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fleur en sa saison. Le soleil n’est pas plus libre qu’un fruit mûr.<includeonly><div style="page-break-before: always"></div>[[File:Apollinaire - L’enchanteur pourrissant, p87nb.png|centré|500px|Bandeaux, lettrines et illustrations de L’enchanteur pourrissant.]]
fleur en sa saison. Le soleil n’est pas plus libre qu’un fruit mûr.<includeonly><div style="page-break-before: always"></div>[[File:Apollinaire - L’enchanteur pourrissant, p87nb.png|centré|500px|Bandeaux, lettrines et illustrations de L’enchanteur pourrissant.]]
<div style="page-break-after: always"></div></includeonly> Un troupeau d’arbres broutait les étoiles invisibles et l’aurore donnait la main à la tempête. Dans les myrtaies, on subissait l’influence de l’ombre. Tout un peuple entassé dans un pressoir saignait en chantant. Des hommes naquirent de la liqueur qui coulait du pressoir. Ils brandissaient d’autres fleuves qui s’entrechoquaient avec un bruit argentin. Les ombres sortirent des myrtaies et s’en allèrent dans les jardinets qu’arrosait un sourgeon d’yeux d’hommes et de bêtes. Le plus beau des hommes me prit à la gorge, mais je parvins à le terrasser. À genoux, il me montra les dents. Je les touchait ; il en sortit des sons qui se changèrent en serpents de la couleur des châtaignes et leur langue s’appelait Sainte-Fabeau. Ils déterrèrent une racine transparente et en mangèrent. Elle était de la grosseur d’une rave. Et mon fleuve au repos les surbaigna sans les noyer. Le ciel était plein de fèces et d’oignons. Je maudissais les astres indignes dont la clarté coulait sur la terre. Nulle créature vivante n’apparaissait plus. Mais des chants s’élevaient de toutes parts. Je visitai des villes vides et des chaumières abandonnées. Je ramassai les couronnes de tous les rois et en fis le ministre immobile du monde loquace. Des vaisseaux d’or, sans matelots, passaient à l’horizon. Des ombres gigantesques se profilaient sur les voiles lointaines. Plusieurs siècles me séparaient de ces ombres. Je me
<div style="page-break-after: always"></div></includeonly> Un troupeau d’arbres broutait les étoiles invisibles et l’aurore donnait la main à la tempête. Dans les myrtaies, on subissait l’influence de l’ombre. Tout un peuple entassé dans un pressoir saignait en chantant. Des hommes naquirent de la liqueur qui coulait du pressoir. Ils brandissaient d’autres fleuves qui s’entrechoquaient avec un bruit argentin. Les ombres sortirent des myrtaies et s’en allèrent dans les jardinets qu’arrosait un sourgeon d’yeux d’hommes et de bêtes. Le plus beau des hommes me prit à la gorge, mais je parvins à le terrasser. À genoux, il me montra les dents. Je les touchait ; il en sortit des sons qui se changèrent en serpents de la couleur des châtaignes et leur langue s’appelait Sainte-Fabeau. Ils déterrèrent une racine transparente et en mangèrent. Elle était de la grosseur d’une rave. Et mon fleuve au repos les surbaigna sans les noyer. Le ciel était plein de fèces et d’oignons. Je maudissais les astres indignes dont la clarté coulait sur la terre. Nulle créature vivante n’apparaissait plus. Mais des chants s’élevaient de toutes parts. Je visitai des villes vides et des chaumières abandonnées. Je ramassai les couronnes de tous les rois et en fis le ministre immobile du monde loquace. Des vaisseaux d’or, sans matelots, passaient à l’horizon. Des ombres gigantesques se profilaient sur les voiles lointaines. Plusieurs siècles me séparaient de ces ombres. Je me désespérai.
<poem style="text-align:center">désespérai. Mais, j’avais la conscience des éternités différentes
<poem style="text-align:center;">Mais, j’avais la conscience des éternités différentes de
l’homme et de la femme. Des ombres dissemblables

de l’homme et de la femme. Des ombres dissemblables

assombrissaient de leur amour l’écarlate
assombrissaient de leur amour l’écarlate

des voilures, tandis que mes yeux se
des voilures, tandis que mes yeux se

multipliaient dans les fleuves,
multipliaient dans les fleuves,

dans les villes et dans la
dans les villes et dans la

neige des montagnes.</poem>
neige des montagnes.</poem>