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« de l’État-major. » Tandis que la Cour, et notamment le prince Henri de Prusse, le propre frère de l’Empereur, soutenait, sur l’attestation de rattaché militaire turc, qu’il s’agissait bel et bien, non d’une défaite, mais d’une « victoire allemande, » l’État-major, pour sa part, adoptait trois attitudes successives. Dans le premier moment, il avait été porté, par habitude, à nier, dissimuler ou atténuer l’échec. Ensuite il avait cherché, en ergotant, en enveloppant le fait de considérations techniques, à le transformer en succès, et, comme on a dit de la charge que c’était une fuite en avant, volontiers il eût dit, il faisait ou il laissait dire de sa retraite que c’était une victoire à reculons. Et cela n’était pas nouveau, le thème avait déjà servi après le fameux repli de Hindenburg. On n’y changeait, Dieu sait pourquoi, que l’épithète. « D’élastique » sur la Somme, en 1916, le repli, sur la Marne, en 1918, devenait « stratégique. » — « La stratégie, déclarait-on noblement, aura de nouveau la parole. Les événements qui viennent de se dérouler entre Reims, la Marne et Soissons ont montré que la stratégie n’est pas morte. » — En ce sens, la retraite sur la Vesle et sur l’Aisne n’était pas de l’ouvrage ordinaire ; « la façon dont elle s’est opérée a été magistrale et typique; elle pourra être donnée en exemple dans l’histoire de la guerre. » — Enfin, troisième position, puisqu’ils avaient été manques, on s’efforçait de réduire les objectifs. Que s’était-on proposé en attaquant le 15 juillet, avec une trentaine de divisions comme entrée de jeu, sur une soixantaine de kilomètres; Reims, Epernay, Châlons, et, de Montmirail, un retour foudroyant sur Paris? Pas du tout; mais, tout simplement, une marche pour se dégourdir, une promenade au-delà de la Marne. Restreinte à ces proportions, l’affaire n’avait pas pris une si mauvaise tournure. « Nous avons redressé et raccourci notre front. » Mais si l’on n’avait pas d’autre dessein que de redresser le front et de le raccourcir, quelle nécessité, au préalable, de dépenser tant d’hommes et tant de projectiles, tant de sang et tant de fatigues, pour le bomber et l’allonger? — « Seigneur, sans sortir de l’Épire! »
232 REVUE DES DEUX MONDES,


Parallèlement à la réduction de ses objectifs à lui, Ludendorff, à l’usage du public allemand, enfle et boursoufle les nôtres. La presse, qui chante sous son bâton, est attentive et prompte à exploiter jusqu’à l’excès de nos espérances. Si nous en lisions plus soigneusement les articles, nous nous garderions démarquer la plus légère déception quand les choses ne vont pas assez vite ou assez loin, à notre fantaisie. L’Allemand est-il forcé par nous de se retirer sur l’Aisne ou sur la Somme, le Grand Quartier impérial ne craint pas de nous le faire
<« de rÉlal-major. » Tandis que la Cour, et notamment le prince Henri
de Prusse, le propre frère de l’Empereur, soutenait, sur l’attestation
de l’attaché militaire turc, qu’il s’agissait bel et bien, non d’une
défaite, mais d’une « victoire allemande, » l’État-major, pour sa part,
adoptait trois attitudes successives. Dans le premier moment, il
avait été porté, par habitude, à nier, dissimulerou atténuer l’échec.
Ensuite il avait cherché, en ergotant, en enveloppant le fait de
considérations techniques, à le transformer en succès, et, comme
on a dit de la charge que c’était une fuite en avant, volontiers il eût
dit, il faisait ou il laissait dire de sa retraite que c’était une victoire à
reculons. Et cela n’était pas nouveau, le thème avait déjà servi après
le fameux repli de Hindenburg. On n’y changeait, Dieu sait pourquoi,
que l’épilhète. « D’élastique » sur la Somme, en 1916, le repli, sur la
Marne, en 1918, devenait « stratégique. » — « La stratégie, déclarait-on
noblement, aura de nouveau la parole. Les événements qui viennent
de se dérouler entre Reims, la Marne et Soissons ont montré que la
stratégie n’est pas morte. » — En ce sens, la retraite sur la Vesle et sur
l’Aisne n’était pas de l’ouvrage ordinaire ; « la façon dont elle s’est
opérée a été magistrale et typique ; elle pourra être donnée en
exemple dans l’histoire de la guerre. » — Enfin, troisième position,
puisqu’ils avaient été manques, on s’efforçait de réduire les objectifs.
Que s’élait-on proposé en attaquant le 15 juillet, avec une trentaine de
divisions comme entrée de jeu, sur une soixantaine de kilomètres;
Reims, Épernay, Châlons, et, de Montmirail, un retour foudroyant
sur Paris? Pas du tout; mais, tout simplement, une marche pour se
dégourdir, une promenade au delà de la Marne. Restreinte à ces
proportions, l’affaire n’avait pas pris une si mauvaise tournure.
« Nous avons redressé et raccourci notre front. » Mais si l’on n’avait
pas d’autre dessein que de redresser le front et de le raccourcir, quelle
nécessité, au préalable, de dépenser tant d’hommes et tant de projectiles,
tant de sang et tant de fatigues, pour le bomber et l’allonger?

— « Seigneur, sans sortir de l’Épire ! »

Parallèlement à la réduction de ses objectifs à lui, Luden^orfF, à
l’usage du public allemand, enfle et boursoufle les nôtres. La presse,
qui chante sous son bâton, est attentive et prompte à exploiter jusqu’à
l’excès de nos espérances. Si nous en lisions plus soigneusement
les articles, nous nous garderions de marqL er la plus légère déception
quand les choses ne vont pas assez vite ou assez loin, à notre fantaisie.
L’Allemand est-il forcé par nous de se retirer sur l’Aisne ou sur
la Somme, le Grand Quartier impérial ne craint pas de nous le faire