« La Maison Tellier (recueil, Conard 1908)/Ma Femme » : différence entre les versions
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{{T3|MA FEMME}}
C’était à la fin d’un dîner d’hommes, d’hommes mariés, anciens amis, qui se réunissaient quelquefois sans leurs femmes, en garçons, comme jadis. On mangeait longtemps, on buvait beaucoup ; on parlait de tout, on remuait des souvenirs vieux et joyeux, ces souvenirs chauds qui font, malgré soi, sourire les lèvres et frémir le
— Te rappelles-tu, Georges, notre excursion à Saint-Germain avec ces deux fillettes de Montmartre ?
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Et on retrouvait des détails, et ceci et cela, mille petites choses, qui faisaient plaisir encore aujourd’hui.
On vint à parler du mariage, et chacun dit avec un air sincère :
Pierre Létoile s’écria :
Son ami l’interrompit :
L’autre reprit :
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— Allons donc !
—
Je fus invité, au mois de mai, à la noce de mon cousin Simon d’Érabel, en Normandie. Ce fut une vraie noce normande. On se mit à table à cinq heures du soir ; à onze heures on mangeait encore. On m’avait accouplé, pour la circonstance, avec une demoiselle Dumoulin, fille d’un colonel en retraite, jeune personne blonde et militaire, bien en forme, hardie et verbeuse. Elle m’accapara complètement pendant toute la journée, m’entraîna dans le parc, me fit danser bon gré mal gré, m’assomma.
Je me disais :
Vers onze heures du soir, les femmes se retirèrent dans leurs chambres ; les hommes restèrent à fumer en buvant, ou à boire en fumant, si vous aimez mieux.
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Trois ou quatre fois seulement mon pied manqua les degrés et je m’abattis sur les genoux, mais grâce à l’énergie de mes bras et à la tension de ma volonté, j’évitai une dégringolade complète.
Enfin, j’atteignis le second étage et je m’aventurai dans le corridor, en tâtant les murailles. Voici une porte ; je comptais :
Je heurtai quelque chose de mou : ma chaise longue. Je m’étendis aussitôt dessus.
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J’enlevai seulement mes bottines ; je déboutonnai mon gilet qui m’étranglait, je desserrai mon pantalon et je m’endormis d’un invincible sommeil.
Cela dura longtemps sans doute. Je fus brusquement réveillé par une voix vibrante qui disait, tout près de moi :
Une voix de femme répondit :
Je me demandais avec stupéfaction ce que voulait dire ce dialogue.
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Mon esprit flottait, encore enveloppé d’un nuage épais.
La première voix reprit :
Et j’entendis des pas qui s’approchaient de moi. Je m’assis tout à fait éperdu. Alors une main se posa sur ma tête. Je fis un brusque mouvement. La voix demanda avec force :
La voix de femme criait effroyablement :
Des domestiques accoururent, des voisins, des dames affolées. On ouvrit les volets, on tira les rideaux. Je me colletais avec le colonel Dumoulin !
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J’entendais une grande rumeur dans tout le château, des portes ouvertes et fermées, des chuchotements, des pas rapides.
Au bout d’une demi-heure on frappa chez moi. Je criai :
Il était pâle et furieux et il me traita durement :
Je m’écriai :
Il haussa les épaules :
Puis il sortit conférer avec le colonel.
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J’appris qu’on avait formé aussi une espèce de tribunal de mères, auquel étaient soumises les différentes phases de la situation.
Il revint une heure plus tard, s’assit avec des allures de juge, et commença :
Je fis un bond d’épouvante :
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— Quant à ça, jamais par exemple !
Il demanda gravement :
Je répondis avec simplicité :
Mon oncle reprit :
"Examinons maintenant la question à un autre point de vue.
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"Ou bien tu as séduit cette enfant et, alors, c’est tant pis pour toi, mon garçon, on ne s’adresse pas aux jeunes filles.
Et il s’en alla pendant que je lui criais dans le dos :
Je restai seul encore une heure.
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Ce fut ma tante qui vint à son tour. Elle pleurait. Elle usa de tous les raisonnements. Personne ne croyait à mon erreur. On ne pouvait admettre que cette jeune fille eût oublié de fermer sa porte à clef dans une maison pleine de monde. Le colonel l’avait frappée. Elle sanglotait depuis le matin. C’était un scandale terrible, ineffaçable.
Et ma bonne tante ajoutait :
Cette perspective me soulagea. Et je consentis à écrire ma demande. Une heure après je repartais pour Paris.
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Je fus avisé le lendemain que ma demande était agréée.
Alors, en trois semaines, sans que j’aie pu trouver une ruse, une défaite, les bans furent publiés, les lettres de faire-part envoyées, le contrat signé, et je me trouvai, un lundi matin, dans le
Je ne l’avais pas revue, et je la regardais de côté avec un certain étonnement malveillant. Cependant, elle n’était pas laide, mais pas du tout. Je me disais :
Elle ne me regarda point une fois jusqu’au soir, et ne me dit pas un mot.
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Je la trouvai, assise dans un fauteuil, vêtue comme dans le jour, avec les yeux rouges et le teint pâle. Elle se leva dès que j’entrai et vint à moi gravement.
Elle était jolie comme tout dans ce rôle héroïque, la fille du colonel. Je l’embrassai, c’était mon droit.
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Pierre Létoile se tut. Ses compagnons riaient. L’un d’eux dit :
Et un autre ajouta pour conclure :
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