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à signer. Il partagea le pouvoir avec Agrippa ; Agrippa mourut et Auguste se retrouva seul. Du reste même avec un collègue, il demeurait le Premier, ''princeps'', terme qu’il faut se garder de traduire par : prince et qui équivaut plutôt à celui de président de la république romaine, un président à pouvoirs toujours croissants et toujours renouvelés, bénéficiant d’une réputation très supérieure à ses talents et condamné à gouverner au rebours de ses principes et de ses préférences. Jamais mieux que par les fêtes fameuses de l’an 17 av. J-C. pour lesquelles Horace composa son ''Carmen seculare'' et dont une inscription récemment découverte nous a précisé le caractère, ne s’affirma le désir d’Auguste d’organiser un « retour en arrière ». Il mettait son espoir en une Rome vertueuse dont une forte aristocratie fît le centre de la direction de l’empire. Il laissa une Rome corrompue dont la corruption se {{corr|réflétait|reflétait}} au sein de sa propre famille — une Rome de plus en plus dépendante de ses provinces et dont la bourgeoisie provinciale assurait seule la force.
à signer. Il partagea le pouvoir avec Agrippa ; Agrippa mourut et Auguste se retrouva seul. Du reste même avec un collègue, il demeurait le Premier, ''princeps'', terme qu’il faut se garder de traduire par : prince et qui équivaut plutôt à celui de président de la république romaine, un président à pouvoirs toujours croissants et toujours renouvelés, bénéficiant d’une réputation très supérieure à ses talents et condamné à gouverner au rebours de ses principes et de ses préférences. Jamais mieux que par les fêtes fameuses de l’an 17 av. J-C. pour lesquelles Horace composa son ''Carmen seculare'' et dont une inscription récemment découverte nous a précisé le caractère, ne s’affirma le désir d’Auguste d’organiser un « retour en arrière ». Il mettait son espoir en une Rome vertueuse dont une forte aristocratie fît le centre de la direction de l’empire. Il laissa une Rome corrompue dont la corruption se {{corr|réflétait|reflétait}} au sein de sa propre famille — une Rome de plus en plus dépendante de ses provinces et dont la bourgeoisie provinciale assurait seule la force.


Cette force était économique : phénomène nouveau. Rome devenait la raison sociale d’une vaste entreprise d’enrichissement par libre-échange qui associait {{corr|l’Egypte|l’Égypte}} et la Gaule, la Syrie et les régions danubiennes, l’Espagne et l’Asie-mineure. Cet enrichissement s’opérait par les classes moyennes qui avaient survécu dans tous ces pays à la destruction des oligarchies dirigeantes. Rome servait ainsi d’organe de liaison aux intérêts matériels de ces classes tandis que sa propre oligarchie dégénérée en était la servante inconsciente. {{corr|A|À}} cela correspondait un grandissement des autres villes, toutes riches, embellies, luxueuses. Qu’importait alors qu’il y eût au centre un pouvoir tenant à la fois « de la monarchie avortée et de la république abâtardie». De loin cela ne se voyait pas. {{corr|A|À}} mesure qu’on s’éloignait de la capitale, c’étaient l’étendue et l’unité de l’empire qui apparaissaient. L’étendue était si grande que Rome n’était même plus capable d’opprimer et de spolier. Quant à l’unité, étant matérielle, elle ne nécessitait point la fusion des mœurs ou des idées. L’orient et l’occident ne se trouvaient obligés de se mettre d’accord sur rien, pas même sur leur façon d’envisager le pouvoir d’Auguste. L’orient le voyait sous les traits d’un monarque divinisé ; l’occident honorait en lui, selon l’expression employée à Narbonne, le « gouverneur du monde ». Aussi bien son nom et celui de Rome se trouvaient-ils généralement confondus dans un hommage unique et imprécis. {{corr|A|À}} Lyon, en Espagne comme à Pergame ou à Ancyre dans la lointaine Galatie, c’est en l’honneur d’un certain « état de
Cette force était économique : phénomène nouveau. Rome devenait la raison sociale d’une vaste entreprise d’enrichissement par libre-échange qui associait {{corr|l’Egypte|l’Égypte}} et la Gaule, la Syrie et les régions danubiennes, l’Espagne et l’Asie-mineure. Cet enrichissement s’opérait par les classes moyennes qui avaient survécu dans tous ces pays à la destruction des oligarchies dirigeantes. Rome servait ainsi d’organe de liaison aux intérêts matériels de ces classes tandis que sa propre oligarchie dégénérée en était la servante inconsciente. {{corr|A|À}} cela correspondait un grandissement des autres villes, toutes riches, embellies, luxueuses. Qu’importait alors qu’il y eût au centre un pouvoir tenant à la fois « de la monarchie avortée et de la république abâtardie ». De loin cela ne se voyait pas. {{corr|A|À}} mesure qu’on s’éloignait de la capitale, c’étaient l’étendue et l’unité de l’empire qui apparaissaient. L’étendue était si grande que Rome n’était même plus capable d’opprimer et de spolier. Quant à l’unité, étant matérielle, elle ne nécessitait point la fusion des mœurs ou des idées. L’orient et l’occident ne se trouvaient obligés de se mettre d’accord sur rien, pas même sur leur façon d’envisager le pouvoir d’Auguste. L’orient le voyait sous les traits d’un monarque divinisé ; l’occident honorait en lui, selon l’expression employée à Narbonne, le « gouverneur du monde ». Aussi bien son nom et celui de Rome se trouvaient-ils généralement confondus dans un hommage unique et imprécis. {{corr|A|À}} Lyon, en Espagne comme à Pergame ou à Ancyre dans la lointaine Galatie, c’est en l’honneur d’un certain « état de