« Un continent englouti sous les flots/01 » : différence entre les versions

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Brasseur de Bourbourg reprochait à nos linguistes de vouloir faire des cours de linguistique générale en laissant de côté les langues d’un hémisphère entier. Ne pourrait-on pas en dire autant pour presque toutes les branches de nos sciences, — de nos sciences historiques tout au moins, — et se demander comment on peut songer à entreprendre l’étude philosophique de l’homme et de la création, lorsqu’on néglige volontairement de s’occuper de la moitié du genre humain et de la moitié du globe qu’il habite?
 
L’Américanisme, en dépit des circonstances fâcheuses qui ont entouré son berceau, en dépit des obstacles que la
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malveillance a répandus constamment sur sa route, occupera tôt ou tard la place élevée que lui assurent de droit les grands et magnifiques problèmes qu’il est appelé à résoudre. Et, s’il a été donné à l’illustre navigateur génois d’enrichir nos données géographiques par la connaissance d’un nouveau monde, il appartient aux américanistes, autres glorieux descubridores des siècles présents et à venir, de nous révéler les antiques annales de plusieurs grands centres de civilisation naguère encore complètement méconnus dans l’obscurité des siècles passés.
 
Mais, pour désigner ce monde a découvrir, cette terre promise de l’Américanisme, il faut un nom ; et, au moment où je prends la plume pour esquisser quelques-uns des tableaux les plus remarquables que nous révèlent les zélés pionniers de cette science nouvelle, je suis préoccupé de la recherche d’un nom, comme l’auteur de ''Mazeppa'' et de ''Beppo'', au moment d’écrire un de ses plus long poèmes, le fut d’un héros :
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''Amérique'' servit d’appellation à ce monde nouveau du temps de Ferdinand et d’Isabelle. En mettant le pied sur des terres jusqu’alors inconnues, les conquistadores, les chercheurs d or et de mines précieuses ne se préoccupaient guère des mille et mille années d’histoire qui s’étaient accomplies sur le sol trop riche qu’ils foulaient aux pieds. Le nom emprunté à Vespucci est aujourd’hui un anachronisme révoltant, quand on l’applique à des âges qui ne sont guère moins reculé que ceux où l’on place les origines de nos annales <ref> Loin des grands centres connus de la civilisation américaine, la vallée du Mississipi a déjà révélé à l’archéologie une foule de vestiges historiques d une époque extrêmement ancienne, puisque ces vestiges ont été retrouvés dans un sol aujourd’hui recouvert d’épaisses forêts que mille années eussent été insuffisantes à produire avec une pareille exubérance de végétation. Voy. à ce sujet « Ancients monuments of the Mississipi Valley », dans les ''Smithsonian'' ''Contributions'' ''to'' ''knowledge'', t. I (Washington, 1848; in-4); D Otto Ule, ''Blicke'' ''in'' ''die'' ''vorgeschichtliche'' ''Zeit'' ''des'' ''Menschen'', 1865 ; et le mémoire de M. Frederick von Hellwald, ''The'' ''American'' ''Migration'' (trad. de M. C. A. Alexander).</ref>, et même,
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s’il fallait en croire certains érudits, auxquels nul n’a encore le droit de donner un démenti fondé, à des âges de beaucoup plus anciens que ceux des premières pyramides d’Égypte.
 
Il nous faut donc un nom archaïque comme l’objet lui-même qu’il doit servir à désigner, et, s’il se peut, un nom dont l’étymologie trahisse tout à la fois les naïves traditions du passé et les progrès de la science contemporaine.
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Bien des insanités, il faut le reconnaître, ont été débitées sur ce continent hypothétique <ref> La doctrine de l’infortuné Bailly {''Lettres'' ''sur'' ''l’Atlantide'' ''de'' ''Platon'' ''et'' ''sur'' ''l'ancienne'' ''Histoire'' ''de'' ''l’Asie,'' Paris, 1779), suivant laquelle les Atlantes auraient été les habitants d’une région voisine du pôle arctique, est aujourd’hui abandonnée par tous les savants.</ref> dont l’existence a été révélée par la bouche même de Critias, disciple de Solon, le célèbre législateur et l’un des sept sages de la Grèce. Cependant la science, qui a longtemps relégué le récit du philosophe grec dans le domaine de la fable ou du roman, tend
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à revenir, chaque jour, de plus en plus sur son jugement trop sévère ; et déjà plus d’un esprit sérieux, suivant la trace d’Alexandre de Humboldt, pense qu’il y a lieu de se préoccuper « d’un mythe qu’à ''tort'' on a cru une fiction de la vieillesse de Platon ».
 
Examinons donc ce mythe, en reproduisant tout d’abord les faits les plus caractéristiques qui s’y rapportent d’après le récit du ''Timée'' et du ''Critias'' <ref> Le texte grec et la traduction des passages du ''Timée'' et du ''Critias'' relatifs à l’Atlantide ont été reproduits par M. José Pérez, dans son Étude sur les relations des anciens Américains avec les peuples de l’Europe, de l’Asie et de l’Afrique, insérée dans les ''Mémoires'' ''de'' ''la'' ''Société'' ''d’Ethnographie'' (Section Orientale et Américaine, 1ère série, t. VIII, 1862r p. 165).</ref> :
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Suivant le premier de ces écrits, les Athéniens auraient eu à détruire une puissante armée venue de la mer Atlantique, armée qui avait envahi insolemment l’Europe et l’Asie. Cette mer était alors navigable, et il y avait au delà du détroit appelé les Colonnes d’Hercule, une île plus grande que la Libye et que l’Asie réunies.
 
De cette île, on pouvait se rendre aisément aux autres îles, et de celles-là à tout le continent qui entoure la mer intérieure. Dans cette île ''Atlantide'' régnaient des princes très puissants qui avaient non seulement sous leur domination l’île entière, mais encore plusieurs autres îles et ''des'' ''parties'' ''de'' ''la'' ''terre'' ''ferme''. Ils régnaient en outre, en deçà du détroit, sur la Libye jusqu’à l’Égypte, et sur l’Europe jusqu’à la Tyrrhénie. A une époque postérieure, des tremblements de terre extraordinaires et des inondations étant survenus, engloutirent, en un seul
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jour et en une nuit fatale, tout ce qu’il y avait de guerriers, et l’île ''Atlantide'' disparut sous la mer. La mer Atlantique cessa dès lors d’être navigable, par suite de la masse de limon que l’île submergée avait laissée à sa place.
 
Ces renseignements fournis par le ''Timée'' sont complétés par le ''Critias'' qui nous apprend, entre autres détails curieux, que la guerre en question avait eu lieu 9000 ans avant l’époque où écrivait Platon, c’est-à-dire il y a un peu plus de 11,000 ans <ref> On ne peut guère considérer cette date comme signifiant autre chose qu’une antiquité fort éloignée, bien que les découvertes de la science moderne tendent à reculer bien autrement loin l’histoire de l’humanité. On verra, d’ailleurs, sous quelles réserves nous pensons tenir compte du récit de Platon sur l’Atlantide.</ref> ; et que le premier roi, qui s’appelait ''Atlas'', donna son nom à l’Atlantide, qui était un pays riche en produits de toutes sortes, notamment en or et autres métaux précieux.
 
Au premier abord, quelques singuliers rapprochements viennent frapper l’esprit. Dans le nom même d’Atlantide, se trouve une racine mexicaine ''atl'' qui signifie « eau »; et cette désinence en ''tl'' porte un cachet essentiellement caractéristique des langues du Mexique <ref> Le groupe ''tl'' est tellement caractéristique de la langue mexicaine, que les auteurs de grammaires en font l’objet de l’une des premières remarques qu’ils consacrent à la prononciation des mots. « En muchas voces hay juntas estas dos letras ''tl''. Si no estan al fin de la voz, se pronundan como en esta voz, ''Atlante'' : v. g. ''tlalli'' « tierra », ''àtle'' « nada », ''tôtli'' « gavilan ». Si estan al fin de la voz se pronuncian casi como se pronunciàran si despues de ellas huviera ''e'' : v. g. en ''àtl'' « agua » se pronuncian casi como en dha, voz mexicana ''àtle'' ; e. e. se pronuncian como que despues de ellas fueras à pronunciar ''e'', y te detuvieras, sin llegar à articularla claramente ». (D. Joseph Augustin de Aldàma y Guevàra, ''Arte'' ''de'' ''la'' ''lengua'' ''Mexicana'', § 3.)<br>
Je dois observer toutefois que l’archaïsme de la consonnance ''tl'' ne me paraît pas certain en mexicain. Il résulterait plutôt des faits philologiques que j’ai pu réunir que cette consonnance a été apportée dans la vallée de l’Anahuac, avec la dernière invasion indienne, ce qui affaiblirait l’argument basé sur le rapprochement des mots ''atl'' et ''Atlas''. Il faut dire, par contre, que le ''tl'' a été très vraisemblablement introduit au Mexique par une population ''américaine'' venue de l’Est, c’est-à-dire de la partie du Nouveau-Monde la plus voisine de l’Europe.</ref>. Les Grecs, il est vrai, prétendent
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qu’ ''Atlas'' vient du thème inusité « je porte », parce qu’un roi de Mauritanie, ainsi nommé, passait pour supporter le Ciel comme le feraient des colonnes! Mais on sait que les Anciens n’étaient pas difficiles en matière d’étymologie et que les philologues de l’antiquité classique ne se faisaient jamais scrupule d’expliquer les noms étrangers par des racines de leur propre langue.
 
Ensuite il est à remarquer, comme l’a fait observer le savant doyen de l’Académie de Stanislas <ref> M. le baron Guerrier de Dumast, de l’Institut, dans les ''Mémoires'' ''de'' ''l’Académie'' ''de'' ''Stanislas'', t. XIII (Nancy, 1868).</ref>, qu’en parallèle avec les langues du Nouveau-Monde qu’on a définies par le terme générique de ''polysynthétiques'', se trouve aux extrémités occidentales de l’Europe, l’idiome d’un peuple considéré comme appartenant aux époques les plus anciennes de notre continent, le Basque, dont le polysynthétisme est également un des caractères fondamentaux. Si l’on ajoute à cela qu’on a cru découvrir des rapports entre le Basque et le Berbère, idiome des autochthones de l’Afrique du Nord (Libye, Mauritanie, etc.), on est frappé de la coïncidence au moins singulière qui vient à l’appui de la doctrine relative à l’identification de l’Atlantide avec une terre quelconque du système américain.
 
L’Atlantide de Platon, d’après le récit de ce philosophe, fut, il est vrai, submergée en un jour et une nuit, de sorte
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que son histoire, en supposant qu’elle se soit jamais rattachée à celle des anciens Américains, aurait cessé de s’y rapporter depuis une dizaine de mille années! Mais, du moment où l’hypothèse, en rien invraisemblable d’ailleurs, de l’assimilation de cette Atlantide avec quelque grande île située à l’ouest au delà du détroit de Gibraltar, aurait été admise par la science, ne serait-il pas naturel de penser qu’il a dû rester, après le sinistre décrit dans le ''Critias'', quelques portions intactes de ce continent englouti sous les vagues, et qu’une partie au moins de ses habitants a pu survivre, gagner une région plus occidentale encore, et s’y établir, là où nous devions retrouver plus tard les véritables populations américaines?
 
La géologie du Nouveau-Monde nous permet, dans une certaine mesure, de reconnaître les importantes modifications qui continuent à s’opérer aux contours de ce continent volcanique. Tandis que les côtes du Chili s’élèvent <ref> Charles de Labarthe, dans la ''Revue'' ''Orientale'' ''et'' ''Américaine''* t. I, p. 81; Alfred Maury, ''ha'' ''Terre'' ''et'' ''l’Homme'', p. 119; Élisée Reclus, ''La'' ''Terre'', t. I, p. 785. — A Valparaiso, le soulèvement est évalué à près de 400 mètres. Darwin a établi que le sol de cette ville s’était élevé, de 1817 à 1834. de 19 centimètres par année !</ref> comme pour opposer une infranchissable barrière aux eaux inclémentes du Pacifique, les rivages orientaux de l’Amérique cèdent graduellement du terrain à l’invasion de ce même Atlantique, auquel Platon attribuait l’engloutissement du pays de ses Atlantes. A Bahia, et sur d’autres points de la côte orientale du Brésil, des dépressions récentes ont été constatées; l’exploration du fleuve des Amazones par Agassiz a rendu hors de conteste le phénomène d’affaissement qui se continue d’âge en âge dans ces parages. Dans l’Amérique du Nord, le mouvement géologique se manifeste d’une manière moins suivie. Cependant toute la partie du littoral de la baie
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de New-York, qui se termine au nord par le cap Cod et au sud par le cap Hatteras, a disparu sous les eaux de l’Atlantique ; et chaque jour l’Océan fait de nouveaux progrès dans cette région et sur la côte du New-Jersey. Une île qui figurait en 1649 sur une carte, comme offrant une superficie de 120 hectares, compte à peine aujourd’hui une vingtaine d’ares d’étendue à marée basse, et elle disparaît complètement à la marée montante <ref> Élisée Reclus, ''Ouvr''. ''cité'', t. I, p. 792.</ref>. Le golfe du Mexique, qui depuis la conquête, a déjà abandonné à la mer un sol de plus de 100 lieues d’étendue, n’est donc pas le seul exemple de ce genre qui ait été constaté. De nouvelles études permettront sans doute un jour de tracer la carte sous-marine de vastes régions situées à l’ouest de l’Europe et devenues le domaine exclusif de l’élément liquide. « Moins remaniée par les cataclysmes, a dit en effet Charles de Labarthe, l’Amérique, dans son système hydrographique si simple, si largement développé, si bien lié ou si propre à l’être, paraît avoir mieux conservé que le reste du
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monde les traces des opérations et des destinations primitives <ref> Études sur la constitution du Nouveau-Monde, dans la ''Revue'' ''Orientale'' ''et'' ''Américaine'', 1858, t. I, p. 90.</ref> ».
 
 
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Il est également à propos d’observer que la partie du continent américain dont la géologie a constaté l’envahissement par la mer est celle qui rapproche le plus ce continent de l’Europe méridionale et de l’Afrique. Ce sont ces envahissements qui ont réduit les Antilles à l’état d’archipel, et qui, constatés sur la côte nord-ouest de la Colombie jusqu’aux Guyanes, permettront probablement, un jour, de rattacher aux mêmes transformations orographiques la formation des îles Canaries, des Açores et du Cap-Vert <ref> Les îles Açores paraissent tirer leur origine d’irruptions volcaniques. Mais il est juste d’ajouter que la grande Canarie, qui n’a jamais donné lieu à des éruptions, a été formée par un cratère de soulèvement émergeant du sein des eaux, ce qui a fait dire à Léopold de Buch (''Description'' ''des'' ''Canaries'') que, devant sa naissance à un tel phénomène, elle ne pouvait être considérée comme un débris de l’Atlantide épargné dans le grand cataclysme. — L’opinion contraire a toutefois été formulée. « L’hydrographie, la géologie, la botanique s’accordent pour nous apprendre que les Açores, Madère, les Canaries, sont des restes d’un grand continent qui jadis unissait l’Europe à l’Amérique du Nord » (Charles Martins, Les Glaciers polaires, dans la ''Revue'' ''des'' ''Deux''-''Mondes'' du 1er mars 1867).</ref>. Ces îles, elles aussi, derniers restes d’une région plus étendue, vont s’amoindrissant de jour en jour au contact de l’Océan qui les attire dans l’abîme <ref> Reclus, ''La'' ''Terre'', t. I, pp. 46 et 807.</ref>.
 
On se méprend, d’ailleurs, trop souvent sur la distance qui sépare l’ancien continent du nouveau. « La distance de continent à continent dit Alexandre de Humboldt, dans une direction N.-E. S.- O., sur laquelle se trouvent les îlots et écueils des Roccas, de Fernando Noronha, du Pinedo de San-Pedro et de French Shoal, est de 510 lieues, en supposant le cap de Sierra-Leone, d’après le capitaine Sabine, à la longitude de 15° 29’ 34", et le cap de San-Roque, d’après l’amiral Roussin et l’habile observateur M. Givry, à la longitude 37°3/ 26". Le point le
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plus rapproché de l’Afrique est probablement la pointe Toiro, près du village Bom-Jesus (lat. 5° 7’ austr.), tandis que la saillie la plus orientale de l’Amérique est de 2° à 3° plus au sud, entre le Rio Parahyba do Norte et la rade de Pernambuco <ref> Humboldt, ''Essai'' ''sur'' ''l’histoire'' ''et'' ''la'' ''géographie'' ''du'' ''Nouveau''-''Continent'' (Paris, 1837), t. II, p. 52.</ref> ».
 
La distance qui sépare ainsi la côte du Sénégal de celle du Brésil est à peu près la même que celle que l’on compte de Marseille à l’isthme de Suez. Entre la côte orientale d’Irlande et le Groenland oriental, cette distance est sensiblement moindre et dépasse à peine celle de Marseille à Constantinople, calculée à vol d’oiseau.
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Mais la question de ces distances n’a d’intérêt que pour expliquer la possibilité d’anciens voyages entre les deux continents supposés de tout temps identiques à ce qu’ils sont aujourd’hui; elle est secondaire, quand on cherche à établir l’hypothèse de changements considérables opérés à une époque reculée dans le bassin de l’Atlantique. Au contraire, il n’est pas inopportun de remarquer que la longue chaîne de montagne qui, partant des monts Rocheux, se continue par la Cordillère des Andes <ref> La plupart des géologues, notamment MM. Pissis, Durocher et Marcou, admettent que les volcans des Andes ont apparu à l’époque de la dernière catastrophe géologique et qu’ils se sont alignés suivant les directions des systèmes antérieurs (Élie de Beaumont, ''Rapport'' ''sur'' ''les'' ''progrès'' ''de'' ''la'' ''Stratigraphie'', 1869, p. 27).</ref> du nord au sud de l’Amérique, transforme ce continent en un immense versant exposé à Test, c’est-à-dire incliné dans la direction de l’Europe; et que ce versant, dont le faîte ne mesure pas moins de 6,500 mètres au dessus du niveau de la mer, ne le dépasse souvent que de quelques pieds sur son rivage oriental. En revanche, quelques îles, débris d’un sol envahi par l’Océan, présentent encore des altitudes considérables. Le pic du Carbet, aux Antilles <ref> La mer des Antilles, dit le Dr Ricque, paraît s’être formée par l’affaiblissement et la submersion des terrains qui autrefois reliaient la Jamaïque, Cuba, Haïti, Puerto-Rico et les Petites-Antilles au continent américain (''Études'' ''sur'' ''l’île'' ''de'' ''la'' ''Guadeloupe'', 1857, p. 15).</ref>, mesure 1,754 mètres de hauteur, et l’île de l’Ascension, sorte de station intermédiaire entre la côte de Guinée et le Brésil, s’élève à prés de 900 mètres au-dessus du niveau de la mer. Non loin des colonnes d’Hercule enfin, les îles Canaries se groupent autour du pic de Ténériffe qui, par son élévation supérieure à 3,700 mètres, est encore aujourd’hui le plus haut sommet africain.
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groupent autour du pic de Ténériffe qui, par son élévation supérieure à 3,700 mètres, est encore aujourd’hui le plus haut sommet africain.
 
De tels faits nous apportent tout au plus, il faut l’avouer, de vagues présomptions en faveur de la doctrine de l’Atlantide; mais ces présomptions acquièrent de la force, lorsqu’on étudie les traditions américaines qui semblent nous avoir conservé des souvenirs du cataclysme raconté par Platon. Quelles sont donc ces traditions?
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Le ''Codex'' ''Chimalpopoca'', ou Histoire Chronologique des États de Culhuacan et de Mexico, que Brasseur de Bourbourg nous a fait connaître par d’importants extraits, notamment par les fragments des textes américains qu’il a intitulés ''l’Histoire'' ''des'' ''Soleils'', nous fournit également un récit de cette terrible commotion géologique. Et ce récit nous rappelle involontairement celui du ''Timée''. A ce moment, dit l’auteur aztèque, « le Ciel se rapprocha de l’eau : en un seul jour (ggggg, a dit Platon), tout se perdit, et le jour ''nahui''-''xochitl'' consuma tout ce qui était de notre chair. » (''Hualpachiuhin'' ''ilhuicatl'' : ''ça'' ''cemilhuitl'' ''inpoliuhque'', ''auh'' ''in'' ''quicuaya'' ''nahui''-''xochitl'' ''inin'' ''tonacayouhcatca'').
 
Puis le récit continue : « Et cette année était celle de ''ce''-''calli'' ; et le premier jour ''nahui''-''atl'', tout fut perdu. La montagne même s’abîma sous l’eau. Et l’eau demeura tranquille pendant cinquante-deux printemps (
=== no match ===
c’est-à-dire pendant la durée d’un cycle, qui se composait, chez les Mexicains, d’une série de cinquante-deux années consécutives).
 
...« A la troisième époque (Soleil) appelée ''Quiahtonatiuh'' (Soleil de Pluie), il tomba une pluie de Feu ; » l’incendie se répandit avec une pluie de Cendres.