« Poètes contemporains de l’Allemagne - Franz Dingelstedt » : différence entre les versions

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<center>Gedichte, von Franz Dingelstedt (1) </center>
 
Les poètes de l’Allemagne actuelle sont placés, il faut le reconnaître, dans des conditions difficiles, et ils ont vraiment besoin d’une inspiration vivace, obstinée; pour suivre jusqu’au bout leur voie, sans ennui et sans découragement. Je ne parle pas des rimeurs frivoles, de ces myriades de petits écrivains, lesquels, n’ayant souci que de la rime, S’étourdissent eux-mêmes et finissent par ressembler à des malades pris d’une manie inoffensive, mais incurable: ceux-là, malheureusement, l’indifférence ne saurait les décourager, et les décourager ce serait les guérir; non, je parle des amans sérieux de la Muse, de ceux qui méritent une attention sympathique et dont cette sympathie doublerait les forces. Or, voyez quels obstacles ils rencontrent dès les premiers pas! D’abord ils arrivent tard, le lendemain d’une grande période, dont la gloire récente est à la foi pour eux une excitation féconde et une difficulté presque invincible. Il y a plus: ce qui zestait à moissonner après l’abondante récolte poétique de Goethe, de Schil1erSchiller, de Herder, de Jean-Paul, a été recueilli avidement par toute une famille charmante, déjà illustre à son tour, et devenue un danger nouveau pour les survenans: il suffit de nommer Uhland, Rückert, Justinus Kerner. Ainsi, bien moins heureux que nos jeunes et ardens poètes de 1825; lesquels succédaient à une école vieillie, à une littérature épuisée, ceux-ci, seconde génération d’''épigones'' ont à supporter l’accablant héritage des demi-dieux et des héros!
 
On sait trop par quels procédés un peu équivoques les premiers venus parmi ces poètes nouveaux ont voulu échapper à ces périlleuses conditions. Je n’attribue pas à d’autres causes le caractère tout à coup railleur et prétentieux de cette poésie allemande, éprise surtout jusque-là des mystiques profondeurs. Qui sait si M. Henri Heine, venu soixante années plus tôt, eût été aussi moqueur, aussi impitoyable qu’il a cherché à l’être? Je le suppose seulement contemporain de cette première école romantique qu’il a poursuivie de tant de folles boutades; je suppose qu’il ait débuté en même temps qu’Arnim ou Novalis, et je me demande si cette aimable assemblée n’eût pas compté un poète de plus. Ce qu’il a d’un peu contraint dans la raillerie de M. Heine autorise bien ces doutes et ces conjectures. Au lieu du cruel auteur de ''la Mer du Nord (die Nordsee dans le Buch der Lieder''), au lieu du plaisant humoriste d’''Atta-Troll'' ou des ''Poésies nouvelles'', on n’aurait eu que le chanteur amoureux, le rêveur tendre et souvent mystique, l’écolier qui a cueilli dans les prés d’Allemagne tant de fleurs d’un parfum subtil et pénétrant; mais la raillerie était un procédé presque obligé pour un survenant, pour un poète jeune, ambitieux, et qui succédait à de si grands noms: c’était du moins un moyen sûr de conquérir en peu de temps cette notoriété qu’il convoitait.