« Le Sphinx des glaces/I/IX » : différence entre les versions

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Formez un rectangle long de soixante-cinq lieues de l’est à l’ouest, large de quarante du nord au sud, enfermez-y deux grandes îles et une centaine d’îlots entre 60° 10’ et 64° 36’ de longitude occidentale, et 51° et 52° 45’ de latitude méridionale, – vous aurez le groupe géographiquement dénommé îles Falklands ou Malouines, à trois cents milles du détroit de Magellan, et qui forme comme le poste avancé des deux grands océans Atlantique et Pacifique.
Formez un rectangle long de soixante-cinq lieues de l’est à l’ouest, large de quarante du nord au sud, enfermez-y deux grandes îles
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Formez un rectangle long de soixante-cinq lieues de l’est à l’ouest, large de quarante du nord au sud, enfermez-y deux grandes îles et une centaine d’îlots entre 60° 10’ et 64° 36’ de longitude occidentale, et 51° et 52° 45’ de latitude méridionale, – vous aurez le groupe géographiquement dénommé îles Falklands ou Malouines, à trois cents milles du détroit de Magellan, et qui forme comme le poste avancé des deux grands océans Atlantique et Pacifique.
 
En 1592, c’est John Davis qui découvrit cet archipel, c’est le pirate Hawkins qui le visita en 1593, c’est Strong qui le baptisa en 1689, – tous Anglais.
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Tous ces échanges, ces « passes » de main en main, amenèrent ce résultat inévitable en matière d’entreprises coloniales : c’est que les Espagnols furent chassés par les Anglais. Donc, depuis 1833, ces étonnants accapareurs sont les maîtres des Falklands.
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Or, il y avait six ans que le groupe comptait parmi les possessions britanniques de l’Atlantique méridional, lorsque notre goélette rallia Port-Egmont, à la date du 16 octobre.
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Si le capitaine Len Guy débarqua ce jour-là, Jem West, suivant son habitude, ne quitta point le bord. Tandis que l’équipage se reposait, le second ne s’accordait aucun repos, et c’est à visiter la cale qu’il s’occupa jusqu’au soir.
 
Pour moi, je ne voulus débarquer que le lendemain. Durant la
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relâche, j’aurais tout le temps d’explorer les alentours de Port-Egmont et de m’y livrer à des recherches relatives à la minéralogie et à la géologie de l’île.
 
Il y avait donc là, pour ce causeur d’Hurliguerly, une excellente occasion de renouer conversation avec moi, et il ne négligea point d’en profiter.
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– À l’île Tsalal… entendu ! répliqua Hurliguerly. Néanmoins, reconnaissez que notre capitaine ne s’en est pas moins montré fort accommodant à votre égard…
 
– Aussi lui en suis-je très obligé, bosseman – et à vous, me
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hâtai-je d’ajouter, puisque c’est à votre influence que je dois d’avoir fait cette traversée…
 
– Et celle que vous allez faire encore…
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Eh bien, si, depuis deux mois, j’eusse navigué, un bandeau aux yeux, sans avoir le sentiment de la direction suivie par la goélette, au cas que l’on m’eût demandé, dès les premières heures de cette relâche : Êtes-vous aux Falklands ou en Norvège ?… ma réponse aurait témoigné de quelque embarras.
 
Assurément, devant ces côtes découpées en criques profondes, devant ces montagnes escarpées aux flancs à pic, devant ces falaises où s’étagent les roches grisâtres, l’hésitation est permise. Il n’y a pas jusqu’à ce climat maritime, exempt des grands écarts de la chaleur et du froid, qui ne soit commun aux deux pays. En outre, les pluies fréquentes du ciel scandinave sont versées avec la même abondance par le ciel magellanique. Puis, ce sont des brouillards intenses
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au printemps et à l’automne, des vents d’une telle violence qu’ils arrachent les légumes des potagers.
 
Il est vrai, quelques promenades m’eussent suffi pour reconnaître que l’Équateur me séparait toujours des parages de l’Europe septentrionale.
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Sur les eaux profondes du détroit de Falkland, qui sépare les deux principales îles, s’étalaient d’extraordinaires végétations aquatiques, ces baudeux, que soutient un chapelet de petites ampoules gonflées d’air, et qui appartiennent uniquement à la flore falklandaise.
 
Reconnaissons aussi que les baies de cet archipel, où les baleines se raréfiaient déjà, étaient fréquentées par d’autres mammifères marins de taille énorme, – des phoques otaries à crinière de chèvre, longs de vingt-cinq pieds sur une vingtaine de circonférence, et, par bandes, des éléphants, loups ou lions de mer, de proportions non moins gigantesques. On ne saurait se figurer la violence des cris que poussent ces amphibies, – particulièrement les femelles et les jeunes. C’est à croire que des troupeaux de bœufs mugissent sur ces
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plages. La capture, ou tout au moins l’abattage de ces animaux, n’offre ni difficultés ni périls. Les pêcheurs les tuent d’un coup de bâton lorsqu’ils sont blottis sous le sable des grèves.
 
Voilà donc les particularités qui différencient la Scandinavie des Falklands, sans parler du nombre infini d’oiseaux qui se levaient à mon approche, des outardes, des cormorans, des grèbes, des cygnes à tête noire, et surtout ces tribus de manchots ou de pingouins, dont on massacre annuellement plusieurs centaines de mille.
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Pendant les journées des 17, 18 et 19 octobre, Jem West fit procéder à un examen très attentif de la coque. Il fut constaté qu’elle n’avait aucunement souffert. L’étrave parut assez solide pour briser les jeunes glaces aux abords de la banquise. On fit à l’étambot plusieurs réparations confortatives, de manière à assurer le jeu du gouvernail sans qu’il risquât d’être démonté par les chocs. La goélette étant gîtée sur tribord et sur bâbord, plusieurs coutures furent étoupées et brayées très soigneusement. Ainsi que la plupart des navires destinés à naviguer dans les mers froides, l’''Halbrane'' n’était point doublée en cuivre, – ce qui est préférable, lorsqu’on doit frôler des icefields dont les arêtes aiguës détériorent facilement un carénage. On remplaça un certain nombre des gournables qui liaient le bordé à la membrure, et, sous la direction de Hardie, notre maître-calfat, les maillets « chantèrent » avec un ensemble et une sonorité de bon augure.
 
Dans l’après-midi du 20, en compagnie de ce vieux marin dont j’ai parlé – un brave homme très sensible à l’appât d’une piastre arrosée
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d’un verre de gin –, je poussai plus avant ma promenade à l’ouest de la baie. Cette île de West-Falkland dépasse en étendue sa voisine la Soledad, et possède un autre port, à l’extrémité de la pointe méridionale de Byron’s-Sound, – trop éloigné pour que je pusse m’y rendre.
 
Je ne saurais – même approximativement – évaluer la population de cet archipel. Peut-être ne comptait-il alors que deux à trois centaines d’individus. Anglais la plupart, puis quelques Indiens, Portugais, Espagnols, Gauchos des Pampas argentines, Fuégiens de la Terre de Feu. D’autre part, c’était par milliers et milliers de têtes qu’il fallait chiffrer les représentants de la race ovine disséminés à sa surface. Plus de cinq cent mille moutons fournissent, chaque année, pour plus de quatre cent mille dollars de laine. On élève aussi sur ces îles des bœufs dont la taille semble s’être accrue, alors qu’elle diminuait chez les autres quadrupèdes, chevaux, porcs, lapins, – tous, d’ailleurs, vivant à l’état sauvage. Quant au chien-renard, d’une espèce particulière à la faune falklandaise, il est seul à rappeler dans ce pays la gent carnassière.
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Les travaux de la coque terminés, le lieutenant s’occupa de la mâture et du gréement avec l’aide de notre maître-voilier Martin Holt très entendu à ce genre de travail.
 
« Monsieur Jeorling, me dit, ce jour-là – 21 octobre – le capitaine
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Len Guy, vous le voyez, rien ne sera négligé pour assurer le succès de notre campagne. Tout ce qui était à prévoir est prévu. Et si l’''Halbrane'' doit périr en quelque catastrophe, c’est qu’il n’appartient pas à des êtres humains d’aller contre les desseins de Dieu !
 
– Je vous le répète, j’ai bon espoir, capitaine, ai-je répondu. Votre goélette et votre équipage méritent toute confiance.
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– N’aurez-vous pas besoin d’un équipage plus nombreux à bord de l’''Halbrane'' ?… Si ses hommes sont en nombre suffisant pour la manœuvrer, peut-être y aura-t-il lieu d’attaquer ou de se défendre dans ces parages de la mer antarctique ?… N’oublions pas que, d’après le récit d’Arthur Pym, les indigènes de l’île Tsalal se comptaient par milliers… Et si votre frère William Guy, si ses compagnons sont prisonniers…
 
– J’espère, monsieur Jeorling, que l’''Halbrane'' sera mieux protégée par notre artillerie que la ''Jane'' ne l’a été avec la sienne. À dire
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vrai, l’équipage actuel, je le sais, ne saurait suffire pour une expédition de ce genre. Aussi me suis-je préoccupé de recruter un supplément de matelots…
 
– Sera-ce difficile ?…
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La nouvelle que la goélette devait faire route à travers les mers de l’Antarctide avait produit une certaine sensation dans les Falklands, à Port-Egmont comme aux divers ports de la Soledad. Il s’y trouvait, à cette époque, nombre de marins inoccupés, – de ceux qui attendent le passage des baleiniers pour offrir leurs services, bien rétribués d’habitude. S’il ne se fût agi que d’une campagne de pêche sur les limites du cercle polaire, entre les parages des Sandwich et de la Nouvelle-Géorgie, le capitaine Len Guy n’aurait eu que l’embarras du choix. Mais, de s’enfoncer au-delà de la banquise, de pénétrer plus avant qu’aucun autre navigateur n’y avait réussi jusqu’alors, et bien que ce fût dans le but d’aller au secours de naufragés, cela pouvait donner à réfléchir, faire hésiter la plupart. Il fallait être de ces anciens marins de l’''Halbrane'' pour ne point s’inquiéter des dangers d’une pareille navigation, et consentir à suivre leur chef aussi loin qu’il lui plairait d’aller.
 
En réalité, il n’était question de rien de moins que de tripler l’équipage
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de la goélette. En comptant le capitaine, le lieutenant, le bosseman, le cuisinier et moi, nous étions treize à bord. Or, de trente-deux à trente-quatre hommes, ce ne serait point trop, et il ne faut pas oublier qu’ils étaient trente-huit sur la ''Jane''.
 
Il est vrai, de s’adjoindre le double des matelots qui formaient actuellement l’équipage, cela ne laissait pas de causer certaine appréhension. Ces marins des Falklands, à la disposition des baleiniers en
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relâche, offraient-ils toutes les garanties désirables ? Si, d’en introduire quatre ou cinq à bord d’un navire dont le personnel est déjà élevé, ne comporte pas de graves inconvénients, il n’en serait pas ainsi en ce qui concernait la goélette.
 
Cependant le capitaine Len Guy espérait qu’il n’aurait point à se repentir de ses choix, du moment que les autorités de l’archipel y prêtaient les mains.
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Cinq étaient d’origine américaine (États-Unis), et huit de nationalité plus douteuse –, les uns appartenant à la population hollandaise, les autres mi-Espagnols et mi-Fuégiens de la Terre de Feu. Le plus jeune avait dix-neuf ans, le plus âgé en avait quarante-quatre. La plupart n’étaient point étrangers au métier de marin, ayant déjà navigué, soit au commerce, soit à la pêche des baleines, phoques et autres amphibies des parages antarctiques. L’engagement des autres n’avait eu pour but que d’accroître le personnel défensif de la goélette.
 
Cela faisait donc un total de dix-neuf recrues, enrôlées pour la durée de la campagne, qui ne pouvait être déterminée d’avance, mais
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qui ne devait pas les entraîner au-delà de l’île Tsalal. Quant aux gages, ils étaient tels qu’aucun de ces matelots n’en avait jamais eu même la moitié au cours de leur navigation antérieure.
 
Tout compte fait, sans parler de moi, l’équipage, compris le capitaine et le lieutenant de l’''Halbrane'', se montait à trente et un hommes –, plus un trente-deuxième sur lequel il convient d’attirer l’attention d’une façon spéciale.
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– Alors que faisais-tu ici ?…
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– Rien… et je ne songeais plus à naviguer…
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Ce qui imprimait à la physionomie de cet individu un caractère particulier – cela ne prévenait guère en sa faveur –, c’était la superacuité du regard de ses petits yeux, sa bouche presque sans lèvres, fendue d’une oreille à l’autre, et dont les dents longues, à l’émail intact, n’avaient jamais été attaquées du scorbut, si commun chez les marins des hautes latitudes.
 
Il y avait trois ans que Hunt habitait les Falklands, d’abord un des ports de la Soledad, à la baie des Français, puis, en dernier lieu, Port-Egmont. Peu communicatif, il vivait seul, d’une pension de retraite –, à quel titre, on l’ignorait. N’étant à la charge ni de l’un ni de l’autre, il s’occupait de pêche, et ce métier aurait suffi à lui
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assurer l’existence, soit qu’il se fût nourri de son produit, soit qu’il en eût fait le commerce.
 
Les renseignements que rapporta le capitaine Len Guy sur le compte de Hunt ne pouvaient être que très incomplets, sauf en ce qui concernait sa conduite depuis qu’il résidait à Port-Egmont. Cet homme ne se battait pas, il ne buvait pas, on ne le voyait point avec un coup de trop, et maintes fois, il avait donné des preuves d’une force herculéenne. Quant à son passé, on ne savait, mais certainement c’était celui d’un marin. Il en avait dit là-dessus au capitaine Len Guy plus qu’il n’en eût jamais dit à personne. Pour le reste, silence obstiné, aussi bien sur la famille à laquelle il appartenait, que sur le lieu précis de sa naissance. Peu importait, d’ailleurs, si l’on pouvait tirer de bons services de ce matelot.
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Le 27, au matin, en présence des autorités de l’archipel, les préparatifs de l’appareillage s’achevèrent avec une remarquable célérité. On échangea les derniers souhaits et les derniers adieux. Puis, l’ancre remonta du fond, et la goélette prit de l’erre.
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Le vent soufflait du nord-ouest, en petite brise, et, sous ses hautes et basses voiles, l’''Halbrane'' se dirigea vers les passes. Une fois au large, elle mit le cap à l’est, afin de doubler la pointe de Tamar-Hart, à l’extrémité du détroit qui sépare les deux îles. Dans l’après-midi, la Soledad fut contournée et laissée sur bâbord. Enfin, le soir venu, les caps Dolphin et Pembroke disparurent derrière les brumes de l’horizon.
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| [[Le Sphinx des glaces/I/VIII|Chapitre VIII]]
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| [[Le Sphinx des glaces/I/
=== no match ===
X|Chapitre X]]
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