« Système des contradictions économiques ou Philosophie de la misère » : différence entre les versions

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== Introduction ==
 
Avant que j’entre dans la matière qui fait l’objet de ces
nouveaux mémoires, j’ai besoin de rendre compte d’une hypothèse
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dialectique nécessaire.
 
=== I ===
 
Si je suis, à travers ses transformations successives, l’idée de Dieu, je trouve que
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Telles sont les dernières conclusions de la philosophie, qui expire en dévoilant le mystère de la religion et le sien.
 
=== II ===
 
Il semble dès lors que tout soit fini ; il semble que, l’humanité cessant de s’adorer et de se mystifier elle-même, le problème théologique soit écarté à
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qu’est-ce que cela signifie ?
 
=== I ===
 
L’impénétrabilité, par
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de ma pensée, le droit de « supposer » Dieu, je dois conquérir le droit de « l’affirmer ». En d’autres termes, si mon hypothèse s’impose invinciblement, elle est pour le moment tout ce que je puis prétendre. Car affirmer, c’est déterminer ; or, toute détermination, pour être vraie, doit être donnée empiriquement. En effet, qui dit détermination, dit rapport, conditionnalité, expérience. Puis donc que la détermination du concept de Dieu doit sortir pour nous d’une démonstration empirique, nous devons nous abstenir de tout ce qui, dans la recherche de cette haute inconnue, n’étant pas donné par l’expérience, dépasserait l’hypothèse, sous peine de retomber dans les contradictions de la théologie, et par conséquent de soulever de nouveau les protestations de l’athéisme.
 
=== III ===
 
Il me reste à dire comment, dans un livre d’économie politique, j’ai dû partir de l’hypothèse fondamentale de toute philosophie. Et d’abord, j’ai besoin de l’hypothèse de Dieu pour fonder l’autorité de la science sociale. -quand l’astronome, pour expliquer le système du monde, s’appuyant exclusivement sur l’apparence, suppose, avec le vulgaire, le ciel en voûte, la terre plate, le soleil gros comme un ballon, et décrivant une courbe en l’air de l’orient à l’occident, il suppose l’infaillibilité des sens, sauf à rectifier plus tard, à fur et mesure de l’observation, la donnée de laquelle il est obligé de partir. C’est qu’en effet la philosophie astronomique ne pouvait admettre à priori que les sens nous trompent, et que nous ne voyons
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vent du désert en un souffle » rafraîchissant !... « mais j’ai désespéré des républicains, et je ne connais plus ni religion ni prêtres. Je voudrais encore, pour assurer tout à fait votre jugement, cher lecteur, vous rendre l’âme insensible à la pitié, supérieure à la vertu, indifférente au bonheur. Mais ce serait trop exiger d’un néophyte. Souvenez-vous seulement, et n’oubliez jamais, que la pitié, le bonheur et la vertu, de même que la patrie, la religion et l’amour, sont des masques... de la science économique.
 
=== I - Opposition du « fait » et du « droit » dans l’économie des sociétés. ===
 
J’affirme la réalité d’une science économique. Cette proposition, dont peu
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entendre par quelques exemples, avant d’entrer à fond dans l’examen de l’économie politique.
 
=== II - Insuffisance des théories et des critiques ===
 
Consignons d'abord une observation importante : les contendants sont d’accord
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faits collectionnés par Adam Smith et J-B Say.
 
=== III - Application de la loi de proportionnalité des valeurs ===
 
Tout produit est un signe représentatif du travail. Tout produit peut
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jamais que la valeur qu’elle possède. »
 
=== Histoire du crédit public. ===
 
Traduisons cette observation éminemment judicieuse en une formule générale. Le
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faire « rentrer » ; montrer la genèse des problèmes de production et de répartition, c’est en préparer la solution. Toutes ces propositions sont identiques, et d’une égale évidence.
 
=== I - Effets antagonistes du principe de division ===
 
Tous les hommes sont égaux dans la communauté primitive, égaux par leur nudité
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nous allons démontrer en peu de mots.
 
=== II - Impuissance des palliatifs. Mm Blanqui, Chevalier, Dunoyer, Rossi et Passy. ===
 
Tous les remèdes proposés contre les funestes
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l’ordre.
 
=== De la valeur ===
 
I - Opposition de la valeur d’utilité et de la valeur d’échange
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termes, et affirmer comme loi absolue du commerce l’incommensurabilité des valeurs, partant l’inégalité des fortunes. Je dis que des deux parts l’erreur est égale.
 
=== I ===
 
L’idée contradictoire de valeur, si bien mise en lumière par la
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impossible.
 
=== II - Constitution de la valeur : définition de la richesse ===
 
Nous connaissons la valeur sous ses deux aspects
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manquera pas pour appliquer le remède.
 
=== I - Du rôle des machines, dans leurs rapports avec la liberté. ===
 
L’introduction des machines dans l’industrie s’accomplit en opposition à la loi
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histoire.
 
=== II - Contradiction des machines. Origine du capital et du salariat. ===
 
Par cela même que les machines diminuent la peine de l’ouvrier, elles abrégent
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prévision ! « il n’est qu’un économiste pour ne pas prévoir ces choses-là. Multipliez les machines, vous augmentez le travail pénible et répugnant : cet apophthegme est aussi sûr qu’aucun de ceux qui datent du déluge. Qu’on m’accuse, si l’on veut, de malveillance envers la plus belle invention de notre siècle : rien ne m’empêchera de dire que le principal résultat des chemins de fer, après l’asservissement de la petite industrie, sera de créer une population de travailleurs dégradés, cantonniers, balayeurs, chargeurs, débardeurs, camionneurs, gardiens, portiers, peseurs, graisseurs, nettoyeurs, chauffeurs, pompiers, etc., etc. Quatre mille kilomètres de chemins de fer donneront à la France un supplément de cinquante mille serfs : ce n’est pas pour ce monde-là, sans doute, que M. Chevalier demande des écoles professionnelles. On dira peut-être que la masse des transports s’étant proportionnellement accrue beaucoup plus que le nombre des journaliers, la différence est à l’avantage du chemin de fer, et que, somme toute, il y a progrès. On peut même généraliser l’observation et appliquer le même raisonnement à toutes les industries. Mais c’est précisément cette généralité du phénomène qui fait ressortir l’asservissement des travailleurs. Le premier rôle dans l’industrie est aux machines, le second à l’homme : tout le génie déployé par le travail tourne à l’abrutissement du prolétariat. Quelle glorieuse nation que la nôtre, quand, sur quarante millions d’habitants, elle en comptera trente-cinq d’hommes de peine, gratteurs de papier et valets ! Avec la machine et l’atelier, le droit divin, c’est-à-dire le principe d’autorité, fait son entrée dans l’économie politique. Le capital, la maîtrise, le privilége, le monopole, la commandite, le crédit, la propriété, etc., tels sont, dans le langage économique, les noms divers de ce je ne sais quoi qu’ailleurs on a nommé pouvoir, autorité, souveraineté, loi écrite, révélation, religion, Dieu enfin, cause et principe de toutes nos misères et de tous nos crimes, et qui, plus nous cherchons à le définir, plus il nous échappe. Est-il donc impossible que, dans l’état présent de la société, l’atelier, avec son organisation hiérarchique, et les machines, au lieu de servir exclusivement les intérêts de la classe la moins nombreuse, la moins travailleuse et la plus riche, soient employés au bien de tous ? C’est ce que nous allons examiner.
 
=== III - Des préservatifs contre l’influence désastreuse des machines. ===
 
Réduction de main-d’oeuvre est synonyme de baisse de prix, par conséquent d’accroissement d’échanges ; puisque si le consommateur paie moins, il achètera davantage. Mais réduction de main-d’oeuvre est synonyme aussi de restriction du marché ; puisque si le producteur gagne moins, il achètera moins. Et c’est ainsi en effet que les choses se passent. La concentration des forces dans l’atelier et l’intervention du capital dans la production, sous le nom de machines, engendrent tout à la fois la surproduction et le dénûment ; et tout le monde a vu ces deux fléaux, plus redoutables que l’incendie et la peste, se développer de nos jours sur la plus vaste échelle et avec une dévorante intensité. Cependant il est impossible que nous reculions : il faut produire, produire toujours, produire à bon marché ; sans cela l’existence de la société est compromise. Le travailleur, qui, pour échapper à l’abrutissement dont le menaçait le principe de division, avait créé tant de machines merveilleuses, se retrouve par ses propres oeuvres ou frappé d’interdiction, ou subjugué. Contre cette alternative, quels moyens se proposent ? M. De Sismondi, avec tous les hommes à idées patriarcales, voudrait que la division du travail, avec les machines et manufactures, fût abandonnée, et que chaque famille retournât au système d’indivision primitive, c’est-à-dire au ''
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jugement à ceux qui croient comme à ceux qui protestent.
 
=== I - Nécessité de la concurrence. ===
 
M Louis Reybaud, romancier de
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entretenir 15 000 ; le plus court pour le gouvernement est d’embarquer 5 ooo conscrits sur des bâtiments de l’état, et de leur faire faire, comme à des princes, leurs caravanes. Tout encouragement offert à la marine marchande est une invitation directe à la fraude, que dis-je ? Une proposition de salaire pour un service impossible. Est-ce que la manoeuvre, la discipline, toutes les conditions du commerce maritime s’accommodent de ces adjonctions d’un personnel inutile ? Que peut donc faire l’armateur, en face d’un gouvernement qui lui offre une aubaine pour embarquer sur son navire des gens dont il n’a pas besoin ? Si le ministre jette l’argent du trésor dans la rue, suis-je coupable de le ramasser ?... ainsi, chose digne de remarque, la théorie des encouragements émane en droite ligne de la théorie du sacrifice ; et pour ne pas vouloir que l’homme soit responsable, les adversaires de la concurrence, par la contradiction fatale de leurs idées, sont contraints de faire de l’homme tantôt un dieu, tantôt une brute. Et puis ils s’étonnent qu’à leur appel la société ne se dérange pas ! Pauvres enfants ! Les hommes ne seront jamais ni meilleurs ni pires que vous les voyez et qu’ils furent toujours. Dès que leur bien particulier les sollicite, ils désertent le bien général : en quoi je les trouve, sinon honorables, au moins dignes d’excuse. C’est votre faute si tantôt vous exigez d’eux plus qu’ils ne vous doivent, tantôt vous agacez leur cupidité par des récompenses qu’ils ne méritent point. L’homme n’a rien de plus précieux que lui-même, et par conséquent point d’autre loi que sa responsabilité. La théorie du dévouement, de même que celle des récompenses, est une théorie de fripons, éversive de la société et de la morale ; et par cela seul que vous attendez, soit du sacrifice, soit du privilége, le maintien de l’ordre, vous créez dans la société un nouvel antagonisme. Au lieu de faire naître l’harmonie de la libre activité des personnes, vous rendez l’individu et l’état étrangers l’un à l’autre ; en commandant l’union, vous soufflez la discorde. En résumé, hors de la concurrence, il ne reste que cette alternative : l’encouragement, une mystification ; ou le sacrifice, une hypocrisie. Donc la concurrence, analysée dans son principe, est une inspiration de la justice ; et cependant nous allons voir que la concurrence, dans ses résultats, est injuste.
 
=== II - Effets subversifs de la concurrence, et destruction par elle de la liberté. ===
 
« Le royaume des cieux se gagne par la force, » dit l’évangile, « et les
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c’est de dérouler le « système des contradictions économiques », ce qui est tout différent. Nous terminerons donc ici cette triste revue ; et nous jetterons, avant de finir, un coup d’oeil sur les divers moyens proposés pour remédier aux inconvénients de la concurrence.
 
=== III - Des remèdes contre la concurrence. ===
 
La concurrence dans le travail peut-elle être abolie ? Autant vaudrait demander
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civilisation s’évanouit.
 
=== I - Nécessité du monopole. ===
 
Ainsi, le monopole est le terme fatal de la concurrence, qui l’engendre
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vrais principes.
 
=== I ===
 
Toute production est effectuée en vue d’une
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raison à leur tour sur ce qui va suivre.
 
=== II - Désastres dans le travail et perversion des idées causés par le monopole. ===
 
De même que la concurrence, le monopole implique contradiction dans le
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Dans la position de ses principes, l’humanité, comme si elle obéissait à un ordre souverain, ne rétrograde jamais. Pareille au voyageur qui par des sinuosités obliques s’élève de la vallée profonde au sommet de la montagne, elle suit intrépidement sa route en zigzag, et marche à son but d’un pas assuré, sans repentir et sans arrêt. Parvenu à l’angle du monopole, le génie social porte en arrière un mélancolique regard, et dans une réflexion profonde il se dit : " le monopole a tout ôté au pauvre mercenaire, pain, vêtement, foyer, éducation, liberté et sûreté. Je mettrai le monopoleur à contribution ; à ce prix je lui conserverai son privilége. " la terre et les mines, les forêts et les eaux, premier domaine de l’homme, sont pour le prolétaire en interdit. J’interviendrai dans leur exploitation, j’aurai ma part des produits, et le monopole terrien sera respecté. " l’industrie est tombée en féodalité : mais c’est moi qui suis le suzerain. Les seigneurs me payeront tribut, et ils conserveront le bénéfice de leurs capitaux. " le commerce prélève sur le consommateur des profits usuraires. Je sèmerai sa route de péages, je timbrerai ses mandats et viserai ses expéditions, et il passera. " le capital a vaincu le travail par l’intelligence. Je vais ouvrir des écoles ; et le travailleur, rendu lui-même intelligent, pourra devenir à son tour capitaliste. " la circulation manque aux produits et la vie sociale est comprimée. Je construirai des routes, des ponts, des canaux, des marchés, des théâtres et des temples, et ce sera à la fois un travail, une richesse et un débouché. " le riche vit dans l’abondance, pendant que l’ouvrier pleure famine. J’établirai des impôts sur le pain, le vin, la viande, le sel et le miel, sur les objets de nécessité et sur les choses de prix, et ce sera une aumône pour mes pauvres. " et je préposerai des gardes sur les eaux, les forêts, les campagnes, les mines et les routes ; j’enverrai des collecteurs pour l’impôt et des précepteurs pour l’enfance ; j’aurai une armée contre les réfractaires, des tribunaux pour les juger, des prisons pour les punir, et des prêtres qui les maudissent. Tous ces emplois seront livrés au prolétariat et payés par les hommes du monopole. " telle est ma volonté certaine et efficace. " nous avons à prouver que la société ne pouvait ni mieux penser ni plus mal agir : ce sera l’objet d’une revue qui, je l’espère, éclairera le problème social d’une nouvelle lumière. Toute mesure de police générale, tout règlement d’administration et de commerce, de même que toute loi d’impôt, n’est au fond qu’un des articles innombrables de cette antique transaction, toujours violée et toujours reprise, entre le patriciat et le prolétariat. Que les parties ou leurs représentants n’en aient rien su ; que même elles aient fréquemment envisagé leurs constitutions politiques sous un tout autre point de vue, peu nous importe : ce n’est point à l’homme, législateur ou prince, que nous demandons le sens de ses actes, c’est aux actes eux-mêmes.
 
=== I - Idée synthétique de l’impôt. Point de départ et développement de cette idée. ===
 
Afin de rendre plus intelligible ce qui devra suivre, je vais, par une espèce de renversement de la méthode que nous avons jusqu’à présent suivie, exposer la théorie supérieure de l’impôt ; j’en donnerai ensuite la genèse ; enfin j’en exposerai la contradiction et les résultats. L’idée synthétique de l’impôt, ainsi que sa conception originaire, fournirait matière aux plus vastes développements. Je me bornerai à un simple énoncé des propositions, avec indication sommaire des preuves. L’impôt, dans son essence et sa destination positive, est la forme de répartition de cette espèce de fonctionnaires qu’Adam Smith a désignés sous le nom ''
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indirectes », boissons, sels, tabacs, douane, en un mot toutes les taxes qui affectent directement la seule chose qui doive être taxée, le produit. Le principe de cet impôt, dont le nom est un vrai contre -sens, est incontestablement mieux fondé en théorie, et d’une tendance plus équitable que le précédent : aussi, malgré l’opinion de la masse, toujours trompée sur ce qui lui sert autant que sur ce qui lui porte préjudice, je n’hésite point à dire que cet impôt est le seul normal, sauf la répartition et la perception, dont je n’ai point ici à m’occuper. Car s’il est vrai, comme nous l’avons expliqué tout à l’heure, que la vraie nature de l’impôt soit d’acquitter, d’après un mode particulier de salaire, certains services qui se dérobent à la forme habituelle de l’échange, il s’ensuit que tous les producteurs, quant à l’usage personnel, jouissant également de ces services, doivent contribuer au solde par portions égales. La quotité pour chacun sera donc une fraction de son produit échangeable, ou, en d’autres termes, une retenue sur les valeurs livrées par lui à la consommation. Mais, sous le régime du monopole, et avec la perception foncière, le fisc atteint le produit avant qu’il soit entré dans l’échange, avant même qu’il soit produit : circonstance qui a pour effet de rejeter le montant de la taxe dans les frais de production, par conséquent de la faire supporter par le consommateur et d’affranchir le monopole. Quoi qu’il en soit de la signification de l’impôt de répartition et de l’impôt de quotité, une chose demeure positive, et c’est celle qu’il nous importe surtout de savoir : c’est que, par la proportionnalité de l’impôt, l’intention du souverain a été de faire contribuer les citoyens aux charges publiques, non plus, d’après le vieux principe féodal, au moyen d’une capitation, ce qui impliquerait l’idée d’une cotisation calculée en raison du nombre des imposés, non en raison de leurs biens ; -mais au marc le franc des capitaux, ce qui suppose que les capitaux relèvent d’une autorité supérieure aux capitalistes. Tout le monde, spontanément et d’un accord unanime, trouve une semblable répartition juste ; tout le monde juge donc, spontanément et d’un accord unanime, que l’impôt est une reprise de la société, une sorte de rédemption du monopole. Cela est surtout frappant en Angleterre où, par une loi spéciale, les propriétaires du sol et les manufacturiers acquittent, au prorata de leurs revenus, un impôt de deux cents millions, qu’on appelle la taxe des pauvres. En deux mots, le but pratique et avoué de l’impôt est d’exercer sur les riches, au profit du peuple, une reprise proportionnelle au capital. Or, l’analyse et les faits démontrent : que l’impôt de répartition, l’impôt du monopole, au lieu d’être payé par ceux qui possèdent, l’est presque tout entier par ceux qui ne possèdent pas ; que l’impôt de quotité, séparant le producteur du consommateur, frappe uniquement sur ce dernier, ce qui ne laisse au capitaliste que la part qu’il aurait à payer, si les fortunes étaient absolument égales ; enfin que l’armée, les tribunaux, la police, les écoles, les hôpitaux, hospices, maisons de refuge et de correction, les emplois publics, la religion elle-même, tout ce que la société crée pour la défense, l’émancipation et le soulagement du prolétaire, payé d’abord et entretenu par le prolétaire, est dirigé ensuite contre le prolétaire ou perdu pour lui ; en sorte que le prolétariat, qui d’abord ne travaillait que pour la caste qui le dévore, celle des capitalistes, doit travailler encore pour la caste qui le flagelle, celle des improductifs. Ces faits sont désormais si connus, et les économistes, je leur dois cette justice, les ont exposés avec une telle évidence, que je m’abstiendrai de reprendre en sous-oeuvre leurs démonstrations, qui, du reste, ne trouvent plus de contradicteurs. Ce que je me propose de mettre en lumière, et que les économistes ne me semblent pas suffisamment avoir compris, c’est que la condition faite au travailleur par cette nouvelle phase de l’économie sociale n’est susceptible d’aucune amélioration ; que, hormis le cas où l’organisation industrielle, et par suite la réforme politique, amènerait l’égalité des fortunes, le mal est inhérent aux institutions de police comme la pensée de charité qui leur a donné naissance ; enfin que l’état, quelque forme qu’il affecte, aristocratique ou théocratique, monarchique ou républicaine, aussi longtemps qu’il ne sera pas devenu l’organe obéissant et soumis d’une société d’égaux, sera pour le peuple un inévitable enfer, j’ai presque dit une damnation légitime.
 
=== II - Antinomie de l’impôt. ===
 
J’entends quelquefois les partisans du ''
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ultrà « d’une sage et libérale administration, était contradictoire dans ses termes, et grosse d’une légion d’impossibilités. Ils ont accusé tour à tour de l’oppression du fisc la barbarie des temps, l’ignorance des princes, les préjugés de caste, l’avidité des traitants, tout ce qui, en un mot, suivant eux, empêchant la progression de l’impôt, faisait obstacle à la pratique sincère de l’égalité devant le budget ; ils ne se sont pas doutés un instant que ce qu’ils demandaient sous le nom d’impôt progressif était le renversement de toutes les notions économiques. Ainsi, ils n’ont pas vu, par exemple, que l’impôt était progressif par cela même qu’il était proportionnel, mais que seulement la progression se trouvait prise à rebours, étant dirigée, comme nous l’avons dit, non pas dans le sens de la plus grande fortune, mais dans le sens de la plus petite. Si les économistes avaient eu l’idée nette de ce renversement, invariable dans tous les pays à impôts, un phénomène si singulier n’eût pas manqué d’attirer leur attention ; ils en auraient recherché les causes, et ils eussent fini par découvrir que ce qu’ils prenaient pour un accident de la civilisation, un effet des inextricables difficultés du gouvernement humain, était le produit de la contradiction inhérente à toute l’économie politique.
 
=== I ===
 
L’impôt progressif, appliqué, soit au capital, soit au revenu, est la négation même du monopole, de ce monopole que l’on rencontre partout, dit M. Rossi, sur la route de l’économie sociale ; qui est le vrai stimulant de l’industrie, l’espoir de l’épargne, le conservateur et le père de toute richesse ; duquel nous avons pu dire enfin que la société ne peut exister avec lui, mais qu’elle ne serait pas sans lui. Que l’impôt devienne tout à coup ce qu’il est indubitable qu’il doit être, savoir, la contribution proportionnelle — ou progressionnelle, c’est la même chose — de chaque producteur aux charges publiques, aussitôt la rente et le bénéfice sont confisqués partout au profit de l’état ; le travail est dépouillé du fruit de ses oeuvres ; chaque individu étant réduit à la portion congrue de 56 centimes et demi, la misère devient générale ; le pacte formé entre le travail et le capital est dissous, et la société, privée de gouvernail, rétrograde jusqu’à son origine. On dira peut-être qu’il est aisé d’empêcher l’annihilation absolue des bénéfices du capital, en arrêtant à un moment quelconque l’effet de la progression. éclectisme, juste- milieu, accommodement avec le ciel ou avec la morale : ce sera donc toujours la même philosophie ! La vraie science répugne à de pareilles transactions. Tout capital engagé doit rentrer au producteur sous forme d’intérêts ; tout travail doit laisser un excédant, tout salaire être égal au produit. Sous l’égide de ces ois, la société réalise sans cesse, par la plus grande variété des productions, la plus grande somme de bien-être possible. Ces lois sont absolues : les violer, c’est meurtrir, c’est mutiler la société. Ainsi, le capital, qui n’est autre chose après tout que du travail accumulé, est inviolable. Mais d’autre part, la tendance à l’égalité n’est pas moins impérieuse : elle se manifeste à chaque phase économique avec une énergie croissante et une autorité invincible. Vous avez donc à satisfaire tout à la fois au travail et à la justice : vous devez donner au premier des garanties de plus en plus réelles, et procurer la seconde sans concession ni ambiguïté. Au lieu de cela, vous ne savez que substituer sans cesse à vos théories le bon plaisir du prince, arrêter le cours des lois économiques par un pouvoir arbitraire, et, sous prétexte d’équité, mentir également au salaire et au monopole ! Votre liberté n’est qu’une demi- liberté, votre justice qu’une demi-justice, et toute votre sagesse consiste dans ces moyens termes dont l’iniquité est toujours double, puisqu’ils ne font droit aux prétentions ni de l’une ni de l’autre partie ! Non, telle ne peut être la science que vous nous avez promise, et qui, en nous dévoilant les secrets de la production et de la consommation des richesses, doit résoudre sans équivoque les antinomies sociales. Votre doctrine semi-libérale est le code du despotisme, et décèle en vous autant l’impuissance d’avancer que la honte de reculer. Si la société, engagée par ses antécédents économiques, ne peut jamais rebrousser chemin ; si, jusqu’à ce que vienne l’équation universelle, le monopole doit être maintenu dans sa possession, nul changement n’est possible dans l’assiette de l’impôt : seulement il y a là une contradiction qui, comme toute autre, doit être poussée jusqu’à épuisement. Ayez donc le courage de vos opinions : respect à l’opulence, et point de miséricorde pour le pauvre, que le dieu du monopole a condamné. Moins le mercenaire a de quoi vivre, plus il faut qu’il paye : <i> (..)''. Cela
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improductifs », mais dont la pensée originaire fut une restauration du travailleur, l’impôt, sous le régime du monopole, se réduit donc à une pure et simple protestation, à une sorte d’acte extra-judiciaire dont tout l’effet est d’aggraver la position du salarié, en troublant le monopoleur dans sa possession. Quant à l’idée de changer l’impôt proportionnel en impôt progressif, ou, pour mieux dire, de retourner la progression de l’impôt, c’est une bévue dont la responsabilité tout entière appartient aux économistes. Mais la menace plane, dorénavant, sur le privilége. Avec la faculté de modifier la proportionnalité de l’impôt, le gouvernement a sous la main un moyen expéditif et sûr de déposséder, quand il voudra, les détenteurs de capitaux ; et c’est chose effrayante que de voir partout cette grande institution, base de la société, objet de tant de controverses, de tant de lois, de tant de cajoleries et de tant de crimes, la propriété, suspendue à l’extrémité d’un fil sur la gueule béante du prolétariat.
 
=== III - Conséquences désastreuses et inévitables de l’impôt. ===
 
Subsistances, lois somptuaires, police rurale et industrielle, brevets d’invention, marques de fabrique, etc.
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la liberté, nous devons rechercher un sujet supérieur.
 
=== I - Culpabilité de l’homme. Exposition du mythe de la chute. ===
 
Tant que l’homme vit sous la loi d’égoïsme, il s’accuse lui-même, dès qu’il s’élève à la conception d’une loi
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prémouvante », que sans elle l’homme n’est capable d’aucune espèce de bien, et que néanmoins le libre arbitre accomplit spontanément, avec réflexion et choix, sa propre destinée. Il n’existe dans tout cela ni contradiction ni mystère. L’homme, en tant qu’homme, est bon ; mais, ainsi que le tyran dépeint par Platon, qui fut, lui aussi, un docteur de la grâce, l’homme porte en son sein mille monstres, que le culte de la justice et de la science, la musique et la gymnastique, toutes les grâces d’occasion et d’état, doivent lui faire vaincre. Corrigez une définition dans saint Augustin, et toute cette doctrine de la grâce, fameuse par les disputes qu’elle suscita et qui déroutèrent la réforme, vous apparaîtra brillante de clarté et d’harmonie. Et maintenant l’homme est-il Dieu ? Dieu, d’après l’hypothèse théologique, étant l’être souverain, absolu, hautement synthétique, le moi infiniment sage et libre, par conséquent indéfectible et saint ; il est sensible que l’homme, syncrétisme de la création, point d’union de toutes les virtualités physiques, organiques, intellectuelles et morales manifestées par la création ; l’homme, perfectible et faillible, ne satisfait point aux conditions de divinité qu’il est de la nature de son esprit de concevoir. Ni il n’est Dieu, ni il ne saurait, vivant, devenir Dieu. à plus forte raison le chêne, le lion, le soleil, l’univers lui-même, scissions de l’absolu, ne sont dieu. Du même coup, l’anthropolâtrie et la physiolâtrie sont renversées. Il s’agit à présent de faire la contre-épreuve de cette théorie. Du point de vue des contradictions sociales, nous avons apprécié la moralité de l’homme. Nous allons apprécier à son tour, et du même point de vue, la moralité de la providence. En d’autres termes, Dieu, tel que la spéculation et la foi le livrent à l’adoration des mortels, est-il possible ?
 
=== II - Exposition du mythe de la providence. Rétrogradation de Dieu. ===
 
Les théologiens et les philosophes, parmi les preuves, au nombre de trois, qu’ils ont coutume d’apporter de l’existence de Dieu, mettent en première ligne le consentement universel. J’ai tenu compte de cet argument lorsque, sans le rejeter ni l’admettre, je me suis tout aussitôt demandé : qu’affirme le consentement universel en affirmant un dieu ? Et, à ce propos, je dois rappeler que la différence des religions n’est point un témoignage de l’erreur dans laquelle le genre humain serait tombé en affirmant hors de lui un moi suprême, pas plus que la diversité des langues n’est un témoignage de la non-réalité de la raison. L’hypothèse de Dieu, loin de s’affaiblir, se fortifie et s’établit par la divergence même et l’opposition des cultes. Un argument d’un autre genre est celui qui se tire de l’ordre du monde. J’ai observé à cet égard que la nature affirmant spontanément, par la voix de l’homme, sa propre distinction en esprit et matière, il restait à savoir si un esprit infini, une âme du monde, gouvernait et agitait l’univers, comme la conscience, dans son intuition obscure, nous dit qu’un esprit anime l’homme. Si donc, ai-je ajouté, l’ordre était un indice infaillible de la présence de l’esprit, on ne pourrait méconnaître dans l’univers la présence d’un dieu. Malheureusement ce ''
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thèse du progrès des objections.
 
=== I ===
 
Dieu, disent les croyants,