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misères et les besoins de l’armée, le gérant du ministère de la Guerre, qui marche avec lui la main dans la main, M. Savinkoff, avait demandé à entrer. La porte lui avait été refusée. Et l’on parlait de leur retraite à tous les deux. Le gouvernement démentait. Mais il flottait une incertitude, un malaise, et plus que du malaise. On croyait sentir Kerensky lui-même hésitant. Plus on le croyait, plus la froideur des modérés et plus l’audace des forcenés s’accentuaient. Les bandes de Lénine, à Moscou même, fomentaient grève sur grève, contrôle spectre de la réaction, contre le fantôme de l’impérialisme, contre la guerre, contre la patrie, contre les Alliés, contre le gouvernement, contre l’Assemblée nationale.
476 REVUE DES DEUX MONDES.i


C’est dans ces conditions pénibles, presque tragiques, que l’Assemblée se réunit. Nous ne referons pas ici le récit de ses séances, qu’on a pu suivre dans les journaux. Les points culminans du débat furent les discours de Kerensky, de Tchkeidzé et de Tseretelli. Ou plus exactement, le point vif fut l’accueil fait à Tchkeidzé quand il se présenta, salué des cris de : « Vive le chef de la révolution russe ! », comme si on l’opposait virtuellement à Kerensky, ou comme si, en sa personne, les Soviets s’opposaient au gouvernement; l’accueil fait à Tseretelli, quand il descendit après avoir expliqué ce que pouvaient, ce que devaient et ce qu’entendaient faire les organisations démocratiques, comme si on l’opposait mentalement aux deux ou trois cadets restés dans le ministère et comme si, en sa personne, les classes ouvrières s’opposaient à la bourgeoisie. Ils ne furent dominés que par l’arrivée et la harangue de Korniloff. Une poignée d’hommes supérieurs, à la Lénine, affectèrent bien des mines insolentes, restèrent assis lorsque toute la salle se levait, et ricanèrent, mais le frisson passa. Un instant, il fut clair aux yeux les plus aveuglément fermés que la Russie était aux armées, réfugiée dans les bras de son chef militaire, et qu’elle n’en serait arrachée que pour être égorgée. Ou là ou nulle part. Ou la bataille ou la mort.
misères et les besoins de l’armée, le gérant du ministère de la Guerre,
qui marche avec lui la main dans la main, M. Savinkoff, avait
demandé à entrer. La porte lui avait été refusée . Et l’on parlait de
leur retraite à tous les deux. Le gouvernement démentait. Mais il
flottait une incertitude, un malaise, et plus que du malaise. On croyait
sentir Kerensky lui-même hésitant. Plus on le croyait, plus la froideur
des modérés et plus l’audace des forcenés s’accentuaient. Les
bandes de Lénine, à Moscou même, fomentaient grève sur grève,
contre le spectre de la réaction, contre le fantôme de l’impérialisme,
contre la guerre, contre la patrie, contre les Alliés, contre le gouvernement,
contre l’Assemblée nationale.


Ainsi que le chef militaire, le chef civil, M. Kerensky, qui, comme président du Conseil, présidait l’Assemblée nationale, parla. Il parlà à deux reprises, pour ouvrir et pour clore la discussion. S’il y avait eu un instant hésitation dans sa pensée, il n’y en eut plus dans ses paroles. De nouveau, il prononça les mots dictatoriaux, les mots jacobins, les mots romains, la formule du fer et du sang. Le gouvernement avait convoqué les citoyens d’un grand pays Libre, non pour des controverses politiques, mais pour qu’ils entendissent la vérité, pour que pas un d’eux ne pût dire qu’il l’avait ignorée. Si la
C’est dans ces conditions pénibles, presque tragiques, que l’Assemblée
se réunit. Nous ne referons pas ici le récit de ses séances,
qu’on a pu suivre dans les journaux. Les points culminans du débat
furent les discours de Kerensky, de Tchkeidzé et de Tseretelti. Ou
plus exactement, le point vif fut l’accueil fait à Tchkeidzé quand il
se présenta, salué des cris de : « Vive le chef de la révolution russe! »,
comme si on l’opposait virtuellement à Kerensky, ou comme si, en
sa personne, les Soviets s’opposaient au gouvernement; l’accueil fait
à TseretelU, quand il descendit après avoir expliqué ce que pouvaient,
ce que devaient et ce qu’entendaient faire les organisations démocratiques,
comme si on l’opposait mentalement aux deux ou trois cadets
restés dans le ministère et comme si, en sa personne, les classes
ouvrières s’opposaient à la bourgeoisie. Ils ne furent dominés que par
l’arrivée et la harangue de KornilofT. Une poignée d’hommes supérieurs,
à la Lénine, affectèrent bien des mines insolentes, restèrent
assis lorsque toute la salle se levait, et ricanèrent, mais le frisson
passa. Un instant, il fut clair aux yeux les plus aveuglément fermés
que la Russie était aux armées, réfug:iée dans les bras de son chef
mihlaire, et qu’elle n’en serait arrachée que pour être égorgée. Ou
là ou nulle part. Ou la bataille ou la mort.

Ainsi que le chef militaire, le chef civil, M. Kerensky, qui,
comme président du Conseil, présidait l’Assemblée nationale, parla.
11 parla à deux reprises, pour ouvrir et pour clore la discussion. S’il y
avait eu un instant hésitation dans sa pensée, il n’y en eut plus dans
ses paroles. De nouveau, il prononça les mots dictatoriaux, les mots
jacobins, les mots romains, la formule du fer et du sang. Le gouvernement
avait convoqué les citoyens d’an grand pays Ubre, non
pour des controverses politiques, mais pour qu’ils entendissent la
vérité, pour que pas un d’eux ne pût dire qu’il l’avait ignorée. Si la