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C’est une colonie d’une admirable vitalité, pouvons-nous dire en terminant, que celle qui verse tous les ans 20 millions au trésor de la France, qui voit une autre part de ses revenus consommée au loin par les propriétaires du sol, une troisième part, plus grande encore, emportée dans l’Inde par des bandes de travailleurs engagés, et qui résiste néanmoins, la tête haute et ferme, à cette triple cause d’épuisement. Les ouragans, le choléra, le contre-coup des crises européennes, ses propres embarras pécuniaires, sa faiblesse et son isolement, les rigueurs du pacte colonial, l’attristent sans l’ébranler. Joyau de la couronne, elle reçoit et reflète, dans les déserts de l’Océan-Indien, un rayon de la gloire française, car c’est à la France que revient tout l’honneur de la brillante carrière qu’elle a parcourue. Sa valeur ne fut pas même soupçonnée par les Portugais, qui, l’ayant découverte, la dédaignèrent. Les Anglais n’y ont rien fait pendant leur courte occupation de 1810 à 1815. Sauf cet intervalle, le pavillon français y a flotté sans interruption depuis l’avènement de Louis XIV. Effacée au second rang, tant qu’elle fut subordonnée à Madagascar, à Pondichéry ou à Maurice, elle a vu grandir son rôle en ne s’appuyant plus que sur elle-même. Aujourd’hui elle aspire à un nouveau développement de ses destinées ; elle veut devenir en quelque sorte métropole à son tour. On comprend mieux ce qu’a de légitime une telle ambition en présence de l’activité nouvelle dont les continens et les îles que baigne l’Océan-Indien peuvent devenir le théâtre, si la voie commerciale de l’Égypte et de Suez reprend un jour son antique importance. Dans cet immense bassin, dont le cadre touche à l’Afrique, à l’Asie et à l’Australie, La Réunion se sent appelée à soutenir l’expansion pacifique de la France, à exercer une haute tutelle sur la régénération de l’Afrique orientale, et particulièrement à prendre en main les rênes d’une colonisation nouvelle. De ses rivages, la pensée de ses habitans plane, avec une préoccupation constante, sur Madagascar, où le vent porte leurs navires. Ils brûlent du désir d’y reprendre l’œuvre interrompue de leurs pères. Dût un jour la grande île, comme une planète puissante qui attire ses satellites, entraîner la petite île dans l’orbite de sa prospérité, les créoles de Bourbon en acceptent le présage, à la condition d’être eux-mêmes les moteurs de l’évolution nouvelle. L’avenir leur donnera-t-il raison ? Ce qui suffit pour le moment, c’est que La Réunion ait lieu de s’applaudir de son développement, même dans les limites où il s’accomplit.
C’est une colonie d’une admirable vitalité, pouvons-nous dire en terminant, que celle qui verse tous les ans 20 millions au trésor de la France, qui voit une autre part de ses revenus consommée au loin par les propriétaires du sol, une troisième part, plus grande encore, emportée dans l’Inde par des bandes de travailleurs engagés, et qui résiste néanmoins, la tête haute et ferme, à cette triple cause d’épuisement. Les ouragans, le choléra, le contre-coup des crises européennes, ses propres embarras pécuniaires, sa faiblesse et son isolement, les rigueurs du pacte colonial, l’attristent sans l’ébranler. Joyau de la couronne, elle reçoit et reflète, dans les déserts de l’Océan-Indien, un rayon de la gloire française, car c’est à la France que revient tout l’honneur de la brillante carrière qu’elle a parcourue. Sa valeur ne fut pas même soupçonnée par les Portugais, qui, l’ayant découverte, la dédaignèrent. Les Anglais n’y ont rien fait pendant leur courte occupation de 1810 à 1815. Sauf cet intervalle, le pavillon français y a flotté sans interruption depuis l’avènement de Louis XIV. Effacée au second rang, tant qu’elle fut subordonnée à Madagascar, à Pondichéry ou à Maurice, elle a vu grandir son rôle en ne s’appuyant plus que sur elle-même. Aujourd’hui elle aspire à un nouveau développement de ses destinées ; elle veut devenir en quelque sorte métropole à son tour. On comprend mieux ce qu’a de légitime une telle ambition en présence de l’activité nouvelle dont les continens et les îles que baigne l’Océan-Indien peuvent devenir le théâtre, si la voie commerciale de l’Égypte et de Suez reprend un jour son antique importance. Dans cet immense bassin, dont le cadre touche à l’Afrique, à l’Asie et à l’Australie, La Réunion se sent appelée à soutenir l’expansion pacifique de la France, à exercer une haute tutelle sur la régénération de l’Afrique orientale, et particulièrement à prendre en main les rênes d’une colonisation nouvelle. De ses rivages, la pensée de ses habitans plane, avec une préoccupation constante, sur Madagascar, où le vent porte leurs navires. Ils brûlent du désir d’y reprendre l’œuvre interrompue de leurs pères. Dût un jour la grande île, comme une planète puissante qui attire ses satellites, entraîner la petite île dans l’orbite de sa prospérité, les créoles de Bourbon en acceptent le présage, à la condition d’être eux-mêmes les moteurs de l’évolution nouvelle. L’avenir leur donnera-t-il raison ? Ce qui suffit pour le moment, c’est que La Réunion ait lieu de s’applaudir de son développement, même dans les limites où il s’accomplit.


JULES DUVAL.