« Souvenir (Maupassant, 1882) » : différence entre les versions

Contenu supprimé Contenu ajouté
marqué pour match
Phe-bot (discussion | contributions)
m Ernest-Mtl: match
Ligne 10 :
<br />''[[Gil Blas]]'', 16 février 1882}}
 
 
==__MATCH__:[[Page:Maupassant - Souvenir (extrait de Gil Blas, édition du 1882-02-16).djvu/5]]==
 
{{t3|SOUVENIR}}
Ligne 24 ⟶ 25 :
Depuis trois mois, comme une mer débordée, l’invasion entrait partout. C’étaient de grands flots d’hommes qui arrivaient les uns après les autres, jetant autour d’eux une écume de maraudeurs.
 
Quant à nous, réduits à deux cents francs-tireurs, de huit cents que nous étions un mois auparavant, nous battions en retraite, entourés d’ennemis, cernés, perdus. Il nous fallait, avant le lendemain, gagner Blainville où nous espérions encore trouver le général C… Si nous ne parvenions
==[[Page:Maupassant - Souvenir (extrait de Gil Blas, édition du 1882-02-16).djvu/6]]==
dans la nuit à faire les douze lieues qui nous séparaient de la ville ; ou bien si la division française était éloignée, plus d’espoir !
 
On ne pouvait marcher le jour, la campagne étant pleine de Prussiens.
Ligne 36 ⟶ 39 :
La blanche poussière descendant des nuages nous vêtait entièrement, ne fondait plus sur les képis ni sur les capotes, faisait de nous des fantômes, comme les spectres de soldats morts.
 
Parfois on se reposait quelques minutes. Alors on n’entendait plus que ce glissement vague de la neige qui tombe, cette rumeur presque insaisissable que fait l’emmêlementl’
==[[Page:Maupassant - Souvenir (extrait de Gil Blas, édition du 1882-02-16).djvu/7]]==
emmêlement des flocons. Quelques hommes se secouaient, d’autres ne bougeaient point. Puis un ordre circulait à voix basse. Les fusils remontaient sur les épaules, et, d’une allure exténuée, on se remettait en marche.
 
Soudain, les éclaireurs se replièrent. Quelque chose les inquiétait. Le mot « halte ! » circula. C’était un grand bois, devant nous. Six hommes partirent pour le reconnaître. On attendit dans un silence morne. Et tout à coup un cri aigu, un cri de femme, cette déchirante et vibrante note qu’elles jettent dans leurs épouvantes, traversa la nuit épaissie par la neige.
Ligne 66 ⟶ 71 :
— Pourquoi ?
 
— Douze uhlans ont passé ce soir. Ils ont fusillé trois gardes et pendu le jardinier. Moi, j’ai eu peur pour la petite.
==[[Page:Maupassant - Souvenir (extrait de Gil Blas, édition du 1882-02-16).djvu/8]]==
fusillé trois gardes et pendu le jardinier. Moi, j’ai eu peur pour la petite.
 
— Où allez-vous ?
Ligne 94 ⟶ 101 :
Le capitaine s’attendrit : « Nom de Dieu ! c’est gentil, ça. Allons, les enfants, qui est-ce qui prête sa capote maintenant ? C’est pour une femme, nom de Dieu ! »
 
Vingt capotes furent détachées d’un coup et jetées sur la litière. En une seconde la jeune fille, enveloppée dans ces chauds vêtements
==[[Page:Maupassant - Souvenir (extrait de Gil Blas, édition du 1882-02-16).djvu/9]]==
de soldat, se trouva soulevée par six bras robustes qui l’emportèrent. On repartit, comme si on eût bu un coup de vin, plus gaillardement, plus joyeusement. Des plaisanteries couraient même, et cette gaieté s’éveillait que la présence d’une femme redonne toujours au sang français.
 
Les soldats maintenant marchaient au pas, fredonnaient des sonneries, réchauffés soudain. Et un vieux franc-tireur, qui suivait la litière, attendant son tour pour remplacer le premier camarade qui flancherait, ouvrit son cœur à son voisin. « Je n’suis pus jeune, moi, et bien, cré coquin, l’sexe, y a tout d’même que ça pour vous flanquer du cœur au ventre. »
Ligne 104 ⟶ 113 :
Là-bas, au milieu de la plaine, quelque chose remuait. Cela semblait courir, et comme la neige ne tombait plus, on distinguait vaguement, très loin encore, une apparence de monstre qui s’allongeait ainsi qu’un serpent, puis, soudain, paraissait se rapetisser, se ramasser en boule, s’étendre de nouveau en prenant des élans rapides et s’arrêtait encore, et repartait sans cesse.
 
Des ordres murmurés couraient parmi les hommes étendus ; et, de temps en temps, un petit bruit sec et métallique claquait.
==[[Page:Maupassant - Souvenir (extrait de Gil Blas, édition du 1882-02-16).djvu/10]]==
un petit bruit sec et métallique claquait.
 
Brusquement la forme errante se rapprocha, et l’on vit venir au grand trot, l’un derrière l’autre, douze uhlans perdus dans la nuit.
Ligne 121 ⟶ 132 :
 
On marcha encore près de quatre heures.
==[[Page:Maupassant - Souvenir (extrait de Gil Blas, édition du 1882-02-16).djvu/11]]==
 
Le ciel pâlissait ; la neige devenait claire, lumineuse, luisante ; un vent froid balayait les nuages ; et une pâle roseur, comme un faible lavage d’aquarelle, s’étendait à l’orient.
Ligne 132 ⟶ 144 :
Douze ans se sont écoulés.
 
L’autre jour au théâtre, la fine tête d’une jeune femme blonde éveilla en moi
=== no match ===
un confus souvenir, un souvenir obsédant, mais indéterminable. Je fus bientôt tellement troublé par le désir de savoir le nom de cette femme que je le demandai à tout le monde.
 
Quelqu’un me dit : « C’est la vicomtesse de L…, la fille du comte de Roufé. »