« Système des contradictions économiques ou Philosophie de la misère » : différence entre les versions

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Avant que j’entre dans la matière qui fait l’objet de ces
nouveaux mémoires, j’ai besoin de rendre compte d’une hypothèse
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mystère des révolutions sociales, Dieu, le grand inconnu, est
devenu pour moi une hypothèse, je veux dire un instrument
dialectique nécessaire. I si je suis, à travers ses
 
transformations successives, l’idée de Dieu, je trouve que
== I ==
 
Si je suis, à travers ses transformations successives, l’idée de Dieu, je trouve que
cette idée est avant tout sociale ; j’entends par là qu’elle
est bien plus un acte de foi de la pensée collective qu’une
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être m’envoie vers vous. Ces deux mots, l’être et moi, ont dans
la langue originale, la plus religieuse que les hommes aient
parlée, la même caractéristique. Ailleurs, quand Ie-HovahJehovah, se
faisant législateur par l’organe de Moïse, atteste son éternité
et jure par son essence, il dit, pour formule de serment : moi ; ou bien avec un
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En se faisant semblable à Dieu, l' homme faisait Dieu semblable à lui : cette corrélation, que pendant bien des siècles on eût qualifiée d' exécrable, fut l' invisible ressort qui détermina le nouveau mythe. Au temps des patriarches, Dieu faisait alliance avec l' homme ; maintenant, et pour cimenter le pacte, Dieu va se faire homme. Il prendra notre chair, notre figure, nos passions, nos joies et nos peines, naîtra d' une femme et mourra comme nous. Puis, après cette humiliation de l' infini, l' homme prétendra encore avoir agrandi l' idéal de son dieu, en faisant, par une conversion logique, de celui qu' il avait jusque-là nommé créateur, un conservateur, un rédempteur. L' humanité ne dit pas encore : c' est moi qui suis Dieu ; une telle usurpation ferait horreur à sa piété ; elle dit : Dieu est en moi, Emmanuel, Nobiscum Deus. Et, au moment où la philosophie avec orgueil, et la conscience universelle avec effroi, s' écriaient d' une voix unanime : les dieux s' en vont, /... /, une période de dix-huit siècles d' adoration fervente et de foi surhumaine était inaugurée. Mais le terme fatal approche. Toute royauté qui se laisse circonscrire finira par la démagogie ; toute divinité qui se définit se résout en un pandémonium. La christolâtrie est le dernier terme de cette longue évolution de la pensée humaine. Les anges, les saints, les vierges, règnent au ciel avec Dieu, dit le catéchisme ; les démons et les réprouvés vivent aux enfers d' un supplice éternel. La société ultramondaine a sa gauche et sa droite : il est temps que l' équation s' achève, que cette hiérarchie mystique descende sur la terre, et se montre dans sa réalité. Lorsque Milton représente la première femme se mirant dans une fontaine et tendant avec amour les bras vers sa propre image comme pour l' embrasser, il peint trait pour trait le genre humain. -ce dieu que tu adores, ô homme ! Ce dieu que tu as fait bon, juste, tout-puissant, tout sage, immortel et saint, c' est toi-même : cet idéal de perfections est ton image, épurée au miroir ardent de ta conscience. Dieu, la nature et l' homme, sont le triple aspect de l' être un et identique ; l' homme, c' est Dieu même arrivant à la conscience de soi par mille évolutions ; en Jésus-Christ, l' homme s' est senti Dieu, et le christianisme est vraiment la religion de dieu-homme. Il n' y a pas d' autre dieu que celui qui, dès l' origine, a dit : moi ; il n' y a pas d' autre dieu que toi.
 
Telles sont les dernières conclusions de la philosophie, qui expire en dévoilant le mystère de la religion et le sien.

== IiII il==

Il semble dès lors que tout soit fini ; il semble que, l' humanité cessant de s' adorer et de se mystifier elle-même, le problème théologique soit écarté à jamais. Les dieux sont partis : l' homme n' a plus qu' à s' ennuyer et mourir dans son égoïsme. Quelle effrayante solitude s' étend autour de moi et se creuse au fond de mon âme ! Mon exaltation ressemble à l' anéantissement, et depuis que je me suis fait dieu, je ne me vois plus que comme une ombre. Il est possible que je sois toujours un ''
moi '' , mais il m' est bien difficile de me prendre pour l' absolu ; et si je ne suis pas l' absolu, je ne suis que la moitié d' une idée. Un peu de philosophie éloigne de la religion, a dit je ne sais quel penseur ironique, et beaucoup de philosophie y ramène. -cette observation est d' une vérité humiliante. Toute science se développe en trois époques successives, que l' on peut appeler, en les comparant aux grandes époques de la civilisation, époque religieuse, époque sophistique, époque scientifique. Ainsi, l' alchimie désigne la période religieuse de la science plus tard appelée chimie, et dont le plan définitif n' est pas encore trouvé ; tout comme l' astrologie forme la période religieuse d' une autre construction scientifique, l' astronomie. Or, voici qu' après s' être moqués soixante ans de la pierre philosophale, les chimistes, conduits par l' expérience, n' osent plus nier la transmutabilité des corps ; tandis que les astronomes sont amenés par la mécanique du monde à soupçonner aussi une organique du monde, c' est-à-dire précisément quelque chose comme l' astrologie. N' est-ce pas le cas de dire, à l' instar du philosophe que j' ai cité tout à l' heure, que si un peu de chimie détourne de la pierre philosophale, beaucoup de chimie ramène à la pierre philosophale ; et semblablement, que si un peu d' astronomie fait rire des astrologues, beaucoup d' astronomie ferait croire aux astrologues ? J' ai certes moins d' inclination au merveilleux que bien des athées, mais je ne puis m' empêcher de penser que les histoires de miracles, de prédictions, de charmes, etc., ne sont que des récits défigurés d' effets extraordinaires produits par certaines forces latentes, ou, comme on disait autrefois, par des puissances occultes. Notre science est encore si brutale et si pleine de mauvaise foi ; nos docteurs montrent tant d' impertinence pour si peu de savoir ; ils nient si impudemment les faits qui les gênent, afin de protéger les opinions qu' ils exploitent, que je me méfie de ces esprits forts, à l' égal des superstitieux. Oui, j' en suis convaincu, notre rationalisme grossier est l' inauguration d' une période qui, à force de science, deviendra vraiment ''
prodigieuse '' ; l' univers, à mes yeux, n' est qu' un laboratoire de magie, où il faut s' attendre à tout... cela dit, je rentre dans mon sujet. On se tromperait donc, si l' on allait s' imaginer, après l' exposé rapide que j' ai fait des évolutions religieuses, que la métaphysique a dit son dernier mot sur la double énigme exprimée dans ces quatre mots : existence de Dieu, immortalité de l' âme. Ici, comme ailleurs, les conclusions les plus avancées et les mieux établies de la raison, celles qui paraissent avoir tranché à jamais la question théologique, nous ramènent au mysticisme primordial, et impliquent les données nouvelles d' une inévitable philosophie. La critique des opinions religieuses nous fait sourire aujourd' hui et de nous-mêmes et des religions ; et pourtant le résumé de cette critique n' est qu' une reproduction du problème. Le genre humain, au moment où j' écris, est à la veille de reconnaître et d' affirmer quelque chose qui équivaudra pour lui à l' antique notion de la divinité ; et cela, non plus comme autrefois par un mouvement spontané, mais avec réflexion et en vertu d' une dialectique invincible. Je vais, en peu de mots, tâcher de me faire entendre. S' il est un point sur lequel les philosophes, malgré qu' ils en eussent, aient fini par se mettre d' accord, c' est sans doute la distinction de l' intelligence et de la nécessité, du sujet de la pensée et de son objet, du moi et du non-moi ; en termes vulgaires, de l' esprit et de la matière. Je sais bien que tous ces termes n' expriment rien de réel et de vrai, que chacun d' eux ne désigne qu' une scission de l' absolu, qui seul est vrai et réel, et que, pris séparément, ils impliquent tous également contradiction. Mais il n' est pas moins certain aussi que l' absolu nous est complétement inaccessible, que nous ne le connaissons que par ses termes opposés, qui seuls tombent sous notre empirisme ; et que, si l' unité seule peut obtenir notre foi, la dualité est la première condition de la science. Ainsi, qui pense, et qui est pensé ? Qu' est-ce qu' une âme, qu' est-ce qu' un corps ? Je défie d' échapper à ce dualisme. Il en est des essences comme des idées : les premières se montrent séparées dans la nature, comme les secondes dans l' entendement ; et de même que les idées de Dieu et d' immortalité de l' âme, malgré leur identité, se sont posées successivement et contradictoirement dans la philosophie, tout de même, malgré leur fusion dans l' absolu, le moi et le non -moi se posent séparément et contradictoirement dans la nature, et nous avons des êtres qui pensent, en même temps que d' autres qui ne pensent pas. Or, quiconque a pris la peine d' y réfléchir sait aujourd' hui qu' une semblable distinction, toute réalisée qu' elle soit, est ce que la raison peut rencontrer de plus inintelligible, de plus contradictoire, de plus absurde. L' être ne se conçoit pas plus sans les propriétés de l' esprit que sans les propriétés de la matière : en sorte que si vous niez l' esprit, parce que, ne tombant sous aucune des catégories de temps , d' espace, de mouvement, de solidité, etc., il vous semble dépouillé de tous les attributs qui constituent le réel, je nierai à mon tour la matière, qui, ne m' offrant d' appréciable que sa passivité, d' intelligible que ses formes, ne se manifeste nulle part comme cause / volontaire et libre /, et se dérobe entièrement comme substance : et nous arrivons à l' idéalisme pur , c' est-à-dire au néant. Mais le néant répugne à des je ne sais quoi qui vivent et qui raisonnent, réunissant en eux-mêmes, dans un état / je ne saurais dire lequel / de synthèse commencée ou de scission imminente, tous les attributs antagonistes de l' être. Force nous est donc de débuter par un dualisme dont nous savons parfaitement que les termes sont faux, mais qui, étant pour nous la condition du vrai, nous oblige invinciblement ; force nous est , en un mot, de commencer avec Descartes et avec le genre humain par le moi, c' est-à-dire par l' esprit. Mais depuis que les religions et les philosophies, dissoutes par l' analyse, sont venues se fondre dans la théorie de l' absolu, nous n' en savons pas mieux ce que c' est que l' esprit, et nous ne différons en cela des anciens que par la richesse de langage dont nous décorons l' obscurité qui nous assiége. Seulement, tandis que, pour les hommes d' autrefois, l' ordre accusait une intelligence ''
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l' esprit, puisque ce serait admettre ce que l' on veut écarter.
Sur quoi j' élève cette double question : qu' en savez-vous ? Et
qu' est-ce que cela signifie ?

== I l==

L' impénétrabilité, par
laquelle on prétend définir la matière, n' est qu' une hypothèse
de physiciens inattentifs, une conclusion grossière déduite d' un
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réciproques et des transformations sans nombre : toutes choses
peu compatibles avec la donnée d' un '' aliquid ''
impénétrable. L' élasticité,
élasticité,
qui, mieux qu' aucune autre propriété de la matière, pouvait
conduire, par l' idée de ressort ou résistance, à celle d'
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transcendentale '' , c' est-à-dire inaccessible à la raison, et l' hypothèse subsiste toujours. Elle subsiste, dis-je, cette hypothèse, plus vivace, plus impitoyable que jamais. Nous sommes parvenus à l' une de ces époques fatidiques, où la société, dédaigneuse du passé et tourmentée de l' avenir, tantôt embrasse le présent avec frénésie, laissant à quelques penseurs solitaires le soin de préparer la foi nouvelle ; tantôt crie à Dieu de l' abîme de ses jouissances et demande un signe de salut, ou cherche dans le spectacle de ses révolutions, comme dans les entrailles d' une victime, le secret de ses destinées. Qu' ai-je besoin d' insister davantage ? L' hypothèse de Dieu est légitime, car elle s' impose à tout homme malgré lui : elle ne saurait donc m' être reprochée par personne. Celui qui croit ne peut moins faire que de m' accorder la supposition que Dieu existe ; celui qui nie est forcé de me l' accorder encore, puisque lui-même l' avait faite avant moi, toute négation impliquant une affirmation préalable ; quant à celui qui doute, il lui suffit de réfléchir un instant pour comprendre que son doute suppose nécessairement un je ne sais quoi, que tôt ou tard il appellera Dieu. Mais si je possède, du fait de ma pensée, le droit de ''
supposer '' Dieu, je dois conquérir le droit de ''
l' affirmer '' . En d' autres termes, si mon hypothèse s' impose invinciblement, elle est pour le moment tout ce que je puis prétendre. Car affirmer, c' est déterminer ; or, toute détermination, pour être vraie, doit être donnée empiriquement. En effet, qui dit détermination, dit rapport, conditionnalité, expérience. Puis donc que la détermination du concept de Dieu doit sortir pour nous d' une démonstration empirique, nous devons nous abstenir de tout ce qui, dans la recherche de cette haute inconnue, n' étant pas donné par l' expérience, dépasserait l' hypothèse, sous peine de retomber dans les contradictions de la théologie, et par conséquent de soulever de nouveau les protestations de l' athéisme.

== IiiIII il==

Il me reste à dire comment, dans un livre d' économie politique, j' ai dû partir de l' hypothèse fondamentale de toute philosophie. Et d' abord, j' ai besoin de l' hypothèse de Dieu pour fonder l' autorité de la science sociale. -quand l' astronome, pour expliquer le système du monde, s' appuyant exclusivement sur l' apparence, suppose, avec le vulgaire, le ciel en voûte, la terre plate, le soleil gros comme un ballon, et décrivant une courbe en l' air de l' orient à l' occident, il suppose l' infaillibilité des sens, sauf à rectifier plus tard, à fur et mesure de l' observation, la donnée de laquelle il est obligé de partir. C' est qu' en effet la philosophie astronomique ne pouvait admettre à priori ''
que les sens nous trompent, et que nous ne voyons
pas ce que nous voyons : que deviendrait, après un pareil
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et quel est le caractère de la certitude ? '' comme si l' académie nous disait : vous vérifierez l' hypothèse de votre existence, l' hypothèse de l' académie qui vous interroge, l' hypothèse du temps, de l' espace, du mouvement, de la pensée et des lois de la pensée. Puis vous vérifierez l' hypothèse du paupérisme, l' hypothèse de l' inégalité des conditions, l' hypothèse de l' association universelle, l' hypothèse du bonheur, l' hypothèse de la monarchie et de la république, l' hypothèse d' une providence ! ... c' est toute une critique de Dieu et du genre humain. J' en atteste le programme de l' honorable compagnie : ce n' est pas moi qui ai posé les conditions de mon travail, c' est l' académie des sciences morales et politiques. Or, comment puis-je satisfaire à ces conditions, si je ne suis moi-même doué d' infaillibilité, en un mot si je ne suis Dieu ou devin ? L' académie admet donc que la divinité et l' humanité sont identiques, ou du moins corrélatives ; mais il s' agit de savoir en quoi consiste cette corrélation : tel est le sens du problème de la certitude, tel est le but de la philosophie sociale. Ainsi donc, au nom de la société que Dieu inspire, une académie interroge. Au nom de la même société, je suis l' un des voyants qui essaient de répondre. La tâche est immense, et je ne promets pas de la remplir : j' irai jusqu' où Dieu me donnera. Mais, quel que soit mon discours, il ne vient point de moi : la pensée qui fait courir ma plume ne m' est pas personnelle, et rien de ce que j' écris ne m' est imputable. Je rapporterai les faits tels que je les aurai vus ; je les jugerai sur ce que j' en aurai dit ; j' appellerai chaque chose de son nom le plus énergique, et nul ne pourra y trouver une offense. Je chercherai librement et d' après les règles de la divination que j' ai apprise, ce que nous veut le conseil divin qui s' exprime en ce moment par la bouche éloquente des sages, et par les vagissements inarticulés du peuple : et quand je nierais toutes les prérogatives consacrées par notre constitution, je ne serai point factieux. Je montrerai du doigt où nous pousse l' invisible aiguillon ; et mon action ni mes paroles ne seront irritantes. Je provoquerai la nue, et quand j' en ferais tomber la foudre, je serais innocent. Dans cette enquête solennelle où l' académie m' invite, j' ai plus que le droit de dire la vérité, j' ai le droit de dire ce que je pense : puissent ma pensée, mon expression et la vérité, n' être jamais qu' une seule et même chose ! Et vous, lecteur, car sans lecteur il n' est pas d' écrivain ; vous êtes de moitié dans mon oeuvre. Sans vous, je ne suis qu' un airain sonore ; avec la faveur de votre attention, je dirai merveille. Voyez-vous ce tourbillon qui passe et qu' on appelle la société, duquel jaillissent, avec un éclat si terrible, les éclairs, les tonnerres et les voix ? Je veux vous faire toucher du doigt les ressorts cachés qui le meuvent ; mais il faut pour cela que vous vous réduisiez, sous mon commandement, à l' état de pure intelligence. Les yeux de l' amour et du plaisir sont impuissants à reconnaître la beauté dans un squelette, l' harmonie dans des viscères mis à nu, la vie dans n sang noir et figé : ainsi les secrets de l' organisme social sont lettre close pour l' homme dont les passions et les préjugés offusquent le cerveau. De telles sublimités ne se laissent atteindre que dans une silencieuse et froide contemplation. Souffrez donc qu' avant de dérouler à vos yeux les feuillets du livre de vie, je prépare votre âme par cette purification sceptique, que réclamèrent de tous temps de leurs disciples les grands instituteurs des peuples, Socrate, Jésus-Christ, saint Paul, saint Rémi, Bacon, Descartes, Galilée, Kant, etc. Qui que vous soyez, couvert des haillons de la misère ou paré des vêtements somptueux du luxe, je vous rends à cette nudité lumineuse que ne ternissent ni les fumées de l' opulence, ni les poisons de l' envieuse pauvreté. Comment persuader au riche que la différence des conditions vient d' une erreur de compte ; et comment le pauvre, sous sa besace, se figurerait-il que le propriétaire possède de bonne foi ? S' enquérir des souffrances du travailleur est pour l' oisif la plus insupportable distraction ; de même que rendre justice à l' heureux est pour le misérable le breuvage le plus amer. Vous êtes élevé en dignité : je vous destitue, vous voilà libre. Il y a trop d' optimisme sous ce costume d' ordonnance, trop de subordination, trop de paresse. La science exige l' insurrection de la pensée : or, la pensée d' un homme en place, c' est son traitement. Votre maîtresse, belle, passionnée, artiste, n' est, je veux le croire, possédée que de vous. C' est-à-dire que votre âme, votre esprit, votre conscience , ont passé dans le plus charmant objet de luxe que la nature et l' art aient produit pour l' éternel supplice des humains fascinés. Je vous sépare de cette divine moitié de vous-même : c' est trop aujourd' hui de vouloir la justice et d' aimer une femme . Pour penser avec grandeur et netteté, il faut que l' homme dédouble sa nature et reste sous son hypostase masculine. Aussi bien, dans l' état où je vous ai mis, votre amante ne vous connaîtrait plus : souvenez-vous de la femme de Job. De quelle religion êtes-vous ? ... oubliez votre foi, et, par sagesse, devenez athée. -quoi ! Dites-vous, athée malgré notre hypothèse ! -non, mais à cause de notre hypothèse. Il faut avoir dès longtemps élevé sa pensée au-dessus des choses divines pour avoir le droit de supposer une personnalité au delà de l' homme, une vie au delà de cette vie. Du reste, n' ayez crainte de votre salut. Dieu ne se fâche point contre qui le méconnaît par raison , pas plus qu' il ne se soucie de qui l' adore sur parole ; et, dans l' état de votre conscience, le plus sûr pour vous est de ne rien penser de lui. Ne voyez-vous pas qu' il en est de la religion comme des gouvernements, dont le plus parfait serait la négation de tous ? Qu' aucune fantaisie politique ni religieuse ne retienne donc votre âme captive ; c' est l' unique moyen aujourd' hui de n' être ni dupe ni renégat. Ah ! Disais-je au temps de mon enthousiaste jeunesse, n' entendrai-je point sonner les secondes vêpres de la république , et nos prêtres, vêtus de blanches tuniques, chanter sur le mode dorien l' hymne du retour : ''
change, ô dieu, notre '' servitude, comme le vent du désert en un souffle ''
rafraîchissant ! ... '' mais j' ai désespéré des républicains, et je ne connais plus ni religion ni prêtres. Je voudrais encore, pour assurer tout à fait votre jugement, cher lecteur, vous rendre l' âme insensible à la pitié, supérieure à la vertu, indifférente au bonheur. Mais ce serait trop exiger d' un néophyte. Souvenez-vous seulement, et n' oubliez jamais, que la pitié, le bonheur et la vertu, de même que la patrie, la religion et l' amour, sont des masques... de la science économique. I-opposition du ''
 
fait '' et du ''
== I - Opposition du « fait » et du « droit » dans l' économie des sociétés. ==
droit
 
'' dans l' économie des sociétés. J' affirme la réalité d' une science économique. Cette proposition, dont peu d' économistes s' avisent aujourd' hui de douter, est la plus hardie peut-être qu' un philosophe ait jamais soutenue ; et la suite de ces recherches prouvera, j' espère, que le plus grand effort de l' esprit humain sera un jour de l' avoir démontrée. J' affirme d' autre part la ''
J' affirme la réalité d' une science économique. Cette proposition, dont peu d' économistes s' avisent aujourd' hui de douter, est la plus hardie peut-être qu' un philosophe ait jamais soutenue ; et la suite de ces recherches prouvera, j' espère, que le plus grand effort de l' esprit humain sera un jour de l' avoir démontrée. J' affirme d' autre part la ''
 
certitude absolue '' en même temps que le caractère ''
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en la personne de cinq ou six révélateurs, le socialisme affirme
l' anomalie de la constitution présente
de la société, et, partant, de tous les établissements antérieurs.
. Il prétend, et il prouve, que l' ordre civilisé est factice,
contradictoire, inefficace ; qu' il engendre de lui-même l'
oppression, la misère et le crime ; il accuse, pour ne pas dire
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met à l' oeuvre : et dès sa première journée, première journée de
la seconde création, le produit de Prométhée, c' est-à-dire sa
richesse, son bien-être, est égal à Io10. Le second jour,
Prométhée divise son travail, et son produit devient égal à Ioo100
. Le troisième jour, et chacun des jours suivants, Prométhée
invente des machines, découvre de nouvelles utilités dans les
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si le tisserand donnait dix jours de sa vie pour un jour de la
vie du tailleur. C' est précisément ce qui arrive quand un paysan
paye I1 2 francs à un notaire pour un écrit dont la rédaction
coûte une heure ; et cette inégalité, cette iniquité
dans les échanges, est la plus puissante cause de misère que les
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rapports des '' profits avec les salaires et qui en déterminent les ''
oscillations, '' en d' autres termes, quels sont les épisodes les plus saillants et les phases les plus remarquables de la guerre du travail et du capital. Si donc je démontre que l' économie politique, avec toutes ses hypothèses contradictoires et ses conclusions équivoques, n' est rien qu' une organisation du privilége et de la misère, j' aurai prouvé par cela même qu' elle contient implicitement la promesse d' une organisation du travail et de l' égalité, puisque, comme on l' a dit, toute contradiction systématique est l' annonce d' une composition ; bien plus, j' aurai posé les bases de cette composition. Donc, enfin, exposer le système des contradictions économiques, c' est jeter les fondements de l' association universelle ; dire comment les produits de l' oeuvre collective sont ''
sortis '' de la société, c' est expliquer comment il sera possible de les y faire ''
 
rentrer '' ; montrer la genèse des problèmes de production et de répartition, c' est en préparer la solution. Toutes ces propositions sont identiques, et d' une égale évidence.
 
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et du progrès, l' écrivain aux tendances démocratiques, le
professeur accueilli par les sympathies du prolétariat. Dans son
discours d' ouverture pour l' année I 8451845, M Blanqui a
proclamé, comme moyen de salut, l' association du travail et du
capital, la participation de l' ouvrier dans les bénéfices, soit
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intéressés, qu' il confère aux ouvriers. Qu' est-ce donc que
vaudrait à l' ouvrier sa participation aux bénéfices ? Une
filature de I1 5, Ooo000 broches, occupant 3 oo00 ouvriers, ne
donne pas, année courante, il s' en faut de beaucoup, 2 o0, Ooo000
francs de bénéfices. Je tiens d' un industriel de Mulhouse que
les fabriques de tissus en Alsace sont généralement au-dessous
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de travail, je trouve pour chacune un surcroît de solde de 22
centimes et 2 millièmes, soit pour la dépense quotidienne un
supplément de I1 8 centimes, juste un morceau de pain. Cela vaut-
il la peine d' exproprier les entrepreneurs et de jouer la
fortune publique, pour ériger des établissements d' autant plus
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contre les tempêtes ? Et s' il ne s' agit pas d' expropriation,
quelle pauvre perspective à présenter à la classe ouvrière, qu'
une augmentation de I1 8 centimes, pour prix de quelques siècles
d' épargne ; car il ne lui faudra pas moins que cela pour former
ses capitaux, à supposer que les chômages périodiques ne lui
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Normandie où les ouvriers étaient associés à l' entrepreneur, le
salaire de plusieurs familles pendant dix années ; et il a trouvé
des moyennes de I1 2 àià 1, 4 oo00 francs par an. Il a ensuite voulu
comparer la situation des ouvriers de filatures payés en raison
des prix
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division du travail étant désormais établie partout, le
raisonnement se généralise, et nous avons pour conclusion que '' la misère est un ''
effet du travail '' , aussi bien que de la paresse. On dit à cela, et cet
effet du travail '' , aussi bien que de la paresse. On dit à cela, et cet argument est en grande faveur parmi le peuple : augmentez le prix des services, doublez, triplez le salaire. J' avoue que si cette augmentation était possible, elle obtiendrait un plein succès, quoi qu' en ait dit M Chevalier, à qui je dois sur ce point un petit redressement. D' après M Chevalier, si l' on augmentait le prix d' une marchandise quelconque, les autres marchandises s' augmenteraient dans la même proportion, et il n' en résulterait aucun avantage pour personne. Ce raisonnement, que les économistes se repassent depuis plus d' un siècle, est aussi faux qu' il est vieux, et il appartenait à M Chevalier, en sa qualité d' ingénieur, de redresser la tradition économique. Les appointements d' un chef de bureau étant par jour de Io francs, et le salaire d' un ouvrier de 4 : si le revenu est augmenté pour chacun de 5 francs, le rapport des fortunes qui, dans le premier cas, était comme Ioo est à 4 o, ne sera plus dans le second que comme Ioo est à 6 o. L' augmentation des salaires, s' effectuant nécessairement par addition et non par quotient, serait donc un excellent moyen de nivellement ; et les économistes mériteraient que les socialistes leur renvoyassent le reproche d' ignorance, dont ils sont par eux gratifiés à tort et à travers. Mais je dis qu' une pareille augmentation est impossible, et que la supposition en est absurde : car, comme l' a très-bien vu d' ailleurs M Chevalier, le chiffre qui indique le prix de la journée du travail n' est qu' un exposant algébrique sans influence sur la réalité : et ce qu' il faut avant tout songer à accroître, tout en rectifiant les inégalités de distribution, ce n' est pas l' expression monétaire, c' est la quantité des produits. Jusque-là, tout mouvement de hausse dans les salaires ne peut avoir d' autre effet que celui d' une hausse sur le blé, le vin, la viande, le sucre, le savon, la houille, etc., c' est-à-dire l' effet d' une disette. Car qu' est-ce que le salaire ? C' est le prix de revient du blé, du vin, de la viande, de la houille ; c' est le prix intégrant de toutes choses. Allons plus avant encore : le salaire est la proportionnalité des éléments qui composent la richesse, et qui sont consommés chaque jour reproductivement par la masse des travailleurs. Or, doubler le salaire, au sens où le peuple l' entend, c' est attribuer à chacun des producteurs une part plus grande que son produit, ce qui est contradictoire ; et si la hausse ne porte que sur un petit nombre d' industries, c' est provoquer une perturbation générale dans les échanges, en un mot, une disette. Dieu me garde des prédictions ! Mais malgré toute ma sympathie pour l' amélioration du sort de la classe ouvrière, il est impossible, je le déclare, que les grèves suivies d' augmentation de salaire n' aboutissent pas à un renchérissement général : cela est aussi certain que deux et deux font quatre. Ce n' est point par de semblables recettes que les ouvriers arriveront à la richesse, et, ce qui est mille fois plus précieux encore que la richesse, à la liberté. Les ouvriers, appuyés par la faveur d' une presse imprudente, en exigeant une augmentation de salaire, ont servi le monopole bien plus que leur véritable intérêt : puissent-ils reconnaître, quand le malaise reviendra pour eux plus cuisant, le fruit amer de leur inexpérience ! Convaincu de l' inutilité, ou, pour mieux dire, des funestes effets de l' augmentation des salaires, et sentant bien que la question est tout organique et nullement commerciale, M Chevalier prend le problème à rebours. Il demande pour la classe ouvrière, avant tout, l' instruction, et il propose dans ce sens de larges réformes. L' instruction ! C' est aussi le mot de M Arago aux ouvriers, c' est le principe de tout progrès. L' instruction ! ... il faut savoir une fois pour toutes ce que nous pouvons en attendre pour la solution du problème qui nous occupe ; il faut savoir, dis-je, non s' il est désirable que tous la reçoivent, chose que personne ne met en doute, mais si elle est possible.
argument est en grande faveur parmi le peuple : augmentez le prix des services,
doublez, triplez le salaire. J' avoue que si cette augmentation était possible,
elle obtiendrait un plein succès, quoi qu' en ait dit M Chevalier, à qui je dois
sur ce point un petit redressement. D' après M Chevalier, si l' on augmentait le
prix d' une marchandise quelconque, les autres marchandises s' augmenteraient
dans la même proportion, et il n' en résulterait aucun avantage pour personne.
Ce raisonnement, que les économistes se repassent depuis plus d' un siècle, est
aussi faux qu' il est vieux, et il appartenait à M Chevalier, en sa qualité d'
ingénieur, de redresser la tradition économique. Les appointements d' un chef de
bureau étant par jour de 10 francs, et le salaire d' un ouvrier de 4 : si le
revenu est augmenté pour chacun de 5 francs, le rapport des fortunes qui, dans
le premier cas, était comme 100 est à 4 0, ne sera plus dans le second que comme
100 est à 6 0. L' augmentation des salaires, s' effectuant nécessairement par addition et non par quotient, serait donc un excellent moyen de nivellement ; et les économistes mériteraient que les socialistes leur renvoyassent le reproche d' ignorance, dont ils sont par eux gratifiés à tort et à travers. Mais je dis qu' une pareille augmentation est impossible, et que la supposition en est absurde : car, comme l' a très-bien vu d' ailleurs M Chevalier, le chiffre qui indique le prix de la journée du travail n' est qu' un exposant algébrique sans influence sur la réalité : et ce qu' il faut avant tout songer à accroître, tout en rectifiant les inégalités de distribution, ce n' est pas l' expression monétaire, c' est la quantité des produits. Jusque-là, tout mouvement de hausse dans les salaires ne peut avoir d' autre effet que celui d' une hausse sur le blé, le vin, la viande, le sucre, le savon, la houille, etc., c' est-à-dire l' effet d' une disette. Car qu' est-ce que le salaire ? C' est le prix de revient du blé, du vin, de la viande, de la houille ; c' est le prix intégrant de toutes choses. Allons plus avant encore : le salaire est la proportionnalité des éléments qui composent la richesse, et qui sont consommés chaque jour reproductivement par la masse des travailleurs. Or, doubler le salaire, au sens où le peuple l' entend, c' est attribuer à chacun des producteurs une part plus grande que son produit, ce qui est contradictoire ; et si la hausse ne porte que sur un petit nombre d' industries, c' est provoquer une perturbation générale dans les échanges, en un mot, une disette. Dieu me garde des prédictions ! Mais malgré toute ma sympathie pour l' amélioration du sort de la classe ouvrière, il est impossible, je le déclare, que les grèves suivies d' augmentation de salaire n' aboutissent pas à un renchérissement général : cela est aussi certain que deux et deux font quatre. Ce n' est point par de semblables recettes que les ouvriers arriveront à la richesse, et, ce qui est mille fois plus précieux encore que la richesse, à la liberté. Les ouvriers, appuyés par la faveur d' une presse imprudente, en exigeant une augmentation de salaire, ont servi le monopole bien plus que leur véritable intérêt : puissent-ils reconnaître, quand le malaise reviendra pour eux plus cuisant, le fruit amer de leur inexpérience ! Convaincu de l' inutilité, ou, pour mieux dire, des funestes effets de l' augmentation des salaires, et sentant bien que la question est tout organique et nullement commerciale, M Chevalier prend le problème à rebours. Il demande pour la classe ouvrière, avant tout, l' instruction, et il propose dans ce sens de larges réformes. L' instruction ! C' est aussi le mot de M Arago aux ouvriers, c' est le principe de tout progrès. L' instruction ! ... il faut savoir une fois pour toutes ce que nous pouvons en attendre pour la solution du problème qui nous occupe ; il faut savoir, dis-je, non s' il est désirable que tous la reçoivent, chose que personne ne met en doute, mais si elle est possible.
 
Pour bien saisir toute la portée des vues de M Chevalier, il est indispensable de connaître sa tactique. M Chevalier, façonné de longue main à la discipline, d' abord par ses études polytechniques, plus tard par ses relations saint-simoniennes, et finalement par sa position universitaire, ne paraît point admettre qu' un élève puisse avoir d' autre volonté que celle du règlement, un sectaire d' autre pensée que celle du chef, un fonctionnaire public d' autre opinion que celle du pouvoir. Ce peut être une manière de concevoir l' ordre aussi respectable qu' aucun autre, et je n' entends exprimer à ce sujet ni approbation ni blâme. M Chevalier a-t-il à émettre un jugement qui lui soit personnel ? En vertu du principe que tout ce qui n' est pas défendu par la loi est permis, il se hâte de prendre le devant et de dire son avis, quitte à se rallier ensuite, s' il y a lieu, à l' opinion de l' autorité. C' est ainsi que ''
m '' chevalier, avant de se fixer au giron constitutionnel, s' était donné à M
m '' chevalier, avant de se fixer au giron constitutionnel, s' était donné à M Enfantin ; c' est ainsi qu' il s' était expliqué sur les canaux, les chemins de fer, la finance, la propriété, longtemps avant que le ministère eût adopté aucun système sur la construction des railways, sur la conversion des rentes, les brevets d' invention, la propriété littéraire, etc. M Chevalier n' est donc pas, tant s' en faut, admirateur aveugle de l' enseignement universitaire ; et jusqu' à nouvel ordre, il ne se gêne pas pour dire ce qu' il en pense. Ses opinions sont des plus radicales. M Villemain avait dit dans son rapport : " le but de l' instruction secondaire est de préparer de loin un choix d' hommes... etc. " et comme le propre d' une idée lumineuse est d' éclairer toutes les questions qui s' y rattachent, l' enseignement professionnel fournit à M Chevalier un moyen très-expéditif de trancher, chemin faisant, la querelle du clergé et de l' université sur la liberté de l' enseignement. " il faut convenir qu' on fait la part très-belle au clergé... etc. " la conclusion vient toute seule : changez la matière de l' enseignement, et vous décatholicisez le royaume ; et comme le clergé ne sait que le latin et la bible, qu' il ne compte dans son sein ni maîtres ès arts, ni agriculteurs, ni comptables ; que parmi ses quarante mille prêtres, il n' en est peut-être pas vingt en état de lever un plan ou de forger un clou, on verra bientôt à qui les pères de famille donneront la préférence, de l' industrie ou du bréviaire, et s' ils n' estiment pas que le travail est la plus belle des langues pour prier Dieu. Ainsi finirait cette opposition ridicule d' éducation religieuse et de science profane, de spirituel et de temporel, de raison et de foi, d' autel et de trône, vieilles rubriques désormais vides de sens, mais dont on amuse encore la bonhomie du public, en attendant qu' il se fâche. M Chevalier n' insiste pas, du reste, sur cette solution : il sait que religion et monarchie sont deux partenaires qui, bien que toujours en brouille, ne peuvent exister l' une sans l' autre ; et pour ne point éveiller de soupçon, il se lance à travers une autre idée révolutionnaire, l' égalité. " la France est en état de fournir à l' école polytechnique vingt fois autant d' élèves qu' il y en entre aujourd' hui... etc. " si l' enseignement secondaire, réformé selon les vues de M Chevalier, était suivi par tous les jeunes français, tandis qu' il ne l' est communément que par 9 o, Ooo, il n' y aurait aucune exagération à élever le chiffre des spécialités mathématiques de 3, 52 oà Io, Ooo ; mais, par la même raison, nous aurions Io, Ooo artistes, philologues et philosophes ; -Io, Ooo médecins, physiciens, chimistes et naturalistes ; -Io, Ooo économistes, jurisconsultes, administrateurs ; - 2 o, Ooo industriels, contre-maîtres, négociants et comptables ; - 4 o, Ooo agriculteurs, vignerons, mineurs, etc. ; total, Ioo, Ooo capacités par an, soit environ le tiers de la jeunesse. Le reste, au lieu d' aptitudes spéciales , n' ayant que des aptitudes mêlées, se classerait indifféremment partout. Il est sûr qu' un si puissant essor donné aux intelligences accélérerait la marche de l' égalité, et je ne doute pas que tel ne soit le voeu secret de M Chevalier. Mais voilà précisément ce qui m' inquiète : les capacités ne font jamais défaut, pas plus que la population, et la question est de trouver de l' emploi aux unes et du pain à l' autre. En vain M Chevalier nous dit-il : " l' instruction secondaire donnerait moins de prise à la plainte qu' elle lance dans la société des flots d' ambitieux dénués de tous moyens de satisfaire leurs désirs, et intéressés à bouleverser l' état ; gens inappliqués et inapplicables, bons à rien et se croyant propres à tout, particulièrement à diriger les affaires publiques. Les études scientifiques exaltent moins l' esprit. Elles l' éclairent et le règlent en même temps ; elles approprient l' homme à la vie pratique... " -ce langage, lui répliquerai-je, est bon à tenir à des patriarches : un professeur d' économie politique doit avoir plus de respect pour sa chaire et pour son auditoire. Le gouvernement n' a pas plus de cent vingt places disponibles chaque année pour cent soixante-seize polytechniciens admis à l' école : quel serait donc l' embarras si le nombre des admissions était de dix mille, ou seulement, en prenant le chiffre de M Chevalier, de trois mille cinq cents ? Et généralisez : le total des positions civiles est de soixante mille, soit trois mille vacances annuelles ; quel effroi pour le pouvoir, si, adoptant tout à coup les idées réformistes de M Chevalier, il se voyait assiégé de cinquante mille solliciteurs ! On a souvent fait l' objection suivante aux républicains sans qu' ils y aient répondu : quand tout le monde aura son brevet d' électeur, les députés en vaudront-ils mieux, et le prolétariat en sera-t-il plus avancé ? Je fais la même demande à M Chevalier : quand chaque année scholaire vous apportera cent mille capacités, qu' en ferez-vous ? Pour établir cette intéressante jeunesse, vous descendrez jusqu' au dernier échelon de la hiérarchie. Vous ferez débuter le jeune homme, après quinze ans de sublimes études, non plus comme aujourd' hui par les grades d' aspirant ingénieur, de sous-lieutenant d' artillerie, d' enseigne de vaisseau, de substitut, de contrôleur, de garde général, etc. ; mais par les ignobles emplois de pionnier, de soldat du train, de dragueur, de mousse, de fagoteur et de rat de cave. Là il lui faudra attendre que la mort, éclaircissant les rangs, le fasse avancer d' une semelle. Il se pourra donc qu' un homme, sorti de l' école polytechnique et capable de faire un Vauban, meure cantonnier sur une route de deuxième classe, ou caporal dans un régiment. Oh ! Combien le catholicisme s' est montré plus prudent, et comme il vous a surpassés tous, saints-simoniens, républicains, universitaires, économistes, dans la connaissance de l' homme et de la société ! Le prêtre sait que notre vie n' est qu' un voyage , et que notre perfection ne se peut réaliser ici-bas ; et il se contente d' ébaucher sur la terre une éducation qui doit trouver son complément dans le ciel. L' homme que la religion a formé, content de savoir, de faire et d' obtenir ce qui suffit à sa destinée terrestre, ne peut jamais devenir un embarras pour le gouvernement : il en serait plutôt le martyr. ô religion bien- aimée ! Faut-il qu' une bourgeoisie qui a tant besoin de toi te méconnaisse ! ... dans quels épouvantables combats de l' orgueil et de la misère cette manie d' enseignement universel nous précipite ! à quoi servira l' éducation professionnelle, à quoi bon des écoles d' agriculture et de commerce, si vos étudiants ne possèdent ni établissements ni capitaux ? Et quel besoin de se bourrer jusqu' à l' âge de vingt ans de toutes sortes de sciences , pour aller après rattacher des fils à la mule-jenny, ou piquer la houille au fond d' un puits ? Quoi ! Vous n' avez de votre aveu que 3, Ooo emplois à donner chaque année pour 5 o, Ooo capacités possibles, et vous parlez encore de créer des écoles ! Restez plutôt dans votre système d' exclusion et de privilége, système vieux comme le monde, appui des dynasties et des patriciats, véritable machine à hongrer les hommes, afin d' assurer les plaisirs d' une caste de sultans. Faites payer cher vos leçons, multipliez les entraves, écartez, par la longueur des épreuves, le fils du prolétaire à qui la faim ne permet pas d' attendre, et protégez de tout votre pouvoir les écoles ecclésiastiques, où l' on apprend à travailler pour l' autre vie, à se résigner, jeûner, respecter les grands, aimer le roi et prier Dieu. Car toute étude inutile devient tôt ou tard une étude abandonnée : la science est un poison pour les esclaves . Certes, M Chevalier a trop de sagacité pour n' avoir pas aperçu les conséquences de son idée. Mais il s' est dit au fond du coeur, et l' on ne peut qu' applaudir à sa bonne intention : il faut avant tout que les hommes soient hommes : après, qui vivra verra. Ainsi nous marchons à l' aventure, conduits par la providence, qui ne nous avertit jamais qu' en frappant : ceci est le commencement et la fin de l' économie politique. à l' inverse de M Chevalier, professeur d' économie politique au collége de France, M Dunoyer, économiste de l' institut, ne veut pas qu' on organise l' enseignement. L' organisation de l' enseignement est une variété de l' organisation du travail ; donc, pas d' organisation. L' enseignement, observe M Dunoyer, est une profession, non une magistrature : comme toutes les professions, il doit être et rester libre. C' est la communauté, c' est le socialisme, c' est la tendance révolutionnaire, dont les principaux agents ont été Robespierre, Napoléon, Louis Xviii et M Guizot, qui ont jeté parmi nous ces idées funestes de centralisation et d' absorption de toute activité dans l' état. La presse est bien libre, et la plume des journalistes une marchandise ; la religion est bien libre aussi, et tout porteur de soutane, courte ou longue, qui sait à propos exciter la curiosité publique, peut rassembler autour de soi un auditoire. M Lacordaire a ses dévots, M Leroux ses apôtres, M Buchez son couvent. Pourquoi donc l' enseignement aussi ne serait-il pas libre ? Si le droit de l' enseigné, comme celui de l' acheteur, est indubitable ; celui de l' enseignant, qui n' est qu' une variété du vendeur, en est le corrélatif : il est impossible de toucher à la liberté de l' enseignement sans faire violence à la plus précieuse des libertés, celle de la conscience. Et puis, ajoute M Dunoyer, si l' état doit l' enseignement à tout le monde, on prétendra bientôt qu' il doit le travail, puis le logement, puis le couvert ... où cela mène-t-il ? L' argumentation de M Dunoyer est irréfutable : organiser l' enseignement, c' est donner à chaque citoyen la promesse d' un emploi libéral et d' un salaire confortable ; ces deux termes sont aussi intimement liés que la circulation artérielle et la circulation veineuse. Mais la théorie de M Dunoyer implique aussi que le progrès n' est vrai que d' une certaine élite de l' humanité, et que pour les neuf dixièmes du genre humain, la barbarie est la condition perpétuelle. C' est même ce qui constitue, selon M Dunoyer, l' essence des sociétés, laquelle se manifeste en trois temps, religion, hiérarchie et mendicité. En sorte que, dans ce système, qui est celui de Destutt De Tracy, de Montesquieu et de Platon, l' antinomie de la division, comme celle de la valeur, est insoluble. Ce m' est un plaisir inexprimable, je l' avoue, de voir M Chevalier, partisan de la centralisation de l' enseignement, combattu par M Dunoyer, partisan de la liberté ; M Dunoyer à son tour en opposition avec M Guizot ; M Guizot , le représentant des centralisateurs, en contradiction avec la charte, laquelle pose en principe la liberté ; la charte foulée aux pieds par les universitaires, qui réclament pour eux seuls le privilége de l' enseignement, malgré l' ordre formel de l' évangile qui dit aux prêtres : ''
Enfantin ; c' est ainsi qu' il s' était expliqué sur les canaux, les chemins de
allez et enseignez '' . Et par- dessus tout ce fracas d' économistes, de législateurs, de ministres, d' académiciens, de professeurs et de prêtres, la providence économique donnant le démenti à l' évangile, et s' écriant : que voulez-vous, pédagogues, que je fasse de votre enseignement ? Qui nous tirera de cette angoisse ? M Rossi penche pour un éclectisme : trop peu divisé, dit-il, le travail reste improductif ; trop divisé, il abrutit l' homme. La sagesse est entre ces extrêmes : In Medio Virtus. -malheureusement cette sagesse mitoyenne n' est qu' une médiocrité de misère ajoutée à une médiocrité de richesse, en sorte que la condition n' est pas le moins du monde modifiée. La proportion du bien et du mal, au lieu d' être comme Ioo est à Ioo, n' est plus que comme 5 o est à 5 o : ceci peut donner une fois pour toutes la mesure de l' éclectisme. Du reste, le juste-milieu de M Rossi est en opposition directe avec la grande loi économique : ''
fer, la finance, la propriété, longtemps avant que le ministère eût adopté aucun
système sur la construction des railways, sur la conversion des rentes, les
brevets d' invention, la propriété littéraire, etc. M Chevalier n' est donc pas,
tant s' en faut, admirateur aveugle de l' enseignement universitaire ; et jusqu'
à nouvel ordre, il ne se gêne pas pour dire ce qu' il en pense. Ses opinions
sont des plus radicales. M Villemain avait dit dans son rapport : " le but de l'
instruction secondaire est de préparer de loin un choix d' hommes... etc. " et
comme le propre d' une idée lumineuse est d' éclairer toutes les questions qui
s' y rattachent, l' enseignement professionnel fournit à M Chevalier un moyen
très-expéditif de trancher, chemin faisant, la querelle du clergé et de l'
université sur la liberté de l' enseignement. " il faut convenir qu' on fait la
part très-belle au clergé... etc. " la conclusion vient toute seule : changez la
matière de l' enseignement, et vous décatholicisez le royaume ; et comme le
clergé ne sait que le latin et la bible, qu' il ne compte dans son sein ni
maîtres ès arts, ni agriculteurs, ni comptables ; que parmi ses quarante mille
prêtres, il n' en est peut-être pas vingt en état de lever un plan ou de forger
un clou, on verra bientôt à qui les pères de famille donneront la préférence, de
l' industrie ou du bréviaire, et s' ils n' estiment pas que le travail est la
plus belle des langues pour prier Dieu. Ainsi finirait cette opposition ridicule
d' éducation religieuse et de science profane, de spirituel et de temporel, de
raison et de foi, d' autel et de trône, vieilles rubriques désormais vides de
sens, mais dont on amuse encore la bonhomie du public, en attendant qu' il se
fâche. M Chevalier n' insiste pas, du reste, sur cette solution : il sait que
religion et monarchie sont deux partenaires qui, bien que toujours en brouille,
ne peuvent exister l' une sans l' autre ; et pour ne point éveiller de soupçon,
il se lance à travers une autre idée révolutionnaire, l' égalité. " la France
est en état de fournir à l' école polytechnique vingt fois autant d' élèves qu'
il y en entre aujourd' hui... etc. " si l' enseignement secondaire, réformé
selon les vues de M Chevalier, était suivi par tous les jeunes français, tandis
qu' il ne l' est communément que par 9 o, Ooo, il n' y aurait aucune exagération
à élever le chiffre des spécialités mathématiques de 3, 52 0 à 10, 000 ; mais,
par la même raison, nous aurions 10, 000 artistes, philologues et philosophes ;
 
* 10, 000 médecins, physiciens, chimistes et naturalistes ;
* 10, 000 économistes, jurisconsultes, administrateurs ;
* 20, 000 industriels, contre-maîtres, négociants et comptables ;
* 40, 000 agriculteurs, vignerons, mineurs, etc. ;
total, 100, 000 capacités par an, soit environ le tiers de la jeunesse. Le
reste, au lieu d' aptitudes spéciales , n' ayant que des aptitudes mêlées, se
classerait indifféremment partout. Il est sûr qu' un si puissant essor donné aux
intelligences accélérerait la marche de l' égalité, et je ne doute pas que tel
ne soit le voeu secret de M Chevalier. Mais voilà précisément ce qui m' inquiète
: les capacités ne font jamais défaut, pas plus que la population, et la
question est de trouver de l' emploi aux unes et du pain à l' autre. En vain M
Chevalier nous dit-il : " l' instruction secondaire donnerait moins de prise à
la plainte qu' elle lance dans la société des flots d' ambitieux dénués de tous
moyens de satisfaire leurs désirs, et intéressés à bouleverser l' état ; gens
inappliqués et inapplicables, bons à rien et se croyant propres à tout,
particulièrement à diriger les affaires publiques. Les études scientifiques
exaltent moins l' esprit. Elles l' éclairent et le règlent en même temps ; elles
approprient l' homme à la vie pratique... " -ce langage, lui répliquerai-je, est
bon à tenir à des patriarches : un professeur d' économie politique doit avoir
plus de respect pour sa chaire et pour son auditoire. Le gouvernement n' a pas
plus de cent vingt places disponibles chaque année pour cent soixante-seize
polytechniciens admis à l' école : quel serait donc l' embarras si le nombre des
admissions était de dix mille, ou seulement, en prenant le chiffre de M
Chevalier, de trois mille cinq cents ? Et généralisez : le total des positions
civiles est de soixante mille, soit trois mille vacances annuelles ; quel effroi
pour le pouvoir, si, adoptant tout à coup les idées réformistes de M Chevalier,
il se voyait assiégé de cinquante mille solliciteurs ! On a souvent fait l'
objection suivante aux républicains sans qu' ils y aient répondu : quand tout le
monde aura son brevet d' électeur, les députés en vaudront-ils mieux, et le
prolétariat en sera-t-il plus avancé ? Je fais la même demande à M Chevalier :
quand chaque année scholaire vous apportera cent mille capacités, qu' en
ferez-vous ? Pour établir cette intéressante jeunesse, vous descendrez jusqu' au
dernier échelon de la hiérarchie. Vous ferez débuter le jeune homme, après
quinze ans de sublimes études, non plus comme aujourd' hui par les grades d'
aspirant ingénieur, de sous-lieutenant d' artillerie, d' enseigne de vaisseau,
de substitut, de contrôleur, de garde général, etc. ; mais par les ignobles
emplois de pionnier, de soldat du train, de dragueur, de mousse, de fagoteur et
de rat de cave. Là il lui faudra attendre que la mort, éclaircissant les rangs,
le fasse avancer d' une semelle. Il se pourra donc qu' un homme, sorti de l'
école polytechnique et capable de faire un Vauban, meure cantonnier sur une
route de deuxième classe, ou caporal dans un régiment. Oh ! Combien le
catholicisme s' est montré plus prudent, et comme il vous a surpassés tous,
saints-simoniens, républicains, universitaires, économistes, dans la
connaissance de l' homme et de la société ! Le prêtre sait que notre vie n' est
qu' un voyage , et que notre perfection ne se peut réaliser ici-bas ; et il se
contente d' ébaucher sur la terre une éducation qui doit trouver son complément
dans le ciel. L' homme que la religion a formé, content de savoir, de faire et
d' obtenir ce qui suffit à sa destinée terrestre, ne peut jamais devenir un
embarras pour le gouvernement : il en serait plutôt le martyr. ô religion bien-
aimée ! Faut-il qu' une bourgeoisie qui a tant besoin de toi te méconnaisse !
... dans quels épouvantables combats de l' orgueil et de la misère cette manie
d' enseignement universel nous précipite ! à quoi servira l' éducation
professionnelle, à quoi bon des écoles d' agriculture et de commerce, si vos
étudiants ne possèdent ni établissements ni capitaux ? Et quel besoin de se
bourrer jusqu' à l' âge de vingt ans de toutes sortes de sciences , pour aller
après rattacher des fils à la mule-jenny, ou piquer la houille au fond d' un
puits ? Quoi ! Vous n' avez de votre aveu que 3, Ooo emplois à donner chaque
année pour 5 o, Ooo capacités possibles, et vous parlez encore de créer des
écoles ! Restez plutôt dans votre système d' exclusion et de privilége, système
vieux comme le monde, appui des dynasties et des patriciats, véritable machine à
hongrer les hommes, afin d' assurer les plaisirs d' une caste de sultans. Faites
payer cher vos leçons, multipliez les entraves, écartez, par la longueur des
épreuves, le fils du prolétaire à qui la faim ne permet pas d' attendre, et
protégez de tout votre pouvoir les écoles ecclésiastiques, où l' on apprend à
travailler pour l' autre vie, à se résigner, jeûner, respecter les grands, aimer
le roi et prier Dieu. Car toute étude inutile devient tôt ou tard une étude
abandonnée : la science est un poison pour les esclaves . Certes, M Chevalier a
trop de sagacité pour n' avoir pas aperçu les conséquences de son idée. Mais il
s' est dit au fond du coeur, et l' on ne peut qu' applaudir à sa bonne intention
: il faut avant tout que les hommes soient hommes : après, qui vivra verra.
Ainsi nous marchons à l' aventure, conduits par la providence, qui ne nous
avertit jamais qu' en frappant : ceci est le commencement et la fin de l'
économie politique. à l' inverse de M Chevalier, professeur d' économie
politique au collége de France, M Dunoyer, économiste de l' institut, ne veut
pas qu' on organise l' enseignement. L' organisation de l' enseignement est une
variété de l' organisation du travail ; donc, pas d' organisation. L'
enseignement, observe M Dunoyer, est une profession, non une magistrature :
comme toutes les professions, il doit être et rester libre. C' est la
communauté, c' est le socialisme, c' est la tendance révolutionnaire, dont les
principaux agents ont été Robespierre, Napoléon, Louis Xviii et M Guizot, qui
ont jeté parmi nous ces idées funestes de centralisation et d' absorption de
toute activité dans l' état. La presse est bien libre, et la plume des
journalistes une marchandise ; la religion est bien libre aussi, et tout porteur
de soutane, courte ou longue, qui sait à propos exciter la curiosité publique,
peut rassembler autour de soi un auditoire. M Lacordaire a ses dévots, M Leroux
ses apôtres, M Buchez son couvent. Pourquoi donc l' enseignement aussi ne
serait-il pas libre ? Si le droit de l' enseigné, comme celui de l' acheteur,
est indubitable ; celui de l' enseignant, qui n' est qu' une variété du vendeur,
en est le corrélatif : il est impossible de toucher à la liberté de l'
enseignement sans faire violence à la plus précieuse des libertés, celle de la
conscience. Et puis, ajoute M Dunoyer, si l' état doit l' enseignement à tout le
monde, on prétendra bientôt qu' il doit le travail, puis le logement, puis le
couvert ... où cela mène-t-il ? L' argumentation de M Dunoyer est irréfutable :
organiser l' enseignement, c' est donner à chaque citoyen la promesse d' un
emploi libéral et d' un salaire confortable ; ces deux termes sont aussi
intimement liés que la circulation artérielle et la circulation veineuse. Mais
la théorie de M Dunoyer implique aussi que le progrès n' est vrai que d' une
certaine élite de l' humanité, et que pour les neuf dixièmes du genre humain, la
barbarie est la condition perpétuelle. C' est même ce qui constitue, selon M
Dunoyer, l' essence des sociétés, laquelle se manifeste en trois temps,
religion, hiérarchie et mendicité. En sorte que, dans ce système, qui est celui
de Destutt De Tracy, de Montesquieu et de Platon, l' antinomie de la division,
comme celle de la valeur, est insoluble. Ce m' est un plaisir inexprimable, je
l' avoue, de voir M Chevalier, partisan de la centralisation de l' enseignement,
combattu par M Dunoyer, partisan de la liberté ; M Dunoyer à son tour en
opposition avec M Guizot ; M Guizot , le représentant des centralisateurs, en
contradiction avec la charte, laquelle pose en principe la liberté ; la charte
foulée aux pieds par les universitaires, qui réclament pour eux seuls le
privilége de l' enseignement, malgré l' ordre formel de l' évangile qui dit aux
prêtres : '' allez et enseignez '' . Et par- dessus tout ce fracas d'
économistes, de législateurs, de ministres, d' académiciens, de professeurs et
de prêtres, la providence économique donnant le démenti à l' évangile, et s'
écriant : que voulez-vous, pédagogues, que je fasse de votre enseignement ? Qui
nous tirera de cette angoisse ? M Rossi penche pour un éclectisme : trop peu
divisé, dit-il, le travail reste improductif ; trop divisé, il abrutit l' homme.
La sagesse est entre ces extrêmes : In Medio Virtus. -malheureusement cette
sagesse mitoyenne n' est qu' une médiocrité de misère ajoutée à une médiocrité
de richesse, en sorte que la condition n' est pas le moins du monde modifiée. La
proportion du bien et du mal, au lieu d' être comme 100 est à 100, n' est plus que comme 5 o est à 5 o : ceci peut donner une fois pour toutes la mesure de l' éclectisme. Du reste, le juste-milieu de M Rossi est en opposition directe avec la grande loi économique : ''
produire aux moindres frais '' possibles la plus grande quantité possible de ''
valeurs... '' or, comment le travail peut- il remplir sa destinée, sans une extrême division ? Cherchons plus loin, s' il vous plaît. " tous les systèmes, dit M Rossi, toutes les hypothèses économiques appartiennent à l' économiste ; mais l' homme intelligent, libre, responsable, est sous l' empire de la loi morale... l' économie politique n' est qu' une science qui examine les rapports des choses, et en tire des conséquences. Elle examine quels sont les effets du travail : vous devez, dans l' application, appliquer le travail selon l' importance du but. Quand l' application du travail est contraire à un but plus élevé que la production de la richesse, il ne faut pas l' appliquer... supposons que ce fût un moyen de richesse nationale que de faire travailler les enfants quinze heures par jour : la morale dirait que cela n' est pas permis. Cela prouve-t-il que l' économie politique est fausse ? Non : cela prouve que vous confondez ce qui doit être séparé. " si M Rossi avait un peu plus de cette naïveté gauloise, si difficile à acquérir aux étrangers, il aurait tout simplement ''
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termes, et affirmer comme loi absolue du commerce l'
incommensurabilité des valeurs, partant l' inégalité des fortunes
. Je dis que des deux parts l' erreur est égale. I l' idée
 
contradictoire de valeur, si bien mise en lumière par la
== I ==
 
L' idée contradictoire de valeur, si bien mise en lumière par la
distinction inévitable de valeur utile et valeur en échange, ne
vient pas d' une fausse aperception de l' esprit, ni d' une
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homme et par journée de travail dans chaque genre d' industrie.
Le '' journal des économistes ''
/ août I 8451845 / prit aussitôt
texte de cette communication, usurpatrice à ses yeux, pour
protester contre le projet de tarif qui en était l' objet, et
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; -de l' autre, que cette question scabreuse n' a plus lieu dans
une association universelle, qui absorberait tout antagonisme :
je répliquerai toujours, à droite et à gauche : I que comme il
 
ne se produit pas de fait qui n' ait sa cause, de même il n' en
1. que comme il ne se produit pas de fait qui n' ait sa cause, de même il n' en
existe pas qui n' ait sa loi ; et que si la loi de l' échange n'
est pas trouvée, la faute en est, non pas aux faits, mais aux
savants ;

2. qu' aussi longtemps que l' homme travaillera pour
subsister, et travaillera librement, la justice sera la condition
de la fraternité et la base de l' association : or, sans une
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les lois d' équilibre de la chaleur, quelle en est la proportion
dans les divers corps, quelle quantité est nécessaire pour
produire une ascension de Io10, I 515 ou 2 o20 degrés dans le
thermomètre, voilà ce que le thermomètre ne dit pas ; il n' est
pas même sûr que les degrés de l' échelle, tous égaux entre eux,
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produits, si j' ose ainsi dire, s' étant accrue, sa valeur
relative se trouvera diminuée d' autant, et au lieu d' être cotée
comme Ioo100, elle ne
le sera plus que comme Io10. Mais cette valeur n' en sera pas
moins, et toujours, rigoureusement déterminée ; et ce sera encore
le travail qui seul fixera le chiffre de son importance. Ainsi la
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ministères : ce sont les crocheteurs. Les prix d' embarquement et
de débarquement sur certains ports de Lyon, d' après les tarifs
des '' rigues '', ou compagnies de crocheteurs, sont de 3 ocent
par 100 kil. à ce taux, il n' est pas rare qu' un homme gagne 12, 15 et jusqu'
, ou compagnies de crocheteurs, sont de 3 ocent
par Iookil. à ce20 taux,fr ilpar n'jour est: pasil rarene qus' un hommeagit gagnepour Icela
2, I 5 et jusqu' à 2 ofr par jour : il ne s' agit pour cela
que de porter quarante ou cinquante sacs d' un bateau dans un
magasin. C' est l' affaire
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aurons mis à nu la cause du mal de la société, le principe d ses
fièvres, le motif de ses agitations, que la force ne nous
manquera pas pour appliquer le remède. I-du rôle des machines,
 
dans leurs rapports avec la liberté. L' introduction des machines
== I - Du rôle des machines, dans leurs rapports avec la liberté. ==
 
L' introduction des machines
dans l' industrie s' accomplit en opposition à la loi de division
, et comme pour rétablir l' équilibre profondément compromis par
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Par cela même que les machines diminuent la peine de l' ouvrier, elles abrégent et diminuent le travail, qui e la sorte devient de jour en jour plus offert et moins demandé. Peu à peu, il est vrai, la réduction des prix faisant augmenter la consommation, la proportion se rétablit , et le travailleur est rappelé : mais comme les perfectionnements industriels se succèdent sans relâche, et tendent continuellement à substituer l' opération mécanique au travail de l' homme, il s' ensuit qu' il y a tendance constante à retrancher une partie du service, partant à éliminer de la production les travailleurs. Or, il en est de l' ordre économique comme de l' ordre spirituel : hors de l' église point de salut, hors du travail, point de subsistance. La société et la nature, également impitoyables, sont d' accord pour exécuter ce nouvel arrêt. " lorsqu' une nouvelle machine, ou en général un procédé expéditif quelconque, dit J B Say, remplace un travail humain déjà en activité, une partie des bras industrieux, dont le service est utilement suppléé, demeure sans ouvrage. -une machine nouvelle remplace donc le travail d' une partie des travailleurs, mais ne diminue pas la quantité des choses produites ; car alors on se garderait de l' adopter ; ''
elle déplace le revenu '' . Mais l' effet ultérieur est tout à l' avantage des machines : car si l' abondance du produit et la modicité du prix de revient font baisser la valeur vénale, le consommateur, c' est-à-dire tout le monde, en profitera. " l' optimisme de Say est une infidélité à la logique et aux faits. Il ne s' agit pas seulement ici d' un petit nombre d' accidents, arrivés pendant un laps de trente siècles par l' introduction d' une, deux ou trois machines ; il s' agit d' un phénomène régulier, constant et général. Après que le revenu a été ''
déplacé '' , comme dit Say, par une machine, il l' est par une autre, puis
déplacé '' , comme dit Say, par une machine, il l' est par une autre, puis encore par une autre, et toujours par une autre, tant qu' il reste du travail à faire et des échanges à effectuer. Voilà comme le phénomène doit être présenté et envisagé : mais alors convenons qu' il change singulièrement d' aspect. Le déplacement du revenu, la suppression du travail et du salaire est un fléau chronique, permanent, indélébile, une sorte de choléra qui tantôt apparaît sous la figure de Guttemberg, puis qui revêt celle d' Arkwright ; ici on le nomme Jacquard, plus loin James Watt ou marquis de Jouffroy. Après avoir sévi plus ou moins longtemps sous une forme, le monstre en prend une autre ; et les économistes, qui le croient parti, de s' écrier : ce n' était rien ! Tranquilles et satisfaits, pourvu qu' ils appuient de tout le poids de leur dialectique sur le côté positif de la question, ils ferment les yeux sur le côté subversif, sauf cependant, lorsqu' on leur reparlera de misère, à recommencer leurs sermons sur l' imprévoyance et l' ivrognerie des travailleurs. En I 75 o, -cette observation est de M Dunoyer ; elle donne la mesure de toutes les élucubrations de même espèce : -" en I 75 o donc, la population du duché de Lancaster était de 3 oo, Oo âmes. " en I 8 oi, grâce au développement des machines à filer, cette population était de 672, Ooo âmes. " en I 83 i, elle était de I, 336, Ooo âmes. " au lieu de 4 o, Ooo ouvriers qu' occupait anciennement l' industrie cotonnière, elle en occupe, depuis l' invention des machines, I, 5 oo, Ooo. " M Dunoyer ajoute que dans le temps où le nombre des ouvriers employés à ce travail prit cette extension singulière, le prix du travail devint une fois et demie plus considérable. Donc la population n' ayant fait que suivre le mouvement industriel, son accroissement a été un fait normal et irréprochable ; que dis-je ? Un fait heureux, puisqu' on le cite à l' honneur et gloire du développement mécanique. Mais tout à coup M Dunoyer fait volte-face : le travail ayant bientôt manqué à cette multitude d' engins filateurs, le salaire dut nécessairement décroître ; la population qu' avaient appelée les machines, se trouva délaissée par les machines, et M Dunoyer de dire alors : c' est l' abus du mariage qui est cause de la misère . Le commerce anglais, sollicité par son immense clientèle, appelle de tous côtés des ouvriers, et provoque au mariage ; tant que le travail abonde, le mariage est chose excellente, dont on aime à citer les effets dans l' intérêt des machines ; mais, comme la clientèle est flottante, dès que le travail et le salaire manquent, on crie à l' abus du mariage, on accuse l' imprévoyance des ouvriers. L' économie politique, c' est-à-dire le despotisme propriétaire, ne peut jamais avoir tort : il faut que ce soit le prolétariat. L' exemple de l' imprimerie a été maintes fois cité, toujours dans une pensée d' optimisme. Le nombre de personnes que fait vivre aujourd' hui la fabrication des livres est peut-être mille fois plus considérable que ne l' était celui des copistes et enlumineurs avant Guttemberg ; donc, conclut-on d' un air satisfait, l' imprimerie n' a fait tort à personne. Des faits analogues pourraient être cités à l' infini, sans qu' un seul fût à récuser, mais aussi sans que la question fît un pas. Encore une fois, personne ne disconvient que les machines aient contribué au bien-être général : mais j' affirme, en regard de ce fait irréfragable, que les économistes manquent à la vérité lorsqu' ils avancent d' une manière absolue que ''
encore par une autre, et toujours par une autre, tant qu' il reste du travail à
faire et des échanges à effectuer. Voilà comme le phénomène doit être présenté
et envisagé : mais alors convenons qu' il change singulièrement d' aspect. Le
déplacement du revenu, la suppression du travail et du salaire est un fléau
chronique, permanent, indélébile, une sorte de choléra qui tantôt apparaît sous
la figure de Guttemberg, puis qui revêt celle d' Arkwright ; ici on le nomme
Jacquard, plus loin James Watt ou marquis de Jouffroy. Après avoir sévi plus ou
moins longtemps sous une forme, le monstre en prend une autre ; et les
économistes, qui le croient parti, de s' écrier : ce n' était rien ! Tranquilles
et satisfaits, pourvu qu' ils appuient de tout le poids de leur dialectique sur
le côté positif de la question, ils ferment les yeux sur le côté subversif, sauf
cependant, lorsqu' on leur reparlera de misère, à recommencer leurs sermons sur
l' imprévoyance et l' ivrognerie des travailleurs. En 1750, -cette observation
est de M Dunoyer ; elle donne la mesure de toutes les élucubrations de même
espèce : -" en 1750 donc, la population du duché de Lancaster était de 300 000 âmes. " en 1801, grâce au développement des machines à filer, cette population
était de 672 000 âmes. " en 1831, elle était de 1 336 000 âmes. " au lieu de 40,
000 ouvriers qu' occupait anciennement l' industrie cotonnière, elle en occupe,
depuis l' invention des machines, 1 500 000. " M Dunoyer ajoute que dans le temps où le nombre des ouvriers employés à ce travail prit cette extension singulière, le prix du travail devint une fois et demie plus considérable. Donc la population n' ayant fait que suivre le mouvement industriel, son accroissement a été un fait normal et irréprochable ; que dis-je ? Un fait heureux, puisqu' on le cite à l' honneur et gloire du développement mécanique. Mais tout à coup M Dunoyer fait volte-face : le travail ayant bientôt manqué à cette multitude d' engins filateurs, le salaire dut nécessairement décroître ; la population qu' avaient appelée les machines, se trouva délaissée par les machines, et M Dunoyer de dire alors : c' est l' abus du mariage qui est cause de la misère . Le commerce anglais, sollicité par son immense clientèle, appelle de tous côtés des ouvriers, et provoque au mariage ; tant que le travail abonde, le mariage est chose excellente, dont on aime à citer les effets dans l' intérêt des machines ; mais, comme la clientèle est flottante, dès que le travail et le salaire manquent, on crie à l' abus du mariage, on accuse l' imprévoyance des ouvriers. L' économie politique, c' est-à-dire le despotisme propriétaire, ne peut jamais avoir tort : il faut que ce soit le prolétariat. L' exemple de l' imprimerie a été maintes fois cité, toujours dans une pensée d' optimisme. Le nombre de personnes que fait vivre aujourd' hui la fabrication des livres est peut-être mille fois plus considérable que ne l' était celui des copistes et enlumineurs avant Guttemberg ; donc, conclut-on d' un air satisfait, l' imprimerie n' a fait tort à personne. Des faits analogues pourraient être cités à l' infini, sans qu' un seul fût à récuser, mais aussi sans que la question fît un pas. Encore une fois, personne ne disconvient que les machines aient contribué au bien-être général : mais j' affirme, en regard de ce fait irréfragable, que les économistes manquent à la vérité lorsqu' ils avancent d' une manière absolue que ''
la
simplification des procédés '' n' a eu nulle part pour résultat de diminuer le ''
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fois, dans le système actuel de
l' économie sociale, et une source de richesse, et une cause
permanente et fatale de misère. " en I 8361836, dans un atelier de
Manchester, neuf métiers, chacun de trois cent vingt-quatre
broches, étaient conduits par quatre fileurs. Dans la suite on
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fabricant de Bolton écrit : l' allongement des chariots de nos
métiers nous permet de n' employer que vingt-six fileurs là où
nous en employions trente-cinq en I 8371837. " -autre décimation des
travailleurs : sur quatre il y a une victime. Ces faits sont
extraits de la '' revue économique ''
de I 8421842 ; et il n' est
personne qui ne puisse en indiquer d' analogues. J' ai assisté à
l' introduction des mécaniques à imprimer, et je puis dire que j'
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une idée plus positive de l' influence des perfectionnements
industriels sur le sort des ouvriers. " la moyenne des salaires
par semaine, à Manchester, est I1 2 fr 5 oc... etc. " quel
système que celui qui conduit un négociant à penser avec délices
que la société pourra bientôt se passer d' hommes ! '' la mécanique a délivré le ''
capital de l' oppression du travail ! '' c' est exactement comme si le
capital de l' oppression du travail ! '' c' est exactement comme si le ministère entreprenait de délivrer le budget de l' oppression des contribuables. Insensé ! Si les ouvriers vous coûtent, ils sont vos acheteurs : que ferez-vous de vos produits, quand, chassés par vous, ils ne les consommeront plus ? Aussi, le contre-coup des machines, après avoir écrasé les ouvriers, ne tarde pas à frapper les maîtres ; car si la production exclut la consommation, bientôt elle-même est forcée de s' arrêter. " pendant le quatrième semestre de I 84 i, quatre grandes faillites, arrivées dans une ville manufacturière d' Angleterre, ont mis I, 72 o personnes sur le pavé... etc. " l' ouvrier adulte redevient un apprenti, un enfant : ce résultat était prévu dès la phase de la division du travail, pendant laquelle nous avons vu la qualité de l' ouvrier baisser à mesure que l' industrie se perfectionne. En terminant, le journaliste fait cette réflexion : " depuis I 836, l' industrie cotonnière rétrograde ; " -c' est-à-dire qu' elle n' est plus en rapport avec les autres industries : autre résultat prévu par la théorie de la proportionnalité des valeurs. Aujourd' hui, les coalitions et les grèves d' ouvriers paraissent avoir cessé sur tous les points de l' Angleterre, et les économistes se réjouissent avec raison de ce retour à l' ordre, disons même au bon sens. Mais parce que les ouvriers n' ajouteront plus désormais, j' aime à l' espérer du moins, la misère de leurs chômages volontaires à la misère que leur créent les machines, s' ensuit-il que la situation soit changée ? Et si rien n' est changé dans la situation, l' avenir ne sera-t-il pas toujours la triste copie du passé ? Les économistes aiment à reposer leur esprit sur les tableaux de la félicité publique ; c' est à ce signe principalement qu' on les reconnaît, et qu' entre eux ils s' apprécient. Toutefois il ne manque pas non plus parmi eux d' imaginations chagrines et maladives, toujours prêtes à opposer aux récits de la prospérité croissante les preuves d' une misère obstinée. M Théodore Fix résumait ainsi la situation générale, décembre I 844 : " l' alimentation des peuples n' est plus exposée à ces terribles perturbations causées par les disettes et les famines... etc. " tous ces faits sont parfaitement vrais, et la conséquence qu' on en tire en faveur des machines, on ne peut plus exacte : c' est qu' en effet elles ont imprimé au bien-être général une impulsion puissante. Mais les faits que nous allons faire suivre ne sont pas moins authentiques, et la conséquence qui en sortira contre les machines ne sera pas moins juste, savoir, qu' elles sont une cause incessante de paupérisme. J' en appelle aux chiffres de M Fix lui-même. Sur 32 o, Ooo ouvriers et 8 o, Ooo domestiques résidant à Paris, il y a 23 o, Ooo des premiers et 46, Ooo des seconds, total, 276, Ooo, qui ne mettent pas aux caisses d' épargne. On n' oserait prétendre que ce sont 276 , Ooo dissipateurs et vauriens qui s' exposent à la misère volontairement. Or, comme parmi ceux-là mêmes qui font des économies, il se trouve de pauvres et médiocres sujets pour qui la caisse d' épargne n' est qu' un répit dans le libertinage et la misère, concluons que sur tous les individus vivant de leur travail, près des trois quarts, ou sont imprévoyants, paresseux et débauchés, puisqu' ils ne mettent pas à la caisse d' épargne, ou qu' ils sont trop pauvres pour réaliser des économies. Il n' y a pas d' autre alternative. Mais, à défaut de charité, le sens commun ne permet pas d' accuser en masse la classe travailleuse : force est donc de rejeter la faute sur notre régime économique. Comment M Fix n' a-t-il pas vu que ses chiffres s' accusaient eux-mêmes ? On espère qu' avec le temps, tous, ou presque tous les travailleurs mettront aux caisses d' épargne. Sans attendre le témoignage de l' avenir, nous pouvons vérifier sur-le-champ si cet espoir est fondé. D' après le témoignage de M Vée, maire du 5 e arrondissement de Paris, " le nombre des ménages indigents inscrits sur les contrôles des bureaux de bienfaisance est de 3 o, Ooo : ce qui donne 65, Ooo individus. " le recensement fait au commencement de I 846 a donné 88, 474. -et les ménages pauvres, mais non inscrits, combien sont-ils ? -autant. Mettons donc I 8 o, Ooo pauvres non douteux, quoique non officiels. Et tous ceux qui vivent dans la gêne, même avec les dehors de l' aisance, combien encore ? -deux fois autant : total, 36 o, Ooo personnes, à Paris, dans le malaise. " on parle du blé, s' écrie un autre économiste, M Louis Leclerc ; mais est- ce qu' il n' y a pas des populations immenses qui se passent de pain ? Sans sortir de notre patrie, est-ce qu' il n' y a pas des populations qui vivent exclusivement de maïs, de sarrasin, de châtaignes ? ... " M Leclerc dénonce le fait : donnons-en l' interprétation. Si, comme il n' est pas douteux, l' accroissement de population se fait sentir principalement dans les grandes villes, c' est-à-dire sur les points où il se consomme le plus de blé, il est clair que la moyenne par tête a pu s' accroître sans que la condition générale fût meilleure. Rien n' est menteur comme une moyenne. " on parle, continue le même, de l' accroissement de la consommation indirecte... etc. " je cite ce passage tout au long, parce qu' il résume sur un cas particulier tout ce qu' il y aurait à dire sur les ''
ministère entreprenait de délivrer le budget de l' oppression des contribuables.
inconvénients '' des machines. Il en est, par rapport au peuple, du vin comme des tissus, et généralement de toutes les denrées et marchandises créées pour la consommation des classes pauvres. C' est toujours la même déduction : réduire par des procédés quelconques les frais de fabrication, afin I de soutenir avec avantage la concurrence contre les collègues plus heureux ou plus riches ; 2 de servir cette innombrable clientèle de spoliés qui ne peuvent mettre le prix à rien, dès lors que la qualité en est bonne. Produit par les voies ordinaires, le vin coûte trop cher à la masse des consommateurs ; il court risque de demeurer dans les caves des débitants. Le fabricant de vins tourne la difficulté : ne pouvant mécaniser la culture, il trouve moyen, à l' aide de quelques accompagnements, de mettre le précieux liquide à la portée de tout le monde. Certains sauvages, dans leurs disettes, mangent de la terre ; l' ouvrier de la civilisation boit de l' eau. Malthus fut un grand génie. Pour ce qui regarde l' accroissement de la vie moyenne, je reconnais la sincérité du fait ; mais en même temps je déclare l' observation fautive. Expliquons cela. Supposons une population de dix millions d' âmes : si, par telle cause que l' on voudra, la vie moyenne venait à s' accroître de cinq ans pour un million d' individus, la mortalité continuant à sévir de la même manière qu' auparavant sur les neuf autres millions, on trouverait, en répartissant cet accroissement sur le tout, que la vie moyenne s' est augmentée pour chacun de six mois. Il en est de la vie moyenne, soi-disant indice du bien-être moyen, comme de l' instruction moyenne : le niveau des connaissances ne cesse de monter, ce qui n' empêche pas qu' il y ait aujourd' hui, en France, tout autant de barbares que du temps de François Ier. Les charlatans qui se proposaient d' exploiter les chemins de fer ont fait grand bruit de l' importance de la locomotive pour la circulation des idées ; et les économistes, toujours à l' affût des niaiseries civilisées, n' ont pas manqué de répéter cette fadaise. -comme si les idées avaient besoin, pour se répandre, de locomotives ! Mais qui donc empêche les idées de circuler de l' institut aux faubourgs Saint-Antoine et Saint-Marceau, dans les rues étroites et misérables de la cité et du marais, partout enfin où habite cette multitude encore plus dépourvue d' idées que de pain ? D' où vient qu' entre un parisien et un parisien, malgré les ''
Insensé ! Si les ouvriers vous coûtent, ils sont vos acheteurs : que ferez-vous
de vos produits, quand, chassés par vous, ils ne les consommeront plus ? Aussi,
le contre-coup des machines, après avoir écrasé les ouvriers, ne tarde pas à
frapper les maîtres ; car si la production exclut la consommation, bientôt
elle-même est forcée de s' arrêter. " pendant le quatrième semestre de 1841,
quatre grandes faillites, arrivées dans une ville manufacturière d' Angleterre,
ont mis 1 720 personnes sur le pavé... etc. " l' ouvrier adulte redevient un
apprenti, un enfant : ce résultat était prévu dès la phase de la division du
travail, pendant laquelle nous avons vu la qualité de l' ouvrier baisser à
mesure que l' industrie se perfectionne. En terminant, le journaliste fait cette
réflexion : " depuis 1836, l' industrie cotonnière rétrograde ; " -c' est-à-dire
qu' elle n' est plus en rapport avec les autres industries : autre résultat
prévu par la théorie de la proportionnalité des valeurs. Aujourd' hui, les
coalitions et les grèves d' ouvriers paraissent avoir cessé sur tous les points
de l' Angleterre, et les économistes se réjouissent avec raison de ce retour à
l' ordre, disons même au bon sens. Mais parce que les ouvriers n' ajouteront
plus désormais, j' aime à l' espérer du moins, la misère de leurs chômages
volontaires à la misère que leur créent les machines, s' ensuit-il que la
situation soit changée ? Et si rien n' est changé dans la situation, l' avenir
ne sera-t-il pas toujours la triste copie du passé ? Les économistes aiment à
reposer leur esprit sur les tableaux de la félicité publique ; c' est à ce signe
principalement qu' on les reconnaît, et qu' entre eux ils s' apprécient.
Toutefois il ne manque pas non plus parmi eux d' imaginations chagrines et
maladives, toujours prêtes à opposer aux récits de la prospérité croissante les
preuves d' une misère obstinée. M Théodore Fix résumait ainsi la situation
générale, décembre 1844 : " l' alimentation des peuples n' est plus exposée à
ces terribles perturbations causées par les disettes et les famines... etc. "
tous ces faits sont parfaitement vrais, et la conséquence qu' on en tire en
faveur des machines, on ne peut plus exacte : c' est qu' en effet elles ont
imprimé au bien-être général une impulsion puissante. Mais les faits que nous
allons faire suivre ne sont pas moins authentiques, et la conséquence qui en
sortira contre les machines ne sera pas moins juste, savoir, qu' elles sont une
cause incessante de paupérisme. J' en appelle aux chiffres de M Fix lui-même.
Sur 32 o, Ooo ouvriers et 8 o, Ooo domestiques résidant à Paris, il y a 23 o,
Ooo des premiers et 46, Ooo des seconds, total, 276, Ooo, qui ne mettent pas aux
caisses d' épargne. On n' oserait prétendre que ce sont 276 , Ooo dissipateurs
et vauriens qui s' exposent à la misère volontairement. Or, comme parmi ceux-là
mêmes qui font des économies, il se trouve de pauvres et médiocres sujets pour
qui la caisse d' épargne n' est qu' un répit dans le libertinage et la misère,
concluons que sur tous les individus vivant de leur travail, près des trois
quarts, ou sont imprévoyants, paresseux et débauchés, puisqu' ils ne mettent pas
à la caisse d' épargne, ou qu' ils sont trop pauvres pour réaliser des
économies. Il n' y a pas d' autre alternative. Mais, à défaut de charité, le
sens commun ne permet pas d' accuser en masse la classe travailleuse : force est
donc de rejeter la faute sur notre régime économique. Comment M Fix n' a-t-il
pas vu que ses chiffres s' accusaient eux-mêmes ? On espère qu' avec le temps,
tous, ou presque tous les travailleurs mettront aux caisses d' épargne. Sans
attendre le témoignage de l' avenir, nous pouvons vérifier sur-le-champ si cet
espoir est fondé. D' après le témoignage de M Vée, maire du 5 e arrondissement
de Paris, " le nombre des ménages indigents inscrits sur les contrôles des
bureaux de bienfaisance est de 3 o, Ooo : ce qui donne 65, Ooo individus. " le
recensement fait au commencement de 1846 a donné 88, 474. -et les ménages
pauvres, mais non inscrits, combien sont-ils ? -autant. Mettons donc 180 000 pauvres non douteux, quoique non officiels. Et tous ceux qui vivent dans la gêne, même avec les dehors de l' aisance, combien encore ? -deux fois autant : total, 36 o, Ooo personnes, à Paris, dans le malaise. " on parle du blé, s' écrie un autre économiste, M Louis Leclerc ; mais est- ce qu' il n' y a pas des populations immenses qui se passent de pain ? Sans sortir de notre patrie, est-ce qu' il n' y a pas des populations qui vivent exclusivement de maïs, de sarrasin, de châtaignes ? ... " M Leclerc dénonce le fait : donnons-en l' interprétation. Si, comme il n' est pas douteux, l' accroissement de population se fait sentir principalement dans les grandes villes, c' est-à-dire sur les points où il se consomme le plus de blé, il est clair que la moyenne par tête a pu s' accroître sans que la condition générale fût meilleure. Rien n' est menteur comme une moyenne. " on parle, continue le même, de l' accroissement de la consommation indirecte... etc. " je cite ce passage tout au long, parce qu' il résume sur un cas particulier tout ce qu' il y aurait à dire sur les ''
inconvénients '' des machines. Il en est, par rapport au peuple, du vin comme des tissus, et généralement de toutes les denrées et marchandises créées pour la consommation des classes pauvres. C' est toujours la même déduction : réduire par des procédés quelconques les frais de fabrication, afin
 
1. de soutenir avec avantage la concurrence contre les collègues plus heureux ou plus riches ;
 
2. de servir cette innombrable clientèle de spoliés qui ne peuvent mettre le prix à rien, dès lors que la qualité en est bonne. Produit par les voies ordinaires, le vin coûte trop cher à la masse des consommateurs ; il court risque de demeurer dans les caves des débitants. Le fabricant de vins tourne la difficulté : ne pouvant mécaniser la culture, il trouve moyen, à l' aide de quelques accompagnements, de mettre le précieux liquide à la portée de tout le monde. Certains sauvages, dans leurs disettes, mangent de la terre ; l' ouvrier de la civilisation boit de l' eau. Malthus fut un grand génie. Pour ce qui regarde l' accroissement de la vie moyenne, je reconnais la sincérité du fait ; mais en même temps je déclare l' observation fautive. Expliquons cela. Supposons une population de dix millions d' âmes : si, par telle cause que l' on voudra, la vie moyenne venait à s' accroître de cinq ans pour un million d' individus, la mortalité continuant à sévir de la même manière qu' auparavant sur les neuf autres millions, on trouverait, en répartissant cet accroissement sur le tout, que la vie moyenne s' est augmentée pour chacun de six mois. Il en est de la vie moyenne, soi-disant indice du bien-être moyen, comme de l' instruction moyenne : le niveau des connaissances ne cesse de monter, ce qui n' empêche pas qu' il y ait aujourd' hui, en France, tout autant de barbares que du temps de François Ier. Les charlatans qui se proposaient d' exploiter les chemins de fer ont fait grand bruit de l' importance de la locomotive pour la circulation des idées ; et les économistes, toujours à l' affût des niaiseries civilisées, n' ont pas manqué de répéter cette fadaise. -comme si les idées avaient besoin, pour se répandre, de locomotives ! Mais qui donc empêche les idées de circuler de l' institut aux faubourgs Saint-Antoine et Saint-Marceau, dans les rues étroites et misérables de la cité et du marais, partout enfin où habite cette multitude encore plus dépourvue d' idées que de pain ? D' où vient qu' entre un parisien et un parisien, malgré les ''
omnibus '' et la petite poste, la distance est aujourd' hui trois fois plus grande qu' au quatorzième siècle ? L' influence subversive des machines sur l' économie sociale et la condition des travailleurs s' exerce en mille modes, qui tous s' enchaînent et s' appellent réciproquement : la cessation du travail, la réduction du salaire, la surproduction, l' encombrement, l' altération et la falsification des produits, les faillites, le déclassement des ouvriers, la dégénération de l' espèce, et finalement les maladies et la mort. M Théodore Fix a lui-même remarqué que depuis cinquante ans la taille moyenne de l' homme, en France, avait diminué de quelques millimètres. Cette observation vaut celle de tout à l' heure : sur qui porte cette diminution ? Dans un rapport lu à l' académie des sciences morales sur les résultats de la loi du 22 marsi 84 i, M Léon Faucher s' exprimait ainsi : " les jeunes ouvriers sont pâles, faibles, de petite stature, et lents à penser aussi bien qu' à se mouvoir. à quatorze ou quinze ans ils ne paraissent pas plus développés que des enfants de neuf à dix ans dans l' état normal. Quant à leur développement intellectuel et moral, on en voit qui, à l' âge de treize ans, n' ont pas la notion de Dieu, qui n' ont jamais entendu parler de leurs devoirs, et pour qui la première école de morale a été une prison. " voilà ce que M Léon Faucher a vu, au grand déplaisir de M Charles Dupin, et à quoi il déclare que la loi du 22 mars est impuissante à remédier. Et ne nous fâchons pas contre cette impuissance du législateur : le mal provient d' une cause aussi nécessaire pour nous que le soleil ; et, dans l' ornière où nous sommes engagés, toutes les colères comme tous les palliatifs ne feraient qu' empirer notre situation . Oui, pendant que la science et l' industrie font de si merveilleux progrès, il y a nécessité, à moins que le centre de gravité de la civilisation ne change tout à coup, que l' intelligence et le comfort du prolétariat s' atténue ; pendant que la vie s' allonge et s' améliore pour les classes aisées, il est fatal qu' elle empire et s' abrége pour les indigentes. Ceci résulte des écrits les mieux pensants, je veux dire les plus optimistes. Selon M De Morogues, 7, 5 oo, Ooo hommes en France n' ont que 9 ifr à dépenser par an, 25 c par jour. ''
 
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probabilités de la vie moyenne sont de vingt-neuf ans pour les
enfants de la classe aisée, et deux ans pour ceux des ouvriers ;
-en I 8 i 21812, la vie moyenne était dans la même localité de vingt
-cinq ans neuf mois douze jours ; tandis qu' en I 8271827 elle n'
était plus que de vingt et un ans neuf mois. Et cependant pour
toute la France la vie moyenne est en hausse. Qu' est-ce que
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généalogie est trop intéressante pour que nous n' en disions pas
quelques mots. La première, la plus simple, la plus puissante des
machines, est '' l' atelier '' . La division ne faisait que séparer les diverses parties du travail, laissant chacun se livrer à la spécialité qui lui agréait le plus : l' atelier groupe les travailleurs selon le rapport de chaque partie au tout. C' est, dans sa forme la plus élémentaire, la pondération des valeurs, introuvable cependant selon les économistes. Or, par l' atelier, la production va s' accroître, et le déficit en même temps. Un homme a remarqué qu' en divisant la production et ses diverses parties, et les faisant exécuter chacune par un ouvrier à part, il obtiendrait une multiplication de force dont le produit serait de beaucoup supérieur à la somme de travail que donne le même nombre d' ouvriers, lorsque le travail n' est pas divisé. Saisissant le fil de cette idée, il se dit qu' en formant un groupe permanent de travailleurs assortis pour l' objet spécial qu' il se propose, il obtiendra une production plus soutenue, plus abondante, et à moins de frais. Il n' est pas indispensable, au reste, que les ouvriers soient rassemblés dans le même local : l' existence de l' atelier ne tient pas essentiellement à ce contact. Elle résulte du rapport et de la proportion des travaux différents, et de la pensée commune qui les dirige. En un mot, la réunion au même lieu peut offrir ses avantages, lesquels ne devront point être négligés : mais ce n' est pas ce qui constitue l' atelier. Voici donc la proposition que fait le spéculateur à ceux qu' il désire faire collaborer avec lui : je vous garantis à perpétuité le placement de vos produits, si vous voulez m' accepter pour acheteur ou pour intermédiaire. Le marché est si évidemment avantageux, que la proposition ne peut manquer d' être agréée. L' ouvrier y trouve continuité de travail, prix fixe et sécurité ; de son côté , l' entrepreneur aura plus de facilité pour la vente, puisque, produisant à meilleur compte, il peut lever la main sur le prix ; enfin ses bénéfices seront plus considérables à cause de la masse des placements. Il n' y aura pas jusqu' au public et au magistrat qui ne félicitent l' entrepreneur d' avoir accru la richesse sociale par ses combinaisons, et qui ne lui votent une récompense . Mais, d' abord, qui dit réduction de frais, dit réduction de services, non pas, il est vrai, dans le nouvel atelier, mais pour les ouvriers de même profession restés en dehors, comme aussi pour beaucoup d' autres dont les services accessoires seront à l' avenir moins demandés. Donc, toute formation d' atelier correspond à une éviction de travailleurs : cette assertion, toute contradictoire qu' elle paraisse, est aussi vraie de l' atelier que d' une machine. Les économistes en conviennent : mais ils répètent ici leur éternelle oraison, qu' après un laps de temps la demande du produit ayant augmenté en raison de la réduction du prix, le travail finira par être à son tour plus demandé qu' auparavant. Sans doute, avec le temps, l' équilibre se rétablira ; mais, encore une fois, l' équilibre ne sera pas rétabli sur ce point, que déjà il sera troublé sur un autre, parce que l' esprit d' invention, non plus que le travail, ne s' arrête jamais. Or, quelle théorie pourrait justifier ces perpétuelles hécatombes ? " quand on aura, écrivait Sismondi, réduit le nombre des hommes de peine au quart ou au cinquième de ce qu' il est à présent, on n' aura plus besoin que du quart ou du cinquième des prêtres, des médecins, etc. Quand on les aura retranchés absolument, on pourra bien se passer du genre humain. " et c' est ce qui arriverait effectivement si, pour mettre le travail de chaque machine en rapport avec les besoins de la consommation, c' est-à-dire pour ramener la proportion des valeurs continuellement détruite, il ne fallait pas sans cesse créer de nouvelles machines, ouvrir d' autres débouchés, par conséquent multiplier les services et déplacer d' autres bras. En sorte que d' un côté l' industrie et la richesse, de l' autre la population et la misère, s' avancent, pour ainsi dire, à la file, et toujours l' une tirant l' autre. J' ai fait voir l' entrepreneur, au début de l' industrie, traitant d' égal à égal avec ses compagnons, devenus plus tard ''
machines, est </i>
l' atelier '' . La division ne faisait que séparer les diverses parties du travail, laissant chacun se livrer à la spécialité qui lui agréait le plus : l' atelier groupe les travailleurs selon le rapport de chaque partie au tout. C' est, dans sa forme la plus élémentaire, la pondération des valeurs, introuvable cependant selon les économistes. Or, par l' atelier, la production va s' accroître, et le déficit en même temps. Un homme a remarqué qu' en divisant la production et ses diverses parties, et les faisant exécuter chacune par un ouvrier à part, il obtiendrait une multiplication de force dont le produit serait de beaucoup supérieur à la somme de travail que donne le même nombre d' ouvriers, lorsque le travail n' est pas divisé. Saisissant le fil de cette idée, il se dit qu' en formant un groupe permanent de travailleurs assortis pour l' objet spécial qu' il se propose, il obtiendra une production plus soutenue, plus abondante, et à moins de frais. Il n' est pas indispensable, au reste, que les ouvriers soient rassemblés dans le même local : l' existence de l' atelier ne tient pas essentiellement à ce contact. Elle résulte du rapport et de la proportion des travaux différents, et de la pensée commune qui les dirige. En un mot, la réunion au même lieu peut offrir ses avantages, lesquels ne devront point être négligés : mais ce n' est pas ce qui constitue l' atelier. Voici donc la proposition que fait le spéculateur à ceux qu' il désire faire collaborer avec lui : je vous garantis à perpétuité le placement de vos produits, si vous voulez m' accepter pour acheteur ou pour intermédiaire. Le marché est si évidemment avantageux, que la proposition ne peut manquer d' être agréée. L' ouvrier y trouve continuité de travail, prix fixe et sécurité ; de son côté , l' entrepreneur aura plus de facilité pour la vente, puisque, produisant à meilleur compte, il peut lever la main sur le prix ; enfin ses bénéfices seront plus considérables à cause de la masse des placements. Il n' y aura pas jusqu' au public et au magistrat qui ne félicitent l' entrepreneur d' avoir accru la richesse sociale par ses combinaisons, et qui ne lui votent une récompense . Mais, d' abord, qui dit réduction de frais, dit réduction de services, non pas, il est vrai, dans le nouvel atelier, mais pour les ouvriers de même profession restés en dehors, comme aussi pour beaucoup d' autres dont les services accessoires seront à l' avenir moins demandés. Donc, toute formation d' atelier correspond à une éviction de travailleurs : cette assertion, toute contradictoire qu' elle paraisse, est aussi vraie de l' atelier que d' une machine. Les économistes en conviennent : mais ils répètent ici leur éternelle oraison, qu' après un laps de temps la demande du produit ayant augmenté en raison de la réduction du prix, le travail finira par être à son tour plus demandé qu' auparavant. Sans doute, avec le temps, l' équilibre se rétablira ; mais, encore une fois, l' équilibre ne sera pas rétabli sur ce point, que déjà il sera troublé sur un autre, parce que l' esprit d' invention, non plus que le travail, ne s' arrête jamais. Or, quelle théorie pourrait justifier ces perpétuelles hécatombes ? " quand on aura, écrivait Sismondi, réduit le nombre des hommes de peine au quart ou au cinquième de ce qu' il est à présent, on n' aura plus besoin que du quart ou du cinquième des prêtres, des médecins, etc. Quand on les aura retranchés absolument, on pourra bien se passer du genre humain. " et c' est ce qui arriverait effectivement si, pour mettre le travail de chaque machine en rapport avec les besoins de la consommation, c' est-à-dire pour ramener la proportion des valeurs continuellement détruite, il ne fallait pas sans cesse créer de nouvelles machines, ouvrir d' autres débouchés, par conséquent multiplier les services et déplacer d' autres bras. En sorte que d' un côté l' industrie et la richesse, de l' autre la population et la misère, s' avancent, pour ainsi dire, à la file, et toujours l' une tirant l' autre. J' ai fait voir l' entrepreneur, au début de l' industrie, traitant d' égal à égal avec ses compagnons, devenus plus tard ''
ses ouvriers '' . Il est sensible, en effet, que cette égalité primitive a dû rapidement disparaître, par la position avantageuse du maître et la dépendance des salariés. C' est en vain que la loi assure à chacun le droit d' entreprise, aussi bien que la faculté de travailler seul et de vendre directement ses produits. D' après l' hypothèse, cette dernière ressource est impraticable, puisque l' atelier a eu pour objet d' anéantir le travail isolé. Et quant au droit de lever charrue, comme l' on dit, et de mener train, il en est de l' industrie comme de l' agriculture : ce n' est rien de savoir travailler, il faut être arrivé à l' heure ; la boutique, aussi bien que la terre, est au premier occupant. Lorsqu' un établissement a eu le loisir de se développer, d' élargir ses bases, de se lester de capitaux, d' assurer sa clientèle, que peut contre une force aussi supérieure l' ouvrier qui n' a que ses bras ? Ainsi, ce n' est point par un acte arbitraire de la puissance souveraine ni par une usurpation fortuite et brutale que s' étaient établies au moyen âge les corporations et les maîtrises : la force des choses les avait créées longtemps avant que les édits des rois leur eussent donné la consécration légale ; et, malgré la réforme de 89, nous les voyons se reconstituer sous nos yeux avec une énergie cent fois plus redoutable. Abandonnez le travail à ses propres tendances, et l' asservissement des trois quarts du genre humain est assuré. Mais ce n' est pas tout. La machine ou l' atelier, après avoir dégradé le travailleur en lui donnant un maître, achève de l' avilir en le faisant déchoir du rang d' artisan à celui de manoeuvre. Autrefois, la population des bords de la Saône et du Rhône se composait en grande partie de mariniers, tous formés à la conduite des bateaux, soit p chevaux, soit à la rame. à présent que la remorque à vapeur s' est établie sur presque tous les points, les mariniers, ne trouvant pas pour la plupart à vivre de leur état, ou passent les trois quarts de leur vie à chômer, ou bien se font chauffeurs. à défaut de la misère, la dégradation : tel est le pis-aller que font les machines à l' ouvrier. Car il en est d' une machine comme d' une pièce d' artillerie : hors le capitaine, ceux qu' elle occupe sont des ''
 
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facile à exécuter que la théorie le prescrit, on sera encore loin
de compte. Car, le personnel de la circulation étant à celui de
la production comme Ioo100 est à I,1 Ooo000, pour obtenir, avec une
circulation d' un quart moins chère, en d' autres termes d' un
quart plus puissante, le même revenu qu' auparavant, il faudra
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entière dans les écrits des philosophes. étudions cette phase
intéressante, dont le caractère le plus frappant est d' ôter le
jugement à ceux qui croient comme à ceux qui protestent. I-
 
nécessité de la concurrence. M Louis Reybaud, romancier de
== I - Nécessité de la concurrence. ==
 
M Louis Reybaud, romancier de
profession, économiste par occasion, breveté par l' académie des
sciences morales et politiques pour ses caricatures anti-
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jugement, que tout autre à ma place lui reprocherait avec une
aigreur injurieuse, est une trahison, non pas de l' écrivain,
mais des faits dont il s' est rendu l' interprète. En mars I 8441844
, M Reybaud publia sur les graines oléagineuses, sujet qui
intéressait la ville de Marseille, sa patrie, un article où il
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qui paraissent authentiques, le sésame rendrait de 45 à 46 pour
Ioo d' huile, tandis que l' oeillette et le colza ne donnent que
25 à 3 o30 pour Ioo100, et l' olive seulement 220 à 22. Le sésame,
pour cette raison, déplaît aux fabricants du nord, qui en ont
demandé et obtenu la prohibition. Cependant les anglais sont à l'
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responsabilité envers soi, en matière de travail, implique
nécessairement, vis-à-vis des autres, concurrence. Ordonnez qu' à
partir du IerjanvieriIer 847janvier 1847, le travail et le salaire sont
garantis à tout le monde : aussitôt une immense relâche va
succéder à la tension ardente de l' industrie ; la valeur réelle
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. La révolution française a été faite pour la liberté
industrielle autant que pour la liberté politique : et bien que
la France, en I 7891789, n' eût point aperçu toutes les
conséquences du principe dont elle demandait la réalisation,
disons-le hautement, elle ne s' est trompée ni dans ses voeux ni
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résulte, en créant autour de lui '' la paix partout, ''
la paix
toujours '' , et transportant à l' état la responsabilité de son inertie. Oui,
toujours '' , et transportant à l' état la responsabilité de son inertie. Oui, il faut le dire en dépit du quiétisme moderne : la vie de l' homme est une guerre permanente, guerre avec le besoin, guerre avec la nature, guerre avec ses semblables, par conséquent guerre avec lui-même. La théorie d' une égalité pacifique, fondée sur la fraternité et le dévouement, n' est qu' une contrefaçon de la doctrine catholique du renoncement aux biens et aux plaisirs de ce monde, le principe de la gueuserie, le panégyrique de la misère. L' homme peut aimer son semblable jusqu' à mourir ; il ne l' aime pas jusqu' à travailler pour lui. à la théorie du dévouement, que nous venons de réfuter en fait et en droit, les adversaires de la concurrence en joignent une autre, qui est juste l' opposé de la première : car c' est une loi de l' esprit que lorsqu' il méconnaît la vérité, qui est son point d' équilibre, il oscille entre deux contradictions. Cette nouvelle théorie du socialisme anti-concurrent est celle des encouragements. Quoi de plus social, de plus progressif en apparence, que l' encouragement au travail et à l' industrie ? Pas de démocrate qui n' en fasse l' un des plus beaux attributs du pouvoir ; pas d' utopiste qui ne le compte en première ligne parmi les moyens d' organiser le bonheur. Or, le gouvernement est de sa nature si incapable de diriger le travail, que toute récompense décernée par lui est un véritable larcin fait à la caisse commune. M Reybaud va nous fournir le texte de cette induction. " les primes accordées pour encourager l' exportation, observe quelque part M Reybaud, équivalent aux droits payés pour l' importation de la matière première ; l' avantage reste absolument nul, et ne sert que d' encouragement à un vaste système de contrebande. " ce résultat est inévitable. Supprimez la taxe à l' entrée, l' industrie nationale pâtit, ainsi qu' on l' a vu précédemment à propos du sésame ; maintenez la taxe en n' accordant aucune prime pour l' exportation, le commerce national sera vaincu sur les marchés étrangers. Pour obvier à cet inconvénient, revenez-vous à la prime ? Vous ne faites que rendre d' une main ce que vous avez reçu de l' autre, et vous provoquez la fraude, dernier résultat, Caput Mortuum de tous les encouragements à l' industrie. Il suit de là que tout encouragement au travail, toute récompense décernée à l' industrie, autre que le prix naturel du produit, est un don gratuit, un pot-de-vin prélevé sur le consommateur, et offert en son nom à un favori du pouvoir, en échange de zéro, de rien. Encourager l' industrie est donc synonyme au fond d' encourager la paresse : c' est une des formes de l' escroquerie. Dans l' intérêt de notre marine de guerre, le gouvernement avait cru devoir accorder aux entrepreneurs de transports maritimes une prime par homme employé sur leurs bâtiments. Or, je continue à citer M Reybaud : " chaque bâtiment qui part pour Terre-Neuve , embarque de 6 oà 7 o hommes. Sur ce nombre I 2 matelots : le reste se compose de villageois arrachés aux travaux de la campagne, et qui, engagés comme journaliers pour la préparation du poisson, demeurent étrangers à la manoeuvre, et n' ont du marin que les pieds et l' estomac. Cependant ces hommes figurent sur les rôles de l' inscription navale, et y perpétuent une déception. Quand il s' agit de défendre l' institution des primes , on les met en ligne de compte ; ils font nombre et contribuent au succès. " c' est une ignoble jonglerie ! S' écriera sans doute quelque réformateur naïf. Soit : analysons le fait, et tâchons d' en dégager l' idée générale qui s' y trouve. En principe, le seul encouragement au travail que la science puisse admettre est le profit. Car, si le travail ne peut trouver dans son propre produit sa récompense, bien loin qu' on l' encourage, il doit être au plus tôt abandonné, et si ce même travail est suivi d' un produit net, il est absurde d' ajouter à ce produit net un don gratuit, et de surcharger ainsi la valeur du service. Appliquant ce principe, je dis donc : si le service de la marine marchande ne réclame que Ioooo matelots, il ne faut pas la prier d' en entretenir I 5 ooo ; le plus court pour le gouvernement est d' embarquer 5 ooo conscrits sur des bâtiments de l' état, et de leur faire faire, comme à des princes, leurs caravanes. Tout encouragement offert à la marine marchande est une invitation directe à la fraude, que dis-je ? Une proposition de salaire pour un service impossible. Est-ce que la manoeuvre, la discipline, toutes les conditions du commerce maritime s' accommodent de ces adjonctions d' un personnel inutile ? Que peut donc faire l' armateur, en face d' un gouvernement qui lui offre une aubaine pour embarquer sur son navire des gens dont il n' a pas besoin ? Si le ministre jette l' argent du trésor dans la rue, suis-je coupable de le ramasser ? ... ainsi, chose digne de remarque, la théorie des encouragements émane en droite ligne de la théorie du sacrifice ; et pour ne pas vouloir que l' homme soit responsable, les adversaires de la concurrence, par la contradiction fatale de leurs idées, sont contraints de faire de l' homme tantôt un dieu, tantôt une brute. Et puis ils s' étonnent qu' à leur appel la société ne se dérange pas ! Pauvres enfants ! Les hommes ne seront jamais ni meilleurs ni pires que vous les voyez et qu' ils furent toujours. Dès que leur bien particulier les sollicite, ils désertent le bien général : en quoi je les trouve, sinon honorables, au moins dignes d' excuse. C' est votre faute si tantôt vous exigez d' eux plus qu' ils ne vous doivent, tantôt vous agacez leur cupidité par des récompenses qu' ils ne méritent point. L' homme n' a rien de plus précieux que lui-même, et par conséquent point d' autre loi que sa responsabilité. La théorie du dévouement, de même que celle des récompenses, est une théorie de fripons, éversive de la société et de la morale ; et par cela seul que vous attendez, soit du sacrifice, soit du privilége, le maintien de l' ordre, vous créez dans la société un nouvel antagonisme. Au lieu de faire naître l' harmonie de la libre activité des personnes, vous rendez l' individu et l' état étrangers l' un à l' autre ; en commandant l' union, vous soufflez la discorde. En résumé, hors de la concurrence, il ne reste que cette alternative : l' encouragement, une mystification ; ou le sacrifice, une hypocrisie. Donc la concurrence, analysée dans son principe, est une inspiration de la justice ; et cependant nous allons voir que la concurrence, dans ses résultats , est injuste.
il faut le dire en dépit du quiétisme moderne : la vie de l' homme est une
guerre permanente, guerre avec le besoin, guerre avec la nature, guerre avec ses
semblables, par conséquent guerre avec lui-même. La théorie d' une égalité
pacifique, fondée sur la fraternité et le dévouement, n' est qu' une contrefaçon
de la doctrine catholique du renoncement aux biens et aux plaisirs de ce monde,
le principe de la gueuserie, le panégyrique de la misère. L' homme peut aimer
son semblable jusqu' à mourir ; il ne l' aime pas jusqu' à travailler pour lui.
à la théorie du dévouement, que nous venons de réfuter en fait et en droit, les
adversaires de la concurrence en joignent une autre, qui est juste l' opposé de
la première : car c' est une loi de l' esprit que lorsqu' il méconnaît la
vérité, qui est son point d' équilibre, il oscille entre deux contradictions.
Cette nouvelle théorie du socialisme anti-concurrent est celle des
encouragements. Quoi de plus social, de plus progressif en apparence, que l'
encouragement au travail et à l' industrie ? Pas de démocrate qui n' en fasse l'
un des plus beaux attributs du pouvoir ; pas d' utopiste qui ne le compte en
première ligne parmi les moyens d' organiser le bonheur. Or, le gouvernement est
de sa nature si incapable de diriger le travail, que toute récompense décernée
par lui est un véritable larcin fait à la caisse commune. M Reybaud va nous
fournir le texte de cette induction. " les primes accordées pour encourager l'
exportation, observe quelque part M Reybaud, équivalent aux droits payés pour l'
importation de la matière première ; l' avantage reste absolument nul, et ne
sert que d' encouragement à un vaste système de contrebande. " ce résultat est
inévitable. Supprimez la taxe à l' entrée, l' industrie nationale pâtit, ainsi
qu' on l' a vu précédemment à propos du sésame ; maintenez la taxe en n'
accordant aucune prime pour l' exportation, le commerce national sera vaincu sur
les marchés étrangers. Pour obvier à cet inconvénient, revenez-vous à la prime ?
Vous ne faites que rendre d' une main ce que vous avez reçu de l' autre, et vous
provoquez la fraude, dernier résultat, Caput Mortuum de tous les encouragements
à l' industrie. Il suit de là que tout encouragement au travail, toute
récompense décernée à l' industrie, autre que le prix naturel du produit, est un
don gratuit, un pot-de-vin prélevé sur le consommateur, et offert en son nom à
un favori du pouvoir, en échange de zéro, de rien. Encourager l' industrie est
donc synonyme au fond d' encourager la paresse : c' est une des formes de l'
escroquerie. Dans l' intérêt de notre marine de guerre, le gouvernement avait
cru devoir accorder aux entrepreneurs de transports maritimes une prime par
homme employé sur leurs bâtiments. Or, je continue à citer M Reybaud : " chaque
bâtiment qui part pour Terre-Neuve , embarque de 6 oà 7 o hommes. Sur ce nombre
12 matelots : le reste se compose de villageois arrachés aux travaux de la
campagne, et qui, engagés comme journaliers pour la préparation du poisson,
demeurent étrangers à la manoeuvre, et n' ont du marin que les pieds et l'
estomac. Cependant ces hommes figurent sur les rôles de l' inscription navale,
et y perpétuent une déception. Quand il s' agit de défendre l' institution des
primes , on les met en ligne de compte ; ils font nombre et contribuent au
succès. " c' est une ignoble jonglerie ! S' écriera sans doute quelque
réformateur naïf. Soit : analysons le fait, et tâchons d' en dégager l' idée
générale qui s' y trouve. En principe, le seul encouragement au travail que la
science puisse admettre est le profit. Car, si le travail ne peut trouver dans
son propre produit sa récompense, bien loin qu' on l' encourage, il doit être au
plus tôt abandonné, et si ce même travail est suivi d' un produit net, il est
absurde d' ajouter à ce produit net un don gratuit, et de surcharger ainsi la
valeur du service. Appliquant ce principe, je dis donc : si le service de la
marine marchande ne réclame que 10 000 matelots, il ne faut pas la prier d' en
entretenir 15 000 ; le plus court pour le gouvernement est d' embarquer 5 ooo conscrits sur des bâtiments de l' état, et de leur faire faire, comme à des princes, leurs caravanes. Tout encouragement offert à la marine marchande est une invitation directe à la fraude, que dis-je ? Une proposition de salaire pour un service impossible. Est-ce que la manoeuvre, la discipline, toutes les conditions du commerce maritime s' accommodent de ces adjonctions d' un personnel inutile ? Que peut donc faire l' armateur, en face d' un gouvernement qui lui offre une aubaine pour embarquer sur son navire des gens dont il n' a pas besoin ? Si le ministre jette l' argent du trésor dans la rue, suis-je coupable de le ramasser ? ... ainsi, chose digne de remarque, la théorie des encouragements émane en droite ligne de la théorie du sacrifice ; et pour ne pas vouloir que l' homme soit responsable, les adversaires de la concurrence, par la contradiction fatale de leurs idées, sont contraints de faire de l' homme tantôt un dieu, tantôt une brute. Et puis ils s' étonnent qu' à leur appel la société ne se dérange pas ! Pauvres enfants ! Les hommes ne seront jamais ni meilleurs ni pires que vous les voyez et qu' ils furent toujours. Dès que leur bien particulier les sollicite, ils désertent le bien général : en quoi je les trouve, sinon honorables, au moins dignes d' excuse. C' est votre faute si tantôt vous exigez d' eux plus qu' ils ne vous doivent, tantôt vous agacez leur cupidité par des récompenses qu' ils ne méritent point. L' homme n' a rien de plus précieux que lui-même, et par conséquent point d' autre loi que sa responsabilité. La théorie du dévouement, de même que celle des récompenses, est une théorie de fripons, éversive de la société et de la morale ; et par cela seul que vous attendez, soit du sacrifice, soit du privilége, le maintien de l' ordre, vous créez dans la société un nouvel antagonisme. Au lieu de faire naître l' harmonie de la libre activité des personnes, vous rendez l' individu et l' état étrangers l' un à l' autre ; en commandant l' union, vous soufflez la discorde. En résumé, hors de la concurrence, il ne reste que cette alternative : l' encouragement, une mystification ; ou le sacrifice, une hypocrisie. Donc la concurrence, analysée dans son principe, est une inspiration de la justice ; et cependant nous allons voir que la concurrence, dans ses résultats , est injuste.
 
== II - Effets subversifs de la concurrence, et destruction par elle de la liberté. ==
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dirait les deux séraphins d' Isaïe chantant un '' sanctus ''
à la
concurrence. En juin I 8441844, au moment où il publiait la
quatrième édition des '' réformateurs ''
contemporains '' , M Reybaud écrivait, dans l' amertume de son âme : " on doit aux socialistes l' organisation du travail, le droit au travail ; ils sont les promoteurs du régime de surveillance... les chambres législatives de chaque côté du détroit subissent peu à peu leur influence... ainsi l' utopie gagne du terrain... " et M Reybaud de déplorer ''
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de la meilleure répartition que vous signalez, je l' embrasse
avec ardeur, et la poursuivrai jusqu' à ses dernières
conséquences. Avant I 83 o1830, je prends cette date au hasard, la
richesse était plus mal répartie : comment cela ? Aujourd' hui,
selon vous, elle l' est mieux : pourquoi ? Vous voyez où je veux
Ligne 4 851 ⟶ 5 168 :
qui prouve l' excellent jugement de ces prêteurs, c' est qu' ils
ne songent point à acquérir : ils préfèrent placer leurs capitaux
. " aux propriétaires fonciers, il faut ajouter environ I1 5500 000
ooooo patentés, soit, à quatre personnes par famille, six
millions d' individus intéressés comme chefs à des entreprises
industrielles. " mais, d' abord, un grand nombre de ces patentés
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socialiste ? écoutez deux de vos plus illustres confrères, que
vous n' accuserez pas d' accomplir une oeuvre infernale. M
Rossi, tome Ier, leçon I 616, reconnaît à l' état le droit de
réglementer le travail, '' lorsque le '' danger est trop grand, et
danger est trop grand, et
les garanties '' insuffisantes, ''
ce qui veut dire toujours. Car
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lois '' : il n' attend pas que des faits imprévus se produisent pour les refouler d' une main arbitraire. -ailleurs, Tii, P 73- 77, le même professeur signale comme conséquences d' une concurrence exagérée, la formation incessante d' une aristocratie financière et territoriale, la déroute prochaine de la petite propriété, et il jette le cri d' alarme. De son côté, M Blanqui déclare que l' organisation du travail est à l' ordre du jour dans la science économique / depuis il s' est rétracté / ; il provoque la participation des ouvriers dans les bénéfices et l' avénement du travailleur collectif, et tonne sans discontinuer contre les monopoles, les prohibitions et la tyrannie du capital. M Rossi, en qualité de criminaliste, statue contre les brigandages de la concurrence ; M Blanqui, comme juge instructeur, dénonce les coupables : c' est la contre-partie du duo chanté tout à l' heure par Mm Reybaud et Dunoyer. Quand ceux-ci crient Hosanna, ceux-là répondent, comme les pères des conciles, Anathema. Mais, dira-t-on, Mm Blanqu et Ross n' entendent frapper que les ''
abus '' de la concurrence ; ils n' ont garde de proscrire le ''
principe '' , et dans tout cela ils sont parfaitement d' accord avec Mm Reybaud
principe '' , et dans tout cela ils sont parfaitement d' accord avec Mm Reybaud et Dunoyer. Je proteste contre cette distinction, dans l' intérêt de la renommée des deux professeurs. En fait, l' abus a tout envahi, et l' exception est devenue la règle. Lorsque M Troplong, défendant, avec tous les économistes, la liberté du commerce, reconnaissait que la coalition des messageries était un de ces faits contre lesquels le législateur se trouvait absolument sans action, et qui semblent démentir les notions les plus saines de l' économie sociale, il avait encore la consolation de se dire qu' un semblable fait était tout exceptionnel, et qu' il y avait lieu de croire qu' il ne se généraliserait pas. Or, ce fait s' est généralisé : il suffit au jurisconsulte le plus routinier de mettre la tête à sa fenêtre, pour voir qu' aujourd' hui tout absolument a été monopolisé par la concurrence, les transports / par terre, par fer et par eau /, les blés et farines, les vins et eaux-de-vie, le bois, la houille , les huiles, les fers, les tissus, le sel, les produits chimiques, etc. Il est triste pour la jurisprudence, cette soeur jumelle de l' économie politique, de voir en moins d' un lustre ses graves prévisions démenties : mais il est plus triste encore pour une grande nation d' être menée par de si pauvres génies, et de glaner les quelques idées qui la font vivre dans la broussaille de leurs écrits. En théorie, nous avons démontré que la concurrence, par son côté utile, devait être universelle et portée à son maximum d' intensité ; mais que, sous son aspect négatif, elle doit être partout étouffée, jusqu' au dernier vestige. Les économistes sont-ils en mesure d' opérer cette élimination ? En ont-ils prévu les conséquences, calculé les difficultés ? En cas d' affirmative, j' oserais leur proposer le cas suivant à résoudre. Un traité de coalition, ou plutôt d' association, car les tribunaux seraient fort embarrassés de définir l' une et l' autre, vient de réunir dans une même compagnie toutes les mines de houille du bassin de la Loire. Sur la plainte des municipalités de Lyon et de Saint-étienne, le ministre a nommé une commission chargée d' examiner le caractère et les tendances de cette effrayante société. Eh bien ! Je le demande, que peut ici l' intervention du pouvoir, assisté de la loi civile et de l' économie politique ? On crie à la coalition. Mais peut-on empêcher les propriétaires de mines de s' associer, de réduire leurs frais généraux et d' exploitation, et de tirer, par un travail mieux entendu, un parti plus avantageux de leurs mines ? Leur ordonnera-t-on de recommencer leur ancienne guerre, et de se ruiner par l' augmentation des dépenses, par le gaspillage, par l' encombrement, le désordre, la baisse des prix ? Tout cela est absurde. Les empêchera-t-on d' augmenter leurs prix, de manière à retrouver l' intérêt de leurs capitaux ? Alors qu' on les défende eux-mêmes contre les demandes d' augmentation de salaire de la part des ouvriers ; qu' on refasse la loi sur les sociétés en commandite ; qu' on interdise le commerce des actions ; et quand toutes ces mesures auront été prises, comme les capitalistes propriétaires du bassin ne peuvent sans injustice être contraints de perdre des capitaux engagés sous un régime différent, qu' on les indemnise. Leur imposera-t-on un tarif ? C' est une loi de maximum. L' état devra donc se mettre aux lieu et place des exploitants, faire leurs comptes de capital, d' intérêts, de frais de bureaux ; régler les salaires des mineurs, les appointements des ingénieurs et des directeurs, le prix des bois employés pour l' extraction, la dépense du matériel, et enfin déterminer le chiffre normal et légitime du bénéfice. Tout cela ne peut se faire par ordonnance ministérielle : il faut une loi. Le législateur osera-t-il, pour une industrie spéciale, changer le droit public des français, et mettre le pouvoir à la place de la propriété ? Alors de deux choses l' une : ou le commerce des houilles tombera aux mains de l' état ; ou bien l' état aura trouvé moyen de concilier pour l' industrie extractive la liberté et l' ordre, et dans ce cas les socialistes demandent que ce qui aura été exécuté sur un point soit imité partout. La coalition des mines de la Loire a posé la question sociale en des termes qui ne permettent plus de fuir. Ou la concurrence, c' est-à-dire le monopole et ce qui s' ensuit ; ou l' exploitation par l' état, c' est-à-dire la cherté du travail et l' appauvrissement continu ; ou bien enfin une solution égalitaire, en d' autres termes l' organisation du travail, ce qui emporte la négation de l' économie politique et la fin de la propriété. Mais les économistes ne procèdent point avec cette brusque logique : ils aiment à marchander avec la nécessité. M Dupin / séance de l' académie des sciences morales et politiques du Iojuini 843 / exprime l' opinion que " si la concurrence peut être utile à l' intérieur, elle doit être empêchée de peuple à peuple. " ''
et Dunoyer. Je proteste contre cette distinction, dans l' intérêt de la renommée
des deux professeurs. En fait, l' abus a tout envahi, et l' exception est
devenue la règle. Lorsque M Troplong, défendant, avec tous les économistes, la
liberté du commerce, reconnaissait que la coalition des messageries était un de
ces faits contre lesquels le législateur se trouvait absolument sans action, et
qui semblent démentir les notions les plus saines de l' économie sociale, il
avait encore la consolation de se dire qu' un semblable fait était tout
exceptionnel, et qu' il y avait lieu de croire qu' il ne se généraliserait pas.
Or, ce fait s' est généralisé : il suffit au jurisconsulte le plus routinier de
mettre la tête à sa fenêtre, pour voir qu' aujourd' hui tout absolument a été
monopolisé par la concurrence, les transports / par terre, par fer et par eau /,
les blés et farines, les vins et eaux-de-vie, le bois, la houille , les huiles,
les fers, les tissus, le sel, les produits chimiques, etc. Il est triste pour la
jurisprudence, cette soeur jumelle de l' économie politique, de voir en moins d'
un lustre ses graves prévisions démenties : mais il est plus triste encore pour
une grande nation d' être menée par de si pauvres génies, et de glaner les
quelques idées qui la font vivre dans la broussaille de leurs écrits. En
théorie, nous avons démontré que la concurrence, par son côté utile, devait être
universelle et portée à son maximum d' intensité ; mais que, sous son aspect
négatif, elle doit être partout étouffée, jusqu' au dernier vestige. Les
économistes sont-ils en mesure d' opérer cette élimination ? En ont-ils prévu
les conséquences, calculé les difficultés ? En cas d' affirmative, j' oserais
leur proposer le cas suivant à résoudre. Un traité de coalition, ou plutôt d'
association, car les tribunaux seraient fort embarrassés de définir l' une et l'
autre, vient de réunir dans une même compagnie toutes les mines de houille du
bassin de la Loire. Sur la plainte des municipalités de Lyon et de
Saint-étienne, le ministre a nommé une commission chargée d' examiner le
caractère et les tendances de cette effrayante société. Eh bien ! Je le demande,
que peut ici l' intervention du pouvoir, assisté de la loi civile et de l'
économie politique ? On crie à la coalition. Mais peut-on empêcher les
propriétaires de mines de s' associer, de réduire leurs frais généraux et d'
exploitation, et de tirer, par un travail mieux entendu, un parti plus
avantageux de leurs mines ? Leur ordonnera-t-on de recommencer leur ancienne
guerre, et de se ruiner par l' augmentation des dépenses, par le gaspillage, par
l' encombrement, le désordre, la baisse des prix ? Tout cela est absurde. Les
empêchera-t-on d' augmenter leurs prix, de manière à retrouver l' intérêt de
leurs capitaux ? Alors qu' on les défende eux-mêmes contre les demandes d'
augmentation de salaire de la part des ouvriers ; qu' on refasse la loi sur les
sociétés en commandite ; qu' on interdise le commerce des actions ; et quand
toutes ces mesures auront été prises, comme les capitalistes propriétaires du
bassin ne peuvent sans injustice être contraints de perdre des capitaux engagés
sous un régime différent, qu' on les indemnise. Leur imposera-t-on un tarif ? C'
est une loi de maximum. L' état devra donc se mettre aux lieu et place des
exploitants, faire leurs comptes de capital, d' intérêts, de frais de bureaux ;
régler les salaires des mineurs, les appointements des ingénieurs et des
directeurs, le prix des bois employés pour l' extraction, la dépense du
matériel, et enfin déterminer le chiffre normal et légitime du bénéfice. Tout
cela ne peut se faire par ordonnance ministérielle : il faut une loi. Le
législateur osera-t-il, pour une industrie spéciale, changer le droit public des
français, et mettre le pouvoir à la place de la propriété ? Alors de deux choses
l' une : ou le commerce des houilles tombera aux mains de l' état ; ou bien l'
état aura trouvé moyen de concilier pour l' industrie extractive la liberté et
l' ordre, et dans ce cas les socialistes demandent que ce qui aura été exécuté
sur un point soit imité partout. La coalition des mines de la Loire a posé la
question sociale en des termes qui ne permettent plus de fuir. Ou la
concurrence, c' est-à-dire le monopole et ce qui s' ensuit ; ou l' exploitation
par l' état, c' est-à-dire la cherté du travail et l' appauvrissement continu ;
ou bien enfin une solution égalitaire, en d' autres termes l' organisation du
travail, ce qui emporte la négation de l' économie politique et la fin de la
propriété. Mais les économistes ne procèdent point avec cette brusque logique :
ils aiment à marchander avec la nécessité. M Dupin / séance de l' académie des
sciences morales et politiques du 10 juin 1843 / exprime l' opinion que " si la concurrence peut être utile à l' intérieur, elle doit être empêchée de peuple à peuple. " ''
 
empêcher ou laisser faire, '' voilà l' éternelle alternative des économistes : leur génie ne va pas au delà. En vain on leur crie qu' il ne s' agit ni de rien ''
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distinguer '' la théorie de la pratique. " mon dieu ! Chacun sait que M Dunoyer, inflexible sur les principes dans ses ouvrages, est très-accommodant sur la pratique au conseil d' état. Mais qu' il daigne donc une fois se poser à lui-même cette question : pourquoi suis je contraint de distinguer sans cesse la pratique de la théorie ? Pourquoi ne s' accordent-elles pas ? M Blanqui, en homme conciliant et pacifique, appuie le savant M Dunoyer, c' est-à-dire la théorie . Toutefois il pense, avec M Dupin, c' est-à-dire avec la pratique, que la concurrence n' est pas ''
exempte '' de reproches . Tant M Blanqui a peur de calomnier et d' attiser le feu ! M Dupin s' obstine dans son opinion. Il cite, à la charge de la concurrence, la fraude, la vente à faux poids, l' exploitation des enfants. Le tout sans doute afin de prouver que la concurrence ''
à l' intérieur '' peut être utile ! M Passy, avec sa logique ordinaire, fait
à l' intérieur '' peut être utile ! M Passy, avec sa logique ordinaire, fait observer qu' il y aura toujours des malhonnêtes gens qui, etc. -accusez la nature humaine, s' écrie-t -il, mais non pas la concurrence. Dès le premier mot, la logique de M Passy s' écarte de la question. Ce que l' on reproche à la concurrence, ce sont les inconvénients qui résultent de sa nature , et non les fraudes dont elle est l' occasion ou le prétexte. Un manufacturier trouve moyen de remplacer un ouvrier qui lui coûte 3 francs par jour, par une femme à laquelle il ne donne que I franc. Cet expédient est le seul pour lui de soutenir la baisse et de faire marcher son établissement. Bientôt aux ouvrières il adjoindra des enfants. Puis, contraint par les nécessités de la guerre, peu à peu il réduira les salaires et augmentera les heures de travail. Où est ici le coupable ? Cet argument peut se retourner de cent façons, et s' appliquer à toutes les industries , sans qu' il y ait lieu d' accuser la nature humaine. M Passy lui-même est forcé de le reconnaître, lorsqu' il ajoute : " quant au travail forcé des enfants, la faute en est aux parents. " -c' est juste. Et la faute des parents, à qui ? " en Irlande, continue cet orateur, il n' y a point de concurrence, et cependant la misère est extrême. " sur ce point la logique ordinaire de M Passy a été trahie par un défaut de mémoire extraordinaire. En Irlande, il y a monopole complet, universel, de la terre, et concurrence illimitée, acharnée pour les fermages. Concurrence-monopole sont les deux boulets que traîne à chaque pied la malheureuse Irlande. Quand les économistes sont las d' accuser la nature humaine, la cupidité des parents, la turbulence des radicaux, ils se réjouissent par le tableau de la félicité du prolétariat. Mais là encore ils ne se peuvent accorder ni entre eux, ni avec eux-mêmes ; et rien ne peint mieux l' anarchie de la concurrence que le désordre de leurs idées. " aujourd' hui, la femme de l' artisan se pare de robes élégantes que n' auraient pas dédaignées les grandes dames de l' autre siècle. " / M Chevalier, 4 e leçon. / et c' est ce même M Chevalier qui, d' après un calcul à lui propre, estime que la totalité du revenu national donnerait 65 centimes par jour et par individu. Quelques économistes font même descendre ce chiffre à 55 centimes. Or, comme il faut prendre sur cette somme de quoi composer les fortunes supérieures, on peut évaluer, d' après le compte de M De Morogues, que le revenu de la moitié des français ne dépasse pas 25 centimes. " mais, reprend avec une mystique exaltation M Chevalier, le bonheur n' est-il pas dans l' harmonie des désirs et des jouissances... etc. " -économiste, dirait Horace à M Chevalier , s' il vivait de notre temps : occupez-vous seulement de mon revenu, et laissez-moi le soin de mon âme : /... /. M Dunoyer a de nouveau la parole : " on pourrait aisément, dans beaucoup de villes, les jours de fêtes, confondre la classe ouvrière avec la classe bourgeoise... etc. " plus loin, M Dunoyer donne le tableau des fortunes anglaises d' après Marshall. Il résulte de ce tableau qu' en Angleterre deux millions cinq cent mille familles n' ont qu' un revenu de I 2 oo francs. Or, en Angleterre, I 2 oo francs de revenu répondent chez nous à 73 o francs, somme qui, divisée entre quatre personnes, donne à chacune I 82 fr 5 oc, et par jour 5 o centimes. Cela se rapproche des 65 centimes que M Chevalier accorde à chaque français : la différence en faveur de celui-ci provient de ce que, le progrès de la richesse étant moins avancé en France, la misère y est également moindre. Que faut-il croire des descriptions luxuriantes des économistes ou de leurs calculs ? " le paupérisme s' est accru à tel point en Angleterre, avoue M Blanqui, que le gouvernement anglais a dû chercher un refuge dans ces affreuses maisons de travail... " en effet, ces prétendues maisons de travail, où le travail consiste en occupations ridicules et stériles, ne sont, quoi qu' on ait dit, que des maisons de torture. Car il n' est pour un être raisonnable de torture pareille à celle de tourner une meule sans grain et sans farine, dans le but unique de fuir le repos, sans pour cela échapper à l' oisiveté. " cette organisation / l' organisation de la concurrence /, continue M Blanqui, tend à faire passer tous les profits du travail du côté des capitaux... c' est à Reims, à Mulhouse, à Saint-Quentin, comme à Manchester, à Leeds, à Spitafield, que l' existence des ouvriers est le plus précaire... " suit un tableau épouvantable de la misère des ouvriers. Hommes, femmes, enfants, jeunes filles , passent devant vous affamés, étiolés, couverts de haillons, blafards et farouches. La description se termine par ce trait : " les ouvriers de l' industrie mécanique ne peuvent plus fournir de soldats au recrutement de l' armée. " il paraît qu' à ceux-là le pain blanc et la soupe de M Dunoyer ne profitent pas. M Villermé regarde le libertinage des jeunes ouvrières comme ''
observer qu' il y aura toujours des malhonnêtes gens qui, etc. -accusez la
nature humaine, s' écrie-t -il, mais non pas la concurrence. Dès le premier mot,
la logique de M Passy s' écarte de la question. Ce que l' on reproche à la
concurrence, ce sont les inconvénients qui résultent de sa nature , et non les
fraudes dont elle est l' occasion ou le prétexte. Un manufacturier trouve moyen
de remplacer un ouvrier qui lui coûte 3 francs par jour, par une femme à
laquelle il ne donne que un franc. Cet expédient est le seul pour lui de
soutenir la baisse et de faire marcher son établissement. Bientôt aux ouvrières
il adjoindra des enfants. Puis, contraint par les nécessités de la guerre, peu à
peu il réduira les salaires et augmentera les heures de travail. Où est ici le
coupable ? Cet argument peut se retourner de cent façons, et s' appliquer à
toutes les industries , sans qu' il y ait lieu d' accuser la nature humaine. M
Passy lui-même est forcé de le reconnaître, lorsqu' il ajoute : " quant au
travail forcé des enfants, la faute en est aux parents. " -c' est juste. Et la
faute des parents, à qui ? " en Irlande, continue cet orateur, il n' y a point
de concurrence, et cependant la misère est extrême. " sur ce point la logique
ordinaire de M Passy a été trahie par un défaut de mémoire extraordinaire. En
Irlande, il y a monopole complet, universel, de la terre, et concurrence
illimitée, acharnée pour les fermages. Concurrence-monopole sont les deux
boulets que traîne à chaque pied la malheureuse Irlande. Quand les économistes
sont las d' accuser la nature humaine, la cupidité des parents, la turbulence
des radicaux, ils se réjouissent par le tableau de la félicité du prolétariat.
Mais là encore ils ne se peuvent accorder ni entre eux, ni avec eux-mêmes ; et
rien ne peint mieux l' anarchie de la concurrence que le désordre de leurs
idées. " aujourd' hui, la femme de l' artisan se pare de robes élégantes que n'
auraient pas dédaignées les grandes dames de l' autre siècle. " / M Chevalier, 4
e leçon. / et c' est ce même M Chevalier qui, d' après un calcul à lui propre,
estime que la totalité du revenu national donnerait 65 centimes par jour et par
individu. Quelques économistes font même descendre ce chiffre à 55 centimes. Or,
comme il faut prendre sur cette somme de quoi composer les fortunes supérieures,
on peut évaluer, d' après le compte de M De Morogues, que le revenu de la moitié
des français ne dépasse pas 25 centimes. " mais, reprend avec une mystique
exaltation M Chevalier, le bonheur n' est-il pas dans l' harmonie des désirs et
des jouissances... etc. " -économiste, dirait Horace à M Chevalier , s' il
vivait de notre temps : occupez-vous seulement de mon revenu, et laissez-moi le
soin de mon âme : /... /. M Dunoyer a de nouveau la parole : " on pourrait
aisément, dans beaucoup de villes, les jours de fêtes, confondre la classe
ouvrière avec la classe bourgeoise... etc. " plus loin, M Dunoyer donne le
tableau des fortunes anglaises d' après Marshall. Il résulte de ce tableau qu'
en Angleterre deux millions cinq cent mille familles n' ont qu' un revenu de
1200 francs. Or, en Angleterre, 1200 francs de revenu répondent chez nous à 73 o
francs, somme qui, divisée entre quatre personnes, donne à chacune 1 82 fr 5 oc, et par jour 5 o centimes. Cela se rapproche des 65 centimes que M Chevalier accorde à chaque français : la différence en faveur de celui-ci provient de ce que, le progrès de la richesse étant moins avancé en France, la misère y est également moindre. Que faut-il croire des descriptions luxuriantes des économistes ou de leurs calculs ? " le paupérisme s' est accru à tel point en Angleterre, avoue M Blanqui, que le gouvernement anglais a dû chercher un refuge dans ces affreuses maisons de travail... " en effet, ces prétendues maisons de travail, où le travail consiste en occupations ridicules et stériles, ne sont, quoi qu' on ait dit, que des maisons de torture. Car il n' est pour un être raisonnable de torture pareille à celle de tourner une meule sans grain et sans farine, dans le but unique de fuir le repos, sans pour cela échapper à l' oisiveté. " cette organisation / l' organisation de la concurrence /, continue M Blanqui, tend à faire passer tous les profits du travail du côté des capitaux... c' est à Reims, à Mulhouse, à Saint-Quentin, comme à Manchester, à Leeds, à Spitafield, que l' existence des ouvriers est le plus précaire... " suit un tableau épouvantable de la misère des ouvriers. Hommes, femmes, enfants, jeunes filles , passent devant vous affamés, étiolés, couverts de haillons, blafards et farouches. La description se termine par ce trait : " les ouvriers de l' industrie mécanique ne peuvent plus fournir de soldats au recrutement de l' armée. " il paraît qu' à ceux-là le pain blanc et la soupe de M Dunoyer ne profitent pas. M Villermé regarde le libertinage des jeunes ouvrières comme ''
 
inévitable '' . Le concubinage est leur état habituel ; elles sont entièrement subventionnées par les patrons, commis, étudiants. Bien qu' en général le mariage ait plus d' attrait pour le peuple que pour la bourgeoisie, nombre de prolétaires, malthusiens sans le savoir, craignent la famille, et suivent le torrent. Ainsi, comme les ouvriers sont chair à canon, les ouvrières sont chair à prostitution : cela explique l' élégante tenue du dimanche. Après tout, pourquoi ces demoiselles seraient-elles obligées à vertu plutôt que leurs bourgeoises ? M Buret, couronné par l' académie : " j' affirme que la classe ouvrière est abandonnée... etc. " remarquez en passant que le très-regrettable Buret regardait comme un préjugé populaire l' existence des accapareurs . Eh ! Sophiste : accapareur ou spéculateur, qu' importe le nom, si vous reconnaissez la chose ? De telles citations rempliraient des volumes. Mais le but de cet écrit n' est point de raconter les contradictions des économistes, et de faire aux personnes une guerre sans résultat. Notre but est plus élevé et plus digne : c' est de dérouler le ''
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travail '' , après avoir ramené le problème de l' association à un seul point, la concurrence, il se prononce, sans hésiter, pour son abolition. On peut juger d' après cela combien cet écrivain, d' ordinaire si avisé, s' est fait illusion sur la valeur de l' économie politique et sur la portée du socialisme. D' un côté, M Blanc, recevant de je ne sais d' où ses idées toutes faites, donnant tout à son siècle et rien à l' histoire, rejette absolument, pour le contenu et pour la forme, l' économie politique, et se prive des matériaux même de l' organisation ; de l' autre, il attribue à des tendances ressuscitées de toutes les époques antérieures, et qu' il prend pour nouvelles, une réalité qu' elles n' ont pas, et méconnaît la nature du socialisme, qui est d' être exclusivement critique. M Blanc nous a donc donné le spectacle d' une imagination vive et prompte aux prises avec une impossibilité ; il a cru à la divination du génie : mais il a dû s' apercevoir que la science ne s' improvise pas, et que, s' appelât-on Adolphe Boyer, Louis Blanc ou J-J Rousseau, du moment qu' il n' y a rien dans l' expérience, il n' y a rien dans l' entendement. M Blanc débute par cette déclaration : " nous ne saurions comprendre ceux qui ont imaginé je ne sais quel mystérieux accouplement des deux principes opposés. Greffer l' association sur la concurrence est une pauvre idée : c' est remplacer les eunuques par les hermaphrodites. " ces quatre lignes sont pour M Blanc à jamais regrettables. Elles prouvent qu' à la date de la quatrième édition de son livre, il était sur la logique aussi peu avancé que sur l' économie politique, et qu' il raisonnait de l' une et de l' autre comme un aveugle des couleurs. L' hermaphrodisme, en politique, consiste précisément dans l' exclusion, parce que l' exclusion ramène toujours, sous une forme quelconque et dans un même degré, l' idée exclue ; et M Blanc serait étrangement surpris si on lui faisait voir, par le mélange perpétuel qu' il fait dans son livre des principes les plus contraires, l' autorité et le droit, la propriété et le communisme, l' aristocratie et l' égalité, le travail et le capital, la récompense et le dévouement, la liberté et la dictature, le libre examen et la foi religieuse, que le véritable hermaphrodite, publiciste au double sexe, c' est lui. M Blanc, placé sur les confins de la démocratie et du socialisme, un degré plus bas que la république, deux degrés au-dessous de M Barrot, trois au-dessous de M Thiers, est encore lui-même, quoi qu' il dise et quoi qu' il fasse, un descendant à la quatrième génération de M Guizot, un doctrinaire. " certes, s' écrie M Blanc, nous ne sommes pas de ceux qui crient anathème au principe d' autorité. Ce principe, nous avons eu mille fois occasion de le défendre contre des attaques aussi dangereuses qu' ineptes. Nous savons que, lorsque dans une société la force organisée n' est nulle part, le despotisme est partout... " ainsi , d' après M Blanc, le remède à la concurrence, ou plutôt le moyen de l' abolir, consiste dans l' intervention de l' autorité, dans la substitution de l' état à la liberté individuelle : c' est l' inverse du système des économistes. Je regretterais que M Blanc, dont les tendances sociales sont connues, m' accusât de lui faire une guerre impolitique en le réfutant. Je rends justice aux intentions généreuses de M Blanc ; j' aime et je lis ses ouvrages, et je lui rends surtout grâce du service qu' il a rendu , en mettant à découvert, dans son ''
histoire de dix ans '' , l' incurable indigence de son parti. Mais nul ne peut consentir à paraître dupe ou imbécile : or, toute question de personne mise à part, que peut-il y avoir de commun entre le socialisme, cette protestation universelle, et le pêle-mêle de vieux préjugés qui compose la république de M Blanc ? M Blanc ne cesse d' appeler à l' autorité, et le socialisme se déclare hautement anarchique ; M Blanc place le pouvoir au-dessus de la société, et le socialisme tend à faire passer le pouvoir sous la société ; M Blanc fait descendre la vie sociale d' en haut, et le socialisme prétend la faire poindre et végéter d' en bas ; M Blanc court après la politique, et le socialisme cherche la science. Plus d' hypocrisie, dirai-je à M Blanc : vous ne voulez ni du catholicisme, ni de la monarchie, ni de la noblesse, mais il vous faut un dieu, une religion, une dictature, une censure, une hiérarchie, des distinctions et des rangs. Et moi je nie votre dieu, votre autorité, votre souveraineté, votre état juridique et toutes vos mystifications représentatives ; je ne veux ni de l' encensoir de Robespierre, ni de la baguette de Marat ; et plutôt que de subir votre démocratie androgyne, j' appuie le ''
statu quo '' . Depuis seize ans, votre parti résiste au progrès et arrête l' opinion ; depuis seize ans, il montre son origine despotique en faisant queue au pouvoir à l' extrémité du centre gauche : il est temps qu' il abdique ou qu' il se métamorphose. Implacables théoriciens de l' autorité, que proposez-vous donc que le gouvernement auquel vous faites la guerre ne puisse réaliser d' une façon plus supportable que vous ? Le système de M Blanc se résume en trois points : I créer au pouvoir une grande force d' initiative, ''
 
c' est-à-
1. Créer au pouvoir une grande force d' initiative, c' est-à-dire, en langage français, rendre l' arbitraire tout-puissant
pour réaliser une utopie, ;

2. '' créerCréer et commanditer aux frais de l' état des '' ateliers publics ; ''
 
ateliers publics ; '' 3 ''
3. Éteindre l' industrie privée sous la concurrence de l' industrie nationale.
éteindre l' industrie
 
privée sous la concurrence '' de l' industrie nationale ''
Et c' est tout. M Blanc a-t-il abordé le problème de la valeur, qui
. Et c'
est tout. M Blanc a-t-il abordé le problème de la valeur, qui
implique à lui seul tous les autres ? Il ne s' en doute seulement
pas. -a-t-il donné une théorie de la répartition ? Non. -a-t-il
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produisent pas à l' exploitant, entre eux tous, un revenu net et
régulier de 2 oooofr ; et que ces 2 oooofr répartis entre les
3 oo travailleurs n' augmenteraient leur revenu que de I1 8
centimes par jour. Or, ceci est vrai de toutes les industries.
Comment l' atelier national, qui doit à '' ses ''
Ligne 5 135 ⟶ 5 556 :
produire de bien, plus on en reçoit de mal ; que sans lui le
progrès s' arrête, et qu' avec lui le travail s' immobilise et la
civilisation s' évanouit.

== I -nécessité Nécessité du monopole. Ainsi, le==
 
monopole est le terme fatal de la concurrence, qui l' engendre
Ainsi, le monopole est le terme fatal de la concurrence, qui l' engendre
par une négation incessante d' elle-même : cette génération du
monopole en est déjà la justification. Car, puisque la
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fatalement monopoleur, puisque, n' étant pas monopoleur, il n'
est rien ; et le problème social consiste à savoir, non pas
comment on abolira, mais comment on conciliera tous les monopoles.
. Les effets les plus remarquables et les plus immédiats du
monopole sont :

1. I dansDans l' ordre politique, le classement de l'
humanité en familles, tribus, cités, nations, états : c' est la
division élémentaire de l' humanité en groupes et sous-groupes de
Ligne 5 432 ⟶ 5 858 :
embranchement, dont l' étude exigerait à elle seule quatre fois
plus de temps que nous ne pouvons en donner à la question d'
économie industrielle posée par l' académie. 2 dans l' ordre
 
économique, le monopole contribue à l' accroissement du bien-être
2. Dans l' ordre économique, le monopole contribue à l' accroissement du bien-être
, d' abord en augmentant la richesse générale par le
perfectionnement des moyens ; puis, en capitalisant, ce qui veut
Ligne 5 442 ⟶ 5 869 :
agent de production ; puis, comme conséquence de cette fiction,
la théorie du '' produit net ''
et du '' produit brut ''. à cet égard
. à cet égard
, nous avons à présenter quelques considérations. Citons d' abord
J-B Say : " la valeur produite est le produit '' brut ''
Ligne 5 509 ⟶ 5 935 :
et qui restent hors du domaine de la théorie. Du reste, j' ai
fait voir, en traitant de la constitution de la valeur, Chii,
2 :
2 : I comment le produit net ne saurait jamais dépasser la
 
1. Comment le produit net ne saurait jamais dépasser la
différence qui résulte de l' inégalité des moyens de production ;
 
2 comment le bénéfice, qui ressort pour la société de chaque
2. Comment le bénéfice, qui ressort pour la société de chaque
invention nouvelle, est incomparablement plus grand que celui de
l' entrepreneur. Je ne reviendrai point sur ces questions,
Ligne 5 522 ⟶ 5 951 :
récompense naturelle du travailleur, j' ai signalé comme l' un
des plus heureux effets du monopole la '' capitalisation ''
des valeurs, de laquelle naît une autre espèce de profit, savoir, '' l' intérêt ''
des
valeurs, de laquelle naît une autre espèce de profit, savoir, '' l' intérêt ''
ou loyer des capitaux. -quant à la '' rente ''
, bien qu' elle se confonde souvent avec l' intérêt ; bien que, dans le
, bien
qu' elle se confonde souvent avec l' intérêt ; bien que, dans le
langage vulgaire, elle se résume, ainsi que le bénéfice et l'
intérêt, dans l' expression commune de revenu, elle est autre chose que l'
intérêt,
dans l' expression commune de revenu, elle est autre chose que l'
intérêt ; elle ne découle pas du monopole, mais de la propriété ;
elle tient à une théorie spéciale, et nous en parlerons en son
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du capital ? Tout le monde sait qu' un entrepreneur, lorsqu' il
fait le compte de ses frais de production, les divise d'
ordinaire en trois catégories : I

1. les valeurs consommées et les services payés ;
 
services payés ; 2 ses appointements personnels ; 3 l'
2. ses appointements personnels ;
amortissement et l' intérêt de ses capitaux. C' est de cette
 
dernière catégorie de frais qu' est née la distinction de l'
3. l' amortissement et l' intérêt de ses capitaux.
 
C' est de cette dernière catégorie de frais qu' est née la distinction de l'
entrepreneur et du capitaliste, bien que ces deux titres n'
expriment toujours que la même faculté, le monopole. Ainsi, une
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mais l' intérêt de la science et du prolétariat lui-même m'
obligent à compléter mes premières assertions et à maintenir les
vrais principes.

== I toute==

Toute production est effectuée en vue d' une
consommation, c' est-à-dire d' une jouissance. Dans la société,
les mots corrélatifs de production et consommation, de même que
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prix de revient '' . Or, comme c' est cependant le prix de revient qui doit acquitter le prix de vente, puisqu' une nation n' a en réalité d' autre débouché qu' elle-même, il s' ensuit que l' échange, partant la circulation et la vie, sont impossibles. " en France, 2 o millions de travailleurs, répandus dans toutes les branches de la science, de l' art et de l' industrie... etc. " voilà donc ce qui fait que richesse et pauvreté sont corrélatives, inséparables, non- seulement dans l' idée, mais dans le fait ; voilà ce qui les fait exister concurremment l' une à l' autre, et qui donne droit au salarié de prétendre que le riche ne possède rien de plus que le pauvre, dont celui-ci n' ait été frustré. Après que le monopole a fait son compte de frais, de bénéfice et d' intérêt, le salarié- consommateur fait le sien ; et il se trouve qu' en lui promettant un salaire représenté dans le contrat de travail par cent, on ne lui a donné réellement que soixante-quinze. Le monopole fait donc banqueroute au salariat, et il est rigoureusement vrai qu' il vit de ses dépouilles. Depuis six ans, j' ai soulevé cette effroyable contradiction : pourquoi n' a-t-elle pas retenti dans la presse ? Pourquoi les maîtres de la renommée n' ont-ils pas averti l' opinion ? Pourquoi ceux qui réclament les droits politiques de l' ouvrier ne lui ont-ils pas dit qu' on le volait ? Pourquoi les économistes se sont-ils tus ? Pourquoi ? Notre démocratie révolutionnaire ne fait tant de bruit que parce qu' elle a peur des révolutions : mais, en dissimulant le péril, qu' elle n' ose regarder en face, elle ne réussit qu' à l' accroître. " nous ressemblons, dit M Blanqui, à des chauffeurs qui augmentent la dose de vapeur, en même temps qu' ils chargent les soupapes. " victimes du monopole, consolez-vous ! Si vos bourreaux ne veulent pas entendre, c' est que la providence a résolu de les frapper : Non Audierunt, dit la bible, Quia Deus Volebat Occidere Eos. La vente ne pouvant remplir les conditions du monopole, il y a encombrement de marchandises ; le travail a produit en un an ce que le salaire ne lui permet de consommer qu' en quinze mois : donc, il devra chômer un quart de l' année. Mais, s' il chôme, il ne gagne rien : comment achètera-t-il jamais ? Et si le monopoleur ne se peut défaire de ses produits, comment son entreprise subsistera-t-elle ? L' impossibilité logique se multiplie autour de l' atelier ; les faits qui la traduisent sont partout. " les bonnetiers d' Angleterre, dit Eugène Buret, en étaient venus à ne plus manger que de deux jours l' un. Cet état dura dix-huit mois. " -et il cite une multitude de cas semblables . Mais ce qui navre, dans le spectacle des effets du monopole, est de voir les malheureux ouvriers s' accuser réciproquement de leur misère, et s' imaginer qu' en se coalisant et s' appuyant les uns les autres, ils préviendront la réduction du salaire. " les irlandais, dit un observateur, ont donné une funeste leçon aux classes laborieuses de la Grande-Bretagne... ils ont appris à nos travailleurs le fatal secret de borner leurs besoins à l' entretien de la seule vie animale, et de se contenter, comme les sauvages, du minimum de moyens de subsistance qui suffisent à prolonger la vie... instruites par ce fatal exemple, cédant en partie à la nécessité, les classes laborieuses ont perdu ce louable orgueil qui les portait à meubler proprement leurs maisons, et à multiplier autour d' elles les commodités décentes qui contribuent au bonheur. " je n' ai jamais rien lu de plus désolant et de plus stupide. Et que vouliez-vous qu' ils fissent ces ouvriers ? Les irlandais sont venus : fallait-il les massacrer ? Le salaire a été réduit : fallait-il le refuser et mourir ? La nécessité commandait, vous-mêmes le dites. Puis sont arrivés les interminables séances, la maladie, la difformité, la dégénération, l' abrutissement, et tous les signes de l' esclavage industriel : toutes ces calamités sont nées du monopole et de ses tristes antécédents, la concurrence, les machines et la division du travail : et vous accusez les irlandais ! D' autres fois les ouvriers accusent la mauvaise fortune, et s' exhortent à la patience : c' est la contre-partie des remercîments qu' ils adressent à la providence, lorsque le travail abonde et que les salaires sont suffisants. Je trouve dans un article publié par M Léon Faucher, dans le ''
journal
des économistes '' / septembre I 8451845 /, que depuis quelque temps les ouvriers anglais ont perdu l' habitude des coalitions, ce qui est assurément un progrès dont on ne peut que les féliciter ; mais que cette amélioration dans le moral des ouvriers vient surtout de leur instruction économique. " ce n' est point des manufacturiers, s' écriait au meeting de Bolton un ouvrier fileur... etc. " à la bonne heure : voilà des ouvriers bien dressés, des ouvriers modèles. Quels hommes que ces fileurs qui subissent sans se plaindre ''
le fouet de la '' nécessité ''
, parce
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dans notre manie, '' s' écrie-t-il, ''
de
tout réglementer, '' même ce qui est déjà codifié ! ... je ne connais rien de
plus délicieux que ce trait, qui peint à la fois le jurisconsulte et l'
économiste. Après le code Napoléon, tirez l' échelle ! ... " heureusement,
poursuit M Troplong, que tous les projets de changement mis au jour en I1837 837 etiet 8381838 avec tant de fracas, sont aujourd' hui oubliés... etc. " quelle philosophie que celle qui se réjouit de voir avorter les essais de réforme, et qui compte ses triomphes par les ''
résultats négatifs '' de l' esprit de recherche ! Nous ne pouvons en ce moment entrer plus à fond dans la critique des sociétés civiles et de commerce, qui ont fourni à M Troplong la matière de deux volumes. Nous réserverons ce sujet pour le temps où, la théorie des contradictions économiques étant achevée, nous aurons trouvé dans leur équation générale le programme de l' association, que nous publierons alors en regard de la pratique et des conceptions de nos anciens. Un mot seulement sur la commandite. On croirait au premier coup d' oeil que la commandite, par sa puissance expansive et par la facilité de mutation qu' elle présente, puisse se généraliser de manière à embrasser une nation entière, dans tous ses rapports commerciaux et industriels. Mais l' examen le plus superficiel de la constitution de cette société démontre bien vite que l' espèce d' élargissement dont elle est susceptible, quant au nombre des actionnaires, n' a rien de commun avec l' extension du lien social. D' abord la commandite, comme toutes les autres sociétés de commerce, est nécessairement limitée à une exploitation unique : sous ce rapport, elle est exclusive de toutes les industries étrangères à la sienne propre. S' il en était autrement, la commandite aurait changé de nature : ce serait une forme nouvelle de société dont les statuts porteraient, non plus spécialement sur les bénéfices, mais sur la distribution du travail et des conditions d' échange ; ce serait précisément l' association telle que la nie M Troplong, et que la jurisprudence du monopole l' exclut. Quant au personnel qui compose la commandite, il se divise naturellement en deux catégories, les gérants et les actionnaires. Les gérants, en très-petit nombre, sont choisis parmi les promoteurs, organisateurs et patrons de l' entreprise : à dire vrai, ce sont les seuls associés. Les actionnaires, comparés à ce petit gouvernement qui administre avec plein pouvoir la société, sont tout ce peuple de contribuables qui, étrangers les uns aux autres, sans influence et sans responsabilité, ne tiennent à l' affaire que par leurs mises. Ce sont des prêteurs à prime, ce ne sont pas des associés. On conçoit d' après cela que toutes les industries du royaume pourraient être exploitées par des commandites, et chaque citoyen , grâce à la facilité de multiplier ses actions, s' intéresser dans la totalité ou dans la plupart de ces commandites, sans que pour cela sa condition fût améliorée : il se pourrait même qu' elle fût de plus en plus compromise. Car, encore une fois, l' actionnaire est la bête de somme, la matière exploitable de la commandite : ce n' est pas pour lui que cette société est formée. Pour que l' association soit réelle, il faut que celui qui s' y engage y tienne par la qualité, non de parieur, mais d' entrepreneur ; qu' il ait voix délibérative au conseil ; que son nom soit exprimé ou sous-entendu dans la raison sociale ; que tout enfin soit réglé à son égard sur le pied d' égalité. Mais ces conditions sont précisément celles de l' organisation du travail, laquelle n' est point entrée dans les prévisions du code ; elles forment l' objet ultérieur de l' économie politique, par conséquent elles ne sont point à supposer , mais à créer, et, comme telles, radicalement incompatibles avec le monopole. Le socialisme, malgré le faste de son nom, n' a pas été jusqu' ici plus heureux que le monopole dans la définition de la société : on peut même dire que dans tous ses plans d' organisation, il s' est constamment montré sous ce rapport le plagiaire de l' économie politique. M Blanc, que j' ai déjà cité à propos de la concurrence, et que nous avons vu tour à tour partisan du principe hiérarchique, défenseur officieux de l' inégalité, prêchant le communisme, niant d' un trait de plume la loi de contradiction parce qu' il ne la conçoit pas, affectant par-dessus tout le pouvoir comme raison dernière de son système, M Blanc nous offre de nouveau le curieux exemple d' un socialiste copiant, sans qu' il s' en doute, l' économie politique, et tournant continuellement dans le cercle vicieux des routines propriétaires. Au fond, M Blanc nie la prépondérance du capital ; il nie même que le capital soit égal au travail dans la production, en quoi il est d' accord avec les saines théories économiques. Mais il ne peut ou ne sait se passer du capital, il prend pour point de départ le capital, il fait appel à la commandite de l' état, c' est-à-dire qu' il se met à genoux devant les capitalistes, et qu' il reconnaît la souveraineté du monopole. De là les contorsions singulières de sa dialectique. Je prie le lecteur de me pardonner ces éternelles personnalités : mais puisque le socialisme, aussi bien que l' économie politique, s' est personnifié en un certain nombre d' écrivains, je ne puis faire autrement que de citer les auteurs. " le capital, disait ''
 
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il n' y a rien dans
'' le socialisme qui ne se trouve dans l' économie ''
politique ; '' et ce plagiat perpétuel est la condamnation irrévocable de tous
politique ; '' et ce plagiat perpétuel est la condamnation irrévocable de tous deux. Nulle part on ne voit poindre cette idée-mère, qui ressort avec tant d' éclat de la génération des catégories économiques : c' est que la formule supérieure de l' association n' a point du tout à s' occuper du capital, objet des comptes des particuliers ; mais qu' elle doit porter uniquement sur l' équilibre de la production, les conditions de l' échange, la réduction progressive des prix de revient, seule et unique source du progrès de la richesse. Au lieu de déterminer les rapports d' industrie à industrie, de travailleur à travailleur, de province à province et de peuple à peuple, les socialistes ne songent qu' à se pourvoir de capitaux, concevant toujours le problème de la solidarité des travailleurs comme s' il s' agissait de fonder une nouvelle maison de monopole. Le monde, l' humanité, les capitaux, l' industrie, la pratique des affaires, existent ; il ne s' agit plus que d' en chercher la philosophie, en d' autres termes de les organiser : et les socialistes cherchent des capitaux ! Toujours en dehors de la réalité, qu' y a-t-il d' étonnant à ce que la réalité leur manque ? Ainsi M Blanc demande la commandite de l' état et la création d' ateliers nationaux ; ainsi Fourier demandait six millions, et son école s' occupe encore aujourd' hui de grouper cette somme ; ainsi les communistes espèrent en une révolution qui leur donne l' autorité et le trésor, et s' épuisent en attendant à d' inutiles souscriptions. Le capital et le pouvoir, organes secondaires dans la société, sont toujours les dieux que le socialisme adore : si le capital et le pouvoir n' existaient pas, il les inventerait. Par ses préoccupations de pouvoir et de capital, le socialisme a complétement méconnu le sens de ses propres protestations : bien plus, il ne s' est pas aperçu qu' en s' engageant, comme il faisait, dans la routine économique, il s' ôtait jusqu' au droit de protester. Il accuse la société d' antagonisme, et c' est par le même antagonisme qu' il poursuit la réforme. Il demande des capitaux pour les pauvres travailleurs, comme si la misère des travailleurs ne venait pas de la concurrence des capitaux entre eux, aussi bien que de l' opposition factice du travail et du capital ; comme si la question n' était pas aujourd' hui précisément telle qu' elle eût été avant la création des capitaux , c' est-à-dire encore et toujours une question d' équilibre ; comme si enfin, redisons-le sans cesse, redisons-le jusqu' à satiété, il s' agissait d' autre chose désormais que d' une synthèse de tous les principes émis par la civilisation, et que si cette synthèse, si l' idée qui mène le monde était connue, l' on eût besoin de l' intervention du capital et de l' état pour la mettre en évidence. Le socialisme, en désertant la critique pour se livrer à la déclamation et à l' utopie, en se mêlant aux intrigues politiques et religieuses, a trahi sa mission et méconnu le caractère du siècle. La révolution de I 83 o nous avait démoralisés, le socialisme nous effémine. Comme l' économie politique dont il ne fait que ressasser les contradictions, le socialisme est impuissant à satisfaire au mouvement des intelligences : ce n' est plus, chez ceux qu' il subjugue, qu' un nouveau préjugé à détruire, et chez ceux qui le propagent un charlatanisme à démasquer, d' autant plus dangereux qu' il est presque toujours de bonne foi. Cinquième époque. -la police ou l' impôt. Dans la position de ses principes, l' humanité, comme si elle obéissait à un ordre souverain, ne rétrograde jamais. Pareille au voyageur qui par des sinuosités obliques s' élève de la vallée profonde au sommet de la montagne, elle suit intrépidement sa route en zigzag, et marche à son but d' un pas assuré, sans repentir et sans arrêt. Parvenu à l' angle du monopole, le génie social porte en arrière un mélancolique regard, et dans une réflexion profonde il se dit : " le monopole a tout ôté au pauvre mercenaire, pain, vêtement, foyer, éducation, liberté et sûreté. Je mettrai le monopoleur à contribution ; à ce prix je lui conserverai son privilége. " la terre et les mines, les forêts et les eaux, premier domaine de l' homme, sont pour le prolétaire en interdit. J' interviendrai dans leur exploitation, j' aurai ma part des produits, et le monopole terrien sera respecté. " l' industrie est tombée en féodalité : mais c' est moi qui suis le suzerain. Les seigneurs me payeront tribut, et ils conserveront le bénéfice de leurs capitaux. " le commerce prélève sur le consommateur des profits usuraires. Je sèmerai sa route de péages, je timbrerai ses mandats et viserai ses expéditions, et il passera. " le capital a vaincu le travail par l' intelligence. Je vais ouvrir des écoles ; et le travailleur, rendu lui-même intelligent, pourra devenir à son tour capitaliste. " la circulation manque aux produits et la vie sociale est comprimée. Je construirai des routes, des ponts, des canaux, des marchés, des théâtres et des temples, et ce sera à la fois un travail, une richesse et un débouché. " le riche vit dans l' abondance, pendant que l' ouvrier pleure famine. J' établirai des impôts sur le pain, le vin, la viande, le sel et le miel, sur les objets de nécessité et sur les choses de prix, et ce sera une aumône pour mes pauvres. " et je préposerai des gardes sur les eaux, les forêts, les campagnes, les mines et les routes ; j' enverrai des collecteurs pour l' impôt et des précepteurs pour l' enfance ; j' aurai une armée contre les réfractaires, des tribunaux pour les juger, des prisons pour les punir, et des prêtres qui les maudissent. Tous ces emplois seront livrés au prolétariat et payés par les hommes du monopole. " telle est ma volonté certaine et efficace. " nous avons à prouver que la société ne pouvait ni mieux penser ni plus mal agir : ce sera l' objet d' une revue qui , je l' espère, éclairera le problème social d' une nouvelle lumière. Toute mesure de police générale, tout règlement d' administration et de commerce, de même que toute loi d' impôt, n' est au fond qu' un des articles innombrables de cette antique transaction, toujours violée et toujours reprise, entre le patriciat et le prolétariat. Que les parties ou leurs représentants n' en aient rien su ; que même elles aient fréquemment envisagé leurs constitutions politiques sous un tout autre point de vue, peu nous importe : ce n' est point à l' homme , législateur ou prince, que nous demandons le sens de ses actes, c' est aux actes eux-mêmes. I-idée synthétique de l' impôt. - point de départ et développement de cette idée. Afin de rendre plus intelligible ce qui devra suivre, je vais, par une espèce de renversement de la méthode que nous avons jusqu' à présent suivie , exposer la théorie supérieure de l' impôt ; j' en donnerai ensuite la genèse ; enfin j' en exposerai la contradiction et les résultats. L' idée synthétique de l' impôt, ainsi que sa conception originaire, fournirait matière aux plus vastes développements. Je me bornerai à un simple énoncé des propositions, avec indication sommaire des preuves. L' impôt, dans son essence et sa destination positive, est la forme de répartition de cette espèce de fonctionnaires qu' Adam Smith a désignés sous le nom ''
deux. Nulle part on ne voit poindre cette idée-mère, qui ressort avec tant d'
éclat de la génération des catégories économiques : c' est que la formule
supérieure de l' association n' a point du tout à s' occuper du capital, objet
des comptes des particuliers ; mais qu' elle doit porter uniquement sur l'
équilibre de la production, les conditions de l' échange, la réduction
progressive des prix de revient, seule et unique source du progrès de la
richesse. Au lieu de déterminer les rapports d' industrie à industrie, de
travailleur à travailleur, de province à province et de peuple à peuple, les
socialistes ne songent qu' à se pourvoir de capitaux, concevant toujours le
problème de la solidarité des travailleurs comme s' il s' agissait de fonder une
nouvelle maison de monopole. Le monde, l' humanité, les capitaux, l' industrie,
la pratique des affaires, existent ; il ne s' agit plus que d' en chercher la
philosophie, en d' autres termes de les organiser : et les socialistes cherchent
des capitaux ! Toujours en dehors de la réalité, qu' y a-t-il d' étonnant à ce
que la réalité leur manque ? Ainsi M Blanc demande la commandite de l' état et
la création d' ateliers nationaux ; ainsi Fourier demandait six millions, et son
école s' occupe encore aujourd' hui de grouper cette somme ; ainsi les
communistes espèrent en une révolution qui leur donne l' autorité et le trésor,
et s' épuisent en attendant à d' inutiles souscriptions. Le capital et le
pouvoir, organes secondaires dans la société, sont toujours les dieux que le
socialisme adore : si le capital et le pouvoir n' existaient pas, il les
inventerait. Par ses préoccupations de pouvoir et de capital, le socialisme a
complétement méconnu le sens de ses propres protestations : bien plus, il ne s'
est pas aperçu qu' en s' engageant, comme il faisait, dans la routine
économique, il s' ôtait jusqu' au droit de protester. Il accuse la société d'
antagonisme, et c' est par le même antagonisme qu' il poursuit la réforme. Il
demande des capitaux pour les pauvres travailleurs, comme si la misère des
travailleurs ne venait pas de la concurrence des capitaux entre eux, aussi bien
que de l' opposition factice du travail et du capital ; comme si la question n'
était pas aujourd' hui précisément telle qu' elle eût été avant la création des
capitaux , c' est-à-dire encore et toujours une question d' équilibre ; comme si
enfin, redisons-le sans cesse, redisons-le jusqu' à satiété, il s' agissait d'
autre chose désormais que d' une synthèse de tous les principes émis par la
civilisation, et que si cette synthèse, si l' idée qui mène le monde était
connue, l' on eût besoin de l' intervention du capital et de l' état pour la
mettre en évidence. Le socialisme, en désertant la critique pour se livrer à la
déclamation et à l' utopie, en se mêlant aux intrigues politiques et
religieuses, a trahi sa mission et méconnu le caractère du siècle. La révolution
de 1830 nous avait démoralisés, le socialisme nous effémine. Comme l' économie politique dont il ne fait que ressasser les contradictions, le socialisme est impuissant à satisfaire au mouvement des intelligences : ce n' est plus, chez ceux qu' il subjugue, qu' un nouveau préjugé à détruire, et chez ceux qui le propagent un charlatanisme à démasquer, d' autant plus dangereux qu' il est presque toujours de bonne foi. Cinquième époque. -la police ou l' impôt. Dans la position de ses principes, l' humanité, comme si elle obéissait à un ordre souverain, ne rétrograde jamais. Pareille au voyageur qui par des sinuosités obliques s' élève de la vallée profonde au sommet de la montagne, elle suit intrépidement sa route en zigzag, et marche à son but d' un pas assuré, sans repentir et sans arrêt. Parvenu à l' angle du monopole, le génie social porte en arrière un mélancolique regard, et dans une réflexion profonde il se dit : " le monopole a tout ôté au pauvre mercenaire, pain, vêtement, foyer, éducation, liberté et sûreté. Je mettrai le monopoleur à contribution ; à ce prix je lui conserverai son privilége. " la terre et les mines, les forêts et les eaux, premier domaine de l' homme, sont pour le prolétaire en interdit. J' interviendrai dans leur exploitation, j' aurai ma part des produits, et le monopole terrien sera respecté. " l' industrie est tombée en féodalité : mais c' est moi qui suis le suzerain. Les seigneurs me payeront tribut, et ils conserveront le bénéfice de leurs capitaux. " le commerce prélève sur le consommateur des profits usuraires. Je sèmerai sa route de péages, je timbrerai ses mandats et viserai ses expéditions, et il passera. " le capital a vaincu le travail par l' intelligence. Je vais ouvrir des écoles ; et le travailleur, rendu lui-même intelligent, pourra devenir à son tour capitaliste. " la circulation manque aux produits et la vie sociale est comprimée. Je construirai des routes, des ponts, des canaux, des marchés, des théâtres et des temples, et ce sera à la fois un travail, une richesse et un débouché. " le riche vit dans l' abondance, pendant que l' ouvrier pleure famine. J' établirai des impôts sur le pain, le vin, la viande, le sel et le miel, sur les objets de nécessité et sur les choses de prix, et ce sera une aumône pour mes pauvres. " et je préposerai des gardes sur les eaux, les forêts, les campagnes, les mines et les routes ; j' enverrai des collecteurs pour l' impôt et des précepteurs pour l' enfance ; j' aurai une armée contre les réfractaires, des tribunaux pour les juger, des prisons pour les punir, et des prêtres qui les maudissent. Tous ces emplois seront livrés au prolétariat et payés par les hommes du monopole. " telle est ma volonté certaine et efficace. " nous avons à prouver que la société ne pouvait ni mieux penser ni plus mal agir : ce sera l' objet d' une revue qui , je l' espère, éclairera le problème social d' une nouvelle lumière. Toute mesure de police générale, tout règlement d' administration et de commerce, de même que toute loi d' impôt, n' est au fond qu' un des articles innombrables de cette antique transaction, toujours violée et toujours reprise, entre le patriciat et le prolétariat. Que les parties ou leurs représentants n' en aient rien su ; que même elles aient fréquemment envisagé leurs constitutions politiques sous un tout autre point de vue, peu nous importe : ce n' est point à l' homme , législateur ou prince, que nous demandons le sens de ses actes, c' est aux actes eux-mêmes.
 
== I - Idée synthétique de l' impôt. Point de départ et développement de cette idée. ==
 
Afin de rendre plus intelligible ce qui devra suivre, je vais, par une espèce de renversement de la méthode que nous avons jusqu' à présent suivie , exposer la théorie supérieure de l' impôt ; j' en donnerai ensuite la genèse ; enfin j' en exposerai la contradiction et les résultats. L' idée synthétique de l' impôt, ainsi que sa conception originaire, fournirait matière aux plus vastes développements. Je me bornerai à un simple énoncé des propositions, avec indication sommaire des preuves. L' impôt, dans son essence et sa destination positive, est la forme de répartition de cette espèce de fonctionnaires qu' Adam Smith a désignés sous le nom ''
d'
improductifs '' , bien qu' il convînt, autant que personne, de l' utilité et même de la nécessité de leur travail dans la société. Par cette qualification ''
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dont il se sert est synonyme de '' non-production ''
, et qu' en conséquence ceux au bénéfice desquels
l' impôt se recueille, sont bien véritablement des '' improductifs . J' insiste
l' impôt se recueille, sont bien véritablement des '' improductifs . J' insiste sur cette définition, qui me semble d' autant moins contestable que si l' on dispute encore sur le mot, tout le monde est d' accord sur la chose, parce qu' elle contient le germe de la plus grande révolution qui doive s' accomplir dans le monde, je veux parler de la subordination des fonctions improductives aux fonctions productives, en un mot de la soumission effective, toujours demandée et jamais obtenue, de l' autorité aux citoyens. C' est une conséquence du développement des contradictions économiques, que l' ordre dans la société se montre d' abord comme à revers ; que ce qui doit être en haut soit placé en bas ; ce qui doit être en relief paraisse taillé en creux, et ce qui doit recevoir la lumière soit rejeté dans l' ombre. Ainsi, le pouvoir, qui par essence est, comme le capital, l' auxiliaire et le subordonné du travail, devient, par l' antagonisme de la société, l' espion, le juge et le tyran des fonctions productives ; le pouvoir, à qui son infériorité originelle commande l' obéissance, est prince et souverain. Dans tous les temps, les classes travailleuses ont poursuivi contre la caste officielle la solution de cette antinomie, dont la science économique seule peut donner la clef. Les oscillations, c' est-à-dire les agitations politiques qui résultent de cette lutte du travail contre le pouvoir, tantôt amènent une dépression de la force centrale, qui compromet jusqu' à l' existence de la société ; tantôt, exagérant outre mesure cette même force, engendre le despotisme. Puis les priviléges du commandement, les joies infinies qu' il donne à l' ambition et à l' orgueil, faisant des fonctions improductives l' objet de la convoitise générale, un nouveau ferment de discorde pénètre la société, qui, divisée déjà d' une part en capitalistes et salariés, de l' autre en producteurs et improductifs, se divise de nouveau pour le pouvoir en monarchistes et démocrates. Les conflits de la royauté et de la république nous fourniraient la matière du plus merveilleux, du plus intéressant de nos épisodes. Les bornes de cet ouvrage ne nous permettent pas une excursion si longue ; et après avoir signalé ce nouvel embranchement du vaste réseau des aberrations humaines, nous nous renfermerons exclusivement, en parlant de l' impôt, dans la question économique. Telle est donc, dans son exposé le plus succinct, la théorie synthétique de l' impôt, c' est-à-dire, si j' ose me permettre cette comparaison familière, de cette cinquième roue du char de l' humanité, qui fait tant de bruit, et qu' on appelle, en style gouvernemental, l' état. -l' état, la police, ou leur moyen d' existence, l' impôt, c' est, je le répète, le nom officiel de la classe qu' on désigne en économie politique sous le nom d' improductifs, en un mot de la domesticité sociale. Mais la raison publique n' atteint pas de plein saut à cette idée simple, qui, pendant des siècles, doit rester à l' état d' une conception transcendantale. Pour que la civilisation franchisse un tel sommet, il faut qu' elle traverse d' effroyables orages et des révolutions sans nombre, dans chacune desquelles on dirait qu' elle renouvelle ses forces par un bain de sang. Et lorsque enfin la production, représentée par le capital, semble au moment de subalterniser tout à fait l' organe improductif, l' état ; la société alors se soulève d' indignation ; le travail pleure de se voir bientôt libre ; la démocratie frémit de l' abaissement du pouvoir ; la justice crie au scandale, et tous les oracles des dieux qui s' en vont s' exclament avec terreur que l' abomination de la désolation est dans le lieu saint, et que la fin des temps est venue. Tant il est vrai que l' humanité ne veut jamais ce qu' elle cherche, et que le moindre progrès ne se peut réaliser sans jeter la panique parmi les peuples ! Quel est donc, dans cette évolution, le point de départ de la société, et par quel détour arrive-t-elle à la réforme politique, c' est-à-dire à l' économie dans ses dépenses, à l' égalité de répartition de son impôt, et à la subordination du pouvoir à l' industrie ? C' est ce que nous allons dire en peu de mots, réservant les développements pour la suite. L' idée originaire de l' impôt est celle d' un rachat. Comme, par la loi de Moïse, chaque premier-né était censé appartenir à Jéhovah, et devait être racheté par une offrande ; ainsi l' impôt se présente partout sous la forme d' une dîme ou d' un droit régalien par lequel le propriétaire rachète chaque année du souverain le bénéfice d' exploitation qu' il est censé ne tenir que de lui. Cette théorie de l' impôt n' est au surplus qu' un des articles particuliers de ce que l' on appelle le contrat social. Les anciens et les modernes s' accordent tous, en termes plus ou moins explicites, à présenter l' état juridique des sociétés comme une réaction de la faiblesse contre la force. Cette idée domine dans tous les ouvrages de Platon, notamment dans le gorgias, où il soutient, avec plus de subtilité que de logique, la cause des lois contre la violence, c' est-à-dire l' arbitraire législatif contre l' arbitraire aristocratique et guerrier. Dans cette dispute scabreuse, où l' évidence des raisons est égale des deux parts, Platon ne fait qu' exprimer le sentiment de toute l' antiquité. Longtemps avant lui Moïse, faisant un partage des terres, déclarant le patrimoine inaliénable, et ordonnant une purgation générale et sans remboursement de toutes les hypothèques à chaque cinquantième année, avait opposé une barrière aux envahissements de la force. Toute la bible est un hymne à la justice, c' est-à-dire, selon le style hébreu, à la charité, à la mansuétude du puissant envers le faible, à la renonciation volontaire au privilége de la force. Solon, débutant dans sa mission législative par une abolition générale des dettes, et créant des droits et des réserves, c' est-à-dire des barrières qui en empêchassent le retour, ne fut pas moins réactionnaire. Lycurgue alla plus loin : il défendit la possession individuelle, et s' efforça d' absorber l' homme dans l' état, anéantissant la liberté pour mieux conserver l' équilibre. Hobbes, faisant, et avec grande raison, dériver la législation de l' état de guerre, arriva par un autre chemin à constituer l' égalité sur une exception, le despotisme. Son livre , tant calomnié, n' est qu' un développement de cette fameuse antithèse. La charte de I 83 o, consacrant l' insurrection faite en 89 par la roture contre la noblesse, et décrétant l' égalité abstraite des personnes devant la loi, malgré l' inégalité réelle des forces et des talents qui fait le véritable fond du système social en vigueur, n' est encore qu' une protestation de la société en faveur du pauvre contre le riche, du petit contre le grand. Toutes les lois du genre humain sur la vente, l' achat, le louage, la propriété, le prêt, l' hypothèque, la prescription, les successions, donations, testaments, la dot des femmes, la minorité, la tutelle, etc., etc., sont de véritables barrières élevées par l' arbitraire juridique contre l' arbitraire de la force. Le respect des contrats, la fidélité à la parole, la religion du serment, sont les fictions, les osselets, comme disait excellemment le fameux Lysandre, avec lesquels la société trompe les forts et les met sous le joug. L' impôt appartient à cette grande famille d' institutions préventives, coercitives, répressives et vindicatives, que A Smith désignait sous le nom générique de police, et qui n' est, comme j' ai dit, dans sa conception originaire, que la réaction de la faiblesse contre la force. C' est ce qui résulte, indépendamment des témoignages historiques qui abondent, et que nous laisserons de côté pour nous tenir exclusivement à la preuve économique, de la distinction naturelle qui s' est faite des impôts. Tous les impôts se divisent en deux grandes catégories : I impôts de ''
sur cette définition, qui me semble d' autant moins contestable que si l' on
dispute encore sur le mot, tout le monde est d' accord sur la chose, parce qu'
elle contient le germe de la plus grande révolution qui doive s' accomplir dans
le monde, je veux parler de la subordination des fonctions improductives aux
fonctions productives, en un mot de la soumission effective, toujours demandée
et jamais obtenue, de l' autorité aux citoyens. C' est une conséquence du
développement des contradictions économiques, que l' ordre dans la société se
montre d' abord comme à revers ; que ce qui doit être en haut soit placé en bas
; ce qui doit être en relief paraisse taillé en creux, et ce qui doit recevoir
la lumière soit rejeté dans l' ombre. Ainsi, le pouvoir, qui par essence est,
comme le capital, l' auxiliaire et le subordonné du travail, devient, par l'
antagonisme de la société, l' espion, le juge et le tyran des fonctions
productives ; le pouvoir, à qui son infériorité originelle commande l'
obéissance, est prince et souverain. Dans tous les temps, les classes
travailleuses ont poursuivi contre la caste officielle la solution de cette
antinomie, dont la science économique seule peut donner la clef. Les
oscillations, c' est-à-dire les agitations politiques qui résultent de cette
lutte du travail contre le pouvoir, tantôt amènent une dépression de la force
centrale, qui compromet jusqu' à l' existence de la société ; tantôt, exagérant
outre mesure cette même force, engendre le despotisme. Puis les priviléges du
commandement, les joies infinies qu' il donne à l' ambition et à l' orgueil,
faisant des fonctions improductives l' objet de la convoitise générale, un
nouveau ferment de discorde pénètre la société, qui, divisée déjà d' une part en
capitalistes et salariés, de l' autre en producteurs et improductifs, se divise
de nouveau pour le pouvoir en monarchistes et démocrates. Les conflits de la
royauté et de la république nous fourniraient la matière du plus merveilleux, du
plus intéressant de nos épisodes. Les bornes de cet ouvrage ne nous permettent
pas une excursion si longue ; et après avoir signalé ce nouvel embranchement du
vaste réseau des aberrations humaines, nous nous renfermerons exclusivement, en
parlant de l' impôt, dans la question économique. Telle est donc, dans son
exposé le plus succinct, la théorie synthétique de l' impôt, c' est-à-dire, si
j' ose me permettre cette comparaison familière, de cette cinquième roue du char
de l' humanité, qui fait tant de bruit, et qu' on appelle, en style
gouvernemental, l' état. -l' état, la police, ou leur moyen d' existence, l'
impôt, c' est, je le répète, le nom officiel de la classe qu' on désigne en
économie politique sous le nom d' improductifs, en un mot de la domesticité
sociale. Mais la raison publique n' atteint pas de plein saut à cette idée
simple, qui, pendant des siècles, doit rester à l' état d' une conception
transcendantale. Pour que la civilisation franchisse un tel sommet, il faut qu'
elle traverse d' effroyables orages et des révolutions sans nombre, dans chacune
desquelles on dirait qu' elle renouvelle ses forces par un bain de sang. Et
lorsque enfin la production, représentée par le capital, semble au moment de
subalterniser tout à fait l' organe improductif, l' état ; la société alors se
soulève d' indignation ; le travail pleure de se voir bientôt libre ; la
démocratie frémit de l' abaissement du pouvoir ; la justice crie au scandale, et
tous les oracles des dieux qui s' en vont s' exclament avec terreur que l'
abomination de la désolation est dans le lieu saint, et que la fin des temps est
venue. Tant il est vrai que l' humanité ne veut jamais ce qu' elle cherche, et
que le moindre progrès ne se peut réaliser sans jeter la panique parmi les
peuples ! Quel est donc, dans cette évolution, le point de départ de la société,
et par quel détour arrive-t-elle à la réforme politique, c' est-à-dire à l'
économie dans ses dépenses, à l' égalité de répartition de son impôt, et à la
subordination du pouvoir à l' industrie ? C' est ce que nous allons dire en peu
de mots, réservant les développements pour la suite. L' idée originaire de l'
impôt est celle d' un rachat. Comme, par la loi de Moïse, chaque premier-né
était censé appartenir à Jéhovah, et devait être racheté par une offrande ;
ainsi l' impôt se présente partout sous la forme d' une dîme ou d' un droit
régalien par lequel le propriétaire rachète chaque année du souverain le
bénéfice d' exploitation qu' il est censé ne tenir que de lui. Cette théorie de
l' impôt n' est au surplus qu' un des articles particuliers de ce que l' on
appelle le contrat social. Les anciens et les modernes s' accordent tous, en
termes plus ou moins explicites, à présenter l' état juridique des sociétés
comme une réaction de la faiblesse contre la force. Cette idée domine dans tous
les ouvrages de Platon, notamment dans le gorgias, où il soutient, avec plus de
subtilité que de logique, la cause des lois contre la violence, c' est-à-dire l'
arbitraire législatif contre l' arbitraire aristocratique et guerrier. Dans
cette dispute scabreuse, où l' évidence des raisons est égale des deux parts,
Platon ne fait qu' exprimer le sentiment de toute l' antiquité. Longtemps avant
lui Moïse, faisant un partage des terres, déclarant le patrimoine inaliénable,
et ordonnant une purgation générale et sans remboursement de toutes les
hypothèques à chaque cinquantième année, avait opposé une barrière aux
envahissements de la force. Toute la bible est un hymne à la justice, c'
est-à-dire, selon le style hébreu, à la charité, à la mansuétude du puissant
envers le faible, à la renonciation volontaire au privilége de la force. Solon,
débutant dans sa mission législative par une abolition générale des dettes, et
créant des droits et des réserves, c' est-à-dire des barrières qui en
empêchassent le retour, ne fut pas moins réactionnaire. Lycurgue alla plus loin
: il défendit la possession individuelle, et s' efforça d' absorber l' homme
dans l' état, anéantissant la liberté pour mieux conserver l' équilibre. Hobbes,
faisant, et avec grande raison, dériver la législation de l' état de guerre,
arriva par un autre chemin à constituer l' égalité sur une exception, le
despotisme. Son livre , tant calomnié, n' est qu' un développement de cette
fameuse antithèse. La charte de 1830, consacrant l' insurrection faite en 89 par la roture contre la noblesse, et décrétant l' égalité abstraite des personnes devant la loi, malgré l' inégalité réelle des forces et des talents qui fait le véritable fond du système social en vigueur, n' est encore qu' une protestation de la société en faveur du pauvre contre le riche, du petit contre le grand. Toutes les lois du genre humain sur la vente, l' achat, le louage, la propriété, le prêt, l' hypothèque, la prescription, les successions, donations, testaments, la dot des femmes, la minorité, la tutelle, etc., etc., sont de véritables barrières élevées par l' arbitraire juridique contre l' arbitraire de la force. Le respect des contrats, la fidélité à la parole, la religion du serment, sont les fictions, les osselets, comme disait excellemment le fameux Lysandre, avec lesquels la société trompe les forts et les met sous le joug. L' impôt appartient à cette grande famille d' institutions préventives, coercitives, répressives et vindicatives, que A Smith désignait sous le nom générique de police, et qui n' est, comme j' ai dit, dans sa conception originaire, que la réaction de la faiblesse contre la force. C' est ce qui résulte, indépendamment des témoignages historiques qui abondent, et que nous laisserons de côté pour nous tenir exclusivement à la preuve économique, de la distinction naturelle qui s' est faite des impôts. Tous les impôts se divisent en deux grandes catégories :
 
1. impôts de '' répartition '' , ou de privilége : ce sont les plus anciennement établis ; - 2 impôts de consommation ou de ''
 
quotité '' , dont la tendance, en s' assimilant les premiers, est d' égaliser entre tous les charges publiques. La première espèce d' impôts, -qui comprend chez nous l' impôt foncier, celui des portes et fenêtres , la contribution personnelle, mobilière et locative, les patentes et licences, les droits de mutation, centièmes deniers, prestations en nature et brevets, -est la redevance que le souverain se réserve sur tous les monopoles qu' il concède ou tolère ; c' est, comme nous l' avons dit, l' indemnité du pauvre, le laissez-passer accordé à la propriété. Telle a été la forme et l' esprit de l' impôt dans toutes les anciennes monarchies : la féodalité en a été le beau idéal. Sous ce régime, l' impôt n' est qu' un ''
2. impôts de consommation ou de '' quotité '', dont la tendance, en s' assimilant les premiers, est d' égaliser entre tous les charges publiques.
 
La première espèce d' impôts, -qui comprend chez nous l' impôt foncier, celui des
portes et fenêtres , la contribution personnelle, mobilière et locative, les
patentes et licences, les droits de mutation, centièmes deniers, prestations en
nature et brevets, -est la redevance que le souverain se réserve sur tous les
monopoles qu' il concède ou tolère ; c' est, comme nous l' avons dit, l'
indemnité du pauvre, le laissez-passer accordé à la propriété. Telle a été la
forme et l' esprit de l' impôt dans toutes les anciennes monarchies : la
féodalité en a été le beau idéal. Sous ce régime, l' impôt n' est qu' un ''
tribut '' payé par le détenteur au propriétaire ou commanditaire universel, le roi. Lorsque plus tard, par le développement du droit public, la royauté, forme patriarcale de la souveraineté, commence à s' imprégner d' esprit démocratique, l' impôt devient une ''
cotisation '' que tout censitaire doit à la chose publique, et qui, au lieu de tomber dans la main du prince, est reçue dans le trésor de l' état. Dans cette évolution, le principe de l' impôt reste intact : ce n' est pas encore l' institution qui se transforme ; c' est le souverain réel qui succède au souverain figuratif. Que l' impôt entre dans le pécule du prince, ou qu' il serve à acquitter une dette commune, ce n' est toujours qu' une revendication de la société contre le privilége : sans cela, il est impossible de dire pourquoi l' impôt est établi en raison proportionnelle des fortunes... etc. Ces observations sont d' autant plus justes, que le principe qu' elles ont pour but d' opposer à celui de la répartition proportionnelle a eu sa période d' application. L' impôt proportionnel est de beaucoup postérieur dans l' histoire à l' hommage-lige, qui consistait en une simple démonstration officieuse, sans redevance réelle. La deuxième sorte d' impôts comprend en général tous ceux que l' on désigne, par une espèce d' antiphrase, sous le nom de contributions ''
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J' entends quelquefois les partisans du ''
statu quo '' prétendre que, quant au présent, nous jouissons d' assez de
statu quo '' prétendre que, quant au présent, nous jouissons d' assez de liberté, et que même, en dépit des déclamations contre l' ordre de choses, nous sommes au-dessous de nos institutions. Je suis, du moins en ce qui regarde l' impôt, tout à ait de l' avis de ces optimistes. D' après la théorie que nous venons de voir, l' impôt est la réaction de la société contre le monopole. Les opinions à cet égard sont unanimes : peuple et législateur, économistes, journalistes et vaudevillistes, traduisant, chacun dans sa langue , la pensée sociale, publient à l' envi que l' impôt doit tomber sur les riches, frapper le superflu et les objets de luxe, et laisser francs ceux de première nécessité. Bref, on a fait de l' impôt une sorte de privilége pour les privilégiés : pensée mauvaise, puisque c' était par le fait reconnaître la légitimité du privilége, qui, dans aucun cas, et sous quelque forme qu' il se montre, ne vaut rien. Le peuple devait être puni de cette inconséquence égoïste : la providence n' a pas manqué à sa mission. Dès l' instant donc que l' impôt eût été conçu comme une revendication, il dut s' établir proportionnellement aux facultés , soit qu' il frappât le capital, soit qu' il affectât plus spécialement le revenu. Or, je ferai observer que la répartition au marc le franc de l' impôt étant précisément celle que l' on adopterait dans un pays où toutes les fortunes seraient égales, sauf les différences d' assiette et de recouvrement, le fisc est ce qu' il y a de plus libéral dans notre société, et que sur ce point nos moeurs sont effectivement en arrière de nos institutions. Mais comme avec les méchants les meilleures choses ne peuvent manquer d' être détestables, nous allons voir l' impôt égalitaire écraser le peuple, précisément parce que le peuple n' est point à sa hauteur. Je suppose que le revenu brut de la France, pour chaque famille composée de quatre personnes, soit de Iooo francs : c' est un peu plus que le chiffre de M Chevalier, qui n' a trouvé que 63 centimes par jour et par tête, soit 9 i 9 francs 8 o centimes par ménage. L' impôt étant aujourd' hui de plus d' un milliard, soit environ du huitième du revenu total, chaque famille, gagnant Iooo francs par année, est imposée de I 25 francs. D' après cela, un revenu de 2 ooo francs paye 25 o francs ; un revenu de 3 ooo francs, 375 ; un revenu de 4 ooo francs, 5 oofr, etc. La proportion est rigoureuse, et mathématiquement irréprochable ; le fisc est sûr, de par l' arithmétique, de ne rien perdre. Mais du côté des contribuables, l' affaire change totalement d' aspect. L' impôt qui, dans la pensée du législateur, devait se proportionner à la fortune, est au contraire progressif dans le sens de la misère, en sorte que, plus le citoyen est pauvre, plus il paye. C' est ce que je vais m' efforcer de rendre sensible par quelques chiffres. D' après l' impôt proportionnel, il est dû au fisc : <i> (..)''
liberté, et que même, en dépit des déclamations contre l' ordre de choses, nous
sommes au-dessous de nos institutions. Je suis, du moins en ce qui regarde l'
impôt, tout à ait de l' avis de ces optimistes. D' après la théorie que nous
venons de voir, l' impôt est la réaction de la société contre le monopole. Les
opinions à cet égard sont unanimes : peuple et législateur, économistes,
journalistes et vaudevillistes, traduisant, chacun dans sa langue , la pensée
sociale, publient à l' envi que l' impôt doit tomber sur les riches, frapper le
superflu et les objets de luxe, et laisser francs ceux de première nécessité.
Bref, on a fait de l' impôt une sorte de privilége pour les privilégiés : pensée
mauvaise, puisque c' était par le fait reconnaître la légitimité du privilége,
qui, dans aucun cas, et sous quelque forme qu' il se montre, ne vaut rien. Le
peuple devait être puni de cette inconséquence égoïste : la providence n' a pas
manqué à sa mission. Dès l' instant donc que l' impôt eût été conçu comme une
revendication, il dut s' établir proportionnellement aux facultés , soit qu' il
frappât le capital, soit qu' il affectât plus spécialement le revenu. Or, je
ferai observer que la répartition au marc le franc de l' impôt étant précisément
celle que l' on adopterait dans un pays où toutes les fortunes seraient égales,
sauf les différences d' assiette et de recouvrement, le fisc est ce qu' il y a
de plus libéral dans notre société, et que sur ce point nos moeurs sont
effectivement en arrière de nos institutions. Mais comme avec les méchants les
meilleures choses ne peuvent manquer d' être détestables, nous allons voir l'
impôt égalitaire écraser le peuple, précisément parce que le peuple n' est point
à sa hauteur. Je suppose que le revenu brut de la France, pour chaque famille
composée de quatre personnes, soit de 1000 francs : c' est un peu plus que le
chiffre de M Chevalier, qui n' a trouvé que 63 centimes par jour et par tête,
soit 9 i 9 francs 8 o centimes par ménage. L' impôt étant aujourd' hui de plus
d' un milliard, soit environ du huitième du revenu total, chaque famille,
gagnant 1000 francs par année, est imposée de 125 francs. D' après cela, un revenu de 2 ooo francs paye 25 o francs ; un revenu de 3 ooo francs, 375 ; un revenu de 4 ooo francs, 5 oofr, etc. La proportion est rigoureuse, et mathématiquement irréprochable ; le fisc est sûr, de par l' arithmétique, de ne rien perdre. Mais du côté des contribuables, l' affaire change totalement d' aspect. L' impôt qui, dans la pensée du législateur, devait se proportionner à la fortune, est au contraire progressif dans le sens de la misère, en sorte que, plus le citoyen est pauvre, plus il paye. C' est ce que je vais m' efforcer de rendre sensible par quelques chiffres. D' après l' impôt proportionnel, il est dû au fisc : <i> (..)''
. L' impôt semble donc croître, d' après cette série,
proportionnellement au revenu. Mais si l' on réfléchit que chaque
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contribuable, on ne trouvera plus que l' impôt est proportionnel
; on trouvera qu' il est égal. En effet, si pour un revenu de
Iooo francs l' état prélève I 25125 francs d' impôt, c' est comme
s' il enlevait à la famille imposée 45 journées de subsistances
; de même les cotes contributives de 25 o, 375, 5 oo, 625
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la France à 68 centimes par jour et par personne, le père de
famille qui, soit à titre de salaire, soit comme revenu de ses
capitaux, touche Iooofr1000 fr par année, reçoit quatre parts du revenu
national ; celui qui touche 22000 ooofrfr a huit parts ; celui qui
touche 4 ooofr en a seize, etc. Il suit de là que l' ouvrier
qui, pour un revenu de Iooofr, paye I 25125 fr au fisc, rend à l'
ordre public une demi-part, soit un huitième de son revenu et de
la subsistance de sa famille ; tandis que le rentier qui, pour un
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la classe électorale. Le budget, d' après </i>
l' annuaire
économique '' de 1845, étant de Iio 6 millions, reste I milliard 3 i millions, ce qui donne 3 ifr 3 oc pour chaque citoyen non électeur, deux cinquièmes de la contribution payée par la classe riche. Or, pour que cette proportion fût équitable, il faudrait que la moyenne de bien-être de la classe non électorale fût les deux cinquièmes de la moyenne du bien-être de la classe des électeurs : et c' est ce qui n' est pas vrai, il s' en faut plus des trois quarts. Mais cette disproportion paraîtra encore plus choquante, si l' on réfléchit que le calcul que nous venons de faire sur la classe électorale est tout à fait erroné, tout en faveur des censitaires. En effet, les seuls impôts qui soient comptés pour la jouissance du droit électoral sont :
économique '' de I 845, étant de Iio 6 millions, reste I milliard 3 i millions, ce qui donne 3 ifr 3 oc pour chaque citoyen non électeur, deux cinquièmes de la contribution payée par la classe riche. Or, pour que cette proportion fût équitable, il faudrait que la moyenne de bien-être de la classe non électorale fût les deux cinquièmes de la moyenne du bien-être de la classe des électeurs : et c' est ce qui n' est pas vrai, il s' en faut plus des trois quarts. Mais cette disproportion paraîtra encore plus choquante, si l' on réfléchit que le calcul que nous venons de faire sur la classe électorale est tout à fait erroné, tout en faveur des censitaires. En effet, les seuls impôts qui soient comptés pour la jouissance du droit électoral sont : I la contribution foncière ; 2 la personnelle et mobilière ; 3 les portes et fenêtres ; 4 la patente. Or, à l' exception de la personnelle et mobilière qui varie peu, les trois autres impôts sont rejetés sur les consommateurs ; et il en est de même de tous les impôts indirects, dont les détenteurs de capitaux se font rembourser par les consommateurs, à l' exception toutefois des droits de mutation qui frappent directement le propriétaire, et s' élèvent en totalité à I 5 o millions. Or, si nous estimons que la propriété électorale figure dans cette dernière somme pour un sixième, ce qui est beaucoup dire, la portion de contributions directes / 4 o 9 millions / étant par tête de I 2 fr, celle des contributions indirectes / 547 millions / I 6 fr, la moyenne d' impôt payée par chaque électeur ayant un ménage composé de cinq personnes, sera au total de 265 fr, pendant que la part de l' ouvrier, qui n' a que sa brasse pour se nourrir, lui, sa femme et deux enfants, sera de Ii 2 fr. -en termes plus généraux, la moyenne de contribution par tête dans la classe supérieure sera de 53 fr ; dans la classe inférieure, de 28. Sur quoi je renouvelle ma question : le bien-être est-il, en deçà du cens électoral, la moitié de ce qu' il est au delà ? Il en est de l' impôt comme des publications périodiques, qui coûtent en réalité d' autant plus cher qu' elles paraissent plus rarement. Un journal quotidien coûte 4 ofr, un hebdomadaire Iofr, un mensuel 4 fr. Toutes choses d' ailleurs supposées égales, les prix d' abonnement de ces journaux sont entre eux comme les nombres 4 o, 7 oeti 2 o, la cherté croissant avec la rareté des publications. Or, telle est précisément la marche de l' impôt : c' est un abonnement payé par chaque citoyen en échange du droit de travailler et de vivre. Celui qui use de ce droit dans la moindre proportion, paye davantage ; celui qui en use un peu plus, paye moins ; celui qui en use beaucoup, paye peu . Les économistes sont généralement d' accord de tout cela. Ils ont attaqué l' impôt proportionnel, non-seulement dans son principe, mais dans son application ; ils en ont relevé les anomalies, qui, presque toutes, proviennent de ce que le rapport du capital au revenu, ou de la surface cultivée à la rente, n' est jamais fixe. " soit une contribution d' un dixième sur le revenu des terres... etc. " ces réflexions sont fort justes, bien qu' elles ne tombent que sur la perception ou l' assiette, et n' atteignent pas le principe même de l' impôt. Car, en supposant la répartition faite sur le revenu, au lieu de l' être sur le capital, il reste toujours ceci, que l' impôt, qui devrait être proportionnel aux fortunes, est à la charge du consommateur. Les économistes ont franchi le pas : ils ont reconnu hautement que l' impôt proportionnel était inique. " l' impôt, dit Say, ne peut jamais être levé sur le nécessaire. " -cet auteur, il est vrai, ne définit pas ce que l' on doit entendre par le nécessaire, mais nous pouvons suppléer à cette omission. Le nécessaire est ce qui revient à chaque individu sur le produit total du pays, déduction faite de ce qui doit être prélevé pour l' impôt. Ainsi, pour compter en nombres ronds, la production en France étant de huit milliards, et l' impôt d' un milliard, le nécessaire de chaque individu, par jour, est de 56 centimes et demi. Tout ce qui dépasse ce revenu est seul susceptible d' être taxé, d' après J-B Say : tout ce qui est au-dessous doit rester sacré pour le fisc. C' est ce qu' exprime le même auteur en d' autres termes, lorsqu' il dit : " l' impôt proportionnel n' est pas équitable. " Adam Smith avait déjà dit avant lui : " il n' est point déraisonnable que le riche contribue aux dépenses publiques, non-seulement à proportion de son revenu, mais pour quelque chose de plus. -j' irai plus loin, ajoute Say : je ne craindrai pas de dire que l' impôt progressif est le seul équitable. " -et M J Garnier, dernier abréviateur des économistes : " les réformes doivent tendre à établir une égalité progressionnelle, si je puis ainsi dire, bien plus juste, bien plus équitable que la prétendue égalité de l' impôt, laquelle n' est qu' une monstrueuse inégalité. " ainsi, d' après l' opinion générale et d' après le témoignage des économistes, deux choses sont avérées : l' une que dans son principe l' impôt est réactionnaire au monopole et dirigé contre le riche ; l' autre, que dans la pratique ce même impôt est infidèle à son but ; qu' en frappant le pauvre de préférence, il commet une injustice, et que le législateur doit tendre constamment à le répartir d' une façon plus équitable. J' avais besoin d' établir solidement ce double fait avant de passer à d' autres considérations : à présent commence ma critique. Les économistes, avec cette bonhomie d' honnêtes gens qu' ils ont héritée de leurs anciens, et qui fait encore aujourd' hui tout leur éloge, n' ont eu garde de s' apercevoir que la théorie progressionnelle de l' impôt, qu' ils indiquent aux gouvernements comme le ''
 
1. la contribution foncière ;
 
2. la personnelle et mobilière ;
 
3. les portes et fenêtres ;
 
4. la patente.
 
Or, à l' exception de la personnelle et mobilière qui varie peu, les trois
autres impôts sont rejetés sur les consommateurs ; et il en est de même de tous
les impôts indirects, dont les détenteurs de capitaux se font rembourser par les
consommateurs, à l' exception toutefois des droits de mutation qui frappent
directement le propriétaire, et s' élèvent en totalité à 150 millions. Or, si
nous estimons que la propriété électorale figure dans cette dernière somme pour
un sixième, ce qui est beaucoup dire, la portion de contributions directes / 4 o
9 millions / étant par tête de 1 2 fr, celle des contributions indirectes / 547
millions / 1 6 fr, la moyenne d' impôt payée par chaque électeur ayant un ménage
composé de cinq personnes, sera au total de 265 fr, pendant que la part de l'
ouvrier, qui n' a que sa brasse pour se nourrir, lui, sa femme et deux enfants,
sera de 11 2 fr. -en termes plus généraux, la moyenne de contribution par tête
dans la classe supérieure sera de 53 fr ; dans la classe inférieure, de 28. Sur
quoi je renouvelle ma question : le bien-être est-il, en deçà du cens électoral,
la moitié de ce qu' il est au delà ? Il en est de l' impôt comme des
publications périodiques, qui coûtent en réalité d' autant plus cher qu' elles
paraissent plus rarement. Un journal quotidien coûte 40 fr, un hebdomadaire 10 fr, un mensuel 4 fr. Toutes choses d' ailleurs supposées égales, les prix d' abonnement de ces journaux sont entre eux comme les nombres 4 o, 7 oeti 2 o, la cherté croissant avec la rareté des publications. Or, telle est précisément la marche de l' impôt : c' est un abonnement payé par chaque citoyen en échange du droit de travailler et de vivre. Celui qui use de ce droit dans la moindre proportion, paye davantage ; celui qui en use un peu plus, paye moins ; celui qui en use beaucoup, paye peu . Les économistes sont généralement d' accord de tout cela. Ils ont attaqué l' impôt proportionnel, non-seulement dans son principe, mais dans son application ; ils en ont relevé les anomalies, qui, presque toutes, proviennent de ce que le rapport du capital au revenu, ou de la surface cultivée à la rente, n' est jamais fixe. " soit une contribution d' un dixième sur le revenu des terres... etc. " ces réflexions sont fort justes, bien qu' elles ne tombent que sur la perception ou l' assiette, et n' atteignent pas le principe même de l' impôt. Car, en supposant la répartition faite sur le revenu, au lieu de l' être sur le capital, il reste toujours ceci, que l' impôt, qui devrait être proportionnel aux fortunes, est à la charge du consommateur. Les économistes ont franchi le pas : ils ont reconnu hautement que l' impôt proportionnel était inique. " l' impôt, dit Say, ne peut jamais être levé sur le nécessaire. " -cet auteur, il est vrai, ne définit pas ce que l' on doit entendre par le nécessaire, mais nous pouvons suppléer à cette omission. Le nécessaire est ce qui revient à chaque individu sur le produit total du pays, déduction faite de ce qui doit être prélevé pour l' impôt. Ainsi, pour compter en nombres ronds, la production en France étant de huit milliards, et l' impôt d' un milliard, le nécessaire de chaque individu, par jour, est de 56 centimes et demi. Tout ce qui dépasse ce revenu est seul susceptible d' être taxé, d' après J-B Say : tout ce qui est au-dessous doit rester sacré pour le fisc. C' est ce qu' exprime le même auteur en d' autres termes, lorsqu' il dit : " l' impôt proportionnel n' est pas équitable. " Adam Smith avait déjà dit avant lui : " il n' est point déraisonnable que le riche contribue aux dépenses publiques, non-seulement à proportion de son revenu, mais pour quelque chose de plus. -j' irai plus loin, ajoute Say : je ne craindrai pas de dire que l' impôt progressif est le seul équitable. " -et M J Garnier, dernier abréviateur des économistes : " les réformes doivent tendre à établir une égalité progressionnelle, si je puis ainsi dire, bien plus juste, bien plus équitable que la prétendue égalité de l' impôt, laquelle n' est qu' une monstrueuse inégalité. " ainsi, d' après l' opinion générale et d' après le témoignage des économistes, deux choses sont avérées : l' une que dans son principe l' impôt est réactionnaire au monopole et dirigé contre le riche ; l' autre, que dans la pratique ce même impôt est infidèle à son but ; qu' en frappant le pauvre de préférence, il commet une injustice, et que le législateur doit tendre constamment à le répartir d' une façon plus équitable. J' avais besoin d' établir solidement ce double fait avant de passer à d' autres considérations : à présent commence ma critique. Les économistes, avec cette bonhomie d' honnêtes gens qu' ils ont héritée de leurs anciens, et qui fait encore aujourd' hui tout leur éloge, n' ont eu garde de s' apercevoir que la théorie progressionnelle de l' impôt, qu' ils indiquent aux gouvernements comme le ''
nec plus
ultrà '' d' une sage et libérale administration, était contradictoire dans ses termes, et grosse d' une légion d' impossibilités. Ils ont accusé tour à tour de l' oppression du fisc la barbarie des temps, l' ignorance des princes, les préjugés de caste, l' avidité des traitants, tout ce qui, en un mot, suivant eux, empêchant la progression de l' impôt, faisait obstacle à la pratique sincère de l' égalité devant le budget ; ils ne se sont pas doutés un instant que ce qu' ils demandaient sous le nom d' impôt progressif était le renversement de toutes les notions économiques. Ainsi, ils n' ont pas vu, par exemple, que l' impôt était progressif par cela même qu' il était proportionnel, mais que seulement la progression se trouvait prise à rebours, étant dirigée, comme nous l' avons dit, non pas dans le sens de la plus grande fortune, mais dans le sens de la plus petite. Si les économistes avaient eu l' idée nette de ce renversement, invariable dans tous les pays à impôts, un phénomène si singulier n' eût pas manqué d' attirer leur attention ; ils en auraient recherché les causes, et ils eussent fini par découvrir que ce qu' ils prenaient pour un accident de la civilisation, un effet des inextricables difficultés du gouvernement humain, était le produit de la contradiction inhérente à toute l' économie politique.

== I l==

L' impôt progressif, appliqué, soit au capital, soit au revenu, est la négation même du monopole, de ce monopole que l' on rencontre partout, dit M Rossi, sur la route de l' économie sociale ; qui est le vrai stimulant de l' industrie, l' espoir de l' épargne, le conservateur et le père de toute richesse ; duquel nous avons pu dire enfin que la société ne peut exister avec lui, mais qu' elle ne serait pas sans lui. Que l' impôt devienne tout à coup ce qu' il est indubitable qu' il doit être, savoir, la contribution proportionnelle / ou progressionnelle, c' est la même chose / de chaque producteur aux charges publiques, aussitôt la rente et le bénéfice sont confisqués partout au profit de l' état ; le travail est dépouillé du fruit de ses oeuvres ; chaque individu étant réduit à la portion congrue de 56 centimes et demi, la misère devient générale ; le pacte formé entre le travail et le capital est dissous, et la société, privée de gouvernail, rétrograde jusqu' à son origine. On dira peut-être qu' il est aisé d' empêcher l' annihilation absolue des bénéfices du capital, en arrêtant à un moment quelconque l' effet de la progression. éclectisme, juste- milieu, accommodement avec le ciel ou avec la morale : ce sera donc toujours la même philosophie ! La vraie science répugne à de pareilles transactions. Tout capital engagé doit rentrer au producteur sous forme d' intérêts ; tout travail doit laisser un excédant, tout salaire être égal au produit. Sous l' égide de ces ois, la société réalise sans cesse, par la plus grande variété des productions, la plus grande somme de bien-être possible. Ces lois sont absolues : les violer, c' est meurtrir, c' est mutiler la société. Ainsi, le capital, qui n' est autre chose après tout que du travail accumulé, est inviolable. Mais d' autre part, la tendance à l' égalité n' est pas moins impérieuse : elle se manifeste à chaque phase économique avec une énergie croissante et une autorité invincible. Vous avez donc à satisfaire tout à la fois au travail et à la justice : vous devez donner au premier des garanties de plus en plus réelles, et procurer la seconde sans concession ni ambiguïté. Au lieu de cela , vous ne savez que substituer sans cesse à vos théories le bon plaisir du prince, arrêter le cours des lois économiques par un pouvoir arbitraire, et, sous prétexte d' équité, mentir également au salaire et au monopole ! Votre liberté n' est qu' une demi- liberté, votre justice qu' une demi-justice, et toute votre sagesse consiste dans ces moyens termes dont l' iniquité est toujours double, puisqu' ils ne font droit aux prétentions ni de l' une ni de l' autre partie ! Non, telle ne peut être la science que vous nous avez promise, et qui, en nous dévoilant les secrets de la production et de la consommation des richesses, doit résoudre sans équivoque les antinomies sociales. Votre doctrine semi-libérale est le code du despotisme, et décèle en vous autant l' impuissance d' avancer que la honte de reculer. Si la société, engagée par ses antécédents économiques, ne peut jamais rebrousser chemin ; si, jusqu' à ce que vienne l' équation universelle, le monopole doit être maintenu dans sa possession, nul changement n' est possible dans l' assiette de l' impôt : seulement il y a là une contradiction qui, comme toute autre, doit être poussée jusqu' à épuisement. Ayez donc le courage de vos opinions : respect à l' opulence, et point de miséricorde pour le pauvre, que le dieu du monopole a condamné. Moins le mercenaire a de quoi vivre, plus il faut qu' il paye : <i> (..)''
. Cela
est nécessaire, cela est fatal : il y va du salut de la société.
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ressource, c' est d' imposer le revenu net, de quelque manière
qu' il se forme, de chaque contribuable. Par exemple, un revenu
de Iooofr1000 fr payerait Iopioo10 p 100 ; un revenu de 2 ooofr000 fr, 220 p opioo100 ;
un revenu de 3 ooofr000 fr, 330 p opioo100, etc. Laissons de côté les
mille difficultés et vexations du recensement, et supposons l'
opération aussi facile qu' on voudra. Eh bien ! Voilà précisément
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progression de l' impôt du côté de la richesse ; tout au plus il
en change la raison proportionnelle. Ainsi, la progression
actuelle de l' impôt, pour les fortunes de Iooofr1000 fr de revenu et
au-dessous, étant comme celle des chiffres Io10, Ii11, I 212, I 313,
etc. ; et pour les fortunes de Iooofr1000 fr de revenu et au-dessus,
comme celle des nombres Io10, 9, 8, 7, 6, etc., l' impôt
augmentant toujours avec la misère, et décroissant avec la
richesse : si l' on se bornait à dégrever l' impôt indirect qui
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l' objet des sollicitudes du pouvoir. J' ajoute que ce système
est contradictoire. En effet, </i>
donner et retenir ne vaut, '' disent les jurisconsultes. Pourquoi donc, au lieu
donner et retenir ne vaut, '' disent les jurisconsultes. Pourquoi donc, au lieu de consacrer des monopoles dont le seul bénéfice pour les titulaires serait d' en perdre aussitôt, avec le revenu, toute la jouissance, ne pas décréter tout de suite la loi agraire ? Pourquoi mettre dans la constitution que chacun jouit librement du fruit de son travail et de son industrie, lorsque, par le fait ou par la tendance de l' impôt, cette permission n' est accordée que jusqu' à concurrence d' un dividende de 56 c et demi par jour, chose, il est vrai, que la loi n' aurait pas prévue, mais qui résulterait nécessairement de la progression ? Le législateur, en nous confirmant dans nos monopoles, a voulu favoriser la production, entretenir le feu sacré de l' industrie : or, quel intérêt aurons -nous à produire, si, n' étant pas encore associés, nous ne produisons pas pour nous seuls ? Comment, après nous avoir déclarés libres, peut-on nous imposer des conditions de vente, de louage et d' échange, qui annulent notre liberté ? Un homme possède, en inscriptions sur l' état, 2 oooo livres de rente. L' impôt, à l' aide de la nouvelle progression, lui enlèvera 5 opioo. à ce taux, il lui est plus avantageux de retirer son capital, et de manger le fonds à la place du revenu. Donc, qu' on le rembourse. Mais quoi ! Rembourser : l' état ne peut être contraint au remboursement ; et s' il consent à racheter, ce sera au prorata du revenu net. Donc, une inscription de rente de 2 oooofr n' en vaudra plus que Ioooo pour le rentier, à cause de l' impôt, s' il veut s' en faire rembourser par l' état : à moins qu' il ne la divise en vingt lots, auquel cas elle lui rendrait le double. De même un domaine qui rapporte 5 oooofr de fermage, l' impôt s' attribuant les deux tiers du revenu, perdra les deux tiers de son prix. Mais que le propriétaire divise ce domaine en cent lots et le mette aux enchères, la terreur du fisc n' arrêtant plus les acquéreurs, il pourra retirer l' intégralité du capital. En sorte qu' avec l' impôt progressif, les immeubles ne suivent plus la loi de l' offre et de la demande, ne s' estiment pas d' après leur revenu réel, mais suivant la qualité du titulaire. La conséquence sera que les grands capitaux seront dépréciés, et la médiocrité mise à l' ordre du jour ; les propriétaires réaliseront à la hâte, parce qu' il vaudra mieux pour eux manger leurs propriétés que d' en retirer une rente insuffisante ; les capitalistes rappelleront leurs fonds, ou ne les commettront qu' à des taux usuraires ; toute grande exploitation sera interdite, toute fortune apparente poursuivie, tout capital dépassant le chiffre du nécessaire proscrit. La richesse refoulée se recueillera en elle-même et ne sortira plus qu' en contrebande ; et le travail, comme un homme attaché à un cadavre, embrassera la misère dans un accouplement sans fin. Les économistes qui conçoivent de pareilles réformes n' ont-ils pas bonne grâce à se moquer des réformistes ? Après avoir démontré la contradiction et le mensonge de l' impôt progressif, faut-il que j' en prouve encore l' iniquité ? L' impôt progressif , tel que l' entendent les économistes, et à leur suite certains radicaux, est impraticable, disais-je tout à l' heure, s' il frappe les capitaux et les produits : j' ai supposé en conséquence qu' il frapperait les revenus. Mais qui ne voit que cette distinction purement théorique de ''
de consacrer des monopoles dont le seul bénéfice pour les titulaires serait d'
en perdre aussitôt, avec le revenu, toute la jouissance, ne pas décréter tout de
suite la loi agraire ? Pourquoi mettre dans la constitution que chacun jouit
librement du fruit de son travail et de son industrie, lorsque, par le fait ou
par la tendance de l' impôt, cette permission n' est accordée que jusqu' à
concurrence d' un dividende de 56 c et demi par jour, chose, il est vrai, que la
loi n' aurait pas prévue, mais qui résulterait nécessairement de la progression
? Le législateur, en nous confirmant dans nos monopoles, a voulu favoriser la
production, entretenir le feu sacré de l' industrie : or, quel intérêt aurons
-nous à produire, si, n' étant pas encore associés, nous ne produisons pas pour
nous seuls ? Comment, après nous avoir déclarés libres, peut-on nous imposer des
conditions de vente, de louage et d' échange, qui annulent notre liberté ? Un
homme possède, en inscriptions sur l' état, 2 oooo livres de rente. L' impôt, à
l' aide de la nouvelle progression, lui enlèvera 5 opioo. à ce taux, il lui est
plus avantageux de retirer son capital, et de manger le fonds à la place du
revenu. Donc, qu' on le rembourse. Mais quoi ! Rembourser : l' état ne peut être
contraint au remboursement ; et s' il consent à racheter, ce sera au prorata du
revenu net. Donc, une inscription de rente de 2 oooofr n' en vaudra plus que 10 000
pour le rentier, à cause de l' impôt, s' il veut s' en faire rembourser par l' état : à moins qu' il ne la divise en vingt lots, auquel cas elle lui rendrait le double. De même un domaine qui rapporte 5 oooofr de fermage, l' impôt s' attribuant les deux tiers du revenu, perdra les deux tiers de son prix. Mais que le propriétaire divise ce domaine en cent lots et le mette aux enchères, la terreur du fisc n' arrêtant plus les acquéreurs, il pourra retirer l' intégralité du capital. En sorte qu' avec l' impôt progressif, les immeubles ne suivent plus la loi de l' offre et de la demande, ne s' estiment pas d' après leur revenu réel, mais suivant la qualité du titulaire. La conséquence sera que les grands capitaux seront dépréciés, et la médiocrité mise à l' ordre du jour ; les propriétaires réaliseront à la hâte, parce qu' il vaudra mieux pour eux manger leurs propriétés que d' en retirer une rente insuffisante ; les capitalistes rappelleront leurs fonds, ou ne les commettront qu' à des taux usuraires ; toute grande exploitation sera interdite, toute fortune apparente poursuivie, tout capital dépassant le chiffre du nécessaire proscrit. La richesse refoulée se recueillera en elle-même et ne sortira plus qu' en contrebande ; et le travail, comme un homme attaché à un cadavre, embrassera la misère dans un accouplement sans fin. Les économistes qui conçoivent de pareilles réformes n' ont-ils pas bonne grâce à se moquer des réformistes ? Après avoir démontré la contradiction et le mensonge de l' impôt progressif, faut-il que j' en prouve encore l' iniquité ? L' impôt progressif , tel que l' entendent les économistes, et à leur suite certains radicaux, est impraticable, disais-je tout à l' heure, s' il frappe les capitaux et les produits : j' ai supposé en conséquence qu' il frapperait les revenus. Mais qui ne voit que cette distinction purement théorique de ''
capitaux, produits et
revenus '' , tombe devant le fisc, et que les mêmes impossibilités que nous
revenus '' , tombe devant le fisc, et que les mêmes impossibilités que nous avons signalées reparaissent ici avec leur caractère fatal ? Un industriel découvre un procédé au moyen duquel, économisant 2 opioo sur ses frais de production, il se fait 25 ooofr de revenu. Le fisc lui en demande I 5. L' entrepreneur est donc obligé de relever ses prix, puisque, par le fait de l' impôt, son procédé, au lieu d' économiser 2 opioo, n' économise plus que 8. N' est-ce pas comme si le fisc empêchait le bon marché ? Ainsi , en croyant atteindre le riche, l' impôt progressif atteint toujours le consommateur ; et il lui est impossible de ne pas l' atteindre, à moins de supprimer tout à fait la production : quel mécompte ! C' est une loi d' économie sociale que tout capital engagé doit rentrer incessamment à l' entrepreneur sous forme d' intérêts. Avec l' impôt progressif, cette loi est radicalement violée, puisque, par l' effet de la progression, l' intérêt du capital s' atténue au point de constituer l' industrie en perte d' une partie ou même de la totalité dudit capital. Pour qu' il en fût autrement, il faudrait que l' intéêt des capitaux s' accrût progressivement comme l' impôt lui-même, ce qui est absurde. Donc, l' impôt progressif arrête la formation des capitaux ; de plus, il s' oppose à leur circulation. Quiconque, en effet, voudra acquérir un matériel d' exploitation ou un fonds de terre, devra, sous le régime de la progression contributive, considérer non plus la valeur réelle de ce matériel ou de ce fonds, mais bien l' impôt qu' il lui occasionnera ; de manière que si le revenu réel est de 4 pioo, et que, par l' effet de l' impôt ou la condition de l' acquéreur, ce revenu doive se réduire à 3, l' acquisition ne pourra avoir lieu. Après avoir froissé tous les intérêts et jeté la perturbation sur le marché par ses catégories, l' impôt progressif arrête le développement de la richesse, et réduit la valeur vénale au-dessous de la valeur réelle ; il rapetisse, il pétrifie la société. Quelle tyrannie ! Quelle dérision ! L' impôt progressif se résout donc, quoi qu' on fasse, en un déni de justice, une défense de produire, une confiscation. C' est l' arbitraire sans limite et sans frein, donné au pouvoir sur tout ce qui, par le travail, par l' épargne, par le perfectionnement des moyens, contribue à la richesse publique. Mais à quoi bon nous égarer dans les hypothèses chimériques, lorsque nous touchons le vrai ? Ce n' est pas la faute du principe proportionnel, si l' impôt frappe avec une inégalité si choquante les diverses classes de la société ; la faute en est à nos préjugés et à nos moeurs. L' impôt, autant que cela est donné aux opérations humaines, procède avec équité, précision. L' économie sociale lui commande de s' adresser au produit ; il s' adresse au produit. Si le produit se dérobe, il frappe le capital : quoi de plus naturel ? L' impôt, devançant la civilisation, suppose l' égalité des travailleurs et des capitalistes : expression inflexible de la nécessité, il semble nous inviter à nous rendre égaux par l' éducation et le travail, et, par l' équilibre de nos fonctions et l' association de nos intérêts, à nous mettre d' accord avec lui. L' impôt se refuse à distinguer entre un homme et un homme : et nous accusons sa rigueur mathématique de la discordance de nos fortunes ! Nous demandons à l' égalité même de se plier à notre injustice ! ... n' avais-je pas raison de dire en commençant que, relativement à l' impôt, nous étions en arrière de nos institutions ? Aussi, voyons-nous toujours le législateur s' arrêter, dans les lois fiscales, devant les conséquences subversives de l' impôt progressif, et consacrer la nécessité, l' immutabilité de l' impôt proportionnel. Car l' égalité du bien- être ne peut sortir de la violation du capital : l' antinomie doit être méthodiquement résolue, sous peine, pour la société, de retomber dans le chaos. L' éternelle justice ne s' accommode point à toutes les fantaisies des hommes : comme une femme que l' on peut outrager, mais que l' on n' épouse pas sans une solennelle aliénation de soi-même, elle exige de notre part, avec l' abandon de notre égoïsme, la reconnaissance de tous ses droits , qui sont ceux de la science. L' impôt, dont le but final, ainsi que nous l' avons fait voir, est la rétribution des ''
avons signalées reparaissent ici avec leur caractère fatal ? Un industriel
découvre un procédé au moyen duquel, économisant 2 opioo sur ses frais de
production, il se fait 25 ooofr de revenu. Le fisc lui en demande 15. L' entrepreneur est donc obligé de relever ses prix, puisque, par le fait de l' impôt, son procédé, au lieu d' économiser 2 opioo, n' économise plus que 8. N' est-ce pas comme si le fisc empêchait le bon marché ? Ainsi , en croyant atteindre le riche, l' impôt progressif atteint toujours le consommateur ; et il lui est impossible de ne pas l' atteindre, à moins de supprimer tout à fait la production : quel mécompte ! C' est une loi d' économie sociale que tout capital engagé doit rentrer incessamment à l' entrepreneur sous forme d' intérêts. Avec l' impôt progressif, cette loi est radicalement violée, puisque, par l' effet de la progression, l' intérêt du capital s' atténue au point de constituer l' industrie en perte d' une partie ou même de la totalité dudit capital. Pour qu' il en fût autrement, il faudrait que l' intéêt des capitaux s' accrût progressivement comme l' impôt lui-même, ce qui est absurde. Donc, l' impôt progressif arrête la formation des capitaux ; de plus, il s' oppose à leur circulation. Quiconque, en effet, voudra acquérir un matériel d' exploitation ou un fonds de terre, devra, sous le régime de la progression contributive, considérer non plus la valeur réelle de ce matériel ou de ce fonds, mais bien l' impôt qu' il lui occasionnera ; de manière que si le revenu réel est de 4 pioo, et que, par l' effet de l' impôt ou la condition de l' acquéreur, ce revenu doive se réduire à 3, l' acquisition ne pourra avoir lieu. Après avoir froissé tous les intérêts et jeté la perturbation sur le marché par ses catégories, l' impôt progressif arrête le développement de la richesse, et réduit la valeur vénale au-dessous de la valeur réelle ; il rapetisse, il pétrifie la société. Quelle tyrannie ! Quelle dérision ! L' impôt progressif se résout donc, quoi qu' on fasse, en un déni de justice, une défense de produire, une confiscation. C' est l' arbitraire sans limite et sans frein, donné au pouvoir sur tout ce qui, par le travail, par l' épargne, par le perfectionnement des moyens, contribue à la richesse publique. Mais à quoi bon nous égarer dans les hypothèses chimériques, lorsque nous touchons le vrai ? Ce n' est pas la faute du principe proportionnel, si l' impôt frappe avec une inégalité si choquante les diverses classes de la société ; la faute en est à nos préjugés et à nos moeurs. L' impôt, autant que cela est donné aux opérations humaines, procède avec équité, précision. L' économie sociale lui commande de s' adresser au produit ; il s' adresse au produit. Si le produit se dérobe, il frappe le capital : quoi de plus naturel ? L' impôt, devançant la civilisation, suppose l' égalité des travailleurs et des capitalistes : expression inflexible de la nécessité, il semble nous inviter à nous rendre égaux par l' éducation et le travail, et, par l' équilibre de nos fonctions et l' association de nos intérêts, à nous mettre d' accord avec lui. L' impôt se refuse à distinguer entre un homme et un homme : et nous accusons sa rigueur mathématique de la discordance de nos fortunes ! Nous demandons à l' égalité même de se plier à notre injustice ! ... n' avais-je pas raison de dire en commençant que, relativement à l' impôt, nous étions en arrière de nos institutions ? Aussi, voyons-nous toujours le législateur s' arrêter, dans les lois fiscales, devant les conséquences subversives de l' impôt progressif, et consacrer la nécessité, l' immutabilité de l' impôt proportionnel. Car l' égalité du bien- être ne peut sortir de la violation du capital : l' antinomie doit être méthodiquement résolue, sous peine, pour la société, de retomber dans le chaos. L' éternelle justice ne s' accommode point à toutes les fantaisies des hommes : comme une femme que l' on peut outrager, mais que l' on n' épouse pas sans une solennelle aliénation de soi-même, elle exige de notre part, avec l' abandon de notre égoïsme, la reconnaissance de tous ses droits , qui sont ceux de la science. L' impôt, dont le but final, ainsi que nous l' avons fait voir, est la rétribution des ''
 
improductifs '' , mais dont la pensée originaire fut une restauration du travailleur, l' impôt, sous le régime du monopole , se réduit donc à une pure et simple protestation, à une sorte d' acte extra-judiciaire dont tout l' effet est d' aggraver la position du salarié, en troublant le monopoleur dans sa possession. Quant à l' idée de changer l' impôt proportionnel en impôt progressif, ou, pour mieux dire, de retourner la progression de l' impôt, c' est une bévue dont la responsabilité tout entière appartient aux économistes. Mais la menace plane, dorénavant, sur le privilége. Avec la faculté de modifier la proportionnalité de l' impôt, le gouvernement a sous la main un moyen expéditif et sûr de déposséder, quand il voudra, les détenteurs de capitaux ; et c' est chose effrayante que de voir partout cette grande institution, base de la société, objet de tant de controverses, de tant de lois, de tant de cajoleries et de tant de crimes, la propriété, suspendue à l' extrémité d' un fil sur la gueule béante du prolétariat.
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Subsistances, lois somptuaires, police rurale et industrielle, brevets d' invention, marques de fabrique, etc.
 
M Chevalier s' adressait, en juillet 1843, au sujet de l' impôt, les questions suivantes : "
M Chevalier s' adressait, en juillet I 843, au sujet de l' impôt, les questions suivantes : " I demande-t-on à tous ou de préférence à une partie de la nation ? ... etc. " à ces diverses questions, M Chevalier fait la réponse que je vais rapporter, et qui résume tout ce que j' ai rencontré de plus philosophique sur la matière : " a / l' impôt affecte l' universalité, s' adresse à la masse, prend la nation en bloc ; toutefois, comme le pauvre est le plus nombreux, il le taxe volontiers, certain de recueillir davantage. -b / par la nature des choses, l' impôt affecte quelquefois la forme de capitation, témoin l' impôt du sel. -c, d, e / le fisc s' adresse au travail autant qu' à la consommation, parce qu' en France tout le monde travaille ; à la propriété foncière plus qu' à la mobilière, et à l' agriculture plus qu' à l' industrie. -f / par la même raison, nos lois ont peu le caractère de lois somptuaires. " quoi ! Professeur, voilà tout ce que la science vous a indiqué ! -''
 
l' impôt s' adresse à la masse, '' dites-vous ; ''
1. demande-t-on à tous ou de préférence à une partie de la nation ? ... etc. " à
il prend la nation en bloc '' . Hélas ! Nous ne le savons que trop ; mais c' est cela même qui est inique, et dont on vous demande l' explication. Le gouvernement, lorsqu' il s' est occupé de l' assiette et de la répartition de l' impôt, n' a pu croire, n' a pas cru que toutes les fortunes fussent égales ; conséquemment il n' a pu vouloir, il n' a pas voulu que les cotes contributives le fussent. Pourquoi donc la pratique du gouvernement est-elle toujours l' inverse de sa théorie ? Votre avis, s' il vous plaît, sur ce cas difficile ? Expliquez, justifiez ou condamnez le fisc ; prenez le parti que vous voudrez, pourvu que vous en preniez un , et que vous disiez quelque chose. Souvenez-vous que ce sont des hommes qui vous lisent, et qu' ils ne sauraient passer à un docteur, parlant ''
ces diverses questions, M Chevalier fait la réponse que je vais rapporter, et
qui résume tout ce que j' ai rencontré de plus philosophique sur la matière : "
 
a / l' impôt affecte l' universalité, s' adresse à la masse, prend la nation en
bloc ; toutefois, comme le pauvre est le plus nombreux, il le taxe volontiers,
certain de recueillir davantage.
 
b / par la nature des choses, l' impôt affecte
quelquefois la forme de capitation, témoin l' impôt du sel.
 
c, d, e / le fisc
s' adresse au travail autant qu' à la consommation, parce qu' en France tout le
monde travaille ; à la propriété foncière plus qu' à la mobilière, et à l'
agriculture plus qu' à l' industrie.
 
f / par la même raison, nos lois ont peu
le caractère de lois somptuaires. "
 
Quoi ! Professeur, voilà tout ce que la
science vous a indiqué ! -'' l' impôt s' adresse à la masse, '' dites-vous ; ''
il prend la nation en bloc ''.
 
Hélas ! Nous ne le savons que trop ; mais c' est cela même qui est inique, et dont on vous demande l' explication. Le gouvernement, lorsqu' il s' est occupé de l' assiette et de la répartition de l' impôt, n' a pu croire, n' a pas cru que toutes les fortunes fussent égales ; conséquemment il n' a pu vouloir, il n' a pas voulu que les cotes contributives le fussent. Pourquoi donc la pratique du gouvernement est-elle toujours l' inverse de sa théorie ? Votre avis, s' il vous plaît, sur ce cas difficile ? Expliquez, justifiez ou condamnez le fisc ; prenez le parti que vous voudrez, pourvu que vous en preniez un , et que vous disiez quelque chose. Souvenez-vous que ce sont des hommes qui vous lisent, et qu' ils ne sauraient passer à un docteur, parlant ''
ex cathedrâ '' , des propositions comme celle-ci : ''
le pauvre est le plus nombreux ; c' est pourquoi '' l' impôt le taxe volontiers, certain de recueillir ''
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ne peut l' ignorer : pourquoi donc M Chevalier, dont la parole
aurait plus d' autorité que celle d' un écrivain suspect de n'
aimer pas l' ordre de choses, ne le dit-il pas ? De I1806 8à o1811 6/ àicette 8observation, ainsi que les suivantes, est de M
Chevalier / la consommation annuelle du vin à Paris était de 160 litres par personne : aujourd' hui, elle n' est plus que de
ii / cette observation, ainsi que les suivantes, est de M
Chevalier / la consommation annuelle du vin à Paris était de I
6 o litres par personne : aujourd' hui, elle n' est plus que de
95. Supprimez l' impôt, qui est de 3 oà 35 c par litre chez le
détaillant ; et la consommation du vin remontera bientôt de 95
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voudrait que nos manufacturiers sentissent un peu l' aiguillon de
la concurrence étrangère. Une réduction du droit sur les laines
de Ifr1 fr par pantalon laisserait dans la poche des consommateurs
une trentaine de millions, la moitié de la somme nécessaire pour
l' acquittement de l' impôt du sel. - 2 o centimes de moins sur
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égale à ce qu' il faut pour tenir sous les armes un corps de
vingt mille hommes. Depuis quinze ans la consommation du sucre s'
est élevée de 53 millions de kilogrammes à Ii11 8 ; ce qui donne
actuellement une moyenne de '' (..)''
par personne. Ce progrès démontre
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article de '' (..)''
par personne à 7 ? Supprimez l' impôt, qui est
de 49 fr 5 oc les Iookil100 kil, et votre consommation doublera.
Ainsi, l' impôt sur les subsistances agite et torture en mille
manières le pauvre prolétaire : la cherté du sel nuit à la
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, et j' ai cru, dans un pays où l' impôt est presque nul, que la
taxe des chiens était bien plus une leçon de morale et une
précaution d' hygiène, qu' un élément de recettes. En I 8441844, l'
impôt sur les chiens a rapporté pour toute la province du
Brabant / 667 ooo habitants /, à '' (..)''
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! Que de choses dans ce seul mot, le luxe ! Coupons court à cette
fantasmagorie par un simple calcul : les réflexions viendront
après. En I 8421842, le total des droits perçus à l' importation s'
est élevé à I 29129 millions. Sur cette somme de I 29129 millions,
6 i articles, ceux de consommation usuelle, figurent pour I 24124
millions, et I 77177, ceux de haut luxe, pour '' cinquante mille francs ''
. Parmi les premiers, le sucre a donné 43 millions, le
café I 212 millions, le coton Ii11 millions, les laines Io10 millions, les huiles 8 millions, la houille 4 millions, les
millions, les huiles 8 millions, la houille 4 millions, les
lins et chanvres 3 millions ; total : 9 i millions pour 7
articles. Le chiffre de la recette baisse donc à mesure que la
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population s' accroît la misère, et avec la misère, la besogne et
le personnel de l' état augmentent. Les diverses lois fiscales
votées par la chambre des députés pendant la session de I 8451845-
46, sont autant d' exemples de l' incapacité absolue du pouvoir,
quel qu' il soit et de quelque manière qu' il s' y prenne, à
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pas aux plus pauvres, mais aux plus riches. Telle maison de
commerce qui payait 3 ooo francs de ports de lettres ne payera
plus que 2 ooo francs ; c' est donc Iooo1000 francs de profit net
qu' elle ajoutera aux 5 oooo que lui donne son commerce, et qu'
elle devra à la munificence du fisc. De son côté, le paysan, l'
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que la chambre, fissent autre chose que ce qui a été fait ? Non,
encore une fois ; car vous ne pouvez dire au boucher : tu vendras
ta viande au riche 2 francs le kilogramme, et au pauvre Iodix sous. Ce serait plutôt le contraire que vous obtiendriez du
sous. Ce serait plutôt le contraire que vous obtiendriez du
boucher. Ainsi du sel. Le gouvernement a dégrevé des quatre
cinquièmes le sel employé dans l' agriculture, et sous condition
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questions, le pouvoir placé dans la situation la plus fausse, et
l' opinion des journaux divaguer dans une absurdité sans bornes.
En I 8421842, M Arago était partisan de l' exécution des chemins
de fer par des compagnies, et la majorité en France pensait
comme lui. En I 8461846, il est venu dire qu' il avait changé d'
opinion ; et, à part les spéculateurs des chemins de fer, on peut
dire encore que la majorité des citoyens a changé comme M Arag.
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la pénalité qui les suit. Sous Louis Xiv, la contrebande du sel
produisait à elle seule, chaque année, 37 oo saisies
domiciliaires, 2 ooo arrestations d' hommes, I 8 oo1800 de femmes,
66 oo6600 d' enfants, Iioo1100 chevaux saisis, 5 o50 voitures
confisquées, 3 oo300 condamnations aux galères. Et ce n' était là,
observe l' historien, que le produit d' un impôt unique, de l'
impôt du sel. Quel était donc le nombre total des malheureux
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plutôt comment une machine, dont la consommation a été prévue à
3 oo kilogrammes de charbon par heure, perd sa force si on ne lui
en donne que I 5 o150. -mais encore, ne
saurait-on rendre producteurs ces improductifs, puisque l' on ne
peut s' en débarrasser ? -eh ! Enfant : dites-moi donc alors
comment vous vous passerez de police, et de monopole, et de
concurrence, et de toutes les contradictions enfin dont se
compose votre ordre de choses ? écoutez. En I 8441844, à l' occasion
des troubles de Rive-De-Gier, M Anselme Petetin publia dans
la '' revue ''
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significative '' ? Une telle réserve ne se comprend pas. Les deux espèces de marques ont le même but ; la seconde n' est qu' un exposé ou paraphrase de la première, un abrégé de prospectus du négociant : pourquoi, encore une fois, si l' origine ''
signifie '' quelque chose, la marque ne déterminerait-elle pas cette
signification ? M Wolowski a très-bien développé cette thèse dans son discours
d' ouverture de I 8431843- 44, dont la substance est toute dans cette analogie : " de même, dit M Wolowski, que le gouvernement a pu déterminer un critérium de ''
quantité '' , il peut, il doit aussi fixer un critérium de ''
qualité '' ; l' un de ces critérium est le complément nécessaire de l' autre. L' unité monétaire, le système des poids et mesures, n' a porté aucune atteinte à la liberté industrielle ; le régime des marques ne le blesserait pas davantage. " M Wolowski s' appuie ensuite de l' autorité des princes de la science, A Smith et J-B Say : précaution toujours utile, avec des auditeurs soumis à l' autorité beaucoup plus qu' à la raison. Je déclare, quant à moi, que je partage tout à fait l' idée de M Wolowski, et cela, parce que je la trouve profondément révolutionnaire. La marque, n' étant autre chose, selon l' expression de M Wolowski, qu' un critérium des qualités, équivaut pour moi à une tarification générale. Car, que ce soit une régie particulière qui marque au nom de l' état et garantisse la qualité des marchandises, comme cela a lieu pour les matières d' or et d' argent, ou que le soin de la marque soit abandonné au fabricant ; du moment que la marque doit donner ''
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de la question. Elle a bien pu déclarer que l' introduction de l'
eau dans le vin, et celle de l' alcool au delà d' une proportion
de I18 8p pioo100, était fraude, puis mettre cette fraude dans la
catégorie des délits. Elle était sur le terrain de l' idéologie :
là on ne trouve jamais d' encombre. Mais tout le monde a vu dans
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Paris ont jugé : '' (..)''
. Supposons que la progression ait continué
jusqu' en I 8461846, et qu' à ce total d' affaires correctionnelles
on ajoute celles de cours d' assises, de simple police, et tous
les délits non connus ou laissés impunis, délits dont la quantité
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pouvoir, en vos mains, n' a jamais fait que péricliter : et c'
est pour cela que vous n' avez jamais pu le retenir, c' est pour
cela qu' au I 818 brumaire il a suffi de quatre hommes pour vous
l' enlever, et qu' aujourd' hui la bourgeoisie, qui aime comme
vous le pouvoir, et qui veut un pouvoir fort, ne vous le rendra
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l' église. '' grâce à Dieu, nous ne sommes point ''
athées, '' disait un jour la ''
réforme '' ; d' autant plus, pouvait-elle ajouter par surcroît d' inconséquence, que nous ne sommes pas chrétiens. Tout ce qui tient une plume s' est donné le mot pour embéguiner le peuple ; et le premier article de la foi nouvelle est que Dieu infiniment bon a créé l' homme bon comme lui ; ce qui n' empêche pas l' homme, sous le regard de Dieu, de se rendre méchant dans une société détestable. Cependant il est sensible, malgré ces semblants, disons même ces velléités de religion, que la querelle engagée entre le socialisme et la tradition chrétienne, entre l' homme et la société, doit finir par une négation de la divinité. La raison sociale ne se distingue pas pour nous de la raison absolue, qui n' est autre que Dieu même, et nier la société dans ses phases antérieures, c' est nier la providence, c' est nier Dieu. Ainsi donc nous sommes placés entre deux négations, deux affirmations contradictoires : l' une qui, par la voix de l' antiquité tout entière, mettant hors de cause la société et Dieu qu' elle représente, rapporte à l' homme seul le principe du mal ; l' autre qui, protestant au nom de l' homme libre, intelligent et progressif, rejette sur l' infirmité sociale, et, par une conséquence nécessaire, sur le génie créateur et inspirateur de la société, toutes les perturbations de l' univers. Or, comme les anomalies de l' ordre social et l' oppression des libertés individuelles proviennent surtout du jeu des contradictions économiques, nous avons à rechercher, à vue des données que nous avons mises en lumière : I si la fatalité, dont le cercle nous environne, est pour notre liberté tellement impérieuse et nécessitante, que les infractions à la loi, commises sous l' empire des antinomies, cessent de nous être imputables ? Et, en cas de négative, d' où provient cette culpabilité particulière à l' homme. 2 si l' être hypothétique, tout bon, tout puissant, tout sage, à qui la foi attribue la haute direction des agitations humaines, n' a pas manqué lui-même à la société au moment du péril ? Et, en cas d' affirmative, expliquer cette insuffisance de la divinité. En deux mots, nous allons examiner si l' homme est dieu, si Dieu lui-même est dieu, ou si, pour atteindre à la plénitude de l' intelligence et de la liberté, nous devons rechercher un sujet supérieur. I-culpabilité de l' homme. -exposition du mythe de la chute. Tant que l' homme vit sous la loi d' égoïsme, il s' accuse lui-même, dès qu' il s' élève à la conception d' une loi sociale, il accuse la société. Dans l' un et l' autre cas, c' est toujours l' humanité qui accuse l' humanité ; et ce qui résulte jusqu' à présent de plus clair de cette double accusation, c' est la faculté étrange, que nous n' avons point encore signalée, et que la religion attribue à Dieu comme à l' homme, du repentir. De quoi donc l' humanité se repent-elle ? De quoi Dieu, qui se repent aussi de nous, nous veut-il punir ? /... /. Si je démontre que les délits dont l' humanité s' accuse ne sont point la conséquence de ses embarras économiques, bien que ceux-ci résultent de la constitution de ses idées ; que l' homme accomplit le mal gratuitement et sans contrainte, de même qu' il s' honore par des actes d' héroïsme que n' exige pas la justice : il s' ensuivra que l' homme, au tribunal de sa conscience, peut bien faire valoir certaines circonstances atténuantes, mais qu' il ne peut jamais être entièrement déchargé de son délit ; que la lutte est dans son coeur comme dans sa raison ; que tantôt il est digne d' éloge et tantôt digne de blâme, ce qui est toujours un aveu de sa condition inharmonique ; enfin, que l' essence de son âme est un compromis perpétuel entre des attractions opposées, sa morale un système à bascule, en un mot, et ce mot dit tout, un éclectisme. Ma preuve sera bientôt faite. Il existe une loi, antérieure à notre liberté, promulguée dès le commencement du monde, complétée par Jésus-Christ, prêchée, attestée par les apôtres, les martyrs, les confesseurs et les vierges, gravée dans les entrailles de l' homme, et supérieure à toute la métaphysique : c' est l' amour. ''
 
1. si la fatalité, dont le cercle nous environne, est pour notre liberté
tellement impérieuse et nécessitante, que les infractions à la loi, commises
sous l' empire des antinomies, cessent de nous être imputables ? Et, en cas de
négative, d' où provient cette culpabilité particulière à l' homme.
 
2. si l' être hypothétique, tout bon, tout puissant, tout sage, à qui la foi attribue la haute
direction des agitations humaines, n' a pas manqué lui-même à la société au
moment du péril ? Et, en cas d' affirmative, expliquer cette insuffisance de la
divinité. En deux mots, nous allons examiner si l' homme est dieu, si Dieu
lui-même est dieu, ou si, pour atteindre à la plénitude de l' intelligence et de
la liberté, nous devons rechercher un sujet supérieur.
 
== I - Culpabilité de l' homme. Exposition du mythe de la chute. ==
 
Tant que l' homme vit sous la loi d'
égoïsme, il s' accuse lui-même, dès qu' il s' élève à la conception d' une loi
sociale, il accuse la société. Dans l' un et l' autre cas, c' est toujours l'
humanité qui accuse l' humanité ; et ce qui résulte jusqu' à présent de plus
clair de cette double accusation, c' est la faculté étrange, que nous n' avons
point encore signalée, et que la religion attribue à Dieu comme à l' homme, du
repentir. De quoi donc l' humanité se repent-elle ? De quoi Dieu, qui se repent
aussi de nous, nous veut-il punir ? /... /. Si je démontre que les délits dont
l' humanité s' accuse ne sont point la conséquence de ses embarras économiques,
bien que ceux-ci résultent de la constitution de ses idées ; que l' homme
accomplit le mal gratuitement et sans contrainte, de même qu' il s' honore par
des actes d' héroïsme que n' exige pas la justice : il s' ensuivra que l' homme,
au tribunal de sa conscience, peut bien faire valoir certaines circonstances
atténuantes, mais qu' il ne peut jamais être entièrement déchargé de son délit ;
que la lutte est dans son coeur comme dans sa raison ; que tantôt il est digne
d' éloge et tantôt digne de blâme, ce qui est toujours un aveu de sa condition
inharmonique ; enfin, que l' essence de son âme est un compromis perpétuel entre
des attractions opposées, sa morale un système à bascule, en un mot, et ce mot
dit tout, un éclectisme. Ma preuve sera bientôt faite. Il existe une loi,
antérieure à notre liberté, promulguée dès le commencement du monde, complétée
par Jésus-Christ, prêchée, attestée par les apôtres, les martyrs, les
confesseurs et les vierges, gravée dans les entrailles de l' homme, et
supérieure à toute la métaphysique : c' est l' amour. ''
aime ton '' prochain comme toi-même, ''
nous dit Jésus-Christ après Moïse. Tout est là. Aime ton prochain
nous
dit Jésus-Christ après Moïse. Tout est là. Aime ton prochain
comme toi-même, et la société sera parfaite ; aime ton prochain
comme toi-même, et toutes les distinctions de prince et de berger
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originelle '' , interrogeons encore le christianisme, l' humanité, sur le sens de ce fait. Ne nous laissons étonner ni par la métaphore, ni par l' allégorie : la vérité est indépendante des figures. Et d' ailleurs qu' est-ce pour nous que la vérité, sinon le progrès incessant de notre esprit de la poésie à la prose ? Et d' abord cherchons si cette idée au moins singulière d' une prévarication originelle n' aurait pas quelque part, dans la théologie chrétienne, sa corrélative. Car l' idée vraie, l' idée générique, ne peut résulter d' une conception isolée ; il faut une série. Le christianisme, après avoir posé comme premier terme le dogme de la chute, a poursuivi sa pensée en affirmant, pour tous ceux qui mouraient dans cet état de souillure, une séparation irrévocable d' avec Dieu, une éternité de supplices. Puis il a complété sa théorie en conciliant ces deux oppositions par le dogme de la réhabilitation ou de la grâce, d' après lequel toute créature née dans la haine de Dieu est réconciliée par les mérites de Jésus- Christ, que la foi et la pénitence rendent efficaces. Ainsi, corruption essentielle de notre nature et perpétuité du châtiment, sauf le rachat par la participation volontaire au sacrifice du Christ : telle est en somme l' évolution de l' idée théologique. La seconde affirmation est une conséquence de la première ; la troisième est une négation et une transformation des deux autres : en effet, un vice de constitution étant nécessairement indestructible, l' expiation qu' il entraîne est éternelle comme lui, à moins qu' une puissance supérieure ne vienne, par une rénovation intégrale, rompre le sort et faire cesser l' anathème. L' esprit humain, dans ses fantaisies religieuses comme dans ses théories les plus positives, n' a toujours qu' une méthode : la même métaphysique a produit les mystères chrétiens et les contradictions de l' économie politique ; la foi, sans qu' elle le sache, relève de la raison ; et nous, explorateurs des manifestations divines et humaines, nous avons droit, au nom de la raison, de vérifier les hypothèses de la théologie. Qu' est-ce donc que la raison universelle, formulée en dogmes religieux, a vu dans la nature humaine, lorsque, par une construction métaphysique si régulière, elle a affirmé tour à tour ''
l'
ingénuité '' du délit, l' éternité de la peine, la nécessité de la grâce ? Les
ingénuité '' du délit, l' éternité de la peine, la nécessité de la grâce ? Les voiles de la théologie commencent à devenir si transparents qu' elle ressemble tout à fait à une histoire naturelle. Si nous concevons l' opération par laquelle l' être suprême est supposé avoir produit tous les êtres, non plus comme une émanation, une exertion de la force créatrice et de la substance infinie, mais comme une division ou différenciation de cette force substantielle, chaque être organisé ou non organisé nous apparaîtra comme le représentant spécial de l' une des virtualités innombrables de l' être infini, comme une scission de l' absolu ; et la collection de toutes ces individualités / fluides, minéraux, plantes, insectes, poissons, oiseaux et quadrupèdes / sera la création, sera l' univers. L' homme, abrégé de l' univers, résume et syncrète en sa personne toutes les virtualités de l' être, toutes les scissions de l' absolu ; il est le sommet où ces virtualités, qui n' existent que par leur divergence, se réunissent en faisceau, mais sans se pénétrer ni se confondre. L' homme est donc tout à la fois, par cette aggrégation, esprit et matière, spontanéité et réflexion, mécanisme et vie, ange et brute. Il est calomniateur comme la vipère, sanguinaire comme le tigre, glouton comme le porc, obscène comme le singe ; et dévoué comme le chien, généreux comme le cheval, ouvrier comme l' abeille, monogame comme la colombe, sociable comme le castor et la brebis. Il est de plus homme, c' est-à-dire raisonnable et libre, susceptible d' éducation et de perfectionnement. L' homme jouit d' autant de noms que Jupiter : tous ces noms, il les porte écrits sur son visage ; et, dans le miroir varié de la nature, son infaillible instinct sait les reconnaître. Un serpent est beau à la raison ; c' est la conscience qui le trouve odieux et laid. Les anciens, aussi bien que les modernes, avaient saisi cette constitution de l' homme par agglomération de toutes les virtualités terrestres : les travaux de Gall et de Lavater ne furent, si j' ose ainsi dire, que des essais de désagrégement du syncrétisme humain, et le classement qu' ils firent de nos facultés, un tableau en raccourci de la nature. L' homme enfin, comme le prophète dans la fosse aux lions, est véritablement livré aux bêtes ; et si quelque chose doit signaler à la postérité l' infâme hypocrisie de notre époque, c' est que des savants, des spiritualistes bigots, aient cru servir la religion et la morale en dénaturant notre espèce et faisant mentir l' anatomie. Il ne s' agit donc plus que de savoir s' il dépend de l' homme, nonobstant les contradictions que multiplie autour de lui l' émission progressive de ses idées, de donner plus ou moins d' essor aux virtualités placées sous son empire, ou, comme disent les moralistes, à ses passions ; en d' autres termes si, comme l' Hercule antique, il peut vaincre l' animalité qui l' obsède, la légion infernale qui semble toujours prête à le dévorer. Or, le consentement universel des peuples atteste, et nous avons constaté aux chapitres Iiietiv, que l' homme, abstraction faite de toutes ses instigations animales, se résume en intelligence et liberté, c' est-à-dire d' abord en une faculté d' appréciation et de choix, plus en une puissance d' action indifféremment applicable au bien et au mal. Nous avons constaté en outre que ces deux facultés, qui exercent l' une sur l' autre une influence nécessaire, étaient susceptibles d' un développement, d' une perfectibilité indéfinie. La destinée sociale, le mot de l' énigme humaine, se trouve donc dans ce mot : éducation, progrès. L' éducation de la liberté, l' apprivoisement de nos instincts, l' affranchissement ou la ''
voiles de la théologie commencent à devenir si transparents qu' elle ressemble
tout à fait à une histoire naturelle. Si nous concevons l' opération par
laquelle l' être suprême est supposé avoir produit tous les êtres, non plus
comme une émanation, une exertion de la force créatrice et de la substance
infinie, mais comme une division ou différenciation de cette force
substantielle, chaque être organisé ou non organisé nous apparaîtra comme le
représentant spécial de l' une des virtualités innombrables de l' être infini,
comme une scission de l' absolu ; et la collection de toutes ces individualités
/ fluides, minéraux, plantes, insectes, poissons, oiseaux et quadrupèdes / sera
la création, sera l' univers. L' homme, abrégé de l' univers, résume et syncrète
en sa personne toutes les virtualités de l' être, toutes les scissions de l'
absolu ; il est le sommet où ces virtualités, qui n' existent que par leur
divergence, se réunissent en faisceau, mais sans se pénétrer ni se confondre. L'
homme est donc tout à la fois, par cette aggrégation, esprit et matière,
spontanéité et réflexion, mécanisme et vie, ange et brute. Il est calomniateur
comme la vipère, sanguinaire comme le tigre, glouton comme le porc, obscène
comme le singe ; et dévoué comme le chien, généreux comme le cheval, ouvrier
comme l' abeille, monogame comme la colombe, sociable comme le castor et la
brebis. Il est de plus homme, c' est-à-dire raisonnable et libre, susceptible d'
éducation et de perfectionnement. L' homme jouit d' autant de noms que Jupiter :
tous ces noms, il les porte écrits sur son visage ; et, dans le miroir varié de
la nature, son infaillible instinct sait les reconnaître. Un serpent est beau à
la raison ; c' est la conscience qui le trouve odieux et laid. Les anciens,
aussi bien que les modernes, avaient saisi cette constitution de l' homme par
agglomération de toutes les virtualités terrestres : les travaux de Gall et de
Lavater ne furent, si j' ose ainsi dire, que des essais de désagrégement du
syncrétisme humain, et le classement qu' ils firent de nos facultés, un tableau
en raccourci de la nature. L' homme enfin, comme le prophète dans la fosse aux
lions, est véritablement livré aux bêtes ; et si quelque chose doit signaler à
la postérité l' infâme hypocrisie de notre époque, c' est que des savants, des
spiritualistes bigots, aient cru servir la religion et la morale en dénaturant
notre espèce et faisant mentir l' anatomie. Il ne s' agit donc plus que de
savoir s' il dépend de l' homme, nonobstant les contradictions que multiplie
autour de lui l' émission progressive de ses idées, de donner plus ou moins d'
essor aux virtualités placées sous son empire, ou, comme disent les moralistes,
à ses passions ; en d' autres termes si, comme l' Hercule antique, il peut
vaincre l' animalité qui l' obsède, la légion infernale qui semble toujours
prête à le dévorer. Or, le consentement universel des peuples atteste, et nous
avons constaté aux chapitres III et IV, que l' homme, abstraction faite de toutes ses instigations animales, se résume en intelligence et liberté, c' est-à-dire d' abord en une faculté d' appréciation et de choix, plus en une puissance d' action indifféremment applicable au bien et au mal. Nous avons constaté en outre que ces deux facultés, qui exercent l' une sur l' autre une influence nécessaire, étaient susceptibles d' un développement, d' une perfectibilité indéfinie. La destinée sociale, le mot de l' énigme humaine, se trouve donc dans ce mot : éducation, progrès. L' éducation de la liberté, l' apprivoisement de nos instincts, l' affranchissement ou la ''
 
rédemption '' de notre âme, voilà donc, comme l' a prouvé Lessing , le sens du mystère chrétien. Cette éducation sera de toute notre vie et de toute la vie de l' humanité : les contradictions de l' économie politique peuvent être résolues ; la contradiction intime de notre être ne le sera jamais. Voilà pourquoi les grands instituteurs de l' humanité, Moïse, Bouddha, Jésus-Christ, Zoroastre, furent tous des apôtres de l' expiation, des symboles vivants de la pénitence. L' homme est, de sa nature, pécheur, c' est-à-dire non pas essentiellement ''
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libéral, anti-humain. Je prouve ma proposition en allant du
négatif au positif, c' est-à-dire en déduisant la vérité de ma
thèse du progrès des objections.

== I ==

Dieu, disent les croyants,
ne peut être conçu que comme infiniment bon, infiniment sage,
infiniment puissant, etc. : toute la litanie des infinis. Or, l'
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des faits de l' activité d' avec ceux de l' intelligence. La
fatalité est l' ordre absolu, la loi, le code, '' fatum, ''
de la constitution de l' univers. Mais bien loin que ce code exclue par
de la
constitution de l' univers. Mais bien loin que ce code exclue par
lui-même l' idée d' un législateur souverain, il la suppose si
naturellement, que toute l' antiquité n' a point hésité à l'
Ligne 8 526 ⟶ 9 280 :
dans la science que de reproduire l' hypothèse théologique. Il
faut s' attacher uniquement à la société, à l' homme. '' Dieu ''
en religion, '' l' état '' en politique, la '' propriété ''
 
en économie, telle
en religion, '' l' état ''
en politique, la '' propriété ''
en
économie, telle
est la triple forme sous laquelle l' humanité, devenue étrangère
à elle-même, n' a cessé de se déchirer de ses propres mains, et
Ligne 8 870 ⟶ 9 621 :
nous, n' est pas d' identifier l' humanité avec Dieu, ce qui
revient à affirmer, en économie sociale la communauté, en
philosophie le mysticisme et le '' statu quo '' ; c' est de prouver
; c' est de prouver
à l' humanité que Dieu, au cas qu' il y ait un dieu, est son
ennemi. Quelle solution sortira plus tard de ces données ? Dieu
Ligne 8 882 ⟶ 9 632 :
espérer ni à craindre de l' auteur mystérieux que ma conscience
involontairement suppose ;
 
<div class="Texte" id="paragraphe-376">
 
je sais que mes tendances les plus authentiques m' éloignent
Ligne 8 898 ⟶ 9 648 :
sur la colonne qui doit servir à nos recherches ultérieures de
point de repère : le législateur se '' méfie ''
de l' homme, abrégé de la nature et syncrétisme de tous les êtres. -il '' ne compte pas ''
de la nature et syncrétisme de tous les êtres. -il '' ne compte pas ''
sur la providence, faculté inadmissible dans l' esprit
infini. Mais, attentif à la succession des phénomènes, docile aux