« L’Escalier d’or/Chapitre XIII » : différence entre les versions

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Je devais aussi, à plusieurs reprises, recevoir les confidences de Françoise. Elle venait parfois me voir, en sortant du bureau où elle travaillait. Elle aimait à me dire diverses choses qu’elle cachait à son oncle, sans doute parce que l’exaltation de celui-ci et la tendresse qu’il lui manifestait ne lui permettaient pas d’entendre certaines vérités.
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de celui-ci et la tendresse qu’il lui manifestait ne lui permettaient pas d’entendre certaines vérités.
 
Un jour que nous causions ainsi, accoudés au balcon, regardant entre les charmilles jouer et courir les enfants, autour des kiosques et des pelouses, elle s’abandonna jusqu’à faire ces aveux:
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— Monsieur Delavigne, si vous voulez conserver ma clientèle et celle de M. Bouldouyr, je vous conseille de tenir votre langue tranquille et de ne plus répandre ces calomnies. La jeune fille dont vous parlez si légèrement est la propre nièce de M. Bouldouyr, et ce jeune homme blond qui l’accompagne, son fiancé. Apprenez dorénavant à respecter les gens honnêtes.
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— Je vous demande pardon, monsieur, je ne savais pas…
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Je me représentai le couple errant dans les demi-ténèbres du soir; suivant la rue Baillif, la rue du Jour, la rue du Bouloi, s’arrêtant devant la ''Promenade de Vénus,'' entrant enfin dans un humble café de la galerie Vivienne. Ici, sont les ténèbres, à peine touchées d’un peu de lumière artificielle, qui glisse sur une porte, ourle un trottoir; une blanchisserie tiède, où un bras nu, hors de tant de linges répandu, d’une joue rouge approche un fer; une épicerie, avec ses sacs accroupis comme des Turcs qui dorment, enturbannés; un modeste auvent où sont les fleurs, fatiguées du jour, sur des lits de fougères; et là, c’est l’intimité, la confiance, la vie abordée à deux, comme la côte que l’on gravit légèrement, parce qu’on s’appuie l’un au bras de l’autre, c’est le royaume de la foi complète, sans fausse lumière, ni froides ombres.
 
— Il me semble parfois, reprit Françoise, naïvement, que jamais aucune femme n’a eu, autant que moi, le désir d’être heureuse.. Mais le serai-je? Je rêve bien souvent, monsieur Pierre, que j’entre dans une belle propriété, dans un grand parc. Tantôt, je vois une succession d’étangs, de bassins immenses, dont on ne distique pas les rives et qui sont séparés par des digues de pierre et traversés par des ponts de marbre, tantôt des allées énormes, plantées d’arbres en fleurs des arbres des Tropiques, que je n’ai jamais vus. Il fait toujours à demi-obscur, humide et chaud. Des brouillards lourds montent du sol, qui, en s’écartant, me montrent des objets jusqu’alors cachés: une pagode, avec des sonnettes qui carillonnent, un pavillon où j’entends de la musique, une orangerie avec des grenadiers et des cyprès, couverts de fruits d’or. Enfin, j’approche du château, qui est toujours magnifique, précédé d’un grand parterre
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de roses, j’étends la main pour en cueillir une, et, au moment où je vais la saisir, je me réveille, si triste et si bouleversée que j’éclate en sanglots.
 
Malgré moi, je me laissai impressionner par le récit de Françoise, mais je la grondai de se montrer aussi superstitieuse. Je lui prouvai que nos songes portent l’empreinte de nos craintes, mais non la forme de notre avenir. Et je redoublai d’éloquence à mesure que je voyais la gaîté renaître sur le visage de l’enfant.