« Page:Erckmann-Chatrian - Contes et romans populaires, 1867.djvu/215 » : différence entre les versions
... |
mAucun résumé des modifications |
||
Contenu (par transclusion) : | Contenu (par transclusion) : | ||
Ligne 1 : | Ligne 1 : | ||
l’approche de l’aurore … puis au fond de la |
l’approche de l’aurore … puis au fond de la |
||
vallée, au loin, bien loin, la caille qui s’éveille |
|||
dans les blés … le coucou qui jette sa première |
dans les blés … le coucou qui jette sa première |
||
note sur la lisière des bois … tout … tout vous |
note sur la lisière des bois … tout … tout vous |
||
impressionne et vous fait |
impressionne et vous fait rêver. |
||
Et puis on songe à ceux qui sont au loin … |
|||
à nos amis de la ville, qui ne se doutent guère, |
à nos amis de la ville, qui ne se doutent guère, |
||
— en rentrant de leurs fêtes tumultueuses, de |
— en rentrant de leurs fêtes tumultueuses, de |
||
leurs bals, le sang allumé par la fièvre, |
leurs bals, le sang allumé par la fièvre,— que |
||
vous êtes à parcourir les genêts, à respirer la |
|||
fraîcheur et la vie. |
fraîcheur et la vie. |
||
Toutes ces pensées vont et viennent dans |
Toutes ces pensées vont et viennent dans |
||
votre esprit, et malgré vous-même vous gardez |
votre esprit, et malgré vous-même vous gardez |
||
le silence. |
le silence. |
||
Ainsi rêvaient les Parisiennes et peut-être , |
Ainsi rêvaient les Parisiennes et peut-être , |
||
Ligne 20 : | Ligne 21 : | ||
j d’habitude si bavard. |
j d’habitude si bavard. |
||
Et le sentier montait … montait toujours … |
|||
s’éclairant déjà de quelques vagues lueurs … |
s’éclairant déjà de quelques vagues lueurs … |
||
puis au-dessous, presque à pic, s’éveillait le |
puis au-dessous, presque à pic, s’éveillait le |
||
village. Déjà plus de vingt coqs s’étaient sou- |
|||
haité le bonjour d’une ferme à l’autre … les |
|||
chiens aboyaient… l’écluse se levait … le mou- |
|||
lin du père Bénédum recommençait son tic-tac. |
lin du père Bénédum recommençait son tic-tac. |
||
Et tous ces bruits, s’éloignant … s’éloignant |
|||
de plus en plus … finirent par se perdre, et le j |
|||
de plus en plus … finirent par se perdre, et le |
|||
jour plus fort étendit son voile de pourpre |
|||
derrière les flèches sombres des sapins. Tout |
|||
à coup un rayon plus vif passant comme un |
|||
éclair entre deux de ces flèches, s’étendit jus- |
éclair entre deux de ces flèches, s’étendit jus- |
||
qu’au fond de la vallée brumeuse. |
qu’au fond de la vallée brumeuse. |
||
Les petites dames levèrent alors la tête et se |
|||
virent au pied d’une gigantesque muraille de |
virent au pied d’une gigantesque muraille de |
||
granit ; la tour se dressait au-dessus, sombre, |
|||
massive, les fenêtres effondrées … Le lierre, |
|||
les ronces, les houx touffus, s’élevaient d’étage |
|||
en étage le long des rochers. |
en étage le long des rochers. |
||
Les Parisiennes firent une exclamation de |
|||
surprise. |
surprise. |
||
« Comment grimper là-haut ? » dit Juliette. |
|||
Mais les ânes suivant le sentier encore quelj |
|||
ques pas, un large passage taillé dans le roc |
ques pas, un large passage taillé dans le roc |
||
se découvrit à gauche. |
|||
M. Anatole voulait mettre pied à terre, quand |
|||
Diane ayant pris le pas, on la vit s’élever si |
|||
gracieusement que toute la bande suivit, non |
|||
sans frémir, car on découvrait la cheminée du |
|||
père Rock qui fumait à cinq cents mètres au-dessous |
père Rock qui fumait à cinq cents mètres au-dessous … |
||
et de grands oiseaux, les ailes déployées, |
|||
fendaient le ciel sous vos pieds, plongeant |
fendaient le ciel sous vos pieds, plongeant |
||
dans l’abîme. |
dans l’abîme. |
||
Ligne 60 : | Ligne 64 : | ||
M. Anatole, les yeux fermés, s’abandonnait |
M. Anatole, les yeux fermés, s’abandonnait |
||
à la grâce de Dieu. Mademoiselle Juliette, pour |
à la grâce de Dieu. Mademoiselle Juliette, pour |
||
faire la brave, fredonnait : |
faire la brave, fredonnait : « Chasseur diligent » |
||
; Malvina ne disait rien ; Diane, en haut, |
|||
regardait avec calme. |
regardait avec calme. |
||
Dix minutes après, on atteignait la plateforme, |
Dix minutes après, on atteignait la plateforme, |
||
Ligne 79 : | Ligne 83 : | ||
milieu des ronces. |
milieu des ronces. |
||
C’est à peine si |
C’est à peine si l'on se souvenait du but de |
||
la promenade ; on errait au hasard, se montrant |
la promenade ; on errait au hasard, se montrant |
||
les hauteurs voisines … les forêts en |
les hauteurs voisines … les forêts en |
||
pente … les grandes lignes de roches grises … |
pente … les grandes lignes de roches grises … |
||
admirant |
admirant … jetant des exclamations de sur- |
||
prise ! |
prise ! |
||
M. Anatole seul, avant de s’éloigner, eut |
M. Anatole seul, avant de s’éloigner, eut |
||
soin d’attacher les ânes, puis il s’approcha |
soin d’attacher les ânes, puis il s’approcha |
||
pour admirer à son tour. |
pour admirer à son tour. |
||
Ligne 94 : | Ligne 98 : | ||
tout à coup, au détour d’un pan de muraille, I |
tout à coup, au détour d’un pan de muraille, I |
||
apparut Fuldrade avec ses deux chèvres. |
apparut Fuldrade avec ses deux chèvres. |
||
La vieille, inclinée au bord d’une meur- |
La vieille, inclinée au bord d’une meur- |
||
trière, immobile, les yeux fixes, semblait regarder |
trière, immobile, les yeux fixes, semblait regarder |
||
quelque chose. Son attention était si |
quelque chose. Son attention était si |
||
Ligne 103 : | Ligne 108 : | ||
les bois, elles aperçurent une tranchée immense , |
les bois, elles aperçurent une tranchée immense , |
||
où scintillaient quelques plaques , |
où scintillaient quelques plaques , |
||
blanches comme des étoiles. |
blanches comme des étoiles. |
||
C’était le tracé du chemin de fer, et les |
C’était le tracé du chemin de fer, et les |
||
points blancs, les jalons avec leurs petites |
points blancs, les jalons avec leurs petites |
||
feuilles de papier miroitant au soleil. |
feuilles de papier miroitant au soleil. |
||
Voilà ce que regardait Fuldrade, tandis que |
Voilà ce que regardait Fuldrade, tandis que |
||
ses chèvres, au long cou pelé, dessinaient leur |
ses chèvres, au long cou pelé, dessinaient leur |
||
profil sur le ciel bleuâtre. |
profil sur le ciel bleuâtre. |
||
Longtemps les petites dames contemplèrent |
Longtemps les petites dames contemplèrent |
||
la vieille, qui, se retournant enfin, ne parut |
la vieille, qui, se retournant enfin, ne parut |
||
pas surprise de les voir, mais, au contraire, se |
pas surprise de les voir, mais, au contraire, se |
||
mit à les regarder en murmurant des paroles |
mit à les regarder en murmurant des paroles |
||
Ligne 122 : | Ligne 128 : | ||
« Nous sommes venues, ma bonne femme, |
« Nous sommes venues, ma bonne femme, |
||
pour entendre de vous notre bonne aventure.» |
pour entendre de vous notre bonne aventure.» |
||
À ces mots, les yeux verts de Fuldrade s’illuminèrent : |
|||
j |
|||
« Je ne suis pas une bonne femme, dit-elle ; |
« Je ne suis pas une bonne femme, dit-elle ; |
||
Ligne 131 : | Ligne 137 : | ||
famille êtes-vous ? » |
famille êtes-vous ? » |
||
Juliette rougit, et, chose bizarre, toute la |
Juliette rougit, et, chose bizarre, toute la |
||
joie de l’aimable société s’évanouit. |
joie de l’aimable société s’évanouit. |
||
Fuldrade, alors, descendit de son talus d’un |
Fuldrade, alors, descendit de son talus d’un |
||
LnOOQle |