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et ''ructus prophetia'' <ref> Ailleurs, à propos des secondes noces, qu’il juge profondément immorales, surtout en vue de la fin prochaine du monde, à laquelle il croit fermement, il demande ironiquement si les fruits qui conviennent aux derniers temps seraient par hasard ''ubera fluitantia, et uleros nauseantes, et infantes pipiantes''. </ref>. « Il faut ici, sans nul doute, tenir compte de l’époque. Le respect des adversaires est une vertu chrétienne, mais en réalité une vertu moderne quant à l’application. Pourtant, au point de vue de son temps lui-même, Tertullien réalise l’idéal de l’intolérance théologique. Ni Cyprien ni les alexandrins ne tombent dans de pareils excès de plume. Le sens foncièrement intolérant de Tertullien se révèle clairement dans son interprétation d’un psaume où il ne craint pas de mettre dans la bouche même de Jésus une prière demandant à Dieu l’extermination de ses ennemis. Je n’oublie pas que dans ses œuvres on trouve aussi sur les droits sacrés de la conscience religieuse, sur la liberté des cultes, sur l’illégitimité de la violence en matière de foi, des déclarations qui satisferaient pleinement le libéralisme moderne le plus avancé. C’est de lui cette belle parole : ''non est religionis cogere religionem'', il n’est pas religieux de forcer la religion. Mais quoi ! Tertullien était dans la minorité, persécuté, et à quel principe peuvent en appeler de nos jours, en Chine ou au Japon, les missionnaires imbus des idées ultramontaines, si ce n’est à ce principe de liberté qu’ils s’empressent de renier si complètement dès qu’ils sont les maîtres ? Le libéralisme n’est réel et sûr de lui-même que lorsqu’il est proclamé et mis en pratique par ceux qui ont pour eux le nombre et la force. Pour ma part, je ne mets pas en doute que, si Tertullien eût vécu quelques siècles plus tard, obéissant aux mêmes tendances, partant des mêmes principes, il eût été persécuteur sans le moindre scrupule, et qu’il eût tiré toutes les conséquences, possibles du ''compelle intrare''. « Les hérétiques, dit-il quelque part, il faut les contraindre et non les attirer ; l’endurcissement, il faut le vaincre et non le persuader. » Dira-t-on que je calomnie Tertullien en insistant plus que de raison sur quelques sorties échappées dans le feu des controverses ? Qu’on lise un morceau écrit à tête reposée, et où son caractère vindicatif et haineux ne se révèle pas moins dans toute son intolérance. Ce morceau termine le traite ''De Spectaculis'', dans lequel il exhortait les chrétiens à s’abstenir de ces représentations théâtrales où si souvent alors l’obscénité donnait la main à la cruauté. Les raisons qu’il allègue ne sont pas toutes de la même force ; mais ce qui dépasse toute idée, c’est le. dédommagement qu’il promet aux fidèles ayant su s’abstenir de ces plaisirs coupables.
et ''ructus prophetia'' <ref> Ailleurs, à propos des secondes noces, qu’il juge profondément immorales, surtout en vue de la fin prochaine du monde, à laquelle il croit fermement, il demande ironiquement si les fruits qui conviennent aux derniers temps seraient par hasard ''ubera fluitantia, et uleros nauseantes, et infantes pipiantes''. </ref>. « Il faut ici, sans nul doute, tenir compte de l’époque. Le respect des adversaires est une vertu chrétienne, mais en réalité une vertu moderne quant à l’application. Pourtant, au point de vue de son temps lui-même, Tertullien réalise l’idéal de l’intolérance théologique. Ni Cyprien ni les alexandrins ne tombent dans de pareils excès de plume. Le sens foncièrement intolérant de Tertullien se révèle clairement dans son interprétation d’un psaume où il ne craint pas de mettre dans la bouche même de Jésus une prière demandant à Dieu l’extermination de ses ennemis. Je n’oublie pas que dans ses œuvres on trouve aussi sur les droits sacrés de la conscience religieuse, sur la liberté des cultes, sur l’illégitimité de la violence en matière de foi, des déclarations qui satisferaient pleinement le libéralisme moderne le plus avancé. C’est de lui cette belle parole : ''non est religionis cogere religionem'', il n’est pas religieux de forcer la religion. Mais quoi ! Tertullien était dans la minorité, persécuté, et à quel principe peuvent en appeler de nos jours, en Chine ou au Japon, les missionnaires imbus des idées ultramontaines, si ce n’est à ce principe de liberté qu’ils s’empressent de renier si complètement dès qu’ils sont les maîtres ? Le libéralisme n’est réel et sûr de lui-même que lorsqu’il est proclamé et mis en pratique par ceux qui ont pour eux le nombre et la force. Pour ma part, je ne mets pas en doute que, si Tertullien eût vécu quelques siècles plus tard, obéissant aux mêmes tendances, partant des mêmes principes, il eût été persécuteur sans le moindre scrupule, et qu’il eût tiré toutes les conséquences, possibles du ''compelle intrare''. « Les hérétiques, dit-il quelque part, il faut les contraindre et non les attirer ; l’endurcissement, il faut le vaincre et non le persuader. » Dira-t-on que je calomnie Tertullien en insistant plus que de raison sur quelques sorties échappées dans le feu des controverses ? Qu’on lise un morceau écrit à tête reposée, et où son caractère vindicatif et haineux ne se révèle pas moins dans toute son intolérance. Ce morceau termine le traite ''De Spectaculis'', dans lequel il exhortait les chrétiens à s’abstenir de ces représentations théâtrales où si souvent alors l’obscénité donnait la main à la cruauté. Les raisons qu’il allègue ne sont pas toutes de la même force ; mais ce qui dépasse toute idée, c’est le. dédommagement qu’il promet aux fidèles ayant su s’abstenir de ces plaisirs coupables.




« D’autres spectacles nous sont réservés. Nous en jouirons dans ce jour
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