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Parmi les scènes historiques qui ont le plus frappé l’imagination des peuples figure celle du jour de Noël de l’an 800 alors que, dans l’ancienne basilique de St-Pierre à Rome, on vit le pape s’approcher à l’improviste de Charlemagne agenouillé et poser sur son front le diadème impérial en saluant en sa personne le successeur des césars. Le geste ne paraît pas s’être accompli selon le vœu de Charlemagne qui, d’après la chronique {{corr|d’Eginhard|d’Éginhard}}, en aurait témoigné quelque humeur. Mais quant à l’événement lui-même, il est hors de doute qu’il avait été décidé l’année précédente lorsque le pape Léon {{rom-maj|iii|3}} s’était rendu à Paderborn en Saxe pour y rencontrer le futur empereur. L’ambition de Charlemagne se comprend parfaitement ; elle est très humaine. Le calcul du chef de {{corr|l’Eglise|l’Église}} ne l’est pas moins. Ils avaient besoin l’un de l’autre et leur entente n’était que le développement normal de celle qui avait existé précédemment entre Pépin le bref et {{corr|Etienne|Étienne}} {{rom-maj|ii|2}}. Mais cela n’atténue en rien le caractère déplorable d’un acte dont les conséquences devaient se répercuter à travers onze siècles d’histoire européenne.
Parmi les scènes historiques qui ont le plus frappé l’imagination des peuples figure celle du jour de Noël de l’an 800 alors que, dans l’ancienne basilique de St-Pierre à Rome, on vit le pape s’approcher à l’improviste de Charlemagne agenouillé et poser sur son front le diadème impérial en saluant en sa personne le successeur des césars. Le geste ne paraît pas s’être accompli selon le vœu de Charlemagne qui, d’après la chronique {{corr|d’Eginhard|d’Éginhard}}, en aurait témoigné quelque humeur. Mais quant à l’événement lui-même, il est hors de doute qu’il avait été décidé l’année précédente lorsque le pape Léon {{rom-maj|iii|3}} s’était rendu à Paderborn en Saxe pour y rencontrer le futur empereur. L’ambition de Charlemagne se comprend parfaitement ; elle est très humaine. Le calcul du chef de {{corr|l’Eglise|l’Église}} ne l’est pas moins. Ils avaient besoin l’un de l’autre et leur entente n’était que le développement normal de celle qui avait existé précédemment entre Pépin le bref et {{corr|Etienne|Étienne}} {{rom-maj|ii|2}}. Mais cela n’atténue en rien le caractère déplorable d’un acte dont les conséquences devaient se répercuter à travers onze siècles d’histoire européenne.


L’empire romain, certes, vivait encore dans les imaginations occidentales. Comment les misères, les ruines du présent n’eussent-elles pas contribué à auréoler son souvenir et à faire converger vers son image les regrets et les espérances ? Mais tout esprit un peu cultivé saisissait bien l’impossibilité de le restaurer. Ce n’est pas parce qu’un chef heureux se trouverait parvenir à une renommée passagère et se montrerait même capable d’assembler et de tenir en paix beaucoup de peuples sous son sceptre que « l’état de choses » dont l’empire romain avait été à la fois le symbole et la base pourrait redevenir une réalité. Ce grand moment de l’histoire était à jamais passé. Mais que la foule crut le contraire pouvait devenir un danger et causer plus tard beaucoup de maux. C’est précisément ce qui advint. Au {{rom-maj|xix|19}}{{e|me}} siècle la leçon de choses de l’an 800 n’avait pas encore cessé de porter ses fruits ni le mirage impérialiste de dérouler la série de ses déceptions fatales.
L ’empire romain, certes, vivait encore dans les imaginations
occidentales. Comment les misères, les ruines du présent n’eussent-elles
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Ce n’est pas parce qu’un chef heureux se t rouverait parvenir à
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le contraire pouvait devenir un danger et causer plus tard
beaucoup de maux. C’est précisément ce qui advint. Au XJXme
siècle la leçon de choses de l’an 800 n’avait pas encore cessé de
porter ses fruits ni le mirage impérialiste de dérouler la série de
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