« Malades et médecins » : différence entre les versions
Contenu supprimé Contenu ajouté
mAucun résumé des modifications |
m →Texte non formaté : typo |
||
Ligne 1 :
<div class="text">
{{Classement}}
[[Catégorie:Contes et Nouvelles de Maupassant|Malades et médecins]]
[[Catégorie:1884
[[Catégorie:Médecine]]
{{ChapitreNav
|[[Auteur:Guy de Maupassant|Guy de Maupassant]]
|'''Malades et médecins'''|[[Contes divers (
|[[Chronique]]
|
|[[Un fou ?]]
}}
{{t3|MALADES ET MÉDECINS}}
Ligne 22 ⟶ 23 :
Pourquoi un souffle d’air chargé d’odeurs, de feuilles sous les marronniers des Champs-Elysées, évoque-t-il soudain une route, une grand’route, le long d’une montagne, en Auvergne ?
La route est bordée de noyers énormes qui la mettent presque toujours à l’abri du soleil. Les pentes des monts sont couvertes de châtaigniers en fleurs dont les grappes, plus pâles que les feuilles, semblent grises dans la verdure sombre.
Ligne 34 ⟶ 35 :
Et tout le long des chemins, on rencontre des attelages de vaches traînant des dômes de foin. Les deux bêtes vont d’un pas lent dans les descentes et les montées rapides, tirant ou retenant la charge énorme. Un homme marche devant et règle leurs pas avec une longue baguette dont il les touche par moments. Jamais il ne frappe. Il semble surtout les guider par les mouvements du bâton, à la façon d’un chef d’orchestre. Il a le geste grave qui commande aux bêtes, et il se retourne souvent pour indiquer ses volontés. On ne voit jamais de chevaux, sauf aux diligences ou aux voitures de louage ; et la poussière des routes, quand il fait chaud et qu’elle s’envole sous les rafales, porte en elle une odeur sucrée qui rappelle un peu la vanille et qui fait songer aux étables.
Tout le pays aussi est parfumé par des arbres odorants. La vigne, à peine défleurie, exhale une senteur douce et exquise. Les châtaigniers, les acacias, les tilleuls, les sapins, les foins et les fleurs sauvages des fossés chargent l’air de parfums légers et persistants.
Ligne 40 ⟶ 41 :
L’Auvergne est la terre des malades. Tous ses volcans éteints semblent des chaudières fermées où chauffent encore, dans le ventre du sol, des eaux minérales de toute nature. De ces grandes marmites cachées partent des sources chaudes qui contiennent, au dire des médecins intéressés, tous les médicaments propres à toutes les maladies.
Dans chacune des stations thermales, qui se fondent autour de chaque ruisseau tiède découvert par un paysan, se joue toute une série de scènes admirables. C’est d’abord la vente de la terre par le campagnard, la formation d’une Société au capital, fictif, de quelques millions, le miracle de la construction d’un établissement avec ces fonds d’imagination et avec des pierres véritables, l’installation du premier médecin, portant le titre de médecin inspecteur, l’apparition du premier malade, puis éternelle, la sublime comédie entre ce malade et ce médecin.
Chaque ville d’eaux pour un observateur est une Californie de comique. Chaque docteur est un type délicieux, depuis le docteur correct, à l’anglaise, en cravate blanche, jusqu’au docteur sceptique, spirituel et malin, qui raconte aux amis ses procédés et ses trucs.
Ligne 54 ⟶ 55 :
Mais il fallait des preuves à ces assertions. Il entreprit un petit voyage à la recherche de centenaires.
Les familles pauvres, en général, ne tenant guère à nourrir les vieux parents inutiles, les lui cédaient six mois par an ; et il les installait dans une élégante villa qu’il avait baptisée
Ce grand homme, un jour qu’il était gai, conta cette aventure.
Ligne 64 ⟶ 65 :
"Docteur, si je me porte bien, c’est grâce à l’hygiène. Sans être très vieux, je suis déjà d’un certain âge, mais j’évite toutes les maladies, toutes les indispositions, tous les plus légers malaises par l’hygiène. Vous affirmez que le climat de ce pays est très favorable à la santé ; je suis tout prêt à le croire, mais avant de me fixer ici, j’en veux les preuves. Je vous prierai donc de venir chez moi une fois pas semaine pour me donner bien exactement les renseignements suivants :
Puis il ajouta gracieusement :
Il ne les voulut pas connaître, par crainte sans doute de trouver quelque ressemblance entre lui et quelqu’un d’eux qui mourrait bientôt, ce qui l’aurait frappé ; mais il se fit une idée très nette de leurs personnes, et il ne parlait que d’eux avec le médecin qui dînait chez lui chaque jeudi.
Ligne 78 ⟶ 79 :
Il demandait :
Un soir, le docteur, en entrant, annonça :
M. D… tressaillit, et tout de suite il demanda :
Ligne 90 ⟶ 91 :
— D’une angine."
Le petit vieux eut un
Il était de deux ans plus vieux, mais il n’avouait que soixante-dix ans.
Ligne 98 ⟶ 99 :
Quelques mois après, ce fut le tour d’Henri Brissot. M. D… fut très ému. C’était un homme, cette fois, un maigre, juste de son âge, à trois mois près, et un prudent. Il n’osait plus interroger, attendant que le médecin parlât, et il demeurait inquiet :
Le médecin, qui s’amusait, répondit :
Alors, n’y tenant plus, tremblant d’angoisse, M. D… demanda :
Ligne 110 ⟶ 111 :
— D’une pleurésie."
Ce fut une joie, une vraie joie. Le petit vieux tapa l’une contre l’autre ses mains sèches :
Et il dîna gaiement en parlant de ceux qui restaient :
Deux autres encore disparurent dans l’année, l’un d’une dysenterie et l’autre d’un étouffement. M. D… s’amusa beaucoup de la mort du premier :
Quant à celui qu’un étouffement avait emporté, cela ne pouvait provenir que d’une maladie du cœur, mal observée jusque-là.
Ligne 122 ⟶ 123 :
Quand M. D… demanda, selon sa coutume :
Le médecin répondit :
Ligne 144 ⟶ 145 :
M. D…, très perplexe, s’agitait :
Le médecin leva le bras :
M. D…, alors, d’une voix émue, demanda :
Ligne 158 ⟶ 159 :
Et le petit vieux, d’un air incrédule et rassuré, s’écria :
</div>
|