, comme il est dit un peu plus bas dans ce §, soit en sa contradictoire, soit en sa contraire ; il en résulte que la conclusion nouvelle qu’on obtient doit être la contradictoire ou la contraire de celle des deux prémisses qu’on a remplacée par la première conclusion. En effet, si la proposition remplacée n’était pas détruite par la seconde conclusion, c’est qu’elle serait vraie. Les deux prémisses étant vraies, la première conclusion l’était aussi : or on a supposé qu’elle était fausse, puisqu’on lui a substitué sa contradictoire ou sa contraire. — L’extrême majeur n’est pas au moyen, ou que celui-ci n’est pas au dernier, Cette définition ne s’applique, comme on le voit, qu’aux syllogismes en Barbara et en Darii. On a déjà remarqué plus haut, liv. 1, ch. 1, § 3, qu’Aristote limitait souvent ses définitions à l’espèce, sans les étendre jusqu’au genre ; c’est ce qu’il fait encore ici.
  517. Les contradictoires diffèrent en quantité et en qualité : les contraires ne diffèrent qu’en qualité. Voir l’Herméneia, ch. 7, 10 et 11. Ainsi, la proposition universelle affirmative, et la proposition particulière négative (tout, non tout), sont contradictoires, comme l’universelle négative et la particulière affirmative (aucun, quelque) ; la proposition universelle affirmative et l’universelle négative (tout, aucun) ne sont que contraires ; la particulière affirmative et la particulière négative (quelque, non quelque) ne sont pas précisément contraires, puisqu’elles peuvent être vraies toutes deux à la fois ; elles sont ce que les scholastiques appellent subcontraires. Aristote a encore eu tort, ici comme dans l’Herméneia, de confondre sous un même mot deux idées différentes. Il fallait les distinguer.
  518. Soit démontré A de C, syllogisme en Barbara, dont la majeure est détruite par la conversion en Felapton, et la mineure en Camestres ; la première contradictoirement, la seconde contrairement. Premier syllogisme : A est à tout B, B est à tout C ; Donc A est à tout C. — Si l’on suppose que A n’est à aucun C, second syllogisme qui détruit la mineure en Camestres : A est à tout B, A n’est à aucun C ; Donc B n’est à aucun C ; la conclusion est ici contraire à la première mineure. — Et, si l’on suppose que A n’est à aucun C, et que B est à tout C, troisième syllogisme en Felapton qui détruit la majeure par sa contradictoire : A n’est à aucun C, B est à tout C ; Donc A n’est pas à tout B, contradictoire de la majeure du premier syllogisme : A est à tout B. — Ne se démontre pas, La troisième figure, dont le mode Felapton fait partie, n’a que des conclusions particulières. Il s’ensuit qu’on ne peut obtenir qu’une contradictoire de l’universelle, puisqu’il faut alors que la nouvelle conclusion diffère en qualité, comme elle diffère déjà en quantité. — Détruire universellement, c’est-à-dire, par la contraire. — Relativement à l’extrême mineur, c’est-à-dire que le mineur devient moyen, comme on peut le voir dans les exemples ci-dessus, et qu’il est alors sujet des deux extrêmes ; c’est la troisième figure.
  519. Celarent ; premier syllogisme : A n’est à aucun B, B est à tout C ; Donc A n’est à aucun C ; second syllogisme en Cesare qui détruit la mineure par sa contraire : A n’est à aucun B, A est à tout C ; Donc B n’est à aucun C ; troisième syllogisme en Darapti qui détruit la majeure par sa contradictoire : A est à tout C, B est à tout C ; Donc A est à quelque B. — Mais on a supposé qu’il n’était à aucun, dans le premier syllogisme.
  520. Après avoir converti la conclusion en sa contraire, on peut la convertir en sa contradictoire. Toutes les nouvelles conclusions seront alors contradictoires à la proposition qu’on détruit. C’est ce qu’Aristote veut dire par ces mots : Tous les syllogismes sont contradictoires ; mais ces conclusions ne peuvent être universelles, puisque les contradictoires de Barbara et Celarent universelles, doivent être particulières.
  521. Un syllogisme affirmatif, en Barbara. — Comme on vient de dire, contradictoirement. Premier syllogisme : A est à tout B, B est à tout C ; Donc A est à tout C — Second syllogisme en Baroco, détruisant la mineure par sa contradictoire : A est à tout B, A n’est pas à quelque C ; Donc B n’est pas à quelque C — Troisième syllogisme en Brocardo, détruisant la majeure par sa contradictoire : A n’est pas à quelque C, B est à tout C ; Donc A n’est pas à quelque B.
  522. Si le syllogisme est privatif, Celarent, après Barbara. Premier syllogisme : A n’est à aucun B, B est à tout C ; Donc A n’est à aucun C. Second syllogisme détruisant la mineure en Festino par sa contradictoire : A n’est à aucun B, A est à quelque C ; Donc B n’est pas à quelque C —Troisième syllogisme en Disamis y détruisant la majeure par sa contradictoire : A est à quelque C, B est à tout C ; Donc A est à quelque B.
  523. Dans les syllogismes particuliers, Darii, Ferio, après les deux modes universels, Barbara, Celarent. — La conclusion est restreinte, mot à mot, manque, c’est-à-dire que d’universelle elle devient particulière.
  524. Exemples à l’appui de la règle générale qui précède : en convertissant la conclusion en sa contradictoire, on détruit les deux prémisses. Premier syllogisme en Darii : A est à tout B, B est à quelque C ; Donc A est à quelque C. Second syllogisme en Camestres, détruisant la mineure : A est à tout B, A n’est à aucun C ; Donc B n’est à aucun C. Troisième syllogisme en Ferison, détruisant la majeure : A n’est à aucun C, B est à quelque C ; Donc A n’est pas à quelque B.
  525. Autre exemple ; en convertissant par contraire, aucune des prémisses n’est détruite. Premier syllogisme en Darii : A est à tout B, B est à quelque C ; Donc A est à quelque C. Second syllogisme en Baroco avec contraire de la conclusion et où la mineure n’est pas détruite : A est à tout B, A n’est pas à quelque C ; Donc B n’est pas à quelque C, ce qui ne détruit pas du tout la donnée première : B est à quelque C — Pour A B, proposition universelle, la majeure, le syllogisme n’est pas possible, parce que les deux prémisses sont particulières ; et qu’on ne peut obtenir ainsi de conclusion dans aucune figure.
  526. Si le syllogisme est privatif, même règle pour Ferio que pour Darii : par la contradictoire de la conclusion, on détruit les deux prémisses ; par la contraire, on n’en détruit aucune : A est à tout C, contradictoire ; à quelque C, contraire. — La démonstration serait la même, par contradictoire ; premier syllogisme en Ferio : A n’est à aucun B, B est à quelque C ; Donc A n’est pas à quelque C. Second syllogisme en Cesare, détruisant la mineure : A n’est à aucun B, A est à tout C ; Donc B n’est à aucun C. Troisième syllogisme en Datisi, détruisant la majeure : A est à tout C, B est à quelque C ; Donc A est à quelque B. — Par contraire ; premier syllogisme en Ferio : A n’est à aucun B, B est à quelque C ; Donc A n’est pas à quelque C. Second syllogisme en Festino, qui ne détruit pas la mineure en prenant la contraire de la conclusion : A n’est à aucun B, A est à quelque C ; Donc B n’est pas à quelque C. Le troisième syllogisme pour la majeure : A est à quelque C, B est à quelque C, n’est pas possible parce que les deux prémisses sont particulières ; ce qui est contre toutes les règles.
  527. Règle générale : Dans la seconde figure on ne peut jamais détruire la majeure par sa contraire ; on ne le peut que par sa contradictoire : la mineure, au contraire, peut toujours être détruite, de la même manière que la conclusion elle-même, contrairement ou contradictoirement comme elle. — De quelque façon que la conclusion soit convertie, soit en sa contraire, soit en sa contradictoire. — Car la conclusion sera toujours dans la troisième, c’est que la majeure dans la seconde figure est toujours une universelle ; et sa contraire est une universelle aussi, qui ne peut par conséquent trouver place dans la troisième figure, où il n’y a que des conclusions particulières. — Syllogismes universels, syllogismes pour conclusions. — Comme on l’a vu, liv. 1, ch. 5.
  528. Syllogisme en Camestres. Premier syllogisme : A est à tout B : A n’est à aucune ; Donc B n’est à aucun C. Second syllogisme détruisant la mineure en Barbara par contraire : A est à tout B : B est à tout C ; Donc A est à tout C. Troisième syllogisme détruisant la majeure en Felapton par contradictoire : A n’est à aucun C : B est à tout C ; Donc A n’est pas à quelque B, contradictoire de la première majeure.
  529. Si B C est convertie contradictoirement, c’est-à-dire, si la conclusion est convertie en sa contradictoire. — A B sera démontré comme plus haut, c’est-à-dire que la majeure sera détruite contradictoirement, comme au § précédent ; et la mineure AC le sera contradictoirement aussi, tandis que plus haut elle l’était par contraire. Premier syllogisme en Camestres : A est à tout B : A n’est à aucun C ; Donc B n’est à aucun C. Second syllogisme en Ferison, détruisant la majeure par contradictoire : A n’est à aucun C : B est à quelque C ; Donc A n’est pas à quelque B. Troisième syllogisme détruisant la mineure en Darii par contradictoire : A est à tout B : B est à quelque C ; Donc A est à quelque C.
  530. Réciproquement de forme différente, c’est-à-dire, si la majeure était négative au lieu d’être affirmative ; et la mineure affirmative, au lieu d’être négative : Cesare au lieu de Camestres. Par contraire. Premier syllogisme en Cesare : A n’est à aucun B : A est à tout C ; Donc B n’est à aucun C. Second syllogisme détruisant la mineure en Celarent par sa contraire : A n’est à aucun B : B est à tout C ; Donc A n’est à aucun C. Troisième syllogisme, détruisant la majeure en Darapti par sa contradictoire : A est à tout C : B est à tout C ; Donc A est à quelque B. — Par contradictoire. Premier syllogisme en Cesare : A n’est à aucun B : A est à tout C ; Donc B n’est à aucun C. Second syllogisme détruisant la mineure en Ferio par sa contradictoire : A n’est à aucun B : B est à quelque C ; Donc A n’est pas à quelque C. Troisième syllogisme détruisant la majeure en Datisi par sa contradictoire : A est à tout C : B est à quelque C ; Donc A est à quelque B.
  531. Si le syllogisme est particulier, modes Festino, Baroco, après Cesare, Camestres. — Dans la première figure, ch. 8, § 10.
  532. Syllogisme en Festino : A n’est à aucun B : A est à quelque C ; Donc B n’est pas à quelque C. Second syllogisme en Ferio, qui ne détruit pas la mineure : A n’est à aucun B : B est à quelque C ; Donc A n’est pas à quelque C, ce qui n’est pas en opposition complète avec la mineure, puisqu’il peut être vrai à la fois que A soit et ne soit pas à quelque C. Troisième syllogisme pour détruire la majeure : A est à quelque C : B est à quelque C ; le syllogisme n’est pas possible, parce que de deux particulières on ne peut tirer de conclusion. Ainsi, en convertissant la conclusion en sa contraire, on ne peut détruire aucune des deux propositions de Festino.
  533. On les détruit toutes les deux, si l’on convertit la conclusion en sa contradictoire. Premier syllogisme en Festino : A n’est à aucun B, A est à quelque C ; Donc B n’est pas à quelque C. Second syllogisme détruisant la mineure en Celarent par sa contradictoire : A n’est à aucun B, B est à tout C ; Donc A n’est à aucun C. Troisième syllogisme en Ditamis, détruisant la majeure par sa contradictoire : A est à quelque C, B est à tout C ; Donc A est à quelque B.
  534. Si la proposition universelle est affirmative, Baroco au lieu de Festino. Par contraire, aucune des prémisses n’est détruite ; par contradictoire, elles le sont toutes deux. Premier syllogisme en Baroco : A est à tout B, A n’est pas à quelque C ; Donc B n’est pas à quelque C. Second syllogisme en Darii qui ne détruit pas la mineure : A est à tout B, B est à quelque C ; Donc A est à quelque C, conclusion qui peut être vraie en même temps que la première. Troisième syllogisme pour détruire la majeure : A n’est pas à quelque B, B est à quelque C, la conclusion est impossible avec deux prémisses particulières. — Par contradictoire ; premier syllogisme en Baroco : A est à tout B, A n’est pas à quelque C ; Donc B n’est pas à quelque C. Second syllogisme détruisant la mineure par sa contradictoire en Barbara : A est à tout B, B est à tout C ; Donc A est à tout C. Troisième syllogisme détruisant la majeure par sa contradictoire en Brocardo : A n’est pas à quelque C, B est à tout C ; Donc A n’est pas à quelque B, contradictoire de la majeure.
  535. Règle générale de la troisième figure : la conclusion convertie en sa contraire, ne détruit aucune des prémisses ; convertie en sa contradictoire, elle les détruit toutes les deux.
  536. Syllogisme en Dorapti, dont les prémisses ne peuvent être détruites par la conversion de la conclusion en sa contraire. Premier syllogisme : A est à tout C, B est à tout C ; Donc A est à quelque B. Second syllogisme qui ne détruit pas la majeure : A n’est pas à quelque B, B est à tout C : pas de conclusion. Troisième syllogisme qui ne détruit pas la mineure : A est à tout C, A n’est pas à quelque B ; pas de conclusion. Le second et le troisième syllogismes n’ont pas de conclusion, parce que le mode OA est inutile dans la première figure, et AO dans la troisième. Voir plus haut, ch. 4, § 15, et ch. 6, § 16.
  537. Lorsque les propositions ne seront pas universelles, quand l’une des deux sera particulière, Disamis, Datisi. En effet, par la conversion de la conclusion en sa contraire, les deux propositions sont particulières, quand il s’agit de détruire la mineure de Disamis, et la majeure de Datisi ; et de plus, la mineure devient universelle, quand on veut détruire la mineure de Datisi, et elle reste universelle, quand on veut détruire la majeure de Disamis. Comme la conclusion doit être particulière négative, soit dans la première, soit dans la seconde figure, on ne peut avec ces conditions obtenir de conclusions, puisque, dans les modes applicables de l’une et de l’autre, la mineure est toujours particulière ; et que d’un autre côté, avec deux prémisses particulières, on n’obtient de conclusion dans aucune figure. Il est inutile de donner ici les deux syllogismes en Disamis et en Datisi, et les quatre syllogismes incomplets destinés à détruire de part et d’autre la majeure et la mineure. On peut facilement les suppléer d’après les exemples qui précèdent.
  538. Les propositions, ce terme n’est pas très-exact, puisqu’il s’agit ici de la conversion de la conclusion en sa contradictoire, et non point de la conversion des propositions ; mais Aristote entend parler ici des propositions qui forment les conclusions dans les divers modes de cette figure. —Voir le § 1. — Après avoir prouvé que la conversion par contraire ne détruit point les prémisses, il reste à montrer que la conversion par contradictoire les détruit.
  539. Il faut sous-entendre ici le syllogisme primitif en Darapti donné plus haut au § 1 : A est à tout C, B est à tout C ; Donc A est à quelque B. Second syllogisme en Celarent, qui détruit la majeure ; A n’est a aucun B, B est à tout C ; Donc A n’est à aucun C, par contradictoire de la première conclusion. Troisième syllogisme en Cesare, détruisant de même la mineure : A n’est à aucun B, A est à tout C ; Donc B n’est à aucun C.
  540. Si l’une des propositions n’est pas universelle, modes Datisi, Disamis. Premier syllogisme en Datisi : A est à tout C, B est à quelque C ; Donc A est à quelque B. Second syllogisme en Ferio, détruisant par contradictoire la majeure : A n’est à aucun B, B est à quelque C ; Donc A n’est pas à quelque C. Troisième syllogisme en Cesare, détruisant de même la mineure : A n’est à aucun B, A est à tout C ; Donc B n’est à aucun C. — On peut appliquer la même démonstration au syllogisme en Disamis qu’Aristote n’indique pas ici.
  541. Si le syllogisme est privatif, mode Felapton : la règle est la même, c’est-à-dire qu’en convertissant la conclusion par contraire, on ne détruit pas les prémisses ; et qu’on les détroit, en convertissant par contradictoire. Premier syllogisme : A n’est à aucun C : B est à tout C ; Donc A n’est pas à quelque B. — Se formait ce syllogisme, Voir liv. 1, ch. 6, § 7. Second syllogisme pour détruire la majeure avec conclusion convertie en sa contraire : A est à quelque B : B est à tout C ; pas de conclusion, parce que dans la première figure la majeure ne peut être particulière. Liv. 1, ch. 4, § 15. Troisième syllogisme pour détruire la mineure : A est à quelque B : A n’est à aucun C ; pas de conclusion, parce que dans la seconde figure la majeure ne peut être non plus particulière. Liv. 1, ch. 5, § 18.
  542. Avec une conclusion convertie en sa contradictoire, les prémisses sont détruites. Premier syllogisme en Felapton : A n’est à aucun C : B est à tout C ; Donc A n’est pas à quelque B. Second syllogisme en Barbara, détruisant par contradictoire la majeure : A est à tout B : B est à tout A ; Donc A est à tout C. Troisième syllogisme en Camestres détruisant de même la mineure : A est à tout B : A n’est à aucun C ; Donc B n’est à aucun C. — On le supposait à tout C, dans la mineure du premier syllogisme, comme on supposait A à aucun C dans la majeure.
  543. Lorsque les propositions ne sont pas universelles, Ferison au lieu de Felapton. Premier syllogisme en Ferison : A n’est à aucun C : B est à quelque C ; Donc A n’est pas à quelque B. Second syllogisme par contradictoire de la conclusion détruisant la majeure en Darii ; A est à tout B : B est à quelque C ; Donc A est à quelque C. Troisième syllogisme en Camestres, détruisant de même la mineure : A est à tout B : A n’est à aucun C ; Donc A n’est à aucun C.
  544. Si A est à quelque B, c’est-à-dire, si on convertit la conclusion en sa contraire au lieu de sa contradictoire. Dans le premier cas, il n’y a pas de syllogisme parce que les deux propositions sont particulières pour détruire la majeure ; dans le second, pour détruire la mineure, il n’y en a pas davantage, parce que le mode IE est inutile dans la seconde figure, la majeure étant particulière. Voir plus haut § 7. Il faut remarquer qu’Aristote omet le mode Brocardo pour lequel les règles subsistent cependant. — D’une façon, c’est-à-dire par conversion de la conclusion en sa contradictoire. — De l’autre, par conversion de la conclusion en sa contraire.
  545. Seconde partie de ce chapitre : Observations générales sur les effets de la conversion dans les trois figures. — Le syllogisme, sous-entendu : qui détruit l’une ou l’autre proposition.
  546. En effet, les nouvelles conclusions obtenues dans le second et le troisième syllogismes, sont tantôt contraires, tantôt contradictoires, soit à la majeure, soit à la mineure du premier syllogisme.
  547. Synthèse des règles analytiques des deux derniers chapitres et de celui-ci.
  548. Le syllogisme, la conclusion nouvelle, qui détruit ou la majeure ou la mineure du premier syllogisme.
  549. On a vu plus haut, liv. 1, ch. 5 6 et passim, qu’Aristote avait fait un très-fréquent usage de la démonstration par réduction à l’absurde. Et voici la théorie complète qui se rapproche beaucoup, ainsi qu’il le remarque, de la conversion exposée dans les chapitres qui précédent. — Une autre proposition, l’une des deux prémisses que l’adversaire accorde. — Tandis qu’on réduit à l’absurde. Dans la réduction à l’absurde on ne prend que l’une des prémisses et par hypothèse, la contradictoire ou la contraire, de la conclusion qu’on nie. — Sous la même forme, c’est-à-dire, avec les mêmes modifications de quantité et de qualité. — Par exemple, syllogisme en Barbara sous-entendu : A est à tout C, C est à tout B ; Donc A est à tout B. Second syllogisme avec la contraire de la conclusion, en Camestres : A est à tout C, A n’est à aucun B ; Donc C n’est à aucun B, conclusion absurde puisqu’elle est contraire à la mineure admise : C est à tout B. Troisième syllogisme avec la contradictoire de la conclusion en Baroco ; A est à tout C, A n’est pas à quelque B ; Donc C n’est pas à quelque B, conclusion absurde par la même raison que la précédente. — La supposition qu’on fait, soit : A n’est à aucun B, soit : A n’est pas à quelque B.
  550. Mais l’universelle affirmative, Barbara, c’est que la contradictoire de la conclusion serait une particulière négative, et qu’elle produirait, soit qu’on la prit pour majeure, soit qu’on la prit pour mineure, les modes inutiles OA et AO. Barbara ne peut donc être prouvé par réduction à l’absurde qu’en Baroco, dans la seconde figure, et en Brocardo dans la troisième.
  551. Supposons, en effet, Barbara ne peut être démontré par réduction à l’absurde qu’en prenant, soit la contradictoire, soit la contraire de la conclusion, c’est-à-dire, dans le premier cas, A n’est pas à tout B ; et dans le second, A n’est à aucun B. — Quelconque, c’est-à-dire, soit la majeure, sois la mineure, selon que l’hypothèse devient mineure ou majeure. — Première hypothèse : A n’est pas à tout B ; prenant cette contradictoire pour majeure, on a : C est à tout A, A n’est uns à tout B ; pas de conclusion possible. Ou la prenant pour majeure, on a : A n’est pas à tout B, B est à tout D ; pas de conclusion non plus, par le motif expliqué au § 2.
  552. Seconde hypothèse, avec la contraire de la conclusion ; A n’est à aucun B, étant la contraire de A est a tout B. On arrivera bien ainsi à une erreur ; mais comme elle ne sera pas contradictoire à la première conclusion, celle-ci ne sera pas démontrée par réduction à l’absurde. — Prenant cette hypothèse pour majeure, le syllogisme se forme en Celarent ; A n’est à aucun B, B est à tout D ; Donc A n’est à aucun B. Si cette conclusion est fausse, il s’ensuit bien que la majeure est fausse, la mineure étant évidemment vraie ; mais il ne s’ensuit pas du tout que la première conclusion soit vraie, parce que les contraires peuvent être toutes les deux fausses à la fois, et qu’on ne peut pas, comme pour les contradictoires, induire de la fausseté de l’une, la vérité de l’autre : Donc la conclusion à démontrer n’est pas démontrée, bien qu’on soit arrivé à une conclusion fausse.
  553. La proposition CA c’est-à-dire, la majeure de la première hypothèse, § 3 ; et si l’on prend alors la contraire de la conclusion pour mineure, en a le mode AE, inutile dans la première figure, où la mineure doit toujours être affirmative. — Quand on supposait, Voir plus haut les exemples cités au § 3.
  554. Résumé des observations précédentes, et confirmation de celle du § 2.
  555. Énoncé général des règles qui vont suivre.
  556. Examen du mode Darii, qui, dans la réduction, doit prouver sa conclusion particulière affirmative par des syllogismes en Celarent et en Ferio. — Par un premier syllogisme en Darii, on a obtenu pour conclusion : Donc A est à quelque B. Prenant la contradictoire pour majeure, on a en Celarent : A n’est à aucun B, B est à tout C ; Donc A n’est à aucun C ; et en Ferio : A n’est à aucun B, B est à quelque C ; Donc A n’est pas à tout C. — Mais cela est impossible, c’est-à-dire que les deux conclusions, ainsi obtenues, sont absurdes, parce qu’on suppose que, de toute évidence, A est à tout C. — Si la dernière conclusion, c’est-à-dire, celle du syllogisme en Celarent, et celle du syllogisme en Ferio.
  557. Si l’autre proposition est jointe à A, c’est-à-dire, si la proposition vraie, que l’on garde, est la majeure, et que la contradictoire hypothétique soit prise pour mineure. Comme elle est négative, puisqu’elle est contradictoire d’une affirmative, la mineure est alors négative, et ne peut donner de syllogisme dans la première figure.
  558. Lorsque la supposition est la contraire, c’est-à-dire, lorsque par hypothèse on prend la contraire et non plus la contradictoire de la conclusion. Aristote dit ici : contraire, mais plus exactement, c’est subcontraire qu’il faudrait dire ; car la particulière négative n’est que la subcontraire de la particulière affirmative, puisque toutes deux peuvent être vraies à la fois.
  559. Démonstration de la proposition universelle négative, dont la contradictoire est une particulière affirmative. Elle est démontrée par réduction à l’absurde en Darii : C est à tout A : A est à quelque B ; Donc C est à quelque B. Si l’on suppose cette conclusion absurde, la mineure, contradictoire de la première conclusion, est fausse : donc cette première conclusion est vraie ; donc C n’est à aucun B.
  560. C A est supposé privatif, c’est-à-dire, si la majeure du syllogisme conduisant à l’absurde est universelle négative au lieu d’être universelle affirmative, Ferio au lieu de Darii. La conclusion absurde est particulière négative, c’est-à-dire, contraire ; et non plus contradictoire à la première conclusion universelle négative.
  561. Si la proposition est jointe à B, c’est-à-dire, si la proposition vraie qu’on garde est la mineure au lieu d’être la majeure. Voir plus haut, § 9. — Il n’y aura pas de syllogisme, car la contradictoire de l’universelle négative étant une particulière affirmative, elle ne peut servir de majeure dans la première figure, qui doit toujours avoir une majeure universelle.
  562. Si l’on suppose la contraire, c’est-à-dire, si, dans l’hypothèse, on prend la proposition contraire à la première conclusion universelle négative, au lieu de prendre sa contradictoire. — On ne démontre pas l’objet en question, parce que les deux contraires peuvent être fausses à la fois, et qu’on ne peut de la fausseté de l’une induire la vérité de l’autre comme pour les contradictoires. Voir plus haut, § 4.
  563. Soit supposé que A est à tout B, c’est-à-dire, si l’on prend la contraire de l’universelle négative, en gardant la première majeure admise : ce syllogisme se forme en Barbara : C est à tout A : A est à tout B ; Donc C est à tout B, conclusion absurde : donc C n’est pas à tout B ; mais il ne s’ensuit pas qu’il ne soit à aucun B ; ce qui était à démontrer.
  564. Si l’on joint l’autre proposition à B, c’est-à-dire, si l’on garde pour mineure la proposition vraie. — L’hypothèse n’est pas détruite, sous-entendu, de manière que la première conclusion soit établie pour vraie : c’est qu’ici encore les deux contraires peuvent être fausses à la fois. Voir plus haut, § 14. — En résumé donc l’universelle négative n’est jamais prouvée par réduction à l’absurde, si l’on prend hypothétiquement sa contraire : c’est toujours sa contradictoire qu’il faut employer.
  565. Que A n’est pas à tout B, c’est-à-dire, pour démontrer, par réduction à l’absurde, la particulière négative, il faut prendre la contradictoire universelle affirmative. Le syllogisme par l’absurde se forme en Barbara ; C est à tout A, A est à tout B ; Donc C est à tout B, conclusion absurde parce que la mineure est contradictoire à la première conclusion qui alors est vraie.
  566. Si l’on joint l’autre proposition à B, c’est-à-dire, si la proposition vraie qu’on garde est prise pour mineure, le syllogisme se forme toujours en Barbara ; et la majeure est fausse.
  567. Si A C était négatif, Celarent au lieu de Barbara, la majeure universelle étant négative au lieu d’être affirmative ; et la mineure est fausse. La conclusion est fausse comme elle, et négative comme la majeure.
  568. À B le privatif, c’est-à-dire, si la mineure est universelle privative ; il n’y a pas alors de conclusion possible, parce que, dans la première figure, la mineure doit toujours être affirmative.
  569. Au lieu de la contradictoire, § 17, on peut prendre la contraire de la particulière négative. — Non qu’il n’est pas à tout, c’est-à-dire qu’on ne démontre pas la contradictoire ; mais bien qu’il n’est à aucun, c’est-à-dire, la contraire. — Syllogisme en Darii par réduction à l’absurde : C est à tout A, A est à quelque B ; Donc C est à quelque B, conclusion absurde ; or, la majeure est vraie, donc la mineure est fausse : A est à quelque B ; donc la contradictoire : A n’est à aucun B, est vraie. — La proposition vraie est détruite, c’est-à-dire, A n’est pas à quelque B. — Car alors elle serait fausse, en effet la majeure étant vraie, et la conclusion fausse, il faut que la mineure qui est l’hypothèse soit fausse ; car si elle était vraie, la conclusion serait vraie aussi, puisque de prémisses toutes deux vraies, on ne peut tirer que le vrai. — Non qu’il est à quelque B, c’est-à-dire qu’il faut toujours, dans l’hypothèse, prendre la contradictoire et non la contraire ; or, la contradictoire de la particulière négative est l’universelle affirmative.
  570. C’est que, dans la langue logique d’Aristote, N’être pas à quelque, n’être pas à tout, sont des expressions identiques, représentant toutes deux la particulière négative. La démonstration doit alors être la même de part et d’autre. Voir plus haut, ch. 8, § 2.
  571. Dans tous les syllogismes, de la première figure, conduisant à l’absurde. — D’aucune des deux façons, c’est-à-dire, ni comme nécessaire, ni comme probable. On ne peut l’admettre comme nécessaire ; car la fausseté de l’hypothèse n’entraîne pas nécessairement la vérité de la proposition contraire ; ni comme probable ; car, pour les contraires, il n’est pas non plus probable que l’une étant fausse, l’autre soit vraie, puisqu’elles peuvent être aussi toutes deux fausses à la fois.
  572. Voir l’exception du § 2, qui est ici confirmée.
  573. Dans la seconde figure, on peut démontrer, par réduction à l’absurde, toutes les espèces de propositions. Et d’abord l’universelle affirmative. Soit en effet prouvé par un syllogisme en Barbara, que A est à tout B. En prenant sa contradictoire pour majeure, on a en Baroco de la seconde figure : A est a tout C, A n’est pas à tout B ; Donc C n’est pas à tout B, conclusion absurde, parce qu’on a admis, comme évidente, cette proposition : C est à tout B ; donc la conclusion étant absurde, il faut que la mineure le soit, puisque la majeure est prise pour vraie ; donc A est à tout B ; et la proposition universelle affirmative est prouvée par réduction à l’absurde, dans la seconde figure, Barbara par Baroco.
  574. Si l’on prend la proposition contraire au lieu de la contradictoire, ou réduira bien à l’absurde ; mais la première conclusion ne sera pas démontrée, parce qu’on obtiendra une universelle négative pour conclusion nouvelle, et que les deux contraires peuvent être fausses à la fois. Le syllogisme se forme en Camestres : A est à toute, A n’est à aucun B ; Donc C n’est a aucun B, conclusion absurde. Mais, de ce qu’il est faux que C ne soit à aucun B, il ne s’ensuit pas du tout qu’il soit à tout B ; et c’est ce qui était à démontrer.
  575. Démonstration de la particulière affirmative ; syllogisme en Camestres : A est à tout C, A n’est à aucun B ; Donc C n’est à aucun B, conclusion absurde ; donc la contradictoire de la mineure particulière affirmative est vraie ; donc A est à quelque B.
  576. La démonstration de la particulière affirmative n’a pas lieu, si l’on prend sa contraire particulière négative pour mineure en Baroco : A est à tout C : A n’est pas à tout B ; Donc C n’est pas à quelque B, conclusion absurde, mais qui n’établit pas du tout la vérité de sa contraire, parce que les contraires peuvent être fausses toutes deux à la fois. — Même résultat, ch. 11, § 21.
  577. Démonstration de l’universelle négative, syllogisme en Festino : A n’est à aucun C : A est à quelque B ; Donc C n’est pas à quelques, conclusion absurde, parce qu’on avait admis d’abord : C est à tout B ; donc la mineure hypothétique est fausse ; Donc A n’est à aucun B ; et l’universelle négative est démontrée par réduction à l’absurde dans la seconde figure.
  578. Démonstration de la particulière négative : syllogisme en Cesare : A n’est à aucun C : A est à tout B ; Donc C n’est à aucun B, conclusion absurde ; donc la contradictoire de la mineure hypothétique est vraie ; donc A n’est pas à tout B, ou n’est pas à quelque B.
  579. Tous les syllogismes, syllogismes pour conclusions.
  580. De même aussi, sous-entendu : toutes les espèces de conclusions sont démontrées. — Soit, en effet, supposé, démonstration de l’universelle affirmative par sa contradictoire prise pour majeure en Brocardo : A n’est pas à quelque B : C est à tout B ; Donc A n’est pas à quelque C, conclusion absurde ; donc la majeure est fausse ; donc A est à tout B.
  581. Si l’on prend la contraire au lieu de la contradictoire, on arrivera bien à l’absurde en Felapton, mais la première conclusion ne sera pas prouvée, parce que les contraires peuvent être fausses à la fois : A n’est à aucun B : C est à tout B ; Donc A n’est pas à quelque C, conclusion absurde qui indique que la majeure hypothétique est fausse : mais de ce qu’il est faux que A n’est à aucun B, il ne s’ensuit pas qu’il soit à tout ; or c’est ce qu’il fallait démontrer. — Les cas qui précèdent, ch. 12, § 2 et 4.
  582. Démonstration de la particulière affirmative. — Cette dernière supposition, celle du § 2, que A n’est à aucun B. — Syllogisme en Ferison : A n’est à aucun B : C est à quelque B ; Donc A n’est pas à quelque C, conclusion absurde ; donc la majeure est fausse ; donc sa contradictoire est vraie ; donc A est à quelque C.
  583. Démonstration de l’universelle négative par sa contradictoire en Disamis : A est à quelque B : C est à tout B ; Donc A est à quelque C ; conclusion absurde ; donc la majeure hypothétique est fausse, et sa contradictoire est vraie ; donc A n’est à aucun B.
  584. Par la contraire, au lieu de la contradictoire, on ne démontre pas l’universelle négative, on obtient seulement une contraire qui peut être fausse comme elle en Darapti : A est à tout B : C est à tout B ; Donc A est à quelque C, conclusion fausse : donc la majeure est fausse. Mais de ce qu’il est faux que A soit à tout B, il ne s’ensuit pas qu’il ne soit à aucun.
  585. Démonstration de la particulière négative par sa contradictoire, majeure en Datisi : A est à tout B : C est à quelque B ; Donc A est à quelque C, conclusion absurde ; donc la majeure hypothétique est fausse et sa contradictoire est vraie ; donc A n’est pas à quelque B.
  586. Cette démonstration peut avoir lieu par la contraire, majeure en Disamis ; A est à quelque B : C est à tout B ; Donc A est à quelque C, conclusion absurde ; donc la majeure hypothétique est fausse. Mais de ce qu’il est faux que A soit à quelque B, il n’est pas démontré qu’il ne soit pas à quelque autre B.
  587. Résumé général pour les trois figures. C’est toujours la contradictoire, et non la contraire, qu’il faut prendre dans l’hypothèse qu’on fait pour réduire à l’absurde.
  588. L’affirmatif, soit universel, soit particulier, est prouvé par la seconde figure, bien que cette figure n’ait que des conclusions négatives : l’universel, soit affirmatif, soit négatif, est prouvé par la troisième, bien qu’elle n’ait que des conclusions particulières. — D’une certaine manière, c’est-à-dire, par réduction à l’absurde. — Les commentateurs ont remarqué avec raison qu’Aristote n’avait indiqué que les principaux modes pour la réduction à l’absurde, et qu’il avait omis les autres comme moins importants. Voici la règle générale : on peut réduire à l’absurde par le mode où se trouve, soit dans la majeure, soit dans la mineure, la contradictoire de la proposition qu’on veut ainsi démontrer. Soit par exemple à démontrer la particulière négative Ο ; on le pourra dans tous les modes où l’on trouvera la proposition contradictoire, c’est-à-dire, l’universelle affirmative A. Ainsi Ο sera démontré par réduction à l’absurde dans Barbara, majeure et mineure : dans Celarent mineure, Darii majeure, etc. : en somme dans onze modes ; I dans sept ; E dans six ; enfin A dans deux seulement
  589. En ce qu’elle pose la proposition, c’est-à-dire qu’elle l’admet dans les prémisses, soit comme majeure, soit comme mineure ; et elle détruit cette proposition en menant à une conclusion absurde ; car la conclusion étant absurde, il faut que l’une des prémisses la soit : or ce ne peut être que l’hypothèse, puisque l’autre proposition est admise comme vraie, alors cette hypothèse même qu’on a posée est détruite, et sa contradictoire, qui est la première conclusion, est prouvée par cela même. — Qui doivent donner le syllogisme, Syllogisme pour conclusion.
  590. Dans l’une, dans la démonstration ostensive. — Dans l’autre, dans la démonstration par l’absurde. — Qu’elle n’est pas, c’est-à-dire qu’elle est fausse. — Le procédé est le même, En effet, que la conclusion soit négative ou affirmative, pour la démontrer par réduction à l’absurde, il faut d’abord supposer qu’elle est fausse.
  591. Règle générale. Toute démonstration ostensive peut être faite par réduction à l’absurde, et réciproquement, les termes restant les mêmes ; mais les figures changeant.
  592. Règles générales pour le changement des figures, quand on veut passer du syllogisme par l’absurde, au syllogisme ostensif. — Pour toutes les espèces de conclusions, c’est-à-dire, pour tous les modes qui ont été indiqués dans les ch. 11, 12 et 13 ; mais cette règle n’est plus applicable aux modes omis par Aristote dont la résolution se fait de la seconde figure dans la troisième, Cesare en Datisi, Camestres en Ferison. Voir ch. 13,
  593. Syllogismes par l’absurde, formés dans la première figure, et venant de la seconde. Syllogisme par l’absurde en Darii : C est à tout A, A est à quelque B, mineure hypothétique ; Donc C est à quelque B. — Mais l’on a admis que C était à tout A, dans la majeure du syllogisme ostensif, et qu’il n’était à aucun B, dans la conclusion de ce syllogisme ; syllogisme ostensif en Camestres : C est à tout A, C n’est à aucun B ; Donc A n’est à aucun B, contradictoire vraie de la mineure du syllogisme par l’absurde.
  594. Syllogisme par l’absurde dans la première figure en Barbara, et venant de la seconde en Baroco. Syllogisme par l’absurde : C est à tout A, A est à tout B ; Donc C est à tout B. Syllogisme ostensif : C est à tout A, C n’est pas à quelque B ; Donc A n’est pas à quelque B, contradictoire de la mineure hypothétique.
  595. Si l’on fait C A privatif, c’est-à-dire, la majeure, Ferio, Celarent : syllogisme par l’absurde en Ferio : C n’est à aucun A, A est à quelque B ; Donc C n’est pas à quelque B ; venant de l’ostensif en Cesare : C n’est à aucun A, C est à tout B ; Donc A n’est à aucun B, contradictoire de la mineure hypothétique. Par l’absurde, en Celarent : C n’est à aucun A, A est à tout B ; Donc C n’est à aucun B, venant de l’ostensif en Festino : C n’est à aucun A, C est à quelque B ; Donc A n’est pas à quelque B, contradictoire de la mineure hypothétique.
  596. Que A est à quelque B, c’est-à-dire, la proposition particulière affirmative. Il n’est point question de l’universelle affirmative qui ne peut être prouvée par réduction à l’absurde dans la première figure, comme on l’a vu précédemment, ch. 11, § 2.
  597. Si l’on a admis que B ou A est à quelque C, B étant à quelque C, c’est la mineure en Datisi : A étant à quelque C, c’est la majeure en Disamis ; les autres éléments sont empruntés au syllogisme précédent. Il y a donc ici deux syllogismes par l’absurde, dans la seconde figure, destinés l’un et l’autre à prouver la particulière affirmative dans la troisième. Premier syllogisme en Ferio : A n’est à aucun B, B est à quelque C ; Donc A n’est à aucun C, venant de l’ostensif en Datisi : A est à tout C, B est à quelque C ; Donc A est à quelque B, contradictoire de la majeure hypothétique. Second syllogisme par l’absurde en Celarent : A n’est à aucun B, B est a tout C ; Donc A n’est à aucun C, venant de l’ostensif en Disamis : A est à quelque C, B est à tout C ; Donc A est à quelque B, contradictoire de la majeure hypothétique.
  598. Examen des syllogismes par l’absurde de la seconde figure. — Syllogisme en Baroco, prouvant par l’absurde l’universelle affirmative : A est à tout C, A n’est pas à quelque B ; Donc C n’est pas à quelque B, venant de l’ostensif : A est à tout C, C est à tout B ; Donc A est à tout B, contradictoire de la mineure hypothétique.
  599. Que A est à quelque B, C’est-à-dire, la particulière affirmative. Syllogisme par l’absurde en Camestres : A est à tout C, A n’est à aucun B ; Donc C n’est à aucun B, venant de l’ostensif en Darii : A est à tout C, C est à quelque B ; Donc A est à quelque B, contradictoire de la mineure hypothétique et fausse par conséquent.
  600. Examen des modes négatifs, Celarent, Ferio. — Syllogisme par l’absurde en Festino prouvant, par sa mineure fausse, la conclusion universelle négative : A n’est à aucun C, A est à quelque B ; Donc C n’est pas à quelque B ; et venant de l’ostensif en Celarent : A n’est à aucun C, C est à tout B ; Donc A n’est à aucun B, contradictoire de la mineure hypothétique, qui est fausse alors de toute évidence.
  601. Si le syllogisme n’est pas universel, c’est-à-dire, si la conclusion de l’ostensif est particulière négative, Ferio ; syllogisme par l’absurde en Cesare, prouvant par sa mineure fausse la particulière négative : A n’est à aucun C, A est à tout B ; Donc C n’est à aucun B ; et venant de l’ostensif en Ferio : A n’est à aucun C, C est à quelque B ; Donc A n’est pas à quelque B, contradictoire de la mineure hypothétique.
  602. Examen des modes de la troisième figure. — Syllogismes par l’absurde en Brocardo, prouvant la conclusion universelle affirmative, par sa majeure fausse : A n’est pas à quelque B, C est à tout B ; Donc A n’est pas à quelque C ; et venant de l’ostensif en Barbara : A est à tout C, C est à tout B ; Donc A est à tout B, contradictoire de la majeure hypothétique.
  603. Syllogisme par l’absurde en Ferison, prouvant la particulière affirmative par sa majeure fausse : A n’est à aucun B, C est à quelque B ; Donc A n’est pas à quelque C ; et venant de l’ostensif en Darii : A est à tout C, C est a quelque B ; Donc A est quelque B, contradictoire de la majeure hypothétique.
  604. Quand le syllogisme est privatif, sous-entendu : et universel, c’est-à-dire, la conclusion universelle négative ; syllogisme en Disamis, prouvant cette conclusion par sa majeure fausse : A est à quelque B, C est à tout B ; Donc A est à quelque C ; et venant de l’ostensif en Cesare : C n’est à aucun A, C est à tout B ; Donc A n’est à aucun B, contradictoire de la majeure hypothétique. On pourrait prendre aussi Celarent au lieu de Cesare.
  605. Si la conclusion n’est pas universelle, c’est-à-dire, la particulière négative ; syllogisme par l’absurde en Datisi, prouvant cette conclusion par a majeure fausse : A est à tout B, C est à quelque B ; Donc A est à quelque C ; et venant de l’ostensif en Festino : C n’est à aucun A, C est à quelque B ; Donc A n’est pas à quelque B, contradictoire de la majeure hypothétique. On pourrait prendre aussi Ferio au lieu de Festino.
  606. Les termes restent les mêmes dans les deux espèces de syllogisme, quand on passe, des syllogismes par l’absurde, aux syllogismes ostensifs qui leur répondent.
  607. On peut de même passer, des syllogismes ostensifs, aux syllogismes par l’absurde, en prenant la contradictoire de la conclusion. — Que donne la conversion, des syllogismes exposes dans ce livre, ch. 8, 9 et 10. 8
  608. Rapport général de la démonstration syllogistique par l’absurde, et de la démonstration ostensive.
  609. Propositions opposées, soit contraires, soit contradictoires. Du reste, Aristote se sert du même mot pour exprimer l’idée générale d’opposé, et l’idée spéciale de contradictoire. J’ai mis ce dernier toutes les fois qu’il m’a paru nécessaire de préciser la pensée.
  610. Quelque n’est opposé que dans la forme à : non quelque, parce que ces deux propositions peuvent être toutes les deux vraies à la fois, et fausses à la fois. — Pour rendre ceci plus clair, faut se rappeler que les propositions contraires sont celles qui ne diffèrent qu’en qualité ; et les propositions contradictoires, celles qui diffèrent en quantité, comme en qualité ; Voir plus haut dans ce livre ch. 8, § 2. — Je les nomme opposées, Tout aucun, sont, contraires ; quelque non quelque, sont subcontraires ; aucun quelque, sont contradictoires ; tout non quelque, le sont aussi ; enfin, tout quelque, sont subalternes.
  611. Le syllogisme par contradictoires ou contraires ne peut avoir lieu dans la première figure, par les deux motifs qu’en donne Aristote : d’abord, pour la conclusion affirmative, parce que les prémisses y sont toutes deux affirmatives, et qu’avec des propositions opposées, l’une est nécessairement négative ; et, en second lieu, pour la conclusion négative, parce que les deux propositions ont le même attribut, ce qui n’est pas dans la première figure. La première remarque est plus générale que ne la fait Aristote. Elle s’applique non pas seulement aux syllogismes affirmatifs de la première figure, mais aussi aux affirmatifs de la troisième. Quant à la seconde remarque, elle pourrait s’appliquer aux syllogismes affirmatifs de la première figure, aussi bien qu’aux négatifs. Ainsi la propriété dont il est traité dans ce chapitre, n’appartient qu’aux modes négatifs, seconde et troisième figures, c’est-à-dire que des trois figures, la première n’en jouit pas du tout, que la seconde n’en jouit que dans deux modes, et la troisième, dans trois. Les commentateurs ont pensé, sans doute avec raison, que ces lacunes avaient engagé Aristote à placer cette propriété du syllogisme la dernière des six. Voir les chap. précédente de ce livre.
  612. Dans la figure moyenne2__179, on peut faire le syllogisme avec des opposées, soit contradictoires, soit contraires.
  613. Syllogisme avec des contraires en Camestres : Toute science est bonne, aucune science n’est bonne ; Donc aucune science n’est science, conclusion qui se nie elle-même.
  614. Autre syllogisme en Camestres, où l’on prend dans la proposition contraire une espèce du genre au lieu du genre lui-même, et où l’on cache ainsi l’opposition. Toute science est bonne, aucune médecine (qui est science aussi, qui est une espèce de science) n’est bonne ; Donc aucune médecine (qui est science) n’est science.
  615. Syllogisme en Cesare, où le sujet de la mineure est, comme dans le précédent, compris sous le sujet de la majeure : Aucune science n’est conjecturale ; toute médecine est conjecturale ; Donc aucune médecine n’est science, conclusion absurde qui revient à dire qu’une science n’est pas science, puisque la médecine est une science. — À cause de la conversion, c’’est-à-dire que dans le premier cas, la majeure était affirmative et la mineure négative ; et qu’il en est ici tout le contraire.
  616. Si l’autre proposition, la mineure particulière dans Festino et dans Baroco. Syllogisme en Festino : Nulle science n’est bonne ; quelque science est bonne ; Donc quelque science n’est pas science. Syllogisme en Baroco : Toute science est bonne ; quelque science n’est pas bonne ; Donc quelque science n’est pas science. — Le moyen est toujours, ici bonne, qui est affirmé de l’un des termes et nié de l’autre ; ce qui forme des propositions contradictoires.
  617. On obtienne une conclusion, dans la seconde figure. — Sont identiques, comme dans l’exemple du § 9 où science est deux fois sujet du moyen. — Ou qu’ils sont entre eux, etc., comme dans les exemples des §§ 6 et 7, où médecine est une partie du tout, qui est science.
  618. Il n’y a pas de conclusion affirmative dans la troisième figure, avec des propositions opposées — Qui a été dite, plus haut, § 3. — Étant universels, ou ne l’étant pas, Felapton, Ferison, Brocardo.
  619. Syllogisme en Felapton : Aucune médecine n’est science : toute médecine est science ; Donc quelque science n’est pas science. Ici les propositions sont contraires, et non pas contradictoires.
  620. Si AB, c’est-à-dire, la mineure ; syllogisme en Ferison avec des contradictoires : Aucune médecine n’est science : quelque médecine est science ; Donc quelque science n’est pas science.
  621. Les termes étant universels, Felapton. Voir au § 11. — Si l’un des deux est particulier, Ferison. Voir au § 12.
  622. En disant que, etc., c’est-à-dire, en prenant les propositions contraires ou contradictoires, comme dans les exemples qui précèdent. — L’autre partie de la contradiction, c’est-à-dire, soit la proposition contraire, soit la contradictoire de la proposition que soutient l’adversaire. — Dans les Topiques, la citation des Topiques est exacte et se rapporte au liv. 8, ch. 1, où sont indiqués divers moyens d’embarrasser et de réfuter l’interlocuteur. Plus haut, liv. 1, ch. 30, § 4, les Topiques ont été nommés : Traité de dialectique. — En résumé, il faut prendre garde, dans la discussion, d’accorder des propositions contraires ou contradictoires, de peur d’arriver à une conclusion fausse, soit que ces propositions soient présentées tout d’abord comme dans les exemples cités, soit qu’elles se cachent sous des argumentations longues et embarrassantes qui les dissimulent. C’est à l’interlocuteur de les discerner.
  623. Trois contradictions possibles, Contradiction s’entend ici des contraires et des contradictoires prises deux à deux, de manière à présenter les deux parties de l’opposition : Tout et aucun, etc. — Faire la conversion. Voir plus haut, § 7. — Encore une fois, c’est-à-dire, de la conversion revenir à la première forme, de manière, par exemple, à passer de Camestres à Cesare ou à Felapton, et de Baroco à Brocardo ; ou réciproquement de Cesare à Camestres, de Brocardo à Baroco.
  624. Ainsi qu’on l’a déjà dit, dans ce livre, ch. 2, 3 et 4. — Car le syllogisme est toujours contraire, syllogisme pour conclusion. — Les termes pris pour sujets. Voir plus haut, § 9.
  625. Dans les paralogismes, c’est-à-dire, dans les raisonnements faux, on peut obtenir, dans la conclusion, la contradictoire de l’hypothèse elle-même, si le syllogisme est hypothétique, en faisant, comme pour les syllogismes catégoriques, les prémisses opposées l’une à l’autre. Par exemple : si le nombre est impair, il ne se divise pas en parties égales : si le nombre est pair, il se divise en parties égales ; Donc si le nombre est impair, il n’est pas impair, contradictoire hypothétique.
  626. On ne peut, par un seul syllogisme, conclure affirmativement les contraires, à moins que la majeure ne renferme la contradiction tout entière avec ses deux parties ; ainsi : Tout animal est blanc et non blanc : or tout homme est animal ; Donc tout homme est blanc et non blanc, conclusion où les contraires sont tous deux exprimés affirmativement, parce qu’ils le sont déjà dans la majeure. — Ou bien il faut, Seconde manière de prouver les contraires, c’est de prendre la majeure en contradictoire à la conclusion ; ainsi : Toute science est conjecturale : or la médecine (qui n’est pas conjecturale) est science ; Donc toute science n’est pas conjecturale. On prouverait la conclusion par un syllogisme en Felapton, en développant la mineure : Nulle médecine n’est conjecturale, toute médecine est science ; Donc quelque science n’est pas conjecturale. — Les réfutations, elenchi. Voir plus bas, ch. 20, § 2, et Réfutations des sophistes, ch. 1, § 4, la définition de l’elenchus. — Ou bien enfin, troisième manière de conclure les contraires, chacun dans un syllogisme séparé. — Les propositions admises, dans un seul syllogisme. — Plus haut. Dans ce chapitre,§§ 3 et 10, c’est-à-dire qu’avec les prémisses opposées, il n’y a jamais que des conclusions négatives ; et que pour obtenir des conclusions affirmatives, il faut avoir recours aux trois moyens indiqués dans ce paragraphe, et qu’on peut employer indifféremment.
  627. La définition spéciale de ce premier vice du syllogisme n’est donnée qu’un peu plus bas, § 9. Ici la définition porte uniquement sur le genre dont la pétition de principe n’est qu’une espèce : Ne pas démontrer ce qui est en question. La pétition de principe est plus restreinte.
  628. Il y a quatre façons de ne pas démontrer ce qui est en question. D’abord, quand on ne fait pas de conclusion régulière, c’est-à-dire, quand on viole les règles formelles du syllogisme ; en second lieu, quand les principes ne sont point connus ou sont aussi peu connus que la conclusion ; ensuite, quand on conclut ce qui précède par ce qui suit, la cause par l’effet, par exemple ; car alors la conclusion n’est pas une démonstration véritable : quatrièmement enfin, quand on veut prouver par elle-même une chose qui ne peut être ainsi prouvée ; et c’est alors la pétition de principe, parce qu’on prend dans la conclusion ce qu’on a posé dans les prémisses.
  629. Il ne faut pas conclure de l’observation d’Aristote qu’on ne peut pas démontrer les lignes parallèles sans faire une pétition de principe. Il veut seulement dire que la démonstration donnée de son temps par quelques mathématiciens était entachée de ce défaut. On peut imaginer qu’ils procédaient ainsi : Les lignes AA et BB sont parallèles parce que les angles qu’elles forment avec une sécante CD sont égaux : Or ces angles ne sont égaux que parce que les lignes sont parallèles : Donc en définitive, ces lignes sont parallèles parce qu’elles sont parallèles ; ce qui est une pétition de principe. — Ce qui est impossible, puisque tout n’est pas principe.
  630. Que A est à C, conclusion d’un syllogisme en Barbara, et qu’il est à B, majeure du syllogisme également peu connue. Si donc l’on suppose une majeure, sans qu’elle soit notoire, et qu’on cherche à en tirer une conclusion, qui ne l’est pas plus qu’eux, on n’a pas fait encore une pétition de principe : mais on n’a pas démontré. — Si B est à C dans un rapport d’identité, c’est-à-dire, si le moyen B et le mineur C sont identiques, ou s’ils peuvent être pris l’un pour l’autre, étant de même extension, et se convertissant ; ou enfin si l’un est à l’autre, c’est-à-dire, si le moyen comme genre est attribué au mineur comme à son espèce, on fait dans ces trois cas une pétition de principe. — Que A est à B, c’est-à-dire qu’on démontrerait le majeur du moyen par le mineur, en prenant C à la place de B, puisqu’ils sont identiques ; alors B est prouvé par C, comme C l’était par B, ce qui est précisément la pétition de principe. — C’est là le véritable obstacle, c’est-à-dire, quand le mineur est une espèce du moyen qui est son genre. — Comme s’il y avait trois termes, Au fond il n’y en a que deux, puisque sur trois, deux sont identiques ou représentent la même idée. — Pour éclaircir cette théorie, voici des exemples réels tirés des commentateurs. Premier cas, où le mineur et le moyen sont identiques sous forme différente : il y a pétition de principe, bien qu’elle soit dissimulée : Tout vêtement est blanc : tout manteau est vêtement : Donc tout manteau est blanc. — Second cas, où le mineur et le moyen sont de même extension : Tout être doué de raison est grammairien ; tout homme est doué de raison : Donc tout homme est grammairien. Il y a ici pétition de principe ; car la conclusion est la majeure sous une autre forme, puisque dans la mineure, homme et doué de raison, le mineur et le moyen, sont tout à fait de même extension, et qu’ils pourraient se convertir l’un dans l’autre : Tout être doué de raison étant homme, tout homme étant doué de raison. — Troisième cas, où le mineur n’est qu’une espèce du moyen : Toute âme est immortelle ; toute âme humaine est âme : Donc toute âme humaine est immortelle.
  631. Dans le § précédent, la pétition de principe s’appliquait à la majeure AB, elle peut s’appliquer également à la mineure BC. D’abord si la mineure est aussi peu connue que la conclusion, on ne démontre pas : mais on ne fait pas une pétition de principe. On en fait une, si le majeur et le moyen sont dans les trois espèces de rapports qu’on vient d’indiquer pour le moyen et le mineur. Premier cas, identité du majeur et du moyen sous forme différente : Tout ce qui est désirable est souhaitable : tout plaisir est désirable : Donc tout plaisir est souhaitable. — Second cas, extension pareille du majeur et du moyen : Tout bien est désirable ; tout plaisir est bien : Donc tout plaisir est désirable. — Troisième cas, le moyen est une espèce du majeur : Tout ce qui est honnête est bon : tout plaisir est honnête ; Donc tout plaisir est bon. Dans ces trois derniers cas, le principe qu’on répète dans la conclusion, est emprunté à la mineure.
  632. Dans la seconde figure, on peut faire une pétition de principe, quand on donne deux attributs identiques à un même terme, c’est-à-dire, quand le majeur et le moyen identiques sont attributs du mineur : dans la troisième, quand le moyen est sujet d’un mineur qui lui est identique. Ainsi seconde figure, syllogisme en Camestres : Tout vêtement est manteau : aucun objet blanc n’est manteau ; Donc aucun objet blanc n’est vêtement. — Troisième figure, syllogisme en Darapti : Tout vêtement est blanc : tout vêtement est manteau ; Donc quelque manteau est blanc. Dans le premier cas, le principe est emprunté à la mineure, où les termes sont identiques à ceux de la conclusion, et dans le second, à la majeure.
  633. Que dans la troisième et dans la première figures, parce que ce sont les seules où il y ait des conclusions affirmatives ; la seconde n’a que des conclusions négatives. La pétition de principe dans la conclusion est toujours semblable à la proposition qui la donne ; et il faut que les deux prémisses soient affirmatives pour que la conclusion le soit aussi. — Sont niés d’un même terme, La pétition de principe est alors tirée de la majeure ; exemple en Celarent, la pétition de principe dans la conclusion étant négative : Aucun vêtement n’est blanc : tout manteau est vêtement ; Donc aucun manteau n’est blanc, blanc nié de vêtement et de manteau ; et par la conversion, vêtement et manteau niés de blanc. — À employer indifféremment, c’est-à-dire que dans les pétitions de principe négatives, soit de la première et de la troisième figures, soit de la seconde ; on ne peut pas tirer indifféremment la pétition de principe de la majeure ou de la mineure comme pour les affirmatifs ; il faut toujours la tirer de la proposition négative à laquelle elle doit être semblable, cette proposition pouvant être soit majeure, soit mineure. — Ne peuvent pas être convertis, de la manière qu’on a dite plus haut ; car les termes ne sont pas identiques et ils n’ont pas une extension égale, Aristote n’entend pas parler ici de la conversion des négatives dont il a été question liv. 1, ch. 2, § 8.
  634. En dialectique, voir Topiques, liv. 8, ch. 13, où est exposée la théorie de la pétition de principe dialectique.
  635. Je ne sais si j’ai bien rendu ici le sens vrai du texte : j’ai dû employer une sorte de périphrase pour exprimer la formule très-concise d’Aristote. Mot à mot, elle veut dire : Le faux se produira non à cause de cela ; et les scholastiques l’ont reproduite littéralement, mais d’une façon fort obscure, en traduisant : non propter hoc ou non penes hoc accidere falsum. Je me suis efforcé de rendre la pensée plutôt que les mots. — La chose même qui…, c’est-à-dire, la conclusion absurde à laquelle conduit le second syllogisme. — Quand on ne la contredit pas, c’est-à-dire, quand on accepte l’absurdité comme régulièrement conclue de l’hypothèse, on ne contredit point le syllogisme qui la donne ; mais l’on passe au premier syllogisme ; et c’est dans ses éléments que l’on cherche la cause de l’erreur démontrée par l’adversaire. — Dans la démonstration ostensive, le vice qu’Aristote étudie ici ne peut se trouver dans les démonstrations ostensives, parce qu’en effet on n’y pose jamais la contradiction de sa propre thèse. La conclusion fausse, si l’on en obtient une, résulte directement des données, et l’on ne peut pas dire qu’elle n’en vienne pas. Comme on n’a que trois termes, soit ABC, la conclusion ne peut sortir que d’eux seuls ; et si l’on en retranchait un, le syllogisme lui-même deviendrait impossible. Ainsi, un syllogisme, dans ce cas, ne peut se former en dehors des données qu’on a prises ; car ces données lui sont tout à fait indispensables. Pour que la conclusion fausse pût être ici attaquée comme mal justifiée d’après les prémisses, il faudrait pouvoir enlever indifféremment l’une de ces prémisses ; or, c’est ce qui est impossible, et le vice de la conclusion fausse mal justifiée, ne peut se trouver que dans les syllogismes concluant par réduction à l’absurde. Si donc, dans un syllogisme de ce genre, il est possible de retrancher la thèse primitive, et que la conclusion fausse ne s’en produise pas moins, on pourra dire que l’absurdité n’est pas justifiée par ce qui précède, puisque ce ne sont pas les prémisses admises qui la feront naître. Elle est indépendante de ces prémisses qu’on peut accepter ou retrancher, sans qu’elle en soit elle-même changée.
  636. Quand la conclusion absurde n’a aucun rapport à la question même qu’elle prétend réfuter, il est de toute évidence qu’elle n’est pas justifiée par ce qui précède. En effet, si, pour démontrer que le diamètre est incommensurable, on allait démontrer que, suivant l’opinion de Zénon, il n’y a pas de mouvement, cette conclusion fausse, absolument étrangère à la question, ne serait d’aucune valeur. C’est qu’alors on aurait pris pour cause ce qui n’est point cause ; car, qu’il y ait ou qu’il n’y ait pas de mouvement dans le monde, fort peu importe pour connaître le rapport du diamètre à la circonférence, ou de la diagonale au côté. Ici donc le vice du syllogisme serait de toute évidence. — Ainsi qu’on l’a dit dans les Topiques, ce n’est pas précisément dans les Topiques qu’Aristote a traité ce sujet : c’est dans les Réfutations des Sophistes, ch. V, § 9. On peut conclure de ce passage qu’Aristote renfermait dans le titre général de Topiques, et l’ouvrage qui porte aujourd’hui ce nom, et celui qui le suit et le complète. Albert avait déjà fait une remarque analogue. C’est encore ainsi qu’Aristote comprend sous le titre commun d’Analytiques les Premiers et les Derniers,
  637. Une autre manière. Ici le vice du syllogisme est moins évident que dans le mode qui précède. — Tient bien à l’hypothèse, c’est-à-dire, quand la conclusion absurde conserve une des parties de l’hypothèse, soit son sujet, soit son attribut. Le syllogisme par l’absurde fait suite alors à la thèse primitive, soit qu’on prenne le terme supérieur de cette thèse, c’est-à-dire l’attribut, soit qu’on en prenne le terme inférieur, c’est-à-dire le sujet, pour en faire le sujet, ou l’attribut de la conclusion fausse. Les deux exemples des 88 4 et 5, qu’on peut voir plus loin, rendront ceci plus clair.
  638. Soit d’abord la thèse A est à B, A étant attribut et supérieur, comme plus étendu, et B étant sujet et inférieur, comme renfermé dans l’attribut. Si l’on prend le sujet B pour en faire l’attribut de C dans le syllogisme qui doit conclure l’absurde, et C pour en faire l’attribut de D, on aura pour conclusion en Barbara, B est à D, conclusion supposée absurde. Mais on peut retrancher la thèse : A est à B, sans que la conclusion absurde disparaisse : donc cette conclusion ne tient pas à la thèse primitive. Ici l’on est parti du terme inférieur, qui était le sujet, et qui a servi de lien entre la thèse primitive elle syllogisme par l’absurde. On pourrait à l’inverse lier la thèse et le syllogisme par le terme supérieur, c’est-à-dire, par l’attribut, comme au § suivant. Soit la thèse primitive, A est à B, représentée par ces termes réels, empruntés aux commentateurs : Tout animal est vivant. Le syllogisme à conclusion absurde sera, dans le premier cas : Tout être blanc est animal : toute neige est blanche ; Donc toute neige est animal ; conclusion absurde, qui tient bien à la thèse primitive, mais qui n’en résulte pas, quoique son attribut soit le sujet même de cette thèse. C’est que, si on enlève cette thèse, l’absurdité n’en demeure pas moins par les prémisses mêmes du syllogisme qui la contient.
  639. Voici le second cas où l’absurdité tient à la thèse primitive par le terme supérieur ou l’attribut. Thèse primitive ; A est à B ; A devient sujet dans le syllogisme par l’absurde : F est à Ε : Ε est à A ; donc F est à A, conclusion supposée absurde, mais qui n’en subsiste pas moins, si l’on retranche la thèse primitive, bien qu’elle y tienne par un de ses éléments. Soit toujours la thèse primitive : Tout animal est vivant. Syllogisme à conclusion absurde : Toute plante est insensible : tout être vivant est plante ; Donc tout être vivant est insensible ; conclusion absurde qui emprunte l’attribut de la thèse primitive pour en faire son sujet, mais qui cependant ne résulte pas de cette thèse : car cette thèse enlevée, l’absurdité n’en subsiste pas moins, attendu qu’elle résulte des prémisses mêmes qui la donnent. Donc la thèse est inutile à l’absurdité conclue.
  640. Joindre l’absurde aux termes primitifs, c’est-à-dire qu’il faut conserver les termes de la thèse primitive avec leurs fonctions propres, l’attribut de cette thèse passant au syllogisme par l’absurde en fonction d’attribut et non pas de sujet ; le sujet y passant en fonction de sujet et non pas d’attribut. Les exemples suivent dans les §§ 7 et 8. L’absurdité liée ainsi à la thèse primitive, en paraît évidemment le résultat et la conséquence.
  641. Le rapport des termes en descendant, c’est-à-dire, de manière que l’attribut de la thèse primitive reste attribut, et que tous les autres termes soient au-dessous de lui, et en descendent, en quelque sorte. Soit toujours la thèse primitive : Tout animal est vivant. Syllogisme à concinsion absurde : Tout être blanc est animal : toute neige est blanche ; Donc toute neige est vivante. C’est, comme on le voit, un sorite, où le sujet de la première proposition devient attribut de la suivante, mais où l’attribut de la dernière est encore l’attribut de la première, de telle façon que cet attribut enveloppe tous les autres termes. Ici, pour que l’absurdité : A est à D, soit conclue, il faut de toute nécessité conserver A ; car, si on le retranche, il n’y a plus de conclusion absurde. Ainsi la conclusion absurde tient à la thèse primitive, et ne serait pas obtenue sans elle.
  642. En montant, c’est-à-dire, de manière que le sujet de la thèse primitive soit encore le sujet de la conclusion absurde. Le sujet de la thèse est alors inférieur à l’attribut de la conclusion absurde, et il semble remonter vers lui. Soit toujours la thèse primitive : Tout animal est vivant. Syllogisme à conclusion absurde : Toute plante est insensible : toute plante est vivante ; Donc tout animal est insensible, conclusion absurde dont le sujet est le sujet même de la thèse. Pour voir mieux la consécution de ce dernier sorite, il faut replacer la thèse entre la mineure et la conclusion absurde du syllogisme. — Si F ne peut être à B, conclusion absurde, où B est sujet, F attribut ; sans l’attribut, plus d’absurdité.
  643. Les règles qu’on vient d’appliquer à des conclusions affirmatives, seraient tout aussi bien applicables à des conclusions négatives.
  644. Résumé des règles qui précèdent. — Joint aux termes primitifs, de manière que ces termes conservent leurs véritables fonctions.
  645. Objection contre la théorie qui précède : Il peut se faire, même en observant les règles indiquées, c’est-à-dire, en conservant le sujet de la première hypothèse, comme sujet dans la conclusion absurde, et l’attribut comme attribut, que la conclusion absurde soit indépendante de l’hypothèse. Dans ce cas, l’hypothèse peut être retranchée, et l’absurde ne s’en produit pas moins, parce qu’il ne tient pas à elle. — Si l’on suppose que A… premier cas où l’attribut de l’hypothèse reste attribut de la conclusion absurde. Soit l’exemple des commentateurs : A vivant, Κ plante, C blanc, D neige ; on aura : Première hypothèse : Toute plante est vivante. Syllogisme à conclusion absurde : AC tout être blanc est plante : CD toute neige est blanche ; AD Donc toute neige est animée, conclusion absurde qui n’en subsiste pas moins si l’on retranche l’hypothèse. — Les termes en remontant, c’est-à-dire, si l’on prend le sujet au lieu de l’attribut de l’hypothèse pour en faire le sujet de la conclusion absurde. Voir plus haut §§ 7 et 8. Soit l’hypothèse primitive : Tout animal est corporel. Syllogisme à conclusion absurde : Toute plante est insensible : tout être corporel est plante ; Donc tout animal est insensible Pour mieux suivre le sortie, il faudrait, comme plus haut, replacer l’hypothèse entre la mineure et la conclusion absurde du syllogisme. Ici le sujet de l’hypothèse est encore le sujet de la conclusion absurde ; mais cette conclusion ne tient pas à l’hypothèse ; car, l’hypothèse ôtée, cette conclusion ne s’en produit pas moins. Le motif en est expliqué au § suivant.
  646. C’est que, dans ces deux cas, l’absurdité résulte non pas seulement de l’hypothèse, mais aussi des autres propositions qui forment le syllogisme, et qui renferment implicitement l’hypothèse. Ainsi, dans le premier syllogisme du § 11, l’absurdité de la conclusion résulte, indépendamment de l’hypothèse, de l’absurdité même de la majeure : Tout être blanc est plante ; et dans le second syllogisme, de l’absurdité de la mineure : Tout être corporel est plante. Il n’y a rien, du reste, ici qui doive surprendre ; il peut fort bien se faire qu’une même absurdité soit là conséquence de deux hypothèses différentes. La géométrie en offre bien des exemples. Par exemple, on pourrait soutenir que les lignes parallèles se rencontrent, et chercher à prouver cette absurdité évidente, soit parce que les angles d’un même côté de la sécante, interne et externe, ne seraient pas égaux, soit parce que la somme des angles d’un triangle vaudrait plus de deux angles droits. Pour bien comprendre ces deux exemples, il faudrait tracer une figure géométrique où deux lignes parallèles seraient coupées à angles droits par une perpendiculaire. Si les deux angles, faits d’un même côté de cette ligne, interne et externe, n’étaient pas égaux, les lignes se rencontreraient, et ne seraient pas parallèles ; mais ils sont égaux ; Donc elles ne se rencontrent pas. On démontrerait de même que, si les lignes se rencontraient, il faudrait que les deux angles adjacents à l’hypoténuse du triangle rectangle fussent plus grands qu’un angle droit, et que, par conséquent, la somme des trois angles du triangle valût plus de deux angles droits : ce qui ne se peut ; Donc les lignes ne se rencontrent pas ; Donc elles sont parallèles. Le triangle rectangle nécessaire à cette démonstration est formé dans l’intérieur des parallèles par la sécante perpendiculaire, une portion de la parallèle inférieure servant de base, et une hypoténuse quelconque menée de cette base à l’angle interne que la perpendiculaire forme avec la parallèle supérieure. Cette construction est, du reste, fort simple.
  647. Les commentateurs, si j’en excepte Albert, n’ont point cherché à faire voir comment ce chapitre se rattachait au précédent. Philopon, Averroës, Pacius, ne se sont pas même posé cette question. Elle n’est point cependant facile à résoudre. Cette courte observation sur le raisonnement faux est-elle, comme il me semble, un simple complément de ce qui précède ? ou bien est-ce, comme l’ont cru les commentateurs de la Renaissance, la théorie d’un troisième vice du syllogisme ? Cette dernière hypothèse me paraît la moins probable. Il est vrai qu’Artstote introduit ici un mot qu’il n’a point encore employé, et qu’on peut en inférer qu’il prétend signaler un vice distinct des deux vices qu’il a déjà indiqués dans les chapitres 16 et 17. D’autre part, l’explication d’Albert ne paraît pas non plus très-satisfaisante. « Comme on vient de voir, dit-il, que de l’hypothèse pouvait sortir une conclusion fausse, et qu’on pourrait croire que du vrai on peut conclure le faux. Il faut savoir que la fausseté de la conclusion tient toujours à quelque erreur antérieure, soit dans les prémisses pour les syllogismes simples, soit dans les prosyllogismes pour les syllogismes composés. » La pensée d’Aristote est sans doute ici plus générale que ne le croit Albert. Le philosophe ne veut pas seulement prévenir une erreur qu’il a déjà plusieurs fois réfutée, et notamment dans ce livre, ch. 2, 3, 4. Il complète ce qu’il vient de dire sur les rapports de la conclusion fausse à l’hypothèse, en ajoutant que la fausseté de la conclusion implique toujours et sans exception la fausseté des éléments qui la donnent. Je proposerais donc de réunir ce chapitre, sur le raisonnement faux, au chapitre précédent, et de ne point faire de cette simple remarque un vice nouveau du syllogisme. Je n’ai pas cru du reste devoir me permettre ce changement ; et je me suis conformé à la série ordinaire des chapitres, bien que je ne l’approuve pas. — Le raisonnement faux, en d’autres termes, la conclusion fausse ; j’ai pris ici un mot nouveau afin de suivre le texte de plus près. — Résulte de deux propositions, Le syllogisme simple n’a jamais que deux propositions ; le syllogisme composé peut en avoir un nombre illimité. — Ainsi qu’on l’a vu, chapitres 2, 3, 4 de ce livre. — Comme C conclu par A B, syllogisme principal ; sa majeure serait prouvée par un prosyllogisme dont elle serait la conclusion, DE y étant majeure et mineure ; et sa mineure serait prouvée par un autre prosyllogisme dont elle serait la conclusion, FG étant majeure et mineure. — Les termes supérieurs, les prosyllogismes. — Le raisonnement est faux, c’est-à-dire, la conclusion du syllogisme principal. — A et B sont conclus, c’est-à-dire que la majeure et la mineure du syllogisme principal sont elles-mêmes des conclusions de prosyllogismes.
  648. Je peux faire ici des remarques analogues à celles que j’ai faites sur le chapitre précédent. Les commentateurs de la Renaissance ont voulu voir, dans celui-ci, l’exposition d’un quatrième vice du syllogisme qu’ils ont appelé Catasyllogisme. Rien n’indique formellement que ce soit bien là l’objet de ce chapitre. Il semble bien plutôt que ce sont des conseils donnés par Aristote aux interlocuteurs, à l’un pour qu’il évite, en répondant, de donner des armes contre lui-même ; à l’autre, pour qu’il force son adversaire à lui concéder, sans le savoir, les propositions nécessaires à la réfutation. Ce sont là des ruses et des habiletés de dialectique fort semblables à celles qui sont indiquées au 8e livre des Topiques, et au ch. 15 des Réfutations des Sophistes. Mais il ne semble pas qu’on puisse en faire un défaut spécial du syllogisme, comme la pétition de principe, par exemple. Reste toujours, il est vrai, à savoir comment la théorie de ce chapitre 19 se rattache à celles qui précèdent ; et pourquoi elle n’a pas été rejetée dans la dialectique proprement dite. C’est cette difficulté, sans doute, qui a porté les commentateurs à reconnaître ici un quatrième vice du syllogisme, faisant suite aux trois premiers ; je ne puis partager entièrement leur avis. Du reste, le détail de la pensée d’Aristote n’en est pas moins clair, si le lien général nous échappe. — Demande une donnée sans les conclusions, par exemple, quand l’adversaire prend des propositions de prosyllogismes, sans en indiquer la conclusion, qui doit être une prémisse du syllogisme principal. — Nous savons. Voir liv. 1, ch. 4, § 2 et passim. — Plusieurs fois, c’est-à-dire, deux fois : une fois dans la majeure, et une fois dans la mineure.
  649. Ce que nous avons à observer dans le moyen, il faut se rappeler ici les fonctions et la place du moyen dans les trois figures. Il est clair que si l’on accorde deux fois, pour attribut, un même terme, on fournit à l’adversaire un moyen qu’il peut employer pour faire un syllogisme de la seconde figure, où le moyen est attribut des deux extrêmes. Si l’on accorde deux fois un même terme pour sujet des deux autres, l’adversaire pourra faire un syllogisme dans la troisième figure. Si l’on accorde deux fois un même terme pour sujet d’un autre terme, et pour attribut d’un autre second terme, l’adversaire pourra conclure dans la première figure. Or, on sait quelle espèce de conclusion donne chaque figure ; on sait de plus, par la thèse qu’on soutient soi-même, celle qu’attaque l’adversaire et celle qu’il désire établir ; il faut alors n’accorder que les figures dont il ne peut faire aucun usage. Si l’on soutient une thèse négative, on peut accorder sans difficulté la seconde figure, parce qu’elle ne renferme que des conclusions négatives ; et que, par conséquent, l’adversaire n’y trouvera pas la conclusion affirmative dont il aurait besoin pour réfuter. Si l’on soutient une thèse particulière affirmative, on peut accorder la troisième figure où il ne se trouve pas de conclusion universelle, etc. — Comment nous devons suivre la discussion, parce que nous savons bien l’opinion que nous défendons nous-mêmes, et celle que défend l’adversaire. Les conseils renfermés dans les deux §§ précédents s’adressent à l’interlocuteur qui répond : les suivants s’adressent à l’interlocuteur qui interroge, et qui doit s’efforcer d’obtenir ce que, dans une position contraire, il devrait s’efforcer de refuser.
  650. Quand on argumente soi-même, c’est-à-dire, quand on interroge, il faut cacher le but où l’on tend, afin que l’adversaire ne le découvre pas, et ne se mette point en garde contre les pièges qu’on lui dresse. Ici, il faut gagner ce que, précisément, il fallait tout à l’heure éviter. Les rôles sont changés.
  651. De même qu’en répondant, il ne fallait pas accorder de moyen en répétant un même terme deux fois, § 1, de même ici, pour dissimuler sa marche, il faut ne jamais formuler les conclusions des prosyllogismes ; il faut seulement en demander et en prendre les prémisses pour en faire l’usage convenable. Mais si l’on demandait nettement la conclusion, ce serait révéler à l’adversaire où on le conduit ; et alors, il refuserait les éléments mêmes dont on a besoin, et qui serviraient à le réfuter. — Les propositions nécessaires, c’est-à-dire, les prémisses des prosyllogismes.
  652. Second conseil à l’interlocuteur qui interroge : Qu’il bouleverse la série des prosyllogismes, afin que l’adversaire la suive avec plus de peine et qu’il s’y embarrasse. Ainsi, voulant conclure A de F, qu’il ne dise pas : A est à B, B est à C, C est à D, D est à Ε, Ε est à F, donc A est à F ; mais qu’il saute de l’une de ces propositions à l’autre, sans observer l’ordre régulier, et qu’il dise : A est à B, D est à Ε, B est à C, etc., dissimulant sa marche en la rendant tortueuse et obscure.
  653. Troisième conseil : Si le syllogisme n’a qu’un seul moyen, c’est-à-dire, si le syllogisme est simple au lieu d’être composé ; alors il faut commencer par ce moyen même. Pour bien comprendre ceci, il faut se rappeler le genre spécial d’énonciation qu’Aristote a adopté dans la forme du syllogisme. On sait qu’il débute par le majeur, qu’il passe de là au moyen, et qu’il finit par le mineur, disant toujours : A est à B, B est à C ; donc A est à C, c’est-à-dire, qu’il va toujours du plus étendu au moins étendu, du contenant au contenu. Voir liv. 1, ch. 4, § 3. C’est la marche la plus simple, la plus claire, la plus évidente : mais on pourrait aussi commencer par la mineure, et dire : B est à C, A est à B ; donc A est à C. Déjà le raisonnement est moins évident. Enfin on le rendrait plus obscur encore, en commençant par le moyen lui-même, et en disant : B est A, C est B ; donc C est A. — On peut voir qu’ici Aristote fait la critique de notre manière habituelle d’énoncer les syllogismes. En effet, nous prenons toujours le verbe : être d’une manière absolue, et nous disons : B est A, et non point comme Aristote : A est à B, d’où il suit que nous débutons toujours par le moyen, que nous continuons par le majeur, et que nous revenons au mineur pour conclure enfin le majeur du mineur. C’est précisément la marche embarrassée qu’Aristote conseille à l’interlocuteur qui interroge, mais qu’il proscrit pour la science, et que, pour sa part, il n’a jamais employée.
  654. Voici le cinquième vice du syllogisme, d’après les commentateurs latins. Je ferais à peu près les mêmes observations que plus haut ; ici cependant je serais moins éloigné de partager l’avis des commentateurs. Les conseils que donne Aristote s’appliquent bien toujours à la discussion, ce sont bien toujours des conseils de dialectique ; mais ils sont moins généraux que les précédents, et le défaut qu’ils ont pour objet de signaler est plus spécialement relatif au syllogisme. — Entre le Catasyllogisme et la Réfutation, il y a cette différence que le premier est la réfutation que l’adversaire adresse à son adversaire, tandis que la réfutation proprement dite est celle que l’on se fait à soi-même quand on affirme ce qu’on avait d’abord nié, ou que l’on nie ce qu’on avait d’abord affirmé, ainsi que le remarque saint Thomas. J’aurais voulu trouver ici un autre mot que celui de Réfutation qui est trop général ; mais la langue française ne m’en a pas offert ; et j’ai craint d’employer le mot latin Elenchus, à cause même de son obscurité. — Quand a lieu et quand n’a pas lieu la Réfutation, C’est que la Réfutation n’est qu’une espèce de syllogisme, et qu’en tant que syllogisme elle est soumise aux mêmes règles, exposées du reste dans tout ce qui précède.
  655. Quand toutes les réponses sont accordées, c’est-à-dire, quand toutes les réponses données par l’interlocuteur aux questions de l’autre sont affirmatives. — Sont de forme dissemblable, Aristote explique lui-même ce qu’il entend par là ; les réponses au lieu d’être toutes affirmatives, peuvent être, les unes négatives, les autres affirmatives. — Il y avait syllogisme, On a vu en effet dans la théorie des trois figures, liv. 1, ch. 4, 5, 6, que la conclusion pouvait être tirée soit de deux affirmatives, soit d’une affirmative et d’une négative. — Si donc la thèse est contraire à la conclusion, peut-être aurait-il mieux valu renverser ici les termes, et dire : si donc la conclusion est contraire à la thèse ; c’est ce que semble exiger la série directe de la pensée. Contraire est pris ici dans un sens général pour contraire et contradictoire tout à la fois, comme le prouve ce qui suit. — Le syllogisme de la contradiction, c’est la définition donnée plusieurs fois dans l’Organon, et particulièrement, Réfutations des Sophistes, ch. 1, § 4.
  656. Si l’on n’accorde aucune proposition, c’est-à-dire, si au lieu de répondre affirmativement, comme au § 1, on répond négativement à toutes les interrogations de l’adversaire, il ne se peut pas qu’on se réfute soi-même ; car alors le syllogisme n’est pas possible, puisqu’avec deux prémisses négatives, il n’y a jamais lieu à conclusion. Dans ce cas non plus, il n’y a pas de conclusion contradictoire à la thèse qu’on a soi-même posée. — Car on a vu, Voir liv. I, ch. 4,5,6, ch. 7, § 1, et ch. 24, § 1. — Car, s’il y avait Réfutation, c’est qu’en effet l’espèce ne peut exister sans le genre, mais le genre peut fort bien exister sans l’espèce
  657. Même observation, c’est-à-dire que la Réfutation n’est pas possible, si en répondant on n’accorde aucune proposition universelle ; car alors non plus le syllogisme ne peut se former, puisque dans tout syllogisme, il faut que l’une des prémisses soit universelle. Voir liv. 1, ch. 24, § 1. Or, il n’y a pas de Réfutation sans syllogisme : donc si l’on empêche le syllogisme, on empêche aussi la Réfutation qui ne peut exister sans lui.
  658. Voici, d’après les commentateurs latins, le cinquième et dernier vice du syllogisme. Je crois qu’ici comme plus haut, Aristote n’a pour but que de donner des conseils généraux propres à guider le raisonnement. Les dangers qu’il signale concernent la pensée tout entière ; et le défaut nouveau qu’il indique n’est pas, à proprement parler, spécial au syllogisme. En effet, l’erreur porte dans les exemples mêmes qu’il cite, non sur un seul syllogisme, mais sur deux syllogismes, dont l’un a une conclusion opposée contrairement à celle de l’autre. Les deux syllogismes sont parfaitement réguliers : seulement le majeur est joint au mineur dans le second par un moyen différent de celui qui les unit dans le premier. Il se peut que l’on connaisse l’un de ces moyens et qu’on ignore l’autre. L’erreur, dans ce cas, ne vient pas de la forme qui est selon toutes les règles : elle résulte uniquement de la pensée qui est incomplète. On sait d’une chose ce qu’elle est, et en même temps on l’ignore. C’est que les deux moyens ne sont pas ici dans ce rapport que l’un soit subordonné à l’autre ; ils sont d’une série différente. Il se pourrait aussi que les deux moyens fussent d’une même série, comme dans l’exemple du § 2. — Dans la position des termes, Pacius limite peut-être un peu trop le sens de ces mots ; il pense qu’Aristote veut désigner ici l’erreur résultant de la confusion qu’on fait souvent de la proposition indéterminée avec l’universelle. La pensée d’Aristote paraît plus générale ; et la position des termes peut s’appliquer à toutes les fautes commises contre les règles du syllogisme. Ces erreurs ne concerneraient donc que la forme, tandis que l’erreur dont Aristote traite dans ce chapitre concerne le fond même de la pensée et du raisonnement. — Essentiellement, le texte dit : primitivement, c’est-à-dire, sans intermédiaire, immédiatement. — Supposons que A… Il faut distinguer ici deux syllogismes, l’un en Barbara, l’autre en Celarent. — Si l’on pense que A est à tout B, premier syllogisme. A est à tout B : B est à tout D ; Donc A est à tout D. — Mais que A n’est à aucun C, second syllogisme : A n’est à aucun C, C est a tout D ; Donc A n’est à aucun D, conclusion contraire à la première. On sait donc d’une part que A est à tout D ; et de l’autre, on sait le contraire, c’est-à-dire, que A n’est à aucun D. D’où vient cette erreur ? de la pensée seule, car la forme est régulière. C’est que l’on a su que A était à B, mais l’on n’a pas su qu’il était aussi à C, quoique C soit subordonné à B ; ou, pour mieux dire, l’on a admis que A n’était pas à C, tandis que A était à C. C’est donc la majeure qui est fausse ; et c’est de là qu’est venue la fausseté même de la conclusion. Voici les exemples des commentateurs. Premier syllogisme : Tout bipède est animal ; tout homme est bipède : Donc tout homme est animal. — Second syllogisme : Aucun être doué de raison n’est animal : tout homme est doué de raison ; Donc aucun homme n’est animal. On voit que les moyens : bipède, et doué de raison, sont de série différente et ne sont pas subordonnés.
  659. Mais ils pourraient être de même série ; et l’erreur ne s’en produirait pas moins, si l’on ignorait l’un et qu’on connût l’autre. — Par exemple, deux nouveaux syllogismes en Barbara et en Celarent. Premier syllogisme : A est à tout B : B est à tout D ; Donc A est à tout D. Second syllogisme : A n’est à aucun C : C est a tout D ; donc A n’est à aucun D, conclusion contraire à la première. Ou bien en prenant des termes réels : Tout être vivant est substance : tout homme est vivant : Donc tout homme est substance. — Aucun animal n’est substance ; tout homme est animal ; Donc aucun homme n’est substance, conclusion dont la fausseté tient à la fausseté même de la majeure, bien que les moyens : vivant et animal, soient de même série, le second étant subordonné au premier. Ainsi, d’une part, on sait que la chose est telle chose, et d’autre part on sait qu’elle n’est pas telle chose ; ou, comme dit Aristote, on a d’une même chose relativement à une même chose la science et l’ignorance.
  660. L’erreur vient uniquement de ce qu’on n’examine point avec assez d’attention, tout ce que l’on sait de la chose même à l’égard de laquelle on se contredit. Du moment qu’on sait que A est à B, on sait aussi, quoiqu’on le sache moins clairement, que A est à C, parce que C est une partie de B. Mais comme cette seconde notion est plus obscure, on croit ne pas la posséder, bien qu’au fond on la possède ; et l’on admet alors dans le second syllogisme une majeure, dont la fausseté serait évidente si l’on y regardait de plus près. On aurait vu nettement la contradiction.
  661. Quant à la première espèce d’erreur, Voir § 2. — Les deux propositions à la fois en rapport avec chacun des moyens, c’est-à-dire qu’on admette à la fois dans sa pensée la majeure du syllogisme en Barbara, et celle du syllogisme en Celarent, parce qu’elles ont quelque chose de contradictoire. — Par exemple, si A est à tout B, majeure de Baroco, et qu’il ne soit à aucun C, majeure de Celarent, et que ces deux termes soient à la fois à D, B est à tout D, mineure de Barbara, C est à tout D, mineure de Celarent. — La première proposition soit contraire, c’est-à-dire que la première majeure est contraire, du moins en partie, à la seconde ; car D est une partie de C, comme il est une partie de B : il doit être aussi une partie de A, puisque B en est une partie. Lors donc qu’on dit d’une part que A est à tout B, et d’autre part que A n’est à aucun C, on se contredit ; car d’abord on implique que D est une partie de A, et en second lieu, on implique aussi que D n’est pas une partie de A. Or cette pensée est contradictoire ; donc il n’est pas possible qu’on l’ait — En effet, si l’on pense… Majeure du premier syllogisme en Barbara, § 2. — On sait aussi que A est à D, du moment qu’on sait que A est à B, on sait par cela même que A est à D, partie de B. — D’autre part, si l’on pense… Majeure du second syllogisme en Celarent, § 2. — On pense alors certainement…, c’est-à-dire que du moment qu’on pense que A n’est à aucun C, on pense aussi qu’il n’est pas à D, puisque D est une partie de C : or il était une partie de B ; donc on pense aussi que A n’est pas à une partie de B ; et c’est se contredire, puisqu’on admettait d’abord que A est à tout B.
  662. Mais la contradiction n’est pas apparente, si l’on joint les deux majeures du premier et du second syllogisme, ou comme dit le texte l’une des propositions, de part et d’autre, relativement aux deux moyens ; ou bien encore, si l’on joint les deux propositions de l’un des syllogismes à la majeure de l’autre, ce que veut dire le texte par ces mots : Ou les deux propositions relativement à un seul. Ainsi, il n’y avait point de contradiction palpable à dire : A est à tout B, A n’est à aucun C ; non plus qu’il n’y en aurait point à dire : A est à tout B, Best à tout D, A n’est à aucun C, en unissant d’abord les majeures des deux syllogismes, c’est-à-dire, en attribuant un même terme A aux deux moyens, et en second lieu en unissant les deux prémisses du premier syllogisme à la majeure du second. Si l’on s’en tient à ces termes, et qu’on ne poursuive pas les syllogismes jusqu’à la conclusion, la contradiction échappe à la pensée, bien qu’au fond elle subsiste. En mettant au contraire les syllogismes en forme, la contradiction devient évidente, et on ne peut l’admettre.
  663. À l’égard des choses particulières. La proposition que cite Aristote, comme exemple, est universelle et non particulière. Il faut s’attacher ici seulement au rapport de C à B : C est particulier relativement à B, dont il est une partie, puisqu’il en est sujet, comme B est lui-même sujet de A. — La science et l’erreur contraires. En effet, l’erreur contraire à la science serait ici de ne pas savoir que dans tout triangle la somme des angles est égale à deux angles droits, puisque la science est de le savoir. Ainsi donc l’erreur et l’ignorance portent réellement sur des choses différentes ; d’une part, la somme des angles d’un triangle, et d’autre part, l’existence d’un triangle particulier.
  664. Soutenue dans le Ménon, Voir la traduction de Platon de M. Cousin, tom. VI, pag. 190. — Qu’a lieu l’induction, Voir plus loin, ch. 22, la théorie de l’induction. L’induction est la connaissance de l’universel par le particulier. Ainsi, en voyant un triangle, on sait à l’instant que la figure ainsi faite a la somme de ses angles égale à deux angles droite. De plus, on a cette notion générale indépendamment de ce triangle particulier, de sorte que la notion particulière qui rentre dans b notion générale ne semble être qu’un souvenir, parce que celle qui la contient lui est antérieure. L’esprit distingue les deux idées, et la seconde ne lui paraît être qu’une répétition de la première, bien qu’elles soient toutes deux simultanées. Voir aussi, Derniers Analytiques, liv. 1. ch. 1, §§ 4 et suiv.
  665. D’une façon contraire à la science même, Voir plus haut, à la fin du § 6. — Indiqués plus haut, §§ 1, 2, quand les moyens sont subordonnés ou ne le sont pas.
  666. Troisième espèce d’erreur : On a toutes les notions nécessaires à la vérité : mais on les a disjointes les unes des autres ; et on ne les réunit pas, au moment même où il faudrait les unir pour acquérir la notion vraie et complète. De là l’erreur, bien qu’on possède tout ce qu’il faut pour l’éviter. —Le syllogisme est ici en Darii : Toute mule B est stérile A : cet animal C est une mule B ; Donc cet animal C est stérile A : or, on croit au contraire que cette mule est pleine, et voilà en quoi on se trompe. C’est qu’on n’a pas réuni, dans une seule notion, les deux prémisses dont on aurait tiré par le rapprochement même, une conclusion toute différente. — Que cette mule est pleine, L’expression d’Aristote n’est peut-être pas ici aussi régulière que possible : et la pensée aurait été plus clairement rendue s’il eût dit : que cette mule n’est pas stérile, l’opposition aurait été plus évidente ; d’une part la vérité, de l’autre l’erreur contraire. Pour être pleine, la mule doit d’abord n’être pas stérile, et c’est bien cette dernière proposition qui est la proposition contraire : l’autre est la proposition du contraire, ainsi qu’Aristote lui-même l’a établi dans l’Herméneia, ch. 14, § 12.
  667. Si, connaissant les deux propositions, on peut encore se tromper par cela seul qu’on ne les considère pas toutes les deux à la fois, à plus forte raison peut-on se tromper quand on ne connaît que l’une des deux, soit la majeure comme dans le cas du § 1, soit la mineure comme dans le cas du § 1. — Si l’on sait l’un et qu’on ne sache pas l’autre, §§ 1 et 2. On peut connaître le genre, sans connaître l’espèce ; et réciproquement, connaître l’espèce sans connaître le genre. Enfin on peut les connaître tous les deux, sans appliquer ces notions à l’individu qui frappe actuellement nos sens.
  668. Mais non pas, pourtant, par contraire, c’est-à-dire, comme plus haut, § 6, que l’erreur qu’on commet, n’est pas absolument contraire à la science que l’on possède ; car on aurait alors les deux contraires sur une seule et même chose ; ce qui n’est pas possible. Seulement on a la science générale, et même la science spéciale, sans avoir la science actuelle, c’est-à-dire, celle de l’individu. Ici, par exemple, on sait de science générale, que toute mule est stérile, on sait de plus, de science spéciale, que l’animal qu’on a sous les yeux, est une mule ; et cependant on peut la croire pleine, c’est-à-dire, non stérile, parce qu’on ne réunit pas actuellement les notions fournies par les deux propositions, par les prémisses, de manière à en tirer la conclusion juste, relativement à l’individu donné. — Car l’erreur contraire à la proposition universelle, l’erreur contraire à cette proposition universelle : Toute mule est stérile, serait un syllogisme ou conclusion également universelle et négative : Aucune mule n’est stérile. Or, l’erreur ne se produit pas du tout ici sous cette forme, et, par conséquent, elle n’est pas contraire à la science. — C’est un syllogisme, l’expression d’Aristote est ici trop concise ; il aurait dû dire : c’est un syllogisme universel et de forme contraire ; ou, en d’autres termes, une proposition de même quantité et de qualité différente.
  669. Le raisonnement dans ce § est difficile à suivre ; le voici en termes plus clairs : A la théorie qui précède, on peut faire cette objection, que c’est dans les prémisses qu’on peut avoir les deux pensées contraires, et non plus dans la conclusion comparée aux deux propositions dont on la tire. Ainsi, l’on pense que le mal B est le bien A ; or, l’on pense aussi que le bien C est le mal B ; donc l’on pense que le bien est le bien. Or, la forme de ce syllogisme est régulière ; car, si au verbe penser, on substitue la locution : il est vrai, ou si on laisse le verbe : Être, sous sa forme absolue, on obtiendra des conclusions comme pour le verbe : Penser : donc on peut fort bien admettre, pour ce verbe, la forme de conclusion qu’on a admise et pour : Être, et pour : Être vrai. La conclusion est, sans doute, régulièrement obtenue ; mais l’erreur est dans les prémisses, et elles sont à peine supposantes ; car le bien n’est mal, et le mal n’est bien que par accident, comme Aristote le remarque au § suivant. Le bien en soi est toujours bien : le mal en soi est toujours mal, sans que jamais l’un puisse devenir l’autre. Ainsi, quoique parfois le bien puisse être mal, et le mal être bien, on ne peut pas du tout en conclure qu’on puisse penser les contraires d’une seule et même chose ; en d’autres termes, détruire le principe de contradiction.
  670. J’ai dû ici paraphraser et non traduire, parce que la pensée eût été obscure et presque inintelligible, si j’eusse laissé à la phrase toute sa concision. Voici la traduction littérale du texte : Mais ceci est-il donc nécessaire, si l’on accorde le premier point ? Le premier point, c’est d’accorder qu’il soit possible que l’on croie jamais que le bien et le mal sont une seule et même chose : Ceci, c’est d’accorder, comme conséquence de ce premier point, qu’il soit possible de penser les contraires sur une seule et même chose. — De plusieurs façons, en effet les circonstances variant, ce qui était bien dans des circonstances différentes, devient mal ; et réciproquement. — Nous examinerons ailleurs, Le texte dit simplement : nous examinerons ; Aristote veut, sans doute, désigner la Morale ou la Métaphysique.
  671. Quand les extrêmes sont réciproques, le texte dit littéralement : Quand les extrêmes se convertissent. Je n’ai pas conservé le mot même du texte, de peur de causer quelque confusion nouvelle. Les mots convertir et conversion ont été déjà employés dans des sens divers, pour signifier la conversion des propositions absolues, liv. 1, ch. 2, et celle des modales, liv. 1, ch. 3. De plus, ils ont servi, liv. 1, ch. 13, § 4, à désigner encore la conversion spéciale des propositions contingentes ; enfin ils ont été détournés de ces deux premiers sens, qui ont du moins quelque analogie, pour exprimer une propriété générale du syllogisme, applicable aux trois figures avec diverses modifications, liv. 2, ch. 8, 9,10. Les employer encore ici pour exprimer une idée nouvelle, est un tort de la part d’Aristote ; et j’ai pensé que mon devoir de traducteur n’était pas si étroit que je ne pusse modifier une expression de ce genre. J’ai dit plus haut pourquoi j’avais gardé le mot de : conversion, quand il s’est agi de la conversion du syllogisme, et non plus de la proposition. Ici, comme il s’agit d’un changement dans les propositions mêmes, la confusion était à craindre davantage ; et j’ai dû l’éviter. En effet, il n’est pas question ici de propositions universelles affirmatives, qui se convertissent en particulières, ou de particulières affirmatives, qui se convertissent en leurs propres termes, comme au chapitre 2 du livre 1. Ce sont des propositions universelles affirmatives, qui se convertissent en universelles, c’est-à-dire, dont les termes ont la même extension, le sujet pouvant devenir attribut ; et réciproquement. C’est le cas des universelles négatives généralisé, et transporté aux universelles affirmatives. Je crois que le mot de réciprocité rend mieux cette idée nouvelle que le mot de conversion. Il a le double avantage d’être clair et spécial. — En effet, A étant à C par B, syllogisme en Barbara : AC conclusion, B moyen : A est à tout B, B est à tout C ; Donc A est à tout C. Si l’on suppose A et C d’extension égale, on peut dire que réciproquement C est à tout A. Si l’on prend cette conclusion réciproque pour mineure, avec la mineure du premier syllogisme, prise pour majeure, on obtient la réciproque de la première majeure : B est à tout C, C est à tout A ; Donc B est à tout A. De même, si l’on prend cette même conclusion réciproque pour majeure d’un nouveau syllogisme, et qu’on prenne pour mineure la majeure du premier, on obtient pour conclusion nouvelle la réciproque de la première mineure : C est à tout A, A est à tout B ; Donc C est à tout B. On voit que ces trois syllogismes sont de même mode, Barbara. On verra plus bas que ce mode doit changer quelquefois, pour que la conversion réciproque ait lieu.
  672. De même encore pour la négation, il faut bien remarquer qu’ici, comme au § 1, Aristote emploie des propositions indéterminées, c’est-à-dire, sans caractère d’universalité ni de particularité. Autrement la règle serait inutile, ainsi que le fait observer Pacius ; car, s’il s’agissait d’universelles négatives, on sait déjà qu’elles se convertissent en leurs propres termes, par la règle du ch. 9, liv. 1. La réciprocité pour elles est de toute évidence, et il n’y aurait aucun besoin de la rappeler. Le cas supposé ici est plus général que le premier, et il le comprend. Du reste, pour rendre la règle plus claire, on peut dire, sous la réserve qui précède, que, dans le mode Celarent, la majeure étant réciproque, la conclusion l’est aussi. — Si B est à C, mineure, et que A ne soit pas à B, majeure, A ne sera pas non plus à C, conclusion. Syllogisme en Celarent : A n’est à aucun B, B est à tout C ; Donc A n’est à aucun C. — Si donc B est réciproque à A, c’est-à-dire, si les termes de la majeure sont de même extension, C le sera aussi à A, c’est-à-dire, les deux termes de la conclusion seront dans le même rapport. — Car, supposons que B ne soit pas à A, c’est-à-dire, prenons la réciproque de la majeure pour mineure, nous en aurons en Camestres : B est à tout C, B n’est à aucun A ; Donc C n’est à aucun A. On a donc pour conclusion du second syllogisme, la conclusion réciproque et convertie du premier.
  673. Si C est réciproque à B, c’est-à-dire, si c’est la mineure du premier syllogisme en Celarent, et non plus la majeure, qui est réciproque, la majeure le sera aussi. Aristote ne prouve pas ceci, et il faut, pour le démontrer, réduire à l’absurde. Supposons que la majeure de Celarent, E, ne soit pas réciproque, il faudra, par hypothèse, admettre sa contradictoire I ; cette affirmative particulière, jointe à la mineure réciproque A, devenue majeure, donnera un syllogisme en Darii, à conclusion particulière affirmative, et cette conclusion sera contradictoire à la première conclusion admise E, de Celarent. Premier syllogisme en Celarent : A n’est à aucun B, B est à tout C ; Donc A n’est à aucun C. Si la mineure est réciproque, et que C soit à tout B, il faut que la majeure soit réciproque aussi, et que B ne soit à aucun A. Car supposons qu’il soit à quelque A, on aura ce syllogisme : C est à tout B, Best à quelque A ; Donc C est à quelque A ; mais on avait au contraire admis que C n’était à aucun A, que réciproquement A n’était à aucun C ; donc cette conclusion : C est a quelque A, est fausse ; donc la majeure, B est à quelque A, est fausse ; donc sa contradictoire : B n’est à aucun A, est vraie ; donc enfin la majeure est réciproque ; ce qui était à prouver.
  674. Si C est réciproque à A, c’est-à-dire, si la conclusion de Celarent est réciproque, outre la mineure qui est réciproque aussi comme plus haut, la majeure sera encore réciproque ; et le nouveau syllogisme aura lieu en Camestres. Premier syllogisme en Celarent : A n’est à aucun B, B est à tout C ; Donc A n’est à aucun C. C étant réciproque à A, on obtient pour nouveau syllogisme en Camestres : C est à tout B, C n’est à aucun A ; Donc B n’est à aucun A. — La conversion réciproque commence par la conclusion, c’est-à-dire, que c’est de la réciprocité dans la conclusion que dépend la réciprocité dans les prémisses. — Tout comme pour le syllogisme affirmatif, Voir plus haut, § 1, le syllogisme en Barbara. — Dans les autres cas, c’est-à-dire, dans les syllogismes des §§ 2 et 3, où l’on commençait la conversion réciproque, soit par la majeure, soit par la mineure.
  675. Après avoir tracé les règles de la réciprocité entre les trois termes du syllogisme, Aristote les trace pour quatre termes. Lorsque quatre termes sont dans un tel rapport que les deux premiers soient réciproques entre eux, et les deux derniers aussi ; si le premier et le troisième sont de toute nécessité, l’un vrai et l’autre faux, il faudra que le second et le quatrième soient aussi dans ce même rapport. — Que A et C sont à tout objet, c’est-à-dire que tout objet soit l’un des deux, soit A, soit C, sans pouvoir être les deux à la fois. — Car il y a ici deux syllogismes qui se tiennent, ces deux syllogismes qu’Aristote ne donne pas en forme, peuvent être dégagés du contexte. Voici le premier : Rien de ce qui est A ou C, n’est à la fois B et D ; or, tout est A ou C ; Donc rien n’est à la fois B et D. — Second syllogisme : Tout ce qui est A ou C, est B ou D, et ne peut pas n’être ni l’un ni l’autre : or tout est A ou C ; Donc tout est B ou D, et ne peut n’être ni l’un ni l’autre. Par le premier syllogisme, on prouve que rien ne peut être à la fois B et D ; et par le second, que rien ne peut être ni l’un ni l’autre, c’est-à-dire, que tout doit être soit B, soit D ; comme tout est A ou B ; comme tout est C ou D. On pourrait prendre ici l’exemple que le texte donne plus bas, et les quatre termes qu’il contient : A incréé, B impérissable, C créé, et D périssable. — Premier syllogisme : Rien de ce qui est incréé ou créé n’est à la fois périssable et impérissable ; or, tout est incréé ou créé ; Donc rien n’est à la fois périssable et impérissable. — Second syllogisme : Tout ce qui est incréé ou créé est impérissable ou périssable, et ne peut pas n’être ni l’un ni l’autre ; or, tout est incréé ou créé ; Donc tout est impérissable ou périssable, et rien ne peut n’être ni l’un ni l’autre.
  676. Si c’est le premier et le second qui sont de telle sorte que l’un des deux soit toujours vrai et l’autre faux, ou, comme dit le texte, que l’un des deux soit à tout objet, sans que les deux puissent y être à la fois ; et que le troisième et le quatrième soient dans le même rapport, si le premier et le troisième sont réciproques entre eux, le second et le quatrième le seront également. Aristote démontre ceci par réduction à l’absurde : car, si l’on suppose que le second et le quatrième ne sont pas réciproques, il s’ensuivra que le troisième et le quatrième seront à la fois à tout objet, ce qui est contradictoire à la thèse admise, et faux par conséquent. Soit A l’incréé, B le créé, C l’impérissable, et D le périssable : Tout est ou incréé ou créé, impérissable ou périssable : or, tout ce qui est incréé est impérissable, et tout ce qui est impérissable est incréé ; Donc, tout ce qui est créé est périssable, et tout ce qui est périssable est créé. Car, supposons qu’il ne le soit pas, on aura alors : quelque chose de périssable est incréé ; et avec la mineure : tout ce qui est incréé est impérissable, prise ici pour majeure, on aura cette conclusion : quelque chose de périssable est impérissable : ce qui est absurde ; donc, il est vrai que tout ce qui est périssable est créé.
  677. Lorsque trois termes sont dans ce rapport, que le premier est attribué à la fois à tout le second et à tout le troisième et qu’il n’est attribué qu’à ces deux seuls termes, si le second est attribué aussi à tout le troisième, il faut que le premier et le second soient réciproques, c’est-à-dire de même extension. Soit A attribué à tout B et à tout C, on a ce syllogisme universel dans la seconde figure : A est à tout B : A est à tout C : Donc B est à tout C. Or, ceci ne peut avoir lieu que si la majeure est réciproque, et si l’on peut construire ce syllogisme en Barbara par la première figure : B est à tout A : A est à tout C : donc B est à tout C. Cela est possible : car A n’est attribué qu’à B et à C tout seuls : or, B est attribué à tout ce à quoi A est attribué, puisque d’abord B est attribué à lui-même évidemment, et que de plus il l’est à C : donc B et A sont réciproques, puisqu’ils sont attribués exclusivement aux mêmes objets, c’est-à-dire qu’ils ont la même extension. A est attribué à B et à C, B l’est également à ces deux mêmes termes, et il ne l’est à aucun autre. — B est attribué à lui-même, c’est une attribution évidente ; mais ce n’est pas, à vrai dire, une attribution. Pour prendre l’exemple des commentateurs, soit A capable de rire, B doué de raison, et C homme : si A est à tout B et à tout C, mais à B et à C tout seuls, et si B est à tout C, il faut que A et B soient réciproques. En effet, tout être capable de rire est doué de raison, attendu que tout être doué de raison est homme. — La règle de ce § s’applique à l’Enthymème. Voir plus loin, ch. 27.
  678. Règle inverse de la précédente : lorsque trois ternes sont dans ce rapport, que le premier et le second soient attribués à tout le troisième, et que le second et le troisième soient réciproques, il faut que le premier puisse être attribué à tout le second. C’est le fondement de l’induction. Voir ch. suivant, § 4. Le syllogisme universel se forme alors dans la troisième figure, parce que la mineure est réciproque : A est à tout C : B est à tout C ; Donc A est à tout B ; car B et C étant réciproques, on peut convertir la mineure, et l’on obtient dans la première figure : A est à tout C : C est à tout B ; Donc A est à tout B.
  679. Par les figures antérieurement exposées, liv. I, ch. 4, 5, 6, etc. — Les syllogismes dialectiques, c’est-à-dire, ceux où l’on ne recherche que le probable au lieu de s’attacher exclusivement à la vérité. Voir les Topiques, liv. I, ch. 1, 8 5. — Syllogismes de rhétorique, l’exemple, l’enthymème, etc., dont il sera parlé plus loin, ch. 24 et 27.
  680. La définition de l’induction pourrait être ici plus précise : au lieu de dire : l’un des extrêmes, il faudrait dire : l’extrême majeur ; au lieu de : l’autre extrême, il faudrait dire : l’extrême mineur : ce n’est pas indifféremment l’un ou l’autre extrême, comme le montre l’exemple du § suivant. Il est possible du reste qu’Aristote ait employé à dessein une expression aussi vague. En effet dans l’induction le moyen dévient mineur, et le mineur devient moyen, l’un pour entrer dans la conclusion, le second pour unir le majeur et le moyen. Ainsi, quand on dit que l’on conclut le majeur du moyen, il faut entendre non pas le moyen de l’induction elle-même, mais le moyen du syllogisme ordinaire : quand on dit que l’on conclut par le mineur, il faut entendre non pas le mineur de l’induction, mais le mineur de ce même syllogisme.
  681. Soit, par exemple, dans un syllogisme ordinaire, A le majeur, B le moyen, et C le mineur : la conclusion est AC conclue par l’intermédiaire de B ; on fera une induction, au lieu d’un syllogisme, si l’on conclut A de B par l’intermédiaire de C, c’est-à-dire, si l’on conclut le majeur du moyen par le mineur, toujours du premier syllogisme.
  682. Soit A doué d’une longue vie, longève ; B sans fiel, et C la totalité des animaux longèves, tels que homme, cheval, mulet, etc. : A est à tout C, majeure de l’induction, car tous les animaux tels que l’homme, le cheval, le mulet, etc., sont longèves ; mais B est aussi à tout C, mineure de l’induction, c’est-à-dire que tous les animaux tels que l’homme, le cheval, le mulet, etc., sont sans fiel ; mais ou suppose que C est réciproque à B, c’est-à-dire, que le mineur est d’une étendue égale à celle du moyen ; on en conclut alors : donc A est B, c’est-à-dire que tous les animaux sans fiel sont longèves. En conservant les prémisses telles qu’elles sont ici posées, le syllogisme à conclusion universelle se forme dans la troisième figure, ce qui est contre les règles ; mais en convertissant la mineure, on retrouve la première figure, c’est-à-dire, le mode Barbara. Premier syllogisme : A est à tout C, B est à tout C ; Donc A est à tout B, c’est l’induction ordinaire. Ou en convertissant la mineure réciproquement, second syllogisme : A est à tout C, C est à tout B ; Donc A est à tout B. — Car l’on a démontré plus haut, c’est la règle du chapitre précédent, § 8. Elle sert en effet de fondement à l’induction ; quand deux termes sont attribués à tout un troisième, et que ce troisième terme est réciproque au second des deux termes, il faut que le premier de ces termes soit aussi attribuable au second. C’est ce que justifie complètement l’exemple d’induction qui vient d’être donné. — C est composé de tous les cas particuliers, c’est-à-dire que C contient exactement le nombre total des animaux sans fiel, de sorte qu’il est parfaitement égal à B, qui est cette totalité même. D’une part ce sont les parties, de l’autre le tout. Si l’on n’a point omis de parties, il est évident que le premier membre de l’équation doit valoir le second, c’est-à-dire, avoir autant d’étendue que lui. — Car l’induction les comprend tous, Pour être complète et parfaitement exacte ; mais ce n’est que logiquement. En réalité, dans la science, on se contente d’approximations qui sont, en effet, très-suffisantes. Parfois même l’induction se contente d’un seul cas particulier, et alors elle est poussée à son extrême limite. Elle est d’autant plus certaine qu’elle se rapproche davantage du général, de l’universel, et d’autant moins, qu’elle se rapproche davantage du particulier, de l’individuel. C’est à la science d’éviter les erreurs.
  683. De la proposition primitive, c’est-à-dire, qui n’a point au-dessus d’elle d’autre proposition dont elle soit la conséquence et la conclusion. — Et immédiate, c’est-à-dire, qui n’a pas de terme moyen qui puisse servir à la démontrer, et à en faire une conclusion. Du moment que le mineur et le moyen terme sont identifiés, comme étant d’extension égale, il n’y a plus de moyen terme à proprement parler. La proposition est immédiate : et c’est une induction.
  684. Comparaison de l’induction et du syllogisme ordinaire. — Démontre l’extrême du troisième terme, c’est-à-dire, le majeur du mineur. — Démontre l’extrême du moyen, c’est-à-dire, le majeur du moyen. Voir le § 2.
  685. Le syllogisme est en soi supérieur à l’induction et plus évident qu’elle, logiquement parlant. L’induction est plus évidente que lui par rapport à notre sensibilité ; car ce sont nos sens qui nous fournissent les éléments de l’induction. Voir sur cette différence entre le syllogisme et l’induction, Derniers Analytiques, liv. 1, ch. 2, § 11 ; il y a toute la distance de l’universel au particulier. Le syllogisme part du général pour arriver à l’individuel ; l’induction, au contraire, procède de l’individuel au général. L’un va des principes aux conséquences, l’autre remonte des conséquences aux principes. ED soi les principes sont plus évidents, plus clairs que les conséquences ; ils leur sont supérieurs ; mais pour nous, et pour l’observation de nos sens, ce sont au contraire, les conséquences qui sont antérieures et plus distinctes. Ce sont elles d’abord que nos sens atteignent ; ce sont elles que d’abord ils transmettent à l’intelligence. C’est avec peine que l’intelligence passe de ces premières notions individuelles aux notions supérieures dont elles ne sont que de faibles parties ; mais en définitive, ces notions supérieures sont les seules où l’intelligence trouve la véritable clarté, la véritable lumière. L’Induction va de l’effet à la cause, le syllogisme, au contraire de la cause à l’effet.
  686. L’exemple est une espèce d’induction, car il prouve, comme l’induction, que le majeur est au moyen : mais ce n’est pas par le mineur ; c’est par un quatrième terme qui est semblable au mineur, et qui peut à ce titre en tenir lieu. Ainsi la règle du ch. 22, § 8, s’applique à l’exemple comme elle s’appliquait à l’induction. Voici la seule modification que cette règle reçoit dans ce cas. Lorsque trois termes sont dans ce rapport que le second et le troisième soient réciproques, si le premier et le second sont attribués au troisième, il faut que le premier soit aussi attribué au second ; ajoutez : on peut substituer au troisième terme tel autre terme qui lui soit semblable. — Quand l’extrême est démontré du moyen, sous-entendu : majeur, après l’extrême — Par un terme semblable au troisième, c’est-à-dire, au mineur. — Du reste, l’induction qui conclut A de B est incomplète, parce qu’on n’a pas réuni la totalité des cas particuliers. Le syllogisme se forme, comme pour l’induction, dans la troisième figure ; mais la mineure ne pouvant pas se convertir réciproquement, ce syllogisme ne peut être ramené à la première figure, comme on le faisait au chapitre précédent, § 4. La conclusion universelle formulée ainsi dans la troisième figure n’est point régulièrement obtenue : c’est que l’exemple n’a pas par lui-même une nécessité de conclusion, et il ne l’acquiert que par le syllogisme complet qu’on sous-entend, mais qui, tout caché qu’il est, donne à l’exemple la puissance de conclusion dont il manque. Voir le § 3, plus bas.
  687. C’est qu’en effet il faut, pour conclure, savoir préalablement que le moyen est au mineur, et de plus que le majeur est au quatrième terme, qui est le semblable du troisième, et qui en tient lieu. Aristote ajoute dans le § 3 une dernière condition, c’est qu’on sache que B est à D, c’est-à-dire, que le moyen est aussi au quatrième terme. Ainsi l’exemple, qu’on exprime le plus ordinairement par deux propositions seulement, suppose un prosyllogisme et un syllogisme. On sait préalablement que le moyen est au mineur, c’est-à-dire qu’en sait la mineure du syllogisme ; on sait de plus que le majeur est au quatrième terme, c’est la majeure du prosyllogisme ; on sait enfin que le moyen est au quatrième terme, c’est la mineure du prosyllogisme. Reste donc à savoir que le majeur est au moyen, c’est la conclusion du prosyllogisme ; et enfin que le majeur est au mineur, c’est la conclusion définitive du syllogisme principal.
  688. Soit A majeur, représentant mauvais, B moyen, faire la guerre contre ses voisins, et C mineur la guerre des Athéniens contre les Thébains. L’exemple aura ici cette forme enthymématique : D, La guerre contre les Phocéens a été fatale aux Thébains ; Donc la guerre contre les Thébains sera fatale aux Athéniens. — Si donc nous voulons prouver qu’il est mauvais de faire la guerre aux Thébains, conclusion définitive du syllogisme principal. Pour la démontrer, on suppose qu’il est mauvais de faire la guerre contre ses voisins, majeure du syllogisme principal où le majeur est attribué au moyen, A à B. Mais cette proposition n’est pas évidente par elle-même, et alors on l’appuie sur l’exemple des cas analogues à celui dont on s’occupe : La guerre contre les Phocéens a été fatale aux Thébains leurs voisins qui les avaient attaqués. — De ce que la guerre contre les Phocéens a été fatale pour les Thébains, c’est la mineure du prosyllogisme destiné à prouver la majeure douteuse du syllogisme. Voici ce prosyllogisme entier : La guerre contre les Phocéens a été fatale aux Thébains : or la guerre contre les Phocéens était une guerre contre des voisins ; Donc il est fatal de faire la guerre à ses voisins. Ce prosyllogisme à conclusion universelle dans la troisième figure est irrégulier, parce que la conversion réciproque dans la mineure est impossible, attendu que l’énumération des cas particuliers est incomplète. — Puis donc… et que la guerre contre les Thébains est une guerre contre des voisins, mineure du syllogisme principal. — Il est clair qu’il est mauvais de faire la guerre aux Thébains, conclusion définitive à laquelle on n’est arrivé que par le prosyllogisme et l’exemple qu’il renferme. Voici pour plus de clarté le prosyllogisme et le syllogisme à la suite l’un de l’autre. Prosyllogisme : AD, la guerre contre les Phocéens a été fatale aux Thébains : AD, or la guerre contre les Phocéens est une guerre contre des voisins ; AB, Donc la guerre contre des voisins est fatale. — Syllogisme : AB, la guerre contre des voisins est fatale : BC, la guerre des Athéniens contre les Thébains est une guerre contre des voisins ; AC, Donc la guerre des Athéniens contre les Thébains sera fatale. — Ainsi, il est clair que B est à C et à D, c’est-à-dire qu’on connaît la mineure du prosyllogisme, et la mineure du syllogisme. — Et il est clair aussi que A est à D, c’est-à-dire qu’on connaît la majeure du prosyllogisme. — Et l’on démontrera par D que A est à B, voilà l’exemple proprement dit, c’est-à-dire, le prosyllogisme cité plus haut, donnant pour conclusion le majeur A attribué au moyen B. — On prouverait encore ainsi… sur plusieurs cas analogues, on peut au lieu d’un seul fait particulier : la guerre des Thébains coutre les Phocéens, en prendre plusieurs, c’est-à-dire, citer plusieurs guerres de voisins à voisins ; le raisonnement serait le même.
  689. Un rapport du tout à la partie, c’est le rapport vrai qui constitue le syllogisme. Voir liv. 1, ch. 4, § 2, et ch. 41, § 6. — Ni de la partie au tout, c’est le rapport qui constitue l’Induction. Voir le chapitre précédent. — C’est le rapport d’une partie à une partie ; en effet, on met en rapport la guerre des Thébains contre les Phocéens, et la guerre des Athéniens contre les Thébains, parties l’une et l’autre d’une totalité qui est la guerre contre des voisins. — Seulement, l’un est plus connu que l’autre, c’est-à-dire, on connaît mieux le fait qu’on cite, que ce qu’on veut prouver. Ainsi, on sait que la guerre contre les Phocéens a été fatale aux Thébains, mieux qu’on ne sait que la guerre contre les Thébains sera fatale aux Athéniens.
  690. Que l’extrême est au moyen, c’est-à-dire, le majeur au moyen. Voir le chapitre précédent, § 2. — Et n’enchaîne pas le syllogisme à l’autre extrême, c’est-à-dire, ne joint point dans la conclusion le majeur au mineur, ibid, § 4. — Tandis que l’Exemple le fait, c’est-à-dire, que, dans la conclusion définitive, donnée par l’Exemple, le majeur est attribué au mineur. Voir dans ce chapitre § 3. — Et ne démontre point par tous les cas particuliers, l’Exemple ne prend qu’un fait semblable, ou quelques faits semblables : l’Induction, pour être parfaite, prend tous les faits particuliers. Voir chapitre précédent, § 4. Pacius, pour bien faire comprendre la différence du Syllogisme, de l’Induction et de l’Exemple, donne le tableau suivant, que je lui emprunte, et qui est formé des éléments même qu’Aristote emploie dans ce chapitre. Syllogisme : La guerre contre les voisins est fatale : Or, la guerre des Athéniens contre les Thébains est une guerre contre des voisins ; Donc la guerre des Athéniens contre les Thébains sera fatale. — Induction : La guerre des Thébains contre les Phocéens, la guerre des Athéniens contre les Thébains, et toutes les guerres analogues, sont fatales ; Donc toute guerre contre des voisins est fatale. — Exemple : La guerre des Thébains contre les Phocéens a été fatale ; Donc la guerre des Athéniens contre les Thébains sera fatale. L’Abduction est un syllogisme dont la majeure est certaine, mais dont la mineure offre autant de probabilités même plus de probabilité, que la conclusion elle-même, sans offrir de certitude comme dans le syllogisme ordinaire. Ce qui fait habituellement la nécessité de la conclusion, et par cela même son évidence, c’est que, la majeure et la mineure étant certaines, la conclusion qui en ressort ne l’est pas moins qu’elles. Ici, au contraire, la vérité de la mineure est inconnue, et on ne peut lui accorder qu’une sorte de probabilité qui égale ou surpasse celle de la conclusion. Ainsi la conclusion fournie par le syllogisme abductif ne produit pas la science, à parler rigoureusement ; mais il approche de la science qui, sans lui, serait encore plus incomplète. Il reste toujours à prouver la conclusion elle-même, qui n’est pas certaine ; mais si la mineure est aussi probable que la conclusion, autant vaut prouver cette mineure ; et si elle est plus probable, il est plus facile de la prouver. Il y a encore Abduction lorsque la mineure a moins d’intermédiaires entre les deux termes qui la forment, que la conclusion n’en a entre les siens. De cette façon, comme de la première, on est plus près de savoir par la mineure que par la conclusion.
  691. Que le premier terme est au moyen, c’est-à-dire, que le majeur est au moyen, ou en d’autres termes : quand la majeure est certaine. — Que le moyen est au dernier, en d’autres termes, que la mineure est incertaine. — Les intermédiaires du dernier extrême et du moyen, c’est-à-dire, les intermédiaires entre les deux termes de la mineure. — Sont en plus petit nombre ; le texte dit mot à mot : En petit nombre. J’ai cru devoir, ici comme plus loin, adopter, avec quelques traductions latines, le comparatif, qui rend la pensée plus claire.
  692. Exemple d’Abduction. L’idée principale paraît empruntée au Ménon de Platon, comme l’ont remarqué les commentateurs. Voir la traduction de Μ. V. Cousin, tome VI, p. 137, 193, etc. Voici le syllogisme abductif : AB majeure certaine et évidente : La science peut être enseignée ; BC, mineure incertaine : la justice est une science : AC, conclusion qui est aussi incertaine ou plus incertaine même que la mineure : La justice peut être enseignée. — Si donc B C, la mineure, est aussi croyable ou plus croyable que AC, la conclusion. — En ajoutant B C à A C, c’est-à-dire, en prenant la mineure, on est plus près de savoir ce qu’on cherche que si l’on prenait la conclusion toute seule ; mais cependant ou ne sait pas encore d’une manière positive. Il faudrait prouver la mineure, précisément parce qu’elle est incertaine.
  693. Autre exemple de la seconde espèce d’Abduction où les intermédiaires de la mineure sont en moindre nombre que ceux de la conclusion. Alors encore, avec une mineure de ce genre, on est plus près de savoir ce qu’on cherche que par la conclusion elle-même. Voici le syllogisme abductif : DE majeure certaine : Toute figure rectiligne est carrable ; EF mineure incertaine, mais qui a moins d’intermédiaires que la conclusion : Tout cercle peut devenir rectiligne : DF, conclusion incertaine qui a plus d’intermédiaires que la mineure : Donc tout cercle est carrable. Quel que soit le nombre des moyens par lesquels on prouverait que le cercle peut être réduit en figure rectiligne, ce nombre serait toujours moindre que pour la conclusion, puisque le carré est une espèce de figure rectiligne, et qu’avant d’arriver à l’espèce il faudrait nécessairement passer par le genre. Il n’y aurait, du reste, ici qu’un seul intermédiaire entre les deux termes de la mineure, si l’on admettait la solution des lunules d’Hippocrate de Chios. Aristote rappelle encore cet exemple, Réfutations des Sophistes, ch. 13, § 3. Voir aussi le commentaire de Simplicius sur la Physique, liv. I, ch. 2. — On touche presque à la science, en effet, on n’en est séparé que par un seul intermédiaire. La science même, serait le cas où BC serait une proposition immédiate, comme au § suivant.
  694. Lorsque les deux conditions, posées au § 1 n’ont pas lieu, c’est-à-dire, quand la mineure est moins certaine que la conclusion, et quand les intermédiaires sont plus nombreux, il n’y a point d’Abduction. Dans le premier cas, il n’y a pas de syllogisme véritable, puisqu’on n’arrive pas à la vérité ; dans le second, il n’y en a pas davantage. Il n’y a pas davantage Abduction, quand BC est tans moyen, c’est-à-dire, quand la mineure est une proposition immédiate. Il n’est pas besoin alors de pousser plus loin ; on est arrivé à la science qu’on cherche. En résumé, l’Abduction est une sorte de faux syllogisme où le raisonnement dévie, et, pour ainsi dire, est éconduit, parce que la mineure est plus facile à comprendre que la conclusion. L’Objection a quelque analogie avec l’Exemple. Il n’y a point pour l’Objection quatre termes ; mais il y a quatre propositions. D’abord, la proposition initiale à laquelle l’Objection s’adresse : puis, les trois propositions du syllogisme dans lequel se forme l’Objection et dont la conclusion doit être opposée à la proposition initiale. L’Objection ne paraît point former une espèce particulière de raisonnement. Elle n’apporte point de nuance nouvelle dans la composition du syllogisme ; mais il est important toutefois de savoir quels sont les rapports syllogistiques de la proposition qui nie à celle qui affirme, de la thèse à l’Objection. Une proposition absolue étant donnée avec son sujet et son attribut, pour nier l’attribut du sujet, s’il a été affirmé, pour l’affirmer s’il a été nié, quels termes emploiera-t-on ? Les termes auxquels on a recours peuvent être de deux espèces : ou ils sont supérieurs au sujet, ou ils lui sont inférieurs ; supérieurs, ils le comprennent ; inférieurs, ils sont compris en lui. Dans le premier cas, l’Objection est universelle, dans le second elle est particulière. La proposition initiale et l’Objection doivent se trouver dans la même figure ; car pour l’une comme pour l’autre, la forme des propositions qui composent le syllogisme ne change pas ; il n’y a que leur qualité qui passe de l’affirmation à la négation, ou réciproquement. Ainsi, la figure du syllogisme reste la même ; et comme la première figure et la troisième sont les seules qui offrent des conclusions opposées, il s’ensuit que l’Objection ne peut avoir lieu que dans ces figures, et qu’elle ne saurait se produire dans la seconde.
  695. L’objection est une proposition contraire, la définition peut paraître un peu vague ; mais la suite la fait bien comprendre. Contraire, doit s’entendre ici, et de la proposition réellement contraire, et de la proposition contradictoire.
  696. Elle diffère de la proposition, à laquelle elle est opposée. — Elle peut être même particulière, en effet l’Objection, quand elle est universelle négative, est contraire à la proposition initiale qui est universelle affirmative ; quand eue est particulière négative, elle est contradictoire à la proposition initiale : dans les deux cas, elle lui est opposée et la détruit. — Ou du moins ne le peut dans les syllogismes universels, en effet, pour obtenir une conclusion universelle, il tout que les deux prémisses soient elles-mêmes universelles. — Aristote semble, Derniers Analytiques, liv. 1, ch. 12, § 11, contredire la règle qu’il pose ici ; il y affirme que l’Objection est toujours universelle. Mais c’est qu’il s’agit, en cet endroit, de l’Objection propre à la démonstration où toutes les propositions doivent être universelles ; et l’Objection doit l’être aussi pour être démonstrative.
  697. Toute objection est, ou universelle, Voir plus bas, le premier exemple du § 4. — Ou particulière, Voir le second exemple du même §. — Et les conclusions opposées ne se trouvent que dans la première et la troisième figures, En effet la seconde n’a que des conclusions négatives ; la première et la troisième sont les seules qui aient, à la foie, des conclusions affirmatives et des conclusions négatives ; et ce sont l’affirmation et la négation mêmes qui forment l’opposition toujours nécessaire pour l’Objection,
  698. Voici les deux espèces d’Objection. — Objection universelle, en prenant un terme supérieur à l’attribut, c’est-à-dire, plus étendu que lui. Soit la proposition initiale : AB, la notion des contraires est unique. Pour faire l’Objection on prendra le terme de : opposé, qui est plus large que celui de : contraire, et l’on aura le syllogisme de l’Objection en Celarent de la première figure, comme on aurait en Barbara celui de la proposition initiale : La notion des opposés n’est pas unique ; or, les contraires sont des opposés : Donc la notion des contraires n’est pas unique. — Objection particulière, en prenant un terme contenu dans l’extension du sujet, au lieu de prendre un terme qui le contienne. Soit le connu et l’inconnu qui sont des contraires, et forment par conséquent un terme moins large, puisqu’ils ne sont qu’une espèce par rapport à un genre. Le syllogisme de l’Objection se forme alors en Felapton de la troisième figure : La notion du connu et de l’inconnu n’est pas unique : or, le connu et l’inconnu sont des contraires : Donc la notion de tous les contraires n’est pas unique. Et dans ce cas on a la première figure. Celorent. — Et alors on a la troisième figure, Felapton, Conclusions universelle et particulière négatives.
  699. De même pour la proposition privative, la méthode reste tout à fait pareille, si la proposition primitive nie au lieu d’affirmer. Si, par exemple, on pose d’abord que la notion des contraires n’est pas unique, l’Objection universelle doit prouver que la notion de tous les contraires est unique ; l’Objection particulière, que la notion de quelques contraires est unique. Dans le premier cas, le syllogisme est en Barbara de la première figure ; et dans le second, en Darapti de la troisième. — Syllogisme de l’Objection universelle : La notion des opposés est unique : les contraires sont des opposés ; Donc la notion des contraires est unique. — Syllogisme de l’objection particulière : La notion du sain et du morbide est unique : le sain et le morbide sont des contraires ; Donc la notion de quelques contraires est unique.
  700. L’Objection ne peut jamais avoir lieu dans la seconde figure ; car, pour l’Objection universelle, il faut joindre la contradiction qu’on faite par le nouveau terme à celui des termes donnés qui est universel, c’est-à-dire qu’il faut conserver l’attribut de la proposition initiale. Par exemple, si la thèse est que la notion des contraires n’est pas unique, notion unique étant l’attribut, et contraires le sujet, l’Objection conserve l’attribut et dit : La notion des opposés est unique ; et il faut nécessairement alors que ce soit la première figure, parce que le terme universel, par rapport au sujet, devient son attribut dans la mineure : Les contraires sont des opposés. Ainsi l’universel : opposés, est sujet dans la majeure, et attribut dans la mineure : il est moyen, et c’est la première figure. — Pour la contradiction particulière, on doit prendre un terme renfermé dans l’extension du sujet ; et le sujet de la proposition initiale devient alors attribut dans la majeure : le nouveau terme y est sujet, comme il l’est aussi dans la mineure. Par conséquent, c’est la troisième figure où le moyen est deux fois sujet. Voir, du reste, plusieurs des exemples du § 4. — Les contraires sont universels relativement à ces deux termes, c’est-à-dire, attribut. — Le terme pris particulièrement, c’est-à-dire, contenu sous le sujet.
  701. Second motif pour que l’Objection ne se forme pas dans la seconde figure. Cette figure n’a pas de conclusions opposées, puisqu’elle n’a que des négatives. Or, l’Objection exige l’opposition ; ce n’est donc que dans la première et la troisième figures qu’elle pourra se former. — Il n’y avait pas de conclusion affirmative, Voir dans ce chapitre, § 3, et liv. 1, ch. 5, § 29.
  702. Si l’on faisait l’Objection dans la seconde figure, il faudrait trouver un moyen qui serait au sujet de la proposition initiale, dans des rapports tout différents de ceux qu’on a indiqués plus haut. Le moyen sortant du genre du sujet, l’Objection serait beaucoup moins évidente. Par exemple, si l’on niait la proposition initiale AB, en objectant qu’un nouveau terme C n’est pas conséquent, c’est-à-dire, est nié comme attribut du mineur. Soit la proposition initiale affirmative AB, on fait une Objection pour prouver que A n’est pas à B. Le syllogisme de la seconde figure se fait alors en Caméstres : A est à C : B n’est pas à C ; Donc A n’est pas à B. Il faut remarquer ici que dans la majeure, on a dû admettre un attribut différent de celui de la thèse ; et par conséquent cette majeure est obscure ; ou du moins elle est plus obscure que si son attribut était l’attribut déjà connu de la proposition initiale. — Au moyen de propositions différentes, à des termes différents…, le texte dit littéralement : autres, c’est-à-dire, d’un genre autre que le sujet de la proposition initiale. — L’autre proposition qu’elle prend, c’est-à-dire, la majeure qui doit être claire par son opposition même à la proposition initiale. Dans l’exemple cité plus haut, la majeure de l’Objection : A est à C, n’est pas évidemment opposée à la proposition initiale : A est à B.
  703. L’obscurité de la seconde figure fait qu’on ne peut en tirer le Signe, comme on le tire des autres figures. Voir au chapitre suivant §§ 7 et 9.
  704. L’Objection, dont il s’agit dans tout ce chapitre, est, à proprement parler, l’Objection logique. Il y a encore des Objections d’un autre genre, mais elles appartiennent plutôt à la Rhétorique. Voir la Rhétorique liv. 2, ch. 25. Ainsi, à une thèse quelconque, on peut opposer une Objection tirée du contraire. Par exemple, si l’on dit que toute joie est bonne, on peut le nier en prouvant que par suite, il faudrait aussi que le contraire fut vrai, à savoir que toute tristesse est mauvaise : ce qui est manifestement faux. On peut faire une Objection tirée du semblable. Par exemple, si l’on dit que le point est une partie de la ligne, on peut faire une Objection en démontrant, par le semblable, que, s’il en était ainsi, il faudrait que la ligne fût à la surface, comme le point est à la ligne, c’est-à-dire, une partie de la surface ; ce qui est manifestement feux. Enfin, l’on peut faire une Objection tirée des opinions reçues, ou accréditées par quelque grand personnage. Si l’on dit, par exemple, que l’âme est mortelle, on pourra faire une Objection, en montrant que Socrate et Platon ont dit qu’elle était immortelle. J’emprunte ces trois exemples d’Objections à Albert-le-Grand. — Former l’Objection particulière dans la première figure, on a vu plus haut, § 4, que l’Objection particulière se formait dans la troisième figure. Elle peut se former aussi dans la seconde ; et, par exemple, il suffirait alors de convertir la mineure universelle de Felapton, ou de Dorapti, en particulière. — Ou l’Objection négative dans la figure moyenne. Voir le § 6 et suivant.
  705. L’Enthymème étant formé de propositions qui expriment le vraisemblable et le signe, il faut définir le vraisemblable et le signe avant de définir l’Enthymème. Voir plus bas, §§ 2 et 3. — Par exemple : les hommes haïssent…, ce sont là deux propositions probables ; car ordinairement on rend haine pour haine, affection pour affection. La phrase grecque peut prêter ici à une amphibologie. J’ai choisi le sens qui m’a paru le plus naturel. L’autre sens serait : Les envieux baissent ceux qu’ils envient : les amants chérissent l’objet de leur passion. Peu importe du reste celui des deux sens qu’on choisit ; de part et d’autre, on obtient des propositions probables.
  706. Le Signe peut être nécessaire, et la proposition qu’il forme est alors nécessaire ; ce qui ne peut arriver avec le vraisemblable. Parfois le signe ne donne aussi qu’une simple probabilité. Le vraisemblable peut être posé d’une manière absolue : le signe a toujours rapport à la chose même dont il est le signe. Le signe du reste peut être antérieur ou postérieur. Une chose est arrivée : un signe qui reste après elle, annonce qu’elle a été. Quand elle n’est pas encore arrivée, un signe qui la précède peut annoncer qu’elle arrivera ; et le signe est alors antérieur à la chose qu’il indique. Le signe et la chose peuvent être contemporains. La chose est : elle se révèle par un signe qui existe en même temps qu’elle, et qui peut d’ailleurs disparaître avec elle ou lui survivre.
  707. Définition de l’Enthymème, qui, pour être bien comprise, avait besoin des définitions antérieures du vraisemblable et du signe. — Est un syllogisme. Après ce mot de syllogisme, la plupart des éditions ajoutent : incomplet. Pacius repousse avec toute raison cette variante. L’Enthymème n’est pas du tout un syllogisme incomplet ; car dans les exemples mêmes que cite Aristote, §§ 4,5, 6, les Enthymèmes ont leurs deux prémisses. De plus, cette épithète d’incomplet a été réservée par Aristote pour les syllogismes de la seconde et de la troisième figures qui ont besoin de la conversion pour que la conclusion soit de toute évidence. Voir liv. I, ch. 1, §§ 2 et 9. Albert-le-Grand paraît n’avoir point eu cette leçon d’incomplet, qui est fautive, et que d’ailleurs plusieurs manuscrits ne donnent pas. L’édition de Berlin ne l’a pas conservée.
  708. Aristote, en admettant ici que le signe peut former un syllogisme de la seconde figure, semble contredire ce qu’il a établi dans le chapitre précédent, § 9. Il y a dit que le signe ne pouvait jamais donner un syllogisme de la seconde figure : c’est qu’en effet le signe, quand il est ainsi obtenu, n’est pas régulier. Voir plus bas, § 7 et § 9. Le signe peut donc avoir les trois positions du moyen : sujet et attribut, comme le moyen dans la première figure : attribut des deux extrêmes, comme dans la seconde : sujet des deux extrêmes, comme dans la troisième.
  709. Première position du signe : sujet du majeur, attribut du mineur, comme le moyen dans la première figure : Toute femme qui a du lait est grosse : or, cette femme a du lait ; Donc cette femme est grosse ; avoir du lait étant le signe de la grossesse, et servant de moyen terme. Le syllogisme est en Darii.
  710. Seconde position du signe : sujet des deux extrêmes, comme le moyen dans la troisième figure : Pittacus est vertueux : Pittacus est sage ; Donc les sages sont vertueux. Pittacus et sa conduite vertueuse sont pris ici comme le signe de la vertu des sages. Le syllogisme n’est pas régulier, et ne peut se ramener à aucun des modes de la troisième figure. La conclusion est même tirée de deux particulières ; ce qui contredit la règle générale de tous les syllogismes, exigeant de l’universel dans les prémisses. Liv. I, ch. 24, § 1. Voir plus bas, § 9. — Aristote a placé l’Enthymème de la troisième figure avant celui de la seconde, parce qu’il est encore moins imparfait. — Mais, quand on prouve que les sages sont vertueux, voilà l’Enthymème sous la forme vulgaire, c’est-à-dire, avec une seule proposition et la conclusion. Pittacus est vertueux ; Donc les sages sont vertueux, parce qu’on connaît évidemment que Pittacus est sage, mineure que l’on supprime. — L’une des propositions, la mineure. — On ne conserve que l’autre, la majeure.
  711. Troisième position du signe, attribut des deux extrêmes, comme le moyen dans la seconde figure : Toute femme grosse est pâle : cette femme est pâle ; Donc elle est grosse. On sait que la forme de ce syllogisme est irrégulière, puisqu’il conclut par le mode AI, qui est inutile dans la seconde figure. Voir liv. I, ch. 5, § 22. — Si l’on prouve qu’une femme est grosse parce qu’elle est pâle, forme vulgaire de l’Enthymème où la mineure seule est exprimée. Cette femme est pâle ; Donc elle est grosse.
  712. Quand on n’exprime qu’une seule des prémisses, on garde celle où est le signe ; quand on les exprime toutes les deux, c’est un syllogisme complet, et enthymématique puisqu’il procède encore par le signe. L’ambition est le signe de la générosité ; et voici avec ce signe un syllogisme entier : Les ambitieux sont généreux : or, Pittacus est ambitieux ; Donc Pittacus est généreux. Si l’on disait sous forme vulgaire : Pittacus est ambitieux ; donc Pittacus est généreux, on ne conserverait que le signe dans la mineure où il est attribut. — C’est un syllogisme, entier et enthymématique.
  713. De ces trois formes de l’Enthymème, celle qui a lieu dans la première figure est parfaitement régulière. — Parce qu’il est universel, c’est-à-dire, parce que la majeure est universelle, et que le moyen comme le mineur sont contenus dans sa totalité. — Celui de la troisième figure n’est pas régulier, car il a une conclusion universelle ; mais cette conclusion ne se rapporte pas directement à la question ; car de ce que Pittacus est vertueux et sage, on ne peut conclure que tous les sages sont vertueux : la conclusion régulière serait que quelque sage est vertueux ; et ce sage en particulier ne serait autre que Pittacus lui-même. — Ce syllogisme n’est pas universel, c’est-à-dire qu’aucune des prémisses n’est universelle ; ce qui est contre les règles générales du syllogisme. — Enfin celui de la seconde figure est contre toutes les règles de cette figure, puisque les deux prémisses en sont affirmatives, tandis qu’il faudrait que l’une de deux fût négative.
  714. On pourra conclure le vrai, quand les propositions sont vraies.
  715. Celui qui est moyen, c’est-à-dire, qui est intermédiaire entre les deux termes, sujet du majeur, attribut du mineur ; c’est le signe de la première figure. On appellerait ce signe preuve ou indice. Les signes qui occupent les positions extrêmes, soit attributs des deux termes, soit sujets des deux termes, conserveraient le nom spécial de signes.
  716. Comme nous le disons habituellement. Voir la définition ordinaire du Propre, Topiques, liv. 1, ch. 5, § 5 où cette définition est développée.
  717. Cette étude des signes serait facile sur des êtres qui n’auraient qu’une seule qualité, laquelle se manifesterait à l’observation par un signe unique.
  718. Mais quand le genre a plusieurs qualités, et par suite plusieurs signes, à laquelle des qualités faudra-t-il attribuer tel signe ? Pour le savoir, il faudra recourir a un genre différent qui aura les deux qualités ; mais sans que cependant ce genre tout entier les possède, c’est-à-dire, sans qu’elles appartiennent à tous les individus que ce genre renferme. Il arrivera que dans ce nouveau genre, tel individu aura l’une des qualités et le signe qui l’accompagne, tel aura l’autre des qualités avec son signe ; alors on reconnaîtra la qualité spéciale qu’on cherche avec le signe qui lui appartient, et on pourra transporter cette observation au genre dont on désire connaître la nature. Ainsi, le lion est à la fois courageux et généreux, il a de fortes extrémités et un front large. Est-ce le front large ou les fortes extrémités qui indiquent chez lui le courage ? On observe, pour résoudre cette question, une autre espèce d’animaux ou ces qualités peuvent être aussi réunies, sans que cependant tous les individus de ce genre sans exception les possèdent. On y trouve un individu qui est courageux et qui en même temps a de fortes extrémités ; donc les fortes extrémités seront en lui le signe du courage ; donc elles le seront également dans le lion. Or c’est précisément ce qu’on veut savoir.
  719. Quand le signe est spécial à la qualité, la qualité et le signe sont de même étendue et sont par conséquent réciproques l’un à l’autre. Quand de plus le signe est plus étendu que le troisième terme, on peut construire un syllogisme où le signe joue le rôle du moyen dans la première figure. Soit A le courage, B les fortes extrémités, C le lion ; on a pour majeure AB, tous les animaux qui ont de fortes extrémités, et pour conclusion AC : Donc le lion est courageux. — Autrement, il n’y aurait pas un signe unique, ce qui serait contre la dernière des trois hypothèses du § 12. Il n’est pas besoin de faire remarquer tout ce que cette théorie a d’ingénieux et de profond. Aristote en a fait lui-même une superbe application dans son traité de Physiognomonie, science que d’ailleurs il a fondée.