« Les Caprices de Marianne (Charpentier, 1888) » : différence entre les versions
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MARIANNE'', sortant de chez elle un livre de messe à la main et ''CIUTA'', l’abordant.''
'''CIUTA'''.— Ma belle dame, puis-je vous dire un mot
'''MARIANNE'''.— Que me voulez-vous
'''CIUTA'''.— Un jeune homme de cette ville est éperdument amoureux de vous
'''MARIANNE'''.— En voilà assez. Dites à celui qui vous envoie qu’il perd son temps et sa peine et que s’il a l’audace de me faire entendre une seconde fois un pareil langage j’en instruirai mon mari.
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''Elle sort.''
'''COELIO''','' entrant''.— Eh bien
'''CIUTA'''.— Plus dévote et plus orgueilleuse que jamais elle instruira son mari, dit-elle, si on la poursuit plus longtemps.
'''COELIO'''.— Ah
'''CIUTA'''.— Je vous conseille d’abord de sortir d’ici, car voici son mari qui la suit.
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''Ils sortent. - Entrent Claudio et Tibia.''
'''CLAUDIO'''.— Es-tu mon fidèle serviteur, mon valet de chambre dévoué
'''TIBIA'''.— Vous, Monsieur
'''CLAUDIO'''.— Moi-même, puisque ces impudentes guitares ne cessent de murmurer sous les fenêtres de ma femme. Mais, patience
'''TIBIA'''.— Pour quoi faire
'''CLAUDIO'''.— Je crois que Marianne a des amants.
'''TIBIA'''.— Vous croyez, Monsieur
'''CLAUDIO'''.— Oui
'''TIBIA'''.— Est-ce que vous pouvez empêcher qu’on donne des sérénades à votre femme
'''CLAUDIO'''.— Non, mais je puis poster un homme derrière la poterne et me débarrasser du premier qui entrera.
'''TIBIA'''.— Fi
'''CLAUDIO'''.— Pourquoi n’en aurais-tu pas, Tibia
'''TIBIA'''.— J’en conviens, j’en conviens.
'''CLAUDIO'''.— Regarde, Tibia, tu en conviens toi-même
'''TIBIA'''.— Pourquoi public
'''CLAUDIO'''.— Je te dis qu’il est public.
'''TIBIA'''.— Mais, Monsieur, votre femme passe pour un dragon de vertu dans toute la ville
'''CLAUDIO'''.— Laisse-moi faire. - Je ne me sens pas de colère après tous les cadeaux qu’elle a reçus de moi. - Oui, Tibia, je machine en ce moment une épouvantable trame et me sens prêt à mourir de douleur.
'''TIBIA'''.— Oh
'''CLAUDIO'''.— Quand je te dis quelque chose, tu me ferais plaisir de le croire.
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''Ils sortent.''
'''COELIO''','' rentrant''.— Malheur à celui qui, au milieu de la jeunesse, s’abandonne à un amour sans espoir
''Entre Octave.''
'''OCTAVE'''.— Comment se porte, mon bon Monsieur, cette gracieuse mélancolie
'''COELIO'''.— Octave
'''OCTAVE'''.— Ô Coelio
'''COELIO'''.— Quelle vie que la tienne
'''OCTAVE'''.— Ou tu es amoureux, ou je le suis moi-même.
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'''COELIO'''.— J’allais chez toi quand je t’ai rencontré.
'''OCTAVE'''.— Et moi aussi j’allais chez moi. Comment se porte ma maison
'''COELIO'''.— J’ai un service à te demander.
'''OCTAVE'''.— Parle, Coelio, mon cher enfant. Veux-tu de l’argent
'''COELIO'''.— Combien de temps cela durera-t-il
'''OCTAVE'''.— Jamais de ma propre main, mon ami, jamais ; j’aimerais mieux mourir que d’attenter à mes jours.
'''COELIO'''.— Et n’est-ce pas un suicide comme un autre que la vie que tu mènes
'''OCTAVE'''.— Figure-toi un danseur de corde, en brodequins d’argent, le balancier au poing, suspendu entre le ciel et la terre
'''COELIO'''.— Que tu es heureux d’être fou
'''OCTAVE'''.— Que tu es fou de ne pas être heureux
'''COELIO'''.— Il me manque le repos, la douce insouciance qui fait de la vie un miroir où tous les objets se peignent un instant et sur lequel tout glisse. Une dette pour moi est un remords. L’amour, dont vous autres vous faites un passe-temps, trouble ma vie entière. Ô mon ami, tu ignoreras toujours ce que c’est qu’aimer comme moi
'''OCTAVE'''.— Qui est cette Marianne
'''COELIO'''.— C’est elle-même, la femme du vieux Claudio.
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'''OCTAVE'''.— Je ne l’ai jamais vue, mais à coup sûr elle est ma cousine. Claudio est fait exprès. Confie-moi tes intérêts, Coelio.
'''COELIO'''.— Tous les moyens que j’ai tentés pour lui faire connaître mon amour ont été inutiles. Elle sort du couvent
'''OCTAVE'''.— Ouais
'''COELIO'''.— Faut-il te parler franchement
'''OCTAVE'''.— Laisse-moi rire de toi, et parle franchement.
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'''COELIO'''.— En ta qualité de parent, tu dois être reçu dans la maison.
'''OCTAVE'''.— Suis-je reçu ? Je n’en sais rien. Admettons que je suis reçu. À te dire vrai, il y a une grande différence entre mon auguste famille et une botte d’asperges. Nous ne formons pas un faisceau bien serré, et nous ne tenons guère les uns aux autres que par écrit. Cependant Marianne connaît mon nom. Faut-il lui parler en ta faveur
'''COELIO'''.— Vingt fois j’ai tenté de l’aborder
'''OCTAVE'''.— J’ai éprouvé cela. C’est ainsi qu’au fond des forêts, lorsqu’une biche avance à petits pas sur les feuilles sèches et que le chasseur entend les bruyères glisser sur ses flancs inquiets comme le frôlement d’une robe légère, les battements de cœur le prennent malgré lui
'''COELIO'''.— Pourquoi donc suis-je ainsi
'''OCTAVE'''.— J’aime ton amour, Coelio
'''COELIO'''.— Fais ce que tu voudras, mais ne me trompe pas, je t’en conjure ; il est aisé de me tromper, je ne sais pas me défier d’une action que je ne voudrais pas faire moi-même.
▲'''OCTAVE'''.— Si tu escaladais ses murs ?
'''COELIO'''.— Entre elle et moi est une muraille imaginaire que je n’ai pu escalader.
'''OCTAVE'''.— Si tu lui écrivais
'''COELIO'''.— Elle déchire mes lettres ou me les renvoie.
'''OCTAVE'''.— Si tu en aimais une autre
'''COELIO'''.— Le souffle de ma vie est à Marianne
'''OCTAVE'''.— Retire-toi, je vais l’aborder.
'''COELIO'''.— Y penses-tu
'''OCTAVE'''.— Voilà qui est fait. L’ivresse et moi ; mon cher Coelio, nous sommes trop chers l’un à l’autre pour nous jamais disputer, elle fait mes volontés comme je fais les siennes. N’aie aucune crainte là-dessus, c’est le fait d’un étudiant en vacance qui se grise un jour de grand dîner, de perdre la tête et de lutter avec le vin
'''COELIO'''.— Je ne sais ce que j’éprouve. - Non, ne lui parle pas.
'''OCTAVE'''.— Pourquoi
'''COELIO'''.— Je ne puis dire pourquoi
'''OCTAVE'''.— Touche là. Je te jure sur mon honneur que Marianne sera à toi, ou à personne au monde, tant que j’y pourrai quelque chose.
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''Coelio sort. - Entre Marianne. Octave l’aborde.''
'''OCTAVE'''.— Ne vous détournez pas, princesse de beauté
'''MARIANNE'''.— Qui êtes-vous
'''OCTAVE'''.— Mon nom est Octave
'''MARIANNE'''.— Venez-vous pour le voir
'''OCTAVE'''.— Je ne viens pas pour le voir et n’entrerai point au logis, de peur que vous ne m’en chassiez tout à l’heure, quand je vous aurai dit ce qui m’amène.
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'''MARIANNE'''.— Dispensez-vous donc de le dire et de m’arrêter plus longtemps.
'''OCTAVE'''.— Je ne saurais m’en dispenser et vous Supplie de vous arrêter pour l’entendre. Cruelle Marianne
'''MARIANNE'''.— De qui parlez-vous, et quel mal ai-je causé
'''OCTAVE'''.— Un mal le plus cruel de tous, car c’est un mal sans espérance
'''MARIANNE'''.— Me direz-vous le nom de ce mal
'''OCTAVE'''.— Que celui qui est digne de le prononcer vous le dise, que les rêves de vos nuits, que ces orangers verts, cette fraîche cascade vous l’apprennent
'''MARIANNE'''.— Est-il si dangereux à dire, si terrible dans sa contagion, qu’il effraye une langue qui plaide en sa faveur
'''OCTAVE'''.— Est-il si doux à entendre, cousine, que vous le demandiez
'''MARIANNE'''.— C’est donc sans le vouloir, je ne connais ni l’un ni l’autre.
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'''OCTAVE'''.— Que vous les connaissiez ensemble, et que vous ne les sépariez jamais, voilà le souhait de mon cœur.
'''MARIANNE'''.— En vérité
'''OCTAVE'''.— Coelio est le meilleur de mes amis. Si je voulais vous faire envie, je vous dirais qu’il est beau comme le jour, jeune, noble, et je ne mentirais pas
'''MARIANNE'''.— Est-ce ma faute s’il est triste
'''OCTAVE'''.— Est-ce sa faute si vous êtes belle
'''MARIANNE'''.— Tout le monde peut chanter le soir, et cette place appartient à tout le monde.
'''OCTAVE'''.— Tout le monde aussi peut vous aimer
'''MARIANNE'''.— Voilà une jolie question
'''OCTAVE'''.— Vous avez donc encore cinq ou six ans pour être aimée, huit ou dix ans pour aimer vous-même, et le reste pour prier Dieu.
'''MARIANNE'''.— Vraiment
'''OCTAVE'''.— Mon cousin et Votre mari ne feront jamais à eux deux qu’un pédant de village
'''MARIANNE'''.— Ni Coelio
'''OCTAVE'''.— Pourquoi
'''MARIANNE'''.— Pourquoi n’aimerais-je pas Claudio
'''OCTAVE'''.— Pourquoi n’aimeriez-Vous pas Coelio
'''MARIANNE'''.— Me direz-Vous aussi pourquoi je vous écoute
''Elle. sort.''
'''OCTAVE'''.— Ma foi, ma foi
''Il sort.''
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HERMIA, PLUSIEURS DOMESTIQUES, MALVOLIO.
'''HERMIA'''.— Disposez ces fleurs comme je vous l’ai ordonné. A-t-on dit aux musiciens de venir
'''UN DOMESTIQUE'''.— Oui, madame
'''HERMIA'''.— Ces jalousies fermées sont trop sombres ; qu’on laisse entrer le jour sans laisser entrer le soleil
'''MALVOLIO'''.— Pour être sorti, il faudrait d’abord qu’il fût rentré, il a passé la nuit dehors.
'''HERMIA'''.— Vous ne savez ce que vous dites. - Il a soupé hier avec moi et m’a ramenée ici. A-t-on fait porter dans le cabinet d’étude le tableau que j’ai acheté ce matin
'''MALVOLIO'''.— Du vivant de son père, il n’en aurait pas été ainsi. Ne dirait-on pas que notre maîtresse a dix-huit ans et qu’elle attend son sigisbée
'''HERMIA'''.— Mais du vivant de sa mère, il en est ainsi, Malvolio. Qui vous a chargé de veiller sur sa conduite
'''MALVOLIO'''.— Je ne grommelle rien
'''HERMIA'''.— Pourquoi ces livres sont-ils couverts de poussière
''Entre Coelio.''
Eh bien
''Les domestiques se retirent.''
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'''COELIO'''.— Les vôtres, ma mère. ''(Il s’assoit.)''
'''HERMIA'''.— Eh quoi
'''COELIO'''.— Je n’ai pas de secrets, et plût à Dieu, si j’en avais, qu’ils fussent de nature à faire de moi une statue.
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'''HERMIA'''.— Quand vous aviez dix ou douze ans, toutes vos peines, tous vos petits chagrins se rattachaient à moi, d’un regard sévère ou indulgent de ces yeux que voilà dépendait la tristesse ou la joie des vôtres, et votre petite tête blonde tenait par un fil bien délié au cœur de votre mère. Maintenant, mon enfant, je ne suis plus qu’une vieille sœur, incapable peut-être de soulager vos ennuis, mais non pas de les partager.
'''COELIO'''.— Et vous aussi, vous avez été belle
'''HERMIA'''.— Quel souvenir me rappelles-tu
'''COELIO'''.— Ah
'''HERMIA'''.— Votre père ne m’avait jamais vue alors. Il se chargea, comme allié de ma famille, de faire agréer la demande du jeune Orsini, qui voulait m’épouser. Il fut reçu comme le méritait son rang par votre grand-père et admis dans son intimité. Orsini était un excellent parti, et cependant je le refusai. Votre père, en plaidant pour lui, avait tué dans mon cœur le peu d’amour qu’il m’avait inspiré pendant deux mois d’assiduités constantes. Je n’avais pas soupçonné la force de sa passion pour moi. Lorsqu’on lui apporta ma réponse, il tomba, privé de connaissance, dans les bras de votre père. Cependant une longue absence, un voyage qu’il entreprit alors, et dans lequel il augmenta sa fortune, devaient avoir dissipé ses chagrins. Votre père changea de rôle et demanda pour lui ce qu’il n’avait pu obtenir pour Orsini. Je l’aimais d’un amour sincère et l’estime qu’il avait inspirée à mes parents ne me permit pas d’hésiter. Le mariage fut décidé le jour même et l’église s’ouvrit pour nous quelques semaines après. Orsini revint à cette époque. Il vint trouver votre père, l’accabla de reproches, l’accusa d’avoir trahi sa confiance et d’avoir causé le refus qu’il avait essuyé. Du reste, ajouta-t-il, si vous avez désiré ma perte, vous serez satisfait. Épouvanté de ces paroles, votre père vint trouver le mien et lui demander son témoignage pour désabuser Orsini. - Hélas
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CLAUDIO'' et ''TIBIA'', entrant.''
'''CLAUDIO'''.— Tu as raison, et ma femme est un trésor de pureté. Que te dirai-je de plus
'''TIBIA'''.— Vous croyez, Monsieur
'''CLAUDIO'''.— Peut-elle empêcher qu’on ne chante sous ses croisées
'''TIBIA'''.— Relativement à quoi
'''CLAUDIO'''.— Relativement à ce qu’on chante sous ses croisées.
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'''CLAUDIO'''.— Mais bien chanter est difficile.
'''TIBIA'''.— Difficile pour vous et pour moi qui, n’ayant pas reçu de voix de la nature, ne l’avons jamais cultivée
'''CLAUDIO'''.— Ces gens-là passent leur vie sur les planches.
'''TIBIA'''.— Combien croyez-vous qu’on puisse donner par an
'''CLAUDIO'''.— A qui
'''TIBIA'''.— Non, à un chanteur.
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'''TIBIA'''.— Si j’étais juge en cour royale, et que ma femme eût des amants, je les condamnerais moi-même.
'''CLAUDIO'''.— A combien d’années de galère
'''TIBIA'''.— A la peine de mort. Un arrêt de mort est une chose superbe à lire à haute voix.
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'''TIBIA'''.— Le greffier de votre tribunal a une jolie femme.
'''CLAUDIO'''.— Non, c’est le président qui a une jolie femme
'''TIBIA'''.— Le greffier aussi
'''CLAUDIO'''.— Quel Spadassin
'''TIBIA'''.— Celui que vous avez demandé.
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'''CLAUDIO'''.— Il est inutile qu’il vienne après ce que je t’ai dit tout à l’heure.
'''TIBIA'''.— A quel sujet
'''CLAUDIO'''.— Au sujet de ma femme.
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''Entre Marianne.''
'''MARIANNE'''.— Savez-vous ce qui m’arrive pendant que vous courez les champs
'''CLAUDIO'''.— Qui cela peut-il être
'''MARIANNE'''.— Octave, qui m’a fait une déclaration d’amour de la part de son ami Coelio. Qui est ce Coelio
'''CLAUDIO'''.— Je le connais, c’est le fils d’Hermia, notre voisine. Qu’avez-vous répondu à cela
'''MARIANNE'''.— Il ne s’agit pas de ce que j’ai répondu. Comprenez-vous ce que je dis
''Elle sort.''
'''CLAUDIO'''.— Que penses-tu de cette aventure, Tibia
'''TIBIA'''.— Vous croyez, Monsieur
'''CLAUDIO'''.— Pourquoi n’a-t-elle pas voulu dire ce qu’elle a répondu
'''TIBIA'''.— Défendre votre porte à ces deux hommes est un moyen excellent de les éloigner.
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OCTAVE'' et ''CIUTA'' entrent.''
'''OCTAVE'''.— Il y renonce, dites-vous
'''CIUTA'''.— Hélas
'''OCTAVE'''.— Non, de par le ciel
'''CIUTA'''.— Agirez-vous contre sa volonté
'''OCTAVE'''.— Oui, pour agir d’après la mienne, qui est sa sœur aînée, et pour envoyer aux enfers messer Claudio le juge, que je déteste, méprise et abhorre depuis les pieds jusqu’à la tête.
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'''CIUTA'''.— Je lui porterai donc votre réponse, et, quant à moi, je cesse de m’en mêler.
'''OCTAVE'''.— Je suis comme un homme qui tient la banque d’un pharaon pour le compte d’un autre, et qui a la veine contre lui
''Entre Coelio.''
Comment, Coelio, tu abandonnes la partie
'''COELIO'''.— Que veux-tu que je fasse
'''OCTAVE'''.— Te défies-tu de moi
'''COELIO'''.— Pardonne-moi
''Il sort.''
'''OCTAVE'''.— Par le ciel, Voilà qui est étrange
'''CIUTA'''.— Silence
''Ciuta se retire. - Entre Marianne.''
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'''OCTAVE'''.— Belle Marianne, vous dormirez tranquillement. - Le cœur de Coelio est à une autre, et ce n’est plus sous vos fenêtres qu’il donnera ses sérénades.
'''MARIANNE'''.— Quel dommage et quel grand malheur de n’avoir pu partager un amour comme celui-là
'''OCTAVE'''.— En vérité
'''MARIANNE'''.— Oui, sur mon âme, ce soir ou demain matin, dimanche au plus tard, je lui appartenais. Qui pourrait ne pas réussir avec un ambassadeur tel que vous
'''OCTAVE'''.— Raillez, raillez, nous ne vous craignons plus.
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'''MARIANNE'''.— Ou peut-être que cet amour n’était encore qu’un pauvre enfant à la mamelle, et vous, comme une sage nourrice, en le menant à la lisière, vous l’aurez laissé tomber la tête la première en le promenant par la ville.
'''OCTAVE'''.— La sage nourrice s’est contentée de lui faire boire d’un certain lait que la vôtre vous a versé sans doute, et généreusement
'''MARIANNE'''.— Comment s’appelle ce lait merveilleux
'''OCTAVE'''.— L’indifférence. Vous ne pouvez aimer ni haïr, et vous êtes comme les roses du Bengale, Marianne, sans épines et sans parfum.
'''MARIANNE'''.— Bien dit. Aviez-vous préparé d’avance cette comparaison
'''OCTAVE'''.— Qu’y trouvez-vous qui puisse vous blesser
'''MARIANNE'''.— Mon cher cousin, est-ce que vous ne plaignez pas le sort des femmes ? Voyez un peu ce qui m’arrive : il est décrété par le sort que Coelio m’aime, ou qu’il croit m’aimer, lequel Coelio le dit à ses amis, lesquels amis décrètent à leur tour que, sous peine de mort, je serai sa maîtresse. La jeunesse napolitaine daigne m’envoyer en votre personne un digne représentant chargé de me faire savoir que j’ai à aimer ledit seigneur Coelio d’ici à une huitaine de jours. Pesez cela, je vous en prie. Si je me rends, que dira-t-on de moi
'''OCTAVE'''.— Cousine, cousine, ne vous fâchez pas.
'''MARIANNE'''.— N’est-ce pas une chose bien ridicule que l’honnêteté et la foi jurée
'''OCTAVE'''.— Vous vous méprenez sur mon compte et sur celui de Coelio.
'''MARIANNE'''.— Qu’est-ce après tout qu’une femme ? L’occupation d’un moment, une coupe fragile qui renferme une goutte de rosée, qu’on porte à ses lèvres et qu’on jette par-dessus son épaule. Une femme
''Elle sort.''
'''OCTAVE''','' seul.''.— Tra, tra, poum
'''LE GARÇON'''.— Ce qui vous plaira, Excellence. Voulez vous du Lacryma-Christi
'''OCTAVE'''.— Soit, soit. Allez-vous-en un peu chercher dans les rues d’alentour le seigneur Coelio, qui porte un manteau noir et des culottes plus noires encore. Vous lui direz qu’un de ses amis est là qui boit tout seul du Lacryma Christi. Après quoi vous irez à la grande place, et vous m’apporterez une certaine Rosalinde qui est rousse et qui est toujours à sa fenêtre.
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''Le garçon sort.''
Je me sais ce que j’ai dans la gorge
''Entrent Claudio et Tibia.''
Cousin Claudio, vous êtes un beau juge
'''CLAUDIO'''.— Qu’entendez-vous par là, Seigneur Octave
'''OCTAVE'''.— J’entends que vous êtes un magistrat qui a de belles formes.
'''CLAUDIO'''.— De langage ou de complexion
'''OCTAVE'''.— De langage, de langage. Votre perruque est pleine d’éloquence, et vos jambes sont deux charmantes parenthèses.
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'''CLAUDIO'''.— Soit dit en passant, Seigneur Octave, le marteau de ma porte m’a tout l’air de vous avoir brûlé les doigts.
'''OCTAVE'''.— En quelle façon, juge plein de science
'''CLAUDIO'''.— En y voulant frapper, cousin plein de finesse.
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'''OCTAVE'''.— Ajoute hardiment plein de respect, juge, pour le marteau de ta porte, mais tu peux le faire peindre à neuf sans que je craigne de m’y salir les doigts.
'''CLAUDIO'''.— En quelle façon, cousin plein de facéties
'''OCTAVE'''.— En n’y frappant jamais, juge plein de causticité.
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'''CLAUDIO'''.— Cela vous est pourtant arrivé, puisque ma femme a enjoint à ses gens de vous fermer la porte au nez à la première occasion.
'''OCTAVE'''.— Tes lunettes sont myopes, juge plein de grâce
'''CLAUDIO'''.— Mes lunettes sont excellentes, cousin plein de riposte
'''OCTAVE'''.— A quelle occasion, subtil magistrat
'''CLAUDIO'''.— A l’occasion de ton ami Coelio, cousin. Malheureusement j’ai tout entendu.
'''OCTAVE'''.— Par quelle oreille, sénateur incorruptible
'''CLAUDIO'''.— Par celle de ma femme, qui m’a tout raconté, godelureau chéri.
'''OCTAVE'''.— Tout absolument, époux idolâtré
'''CLAUDIO'''.— Il y est resté sa réponse, charmant pilier de cabaret, que je suis chargé de te faire.
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'''CLAUDIO'''.— Ce sera donc ma porte en personne qui te la fera, aimable croupier de roulette, si tu t’avises de la consulter.
'''OCTAVE'''.— C’est ce dont je ne me soucie guère, chère sentence de mort
'''CLAUDIO'''.— Puisses-tu le faire en repos, cher cornet de passe-dix
'''OCTAVE'''.— Rassure-toi sur ce sujet, cher verrou de prison
''Sortent Claudio et Tibia.''
'''OCTAVE''','' seul''.— Il me semble que voilà Coelio qui s’avance de ce côté. Coelio
''Entre Coelio.''
Sais-tu, mon cher ami, le beau tour que nous joue ta princesse
'''COELIO'''.— Comment le sais-tu
'''OCTAVE'''.— Par la meilleure de toutes les voies possibles. Je quitte à l’instant Claudio. Marianne nous fera fermer la porte au nez, si nous nous avisons de l’importuner davantage.
'''COELIO'''.— Tu l’as vue tout à l’heure
'''OCTAVE'''.— Rien qui pût me faire pressentir cette douce nouvelle ; rien d’agréable cependant. Tiens, Coelio, renonce à cette femme. Holà
'''COELIO'''.— Pour qui
'''OCTAVE'''.— Pour toi. Marianne est une bégueule
'''COELIO'''.— Adieu, mon cher ami.
'''OCTAVE'''.— Ou vas-tu
'''COELIO'''.— J’ai affaire en ville ce soir.
'''OCTAVE'''.— Tu as l’air d’aller te noyer. Voyons, Coelio, à quoi penses-tu
'''COELIO'''.— Adieu, adieu, je ne puis m’arrêter plus longtemps. Je te verrai demain, mon ami.
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''Il sort.''
'''OCTAVE'''.— Coelio
'''LE GARÇON''','' rentrant''.— Monsieur, la demoiselle rousse n’est point à sa fenêtre
'''OCTAVE'''.— La peste soit de tout l’univers
''Entre Marianne.''
'''MARIANNE'''.— Encore ici, seigneur Octave ? Et déjà à table
'''OCTAVE'''.— Le monde entier m’abandonne
'''MARIANNE'''.— Comment
'''OCTAVE'''.— Faut-il vous dire ma pensée
'''MARIANNE'''.— C’est une fâcheuse affaire sans doute, et votre cœur en doit ressentir un vide effroyable.
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'''OCTAVE'''.— Un vide que je ne Saurais exprimer, et que je communique en vain à cette large coupe. Le carillon des vêpres m’a fendu le crâne pour tout l’après-dîner.
'''MARIANNE'''.— Dites-moi, cousin, est-ce du vin à quinze sous la bouteille que vous buvez
'''OCTAVE'''.— N’en riez pas
'''MARIANNE'''.— Cela m’étonne que vous ne buviez pas du vin à quinze sous
'''OCTAVE'''.— Pourquoi en boirais-je, s’il vous plaît
'''MARIANNE'''.— Goûtez-en
'''OCTAVE'''.— Il y en a une aussi grande qu’entre le soleil et une lanterne.
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'''MARIANNE'''.— Non, vous dis-je, c’est la même chose.
'''OCTAVE'''.— Dieu m’en préserve
'''MARIANNE'''.— Vous trouvez qu’il y a une grande différence
'''OCTAVE'''.— Assurément.
'''MARIANNE'''.— Je croyais qu’il en était du vin comme des femmes. Une femme n’est-elle pas aussi un vase précieux, scellé comme ce flacon de cristal
'''OCTAVE'''.— Deux mots, de grâce, belle Marianne, et ma réponse sera courte. Combien de temps pensez-vous qu’il faille faire la cour à la bouteille que vous voyez pour obtenir ses faveurs
'''MARIANNE'''.— Etes-vous sûr qu’elle en vaut davantage
'''OCTAVE'''.— Elle n’en vaut ni plus ni moins. Elle sait qu’elle est bonne à boire et qu’elle est faite pour être bue. Dieu n’en a pas caché la source au sommet d’un pic inabordable, au fond d’une caverne profonde
''Il entre dans l’auberge, Marianne dans sa maison.''
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COELIO, CIUTA.
'''CIUTA'''.— Seigneur Coelio, défiez-vous d’Octave. Ne vous a-t-il pas dit que la belle Marianne lui avait fermé sa porte
'''COELIO'''.— Assurément. - Pourquoi m’en défierais-je
'''CIUTA'''.— Tout à l’heure, en passant dans sa rue, je l’ai vu en conversation avec elle sous une tonnelle couverte.
'''COELIO'''.— Qu’y a-t-il d’étonnant à cela
'''CIUTA'''.— J’entends qu’ils se parlaient amicalement et comme des gens qui sont de bon accord ensemble.
'''COELIO'''.— En es-tu sûre, Ciuta
'''CIUTA'''.— Puisse le ciel vous favoriser
''Elle sort.''
'''COELIO'''.— Ah
''Il sort.''
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CLAUDIO, MARIANNE.
'''CLAUDIO'''.— Pensez-vous que je sois un mannequin et que je me promène sur la terre pour servir d’épouvantail aux oiseaux
'''MARIANNE'''.— D’où vous vient cette gracieuse idée
'''CLAUDIO'''.— Pensez-vous qu’un juge criminel ignore la valeur des mots, et qu’on puisse se jouer de sa crédulité comme de celle d’un danseur ambulant
'''MARIANNE'''.— À qui en avez-vous ce soir
'''CLAUDIO'''.— Pensez-vous que je n’ai pas entendu vos propres paroles : si cet homme ou son ami se présente à ma porte, qu’on la lui fasse fermer
'''MARIANNE'''.— Vous m’avez vue sous une tonnelle
'''CLAUDIO'''.— Oui, oui, de ces yeux que voilà, sous la tonnelle d’un cabaret : la tonnelle d’un cabaret n’est point un lieu de conversation pour la femme d’un magistrat, et il est inutile de faire fermer sa porte quand on se renvoie le dé en plein air avec si peu de retenue.
'''MARIANNE'''.— Depuis quand m’est-il défendu de causer avec un de vos parents
'''CLAUDIO'''.— Quand un de mes parents est un de vos amants, il est fort bien fait de s’en abstenir.
'''MARIANNE'''.— Octave
'''CLAUDIO'''.— Son caractère est vicieux. - C’est un coureur de tabagies.
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'''CLAUDIO'''.— Ne me poussez pas à quelque fâcheuse extrémité par vos extravagances, et réfléchissez à ce que vous faites.
'''MARIANNE'''.— A quelle extrémité voulez-vous que je vous pousse
'''CLAUDIO'''.— Je vous défendrais de le voir et d’échanger avec lui aucune parole, soit dans la maison, soit dans une maison tierce, soit en plein air.
'''MARIANNE'''.— Ah
'''CLAUDIO'''.— Souvenez-vous de cette dernière phrase que vous venez de prononcer. Je vous ménage un châtiment exemplaire, si vous allez contre ma volonté.
Ligne 680 ⟶ 679 :
''Il sort.''
'''MARIANNE''','' seule''.— Holà
''Un domestique entre.''
Voyez-vous là-bas, dans cette rue, ce jeune homme assis devant une table, sous cette tonnelle
''Le domestique sort.''
Voilà qui est nouveau
''Entre Octave.''
Ligne 694 ⟶ 693 :
Asseyez-vous, Octave, j’ai à vous parler.
'''OCTAVE'''.— Où voulez-vous que je m’assoie
'''MARIANNE'''.— Rien du tout.
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'''OCTAVE'''.— En vérité, cousine, vos yeux disent le contraire.
'''MARIANNE'''.— J’ai réfléchi à ce que vous m’avez dit sur le compte de votre ami Coelio. Dites-moi, pourquoi ne s’explique-t-il pas lui-même
'''OCTAVE'''.— Par une raison assez simple
'''MARIANNE'''.— Cela veut dire qu’il a songé à vous
'''OCTAVE'''.— Oui.
'''MARIANNE'''.— Eh bien
'''OCTAVE'''.— Sérieusement
'''MARIANNE'''.— Oui, oui, sérieusement. Me voilà. J’écoute.
'''OCTAVE'''.— Vous voulez rire
'''MARIANNE'''.— Quel pitoyable avocat êtes-vous donc ? Parlez, que je veuille rire ou non.
'''OCTAVE'''.— Que regardez-vous à droite et à gauche
'''MARIANNE'''.— Je veux prendre un amant, Octave... sinon un amant, du moins un cavalier. Que me conseillez-vous
'''OCTAVE'''.— Marianne
''Il se jette à genoux.''
'''MARIANNE'''.— Que voulez-vous me dire
'''OCTAVE'''.— Si jamais homme au monde a été digne de vous comprendre, digne de vivre et de mourir pour vous, cet homme est Coelio. Je n’ai jamais valu grand chose, et je me rends cette justice que la passion dont je fais l’éloge trouve un misérable interprète. Ah
'''MARIANNE'''.— Relevez-vous, Octave. En vérité, si quelqu’un entrait ici, ne croirait-on pas, à vous entendre, que c’est pour vous que vous plaidez
'''OCTAVE'''.— Marianne
'''MARIANNE'''.— Etes-vous sûr qu’il ne me soit pas permis de sourire
'''OCTAVE'''.— Oui, vous avez raison, je sais tout le tort que mon amitié peut faire. Je sais qui je suis, je le sens
'''MARIANNE'''.— Pourquoi cela
'''OCTAVE'''.— Ô femme trois fois femme ! Coelio vous déplaît, - mais le premier venu vous plaira. L’homme qui vous aime depuis un mois, qui s’attache à vos pas, qui mourrait de bon cœur sur un mot de votre bouche, celui-là vous déplaît
'''MARIANNE'''.— Faites ce que je vous dis, ou ne me revoyez pas.
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COELIO, UN DOMESTIQUE.
'''COELIO'''.— Il est en bas, dites-vous
''Entre Octave.''
Eh bien
'''OCTAVE'''.— Attache ce chiffon à ton bras droit, Coelio
'''COELIO'''.— Au nom du ciel, ne te ris pas de moi
'''OCTAVE'''.— La nuit est belle
'''COELIO'''.— Est-ce vrai
'''OCTAVE'''.— Tu n’es pas encore parti
'''COELIO'''.— Ah
'''OCTAVE'''.— Et à moi aussi, car je n’ai dîné qu’à moitié. Pour récompense de mes peines, dis en sortant qu’on me monte à souper.
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''Il s’assoit.''
As-tu du tabac turc
''Coelio sort.''
'''OCTAVE''','' seul''.— Écris sur tes tablettes, Dieu juste, que cette nuit doit m’être comptée dans ton paradis. Est-ce bien vrai que tu as un paradis
'''UN DOMESTIQUE''','' entrant.''.— Monsieur, voilà une lettre à votre adresse
'''OCTAVE'''.— Voyons un peu cela. ''(Il lit.)'' « Ne venez pas ce soir. Mon mari a entouré la maison d’assassins, et vous êtes perdu s’ils vous trouvent. MARIANNE. » Malheureux que je sois
''Il sort en courant.''
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'''CLAUDIO'''.— Laissez-le entrer, et jetez-vous sur lui dès qu’il sera parvenu à ce bosquet.
'''TIBIA'''.— Et s’il entre par l’autre côté
'''CLAUDIO'''.— Alors, attendez-le au coin du mur.
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'''UN SPADASSIN'''.— Oui, monsieur.
'''TIBIA'''.— Le voilà qui arrive. Tenez, Monsieur, voyez comme son ombre est grande
'''CLAUDIO'''.— Retirons-nous à l’écart, et frappons quand il en sera temps.
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''Entre Coelio.''
'''COELIO''','' frappant à la jalousie''.— Marianne
'''MARIANNE''','' paraissant à la fenêtre''.— Fuyez, Octave ; vous n’avez donc pas reçu ma lettre
'''COELIO'''.— Seigneur mon Dieu
'''MARIANNE'''.— La maison est entourée d’assassins ! mon mari vous a vu entrer ce soir
'''COELIO'''.— Est-ce un rêve
'''MARIANNE'''.— Octave, Octave
''La jalousie se referme.''
'''COELIO'''.— Ô mort
''Il sort. On entend des cris étouffés et un bruit éloigné dans le jardin.''
'''OCTAVE''','' en dehors''.— Ouvrez, ou j’enfonce les portes
'''CLAUDIO''','' ouvrant, son épée sous le bras''.— Que voulez-vous
'''OCTAVE'''.— Où est Coelio
'''CLAUDIO'''.— Je ne pense pas que son habitude soit de coucher dans cette maison.
'''OCTAVE'''.— Si tu l’as assassiné, Claudio, prends garde à toi
'''CLAUDIO'''.— Etes-vous fou ou somnambule
'''OCTAVE'''.— Ne l’es-tu pas toi-même, pour te promener à cette heure, ton épée sous le bras
'''CLAUDIO'''.— Cherchez dans ce jardin, si bon vous semble
'''OCTAVE''','' à ses gens''.— Venez et cherchez partout
'''CLAUDIO''','' bas à Tibia''.— Tout est-il fini comme je l’ai ordonné
'''TIBIA'''.— Oui, Monsieur ; soyez en repos, ils peuvent chercher tant qu’ils voudront.
''Tous sortent.''
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OCTAVE'' et ''MARIANNE'', auprès d’un tombeau.''
'''OCTAVE'''.— Moi seul au monde je l’ai connu. Cette urne d’albâtre, couverte de ce long voile de deuil, est sa parfaite image. C’est ainsi qu’une douce mélancolie voilait les perfections de cette âme tendre et délicate. Pour moi seul, cette vie silencieuse n’a point été un mystère. Les longues soirées que nous avons passées ensemble sont comme de fraîches oasis dans un désert aride
'''MARIANNE'''.— Ne serait-elle point heureuse, Octave, la femme qui t’aimerait
'''OCTAVE'''.— Je ne sais point aimer, Coelio seul le savait. La cendre que renferme cette tombe est tout ce que j’ai aimé sur la terre, tout ce que j’aimerai. Lui seul savait verser dans une autre âme toutes les sources de bonheur qui reposaient dans la sienne. Lui seul était capable d’un dévouement sans bornes
▲'''MARIANNE'''.— Ne serait-elle point heureuse, Octave, la femme qui t’aimerait ?
'''MARIANNE'''.— Comment aurait-elle pu l’être, à moins de risquer votre vie ? Claudio est trop vieux pour accepter un duel, et trop puissant dans cette ville pour rien craindre de vous.▼
▲'''OCTAVE'''.— Je ne sais point aimer, Coelio seul le savait. La cendre que renferme cette tombe est tout ce que j’ai aimé sur la terre, tout ce que j’aimerai. Lui seul savait verser dans une autre âme toutes les sources de bonheur qui reposaient dans la sienne. Lui seul était capable d’un dévouement sans bornes ; lui seul eût consacré sa vie entière à la femme qu’il aimait, aussi facilement qu’il aurait bravé la mort pour elle. Je ne suis qu’un débauché sans cœur ; je n’estime point les femmes : l’amour que j’inspire est comme celui que je ressens, l’ivresse passagère d’un songe. Je ne sais pas les secrets qu’il savait. Ma gaieté est comme le masque d’un histrion ; mon cœur est plus vieux qu’elle, mes sens blasés n’en veulent plus. Je ne suis qu’un lâche ; sa mort n’est point vengée.
'''OCTAVE'''.— Coelio m’aurait vengé Si j’étais mort pour lui comme il est mort pour moi. Ce tombeau m’appartient
▲'''MARIANNE'''.— Comment aurait-elle pu l’être, à moins de risquer votre vie? Claudio est trop vieux pour accepter un duel, et trop puissant dans cette ville pour rien craindre de vous.
'''MARIANNE'''.— Mais non pas dans mon cœur, Octave. Pourquoi dis-tu : Adieu l’amour ?
▲'''OCTAVE'''.— Coelio m’aurait vengé Si j’étais mort pour lui comme il est mort pour moi. Ce tombeau m’appartient ; c’est moi qu’ils ont étendu sous cette froide pierre ; c’est pour moi qu’ils avaient aiguisé leurs épées ; c’est moi qu’ils ont tué. Adieu la gaieté de ma jeunesse, l’insouciante folie, la vie libre et joyeuse au pied du Vésuve! Adieu les bruyants repas, les causeries du soir, les sérénades sous les balcons dorés ! Adieu Naples et ses femmes, les mascarades à la lueur des torches, les longs soupers à l’ombre des forêts ! Adieu l’amour et l’amitié ! Ma place est vide sur la terre.
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