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pas que cela vous fâche. Au fond, il a bon cœur, croyez-moi, et je vois bien à sa mine qu’il se jetterait dans le feu pour vous à cette heure.
pas que cela
vous fâche. Au fond, il a bon cœur, croyez-moi, et je vois bien à sa
mine qu’il se jetterait dans le feu pour vous à cette heure.


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— Dans le feu, pas sûr, dit le meunier en riant ; mais dans l’eau, c’est
mon élément. Vous voyez bien, mère, que madame est une femme d’esprit,
et qu’on peut lui dire tout ce qu’on pense. Je le dis bien à M.
Bricolin, son fermier, qui est certainement plus à craindre qu’elle,
ici !


{{img float|file=Sand - Œuvres illustrées de George Sand, vol 4, 1853 (page 20 crop).jpg|Sand - Œuvres illustrées de George Sand, vol 4, 1853 (page 20 crop)|width=450px|align=center|cap=Mais le seul aspect de Blanchemont… (Page 18.)}}
— Dites donc, maître Louis, parlez ! je suis très-disposée à m’instruire.
Pourquoi, parce que je suis une honnête personne, ne viendriez-vous pas
chez moi ?


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— Parce que nous aurions tort de nous familiariser avec vous, et que

vous auriez tort de nous traiter en égaux. Ça vous attirerait, des
— Dans le feu, pas sûr, dit le meunier en riant ; mais dans l’eau, c’est mon élément. Vous voyez bien, mère, que madame est une femme d’esprit, et qu’on peut lui dire tout ce qu’on pense. Je le dis bien à {{M.|Bricolin}}, son fermier, qui est certainement plus à craindre qu’elle, ici !
désagréments. Vos pareils vous blâmeraient ; ils diraient que vous

oubliez votre rang, et je sais que cela passe pour très-mal à leurs
— Dites donc, maître Louis, parlez ! je suis très-disposée à m’instruire. Pourquoi, parce que je suis une honnête personne, ne viendriez-vous pas chez moi ?
yeux. Et puis, la bonté que vous auriez avec nous, il faudrait donc

l’avoir avec tous les autres, ou cela ferait des jaloux et nous
— Parce que nous aurions tort de nous familiariser avec vous, et que vous auriez tort de nous traiter en égaux. Ça vous attirerait des désagréments. Vos pareils vous blâmeraient ; ils diraient que vous oubliez votre rang, et je sais que cela passe pour très-mal à leurs yeux. Et puis, la bonté que vous auriez avec nous, il faudrait donc l’avoir avec tous les autres, ou cela ferait des jaloux et nous attirerait des ennemis. Il faut que chacun suive sa route. On dit que le monde est grandement changé depuis cinquante ans ; moi je dis qu’il n’y a rien de changé que nos idées à nous autres. Nous ne voulons plus nous soumettre, et ma mère que voilà, et que j’aime pourtant bien, la brave femme, voit autrement que moi sur bien des choses. Mais les idées des riches et des nobles sont ce qu’elles ont toujours été. Si vous ne les avez pas, ces idées-là, si vous ne méprisez pas un peu les pauvres gens, si vous leur faites autant d’honneur qu’à vos pareils, ce sera peut-être tant pis pour vous. J’ai vu souvent votre mari, défunt {{M.|de}} Blanchemont, que quelques-uns appelaient encore le seigneur de Blanchemont. Il venait tous les ans au pays et restait deux ou trois jours. Il nous tutoyait. Si ç’avait été par amitié, passe ; mais c’était par mépris ; il fallait lui parler debout et toujours chapeau bas. Moi, cela ne m’allait guère. Un jour, il me rencontra dans le chemin et me commanda de tenir son cheval. Je fis la sourde oreille, il m’appela butor, je le regardai de travers ; s’il n’avait pas été si faible, si mince, je lui aurais dit deux mots. Mais ç’aurait été lâche de ma part, et je passai mon chemin en chantant. Si cet-homme-là était vivant et qu’il vous entendît me parler comme vous faites, il ne pourrait pas être content. Tenez ! rien qu’à la figure de vos domestiques, j’ai
attirerait des ennemis. Il faut que chacun suive sa route. On dit que le
monde est grandement changé depuis cinquante ans ; moi je dis qu’il n’y
a rien de changé que nos idées à nous autres. Nous ne voulons plus nous
soumettre, et ma mère que voilà, et que j’aime pourtant bien, la brave
femme, voit autrement que moi sur bien des choses. Mais les idées des
riches et des nobles sont ce qu’elles ont toujours été. Si vous ne les
avez pas, ces idées-là, si vous ne méprisez pas un peu les pauvres gens,
si vous leur faites autant d’honneur qu’à vos pareils, ce sera
peut-être tant pis pour vous. J’ai vu souvent votre mari, défunt M.
de Blanchemont, que quelques-uns appelaient encore le seigneur de
Blanchemont. Il venait tous les ans au pays et restait deux ou trois
jours. Il nous tutoyait. Si ç’avait été par amitié, passe ; mais c’était
par mépris ; il fallait lui parler debout et toujours chapeau bas. Moi,
cela ne m’allait guère. Un jour, il me rencontra dans le chemin et me
commanda de tenir son cheval. Je fis la sourde oreille, il m’appela
butor, je le regardai de travers ; s’il n’avait pas été si faible, si
mince, je lui aurais dit deux mots. Mais ç’aurait été lâche de ma part,
et je passai mon chemin en chantant. Si cet-homme-là était vivant et
qu’il vous entendît me parler comme vous faites, il ne pourrait pas être
content. Tenez ! rien qu’à la figure de vos domestiques, j’ai