« La Dame aux camélias (théâtre)/Acte IV » : différence entre les versions

Contenu supprimé Contenu ajouté
Phe-bot (discussion | contributions)
m Acélan: match
Aucun résumé des modifications
Ligne 14 :
 
{{personnageD|Gaston|c|il taille une banque de baccarat.}}
 
Faites vos jeux, messieurs.
 
{{personnage|arthurArthur.|c}}
 
Combien y a-t-il en banque ?
 
{{personnage|Gaston.|c}}
Il y a cent louis.
 
{{personnage|Arthur.|c}}
il y a cent louis.
 
{{personnage|arthur|c}}
 
Je fais cinq francs à droite.
 
{{personnage|Gaston.|c}}
C’était bien la peine de demander ce qu’il y avait pour faire cinq francs.
 
{{personnage|Arthur.|c}}
C’était bien la peine de demander ce qu’il y avait pour faire
cinq francs.
 
{{personnage|arthur|c}}
 
Aimes-tu mieux que je fasse dix louis sur parole ?
 
{{personnage|Gaston.|c}}
 
Non, non, non.
 
{{didascalie|Au docteur.}}
 
Et vous, docteur, vous ne jouez pas ?
 
 
{{personnage|Le docteur.|c}}
==[[Page:Dumas fils - Théâtre complet, 1898 - Tome I.djvu/151]]==
<nowiki/>
 
{{personnage|Le docteur.|c}}
Non.
 
{{personnage|Gaston.|c}}
 
Qu’est-ce que vous faites donc là-bas ?
 
{{personnage|Le docteur.|c}}
 
Je cause avec des femmes charmantes ; je me fais connaître.
 
{{personnage|Gaston.|c}}
 
Vous gagnez tant à être connu.
 
{{personnage|Le docteur.|c}}
 
Je ne gagne même qu’à cela.
 
{{personnage|Gaston.|c}}
 
Si c’est ainsi qu’on joue, je passe la main.
 
{{personnage|Prudence.|c}}
 
Attends, j’ai dix francs.
 
{{personnage|Gaston.|c}}
 
Où sont-ils ?
 
{{personnage|Prudence.|c}}
 
Dans ma poche.
 
{{personnageD|Gaston|c|riant.}}
 
Je donnerais quinze francs pour les voir.
 
{{personnage|Prudence.|c}}
 
Tiens, j’ai oublié ma bourse !
 
{{personnage|Gaston.|c}}
 
Voilà une bourse qui sait son métier. Tiens, voici vingt francs.
 
{{personnage|Prudence.|c}}
 
Je te les rendrai.
 
{{personnage|Gaston.|c}}
 
Ne dis donc pas de bêtises.
 
{{didascalie|donnant les cartes.}}
 
J’ai neuf !
 
{{didascalie|Il ramasse l’argent.}}
 
{{personnage|Prudence.|c}}
==[[Page:Dumas fils - Théâtre complet, 1898 - Tome I.djvu/152]]==
<nowiki/>
 
{{personnage|Prudence.|c}}
Il gagne toujours.
 
{{personnage|arthurArthur.|c}}
 
Voilà cinquante louis que je perds.
 
{{personnage|anaïsAnaïs.|c}}
Docteur, guérissez donc Arthur de la maladie de faire de l’embarras.
 
Docteur, guérissez donc Arthur de la maladie de faire de
l’embarras.
 
{{personnage|Le docteur.|c}}
 
C’est une maladie de jeunesse qui se passera avec rage.
 
{{personnage|anaïsAnaïs.|c}}
Il prétend avoir perdu mille francs ; il avait deux louis dans sa poche quand il est arrivé.
 
Il prétend avoir perdu mille francs ; il avait deux louis dans
sa poche quand il est arrivé.
 
{{personnage|arthur|c}}
 
{{personnage|Arthur.|c}}
Comment le savez-vous ?
 
{{personnage|anaïsAnaïs.|c}}
Avec cela qu’il faut regarder longtemps une poche, pour savoir ce qu’il y a dedans.
 
{{personnage|Arthur.|c}}
Avec cela qu’il faut regarder longtemps une poche, pour
Qu’est-ce que ça prouve ? Ça prouve que je dois neuf cent soixante francs.
savoir ce qu’il y a dedans.
 
{{personnage|arthur|c}}
 
Qu’est-ce que ça prouve ? Ça prouve que je dois neuf cent
soixante francs.
 
{{personnage|anaïs|c}}
 
{{personnage|Anaïs.|c}}
Je plains celui à qui vous les devez.
 
{{personnage|arthurArthur.|c}}
 
Vous avez tort, ma chère, je paye toutes mes dettes.
 
{{personnage|anaïsAnaïs.|c}}
 
Ce n’est pas ce que disent vos créanciers.
 
{{personnage|Gaston.|c}}
Allons, messieurs, faites vos jeux ; nous ne sommes pas là pour nous amuser.
 
Allons, messieurs, faites vos jeux ; nous ne sommes pas là
pour nous amuser.
 
{{personnageD|Olympe|c|entrant avec Saint-Gaudens.}}
 
On joue donc toujours ici ?
 
{{personnage|arthurArthur.|c}}
 
Toujours.
 
 
{{personnage|
==[[Page:Dumas fils - Théâtre complet, 1898 - Tome I.djvu/153]]==
<nowiki/>
Olympe.|c}}
 
{{personnage|Olympe.|c}}
Donnez-moi dix louis, Saint-Gaudens, que je joue un peu.
 
{{personnage|Gaston.|c}}
 
Olympe, votre soirée est charmante.
 
{{personnage|arthurArthur.|c}}
 
Saint-Gaudens sait ce qu’elle lui coûte.
 
{{personnage|Olympe.|c}}
 
Ce n’est pas lui qui le sait, c’est sa femme !
 
{{personnage|saint-gaudens}}
Le mot est joli ! Ah ! vous voilà, docteur, il faut que je vous consulte ; j’ai quelquefois des étourdissements.
 
Le mot est joli ! Ah ! vous voilà, docteur, il faut que je vous
consulte ; j’ai quelquefois des étourdissements.
 
{{personnage|Le docteur.|c}}
 
Ah ! Dame !
 
{{personnage|Olympe.|c}}
 
Qu’est-ce qu’il demande ?
 
{{personnage|Le docteur.|c}}
 
Il croit avoir une maladie du cerveau.
 
{{personnage|Olympe.|c}}
Le fat ! J’ai perdu, Saint-Gaudens, jouez pour moi, et tâchez de gagner.
 
Le fat ! J’ai perdu, Saint-Gaudens, jouez pour moi, et tâchez
de gagner.
 
{{personnage|Prudence.|c}}
 
Saint-Gaudens, prêtez-moi trois louis ?
 
{{didascalie|Il les donne.}}
 
{{personnage|anaïsAnaïs.|c}}
 
Saint-Gaudens, allez me chercher une glace !
 
{{personnage|Saint-Gaudens.|c}}
 
Tout à l’heure !
 
{{personnage|anaïsAnaïs.|c}}
 
Alors, racontez-nous l’histoire du fiacre jaune.
 
{{personnage|Saint-Gaudens.|c}}
 
J’y vais ! j’y vais !
 
{{didascalie|Il sort.}}
 
{{personnageD|prudence|c|
==[[Page:Dumas fils - Théâtre complet, 1898 - Tome I.djvu/154]]==
<nowiki/>
à Gaston.}}
 
{{personnageD|prudence|c|à Gaston.}}
Te rappelles-tu l’histoire du fiacre jaune ?
 
{{personnage|Gaston.|c}}
Si je me la rappelle ! Je le crois bien ; c’est chez Marguerite qu’Olympe a voulu nous conter cela. Est-ce qu’elle est ici, Marguerite ?
 
Si je me la rappelle ! Je le crois bien ; c’est chez Marguerite
qu’Olympe a voulu nous conter cela. Est-ce qu’elle est ici,
Marguerite ?
 
{{personnage|Olympe.|c}}
 
Elle doit venir.
 
{{personnage|Gaston.|c}}
 
Et Armand ?
 
{{personnage|Prudence.|c}}
Armand n’est pas à Paris… Vous ne savez donc pas ce qui est arrivé ?
 
Armand n’est pas à Paris… Vous ne savez donc pas ce qui
est arrivé ?
 
{{personnage|Gaston.|c}}
 
Non.
 
{{personnage|Prudence.|c}}
 
Ils sont séparés.
 
{{personnage|anaïsAnaïs.|c}}
 
Bah !
 
{{personnage|Prudence.|c}}
 
Oui, Marguerite l’a quitté !
 
{{personnage|Gaston.|c}}
 
Quand donc ?
 
{{personnage|anaïsAnaïs.|c}}
 
Il y a un mois, et qu’elle a bien fait !
 
{{personnage|Gaston.|c}}
 
Pourquoi cela ?
 
{{personnage|anaïsAnaïs.|c}}
 
On doit toujours quitter les hommes avant qu’ils vous quittent
 
{{personnage|arthurArthur.|c}}
 
Voyons, messieurs, joue-t-on, ou ne joue-t-on pas ?
 
{{personnage|Gasto
==[[Page:Dumas fils - Théâtre complet, 1898 - Tome I.djvu/155]]==
<nowiki/>
n.|c}}
 
{{personnage|Gaston.|c}}
Oh ! que tu es assommant, toi ! Crois-tu pas que je vais m’user les doigts à te retourner des cartes pour cent sous que tu
Oh ! que tu es assommant, toi ! Crois-tu pas que je vais m’user les doigts à te retourner des cartes pour cent sous que tu joues ? Tous les Arthur sont comme toi. Heureusement, tu es le dernier Arthur.
dernier Arthur.
 
{{personnageD|Saint-Gaudens|c|rentrant.}}
 
Anaïs, voici la glace demandée.
 
{{personnage|anaïsAnaïs.|c}}
Vous avez été bien long, mon pauvre vieux ; après ça, à votre âge…
 
Vous avez été bien long, mon pauvre vieux ; après ça, à
votre âge…
 
{{personnageD|Gaston|c|se levant.}}
Messieurs, la banque a sauté. — Quand on pense que si l’on me disait : Gaston, mon ami, on va te donner cinq cents francs, à condition que tu retourneras des cartes pendant tout une nuit, je ne le voudrais pas, bien certainement. Eh bien ! voilà deux heures que j’en retourne pour perdre deux mille francs ! Ah ! le jeu est un joli métier.
 
Messieurs, la banque a sauté. — Quand on pense que si l’on
me disait : Gaston, mon ami, on va te donner cinq cents francs, à
condition que tu retourneras des cartes pendant tout une nuit,
je ne le voudrais pas, bien certainement. Eh bien ! voilà deux
heures que j’en retourne pour perdre deux mille francs l Ah !
le jeu est un joli métier.
 
{{didascalie|Un autre reprend la banque.}}
Ligne 330 ⟶ 251 :
 
{{personnage|Saint-Gaudens.|c}}
 
Vous ne jouez plus ?
 
{{personnage|Gaston.|c}}
 
Non.
 
{{personnageD|Saint-Gaudens|c|montrant deux joueurs qui s’écartent au fond.}}
{{personnage|saint-gaudens|c
 
{{didascalie|montrant deux joueurs qui s’écartent au fond.}}
 
Parions-nous dans le jeu de ces messieurs ?
 
{{personnage|Gaston.|c}}
 
Pas de confiance. Est-ce que c’est vous qui les avez invités ?
 
{{personnage|Saint-Gaudens.|c}}
 
Ce sont des amis d’Olympe. Elle les a connus à l’étranger.
 
{{personnage|Gaston.|c}}
 
Ils sont jolis.
 
{{personnage|Prudenc
==[[Page:Dumas fils - Théâtre complet, 1898 - Tome I.djvu/156]]==
<nowiki/>
e.|c}}
 
{{personnage|Prudence.|c}}
Tiens ! voilà Armand ?
 
{{personnageD|Gaston|c|à Armand.}}
 
Nous parlions de toi tout à l’heure.
 
{{personnage|Armand.|c}}
 
Et que disiez-vous ?
 
{{personnage|Prudence.|c}}
 
Nous disions que vous étiez à Tours, et que vous ne viendriez pas.
 
{{personnage|Armand.|c}}
 
Eh bien ! vous vous trompiez, mes amis.
 
{{personnage|Gaston.|c}}
 
Et quand es-tu arrivé ?
 
{{personnage|Armand.|c}}
 
Il y a une heure.
 
{{personnage|Prudence.|c}}
 
Eh bien ! mon cher Armand, qu’est-ce que vous me conterez de neuf ?
 
{{personnage|Armand.|c}}
 
Mais rien, chère amie ; et vous ?
 
{{personnage|Prudence.|c}}
 
Avez-vous vu Marguerite ?
 
{{personnage|Armand.|c}}
 
Non.
 
{{personnage|Prudence.|c}}
 
Elle va venir.
 
{{personnage|Armand.|c}}
Ah ! eh bien ! je la verrai alors.
 
Ah eh bien ! je la verrai alors.
 
{{personnage|Prudenc
==[[Page:Dumas fils - Théâtre complet, 1898 - Tome I.djvu/157]]==
<nowiki/>
e.|c}}
 
{{personnage|Prudence.|c}}
Comme vous dites cela !
 
{{personnage|Armand.|c}}
 
Comment voulez-vous que je vous le dise ?
 
{{personnage|Prudence.|c}}
 
Le cœur est donc guéri ?
 
{{personnage|Armand.|c}}
 
Oh ! parfaitement ! Est-ce que je serais ici, sans cela ?
 
{{personnage|Prudence.|c}}
 
Ainsi, vous ne pensez plus à elle ?
 
{{personnage|Armand.|c}}
Vous dire que je n’y pense plus du tout, serait mentir ; mais je suis heureusement de ces hommes avec qui la façon de rompre fait beaucoup… Or, Marguerite m’a donné mon congé d’une façon si légère, que je me suis trouvé bien sot d’en avoir été amoureux comme je l’ai été ; car j’ai été vraiment fort amoureux d’elle.
 
Vous dire que je n’y pense plus du tout, serait mentir ; mais
je suis heureusement de ces hommes avec qui la façon de
rompre fait beaucoup… Or, Marguerite m’a donné mon congé
d’une façon si légère, que je me suis trouvé bien sot d’en avoir
été amoureux comme je l’ai été ; car j’ai été vraiment fort
amoureux d’elle.
 
{{personnage|Prudence.|c}}
Elle vous aimait bien, aussi, et elle vous aime toujours un peu, mais il était temps qu’elle vous quittât, on allait vendre chez elle.
 
Elle vous aimait bien, aussi, et elle vous aime toujours un
peu, mais il était temps qu’elle vous quittât, on allait vendre
chez elle.
 
{{personnage|Armand.|c}}
 
Et maintenant, c’est payé ?
 
{{personnage|Prudence.|c}}
 
Entièrement.
 
{{personnage|Armand.|c}}
 
Et c’est {{M.|de}} Varville qui a fait les fonds ?
 
{{personnage|Prudence.|c}}
 
Oui.
 
{{personnage|Armand.|c}}
 
Tout est pour le mieux, alors.
 
Ligne 474 ⟶ 357 :
 
{{personnage|Armand.|c}}
 
Et elle est revenue à Paris ?
 
{{personnage|Prudence.|c}}
Naturellement… Elle n’a jamais voulu retourner à Auteuil, mon cher, depuis que vous en êtes parti. C’est moi qui suis allée y chercher toutes ses affaires, et même les vôtres. Cela me fait penser que j’ai des objets à vous remettre ; vous les ferez prendre chez moi. Il n’y a qu’un petit portefeuille avec votre chiffre, que Marguerite a voulu prendre ; si vous y tenez, je le lui redemanderai.
 
Naturellement… Elle n’a jamais voulu retourner à Auteuil,
mon cher, depuis que vous en êtes parti. C’est moi qui suis
allée y chercher toutes ses affaires, et même les vôtres. Cela me
fait penser que j’ai des objets à vous remettre ; vous les ferez
prendre chez moi. Il n’y a qu’un petit portefeuille avec votre
chiffre, que Marguerite a voulu prendre ; si vous y tenez, je le
lui redemanderai.
 
{{personnageD|Armand|c|avec émotion.}}
 
Qu’elle le garde !
 
{{personnage|Prudence.|c}}
Du reste, je ne l’ai jamais vue comme elle est maintenant ; elle ne dort presque plus ; elle court les bals, elle passe les nuits ; dernièrement, après un souper, elle est restée trois jours au lit, et quand le médecin lui a permis de se lever, elle a recommencé, au risque d’en mourir. Si cela continue, elle n’ira pas loin. Comptez-vous l’aller voir ?
 
Du reste, je ne l’ai jamais vue comme elle est maintenant ;
elle ne dort presque plus ; elle court les bals, elle passe les nuits ; dernièrement, après un souper, elle est restée trois jours au lit, et quand le médecin lui a permis de se lever, elle a recommencé, au risque d’en mourir. Si cela continue, elle n’ira pas loin. Comptez-vous l’aller voir ?
 
{{personnage|Armand.|c}}
Non, je compte, Mme, éviter toute espèce d’explications. Le passé est mort d’apoplexie, que Dieu ait son âme, s’il en avait.
 
Non, je compte, Mme, éviter toute espèce d’explications. Le
passé est mort d’apoplexie, que Dieu ait son âme, s’il en avait.
 
{{personnage|Prudence.|c}}
 
Allons ! vous êtes raisonnable, j’en suis enchantée.
 
{{personnageD|Armand|c|apercevant Gustave.}}
Ma chère Prudence, voici un de mes amis, à qui j’ai quelque chose à dire ; vous permettez !
 
Ma chère Prudence, voici un de mes amis, à qui j’ai quelque
chose à dire ; vous permettez !
 
{{personnage|Prudence.|c}}
 
Comment donc !
 
{{didascalie|Elle va au jeu.}}
 
Je fais dix francs !
 
==[[Page:Dumas fils - Théâtre complet, 1898 - Tome I.djvu/159]]==
<nowiki/>
 
 
{{scène|III}}
Ligne 525 ⟶ 392 :
 
{{personnage|Armand.|c}}
 
Enfin, tu as reçu ma lettre ?
 
{{personnage|gustaveGustave.|c}}
 
Oui, puisque me voilà,
 
{{personnage|Armand.|c}}
Tu t’es demandé pourquoi je t’ai prié de venir a une de ces soirées, qui sont si peu dans tes habitudes ?
 
{{personnage|Gustave.|c}}
Tu t’es demandé pourquoi je t’ai prié de venir a une de ces
soirées, qui sont si peu dans tes habitudes ?
 
{{personnage|gustave|c}}
 
Je l’avoue.
 
{{personnage|Armand.|c}}
 
Tu n’as pas vu Marguerite depuis longtemps ?
 
{{personnage|gustaveGustave.|c}}
 
Non ; pas depuis que je l’ai vue avec toi.
 
{{personnage|Armand.|c}}
 
Ainsi, tu ne sais rien ?
 
{{personnage|gustaveGustave.|c}}
 
Rien, instruis-moi.
 
{{personnage|Armand.|c}}
 
Tu croyais que Marguerite m’aimait, n’est-ce pas ?
 
{{personnage|gustaveGustave.|c}}
 
Je le crois encore.
 
{{personnageD|Armand|c|lui remettant la lettre de Marguerite.}}
{{personnage|Armand.|c}}
 
{{didascalie|lui remettant la lettre de Marguerite.}}
 
Lis !
 
{{personnage|gustaveGustave.|c}}
 
C’est Marguerite qui a écrit cela ?
 
{{personnage|Armand.|c}}
Elle-même
 
Elle-même
 
{{personnage|gusta
==[[Page:Dumas fils - Théâtre complet, 1898 - Tome I.djvu/160]]==
<nowiki/>
ve|c}}
 
{{personnage|Gustave.|c}}
Quand ?
 
{{personnage|Armand.|c}}
 
Il y a un mois.
 
{{personnage|gustaveGustave.|c}}
 
Qu’as-tu répondu à cette Lettre ?
 
{{personnage|Armand.|c}}
Que voulais-tu que je répondisse ? Le coup était si inattendu, que j’ai cru que j’allais devenir fou. Comprends-tu ? elle, Marguerite ! Me tromper, me tromper ! Moi qui l’aimais tant ! brusquement, au risque de me tuer sur le coup ! Oh ! ces filles n’ont pas d’âme. J’avais besoin d’une affection réelle pour m’aider à vivre après ce qui venait de se passer. Je me laissai conduire par mon père, comme une chose inerte. Nous arrivâmes à Tours. Je crus un instant que j’allais pouvoir y vivre, c’était impossible ; je ne dormais plus, j’étouffais. J’avais trop aimé cette femme, pour qu’elle pût ainsi me devenir indifférente ; il fallait ou que je l’aimasse, ou que je la haïsse ; enfin, je ne pus plus y tenir, il me sembla que j’allais mourir si je ne la revoyais pas, si je ne lui entendais pas dire à elle-même ce qu’elle m’avait écrit. Je voulais me sauver de l’amour par le mépris, effacer le passé sous la haine. Je suis venu ici, car elle y viendra. Ce qui va se passer, je n’en sais rien, mais il va évidemment se passer quelque chose, je puis avoir besoin d’un ami.
 
{{personnage|Gustave.|c}}
Que voulais-tu que je répondisse ? Le coup était si inattendu,
Je suis tout à toi, mon cher Armand ; mais au nom du Ciel, réfléchis, tu as affaire à une femme ; le mal qu’on fait à une femme ressemble fort à une lâcheté.
que j’ai cru que j’allais devenir fou. Comprends-tu ? elle, Marguerite ! Me tromper, me tromper ! Moi qui l’aimais tant !
brusquement, au risque de me tuer sur le coup ! Oh ! ces filles
n’ont pas d’âme. J’avais besoin d’une affection réelle pour m’aider à vivre après ce qui venait de se passer. Je me laissai conduire par mon père, comme une chose inerte. Nous arrivâmes
à Tours. Je crus un instant que j’allais pouvoir y vivre, c’était
impossible ; je ne dormais plus, j’étouffais. J’avais trop aimé
cette femme, pour qu’elle pût ainsi me devenir indifférente ; il
fallait ou que je l’aimasse, ou que je la haïsse ; enfin, je ne pus
plus y tenir, il me sembla que j’allais mourir si je ne la revoyais pas, si je ne lui entendais pas dire à elle-même ce
qu’elle m’avait écrit. Je voulais me sauver de l’amour par le
mépris, effacer le passé sous la haine. Je suis venu ici, car elle
y viendra. Ce qui va se passer, je n’en sais rien, mais il va évidemment se passer quelque chose, je puis avoir besoin d’un ami.
 
{{personnage|gustave|c}}
 
Je suis tout à toi, mon cher Armand ; mais au nom du Ciel,
réfléchis, tu as affaire à une femme ; le mal qu’on fait à une
femme ressemble fort à une lâcheté.
 
{{personnage|Armand.|c}}
Soit ! elle a un amant ; il m’en demandera raison. Si je fais une lâcheté, j’ai assez de sang pour la payer !
 
Soit ! elle a un amant ; il m’en demandera raison. Si je fais
une lâcheté, j’ai assez de sang pour la payer !
 
{{personnageD|un domestique|c|annonçant.}}
{{Mlle|Marguerite}} Gautier ! {{M.|le}} baron de Varville
 
==[[Page:Dumas fils - Théâtre complet, 1898 - Tome I.djvu/161]]==
{{Mlle|Marguerite}} Gauthier ! {{M.|le}} baron de Varville
<nowiki/>
 
{{personnage|Armand.|c}}
==[[Page:Dumas fils - Théâtre complet, 1898 - Tome I.djvu/161]]==
 
La voilà !
 
{{personnageD|Olympe|c|allant au-devant de Marguerite.}}
 
Comme tu arrives tard !
 
{{personnage|Varville.|c}}
 
Nous revenons de l’Opéra.
 
Ligne 639 ⟶ 470 :
 
{{personnageD|prudence|c|à Marguerite.}}
 
Cela va bien ?
 
{{personnage|Marguerite.|c}}
Oh ! très bien !
 
Oh ! très-bien !
 
{{personnage|Prudence.|c}}
 
Armand est ici.
 
{{personnage|Marguerite.|c}}
 
Armand !
 
{{personnage|Prudence.|c}}
 
Oui !
 
Ligne 661 ⟶ 487 :
 
{{personnage|Marguerite.|c}}
 
J’ai eu tort de venir à ce bal.
 
{{personnage|Prudence.|c}}
 
Pourquoi cela ?
 
{{personnage|Marguerite.|c}}
 
Vous me le demandez ?
 
{{personnage|Prudence.|c}}
 
Au contraire ; il faut qu’un jour ou l’autre vous vous retrouviez avec Armand, mieux vaut plus tôt que plus tard.
 
{{personnage|Marguerite.|c}}
 
Il vous a parlé ?
 
{{personnage|Prudence.|c}}
 
Oui.
 
{{personnage|Marguerit
==[[Page:Dumas fils - Théâtre complet, 1898 - Tome I.djvu/162]]==
<nowiki/>
e.|c}}
 
{{personnage|Marguerite.|c}}
De moi ?
 
{{personnage|Prudence.|c}}
 
Naturellement.
 
{{personnage|Marguerite.|c}}
 
Et il vous a dit ?
 
{{personnage|Prudence.|c}}
 
Qu’il ne vous en voulait pas, et que vous aviez bien fait.
 
{{personnage|Marguerite.|c}}
Tant mieux, si cela est ; mais il est impossible que cela soit : il m’a salué trop froidement, et il est trop pâle.
 
Tant mieux, si cela est ; mais il est impossible que cela soit :
il m’a salué trop froidement, et il est trop pâle.
 
{{personnageD|Varville|c|bas à Marguerite.}}
 
{{M.|Duval}} est là, Marguerite.
 
{{personnage|Marguerite.|c}}
 
Je le sais.
 
{{personnage|Varville.|c}}
Vous me jurez que vous ignoriez sa présence ici quand vous y êtes venue ?
 
Vous me jurez que vous ignoriez sa présence ici quand vous
y êtes venue ?
 
{{personnage|Marguerite.|c}}
 
Je vous le jure.
 
{{personnage|Varville.|c}}
 
Alors, promettez-moi de ne pas lui parler.
 
{{personnage|Marguerite.|c}}
Je vous le promets ; mais je ne puis pas vous promettre de ne pas lui répondre, s’il me parle. Prudence, reste auprès de moi.
 
Je vous le promets ; mais je ne puis pas vous promettre de
ne pas lui répondre, s’il me parle. Prudence, reste auprès de
moi.
 
{{personnageD|Le docteur|c|à Marguerite.}}
 
Bonsoir, madame.
 
{{personnage|Marguerite.|c}}
 
Ah ! c’est vous, docteur. Comme vous me regardez !
 
{{personnage|Le docteur.|c}}
Je crois que c’est ce que j’ai de mieux à faire, quand je suis en face de vous.
 
Je crois que c’est ce que j’ai de mieux à faire, quand je suis
en face de vous.
 
{{personnage|Marguerit
==[[Page:Dumas fils - Théâtre complet, 1898 - Tome I.djvu/163]]==
<nowiki/>
e.|c}}
 
{{personnage|Marguerite.|c}}
Vous me trouvez changée, n’est-ce pas ?
 
{{personnage|Le docteur.|c}}
Soignez-vous, madame, soignez-vous, je vous en prie. J’irai vous voir demain, pour vous gronder à mon aise.
 
Soignez-vous, madame, soignez-vous, je vous en prie.
J’irai vous voir demain, pour vous gronder à mon aise.
 
{{personnage|Marguerite.|c}}
C’est cela ! grondez-moi, je vous aimerai bien. Est-ce que vous vous en allez déjà ?
 
C’est cela ! grondez-moi, je vous aimerai bien. Est-ce que
vous vous en allez déjà ?
 
{{personnage|Le docteur.|c}}
Non, mais cela ne tardera pas ; j’ai le même malade à voir tous les jours à la même heure, depuis six mois.
 
Non, mais cela ne tardera pas ; j’ai le même malade à voir
tous les jours à la même heure, depuis six mois.
 
{{personnage|Marguerite.|c}}
 
Quelle fidélité !
 
{{didascalie|Il lui serre la main et s’éloigne.}}
 
{{personnage|gustaveGustave.|c}}
 
Bonjour, Marguerite.
 
{{personnage|Marguerite.|c}}
Oh ! que je suis heureuse de vous voir, mon bon Gustave ! Est-ce que Nichette est là ?
 
{{personnage|Gustave.|c}}
Oh ! que je suis heureuse de vous voir, mon bon Gustave !
Est-ce que Nichette est là ?
 
{{personnage|gustave|c}}
 
Non.
 
{{personnage|Marguerite.|c}}
Pardon ! Nichette ne doit pas venir ici. — Aimez-la bien, Gustave ; c’est si doux d’être aimé !
 
Pardon ! Nichette ne doit pas venir ici. — Aimez-la bien,
Gustave ; c’est si doux d’être aimé !
 
{{didascalie|Elle essuie ses yeux.}}
 
{{personnage|gustaveGustave.|c}}
 
Qu’avez-vous donc, Marguerite ?
 
{{personnage|Marguerite.|c}}
 
Oh ! mon bon Gustave, je suis bien malheureuse, allez !
 
{{personnage|gustaveGustave.|c}}
 
Voyons, ne pleurez pas ! Pourquoi êtes-vous venue ?
 
{{personnage|Marguerit
==[[Page:Dumas fils - Théâtre complet, 1898 - Tome I.djvu/164]]==
<nowiki/>
e.|c}}
 
{{personnage|Marguerite.|c}}
Est-ce que je suis ma maîtresse ? et, d’ailleurs, est-ce qu’il
Est-ce que je suis ma maîtresse ? et, d’ailleurs, est-ce qu’il ne faut pas que je m’étourdisse ?
 
{{personnage|gustave|c}}
 
{{personnage|Gustave.|c}}
Eh bien ! si vous m’en croyez, quittez ce bal bientôt.
 
{{personnage|Marguerite.|c}}
 
pourquoi ?
 
{{personnage|gustaveGustave.|c}}
 
Parce qu’on ne sait pas ce qui peut arriver… Armand…
 
{{personnage|Marguerite.|c}}
 
Armand me hait et me méprise, n’est-ce pas ?
 
{{personnage|gustaveGustave.|c}}
Non, mais Armand vous aime. Voyez comme il est pale ; il n’est pas maître de lui-même, il pourrait y avoir une affaire entre lui et {{M.|de}} Varville. Prétextez une indisposition, et partez.
 
Non, mais Armand vous aime. Voyez comme il est pale ; il
n’est pas maître de lui-même, il pourrait y avoir une affaire
entre lui et {{M.|de}} Varville. Prétextez une indisposition, et
partez.
 
{{personnage|Marguerite.|c}}
 
Un duel pour moi, entre Varville et Armand ! Oh ! c’est impossible. Vous avez raison, Gustave, je vais partir.
 
Ligne 843 ⟶ 619 :
 
{{personnageD|Varville|c|s’approchant d’elle.}}
 
Où allez-vous, Marguerite ?
 
{{personnage|Marguerite.|c}}
 
Mon ami, je suis souffrante, et désire me retirer.
 
{{personnage|Varville.|c}}
Non, vous n’êtes pas souffrante, Marguerite vous voulez vous retirer, parce que M. Duval est là, et qu’il ne paraît pas faire attention à vous ; mais vous comprenez que moi, je ne veux ni ne dois jouer un rôle ridicule, en quittant l’endroit où il sera. Vous avez voulu venir à ce bal, vous y êtes, restez-y.
 
Non, vous n’êtes pas souffrante, Marguerite vous voulez vous
retirer, parce que M. Duval est là, et qu’il ne paraît pas
faire attention à vous ; mais vous comprenez que moi, je ne
veux ni ne dois jouer un rôle ridicule, en quittant l’endroit
où il sera. Vous avez voulu venir à ce bal, vous y êtes, restez-y.
 
{{personnageD|Olympe|c|à Marguerite.}}
 
Qu’est-ce qu’on jouait ce soir à l’Opéra ?
 
{{personnage|Varv
==[[Page:Dumas fils - Théâtre complet, 1898 - Tome I.djvu/165]]==
<nowiki/>
ille.|c}}
 
{{personnage|Varville.|c}}
La Favorite.
 
{{personnage|Armand.|c}}
 
L’histoire d’une femme qui trompe son amant.
 
{{personnage|Prudence.|c}}
 
Oh ! que c’est commun !
 
{{personnage|anaïsAnaïs.|c}}
C’est-à-dire que ce n’est pas vrai ; il n’y a pas de femme qui trompe son amant.
 
C’est-à-dire que ce n’est pas vrai ; il n’y a pas de femme qui
trompe son amant.
 
{{personnage|Armand.|c}}
 
Oh ! je vous réponds qu’il y en a.
 
{{personnage|anaïsAnaïs.|c}}
 
Où ça donc ?
 
{{personnage|Armand.|c}}
 
Partout.
 
{{personnage|Olympe.|c}}
 
Oui, mais il y a amant et amant.
 
{{personnage|Armand.|c}}
 
Comme il y a femme et femme.
 
{{personnage|Gaston.|c}}
 
Ah çà ! mon cher Armand, tu joues un jeu d’enfer.
 
{{personnage|Armand.|c}}
C’est pour voir si le proverbe est vrai, « Malheureux en amour, heureux au jeu.
 
C’est pour voir si le proverbe est vrai, « Malheureux en
amour, heureux au jeu.
 
{{personnage|Gaston.|c}}
Ah ! tu dois être crânement malheureux en amour, car tu es crânement heureux au jeu.
 
Ah ! tu dois être crânement malheureux en amour, car tu es
crânement heureux au jeu.
 
{{personnage|Armand.|c}}
 
Mon cher, je compte faire ma fortune ce soir, et quand j’aurai gagné beaucoup d’argent, je m’en irai vivre à la campagne.
 
{{personnage|O
==[[Page:Dumas fils - Théâtre complet, 1898 - Tome I.djvu/166]]==
<nowiki/>
lympe.|c}}
 
{{personnage|Olympe.|c}}
Seul ?
 
{{personnage|Armand.|c}}
Non, avec quelqu’un qui m’y a déjà accompagné une fois, et qui m’a quitté. Peut-être quand je serai plus riche…
 
Non, avec quelqu’un qui m’y a déjà accompagné une fois, et
qui m’a quitté. Peut-être quand je serai plus riche…
 
{{didascalie|À part.}}
 
Elle ne répondra donc rien !
 
{{personnage|gustaveGustave.|c}}
 
Tais-toi, Armand, vois dans quel état est cette pauvre fille.
 
{{personnage|Armand.|c}}
C’est une bonne histoire ; il faut que je vous la raconte. Il y a là-dedans un monsieur qui apparaît à la fin, une espèce de Deus ex machina, qui est un type adorable.
 
C’est une bonne histoire ; il faut que je vous la raconte. Il y
a là-dedans un monsieur qui apparaît à la fin, une espèce de
Deus ex machina, qui est un type adorable.
 
{{personnageD|Varville|c|s’avançant.}}
 
Monsieur !
 
{{personnage|Marguerite.|c}}
Varville, si vous provoquez {{M.|Duval}} vous me revoyez de votre vie.
 
Varville, si vous provoquez {{M.|Duval}} vous me renvoyez de
votre vie.
 
{{personnageD|Armand|c|à Varville.}}
 
Ne me parlez-vous pas, monsieur ?
 
{{personnage|Varville.|c}}
En effet, monsieur ; vous êtes si heureux au jeu que votre veine me tente, et je comprends si bien l’emploi que vous voulez faire de votre gain, que j’ai hâte de vous voir gagner davantage et vous propose une partie.
 
En effet, monsieur ; vous êtes si heureux au jeu que votre
veine me tente, et je comprends si bien l’emploi que vous voulez faire de votre gain, que j’ai hâte de vous voir gagner davantage et vous propose une partie.
 
{{personnage|Armand.|c}}
 
Que j’accepte de grand cœur, monsieur.
 
{{personnage|Varville.|c}}
 
Je tiens cent louis, monsieur.
 
{{personnage|Armand.|c}}
 
Va pour cent louis ! de quel côté, monsieur ?
 
{{personnage|Varville.|c}}
 
Du côté que vous ne prendrez pas.
 
{{personnage|
==[[Page:Dumas fils - Théâtre complet, 1898 - Tome I.djvu/167]]==
<nowiki/>
Armand.|c}}
 
{{personnage|Armand.|c}}
Cent louis à gauche.
 
{{personnage|Varville.|c}}
 
Cent louis à droite.
 
{{personnage|Armand.|c}}
 
Tirez les cartes.
 
{{personnage|Gaston.|c}}
 
À droite, quatre, à gauche, neuf. Armand a gagné !
 
{{personnage|Varville.|c}}
 
Deux cents louis, alors.
 
{{personnage|Armand.|c}}
Va pour deux cents louis ; mais prenez garde, monsieur, si le proverbe dit : « Malheureux en amour, heureux au jeu, il dit aussi : Heureux en amour, malheureux au jeu. »
 
Va pour deux cents louis ; mais prenez garde, monsieur, si le
proverbe dit : « Malheureux en amour, heureux au jeu, il dit
aussi : Heureux en amour, malheureux au jeu. »
 
{{personnage|Gaston.|c}}
 
Six ! huit ! c’est encore Armand qui gagne.
 
{{personnage|Olympe.|c}}
 
Allons ! c’est le baron qui payera la campagne de {{M.|Duval}}.
 
{{personnage|Marguerite.|c}}
 
Mon Dieu, mon Dieu, que va-t-il se passer ?
 
{{personnage|Olympe.|c}}
 
Allons, messieurs, à table, le souper est servi.
 
{{personnage|Armand.|c}}
 
Continuons-nous la partie, monsieur ?
 
{{personnage|Varville.|c}}
 
Non, pas en ce moment.
 
{{personnage|Armand.|c}}
Je vous dois une revanche, je vous la promets au jeu que vous choisirez.
 
Je vous dois une revanche, je vous la promets au jeu que
vous choisirez.
 
{{personnage|Varville.|c}}
 
Soyez tranquille, monsieur, je profiterai de votre bonne volonté !
 
{{personnageD|Olympe|c|
==[[Page:Dumas fils - Théâtre complet, 1898 - Tome I.djvu/168]]==
<nowiki/>
prenant le bras d’Armand.}}
 
{{personnageD|Olympe|c|prenant le bras d’Armand.}}
Tu as une rude veine, toi.
 
{{personnage|Armand.|c}}
 
Ah ! tu me tutoies quand je regagne.
 
{{personnage|Varville.|c}}
 
Venez-vous, Marguerite ?
 
{{personnage|Marguerite.|c}}
 
Pas encore, j’ai quelques mots à dire à Prudence.
 
{{personnage|Varville.|c}}
Si dans dix minutes vous n’êtes pas venue nous rejoindre, je reviens vous chercher ici, Marguerite, je vous en préviens.
 
Si dans dix minutes vous n’êtes pas venue nous rejoindre, je
reviens vous chercher ici, Marguerite, je vous en préviens.
 
{{personnage|Marguerite.|c}}
 
C’est bien, allez !
 
Ligne 1 072 ⟶ 786 :
 
{{personnage|Marguerite.|c}}
Allez retrouver Armand, et, au nom de ce qu’il a de plus sacré, priez-le de venir m’entendre, il faut que je lui parle.
 
Allez retrouver Armand, et, au nom de ce qu’il a de plus
sacré, priez-le de venir m’entendre, il faut que je lui parle.
 
{{personnage|Prudence.|c}}
 
Et s’il refuse ?
 
{{personnage|Marguerite.|c}}
Il ne me refusera pas, il me déteste trop pour ne pas saisir l’occasion de me le dire… Allez !
 
Il ne me refusera pas, il me déteste trop pour ne pas saisir
l’occasion de me le dire… Allez !
 
 
Ligne 1 090 ⟶ 799 :
{{Acteurs|MARGUERITE, seule.|n}}
 
Voyons, tâchons d’être calme, il faut qu’il continue de croire ce qu’il croit. Aurai-je la force de tenir la promesse que
ce qu’il croit. Aurai-je la force de tenir la promesse que
==[[Page:Dumas fils - Théâtre complet, 1898 - Tome I.djvu/169]]==
j’ai faite à {{M.|Duval}} ? Mon Dieu ! faites qu’il me méprise et me haïsse, puisque c’est le seul moyen d’empêcher un malheur… Le voici !
voici !
 
 
Ligne 1 102 ⟶ 809 :
 
{{personnage|Armand.|c}}
 
Vous m’avez fait demander, madame ?
 
{{personnage|Marguerite.|c}}
 
Oui, Armand, j’ai à vous parler.
 
{{personnage|Armand.|c}}
 
Parlez, je vous écoute. Vous allez vous disculper ?
 
{{personnage|Marguerite.|c}}
 
Non, Armand, il ne sera pas question de cela, je vous supplierai même de ne plus revenir sur le passé.
 
{{personnage|Armand.|c}}
 
Vous avez raison, madame, il y a trop de honte pour vous.
 
{{personnage|Marguerite.|c}}
Oh ! ne m’accablez pas, Armand. Voyez comme je suis pâle et faible : je suis à moitié morte, je ne puis me défendre contre vous, et je le pourrais que je ne le ferais pas… Écoutez-moi donc sans haine, sans colère, sans mépris. Voyons, Armand, donnez-moi votre main.
 
Oh ! ne m’accablez pas, Armand. Voyez comme je suis pâle
et faible : je suis à moitié morte, je ne puis me défendre contre vous, et je le pourrais que je ne le ferais pas… Ecoutez-moi
donc sans haine, sans colère, sans mépris. Voyons, Armand,
donnez-moi votre main.
 
{{personnage|Armand.|c}}
Non, madame, non, jamais ! Et si c’est là tout ce que vous aviez à me dire…
 
Non, madame, non, jamais ! Et si c’est là tout ce que vous
aviez à me dire…
 
{{didascalie|Il fait mine de se retirer.}}
 
{{personnage|Marguerite.|c}}
Aurais-je jamais cru que vous repousseriez la main que je vous tendrais ! Mais ce n’est pas de cela qu’il s’agit, Armand, il faut que vous repartiez.
 
Aurais-je jamais cru que vous repousseriez la main que je
vous tendrais ! Mais ce n’est pas de cela qu’il s’agit, Armand, il
faut que vous repartiez.
 
{{personnage|Armand.|c}}
 
Que je reparte ?
 
{{personnage|Margue
==[[Page:Dumas fils - Théâtre complet, 1898 - Tome I.djvu/170]]==
<nowiki/>
rite.|c}}
 
{{personnage|Marguerite.|c}}
Oui ! que vous retourniez auprès de votre père, et cela tout
Oui ! que vous retourniez auprès de votre père, et cela tout de suite.
de suite.
 
{{personnage|Armand.|c}}
 
Et pourquoi, madame ?
 
{{personnage|Marguerite.|c}}
Parce que {{M.|de}} Varville va vous provoquer, et que je ne veux pas qu’il arrive un malheur pour moi. Je veux être seule à souffrir.
 
Parce que {{M.|de}} Varville va vous provoquer, et que je ne veux
pas qu’il arrive un malheur pour moi. Je veux être seule à
souffrir.
 
{{personnage|Armand.|c}}
Ainsi vous me conseillez de fuir une provocation ! Vous me conseillez une lâcheté ! Quel autre conseil en effet pourrait donner une femme comme vous ?
 
Ainsi vous me conseillez de fuir une provocation ! Vous me
conseillez une lâcheté ! Quel autre conseil en effet pourrait
donner une femme comme vous ?
 
{{personnage|Marguerite.|c}}
Armand, je vous jure que depuis un mois j’ai tant souffert, que c’est à peine si j’ai la force de le dire ; je sens bien le mal qui augmente et me brûle. Au nom de notre amour passé, au nom de ce que je souffrirai encore, Armand, au nom de votre mère et de votre sœur, fuyez-moi, retournez auprès de votre père et oubliez jusqu’à mon nom, si vous pouvez.
 
Armand, je vous jure que depuis un mois j’ai tant souffert,
que c’est à peine si j’ai la force de le dire ; je sens bien le mal qui augmente et me brûle. Au nom de notre amour passé, au
nom de ce que je souffrirai encore, Armand, au nom de votre
mère et de votre sœur, fuyez-moi, retournez auprès de votre
père et oubliez jusqu’à mon nom, si vous pouvez.
 
{{personnage|Armand.|c}}
Ah ! oui ! je comprends, madame, vous tremblez pour votre amant qui représente votre fortune. Je puis vous ruiner d’un coup de pistolet ou d’un coup d’épée. Ce serait là, en effet, un grand malheur.
 
Ah ! oui ! je comprends, madame, vous tremblez pour votre
amant qui représente votre fortune. Je puis vous ruiner d’un
coup de pistolet ou d’un coup d’épée. Ce serait là, en effet, un
grand malheur.
 
{{personnage|Marguerite.|c}}
 
Vous pouvez être tué, Armand, voilà le malheur véritable !
 
{{personnage|Armand.|c}}
 
Que vous importe que je vive ou que je meure ! Avez-vous eu cette crainte, quand vous m’avez écrit : Armand, oubliez-moi, je suis la maîtresse d’un autre ? Que vous importait alors que je mourusse de
eu cette crainte, quand vous m’avez écrit : Armand, oubliezmoi, je suis la maîtresse d’un autre ? Que vous importait alors
que je mourusse de
==[[Page:Dumas fils - Théâtre complet, 1898 - Tome I.djvu/171]]==
cet amour ! Si je ne suis pas mort, madame, c’est qu’il me restait à me venger. Ah ! vous avez cru que cela se passerait ainsi ! que vous me briseriez le cœur, et que je ne m’en prendrais ni à vous, ni à votre complice ! Non, madame, non. Je suis revenu à Paris, c’est entre {{M.|de}} Varville et moi une question de vie ou de mort ; dussiez-vous en mourir aussi, je le tuerai, je vous le jure.
cet amour ! Si je ne suis pas mort, madame,
c’est qu’il me restait à me venger. Ah ! vous avez cru que
cela se passerait ainsi ! que vous me briseriez le cœur, et que
je ne m’en prendrais ni à vous, ni à votre complice ! Non, madame, non. Je suis revenu à Paris, c’est entre {{M.|de}} Varville et
moi une question de vie ou de mort ; dussiez-vous en mourir
aussi, je le tuerai, je vous le jure.
 
{{personnage|Marguerite.|c}}
 
{{M.|de}} Varville est innocent de tout ce qui se passe, Armand !
 
{{personnage|Armand.|c}}
 
Vous l’aimez, madame ! c’est assez, pour que je le haïsse.
 
{{personnage|Marguerite.|c}}
Et vous savez bien que je n’aime pas… que je ne puis aimer cet homme !
 
Et vous savez bien que je n’aime pas… que je ne puis aimer
cet homme !
 
{{personnage|Armand.|c}}
 
Alors, pourquoi vous êtes-vous donnée à lui, madame ?
 
{{personnage|Marguerite.|c}}
Au nom du Ciel, ne me le demandez pas, Armand ! Je ne puis le dire.
 
Au nom du Ciel, ne me le demandez pas, Armand ! Je ne
puis le dire.
 
{{personnage|Armand.|c}}
Eh bien ! je vais vous le dire, moi. Vous vous êtes donnée à lui, parce que vous êtes une fille sans cœur et sans loyauté, parce que votre amour appartient à qui le paye, et que vous avez fait une marchandise de votre cœur. Parce qu’en vous trouvant en face du sacrifice que vous alliez me faire, le courage vous a manqué, et que vos instincts ont repris le dessus ; parce qu’enfin, cet homme qui vous dévouait sa vie, qui vous livrait son honneur, ne valait pas pour vous les chevaux de votre voiture et les diamants de votre cou.
 
Eh bien ! je vais vous le dire, moi. Vous vous êtes donnée
à lui, parce que vous êtes une fille sans cœur et sans loyauté,
parce que votre amour appartient à qui le paye, et que vous
avez fait une marchandise de votre cœur. Parce qu’en vous
trouvant en face du sacrifice que vous alliez me faire, le courage vous a manqué, et que vos instincts ont repris le dessus ;
parce qu’enfin, cet homme qui vous dévouait sa vie, qui vous
livrait son honneur, ne valait pas pour vous les chevaux de
votre voiture et les diamants de votre cou.
 
{{personnage|Marguerite.|c}}
 
Eh bien ! oui, j’ai fait tout cela. Oui, je suis une infâme
==[[Page:Dumas fils - Théâtre complet, 1898 - Tome I.djvu/172]]==
et misérable créature, qui ne t’aimais pas ; je t’ai trompé. Mais plus je suis infâme, moins tu dois te souvenir de moi, moins tu dois exposer pour moi ta vie et la vie de ceux qui t’aiment. Armand, à genoux, je t’en supplie ; pars, quitte Paris, et ne regarde pas en arrière.
et
misérable créature, qui ne t’aimais pas ; je t’ai trompé. Mais
plus je suis infâme, moins tu dois te souvenir de moi, moins
tu dois exposer pour moi ta vie et la vie de ceux qui t’aiment.
Armand, à genoux, je t’en supplie ; pars, quitte Paris, et ne
regarde pas en arrière.
 
{{personnage|Armand.|c}}
 
Je le veux bien, mais à une condition.
 
{{personnage|Marguerite.|c}}
 
Dis vite, Armand, et quelle qu’elle soit, je l’accepte.
 
{{personnage|Armand.|c}}
 
Tu partiras avec moi.
 
{{personnageD|Marguerite|c|reculant.}}
 
Jamais !
 
{{personnage|Armand.|c}}
 
Jamais !
 
{{personnage|Marguerite.|c}}
 
Oh ! mon Dieu ! donnez-moi le courage !
 
{{personnage|Armand.|c}}
Écoute, Marguerite ; je suis fou, j’ai la fièvre, mon sang brûle, mon cerveau bout ; je suis dans un de ces états où l’homme est capable de tout, même d’une infamie. J’ai cru un moment que c’était la haine qui me poussait vers toi ; c’était l’amour, amour invincible, irritant, haineux, augmenté de remords, de mépris et de honte, car je me méprise de le ressentir encore, après ce qui s’est passé. Eh bien ! dis-moi un mot de repentir, rejette ta faute sur le hasard, sur la fatalité, sur ta faiblesse, et j’oublierai tout. Que m’importe cet homme ? je ne le hais que si tu l’aimes. Dis-moi seulement que tu m’aimes encore, je te pardonnerai, Marguerite ; nous fuirons Paris, c’est-à-dire le passé ; nous irons au bout de la terre s’il le faut, jusqu’à ce que nous ne rencontrions plus un visage humain, et que nous soyons seuls dans le monde avec notre amour.
 
==[[Page:Dumas fils - Théâtre complet, 1898 - Tome I.djvu/173]]==
Ecoute, Marguerite ; je suis fou, j’ai la fièvre, mon sang
<nowiki/>
brûle, mon cerveau bout ; je suis dans un de ces états où
l’homme est capable de tout, même d’une infamie. J’ai cru un
moment que c’était la haine qui me poussait vers toi ; c’était
l’amour, amour invincible, irritant, haineux, augmenté de
remords, de mépris et de honte, car je me méprise de le ressentir encore, après ce qui s’est passé. Eh bien ! dis-moi un
mot de repentir, rejette ta faute sur le hasard, sur la fatalité,
sur ta faiblesse, et j’oublierai tout. Que m’importe cet homme ?
je ne le hais que si tu l’aimes. Dis-moi seulement que tu
m’aimes encore, je te pardonnerai, Marguerite ; nous luirons
Paris, c’est-à-dire le passé ; nous irons au bout de la terre s’il
le faut, jusqu’à ce que nous ne rencontrions plus un visage
humain, et que nous soyons seuls dans le monde avec notre
amour.
 
{{personnage|Marguerite.|c}}
Armand, je donnerais ma vie pour une journée du bonheur que tu me proposes, mais ce bonheur est impossible.
==[[Page:Dumas fils - Théâtre complet, 1898 - Tome I.djvu/173]]==
 
Armand, je donnerais ma vie pour une journée du bonheur
que tu me proposes, mais ce bonheur est impossible.
 
{{personnage|Armand.|c}}
 
Encore !
 
{{personnage|Marguerite.|c}}
Un abîme nous sépare, nous serions trop malheureux. Nous ne pouvons plus nous aimer ; pars, oublie-moi, il le faut, je l’ai juré.
 
Un abîme nous sépare, nous serions trop malheureux. Nous
ne pouvons plus nous aimer ; pars, oublie-moi, il le faut, je l’ai
juré.
 
{{personnage|Armand.|c}}
 
À qui ?
 
{{personnage|Marguerite.|c}}
 
À qui avait le droit de demander ce serment.
 
{{personnage|Armand.|c}}
 
À {{M.|de}} Varville, n’est-ce pas ?
 
{{personnage|Marguerite.|c}}
 
Oui.
 
{{personnage|Armand.|c}}
À {{M.|de}} Varville que vous aimez ; dites-moi que vous l’aimez, et je pars.
 
À {{M.|de}} Varville que vous aimez ; dites-moi que vous l’aimez,
et je pars.
 
{{personnage|Marguerite.|c}}
 
Eh bien ! oui, j’aime {{M.|de}} Varville.
 
{{personnageD|Armand|c|courant au fond et ouvrant violemment la porte.}}
 
Entrez tous.
 
{{personnage|Marguerite.|c}}
 
Que faites-vous ?
 
{{personnage|Armand.|c}}
 
Vous allez voir.
 
Ligne 1 342 ⟶ 954 :
Vous voyez bien cette femme.
 
{{personnage|Tous.|c}}
 
Marguerite GauthierGautier !…
 
{{personnage|Arman
==[[Page:Dumas fils - Théâtre complet, 1898 - Tome I.djvu/174]]==
<nowiki/>
d.|c}}
 
{{personnage|Armand.|c}}
Oui ! Marguerite Gauthier. Savez-vous ce qu’elle a fait ?
Oui ! Marguerite Gautier. Savez-vous ce qu’elle a fait ?
 
{{personnage|Quelques voix.|c}}
 
Non !
 
{{personnage|Armand.|c}}
 
Elle a vendu ses chevaux, ses voitures et ses diamants pour vivre avec moi, tant elle m’aimait. Cela est beau, n’est-ce pas ? Eh bien ! savez-vous ce que j’ai fait, moi ? Je me suis conduit comme un misérable. J’ai accepté ce sacrifice sans lui rien donner en échange. Mais, il n’est pas trop tard, je me repens et je reviens pour réparer tout cela. Vous êtes tous témoins que j’ai payé cette femme, que je ne lui dois plus, moi.
Elle a vendu ses chevaux, ses voitures et ses diamants pour
vivre avec moi, tant elle m’aimait. Cela est beau, n’est-ce pas ?
Eh bien ! savez-vous ce que j’ai fait, moi ? Je me suis conduit
comme un misérable. J’ai accepté ce sacrifice sans lui rien
donner en échange. Mais, il n’est pas trop tard, je me repens
et je reviens pour réparer tout cela. Vous êtes tous témoins
que j’ai payé cette femme, que je ne lui dois plus, moi.
 
{{didascalie|Il jette des billets de banque et de l’or à Marguerite.}}
 
{{personnageD|Marguerite|c|poussant un cri et tombant à la renverse.}}
 
Ah !
 
{{personnageD|Varville|c|à Armand.}}
 
Décidément, monsieur, vous êtes un lâche.
 
{{didascalie|Le docteur se précipite au sesecours de Marguerite.}}
=== no match ===
cours de Marguerite.}}