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Toute passion est eloquenteéloquente ; tout homme persuadepersuadé persuade ; pour arracher des pleurs, il faut pleurer;
l'enthousiasme est contagieux, a−t−on dit.
 
Prenez une femme et arrachez−lui son enfant; rassemblez tous les rheteursrhéteurs de la terre, et vous pourrez dire: A
la mort, et allons dinerdîner. Ecoutez la meremère ; d'ou vient qu'elle a trouvetrouvé des cris, des pleurs qui vous ont attendri,
et que la sentence vous est tombeetombée des mains ? On a parleparlé comme d'une chose etonnanteétonnante de l'eloquenceéloquence de
Ciceron et de la clemenceclémence de CesarCésar; si CiceronCicéron eut eteété le perepère de Ligarius, qu'en eut−on dit? Il n'y avait rien la
que de simple.
 
Et en effet, il est un langage qui ne trompe point, que tous les hommes entendent, et qui a eteété donnedonné aà tous les
hommes, c'est celui des grandes passions comme des grands evenementsévènements, sunt lacrymae rerum ; il est des
moments ou toutes les amesâmes se comprennent, ou Israel se levelève tout entier comme un seul homme.
Qu'est−ce que l'eloquenceéloquence? dit DemostheneDémosthene. L'action, l'action, et puis encore l'action.—Mais — Mais, en morale
comme en physique, pour imprimer du mouvement, il faut en possederposséder soi−meme. Comment se
communique−t−il? Ceci vient de plus haut ; qu'il vous suffise que les choses se passent ainsi. Voulez−vous
emouvoir, soyez emuému ; pleurez, vous tirerez des pleurs ; c'est un cercle ou tout vous rameneramène et d'ou vous ne
pouvez sortir. Je vous le demande, aà quoi nous eut servi le don de nous communiquer nos ideesidées si, comme a
Cassandre, il nous eut eteété refuserefusé la facultefaculté de nous faire croire? Quel fut le plus beau moment de l'orateur
romain? Celui ou les tribuns du peuple lui interdisaient la parole. —Romains, s'ecria−t−ilécria−t−il, je jure que j'ai sauvesauvé
la republiquerépublique! Et tout le peuple se leva, criant : Nous jurons qu'il a dit la veritevérité.
Et tout ce que nous venons de dire de l'eloquenceéloquence, nous le dirons de tous les arts, car tous les arts ne sont que
la mememême langue differemmentdifféremment parleeparlée. Et en effet, qu'est−ce que nos ideesidées? Des sensations, et des sensations
compareescomparées. Qu'est−ce que les arts, sinon les diverses manieresmanières d'exprimer nos ideesidées?
Rousseau, s'examinant soi−memesoi−même et se confrontant avec ce modelemodèle idealidéal que tous les hommes portent grave
dans leur conscience, traca un plan d'educationéducation par lequel il garantissait son eleveélève de tous ses vices, mais en
mememême temps de toutes ses vertus. Le grand homme ne s'apercut pas qu'en donnant aà son Emile ce qui lui
manquait, il lui otaitôtait ce qu'il possedaitposs&dait lui−memelui−même. Cet homme eleve&lévé au milieu du rire et de la joie serait
comme un athleteathlète eleveélévé loin des combats. Pour etreêtre un Hercule, il faut avoir etouffeétouffé les serpents desdès le
berceau. Tu veux lui epargnerépargner la lutte des passions, mais est−ce donc vivre que d'avoir eviteévité la vie ? Qu'est−ce
qu'exister ? dit Locke. C'est sentir. Les grands hommes sont ceux qui ont beaucoup senti, beaucoup vecu ; et
souvent, en quelques anneesannées, on a vecuvécu bien des vies. Qu'on ne s'y trompe pas, les hauts sapins ne croissent
que dans la regionrégion des orages. AthenesAthènes, ville de tumulte, eut mille grands hommes ; Sparte, ville de l'ordre,
n'en eut qu'un, Lycurgue; et Lycurgue etaitétait ne avant ses lois.
 
Aussi voyons−nous la plupart des grands hommes apparaitreapparaître au milieu des grandes fermentations populaires ;
HomereHomère, au milieu des sieclessiècles heroiqueshéroïques de la GreceGrèce ; Virgile, sous le triumvirat ; Ossian, sur les debrisdébris de sa
patrie et de ses dieux ; Dante, l'Arioste, le Tasse, au milieu des convulsions renaissantes de l'Italie ; Corneille et
Racine, au sieclesiècle de la Fronde ; et enfin Milton, entonnant la premierepremière revolterévolte au pied de l'echafaudéchafaud sanglant de
White−Hall.
Et si nous examinons quel fut en particulier le destin de ces grands hommes, nous les voyons tous tourmentestourmentés
par une vie agiteeagitée et miserablemisérable. Camoens fend les mers son poemepoème aà la main ; d'Ercilla ecritécrit ses vers sur des
peaux de betesbêtes dans les foretsforêts du Mexique. Ceux−laCeux−là que les souffrances du corps ne distraient pas des
souffrances de l'ameâme trainenttraînent une vie orageuse, devoresdévorés par une irritabiliteirritabilité de caracterecaractère qui les rend aà charge aeux−memeseux−mêmes et aà ceux qui les entourent. Heureux ceux qui ne meurent pas avant le temps, consumesconsumés par
l'activite de leur propre geniegénie, comme Pascal ; de douleur, comme Moliere et Racine; ou vaincus par les
terreurs de leur propre imagination, comme ce Tasse infortune !
 
Admettant donc ce principe reconnu de toute l'antiquiteantiquité, que les grandes passions font les grands hommes,
nous reconnaitronsreconnaîtrons en mememême temps que, de mememême qu'il y a des passions plus ou moins fortes, de mememême il
existe divers degresdegrés de geniegénie.
 
Et, examinant maintenant quelles sont les choses les plus capables d'exciter la violence de nos passions,
c'est−a−direest−à−dire de nos desirsdésirs, qui ne sont eux−memes que des volontesvolontés plus ou moins prononceesprononcées, jusqu'aà cette
volontevolonté ferme et constante par laquelle on desiredésire une chose toute sa vie, tout ou rien, comme CesarCésar, levier
terrible par lequel l'homme se brise lui−memelui−même, nous tomberons d'accord que, s'il existe une chose capable
d'exciter une volonte pareille dans une ameâme noble et ferme, ce doit etreêtre sans contredit ce qu'il y a de plus grand
parmi les hommes.
 
Or, jetant maintenant les yeux autour de nous, consideronsconsidérons s'il est une chose aà laquelle cette denominationdénomination
sublime ait eteété justement attribueeattribuée par le consentement unanime de tous les temps et de tous les peuples.
 
Et nous voici, jeunes gens, arrivesarrivés en peu de paroles aà cette veritevérite ravissante devant laquelle toute la
philosophie antique et le grand Platon lui−memelui−même avaient reculereculé. Que le geniegénie, c'est la vertu !
Poetes, ayez toujours l'austeriteaustérite d'un but moral devant les yeux. N'oubliez jamais que par hasard des enfants
peuvent vous lire. Ayez pitiepitié des tetestêtes blondes.
 
On doit encore plus de respect aà la jeunesse qu'aà la vieillesse.
 
L'homme de geniegénie ne doit reculer devant aucune difficultedifficulté ; il fallait de petites armes aux hommes ordinaires ;
aux grands athletesathlètes, il leur fallait les cestes d'Hercule.
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