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Le Cardinal De Richelieu Et Le Cardinal
Ximénès.
 
La vertu vaut mieux que la naissance.
 
Le C. Ximénès.
 
Maintenant que nous sommes ensemble, je
vous conjure de me dire s' il est vrai que vous
avez songé à m' imiter.
 
Le C. De Richelieu.
 
Point. J' étois trop jaloux de la bonne gloire,
pour vouloir être la copie d' un autre. J' ai
toujours montré un caractère hardi et original.
 
Le C. Ximénès.
 
J' avois ouï dire que vous aviez pris la Rochelle,
comme moi Oran ; abattu les huguenots, comme je
renversai les maures de Grenade pour les convertir ;
protégé les lettres, abaissé l' orgueil des grands,
relevé l' autorité royale, établi la Sorbonne comme
mon université D' Alcala De Hénarès, et même
profité de la faveur de la reine Marie De Médicis,
comme je fus élevé par celle d' Isabelle De
Castille.
 
Le C. De Richelieu.
 
Il est vrai qu' il y a entre nous certaines
ressemblances que le hasard a faites : mais je n' ai
envisagé aucun modèle ; je me suis contenté
de faire les choses que le temps et les affaires
m' ont offertes pour la gloire de la France.
 
D' ailleurs nos conditions étoient bien différentes.
 
J' étois né à la cour ; j' y avois été nourri
dès ma plus grande jeunesse ; j' étois évêque
de Luçon et secrétaire d' état, attaché à la reine
et au maréchal D' Ancre. Tout cela n' a rien de
commun avec un moine obscur et sans appui,
qui n' entre dans le monde et dans les affaires
qu' à soixante ans.
 
Le C. Ximénès.
 
Rien ne me fait plus d' honneur que d' y être
entré si tard. Je n' ai jamais eu de vues
d' ambition, ni d' empressement : je comptois
achever dans le cloître ma vie déja bien avancée.
 
Le cardinal De Mendozza, archevêque de Tolède, me
fit confesseur de la reine ; et la reine, prévenue
pour moi, me fit successeur de ce cardinal pour
l' archevêché de Tolède, contre le desir du roi, qui
vouloit y mettre son bâtard ; ensuite je devins le
principal conseil de la reine dans ses peines à
l' égard du roi. J' entrepris la conversion de Grenade
après que Ferdinand en eut fait la conquête. La reine
mourut. Je me trouvai entre Ferdinand et son
gendre Philippe D' Autriche. Je rendis de
grands services à Ferdinand après la mort de
Philippe. Je procurai l' autorité au beau-père.
 
J' administrai les affaires, malgré les grands,
avec vigueur. Je fis ma conquête d' Oran, où
j' étois en personne, conduisant tout, et n' ayant
point là de roi qui eût part à cette action,
comme vous à la Rochelle et au pas de Suse.
 
Après la mort de Ferdinand, je fus régent
dans l' absence du jeune prince Charles ; c' est
moi qui empêchai les communautés d' Espagne
de commencer la révolte, qui arriva après
ma mort : je fis changer le gouverneur et les
officiers du second infant Ferdinand, qui
vouloient le faire roi au préjudice de son frère
aîné. Enfin je mourus tranquille, ayant perdu
toute autorité par l' artifice des flamands qui
avoient prévenu le roi Charles contre moi. En tout
cela je n' ai jamais fait aucun pas vers la
fortune ; les affaires me sont venues trouver, et je
n' y ai regardé que le bien public. Cela est plus
honorable que d' être né à la cour, fils d' un
grand-prévôt, chevalier de l' ordre.
 
Le C. De Richelieu.
 
La naissance ne diminue jamais le mérite
des grandes actions.
 
Le C. Ximénès.
 
Non ; mais puisque vous me poussez, je vous
dirai que le désintéressement et la modération
valent mieux qu' un peu de naissance.
 
Le C. De Richelieu.
 
Prétendez-vous comparer votre gouvernement
au mien ? Avez-vous changé le système
du gouvernement de toute l' Europe ? J' ai
abattu cette maison d' Autriche que vous avez
servie, mis dans le coeur de l' Allemagne un
roi de Suède victorieux, révolté la Catalogne,
relevé le royaume de Portugal usurpé par les
espagnols, rempli la chrétienté de mes négociations.
 
Le C. Ximénès.
 
J' avoue que je ne dois point comparer mes
négociations aux vôtres : mais j' ai soutenu
toutes les affaires les plus difficiles de Castille
avec fermeté, sans intérêt, sans ambition,
sans vanité, sans foiblesse. Dites-en autant, si
vous le pouvez.
 
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