« Les Frères Karamazov (trad. Henri Mongault)/II/06 » : différence entre les versions

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Le starets leva la main et voulut de sa place faire le signe de la croix sur Ivan Fiodorovitch. Mais celui-ci se leva, alla à lui, reçut sa bénédiction et, lui ayant baisé la main, regagna sa place sans mot dire. Il avait l’air ferme et sérieux. Cette attitude et toute sa conversation précédente avec le starets, qu’on n’attendait pas de lui, frappèrent tout le monde par je ne sais quoi d’énigmatique et de solennel ; de sorte qu’un silence général régna pour un instant, et que le visage d’Aliocha exprima presque l’effroi. Mais Mioussov leva les épaules en même temps que Fiodor Pavlovitch se levait.
 
« Divin et saint starets, s’exclama-t-il en désignant Ivan Fiodorovitch, voilà mon fils bien-aimé, la chair de ma chair ! C’est pour ainsi dire mon très révérencieux Karl Moor, mais voici mon autre fils qui vient d’arriver, Dmitri Fiodorovitch, contre lequel je demande satisfaction auprès de vous, c’est le très irrévérencieux Franz Moor, — tous deux empruntés aux Brigands de Schiller — et moi, dans la circonstance, je suis le Regierender Graf von Moor<ref>Ce sont là les personnages principaux des Brigands de Schiller (1781). Dès l’âge de dix ans Dostoïevski s’enthousiasma pour cette pièce que son frère Michel devait traduire en 1857. Les thèmes schillériens sont fort nombreux dans Les frères Karamazov. La question a été étudiée par M. Tchijevski dans la Zeitschrift für slavische Philologie, 1929, VI : Schiller und Brüder Karamazov. Cet article, très intéressant, n’épuise peut-être pas le sujet : l’influence de Schiller, notamment du Schiller de la première période, se fait sentir non seulement dans les idées mais dans le style de notre auteur.</ref> ! Jugez-nous et sauvez-nous ! Nous avons besoin non seulement de vos prières, mais de vos pronostics.
 
— Parlez d’une manière raisonnable et ne commencez pas par offenser vos proches », répondit le starets d’une voix exténuée. Sa fatigue augmentait et ses forces décroissaient visiblement.
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Il eut un regard circulaire et désigna le vieillard de la main. Il parlait sur un ton lent, mesuré.
 
« L’entendez-vous, moines, l’entendez-vous, le parricide, s’écria Fiodor Pavlovitch en s’en prenant au Père Joseph. Voilà la réponse à votre « c’est honteux ! » Qu’est-ce qui est honteux ? Cette « créature », cette « femme de mauvaise vie » est peut-être plus sainte que vous tous, messieurs les religieux, qui faites votre salut ! Elle est peut-être tombée dans sa jeunesse, victime de son milieu, mais « elle a beaucoup aimé » ; or le Christ aussi a pardonné à celle qui avait beaucoup aimé…<ref>Luc, VII, 47.</ref>
 
— Ce n’est pas un amour de ce genre que le Christ a pardonné… laissa échapper dans son impatience le doux Père Joseph.