« Quelques créatures de ce temps » : différence entre les versions

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==[[Page:Goncourt - Quelques créatures de ce temps, 1878.djvu/9]]==
 
PRÉFACE
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sur des mauves enroulées? Ce devait être un plat, la guirlande devait
courir tout autour; mais ce n'est qu'un morceau, et les derniers
bouquets appellent vainement ceux qui devaient suivre. Un tesson, rienvainem
==[[Page:Goncourt - Quelques créatures de ce temps, 1878.djvu/10]]==
ent
==[[Page:Goncourt - Quelques créatures de ce temps, 1878.djvu/11]]==
ceux qui devaient suivre. Un tesson, rien
qu'un tesson; mais les feuilles incisées et lobées sont d'un rendu si
vrai, elles courent en spirales ou s'épanouissent si harmonieusement,
elles se joignent, se nouent, se marient et se dénouent d'une si
gracieuse façon; il est si heureux et si spirituel ce retour à la flore
==[[Page:Goncourt - Quelques créatures de ce temps, 1878.djvu/12]]==
retour à la flore
ornementée du moyen âge,--que les gens du métier vous diront: c'est une
œuvre. Cela et un pan de coffre,--encore un fragment,--qu'on a essayé de
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épingle--de petits meubles, de petits objets. C'était moelleux, soyeux
et douillet, un vrai nid... et tapissé! Même au plafond, P... avait mis
une tapisserie,--un de ces grands bois où courent des chasseurs end
==[[Page:Goncourt - Quelques créatures de ce temps, 1878.djvu/13]]==
e ces grands bois où courent des chasseurs en
veste Louis XV, une vieille tapisserie harmonisée en ses tons verdâtres,
et que P... avait relevée de baguettes dorées.--Là dedans, au fond,
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ou à peu près,--faisant de grandes imaginations pour ces petits riens
abandonnés de tout goût et de toute grâce depuis bien des années, et
toujours pensant aux Grecs, ce peuple béni des arts, qui mettait
==[[Page:Goncourt - Quelques créatures de ce temps, 1878.djvu/14]]==
Grecs, ce peuple béni des arts, qui mettait
jusqu'aux tuiles de ses maisons les arabesques de sa fantaisie.
 
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d'algues et de feuilles lancéolées courant l'une après l'autre, où
fourmillaient scarabées, bêtes à bon Dieu, sauterelles émaillées en leur
couleur. Le coffret fini, P... alla le porter à madame la duchesse
==[[Page:Goncourt - Quelques créatures de ce temps, 1878.djvu/15]]==
le porter à madame la duchesse
d'Orléans. Madame la duchesse d'Orléans, en qui revivait cette
intelligente protection des arts familière à Ferdinand d'Orléans,
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ôtant, remaniant et revenant, et toujours à faire œuvre de son ébauchoir
enfiévré. Le Christ ne venait pas, ne sortait pas. Ses amis haussaient
 
==[[Page:Goncourt - Quelques créatures de ce temps, 1878.djvu/16]]==
les épaules. Ils ne comprenaient pas que ce Christ était une envie de
mourant, et que les artistes ressemblent aux femmes qui, avant de
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Le lendemain matin, en entrant, on vit P...,--dont les veines s'étaient
cavées dans la nuit, --toujours une main à lever le rideau, toujours le
==[[Page:Goncourt - Quelques créatures de ce temps, 1878.djvu/17]]==
toujours une main à lever le rideau, toujours le
visage tendu vers la femme.
 
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Du mort, il ne reste qu'un peu de cire et de plâtre, et le nom de Possot
qui vit encore dans la mémoire de quelques amis.
==[[Page:Goncourt - Quelques créatures de ce temps, 1878.djvu/18]]==
 
 
 
==[[Page:Goncourt - Quelques créatures de ce temps, 1878.djvu/19]]==
 
VICTOR CHEVASSIER
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Maman est trop âgée, elle a maintenant la tête trop affaiblie et le
corps trop malingre, pour que je la laisse toute aux soins d'une
 
==[[Page:Goncourt - Quelques créatures de ce temps, 1878.djvu/20]]==
servante;--et elle s'est trop envieillie en cette vie de campagne, et
elle a trop vécu en la maison de mon père pour que j'essaye de la tirer
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bichets de blé. Je me suis défendu d'eux le mieux que j'ai pu: mais je
crains bien qu'ils n'aient percé mon ignorance, et ils ont dû s'en aller
en se disant
en se disant qu'ils auraient meilleur marché du fils que du père.--Ils
==[[Page:Goncourt - Quelques créatures de ce temps, 1878.djvu/21]]==
qu'ils auraient meilleur marché du fils que du père.--Ils
apportaient à maman le beurre de la redevance. Il a fallu fondre le
beurre; et puis, on va faire la lessive. Maman a mis tremper tout le
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2 juillet.--Je me suis installé tout à fait dans la bibliothèque; je
suis là avec mes vieux livres rustiques et mal vêtus, mais qui me
==[[Page:Goncourt - Quelques créatures de ce temps, 1878.djvu/22]]==
rustiques et mal vêtus, mais qui me
semblent mieux amis pour cela même. Je me mets à ne plus lire, mais à
relire. Je me suis retiré en une société petite, mais choisie.--Maman
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tout, c'est cinq ans, dix ans peut-être d'étude. Ma pensée se trempera
aux amertumes de la solitude, et sortira plus aguerrie et plus virile
pour la lutte. J'apporterai aux âpres polémiques une verve mûrie, et
==[[Page:Goncourt - Quelques créatures de ce temps, 1878.djvu/23]]==
une verve mûrie, et
toute une jeunesse condensée et impatiente.
 
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que j'ai écrit dans les journaux contre le gouvernement, ce qui
contribue encore beaucoup à me faire regarder comme quelqu'un
d'étrange.--Il faut tout penser en soi, en cette terre abdéritaine. Pas
==[[Page:Goncourt - Quelques créatures de ce temps, 1878.djvu/24]]==
penser en soi, en cette terre abdéritaine. Pas
une oreille digne de vous.--Les petits châtelains des environs sont des
paysans de la pire espèce.--Véritablement, je suis comme dans un pays
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soin de nos affaires, que ce n'était pas la peine d'avoir un fils qui ne
sût pas mettre tout ce qu'il faut dans un bail...--J'ai écrit à Paris
pour avoir un portrait d'Armand Carrel.Arman
==[[Page:Goncourt - Quelques créatures de ce temps, 1878.djvu/25]]==
d Carrel.
 
Septembre.--Cette allée du jardin est tout étroite et longue. Elle a
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Nantouillet.--Une vingtaine de rosiers régulièrement distancés de vingt
pas en vingt pas, comme des sentinelles, sont sur le bord de l'allée, et
je pourrais dire, tant je les ai vus de fois, la forme de chacun, et le
==[[Page:Goncourt - Quelques créatures de ce temps, 1878.djvu/26]]==
ai vus de fois, la forme de chacun, et le
dessin des bouquets de feuilles, et celui qui a sur son petit tronc une
ligature de soie bleue pour une bouture, je pense.--Je sais tout de
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dans la campagne. Un pays plat à perte de vue, des champs coupés à la
règle. Des paysans passent sur des voitures de foin, dormant les yeux
ouverts. Puis le cri des roues dans les essieux diminue et finit. Le
==[[Page:Goncourt - Quelques créatures de ce temps, 1878.djvu/27]]==
Le
paysage est immobile comme un décor, et j'en veux à la campagne de son
calme et de son silence. Je prends la fièvre à voir cette nature qui ne
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Voilà les huit plus longs jours que j'aie vécu. On a cuit des poires au
four. Maman m'a pris la bibliothèque pour les faire sécher sur des
==[[Page:Goncourt - Quelques créatures de ce temps, 1878.djvu/28]]==
bibliothèque pour les faire sécher sur des
claies. Il pleut. Je me tiens en bas, regardant par les carreaux la
pluie, et forcé de recevoir qui vient.
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être prêt à toutes les heures de cette vie militante! La guerre de la
tête enfin! Oh! les belles fatigues!--Le journal de Blangin est fondé.
Le premier numéro, à ce qu'il m'écrit, a fait un certain tapage.
==[[Page:Goncourt - Quelques créatures de ce temps, 1878.djvu/29]]==
ce qu'il m'écrit, a fait un certain tapage.
J'avais envoyé la carcasse du programme.
 
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nous avons bien 100 000 fr.; mais au taux de la terre, cela ne rapporte
guère que 2000 fr. Il est donc impossible d'aller habiter Paris. Du
reste, ma mère ne voudrait jamais y consentir. C'est par moment des
==[[Page:Goncourt - Quelques créatures de ce temps, 1878.djvu/30]]==
y consentir. C'est par moment des
vœux impies...
 
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marchandait et l'on comptait son argent. Tout le monde, dans la salle,
paraissait du sentiment de l'individu.--M. Langot est un gros homme qui
paraît inoffensif. Je n'ai pu tirer de mademoiselle Langot que des oui
==[[Page:Goncourt - Quelques créatures de ce temps, 1878.djvu/31]]==
Langot que des oui
et des non. Elle n'est pas jolie. Elle a l'air doux. Ma mère m'a dit
qu'elle chantait au piano, et qu'elle devait avoir deux cent mille
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de...--Aristophane aurait fait une belle comédie avec cette idée et sous
ce titre: «Prométhée, gendre de Plutus.»--Journellement, pour les riens
du ménage, ce sont des scènes entre maman et ma femme; maman memama
==[[Page:Goncourt - Quelques créatures de ce temps, 1878.djvu/32]]==
n et ma femme; maman me
reproche de ne pas la faire respecter par ma femme; ma femme me dit que
je donne toujours raison à maman. Je suis ballotté entre ces deux
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M. Dumont, de Levecourt, est mieux qu'une ressource; il a un charme de
rapports et d'esprit, et des façons cordiales, qui me poussent de jour
==[[Page:Goncourt - Quelques créatures de ce temps, 1878.djvu/33]]==
et des façons cordiales, qui me poussent de jour
en jour à son amitié.--C'est un ancien garde du corps; et quoique nous
différions entièrement de manière de voir politique, nous discutons sans
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10 décembre 1847.--Ma femme a vendu 17 fr. 50 cent. les paires de
Colombey, à Jangeneux, marchand de blé à Gray, payable au 1er avril.
==[[Page:Goncourt - Quelques créatures de ce temps, 1878.djvu/34]]==
marchand de blé à Gray, payable au 1er avril.
 
26 février 1848.--Le percepteur vient de m'arrêter sur la place; il m'a
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==[[Page:Goncourt - Quelques créatures de ce temps, 1878.djvu/35]]==
 
BUISSON
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pièces, a réuni tous les _états_, mettant devant ces chères images les
vers explicatifs gravés eux aussi à l'eau-forte et faisant choix des
tirages, et les échelonnant l'un après l'autre,--ce livre tient l'Œuvreéch
==[[Page:Goncourt - Quelques créatures de ce temps, 1878.djvu/36]]==
elonnant l'un après l'autre,--ce livre tient l'Œuvre
d'un artiste. Feuilletez-le en ses pages; et vous aurez le recueil des
imaginations de Buisson, de son premier à son dernier jour,--du jour où
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les bajoues piquées de poils rudes comme des soies de porc, le museau
plissé et relevé pour montrer de petits crocs blancs, incisifs et
entêtés,
entêtés, chiens tout nerfs et chair, sanglés dans leur peau, et les
==[[Page:Goncourt - Quelques créatures de ce temps, 1878.djvu/37]]==
chiens tout nerfs et chair, sanglés dans leur peau, et les
rognons et le train de derrière puissants comme chez certains monstres
assyriens. Par les rues, il se cognait parfois à des habits grotesques,
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eut à l'Exposition de 1842 «deux dogues», tableau acquis par la Société
des amis des arts. Son tableau acheté, envie lui prit de graver son
tableau, et il se trouva avoir et la pointe libertine de Chaplin, et la
==[[Page:Goncourt - Quelques créatures de ce temps, 1878.djvu/38]]==
et la
manière grasse et ressentie d'Hédouin dans son _Étable_, et la science
du _vernis mou_ de Marvy. Que si vous ouvrez le volume, et que vous
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tableau italien du musée de Tournai lui tourmente la main, et sur le
cuivre, dans les griffonnages à toute bride d'un paysage de Cythère,
s'enlèvent discrètement le beau corps et la gorge milésienne d'une
==[[Page:Goncourt - Quelques créatures de ce temps, 1878.djvu/39]]==
et la gorge milésienne d'une
jeune Muse endormie. Les Amours ont volé ses vêtements, ils les ont
livrés au Zéphyre,
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Buisson se plaisait à ces illustrations d'ouvrages écrits par des plumes
qui
qui lui étaient chères et de préférence aimées. Ils étaient quatre en
==[[Page:Goncourt - Quelques créatures de ce temps, 1878.djvu/40]]==
lui étaient chères et de préférence aimées. Ils étaient quatre en
ce temps heureux de la gaie jeunesse, qui pensaient ensemble, et se
parlaient et se répondaient l'un à l'autre en tout: prose, rimes ou
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mademoiselle de la Sablière, jeté dans les feuilles. Au bas, les Amours
jouent avec des fleurs, puis ils volent et s'asseyent et se renvolent,
et le premier arrivé tend le bras et met une couronne de fleurs des
==[[Page:Goncourt - Quelques créatures de ce temps, 1878.djvu/41]]==
une couronne de fleurs des
champs sur la tête de l'hôtesse du fablier.--Et vraiment c'était un
Clodion.
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d'effrontés parpaillots qui embrassent et cajolent la servante, et
grimpent boire le vin jusque sur le manteau de la cheminée. Bientôt
voil
voilà Buisson qui enfourche le balai, comme Penguilly; le fantastique
==[[Page:Goncourt - Quelques créatures de ce temps, 1878.djvu/42]]==
à Buisson qui enfourche le balai, comme Penguilly; le fantastique
le visite; et voilà les eaux-fortes de minuit. Tantôt c'est un cavalier
fort maigre, et vêtu de noir, qui chante des séguedilles à la nymphe de
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Que de sots préjugés on a sur terre, hélas
Quand on voit en passant ces choses--là d'en bas!
==[[Page:Goncourt - Quelques créatures de ce temps, 1878.djvu/43]]==
 
Puis Pierrot en collerette, son serre-tête noir un peu passant sous sa
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cavalerie tournoyante avec le mouvementé d'un Maturino dans un défilé du
Guaspre. Dans ce _griffonnis_ le Cid fait rage de la vieille épée de
==[[Page:Goncourt - Quelques créatures de ce temps, 1878.djvu/44]]==
Murdora le Castillan. Écoutez le _Romancero_: «Il défit tous les Mores,
prit les cinq rois, leur fit lâcher la grande prise et les gens qui
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--Enfants emmaillottés dans un papier de soie,
Vous en avez cueilli dans votre folle joie
Aux orangers de l'Alcazar,
==[[Page:Goncourt - Quelques créatures de ce temps, 1878.djvu/45]]==
l'Alcazar,
 
Il court les Espagnes; il s'enivre de soleil, il s'enivre de haillons
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eux des troupeaux de cochons truites de rose; les autres, des ânes se
pressant et se bousculant et tintinnabulant d'alcarazas. Le ciel est
vert sombre avec des filets violets; un coloris brutal, un dessin
==[[Page:Goncourt - Quelques créatures de ce temps, 1878.djvu/46]]==
violets; un coloris brutal, un dessin
violent; mais sous les crudités de ton et les inhabiletés de brosse, une
riche palette, une méritante audace.
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dos lui livre un chef-d'œuvre. Il y a là les caresses de l'artiste, et,
dit-on, du parent. Comme toutes les courbes sont pleines! comme la
pointe lutine! comme elle rondit le long de ce galbe douillet! la
==[[Page:Goncourt - Quelques créatures de ce temps, 1878.djvu/47]]==
galbe douillet! la
réjouissante graisse étoilée de fossettes!
 
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1848 a dispersé le cénacle et mis un écriteau à la porte de l'atelier
hospitalier. Mais Buisson n'a laissé partir ses amis qu'après qu'un
chacun a eu un beau portrait à mettre en tête de ses œuvres. Il a gravé
==[[Page:Goncourt - Quelques créatures de ce temps, 1878.djvu/48]]==
de ses œuvres. Il a gravé
d'une pointe onctueuse la tête bien en chair du fabuliste; il a gravé
avec la pointe fine d'Henriquel le profil élégant de Levavasseur; il a
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fermiers. Rarement il lit cette _Comédie humaine_ que Balzac lui avait
donnée pour avoir aidé à la décoration de son petit hôtel du faubourg
 
==[[Page:Goncourt - Quelques créatures de ce temps, 1878.djvu/49]]==
du Roule. Il s'est retiré en un coin de grasse terre, oublieux de son
talent passé; et si parfois du ciseau qu'il vient de se faire envoyer,
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______________________________________
| Come and see |
==[[Page:Goncourt - Quelques créatures de ce temps, 1878.djvu/50]]==
| |
| | THE LORD CHIEF BARON NICHOLSON. |
|
==[[Page:Goncourt - Quelques créatures de ce temps, 1878.djvu/51]]==
THE LORD CHIEF BARON NICHOLSON. |
| |
| At the Coal Hole tavern. |
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rabat.
 
En bas, à la _bar_[2] de la taverne, vous payez un schelling; montezp
==[[Page:Goncourt - Quelques créatures de ce temps, 1878.djvu/52]]==
ayez un schelling; montez
l'escalier, et entrez dans la salle. La salle est un rectangle recouvert
jusqu'au plafond d'un papier couleur bois. Aux deux côtés de sa longueur
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[Note 3: Il y a des lits ici]
==[[Page:Goncourt - Quelques créatures de ce temps, 1878.djvu/53]]==
 
Aux pieds de Nicholson, sur un canapé au dossier de jonc, sont assis le
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modernes, lit l'acte d'accusation. L'avocat, qui est un habile étudiant
en droit, présente la défense. On appelle un témoin, puis un autre, puis
un autre. Tantôt il vient une vieille fille les cheveux gris lui
==[[Page:Goncourt - Quelques créatures de ce temps, 1878.djvu/54]]==
gris lui
battant sur les joues, lunettes sur le nez, robe rosâtre à volants,
mantelet de soie grise, chapeau avec des bouquets de bluets; la démarche
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seul homme, le même homme! Cet éternel témoin, le chef baron n'a-t-il
pas raison de l'appeler «le plus comique dessinateur de types comiques,
depuis la splénétique vieille fille jusqu'au garçon coiffeur avec son
==[[Page:Goncourt - Quelques créatures de ce temps, 1878.djvu/55]]==
garçon coiffeur avec son
tablier à bavette»?
 
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bridoisonne, et comme une sournoiserie de vieux juge. Souvent, il fait
avancer sa lèvre inférieure sur sa lèvre supérieure en homme de mauvaise
humeur qui boude un mauvais argument. Il joue de façon exquise et de
==[[Page:Goncourt - Quelques créatures de ce temps, 1878.djvu/56]]==
Il joue de façon exquise et de
bonne comédie le perpétuel demi-sommeil d'un tribunal.
 
Ligne 788 ⟶ 876 :
italienne où les acteurs, avant d'entrer en scène, lisaient sur une
pancarte accrochée dans les coulisses le canevas de leurs lazzis. Et
cela dure tout autant qu'une petite pièce de nos boulevards: une
==[[Page:Goncourt - Quelques créatures de ce temps, 1878.djvu/57]]==
petite pièce de nos boulevards: une
vingtaine de jours, un mois. Nous avons vu toute une soirée débattre la
vraisemblance d'un adultère en cab, avec des: Comment? que vous ne
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d'un Swift de taverne, traduisant en libertines railleries l'amère
parole de Shakspeare sur la jugeaillerie humaine: «L'homme, cet être
vain et superbe, revêtu d'une autorité passagère, lui qui connaît le
==[[Page:Goncourt - Quelques créatures de ce temps, 1878.djvu/58]]==
le
moins ce dont il est le plus certain, son existence fragile comme le
verre, se plaît, comme un singe en fureur, à exercer les jeux de sa
Ligne 824 ⟶ 916 :
 
Nous ne voulons pas essayer une biographie de Benton Nicholson; c'est
une célébrité que nous amenons sur le continent, et le public n'aime à
==[[Page:Goncourt - Quelques créatures de ce temps, 1878.djvu/59]]==
n'aime à
entendre longuement parler que des gens qu'il connaît. Tout au plus,
nous essayons quelques traits du Falstaff juge. «Les peintres, dit le
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journal. M. A. Henning avait apporté _le Charivari_ de Paris. Les
questions matérielles du _Charivari_ de Londres réglées, le bureau du
journal fut ainsi composé: M. Nicholson, rédacteur; M. Landell,
==[[Page:Goncourt - Quelques créatures de ce temps, 1878.djvu/60]]==
M. Nicholson, rédacteur; M. Landell,
graveur; M. Last, imprimeur. Mais Nicholson ne put sortir de prison
aussi vite qu'il le désirait, et MM. Last et Landell, privés du concours
Ligne 860 ⟶ 956 :
Depuis lors, sa réputation ne fit que grandir; il n'eut plus seulement
des oisifs, ou de jeunes avocats venant apprendre «à cette mimique du
_Forum_» la repartie vive et l'ironie improvisée, il eut des membres du
==[[Page:Goncourt - Quelques créatures de ce temps, 1878.djvu/61]]==
il eut des membres du
parlement; que dis-je? il les fit jouer dans sa grave parade, et les fit
s'asseoir comme jurés à son banc plaisant.
Ligne 887 ⟶ 985 :
[Note 4: Jeu de mots sur le mot _bar_, qui signifie
comptoir de marchand de vin, et barre de la justice.]
==[[Page:Goncourt - Quelques créatures de ce temps, 1878.djvu/62]]==
 
«L'homme devient éloquent sous l'influence des grandes passions ou des
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le plus tôt combien de _rounds_ a donnés Harry-Broome.
 
Ses occupations sévères de chef baron ne l'empêchent pas de revenirche
==[[Page:Goncourt - Quelques créatures de ce temps, 1878.djvu/63]]==
f baron ne l'empêchent pas de revenir
quelquefois à la littérature. Le grave emperruqué met alors à son esprit
«des bas couleur de rose». Une fable s'échappe de sa plume entre deux
Ligne 931 ⟶ 1 032 :
sa gloire est dans sa toge risible, et il se résume ainsi lui-même dans
l'autobiographie de sa main qu'il nous a envoyée: «Je vous livre ceci,
 
==[[Page:Goncourt - Quelques créatures de ce temps, 1878.djvu/64]]==
non comme une sérieuse archive, mais comme un satirique souvenir, mon
objet étant toujours d'exciter un rire dans mon auditoire par ma
Ligne 937 ⟶ 1 040 :
 
 
==[[Page:Goncourt - Quelques créatures de ce temps, 1878.djvu/65]]==
 
UNE PREMIÈRE AMOUREUSE[5]
Ligne 954 ⟶ 1 058 :
[Note 5: Nous ne sommes guère qu'éditeurs des lettres qui
suivent.]
==[[Page:Goncourt - Quelques créatures de ce temps, 1878.djvu/66]]==
 
Dites à Élisa que je ne puis rien pour elle en ce moment; j'ai été assez
Ligne 972 ⟶ 1 077 :
 
Enfin, ma chère Louise, une bonne et grande lettre de vous! J'en ai été
toute surpri
toute surprise, et j'en suis toute réjouie. Votre lettre me rejoint à
==[[Page:Goncourt - Quelques créatures de ce temps, 1878.djvu/67]]==
se, et j'en suis toute réjouie. Votre lettre me rejoint à
Dijon, où je compte passer l'hiver, attachée au théâtre, vous pensez
bien. Il y a si longtemps que nous n'avons causé ensemble, et tant de
Ligne 989 ⟶ 1 096 :
Je suis contente que vous ayez rompu avec Théodore: un vilain nom
d'abord! et puis il doit aimer comme son ami Edouard, qui prend ses
maîtresses à proximité du café où il déjeune. Gustave fait-il toujours
==[[Page:Goncourt - Quelques créatures de ce temps, 1878.djvu/68]]==
Gustave fait-il toujours
des vers? Le brave garçon! il est ennuyeux comme un album. Embrassez-le
de ma part.--Camille est ruiné? Je le crois bien. Il faut avoir trop
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dire; mais on m'attend chez un correspondant. Je vous quitte. Je vous
embrasse.
==[[Page:Goncourt - Quelques créatures de ce temps, 1878.djvu/69]]==
 
MATHILDE.
Ligne 1 025 ⟶ 1 135 :
que vous gagnerez vous permettra au plus d'acheter des bouquets de
violettes. Le théâtre, à la bonne heure! Si vous avez quelque chance de
 
==[[Page:Goncourt - Quelques créatures de ce temps, 1878.djvu/70]]==
faire fortune, c'est là, uniquement là. Vous savez que si vous avez du
talent, cela sera un accessoire fort généreux de votre part, c'est la
Ligne 1 041 ⟶ 1 153 :
public, je vous jure, le public de province surtout, ne songe pas à se
formaliser de voir une jolie fille embarrassée d'être regardée et qui
rougit sous
rougit sous son rouge. Mais vous ne voulez pas quitter Paris; vous
==[[Page:Goncourt - Quelques créatures de ce temps, 1878.djvu/71]]==
son rouge. Mais vous ne voulez pas quitter Paris; vous
tenez à votre Prosper. Passons.
 
Ligne 1 061 ⟶ 1 175 :
 
De soir en soir, je remets depuis quinze jours, ma chère Louise, pour
vous répondre une longue lettre bien bavarde et bien paresseuse en mêmepa
==[[Page:Goncourt - Quelques créatures de ce temps, 1878.djvu/72]]==
resseuse en même
temps, de ces causeries à bâtons rompus, à branches cassées, dans
lesquelles l'esprit se pose sans durée et s'arrête sans choix. Depuis
Ligne 1 079 ⟶ 1 195 :
toucher, et celui-là précisément me manque. Ne doutez pas de ma bonne
volonté et de mes généreuses pensées à votre égard. Croyez à mon
 
==[[Page:Goncourt - Quelques créatures de ce temps, 1878.djvu/73]]==
impuissance. Je viens de jouer ces jours-ci un rôle Jenny-Vertpré dans
_Madame Pinchon_. J'ai été rappelée avec deux autres personnes. C'était
Ligne 1 095 ⟶ 1 213 :
afin d'être débarrassée de la fantaisie que j'en ai eue. Si, au
contraire, ces choses sont éloignées et d'un abord difficile, je fouille
mon souvenir, et j'y trouve des joies et des sensations comme il ne me
==[[Page:Goncourt - Quelques créatures de ce temps, 1878.djvu/74]]==
sensations comme il ne me
sera jamais plus possible d'en éprouver, et qui cependant ne valaient
pas mes rêves..... excepté une époque et un amour que je veux
Ligne 1 112 ⟶ 1 232 :
levés et tendus pour me soutenir, toujours prêts à me défendre; si ma
bouche ne s'est pas usée sous les baisers délirants qu'elle a reçus,
c'est que Dieu l'avait créée sans doute pour cela. Pendant cinq ans,
==[[Page:Goncourt - Quelques créatures de ce temps, 1878.djvu/75]]==
Pendant cinq ans,
cette vie fêtée, choyée, enveloppée de mailles brillantes, de dentelles,
de velours, inondée de parfums et de soleil, cette vie a duré sans
Ligne 1 129 ⟶ 1 251 :
eux, et presque sans regret, les ingrats! le nid chaud, parfumé et
joyeux de leurs vraies, de leurs heureuses, de leurs indépendantes
amours!..... Et moi, que m'est-il resté de tout cela? Un cœur usé,
==[[Page:Goncourt - Quelques créatures de ce temps, 1878.djvu/76]]==
resté de tout cela? Un cœur usé,
vieilli par ces abandons et ces désenchantements successifs;
l'impuissance d'aimer; une vie incertaine, jetée au hasard de la faim et
Ligne 1 149 ⟶ 1 273 :
 
Chère bien-aimée, avez-vous cru que je vous abandonnais? Non, n'est-ce
pas? No
pas? Notre liaison n'est pas une de ces liaisons ordinaires qu'un
==[[Page:Goncourt - Quelques créatures de ce temps, 1878.djvu/77]]==
tre liaison n'est pas une de ces liaisons ordinaires qu'un
silence fait défiantes. Vous me connaissez assez pour ne pas entrer en
doute sur mon compte pour une paresse de plume. C'est sur l'intelligence
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amour, mais une liaison très-mouvementée,--comme disent MM. les
romantiques: un père prudent, qui s'est jeté entre son fils éperdu et
 
==[[Page:Goncourt - Quelques créatures de ce temps, 1878.djvu/78]]==
fou de passion, dont l'âme et la vie étaient fatalement livrées à cette
sirène dangereuse que je suis, disent MM. les Dijonnais, et qui l'a
Ligne 1 183 ⟶ 1 311 :
apparence; car au fond je suis animée d'une colère assez colorée envers
le père; et j'ai pour le fils un âpre regret, fruit de l'amour-propre et
de l'entêtement. Avouez qu'il est difficile de se disséquer avec une
==[[Page:Goncourt - Quelques créatures de ce temps, 1878.djvu/79]]==
Avouez qu'il est difficile de se disséquer avec une
meilleure grâce.
 
Ligne 1 200 ⟶ 1 330 :
d'un doigt de vin, sur les dents d'une nuit blanche, fatigués, usés,
blasés, finis! Ils se mettent à trois pour parier un louis sur un cheval
qui appartient à un de leurs amis; ils fument leur cigare à la portière
==[[Page:Goncourt - Quelques créatures de ce temps, 1878.djvu/80]]==
amis; ils fument leur cigare à la portière
quand ils sont en coupé de louage, et on les rencontre au bal masqué
avec leur papa!
Ligne 1 224 ⟶ 1 356 :
 
Dimanche prochain, le public de Marseille va être appelé à décider du
renvoi ou de
renvoi ou de l'admission des artistes. La soirée sera, dit-on, des plus
==[[Page:Goncourt - Quelques créatures de ce temps, 1878.djvu/81]]==
l'admission des artistes. La soirée sera, dit-on, des plus
orageuses.--Comme dans beaucoup de villes de province soucieuses de
ressembler à Paris, se montrer fantasque et irraisonnable est une preuve
Ligne 1 240 ⟶ 1 374 :
suivent jusqu'à ma porte, mais ils s'arrêtent à l'antre de la
louve!--J'ai à la tête de mon parti un officier de marine dont vous
seriez amoureuse, j'en suis sûre: un bon et brave garçon, gai et crâne,
==[[Page:Goncourt - Quelques créatures de ce temps, 1878.djvu/82]]==
garçon, gai et crâne,
ami de mes amis, qui m'aime comme un niais, c'est-à-dire sérieusement et
qui va se faire quelque affaire fâcheuse dimanche, j'en ai peur. Déjà
Ligne 1 258 ⟶ 1 394 :
 
Et vous, chère enfant, quelle nouvelle de bourse ou de cœur? Avez-vous
trouvé un filon? Croyez-moi, presque tous les hommes n'ont bien
==[[Page:Goncourt - Quelques créatures de ce temps, 1878.djvu/83]]==
Croyez-moi, presque tous les hommes n'ont bien
réellement qu'une valeur d'utilité. Êtes-vous toujours aussi remplie
d'Octave? Celui-là est au moins un loyal et excellent cœur; et il offre
Ligne 1 281 ⟶ 1 419 :
Hélas! je comprends votre situation, je la sais d'expérience, dans
chacune de ses phases, dans la plus mystérieuse de ses douleurs! Moi
 
==[[Page:Goncourt - Quelques créatures de ce temps, 1878.djvu/84]]==
aussi j'ai passé par là! moi aussi j'ai supporté les gênes
journalières, les privations silencieuses, les anxiétés résignées, les
Ligne 1 297 ⟶ 1 437 :
porte en elle, dans un sanctuaire réservé, un nom, un souvenir, une
rêverie, une croyance! Choses saintes et bénies qu'elle garde en elle,
comme des perles au fond des vagues! qu'elle préserve des souillures et
==[[Page:Goncourt - Quelques créatures de ce temps, 1878.djvu/85]]==
au fond des vagues! qu'elle préserve des souillures et
des atteintes honteuses de sa vie vagabonde et maudite! vers lesquelles
elle se retourne aux heures du recueillement et de la pensée régénérée,
Ligne 1 315 ⟶ 1 457 :
longtemps avant de guérir. Les illusions tombent une à une, et si
lentement qu'on est bien vieille quand le cœur en est vide. C'est un
débarras qui ne se fait pas tout d'un coup. Mais le mieux, croyez-moi,
==[[Page:Goncourt - Quelques créatures de ce temps, 1878.djvu/86]]==
coup. Mais le mieux, croyez-moi,
se fait tous les jours. Tous les jours, sans que vous vous en doutiez,
vous venez à moi.
Ligne 1 333 ⟶ 1 477 :
Mais au nom de notre amitié, ne parlez jamais à Amédée de la confidence
que je vous ai faite. S'il vous en parle, bien! mais ne prenez pas
l'initiative. Alphonse est marié à présent; je ne veux pas que son ami
==[[Page:Goncourt - Quelques créatures de ce temps, 1878.djvu/87]]==
veux pas que son ami
me croie capable de le compromettre, en mettant son nom en villanelle,
et l'histoire de nos amours en rondes que je chanterais à tue-tête sur
Ligne 1 355 ⟶ 1 501 :
 
Toute à vous.
==[[Page:Goncourt - Quelques créatures de ce temps, 1878.djvu/88]]==
 
MATHILDE.
Ligne 1 375 ⟶ 1 522 :
une théorie peu élevée. Ce n'est pas la théorie de la conscience haute
et fière, qui ne trouvant pas d'issue ici-bas transporte plus haut ses
valeurs méconnues et ses blessures sans récompenses; c'est toutr
==[[Page:Goncourt - Quelques créatures de ce temps, 1878.djvu/89]]==
écompenses; c'est tout
prosaïquement de l'épicurisme d'œuvres, et de l'étourdissement moral.
 
Ligne 1 411 ⟶ 1 560 :
très-populaire. Théodore Barrière en a fait une pièce, et
chaque jour le petit journal augmente d'une naïveté nouvelle
le chapitre des naïvetés de ce petit-fils de Lapalisse. Mais
==[[Page:Goncourt - Quelques créatures de ce temps, 1878.djvu/90]]==
 
==[[Page:Goncourt - Quelques créatures de ce temps, 1878.djvu/91]]==
le chapitre des naïvetés de ce petit-fils de Lapalisse. Mais
en 1852, lorsque nous avons pour la première fois biographié
Calinot, ce n'était encore qu'une légende flottante dans la
_blague_ des ateliers.]
==[[Page:Goncourt - Quelques créatures de ce temps, 1878.djvu/92]]==
 
C'est une parade, si bien une parade, que, lorsque Camille, le metteur
Ligne 1 432 ⟶ 1 586 :
un quatorze... en ce que tu viens de me dire.» Et ainsi il croissait, le
bon Calinot, en grâces et en joyeux devis, entre ce lexique des
_Précieuses ridicules_ et cet incurable oublieur, entre ce purisme et
==[[Page:Goncourt - Quelques créatures de ce temps, 1878.djvu/93]]==
et cet incurable oublieur, entre ce purisme et
cette paralysie!
 
Ligne 1 454 ⟶ 1 610 :
L'existence de Calinot a toutes sortes de tableaux: Calinot
restaurateur,--Calinot logeur,--Calinot commis,--Calinot garde
 
==[[Page:Goncourt - Quelques créatures de ce temps, 1878.djvu/94]]==
national. S'il fut tout cela, nul ne l'a jamais bien su. Le savait-il
lui même? Il était de si bonne composition et faisait si peu de
Ligne 1 473 ⟶ 1 631 :
 
A côté de cette épopée de cynisme, toute sanglante, de cet «Allons-y
gaiement!» de _l'Abbaye de Monte-à-regret_,--Jean Hiroux,--Calinot a
==[[Page:Goncourt - Quelques créatures de ce temps, 1878.djvu/95]]==
de Monte-à-regret_,--Jean Hiroux,--Calinot a
sa place: c'est un lever de rideau avant la grande pièce.
 
Ligne 1 513 ⟶ 1 673 :
*
* *
==[[Page:Goncourt - Quelques créatures de ce temps, 1878.djvu/96]]==
 
«Monsieur,
Ligne 1 548 ⟶ 1 709 :
*
* *
==[[Page:Goncourt - Quelques créatures de ce temps, 1878.djvu/97]]==
 
_A M. le maître d'hôtel du Cheval blanc, à Rouen_ (Seine-Inférieure).
Ligne 1 583 ⟶ 1 745 :
 
--Que diable veux-tu que je l'épouse, elle a le double de mon âge.
==[[Page:Goncourt - Quelques créatures de ce temps, 1878.djvu/98]]==
 
CAMILLE.--Qu'est-ce que ça te fait?
Ligne 1 625 ⟶ 1 788 :
 
Dans son jardin de Romainville, Calinot avait un tas de gravois.
==[[Page:Goncourt - Quelques créatures de ce temps, 1878.djvu/99]]==
 
CAMILLE.--Fais un trou, tu mettras ça dedans.
Ligne 1 664 ⟶ 1 828 :
*
* *
==[[Page:Goncourt - Quelques créatures de ce temps, 1878.djvu/100]]==
 
CALINOT.--Je viens de rendre service à un vieux camarade de la
Ligne 1 698 ⟶ 1 863 :
 
*
* *
==[[Page:Goncourt - Quelques créatures de ce temps, 1878.djvu/101]]==
* *
 
Camille donne à Calinot une canne avec une très-belle pomme de Saxe. La
Ligne 1 728 ⟶ 1 895 :
ÉDOUARD OURLIAC
 
En ce temps-là, c'était le beau temps, le beau temps et l'âge d'or du
==[[Page:Goncourt - Quelques créatures de ce temps, 1878.djvu/102]]==
 
==[[Page:Goncourt - Quelques créatures de ce temps, 1878.djvu/103]]==
or du
roman. Par ces années de grâce littéraire, il y avait beaucoup de gens
qui faisaient des livres, et il y avait, de gens qui en lisaient, plus
Ligne 1 737 ⟶ 1 908 :
abonnés, avaient les doigts comme des maîtresses de maison qui couvrent
leurs confitures.
==[[Page:Goncourt - Quelques créatures de ce temps, 1878.djvu/104]]==
 
Aux vitrines, les lithographies pleines de meurtres, de femmes
Ligne 1 755 ⟶ 1 927 :
 
La voie d'Ourliac, Balzac l'a définie d'un mot, Ourliac retournait
l'ironie de Candide contre la philosophie de Voltaire; et de l'ironie
==[[Page:Goncourt - Quelques créatures de ce temps, 1878.djvu/105]]==
philosophie de Voltaire; et de l'ironie
il essaya toujours de faire une arme d'Église. Il se moqua au nom du
Christ. Là est l'originalité du talent d'Ourliac. Ne lui demandez ni une
Ligne 1 773 ⟶ 1 947 :
souper, l'hôpital après l'amour, la santé à côté du jeûne et des
macérations. Mais cela est sauvé par l'intention.--Puis, ces rieuses
morsures d'un esprit antirévolutionnaire, il en use à toute outrance
==[[Page:Goncourt - Quelques créatures de ce temps, 1878.djvu/106]]==
il en use à toute outrance
contre le journal, dans le conte humoristique des _Phillophages_. Les
colères qui s'allument, les pavés qui se remuent, les gamins qui
Ligne 1 789 ⟶ 1 965 :
miséricorde et la sollicitude nulles en cette maison des pauvres; et
comme le conte approche de la fin, un curé entre en scène, qui argumente
contre les réconforts laïques, appelant les hôpitaux «une voirie», et
==[[Page:Goncourt - Quelques créatures de ce temps, 1878.djvu/107]]==
et
recommence le procès aux spoliateurs du clergé. Mais le pauvre Ourliac
devait mourir dans une manière d'hôpital, et on ne peut guère lui en
Ligne 1 807 ⟶ 1 985 :
esprit «mal réglé, peu choisi, tourné au sarcasme, mais fort plaisant»,
éclatait en pantagruéliques gaudisseries. Facétiant comme un Triboulet
de lettres, il jetait au hasard ses joyeusetés intarissables. Il
==[[Page:Goncourt - Quelques créatures de ce temps, 1878.djvu/108]]==
joyeusetés intarissables. Il
semblait qu'il tirât au sort dans une casquette les mots et les idées;
et des phrases insolites, les plus étranges défis à la grammaire, des
Ligne 1 824 ⟶ 2 004 :
lui; mais il faut dire qu'il payait la reconduite de C... et charmait le
chemin par des romans, récits, histoires, propos, bons contes,
pantalonnades à dérider même un critique de livres ou un habitué de
==[[Page:Goncourt - Quelques créatures de ce temps, 1878.djvu/109]]==
un critique de livres ou un habitué de
théâtres.
 
Ligne 1 845 ⟶ 2 027 :
lui disait son ami Henri Monnier, était pris de terreurs et de remords.
Des réminiscences religieuses l'assaillaient. Les souvenirs de son
==[[Page:Goncourt - Quelques créatures de ce temps, 1878.djvu/110]]==
enfance passée chez les jésuites lui revenaient dans la conscience; et
comme un évadé du purgatoire menacé d'une extradition, le glorieux
Ligne 1 862 ⟶ 2 045 :
certains égards au-dessous de ces jeunes gens bien vêtus qui lui
faisaient politesse. Il se crut, du moins, obligé de les divertir. Il
les défrayait du reste par des bouffonneries qu'il savait bien lui-même
==[[Page:Goncourt - Quelques créatures de ce temps, 1878.djvu/111]]==
bouffonneries qu'il savait bien lui-même
affectées de mauvais goût... Il plaisantait parce qu'il était pauvre, et
que ces jeunes gens étaient riches; parce qu'il n'avait pas soupé, et
Ligne 1 880 ⟶ 2 065 :
cette inquiétude de cerveau, de cette paresse de résolution et d'œuvre,
de ces expansions épistolaires qui prenaient Ourliac à ses réveils
d'orgie, de cette vanité sans entrailles, de cette intuition un peu
==[[Page:Goncourt - Quelques créatures de ce temps, 1878.djvu/112]]==
entrailles, de cette intuition un peu
obtuse du sentiment de l'honneur en l'attente du frein religieux, toutes
ces maladies de l'esprit analysées à la loupe, et impartialement
Ligne 1 896 ⟶ 2 083 :
quand toute cette mauvaise instinctivité, toute cette méchante vie, ce
méchant cœur, et ce cabotinage, il les a eu cachés sous une soutane,
même chrétien, Lareynie ne s'humilie pas. Le vieil homme reparaît avec
==[[Page:Goncourt - Quelques créatures de ce temps, 1878.djvu/113]]==
Le vieil homme reparaît avec
le vieux levain; et s'en prenant à l'état de la société et au temps, aux
approches d'un an Mil social, d'avoir été le bourreau d'une femme, il
Ligne 1 916 ⟶ 2 105 :
partout. _Collinet_,--_Collinet_ duquel la _Revue parisienne_
prophétisait: «c'est une puissante et belle comédie dont on tirera
peu
peut-être quelque misérable vaudeville»,--_Collinet_ contient,
==[[Page:Goncourt - Quelques créatures de ce temps, 1878.djvu/114]]==
t-être quelque misérable vaudeville»,--_Collinet_ contient,
déshabillée en prose, toute une scène du _Roi s'amuse_. _Psyllé_ est du
Perrault battu avec du Swift. _Les Noces d'Eustache Plumet_ se
Ligne 1 932 ⟶ 2 123 :
épreuves, et j'en suis sur les épines. Ces morceaux si courts ne font
jamais grand bien, quel que soit leur mérite; mais ils suffisent souvent
à donner une idée parfaite de la pauvreté de l'auteur. C'est
==[[Page:Goncourt - Quelques créatures de ce temps, 1878.djvu/115]]==
pauvreté de l'auteur. C'est
compromettant, comme on dit. Je crains que celui-là ne soit de ce
dernier genre.»
Ligne 1 950 ⟶ 2 143 :
Mais ce qui fit le plus pour la réputation d'Ourliac, ce fut un petit
volume in-18, publié rue Cassette. L'exemplaire que j'en ai là porte par
hasard, comme revêtement de sa garde, «la Cloche, l'Encensoir et la
==[[Page:Goncourt - Quelques créatures de ce temps, 1878.djvu/116]]==
Cloche, l'Encensoir et la
Rose,» chapitre 53 de quelque livre poétiquement mystique édité chez
Waille.
Ligne 1 969 ⟶ 2 164 :
veillait paternellement, l'esprit détendu et reposé, au succès de son
petit volume. Il écrivait alors: «15 août 1843... Nous avons tous les
s
soirs ici des nuits d'Opéra, une belle et pleine lune de l'autre côté
==[[Page:Goncourt - Quelques créatures de ce temps, 1878.djvu/117]]==
oirs ici des nuits d'Opéra, une belle et pleine lune de l'autre côté
de la rivière qui s'épanouit à travers nos feuillages comme une bombe
lumineuse. De tous les coins de notre terrasse, le paysage fait
Ligne 1 985 ⟶ 2 182 :
venir par ici planter nos choux avec quatre ou cinq amis sensés. La
nourriture saine, le bon vin, le repos, les jardins, le loisir, ont bien
leur mérite. J'ajouterai qu'il y a ici de certains vins qui valent le
==[[Page:Goncourt - Quelques créatures de ce temps, 1878.djvu/118]]==
qu'il y a ici de certains vins qui valent le
champagne.» Cet apaisement de l'idée, ce calme, cet accommodement de
l'esprit aux jouissances terrestres, ce souffle d'Horace, cette pente à
Ligne 2 001 ⟶ 2 200 :
 
 
==[[Page:Goncourt - Quelques créatures de ce temps, 1878.djvu/119]]==
 
BÉNÉDICT
Ligne 2 013 ⟶ 2 213 :
vignettiste couru au temps où les journaux de mode recommandaient aux
élégantes les _casques à la romaine_ en satin jaune, les _robes à
l'anglaise_, et les _sabots chinois_ garnis de falbalas roses.falbala
==[[Page:Goncourt - Quelques créatures de ce temps, 1878.djvu/120]]==
s roses.
 
Son père était un mathématicien distingué.
Ligne 2 036 ⟶ 2 238 :
de jouer à Chantereine. Deux ou trois femmes dépareillées s'étaient
jointes à la troupe bénévole. Gaillardement on détonnait le couplet. Les
Fin
Finettes et les Nérines avaient cette volubilité de langue nécessaire
==[[Page:Goncourt - Quelques créatures de ce temps, 1878.djvu/121]]==
ettes et les Nérines avaient cette volubilité de langue nécessaire
pour traduire les Regnards du Palais-Royal. Presque tous les soirs, les
répétitions avaient lieu au Jardin des plantes. Les acteurs étaient bien
Ligne 2 053 ⟶ 2 257 :
faits d'une herse où l'on plantait des bougies, quelquefois au profit
d'eux-mêmes, souvent au profit des pauvres.--Bénédict passa l'été à
apprendre dans la journée ses rôles pour le soir, par tous les sentiers
==[[Page:Goncourt - Quelques créatures de ce temps, 1878.djvu/122]]==
rôles pour le soir, par tous les sentiers
de Chatou et de Saint-Cloud, sa Jenny au bras: il lui donnait le ton de
ses couplets, elle lui donnait la réplique de son amour.
Ligne 2 071 ⟶ 2 277 :
Bénédict, et lui dit: «Monsieur, votre père qui est en bas!»--Bénédict
descendit.--«Je sais tout,--lui dit son père.--Je vous donne huit jours
 
==[[Page:Goncourt - Quelques créatures de ce temps, 1878.djvu/123]]==
pour que cette créature quitte la maison. Je reviendrai dans huit
jours.»
Ligne 2 089 ⟶ 2 297 :
chambre ouvrière, l'amour mettait des chansons. Un ou deux de leurs
anciens camarades venaient encore le soir, et alors on se contait, à un
petit feu avare de cotrets, quelques souvenirs des anciennes comédiesa
==[[Page:Goncourt - Quelques créatures de ce temps, 1878.djvu/124]]==
nciennes comédies
qu'on répétait sur l'herbe. Souvent une actrice du Vaudeville, morte
depuis, madame B..., qui connaissait Jenny, venait voir le jeune couple,
Ligne 2 111 ⟶ 2 321 :
habiter son père. La maladie l'avait gagné, et il sentait qu'elle ne
devait plus s'en aller qu'avec lui.
==[[Page:Goncourt - Quelques créatures de ce temps, 1878.djvu/125]]==
 
«Mon père,--dit Bénédict, quand il fut en face du vieillard, je vais me
Ligne 2 135 ⟶ 2 346 :
prologue pot-pourri, où tous les personnages de la troupe paraissaient
successivement, Bénédict fut placé dans l'avant-scène de droite. C'était
là qu'il devait jouer son fragment de rôle. L'avant-scène de droite
==[[Page:Goncourt - Quelques créatures de ce temps, 1878.djvu/126]]==
fragment de rôle. L'avant-scène de droite
avait été louée pour madame la générale de R... et ses deux filles. Mais
le directeur avait obtenu d'elle qu'elle voulût bien permettre qu'un
Ligne 2 151 ⟶ 2 364 :
train que le prologue quand, à ces mots de l'actrice en scène: «Et pas
de premier comique!» Bénédict, soudain levé et comme entrant dans la
voix d'Arnal: «Le premier comique demandé voilà!»--Puis il acheva son
==[[Page:Goncourt - Quelques créatures de ce temps, 1878.djvu/127]]==
acheva son
bout de rôle, le public riant, madame de R... toute rouge, et ses filles
se retournant pour voir.--«Oh! madame.--dit Bénédict en s'inclinant bien
Ligne 2 171 ⟶ 2 386 :
En diligence, mille pensées lugubres l'assaillirent d'abord. Il lui
sembla revoir son père, comme il l'avait vu la dernière fois son
 
==[[Page:Goncourt - Quelques créatures de ce temps, 1878.djvu/128]]==
mouchoir sur la bouche, et la face maigre. Son dernier mot: «Partez»,
lui revibrait douloureusement dans la conscience, avec son accent
Ligne 2 187 ⟶ 2 404 :
Jenny? dit Bénédict.--Nous avons une mauvaise nouvelle à vous apprendre,
dit Carini.--Malade?... morte?... et la voix de Bénédict se
strangula.--Rassurez-vous, reprit Carini, elle n'est ni morte, ni
==[[Page:Goncourt - Quelques créatures de ce temps, 1878.djvu/129]]==
n'est ni morte, ni
malade; seulement, en votre absence, elle ne s'est pas conduite... Elle
vous a trompé.--Veut-elle se remettre avec moi?--Carini hocha la
Ligne 2 205 ⟶ 2 424 :
sa maîtresse sur les planches.
 
Au matin, Jenny reprit la promesse qu'elle avait faite à Bénédict de
==[[Page:Goncourt - Quelques créatures de ce temps, 1878.djvu/130]]==
avait faite à Bénédict de
retourner avec lui à Paris. Jenny ne voulut plus partir. Bénédict la
menaça de se tuer. Jenny promit encore pour retirer sa promesse peu
Ligne 2 224 ⟶ 2 445 :
je suis déshonorée? Ah! vous penseriez peut-être que je veux profiter de
la fortune qui vous est tombée. Adieu! Je vous renvoie les 200 francs
==[[Page:Goncourt - Quelques créatures de ce temps, 1878.djvu/131]]==
que vous m'avez envoyés. Celle qui vous aime toujours.» Seulement--dit
gravement Bénédict quand il raconte cette histoire,--les 200 francs n'y
Ligne 2 241 ⟶ 2 463 :
gants allaient à presque toutes les mains;--en sorte que ses habits, que
ses bottes et que ses gants diminuèrent. Et puis, il paraît encore que
son argent allait à toutes les poches, et comme il en laissait parfois
==[[Page:Goncourt - Quelques créatures de ce temps, 1878.djvu/132]]==
en laissait parfois
sur sa cheminée, son argent fit comme ses habits. La troupe de Limoges
s'étant débandée, Carini et Ernest, le second comique, dédoublèrent son
Ligne 2 259 ⟶ 2 483 :
 
--Bah! dit une fois Bénédict en se levant, si j'allais en Italie?--Je te
suivrai, Bénédict, dit Carini.--Moi, je garde ton appartement, dit un
==[[Page:Goncourt - Quelques créatures de ce temps, 1878.djvu/133]]==
un
nommé Vielleux, un ami de collége.--Et moi aussi, dit Ernest.
 
Ligne 2 279 ⟶ 2 505 :
disparu.--Bénédict sauta du fiacre qui le ramenait des diligences,
arracha les affiches jaunes qui annonçaient sa vente pour le lendemain,
et courut payer chez le commissaire priseur.--Ernest lui dit que
==[[Page:Goncourt - Quelques créatures de ce temps, 1878.djvu/134]]==
lui dit que
Vielleux avait très-mal agi, en abusant de l'argent qu'il lui avait
confié; que, pour lui, il s'était occupé d'économie politique, et
Ligne 2 297 ⟶ 2 525 :
_incognito_, et avaient leur petite part de gaz et de célébrité aux
cafés chantants et aux petits théâtres des boulevards. Bénédict,
installé rue des Martyrs, ses amis se retirèrent peu à peu de lui,
==[[Page:Goncourt - Quelques créatures de ce temps, 1878.djvu/135]]==
peu à peu de lui,
comme les rats d'une maison qui craque, lui laissant tous ses loisirs.
Bénédict fit de sérieuses études d'harmonie; et dix romances dans un
Ligne 2 316 ⟶ 2 546 :
de Bénédict fut obligé d'acheter une seconde, une troisième, une
quatrième romance, pour se continuer en son talent; et l'ami de Bénédict
fut pendant l'hiver de l'année 1847 l'un des hommes les plus heureux de
==[[Page:Goncourt - Quelques créatures de ce temps, 1878.djvu/136]]==
l'un des hommes les plus heureux de
Paris.
 
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3 francs, Bénédict fit monter un sac de pommes de terre chez son ami. Il
s'agissait d'attendre le jour de l'an, où la tante de Bénédict lui
donnait 40 francs d'étrennes. Il attendait ainsi, se couchant quand ilat
==[[Page:Goncourt - Quelques créatures de ce temps, 1878.djvu/137]]==
tendait ainsi, se couchant quand il
eut trop faim, la nouvelle année.
 
Ligne 2 355 ⟶ 2 589 :
le ciel; et quand ils avaient fini, Paul en imaginait le motif à toute
brosse. Le panneau fini, Alfred le descendait chez le propriétaire,
 
==[[Page:Goncourt - Quelques créatures de ce temps, 1878.djvu/138]]==
brocanteur singulier, qui avait un magasin de chaussure à vis rue
Montmartre, et un magasin de tableaux rue Notre-Dame-de-Lorette. Le
Ligne 2 376 ⟶ 2 612 :
 
 
==[[Page:Goncourt - Quelques créatures de ce temps, 1878.djvu/139]]==
 
LA REVENDEUSE DE MACON
Ligne 2 387 ⟶ 2 624 :
les colonnettes s'appuient des frises peuplées de satyres et de femmes
nues, celles-ci attaquant ceux-là à travers les guirlandes de fleurs en
ronde-bosse,--naïve représentation mythologique, que les Mâconnaises ne
==[[Page:Goncourt - Quelques créatures de ce temps, 1878.djvu/140]]==
ne
peuvent regarder qu'en échappade. Quelques petites lucarnes aux toits
pointus, sans volets, laissent entrer au grenier le vent l'hiver, le
Ligne 2 404 ⟶ 2 643 :
hermétiquement fermée dont une persienne est rabattue et l'autre
seulement entr'ouverte; vous apercevez, sur le rebord de la fenêtre,
quelques poteries de Chine ébréchées; vous apercevez, collée à la
==[[Page:Goncourt - Quelques créatures de ce temps, 1878.djvu/141]]==
vous apercevez, collée à la
vitre, une feuille de papier sur laquelle est écrit: «Madame Javet,
marchande en vieux», dans le fond de la pièce obscurée des
Ligne 2 424 ⟶ 2 665 :
bas de laine noire, et talonnant son coffre, la diabolique petite
créature!
==[[Page:Goncourt - Quelques créatures de ce temps, 1878.djvu/142]]==
 
--Que veut monsieur?--Elle avait déjà fiché son épingle à tricoter dans
Ligne 2 441 ⟶ 2 683 :
rustiques figulines du roy».--Combien en voulez-vous?--Et ça?--fit-elle
sans répondre, en fouillant dans ce petit coin où j'entrevoyais une
dizaine de merveilles respectées des siècles, la fine fleur de la
==[[Page:Goncourt - Quelques créatures de ce temps, 1878.djvu/143]]==
de la
curiosité, dix bijoux de l'art!--Et ça?--C'était une assiette de cristal
de roche aux chiffres d'Henri II.--Et ça encore?--Un étui en émail de
Ligne 2 459 ⟶ 2 703 :
retourna.--Je me suis trompée, j'avais oublié. Il est vendu de ce matin.
Vous aimez la dentelle?--fit la singulière femme en faisant disparaître
l'étui; et, sans me donner le temps de répondre, elle ouvrit le coffre
==[[Page:Goncourt - Quelques créatures de ce temps, 1878.djvu/144]]==
coffre
sur lequel elle était assise, et fouillant à pleines mains, elle
retirait des merveilles arachnéennes.--«Mes
Ligne 2 476 ⟶ 2 722 :
à parler tracé, bride, couchure, bouclure, rempli, mode, points gaze,
mignon, brode.--«Vous ne savez pas ce que c'est, vous autres! Je me
relève la nuit pour les voir!»--Et elle déployait les dentelles, les
==[[Page:Goncourt - Quelques créatures de ce temps, 1878.djvu/145]]==
voir!»--Et elle déployait les dentelles, les
déroulait des cartons bleus, les montrait au jour, les jetait l'une sur
l'autre, les entassait, les mêlait, leur riait, leur souriait! Elle
Ligne 2 494 ⟶ 2 742 :
lui avait fait don. «Le pauvre moine se mit d'abord à genoux devant
madame, et dit hautement que l'on ne fût pas surpris de l'honneur qu'il
rendait à cette vertugale, puisqu'elle était faite d'une nappe qui
==[[Page:Goncourt - Quelques créatures de ce temps, 1878.djvu/146]]==
puisqu'elle était faite d'une nappe qui
avait servi si souvent à l'office divin.» La dame, en colère, lui
appliqua un soufflet; le roi rit; les réclamations en restèrent là.
Ligne 2 515 ⟶ 2 765 :
 
Madame L... me promena à travers trois pièces remplies d'orfévrerie, de
ferronnerie, de marqueterie, de verrerie, d'ivoires, de Saxe, de
==[[Page:Goncourt - Quelques créatures de ce temps, 1878.djvu/147]]==
de verrerie, d'ivoires, de Saxe, de
Sèvres, de Faenza; je ne regardai qu'un petit chef-d'œuvre de la
serrurerie du XVIe siècle,--une souricière--unique.
Ligne 2 539 ⟶ 2 791 :
J'étais à la porte de madame Javet. J'entrai. Elle était à sa fenêtre et
ne se retourna pas. Il y avait près d'elle un charmant petit bonhomme
aux cheveux blonds frisés, qui se haussait sur les pieds et
==[[Page:Goncourt - Quelques créatures de ce temps, 1878.djvu/148]]==
les pieds et
tambourinait des doigts sur les vitres, recommençant sa chanson à mesure
qu'elle finissait:
Ligne 2 562 ⟶ 2 816 :
 
 
==[[Page:Goncourt - Quelques créatures de ce temps, 1878.djvu/149]]==
 
HIPPOLYTE
Ligne 2 573 ⟶ 2 828 :
tartines qui se laissaient toujours choir à terre du côté des
confitures. Une fois grand, la fée Guignolant chercha, chercha,--et le
fit poëte. Puis par là-dessus, elle le fit bureaucrate.bu
==[[Page:Goncourt - Quelques créatures de ce temps, 1878.djvu/150]]==
reaucrate.
 
Dans une de ces grandes casernes civiles où d'avoir été vingt ans assis,
Ligne 2 592 ⟶ 2 849 :
de gazettes du temps de le traiter, lui et trois cent mille autres, de
_budgétivore_.
==[[Page:Goncourt - Quelques créatures de ce temps, 1878.djvu/151]]==
 
Hippolyte avait fait deux parts de son argent: les pipes et les vieux
Ligne 2 611 ⟶ 2 869 :
suée! La pipe qui commence à se teinter!--Hippolyte était très-beau de
pose et d'attente patiente, quand il fumait cette première pipe.
D'h
D'habitude, en cette grave occurrence, une fois assis, il tournait et
==[[Page:Goncourt - Quelques créatures de ce temps, 1878.djvu/152]]==
abitude, en cette grave occurrence, une fois assis, il tournait et
nouait sa grande jambe droite autour de sa grande jambe gauche, comme un
sarment autour d'un échalas.--Et quel déboire, quand par malheur la pipe
Ligne 2 628 ⟶ 2 888 :
tout réveil, et: bonsoir! à tout coucher.--Et le dimanche, grandes
joies, jour de revue! Le torse ceint d'un gilet de tricot, Hippolyte est
tout à ses amis, à les décrasser, éponger, gratter, rempâter. Aux
==[[Page:Goncourt - Quelques créatures de ce temps, 1878.djvu/153]]==
à les décrasser, éponger, gratter, rempâter. Aux
feuilles jaunies, un bain de chlore; une tache de rousseur qui commence
à moucheter: vite l'acide oxalique. Si une vilaine larme de graisse en
Ligne 2 646 ⟶ 2 908 :
ville et portier du théâtre de n'être occupés qu'à monter chez
«l'adorable actrice» petits papiers, petits rondeaux: «C'est un rondeau
==[[Page:Goncourt - Quelques créatures de ce temps, 1878.djvu/154]]==
redoublé qu'entre vos mains, madame, on m'a dit de remettre.» Tantôt
cela débutait:
Ligne 2 671 ⟶ 2 934 :
entendu dire que les vers sont de certains mots qu'on met un certain
temps à ranger, et qui d'ailleurs ne lisait guère la signature, se fit
cette illusion que tout le public de l'Odéon était devenu amoureux
==[[Page:Goncourt - Quelques créatures de ce temps, 1878.djvu/155]]==
que tout le public de l'Odéon était devenu amoureux
d'elle,--et poëte; ce qui fit qu'Hippolyte, après trois encriers vidés,
ne recevant pas de réponse, cessa un beau jour d'envoyer à
Ligne 2 688 ⟶ 2 953 :
chemin étrange et insolite: le chemin des toits. Encore tout chaud
d'_Antony_, Hippolyte veut prendre sa maîtresse d'assaut.--Si elle me
reçoit, c'est qu'elle m'aime, je l'épouse; si elle ne m'aime
==[[Page:Goncourt - Quelques créatures de ce temps, 1878.djvu/156]]==
m'aime, je l'épouse; si elle ne m'aime
pas...»--Hippolyte ne poussait jamais plus loin le dilemme. Sa
résolution prise, Hippolyte songea à l'exécution; et il arriva--ceci est
Ligne 2 707 ⟶ 2 974 :
O bien-aimée!
Étoile de ma vie, adorable clarté!
==[[Page:Goncourt - Quelques créatures de ce temps, 1878.djvu/157]]==
Du soir où je te vis mon cœur fut habité,
Du soir où je te vis mon cœur fut habité,
Et sa porte sur toi, ma Philis, s'est fermée!
 
Ligne 2 733 ⟶ 3 001 :
Je sais fort bien qu'en ce fatal mystère,
La faute en est à monsieur votre père,
==[[Page:Goncourt - Quelques créatures de ce temps, 1878.djvu/158]]==
Et j'ai honte à vous dire bas:
Et j'ai honte à vous dire bas:
Vous êtes maigre!
 
Ligne 2 755 ⟶ 3 024 :
paganisme flamand semblait descendu chaud et lourd sur la Poésie. Les
plus timides essayaient un compromis entre le Toucher et l'Idéal. Un de
ceux-là qu
ceux-là qui voulaient greffer Jordaëns sur Memmeling,--un jeune homme
==[[Page:Goncourt - Quelques créatures de ce temps, 1878.djvu/159]]==
i voulaient greffer Jordaëns sur Memmeling,--un jeune homme
d'alors,--M. Marc Fournier, écrivait: «Chez les disciples du dogme
nouveau, la femme est chrétienne, même un peu mystique jusqu'à la
Ligne 2 778 ⟶ 3 049 :
de la rue de Richelieu son idéal--un idéal de beaucoup de kilos, vous
imaginez bien. La forte jeune personne était magnifiquement en chair.
L'ayant vue, Hippolyte se prit à rabâcher à tous ses amis les charmes
==[[Page:Goncourt - Quelques créatures de ce temps, 1878.djvu/160]]==
se prit à rabâcher à tous ses amis les charmes
de l'intérieur qu'il rêvait: «De joufflus enfants barbouillés enfournant
de longues tartines..., au nez deux belles chandelles..., la mère une
Ligne 2 796 ⟶ 3 069 :
propre. Parfois bien, sa muse n'était qu'une spirituelle à la suite, une
suivante du _Mardoche_. Elle chantait:
==[[Page:Goncourt - Quelques créatures de ce temps, 1878.djvu/161]]==
 
Je suis las de toujours voir la lune qui cogne
Ligne 2 824 ⟶ 3 098 :
 
cette idolâtrie courait alors les rues.
==[[Page:Goncourt - Quelques créatures de ce temps, 1878.djvu/162]]==
 
Ce n'était pas une petite brochure portant pour titre: _Espérance_, et
Ligne 2 846 ⟶ 3 121 :
gloires plus modernes tout le charme d'un paradoxe vraisemblable. Le sel
et l'agrément de cette langue toute riche l'avaient pris et le tenaient.
Toutes ces célébrités, tombées en jachère, lui faisaient sa compagnief
==[[Page:Goncourt - Quelques créatures de ce temps, 1878.djvu/163]]==
aisaient sa compagnie
d'esprit; et «il vivait, et il couchait, s'il se peut dire, avec elles
dans toute la religion d'un cher et pur silence.» Dans les sublimes
Ligne 2 863 ⟶ 3 140 :
pas de rimer toutes ces opinions biscornues en vers libres, de les faire
imprimer en façon de _canard_!
==[[Page:Goncourt - Quelques créatures de ce temps, 1878.djvu/164]]==
 
De par saint George et sainte Thècle,
Ligne 2 884 ⟶ 3 162 :
 
Deux de ses amis firent d'Hippolyte, l'un le portrait, l'autre la charge
en plâtre. Hippolyte dans sa charge n'avait pas un nez. Il avait une
==[[Page:Goncourt - Quelques créatures de ce temps, 1878.djvu/165]]==
dans sa charge n'avait pas un nez. Il avait une
trompe. La mère d'Hippolyte mit le portrait d'Hippolyte je ne sais où;
et la charge d'Hippolyte sur la cheminée de sa chambre, disant que
Ligne 2 903 ⟶ 3 183 :
_des oiseaux le chant clair_, l'_herbe qui s'emplit de fleurs_ et les
_jeunes moissons qui recouvrent du vallon la gorge en__core frileuse_;
==[[Page:Goncourt - Quelques créatures de ce temps, 1878.djvu/166]]==
il avait, dis-je, si bien chanté, qu'il lui prit envie d'aller vérifier
la nature. Il partit pour Fontainebleau. A Fontainebleau, il alla dans
Ligne 2 920 ⟶ 3 201 :
le jour par des fenêtres au ras du plancher qui vous éclairaient
par-dessous comme une rampe de théâtre. Un enfant lui vint. Il
déménagea
déménagea en un autre logement. Celui-ci était tellement en pente que
==[[Page:Goncourt - Quelques créatures de ce temps, 1878.djvu/167]]==
en un autre logement. Celui-ci était tellement en pente que
le berceau de l'enfant placé le soir près du lit, se trouvait le matin
contre la porte. Il déménagea encore. Il se trouva logé place
Ligne 2 937 ⟶ 3 220 :
Hippolyte... Bon! la bière est trop petite.--On retourne, on cherche, on
trouve; ah! celle-ci va au corps.--On charge, on fouette, on arrive à
l'église, on décharge, on pose sur les tréteaux.--Tous les amis étaientTou
==[[Page:Goncourt - Quelques créatures de ce temps, 1878.djvu/168]]==
s les amis étaient
partis.--On chante, on bourdonne, on asperge, on recharge, on remporte,
on refouette;--et derrière le corbillard marche tout seul l'enfant
Ligne 2 944 ⟶ 3 229 :
 
 
==[[Page:Goncourt - Quelques créatures de ce temps, 1878.djvu/169]]==
 
LE PASSEUR DE MAGUELONNE
Ligne 2 955 ⟶ 3 241 :
marécageuses où le ciel, en se reflétant, laisse tomber de loin en loin
un morceau de lapis. Les joncs, les tamaris, les ronces, jettent leur
manteau vert
manteau vert sur les eaux qui fermentent. Les touffes de soude et de
==[[Page:Goncourt - Quelques créatures de ce temps, 1878.djvu/170]]==
sur les eaux qui fermentent. Les touffes de soude et de
varech tachent de longues langues de sable. En ce désert lézardé par la
mer envahissante, semé d'îlots de terre brûlée, et propice au mirage
Ligne 2 971 ⟶ 3 259 :
Auprès d'une hutte conique en joncs, wigham de Huron trempant dans la
boue, s'évase une mare où gît, sombrée, la carcasse d'un vieux bateau.
Au bord de la mare, pieds nus, jupe rouge et jupe bleue, deux petites
==[[Page:Goncourt - Quelques créatures de ce temps, 1878.djvu/171]]==
jupe rouge et jupe bleue, deux petites
filles, l'une accroupie, l'autre à genoux, font de grands jeux dans
l'eau. Leurs petits cheveux blonds leur courent gentiment sur la tête;
Ligne 2 987 ⟶ 3 277 :
rejettent pour voir s'il nagera mieux; et ce sont grandes joies et
félicités d'enfants, à ces petites, de souffler l'eau morte pour faire
un peu aller le cadavre d'argent, et de le pousser du doigt, la plus
==[[Page:Goncourt - Quelques créatures de ce temps, 1878.djvu/172]]==
et de le pousser du doigt, la plus
petite se mouillant encore plus que la plus grande.
 
Ligne 3 005 ⟶ 3 297 :
re coquinaria_, retrouvé sous les cuisines du monastère! Maguelonne! la
ville! Maguelonne! la forteresse! Maguelonne! l'évêché! Maguelonne! la
cathédrale! Maguelonne! la déserte! Maguelonne! une ferme! Maguelonne!
==[[Page:Goncourt - Quelques créatures de ce temps, 1878.djvu/173]]==
ferme! Maguelonne!
les goëlands sur la plage! Maguelonne! les sabots des chevaux sur les
tombes épiscopales!
Ligne 3 026 ⟶ 3 320 :
 
Et lui se leva; elle rougit. Il chanta:
==[[Page:Goncourt - Quelques créatures de ce temps, 1878.djvu/174]]==
 
La belle coumé lou printemps
Ligne 3 045 ⟶ 3 340 :
saucissotiers; elle les a refusés tous comme ceux d'Arles. Des jeunes
gens lui ont fait des bouquets et ont glissé des lettres dedans. Rosalie
a donné les bouquets à ses amies, et a jeté les lettres au feu. Un
==[[Page:Goncourt - Quelques créatures de ce temps, 1878.djvu/175]]==
ses amies, et a jeté les lettres au feu. Un
grand jeune homme, renommé trompeur, menant bonne guerre aux jolies
filles, a tourné autour d'elle longtemps; elle lui a fait les cornes; et
Ligne 3 063 ⟶ 3 360 :
nuit.--Le lendemain on trouva dans le jardin une tête de mort et un drap
de lit.--Le mari comprit; il devina qui s'était vengé.
==[[Page:Goncourt - Quelques créatures de ce temps, 1878.djvu/176]]==
 
La malade fut trois jours entre la vie et la mort; quand elle se reprit
Ligne 3 080 ⟶ 3 378 :
Cet argent qu'il gagne ainsi, ce sont les fleurs blanches, c'est la robe
blanche, c'est le voile blanc, c'est le costume de mariée que, dans sa
douce folie, Rosalie n'a pas voulu quitter et veut porter tous les
==[[Page:Goncourt - Quelques créatures de ce temps, 1878.djvu/177]]==
porter tous les
jours. Toute l'ambition du passeur est que ce costume soit toujours
renouvelé, toujours blanc, toujours frais comme au matin de leur union;
Ligne 3 096 ⟶ 3 396 :
traînante dans l'eau, saluent comme un présage cette madone de la
Méditerranée, et se disent: Bonne mer et bonne pêche!
==[[Page:Goncourt - Quelques créatures de ce temps, 1878.djvu/178]]==
 
 
Ligne 3 101 ⟶ 3 402 :
 
PETERS
==[[Page:Goncourt - Quelques créatures de ce temps, 1878.djvu/179]]==
 
HENRI.
Ligne 3 119 ⟶ 3 421 :
 
Merci. Un pays où il y a presque autant d'Anglais qu'à Naples! Ils ont
tout mis en de
tout mis en deuil, ces diables d'Anglais! même le vin: leur vin, c'est
==[[Page:Goncourt - Quelques créatures de ce temps, 1878.djvu/180]]==
uil, ces diables d'Anglais! même le vin: leur vin, c'est
du _porter_.
 
Ligne 3 148 ⟶ 3 452 :
de Schiller; et un soleil que le bon Dieu mouche bien trois fois par
an..... C'est la patrie des conseillers auliques, des redingotes à
brandebourgs et des lits non bordés... Voilà mes impressions de voyage.
==[[Page:Goncourt - Quelques créatures de ce temps, 1878.djvu/181]]==
voyage.
 
CHARLES.
Ligne 3 182 ⟶ 3 488 :
CHARLES.
 
L'adresse de l'idylle?
==[[Page:Goncourt - Quelques créatures de ce temps, 1878.djvu/182]]==
l'idylle?
 
THOMAS.
Ligne 3 211 ⟶ 3 519 :
CHARLES.
 
Son acte de naissance?n
==[[Page:Goncourt - Quelques créatures de ce temps, 1878.djvu/183]]==
aissance?
 
THOMAS.
Ligne 3 241 ⟶ 3 551 :
ALBERT.
 
Dans la Garonne?
==[[Page:Goncourt - Quelques créatures de ce temps, 1878.djvu/184]]==
Garonne?
 
CHARLES.
Ligne 3 281 ⟶ 3 593 :
THOMAS.
 
Des deux mains?deu
==[[Page:Goncourt - Quelques créatures de ce temps, 1878.djvu/185]]==
x mains?
 
CHARLES.
Ligne 3 316 ⟶ 3 630 :
Il y a, n'est-ce pas, de grandes allées à angle droit?... Les arbres
sont taillés à pic, de vrais murs... C'est de la géométrie
pittoresque... Les gens qui vaguent dans les allées les mouvements demo
==[[Page:Goncourt - Quelques créatures de ce temps, 1878.djvu/186]]==
uvements de
terrain, les réduits verts, les lignes de buis, la pièce d'eau, toute
votre promenade, vous la savez par cœur du haut du perron... Hélas! mon
Ligne 3 344 ⟶ 3 660 :
HENRI.
 
Et son amour, est-ce fini?c
==[[Page:Goncourt - Quelques créatures de ce temps, 1878.djvu/187]]==
e fini?
 
CHARLES.
Ligne 3 381 ⟶ 3 699 :
 
Songer qu'il y a à Paris dix mille jeunes gens qui se font la barbe le
matin, qui achètent des gants, qui s'habillent, qui sortent de chez euxch
==[[Page:Goncourt - Quelques créatures de ce temps, 1878.djvu/188]]==
ez eux
à dix heures, quelque froid qu'il fasse, qui saluent, qui dansent six
heures durant, qui causent avec leurs danseuses, et qui font ce métier
Ligne 3 410 ⟶ 3 730 :
 
Mon cher,--le Vampire, cadavre suceur, poursuit cruellement de son amour
ex
exsangue la jeune héritière de Tiffaugel,--créature grasse et jolie. Il
==[[Page:Goncourt - Quelques créatures de ce temps, 1878.djvu/189]]==
sangue la jeune héritière de Tiffaugel,--créature grasse et jolie. Il
a le visage suffisamment vert,--vert comme le serpent diabolique qui
nous a volé le Paradis où paissaient les panthères, où le vin de
Ligne 3 440 ⟶ 3 762 :
Je croirai si vous voulez aux abonnés du journal de la carrosserie, à
l'esprit de monsieur un tel, au succès d'une pièce littéraire, à ma
 
==[[Page:Goncourt - Quelques créatures de ce temps, 1878.djvu/190]]==
nomination à l'Académie, aux dettes qu'Arthur se donne, aux maîtresses
que Félix se prête, à l'orthographe de mademoiselle X..., à ma
Ligne 3 463 ⟶ 3 787 :
HENRI.
 
Peters, le peintre?p
==[[Page:Goncourt - Quelques créatures de ce temps, 1878.djvu/191]]==
eintre?
 
ADOLPHE.
Ligne 3 488 ⟶ 3 814 :
ALBERT.
 
Adolphe, mon cher, vous voulez nous faire croire qu'une nourriceno
==[[Page:Goncourt - Quelques créatures de ce temps, 1878.djvu/192]]==
us faire croire qu'une nourrice
napolitaine vous a bercé.
 
Ligne 3 507 ⟶ 3 835 :
femmes se renversent au fond de leurs loges. Le silence de tout à
l'heure se met à bavarder. La toile baisse sur une déroute.--Peters sort
au quatrième acte. L'attention est reprise au pas de course. Lesd
==[[Page:Goncourt - Quelques créatures de ce temps, 1878.djvu/193]]==
e course. Les
critiques écoutent. La grande actrice met des frissons dans la salle.
Succès sur toute la ligne. Peters rentre au cinquième acte. Chute
Ligne 3 541 ⟶ 3 871 :
ROBERT.
 
De Peters? diantre!
==[[Page:Goncourt - Quelques créatures de ce temps, 1878.djvu/194]]==
diantre!
 
CHARLES.
Ligne 3 570 ⟶ 3 902 :
ROBERT.
 
Mon cher, cet homme fait votre portrait, bon. Rappelez-vous ce que jeportra
==[[Page:Goncourt - Quelques créatures de ce temps, 1878.djvu/195]]==
it, bon. Rappelez-vous ce que je
vais vous dire. Je suppose que vous ayez un oncle à héritage, votre
oncle, dans les six mois, épouse sa cuisinière; je suppose que vous ayez
Ligne 3 593 ⟶ 3 927 :
 
Le grand manteau de Méry, une voix de caverne, le cheveu noir et le
sourcil circonflexe?circ
==[[Page:Goncourt - Quelques créatures de ce temps, 1878.djvu/196]]==
onflexe?
 
ROBERT.
Ligne 3 614 ⟶ 3 950 :
phrases, il fait un petit: hi! hi!--qui est comme un tic d'ironie. Il
vous rencontre; il dit en vous donnant une petite tape sur le ventre:
Vous n'avez jamais été malade, vous? Vous rentrez, et vous êtes six
==[[Page:Goncourt - Quelques créatures de ce temps, 1878.djvu/197]]==
, et vous êtes six
mois au lit. Demandez à F... Quand vous me donneriez vingt actions du
Crédit foncier, vous ne me feriez pas aborder Peters sans avoir l'index
Ligne 3 637 ⟶ 3 975 :
 
Qu'est-ce qu'il lui a fait encore à celui-là?
==[[Page:Goncourt - Quelques créatures de ce temps, 1878.djvu/198]]==
 
ROBERT.
Ligne 3 657 ⟶ 3 996 :
dans une baignoire à l'Odéon, c'est Peters; vous recevez un billet de
garde, c'est Peters; vous entendez une traduction au piano des contes
d'Hoffmann, c'est Peters...
==[[Page:Goncourt - Quelques créatures de ce temps, 1878.djvu/199]]==
Peters...
 
ALBERT.
Ligne 3 680 ⟶ 4 021 :
CHARLES.
 
Est-ce qu'il me fera souper avec une femme grêlée?femm
==[[Page:Goncourt - Quelques créatures de ce temps, 1878.djvu/200]]==
e grêlée?
 
ROBERT.
Ligne 3 706 ⟶ 4 049 :
CHARLES.
 
Demandez-lui son nom.
==[[Page:Goncourt - Quelques créatures de ce temps, 1878.djvu/201]]==
son nom.
 
LE GARÇON.
Ligne 3 728 ⟶ 4 073 :
CHARLES.
 
Dites-lui... hum... dites-lui que je n'y suis pas.
==[[Page:Goncourt - Quelques créatures de ce temps, 1878.djvu/202]]==
suis pas.
 
 
 
==[[Page:Goncourt - Quelques créatures de ce temps, 1878.djvu/203]]==
 
LE PERE THIBAUT
Ligne 3 749 ⟶ 4 097 :
Dès le grand matin, âme ne chôme; on fait dans le jardin du maire de
nouveaux plants de fraisiers et les cœurs s'enlacent.
==[[Page:Goncourt - Quelques créatures de ce temps, 1878.djvu/204]]==
 
Dans le sentier vraiment les rouges-gorges s'éveillent; et même on
Ligne 3 772 ⟶ 4 121 :
l'année dernière. Il a sa grande balle sur son dos, son bâton, et ses
mêmes bretelles. Il faut que le père Thibaut ait de l'huile de bras pour
porter depuis
porter depuis le temps ce qu'il porte là. Dieu merci! il n'a pas plu,
==[[Page:Goncourt - Quelques créatures de ce temps, 1878.djvu/205]]==
le temps ce qu'il porte là. Dieu merci! il n'a pas plu,
et ses souliers lacés sont propres et nets comme s'il venait d'une
petite promenade sur la route aux Gendarmes.
Ligne 3 793 ⟶ 4 144 :
 
Le père Thibaut sourit de l'œil à tous les vieux visages. Il tâche à se
rappeler les plus jeunes et derniers venus. Et puis, prise humée, vin
==[[Page:Goncourt - Quelques créatures de ce temps, 1878.djvu/206]]==
humée, vin
lampé:--«Eh! eh! vous m'attendiez, nem'? Un peu plus tôt, un peu plus
tard, que voulez-vous? c'est affaire du temps qu'il fait, plutôt que
Ligne 3 809 ⟶ 4 162 :
je suis arrangeur à cette heure, et de compte rond; c'est-il ça, ou ça
qui vous fait affaire? le père Thibaut est là pour la réponse. Pour un
demi-écu, fichus rouges à ramageures, et comme en ont des filles de
==[[Page:Goncourt - Quelques créatures de ce temps, 1878.djvu/207]]==
et comme en ont des filles de
ville; Lucienne, à toi, Lucienne! et d'un beau rouge qui se lave, rouge
comme soleil couchant sur bois.--A toi, Roussette, le tour de cou à
Ligne 3 826 ⟶ 4 181 :
Sa voix, sans être aussi belle et redondante que celle des charlatans en
habit rouge, avec des épaulettes d'or, qui battent la caisse pour
étourdir le pauvre monde, et les souffrants de dents, et paraître
==[[Page:Goncourt - Quelques créatures de ce temps, 1878.djvu/208]]==
souffrants de dents, et paraître
grands savants,--sa voix est encore bonne, et prend les gens à sa
caresse. Une gaie fleur de verte santé rit dans son bon vieux visage. Il
Ligne 3 843 ⟶ 4 200 :
corps.--Je sais bien que la moisson n'est pas sur le feu; tout de même,
je vous apporte des pierres à aiguiser des faux.--Voulez-vous des
rigoles de buis pour vos futailles? C'est-y des pommades avec une fleur
==[[Page:Goncourt - Quelques créatures de ce temps, 1878.djvu/209]]==
avec une fleur
dorée dessus? des tabatières de bouleau qui fraîchissent?--Il vous faut
des mouchoirs bleus à petits carreaux.--Chut! chut! je serais à l'amende
Ligne 3 859 ⟶ 4 218 :
se referment, avec un joli drap sur la glace, qui vous diront vos
vérités, Jeannette; mais n'allez point par chaque minute à c'te
confesse-là, coquette!--Et du fil, et des boutons, toutes les
==[[Page:Goncourt - Quelques créatures de ce temps, 1878.djvu/210]]==
boutons, toutes les
cognandises pour les ménagères qui ont homme à pourvoir et
maintenir;--et des ceintures, et des rubans,--ceux-là bleus, comme quand
Ligne 3 885 ⟶ 4 246 :
Dieu a gardé vos bêtes
Et les yeux de vos têtes,
==[[Page:Goncourt - Quelques créatures de ce temps, 1878.djvu/211]]==
Et des larrons, vion, vion!....
Et des larrons, vion, vion!....
La petite Saint-Sauvé, vite donc! vite donc!
 
Ligne 3 904 ⟶ 4 266 :
marais, vous n'auriez pas un gentil cœur. Une bénédiction, ces bas, pour
le labour d'avant le jour, quand la terre est roide gelée!--Ça, nem'?
des petits chaussons pour mettre aux fanfans qui ne tiennent pas au
==[[Page:Goncourt - Quelques créatures de ce temps, 1878.djvu/212]]==
au
feu, et vont s'éjouir à la neige.--C'est-y pas toi, Jean les-bé-jambes,
qu'a toujours un regret de douleur dans les épaules? Prends-moi de c'te
Ligne 3 924 ⟶ 4 288 :
--«Bonjour, père Valence, je ne vous ai pas mis dans les oublis, père
Valence. Les yeux, comment que ça va? Le blé a grainé cette année; le
diable n'a pas chevillé les moulins; l'argent n'est pas cher; c'est pas
==[[Page:Goncourt - Quelques créatures de ce temps, 1878.djvu/213]]==
argent n'est pas cher; c'est pas
une pièce de vingt sous de plus ou de moins... Des lunettes à tous yeux,
bien montées de fer-blanc, qu'on marcherait dessus sans qu'elles
Ligne 3 942 ⟶ 4 308 :
alouettes, monsieur Landry; les petiots, ne sautez pas après mes images,
que vous me les déchireriez. L'_Histoire du Juif-Errant_, _Sainte
Geneviève de Brabant_, les _Hussards français à pied_; voyez, il ne
==[[Page:Goncourt - Quelques créatures de ce temps, 1878.djvu/214]]==
français à pied_; voyez, il ne
m'en reste plus qu'une de cette belle-là.»
 
Ligne 3 960 ⟶ 4 328 :
--«Et puis que je vous souhaite bonne année, récolte bonne! Savez-vous
que v'là bientôt à Saint-Sylvestre, et v'là encore une gueuse d'année de
finie? Bien des maux, une année! Faut que vous sachiez le temps, est-ce
==[[Page:Goncourt - Quelques créatures de ce temps, 1878.djvu/215]]==
vous sachiez le temps, est-ce
pas? et donnez-vous un almanach! Bleu, vert, jaune, la couleur n'y fait
rien. Le _Grand Messager boiteux des cinq parties du monde_, le
Ligne 3 978 ⟶ 4 348 :
avril vient, à Allarmont, arrivant comme janvier arrive,--toujours
chanson voltigeant aux lèvres, appétit en poche, et cœur content,
oui-dà, c'est le père Thibaut.--Du bisaïeul au grand-père, du
==[[Page:Goncourt - Quelques créatures de ce temps, 1878.djvu/216]]==
bisaïeul au grand-père, du
grand-père au père, du père au fils, le petit commerce s'est légué; et
bien sûr, mes amis, que c'était un Thibaut qui colportait de village en
Ligne 3 995 ⟶ 4 367 :
 
 
==[[Page:Goncourt - Quelques créatures de ce temps, 1878.djvu/217]]==
 
UN VISIONNAIRE
Ligne 4 008 ⟶ 4 381 :
Burroughs était le plus beau garçon de Londres. Ajoutez qu'il était
bretteur. Il eût tué tout le monde, si tout le monde avait voulu se
battre en duel avec lui.--En sorte qu'il avait pour maîtresse une
==[[Page:Goncourt - Quelques créatures de ce temps, 1878.djvu/218]]==
qu'il avait pour maîtresse une
grande dame, une Italienne. Comme elle était à son lit de mort, elle lui
fit jurer de ne jamais dire ce qu'il y avait eu entre elle et lui.
Ligne 4 033 ⟶ 4 408 :
 
--Je n'en sais rien, monsieur.--Ah! madame, il y a peut-être un monde
que
que nos yeux ne voient pas, et que nos oreilles n'entendent
==[[Page:Goncourt - Quelques créatures de ce temps, 1878.djvu/219]]==
nos yeux ne voient pas, et que nos oreilles n'entendent
pas.--Blake, qu'on nommait _le Voyant_, causait avec Michel-Ange, dînait
avec Moïse, soupait avec Sémiramis. Il vous disait: «Vous n'avez pas
Ligne 4 052 ⟶ 4 429 :
passait certaines nuits à regarder son gros orteil, autour duquel il
voyait des Tartares, des Turcs, des catholiques monter et se battre?
Allez, messieurs, le cerveau de l'homme,--la nature psychique, comme
==[[Page:Goncourt - Quelques créatures de ce temps, 1878.djvu/220]]==
de l'homme,--la nature psychique, comme
ils disent,--ils ont beau y mettre le scalpel, ils le pèsent comme un
paquet! ils ne sauront pas encore demain ce qu'il y a dedans.--Oui!
Ligne 4 068 ⟶ 4 447 :
savez, madame, l'histoire des visions de ce magistrat anglais? Il vit
d'abord un chat, puis c'était un huissier de cour avec la bourse et
l'épée, une veste brodée, le chapeau sous le bras; puis enfin ce fut un
==[[Page:Goncourt - Quelques créatures de ce temps, 1878.djvu/221]]==
bras; puis enfin ce fut un
squelette, caché dans les rideaux de son lit, et regardant par-dessus
l'épaule de son médecin!--Mais pardon, je bavarde....
Ligne 4 089 ⟶ 4 470 :
conduites de bois faisaient dans le lointain de petits bruits douteux.
Il y avait de brusques remuements de feuilles dans l'allée de tilleuls
qui boulait l'eau. La lueur agitée des deux bougies coulait, par la
==[[Page:Goncourt - Quelques créatures de ce temps, 1878.djvu/222]]==
agitée des deux bougies coulait, par la
porte entr'ouverte, sur l'allée sablée, et mettait, se perdant, sur
quelques bouleaux des futaies, des apparences fantasques. Tout au fond,
Ligne 4 112 ⟶ 4 495 :
corbeaux dorment, et il n'y a personne, ni un homme, ni une femme, ni
une petite fille, personne sur la route.»
==[[Page:Goncourt - Quelques créatures de ce temps, 1878.djvu/223]]==
 
Jarvis a un petit couteau dans sa poche. Ils passent dans le
Ligne 4 133 ⟶ 4 517 :
 
«John, les pavés se détachent, vois, vois-tu? Ils courent après moi. Tu
sais, le petit tambour, le petit tambour si joli avec son uniforme
==[[Page:Goncourt - Quelques créatures de ce temps, 1878.djvu/224]]==
le petit tambour si joli avec son uniforme
rouge?--John dit: «Va trouver le médecin.»
 
Ligne 4 158 ⟶ 4 544 :
Madame *** se rapprocha de ses voisins.
 
--Il y a neuf ans de cela; j'étais dans un village près de Saverne. Je
==[[Page:Goncourt - Quelques créatures de ce temps, 1878.djvu/225]]==
près de Saverne. Je
finissais mes études, et je logeais chez un curé. Le presbytère était
sur le haut d'une colline. Du bas du presbytère partait une grande allée
Ligne 4 179 ⟶ 4 567 :
théière.
 
--L'apparition de Saverne, l'apparition de Saverne!--dirent ensemble
==[[Page:Goncourt - Quelques créatures de ce temps, 1878.djvu/226]]==
Saverne!--dirent ensemble
Édouard, Amédée et Paul.
 
Ligne 4 200 ⟶ 4 590 :
d'aveugle.--Il était vêtu de noir.
 
--Puisque nous sommes seuls, messieurs, reprit Frantz après quelques
==[[Page:Goncourt - Quelques créatures de ce temps, 1878.djvu/227]]==
Frantz après quelques
instants de silence,--que la châtelaine est partie, et que vous êtes
éveillés comme des gens qui attendent un revenant, je vous raconterai ce
Ligne 4 216 ⟶ 4 608 :
jours,--dans un rêve, je vis dans notre salon beaucoup de gens de ma
famille en deuil; une de mes tantes s'approcha de moi, et me dit: «Ton
père ne passera pas trois jours.»--Mon père mourut le mardi. Cela me
==[[Page:Goncourt - Quelques créatures de ce temps, 1878.djvu/228]]==
le mardi. Cela me
mit encore plus de songes dans la pensée. Mon père et ma sœur me
revenaient souvent. Insensiblement, je nouai ma vie avec des
Ligne 4 235 ⟶ 4 629 :
dire.
 
Ma porte s'ouvre doucement. Une tête passe, me fait un salut, et semble
==[[Page:Goncourt - Quelques créatures de ce temps, 1878.djvu/229]]==
passe, me fait un salut, et semble
demander du regard si l'on peut entrer. Puis le personnage entre et à sa
suite se faufilent processionnellement vingt à vingt-cinq larves d'un
Ligne 4 251 ⟶ 4 647 :
noir pareil à celui de Crespel. Sa face est creusée du front aux dents
comme un quartier de lune, sa veste est noire, ses grandes bottes sont
relevées au bout à la poulaine. Il tient dans sa main une lettre bordée
==[[Page:Goncourt - Quelques créatures de ce temps, 1878.djvu/230]]==
tient dans sa main une lettre bordée
et cachetée de noir. Je n'ai jamais pu lire ce qu'il y avait sur cette
lettre. Il est suivi d'une petite femme dont l'épaisse chevelure grise,
Ligne 4 267 ⟶ 4 665 :
maçon.--Cette apparition, messieurs, est celle qui m'effraie le
plus.--Ce ne sont pas les caprices funèbres du graveur espagnol; ce ne
sont pas les ombres stygiennes de l'antre de Trophonius; ce ne sont pas
==[[Page:Goncourt - Quelques créatures de ce temps, 1878.djvu/231]]==
Trophonius; ce ne sont pas
les griffonnages et les bossues goîtreuses du Vinci; ce ne sont ni les
maigres squelettes classiques des _Danses des morts_, ni les figurations
Ligne 4 285 ⟶ 4 685 :
Après cela, ce sont les incestes de la forme humaine et de la forme
bestiale, les plus inouïes contrefaçons de l'homme. Une grosse tête
d'enfant,
d'enfant, cerclée d'un bourrelet, montée sur des pattes de faucheux;
==[[Page:Goncourt - Quelques créatures de ce temps, 1878.djvu/232]]==
cerclée d'un bourrelet, montée sur des pattes de faucheux;
une face qui rentre dans le crâne fait en coquille d'escargot... Je veux
leur parler; je ne puis. Ma langue se colle à mon palais. Ils vont
Ligne 4 301 ⟶ 4 703 :
chambre! les plus étranges accoutrements...--et il n'y a point entre eux
et moi cette gaze dont parle Esquirol;--tout éclate de lumière,
pourpoints à la croix blanche des Templiers, des faux cols, des
==[[Page:Goncourt - Quelques créatures de ce temps, 1878.djvu/233]]==
Templiers, des faux cols, des
chapeaux en entonnoir, des éperons, des lunettes d'or, des fraises Henri
II, des redingotes à la propriétaire... Ils s'en vont; je sens qu'ils
Ligne 4 310 ⟶ 4 714 :
 
--Messieurs--dit Siméon en ouvrant la porte--le feu est allumé dans vos
 
==[[Page:Goncourt - Quelques créatures de ce temps, 1878.djvu/234]]==
chambres!
 
 
 
==[[Page:Goncourt - Quelques créatures de ce temps, 1878.djvu/235]]==
 
UN COMÉDIEN NOMADE
Ligne 4 326 ⟶ 4 733 :
L'hôtesse de Châteauroux, qui les a flairés, crie à la bonne: «V'là les
comédiens! serrez les couverts!»
==[[Page:Goncourt - Quelques créatures de ce temps, 1878.djvu/236]]==
 
Comédiens de province! parias, sentinelles perdues de l'art dramatique,
Ligne 4 343 ⟶ 4 751 :
hôtelleries où l'on engage «les chausses troussées à bas d'attache»; vie
de pourpre et de guenilles, d'imaginative et d'audace; vie à la
Rosambeau, où Robespierre se fait un gilet avec du papier grand-aigle,
==[[Page:Goncourt - Quelques créatures de ce temps, 1878.djvu/237]]==
fait un gilet avec du papier grand-aigle,
où Louis XV se fait une perruque avec des copeaux poudrés de farine!
 
Ligne 4 362 ⟶ 4 772 :
 
X... est maigre comme un vieux cheval; il mange comme un homme qui a eu
appétit toute
appétit toute sa vie. X... ne joue bien, à ce qu'il dit, que lorsqu'il
==[[Page:Goncourt - Quelques créatures de ce temps, 1878.djvu/238]]==
sa vie. X... ne joue bien, à ce qu'il dit, que lorsqu'il
a un coup de soleil--(son coup de soleil, il le jauge à huit litres).
 
Ligne 4 380 ⟶ 4 792 :
en ressources que Quinola, il a toujours à sa disposition soixante et
trois manières de payer un écot. Ne doutant de rien, et moins de lui que
de toute autre chose, grand caractère tout frotté de stoïcisme, assez
==[[Page:Goncourt - Quelques créatures de ce temps, 1878.djvu/239]]==
grand caractère tout frotté de stoïcisme, assez
indifférent aux pièces qui _descendent la garde_, accueillant les bravos
avec gravité, il déjeune parfois d'une croûte trompée à la fontaine du
Ligne 4 400 ⟶ 4 814 :
d'Arlequin. Il sautille; ses mouvements sont saccadés. Il a l'air de
remuer, piqué d'une tarentule. Sa voix est aiguë, aigre et criarde, et
se raccroche en ses hiatus au perpétuel _sangodemi_!--Quand il parle,
==[[Page:Goncourt - Quelques créatures de ce temps, 1878.djvu/240]]==
parle,
il s'aide de ses yeux, et roule les prunelles comme s'il jouait dans la
vie privée les traîtres de Bouchardé.
Ligne 4 418 ⟶ 4 834 :
X... ne sourcille pas. Il se couche à terre, s'appuie sur un banc de
gazon, et chante ainsi couché: _Asile héréditaire_, de _Guillaume Tell_,
et dit la tirade de Gros René, du _Dépit amoureux_. Il fit 47 fr. de
==[[Page:Goncourt - Quelques créatures de ce temps, 1878.djvu/241]]==
du _Dépit amoureux_. Il fit 47 fr. de
recette. A un de ses amis qui lui disait: Comment.....?
 
Ligne 4 437 ⟶ 4 855 :
souvent, et beaucoup, et très-fort! Mais il a le caractère et le dos
fait aux sifflets comme aux _frutti_ du parterre de Rouen, et va se
_guabelant_ de tout cela.--Il joue le premier acte de _la Dame
==[[Page:Goncourt - Quelques créatures de ce temps, 1878.djvu/242]]==
premier acte de _la Dame
blanche_. Il est sifflé. Le second acte va commencer. Le directeur vient
le prévenir. Il trouve X... se déshabillant tranquillement dans sa loge.
Ligne 4 454 ⟶ 4 874 :
l'habit de tes jeunes premiers; tu t'assiéras, les pieds moulus et la
mort dans le cœur: alors une vieille femme passera qui te dira: «Venez
chez moi.» Elle te fera bien souper et bien coucher. Et le matin, quand
==[[Page:Goncourt - Quelques créatures de ce temps, 1878.djvu/243]]==
bien coucher. Et le matin, quand
tu lui diras: «Je ne peux pas vous payer. Je suis comédien; voilà mon
habit»;--la femme le repliera, ton habit noir, et le remettera dans ton
Ligne 4 463 ⟶ 4 885 :
 
Sur la tombe du nomade, qu'on mette un masque comique, un bâton de
 
==[[Page:Goncourt - Quelques créatures de ce temps, 1878.djvu/244]]==
voyageur.
 
 
 
==[[Page:Goncourt - Quelques créatures de ce temps, 1878.djvu/245]]==
 
L'EX-MAIRE DE RUMILLY
Ligne 4 479 ⟶ 4 904 :
portée de la main toutes bonnes et désirables choses. Les belles
plaines, avec fraîches eaux, beaux prés valants, terres fertiles,
salubres et
salubres et délicieuses, étaient leurs douaires et leurs hoiries
==[[Page:Goncourt - Quelques créatures de ce temps, 1878.djvu/246]]==
délicieuses, étaient leurs douaires et leurs hoiries
prédestinés. «O gens heureux! ô demy-dieux!»--leur disait l'autre, les
voyant autour des dix sept cent mille clochers de France, seigneurs de
Ligne 4 497 ⟶ 4 924 :
paix, de pitancerie, et de bien-être, et de belle vue champêtre, avec le
gai soleil pour éveilleur et sonneur de matines aux fenêtres joyeuses,
avec le gai soleil pour compagnon mûrisseur des espaliers à six étages!c
==[[Page:Goncourt - Quelques créatures de ce temps, 1878.djvu/247]]==
ompagnon mûrisseur des espaliers à six étages!
Vergers frutescents, tout rougeauds de fruits; plantureux terrages,
chauds nourriciers des grainées opulentes; forêts qui font l'horizon
Ligne 4 514 ⟶ 4 943 :
 
Quel rêve entrevu, la première fois qu'ils entrèrent au pays de Rumilly!
C'était splendide jour de printemps, ou clair temps d'automne. Quelle
==[[Page:Goncourt - Quelques créatures de ce temps, 1878.djvu/248]]==
de printemps, ou clair temps d'automne. Quelle
ambition éveillée par toutes les promesses de la gente contrée! Et
comme, leur quête finie, les moines la quittent pensifs, tout songeant à
Ligne 4 531 ⟶ 4 962 :
envahissant, de ci, de là, tout le pays. Gauthier de Fresnoy leur
accorde la moitié de ses dîmes. Un autre jour, c'est le village de
==[[Page:Goncourt - Quelques créatures de ce temps, 1878.djvu/249]]==
Saint-Parres qui leur est donné; un autre, c'est le Bouchot; un autre,
c'est Nice; un autre encore, Villeneuve-sur-Terrien; un autre, le
Ligne 4 547 ⟶ 4 979 :
cinq petites tourelles élancent dans le ciel leurs pointes d'ardoises
pour l'abri et l'habitation d'honneur du seigneur abbé. Et de tant de
jouissances charnelles, conquises en si peu de temps, le cantique de
==[[Page:Goncourt - Quelques créatures de ce temps, 1878.djvu/250]]==
le cantique de
reconnaissance se lit aux murs tout égayés de paganisme. Sous les
figures emmédaillonnées dans les grandes cheminées, c'est la devise:
Ligne 4 565 ⟶ 4 999 :
de rouge les feuillages. Puis les cinq tourelles bleuâtres du château,
la tour blanche de l'église. Là-dessus, le coteau monte, couvert
d'arbres fruitiers fleuris. Le soleil joue dans la neige mate des
==[[Page:Goncourt - Quelques créatures de ce temps, 1878.djvu/251]]==
la neige mate des
fleurs, y posant par places des brillants, comme dans de l'argent bruni.
Au haut du coteau, un panache d'un vert sourd qui fait ressauter les
Ligne 4 582 ⟶ 5 018 :
insolite morceau de chair prêt à fuir. Ainsi nasalement pourvu, la tête
du vieillard a l'air de ces hydrocéphales de buis qui servent
==[[Page:Goncourt - Quelques créatures de ce temps, 1878.djvu/252]]==
d'enseignes drolatiques aux marchands de parapluies. Il tient en main
une ombrelle ouverte. L'ombrelle de soie met au chef de l'homme des
Ligne 4 601 ⟶ 5 038 :
demandes, et les placets sont à sa porte, bonnet bas, révérences prêtes.
Cet homme est le maire de Rumilly.
==[[Page:Goncourt - Quelques créatures de ce temps, 1878.djvu/253]]==
 
--«Azélie--a-t-il dit--donnez-moi mon ouvrage.»
Ligne 4 621 ⟶ 5 059 :
 
De la cuisine, une voix aigre s'échappe:--«A Paris? y pensez-vous,
Monsieur? J'ai cent cinquante dindons à élever cette année! Vous allez,a
==[[Page:Goncourt - Quelques créatures de ce temps, 1878.djvu/254]]==
nnée! Vous allez,
comme ça me laisser seule?»
 
Ligne 4 640 ⟶ 5 080 :
 
Méprise du créateur que cette cervelle femelle logée dans cette
caricature de mâle? Cervelle coulée au moule des gynécées, engouée de
==[[Page:Goncourt - Quelques créatures de ce temps, 1878.djvu/255]]==
coulée au moule des gynécées, engouée de
chiffons, manœuvrant toute la machine solide de ce corps ridicule aux
petits travaux des Arachnés! Homme-femme ayant ambition depuis trente
Ligne 4 658 ⟶ 5 100 :
travaille avec tout cela dans la ruelle contre le mur. C'est long ce
qu'il fait; il s'impatiente; il prend une épingle sur la table de nuit;
==[[Page:Goncourt - Quelques créatures de ce temps, 1878.djvu/256]]==
il se pique. Il bougonne sourdement. Cela avance. Il sifflote un petit
air. Il lui faut maintenant ses deux mains; il met l'épingle entre ses
Ligne 4 675 ⟶ 5 118 :
Le dimanche gras, il arrive à Rumilly une grande caisse de Paris pour M.
Jousseau.--M. Jousseau s'enferme avec sa caisse; même Azélie ne sait ce
qu'il fait enfermé.fa
==[[Page:Goncourt - Quelques créatures de ce temps, 1878.djvu/257]]==
it enfermé.
 
A midi, le mardi gras, M. Jousseau sort dans son cabriolet d'osier.
Ligne 4 694 ⟶ 5 139 :
les yeux baissés. Voilà que la jolie Vierge lève elle aussi, pour
regarder, ses paupières de pierre toute noircies des larmes de la pluie
==[[Page:Goncourt - Quelques créatures de ce temps, 1878.djvu/258]]==
d'hiver. La grande rose à six feuilles en cœur resplendit comme une
prunelle de cyclope dilatée; et les monstres des gouttières, et les
Ligne 4 712 ⟶ 5 158 :
Collet, chanoine et official de Troyes, par trente-quatre ans de quêtes
patientes au travers des contrées chrétiennes, architecte de charité! ne
serait-ce pas
serait-ce pas votre méchant petit frère Claude,--Claude qui, perdant
==[[Page:Goncourt - Quelques créatures de ce temps, 1878.djvu/259]]==
votre méchant petit frère Claude,--Claude qui, perdant
que vous faisiez, armé de votre aumônière, croisade pour conquérir cette
belle maison de Dieu, crayonnait sur tous les murs un grand enfer,
Ligne 4 730 ⟶ 5 178 :
les éveiller de leur rêve de paradis et faire les cornes à votre pauvre
âme trépassée, dites, ô Jean Collet?»
==[[Page:Goncourt - Quelques créatures de ce temps, 1878.djvu/260]]==
 
 
 
==[[Page:Goncourt - Quelques créatures de ce temps, 1878.djvu/261]]==
 
MARIUS CLAVETON
Ligne 4 749 ⟶ 5 199 :
 
Marius Claveton est méridional, mais, à cela près qu'il jure par
_pécaïre_, il n'est pas de son pays: il est modeste, il est discret, il
==[[Page:Goncourt - Quelques créatures de ce temps, 1878.djvu/262]]==
est modeste, il est discret, il
est taciturne. Il sait l'étiquette entre gens qui n'ont rien et gens qui
ont un peu plus. Invitez-le à déjeuner, il acceptera, mais de cet air
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volumes. Marius Claveton a peut-être traduit encore plus de volumes que
Defauconpret, car Marius n'a «ne cens, ne rente, ne avoir», comme ce bon
larron de
larron de Villon. Marius vit à traduire de l'anglais.
==[[Page:Goncourt - Quelques créatures de ce temps, 1878.djvu/263]]==
Villon. Marius vit à traduire de l'anglais.
 
Quand Marius a six sous, et de plus de quoi acheter des plumes et du
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dire.--Le protecteur monte l'escalier, il frappe.--Qui est là? crie
Marius.--C'est moi.--Honorable monsieur! honorable
monsieur!--L'honorable monsieur entendit des allées et venues dans la
==[[Page:Goncourt - Quelques créatures de ce temps, 1878.djvu/264]]==
des allées et venues dans la
chambre; puis ce fut comme un frôlement de linge. Marius passait une
chemise. Il ouvrit. L'honorable monsieur faillit être renversé: la
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lui font quelques artistes de sa connaissance. On se cotise, on apporte,
qui un gilet, qui une redingote, qui un pantalon, ce qui vous permet de
deviner que le costume de Marius est d'un style éminemment composite;
==[[Page:Goncourt - Quelques créatures de ce temps, 1878.djvu/265]]==
composite;
les charités qu'on lui fait étant de tous ordres et les habits qu'on lui
donne étant de toutes dates. Mais cela ne fait guère à Marius; il marche
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ωσμη du gynécée; il dit, d'après les Guerlains inédits de la
Grande-Bretagne, le castoréum, le crocus, la marjolaine, le storax;
il dit les stagonies d'encens et les roses de Tunis, et d'Égypte, et de
==[[Page:Goncourt - Quelques créatures de ce temps, 1878.djvu/266]]==
de Tunis, et d'Égypte, et de
Campanie, et que nous devons à Néron l'art de s'oindre la plante des
pieds! Il conte toutes les ressources de l'Orient, Éden des parfums, le
Ligne 4 840 ⟶ 5 300 :
 
Marius,--il paraît que, cette après-midi là, le journal où il s'était
présenté manquait de copie,--Marius revenait avec huit francs dans sa
==[[Page:Goncourt - Quelques créatures de ce temps, 1878.djvu/267]]==
copie,--Marius revenait avec huit francs dans sa
poche. Huit francs! Pécaïre! Huit francs! une fortune! Huit francs!! Si
Marius eût dû jamais connaître l'orgueil, il l'eût fait ce soir-là. Il
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dégagé pour comprendre ses infortunes et son peu de costume. La portière
de l'hôtel de Grèce, en l'apercevant, partit d'un éclat de rire. Le
pauvre Marius ouvrit les yeux; il vit que les voleurs lui avaient fendu
==[[Page:Goncourt - Quelques créatures de ce temps, 1878.djvu/268]]==
les yeux; il vit que les voleurs lui avaient fendu
sa chemise par devant,--du haut en bas. Ce n'était plus qu'une
redingote. Marius se vit comme il était; il vit la portière rire,--il se
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==[[Page:Goncourt - Quelques créatures de ce temps, 1878.djvu/269]]==
 
LOUIS ROGUET
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des premiers travaux, des premiers encouragements. Le rayonnement n'est
pas considérable. Mais le portrait de l'assassin Abraham Serain derrière
les barreaux de sa prison, un groupe représentant _un Fils recevant les
==[[Page:Goncourt - Quelques créatures de ce temps, 1878.djvu/270]]==
Fils recevant les
derniers soupirs de sa mère_, éveillent la curiosité. Les charges de
quelques notables, inspirées de l'humour de Dantan, font le jeune homme
Ligne 4 892 ⟶ 5 359 :
uns originaux, les autres copiés, mais des copies redoutables aux
maîtres; voici les figurines de madame Paillet, de mademoiselle
Méquillet dans le rôle de Valentine des _Huguenots_, d'Audran dans _Ne
==[[Page:Goncourt - Quelques créatures de ce temps, 1878.djvu/271]]==
d'Audran dans _Ne
touchez pas à la Reine_; voici trois médailles obtenues en 1844, 1845,
1847. De ses esquisses perdues, nous nous rappelons une étude de la
Ligne 4 912 ⟶ 5 381 :
 
L'homme se traduisait dans ses œuvres. Doué d'une vigueur d'athlète,
prenant plaisir aux tours de force, et l'emportant sur tous; faisant dea
==[[Page:Goncourt - Quelques créatures de ce temps, 1878.djvu/272]]==
ux tours de force, et l'emportant sur tous; faisant de
son atelier une sorte de _palestre_; exerçant ses membres pour retrouver
chez lui les lignes qu'il aimait en ses modèles; jetant un jour un
Ligne 4 928 ⟶ 5 399 :
d'elle-même, il adorait sa mère; mais, dans son adoration, n'entrait-il
pas un peu de reconnaissance pour l'affection soumise et comme
obéissante que lui portait l'excellente femme?--Ame valeureuse faite
==[[Page:Goncourt - Quelques créatures de ce temps, 1878.djvu/273]]==
valeureuse faite
pour la lutte et pour les chocs, taillée à grands coups; une âme du XVIe
siècle dépaysée dans le nôtre. Mais dévoué garçon, mais tout débordant
Ligne 4 949 ⟶ 5 422 :
Mais déjà une toux sèche le fatiguait. Le cheval qu'il avait jeté à
terre lui avait un moment reculé sur la poitrine, et depuis ce moment
 
==[[Page:Goncourt - Quelques créatures de ce temps, 1878.djvu/274]]==
il éprouvait des malaises; puis ce furent des douleurs. On lui
conseilla le repos; mais il se souciait bien de cela vraiment!--Il entre
Ligne 4 966 ⟶ 5 441 :
Les projets s'accumulent dans sa tête, et sa main est impuissante. Il se
couche, il se relève; il prend la fièvre pour de la force, il va de son
lit à la statue, de la statue à son lit; maudissant les survivants qui
==[[Page:Goncourt - Quelques créatures de ce temps, 1878.djvu/275]]==
à son lit; maudissant les survivants qui
ont le temps avec eux, pleurant sur la douleur de sa mère, voulant
revenir et ne pouvant pas. Ce fut entre lui et l'agonie une lutte
Ligne 4 980 ⟶ 5 457 :
 
Roguet avait vingt-six ans.
==[[Page:Goncourt - Quelques créatures de ce temps, 1878.djvu/276]]==
 
 
 
==[[Page:Goncourt - Quelques créatures de ce temps, 1878.djvu/277]]==
 
UN AQUA-FORTISTE
Ligne 4 997 ⟶ 5 476 :
 
La demoiselle de comptoir comptait les petites cuillers. Un garçon
couvrait le billard; un autre apportait un matelas roulé sur sa tête.
==[[Page:Goncourt - Quelques créatures de ce temps, 1878.djvu/278]]==
un autre apportait un matelas roulé sur sa tête.
Minuit avait éteint le gaz. L'or des plafonds et des murs, les éclairs
des glaces, les paillettes des verres, tout cela avait été soigneusement
Ligne 5 016 ⟶ 5 497 :
marchions.--Une bien belle nuit!--Et il allait, promenant ses yeux dans
l'ombre.--Ah! pardon, je suis distrait: vous ai-je demandé votre
adresse?--Je lui donne ma carte.--Monsieur, ils sont trois, à l'heure
==[[Page:Goncourt - Quelques créatures de ce temps, 1878.djvu/279]]==
ils sont trois, à l'heure
qu'il est, sur la place du Carrousel: un homme, une grosse lorgnette et
la lune. L'homme attend, la lorgnette regarde, la lune... Ah! voilà un
Ligne 5 037 ⟶ 5 520 :
Bacchus rouge d'un cabaret, Domangeot invitait les amis qui passaient
dans la rue, et les amis des amis, et même les amis des autres. Je
passais; mon
passais; mon nom tomba de là-haut; je montai. On me donna une chaise et
==[[Page:Goncourt - Quelques créatures de ce temps, 1878.djvu/280]]==
nom tomba de là-haut; je montai. On me donna une chaise et
un verre de Champagne dont le pied était cassé. Mon homme était là, pâle
parmi les faces de pourpre. Cependant il buvait, il buvait comme un
Ligne 5 068 ⟶ 5 553 :
 
--A une blonde!
==[[Page:Goncourt - Quelques créatures de ce temps, 1878.djvu/281]]==
 
--A cette bonne Fanchette! qui marchandait à la boutique à un sou!
Ligne 5 088 ⟶ 5 574 :
la nuit et les chauves-souris qui me boivent à petites gouttes le
sang... Quand ces yeux me regardent, c'est bien étrange, allez
messieurs, mais c'est comme je vous le dis, Rembrandt me prenant par la
==[[Page:Goncourt - Quelques créatures de ce temps, 1878.djvu/282]]==
prenant par la
main me fait entrer dans le clair-obscur d'une de ses planches,--et il
répéta quatre ou cinq fois en riant bêtement--oui dans le clair-obscur,
Ligne 5 107 ⟶ 5 595 :
graveur, Monsieur; un triste état, comme vous voyez: des taches, des
trous, un habit qu'on dirait d'amadou sur lequel on a battu le briquet.
Les marchands... ah! les marchands! Il faut mendier quinze francs d'une
==[[Page:Goncourt - Quelques créatures de ce temps, 1878.djvu/283]]==
'une
planche!... On a de mauvaises hontes, et je n'ai osé aller vous
remercier, fait comme un pauvre... Ce soir,--je bois comme un
Ligne 5 124 ⟶ 5 614 :
grandes pierres blanches qui entre dans le trou noir de l'arche comme un
mitron se glissant dans un four éteint... Ces réverbères, dans l'eau
tout là-
tout là-bas,--des crucifix de feu; là, devant nous, comme des pans de
==[[Page:Goncourt - Quelques créatures de ce temps, 1878.djvu/284]]==
bas,--des crucifix de feu; là, devant nous, comme des pans de
fenêtres d'où les flammes des lustres filtrent à travers des rideaux de
bal... Non, cela tourne: des colonnes torses qui remuent de la braise
Ligne 5 140 ⟶ 5 632 :
du quai? une fière estompe, à ces heures-ci, dans le dessin de toutes
choses!... La tourelle, oui, avec ces deux fonds d'ombre à droite et à
gauche, la petite flèche de la Sainte-Chapelle,--voilà! Et là-dessous,
==[[Page:Goncourt - Quelques créatures de ce temps, 1878.djvu/285]]==
Sainte-Chapelle,--voilà! Et là-dessous,
penchez-vous, il faudra que j'agrandisse et que j'allonge, à la façon de
l'eau morne, la face des maisons éteintes, comme les perspectives de
Ligne 5 156 ⟶ 5 650 :
bonnement. Essayez donc de peindre la noyade là-dedans! Je sais cela
d'expérience: il ne faut pas mettre sa tête dans sa main. Les choses ne
prêchent, ni ne pleurent, ni ne rêvent, ni ne se souviennent. Les
==[[Page:Goncourt - Quelques créatures de ce temps, 1878.djvu/286]]==
ni ne se souviennent. Les
chefs-d'œuvre ne doivent pas parler; il n'y a que quelques sots comme
moi... Ah! des crêtes, des toits, des dômes de saphir: la lune s'est
Ligne 5 175 ⟶ 5 671 :
promenades, de spectacles, de paroles. Nous courions la ville la nuit.
Nous regardions, sur le fleuve, la danse des rayons voilés. Nous nous
enfoncions dans les faubourgs, dans les quartiers lointains, cherchantfaubour
==[[Page:Goncourt - Quelques créatures de ce temps, 1878.djvu/287]]==
gs, dans les quartiers lointains, cherchant
et surprenant un Paris mystérieux, lugubrement superbe et terriblement
muet, théâtre vide et noir du peuple. Ou bien, mangeant quelques pommes
Ligne 5 193 ⟶ 5 691 :
--Mon cher, la femme n'a pas de traits. Son visage est tout fait d'une
clarté. Un rayonnement, vous le savez, n'a pas de lignes. Toute la
figure de la femme n'est qu'une esquisse dont la lumière de la
==[[Page:Goncourt - Quelques créatures de ce temps, 1878.djvu/288]]==
de la
physionomie fait une peinture finie qui ne ressemble pas à l'esquisse.
Il y a des femmes dont on n'a jamais vu le nez, parce qu'elles le
Ligne 5 209 ⟶ 5 709 :
qu'on vous rend, un guide aux yeux crevés qui vous mène à la mort sans
vous dire: Mais retournez-vous donc!--Paradoxe? Allez, dites le mot! Eh!
bien, quoi? c'est un lieu commun qui n'est pas mûr? Mais l'Amérique est
==[[Page:Goncourt - Quelques créatures de ce temps, 1878.djvu/289]]==
est
un paradoxe de Christophe Colomb! Le paradoxe! c'est la seconde vue de
l'esprit, la veille qui devine le lendemain, un homme qui avance comme
Ligne 5 225 ⟶ 5 727 :
les critiques... mon talent... Bête que je suis! je passerai tout mon
temps à l'aimer!--Après tout, qu'est-ce que ça me fait, la postérité,
avec ces grandes lessives du monde par l'eau ou le feu, tous les vingt
==[[Page:Goncourt - Quelques créatures de ce temps, 1878.djvu/290]]==
le feu, tous les vingt
mille ans? Une immortalité de deux sous!--Et puis c'est une injustice.
Si je suis aussi fort que Rembrandt, qui me rendra l'admiration qu'il
Ligne 5 247 ⟶ 5 751 :
--Trop!
 
Il me serra la main.--Allons dans les coulisses!--Dis donc,
==[[Page:Goncourt - Quelques créatures de ce temps, 1878.djvu/291]]==
--Dis donc,
Marie,--fit d'Outreville en lui parlant tout haut à l'oreille,--et tes
amours avec M. Thomas?
Ligne 5 265 ⟶ 5 771 :
dans la tête, le plus gai bégayement d'idées; et, sans remuer,
m'éveillant à petits coups, benoîtement, bâtissant des châteaux de
cartes à tâtons, embrassant mes projets dans le nuage, indolent commeindol
==[[Page:Goncourt - Quelques créatures de ce temps, 1878.djvu/292]]==
ent comme
une aube, je m'amusais à rêver. Je rêvais que s'il m'arrivait de vendre
un livre trois cent mille francs, je les dépenserais ainsi: dans
Ligne 5 282 ⟶ 5 790 :
boules furibondes, la queue en une énorme flamme,--ce monstre chinois
qui m'a fait une si mémorable grimace au coin d'une rue d'Anvers. De
chaque côté, c'est fort simple, les deux grands pots de blanc de
==[[Page:Goncourt - Quelques créatures de ce temps, 1878.djvu/293]]==
les deux grands pots de blanc de
Saint-Cloud, à lourdes et riches fleurs à la Pillement, boîtes à thé où
la Régence puisait le thé noir avec la petite spatule, et le thé vert
Ligne 5 299 ⟶ 5 809 :
sans les tirer. Du papier aux murs, vous pensez bien qu'il ne pouvait en
être un moment question. J'envoie un ministre plénipotentiaire, mais
habile, vers
habile, vers une vieille dame, chez laquelle j'ai fait un excellent
==[[Page:Goncourt - Quelques créatures de ce temps, 1878.djvu/294]]==
une vieille dame, chez laquelle j'ai fait un excellent
dîner à Troyes: il me faut les quatre tentures de son salon, des
bergeries de Boucher, réjouissantes à l'œil comme un lever de soleil
Ligne 5 320 ⟶ 5 832 :
coups. Une petite pluie fine était survenue qui tombait. Thomas, en
manches de chemise, piochait furieusement. La moitié du jardin était
déjà retournée. Thomas poussait son ouvrage sans se soucier de nous qui
==[[Page:Goncourt - Quelques créatures de ce temps, 1878.djvu/295]]==
poussait son ouvrage sans se soucier de nous qui
marchions derrière son dos.
 
Ligne 5 345 ⟶ 5 859 :
cherche. Ils l'ont tuée... Oh! il n'y aura pas de trace, vous verrez! Je
les ai bien entendus cette nuit: aussitôt la lune disparue du ciel, ils
sont venus;--doucement, doucement, ils sont entrés dans le jardin...
==[[Page:Goncourt - Quelques créatures de ce temps, 1878.djvu/296]]==
jardin...
les misérables! Moi, j'étais couché sur un matelas de liége, et toute ma
chambre était remplie d'eau-forte... Je ne pouvais pas descendre... je
Ligne 5 369 ⟶ 5 885 :
 
 
==[[Page:Goncourt - Quelques créatures de ce temps, 1878.djvu/297]]==
 
L'ORGANISTE DE LANGRES
Ligne 5 382 ⟶ 5 899 :
patrie d'Éponine et de Sabinus.--Les géographes qui l'ont découverte
parlent de sa coutellerie, de son vinaigre, de ses bougies et de ses
 
==[[Page:Goncourt - Quelques créatures de ce temps, 1878.djvu/298]]==
meules à émoudre.--Comme la ville est sur une hauteur, les rues montent
naturellement, et comme les rues montent, les casaquins à petites fleurs
Ligne 5 401 ⟶ 5 920 :
CE QUE LA VILLE DE LANGRES SAVAIT ET DISAIT DE L'HOMME AU CARRIK.
 
L'homme au carrik était arrivé à Langres quelques jours après la mortLangre
==[[Page:Goncourt - Quelques créatures de ce temps, 1878.djvu/299]]==
s quelques jours après la mort
de M. Lebeau, l'organiste de la cathédrale, celui qui toucha l'orgue au
mariage de mademoiselle Pinel, la demoiselle aux trois cent mille francs
Ligne 5 422 ⟶ 5 943 :
fois. Madame Maréchal, qui avait pris à Paris quinze leçons de Quidant,
à vingt francs le cachet, dit «qu'il jouait des choses qui n'en
finissaien
finissaient plus, et qu'il faisait de la musique qui donnait envie de
==[[Page:Goncourt - Quelques créatures de ce temps, 1878.djvu/300]]==
t plus, et qu'il faisait de la musique qui donnait envie de
pleurer.»--M. Delbneck, qui était président de la Société philharmonique
et qui était chargé des comptes rendus musicaux dans le _Veilleur de
Ligne 5 444 ⟶ 5 967 :
curé d'Épinay.
 
On savait que s'il y avait deux bons morceaux au marché,--deux bonnes
==[[Page:Goncourt - Quelques créatures de ce temps, 1878.djvu/301]]==
morceaux au marché,--deux bonnes
truites ou deux beaux cents d'écrevisses,--l'un était acheté par
mademoiselle Pélagie, la cuisinière de l'évêque, et l'autre par la fille
Ligne 5 464 ⟶ 5 989 :
lui avait entendu répéter «que les chiens aboient faux quand on ne les
bat pas;--et que les enfants sont de petits sans-oreilles qui font leurs
dents quand on fait de la musique.»
==[[Page:Goncourt - Quelques créatures de ce temps, 1878.djvu/302]]==
musique.»
 
 
Ligne 5 486 ⟶ 6 013 :
qu'un perroquet à la broche serait un bon manger?
 
Ici, madame Comantin appela l'organiste «bourreau», et lui signifia
==[[Page:Goncourt - Quelques créatures de ce temps, 1878.djvu/303]]==
bourreau», et lui signifia
qu'il eût à ne plus remettre les pieds chez elle.
 
Ligne 5 508 ⟶ 6 037 :
crustacé n'abandonne rien de son goût et profite du coulis sans s'y
assimiler?--On dit qu'à Paris, on mange les écrevisses très-épicées.
==[[Page:Goncourt - Quelques créatures de ce temps, 1878.djvu/304]]==
 
--Une hérésie, Monseigneur! En Pologne, on les fait bouillir dans le
Ligne 5 529 ⟶ 6 059 :
toutes les nuits, Frescolbaldi, Lebègue, Nivers! Ami, mon vieil ami
Bach... j'ai le front brûlant, les mains froides! Oh! les profanes!...
un orgue expressif!»expre
==[[Page:Goncourt - Quelques créatures de ce temps, 1878.djvu/305]]==
ssif!»
 
Et il était dans la rue, et il marchait, et il trottait, tantôt le
Ligne 5 548 ⟶ 6 080 :
laisser mes _moissons d'airain_ comme elles sont, moi!--marier l'orgue
avec le plain-chant: là est l'effort, là est le beau!--Orgue
expressif!--que la foudre l'écrase! Gravité, immobilité, universalité,
==[[Page:Goncourt - Quelques créatures de ce temps, 1878.djvu/306]]==
foudre l'écrase! Gravité, immobilité, universalité,
perpétuité, tout cela reçu de l'institution ecclésiastique; tranquillité
plane, rompant avec l'émotion sensuelle; les mille voix de l'air dans
Ligne 5 567 ⟶ 6 101 :
cosmogoniques!--Je le vois bien! vous voulez qu'il se ravale à
l'imitation des instruments, qu'il prenne, comme vous dites chez vous,
un rayon de vous-même! et qu'il se fasse matière à votre image! Parce
==[[Page:Goncourt - Quelques créatures de ce temps, 1878.djvu/307]]==
et qu'il se fasse matière à votre image! Parce
qu'il ne leur répond pas comme un gosier de _prima donna_! Et savent-ils
ce que le concile de Mayence a dit là-dessus? _Canticum turpe et
Ligne 5 586 ⟶ 6 122 :
monta pas l'escalier, il entra dans la cour, tourna la buanderie, et
pénétra dans la cuisine.
==[[Page:Goncourt - Quelques créatures de ce temps, 1878.djvu/308]]==
 
--«Pélagie, ma fille, vous avez fait hier une bisque dont je me souviens
Ligne 5 608 ⟶ 6 145 :
avez ici? 300 fr., et quelques pièces de trente sous des curés qui
viennent à l'évêché..... Au reste, de grands fourneaux à tenir,
 
==[[Page:Goncourt - Quelques créatures de ce temps, 1878.djvu/309]]==
beaucoup à éplucher, et des grands dîners... Les jeunes gens,
voyez-vous, ça fait des trous dans les économies.»
Ligne 5 628 ⟶ 6 167 :
 
Il brossa son chapeau, son carrik, son gilet, sa culotte.
==[[Page:Goncourt - Quelques créatures de ce temps, 1878.djvu/310]]==
 
Il secoua ses bas.
Ligne 5 650 ⟶ 6 190 :
 
Heureusement qu'il n'y avait pas loin de chez mademoiselle Pélagie à
l'église; car il sortait un polisson de chaque pavé, et quand les
==[[Page:Goncourt - Quelques créatures de ce temps, 1878.djvu/311]]==
sortait un polisson de chaque pavé, et quand les
fiancés, suivis des sept hommes bleus, montèrent les degrés, ils avaient
déjà, derrière eux, un cortége de gouailleurs et moqueurs à mines roses,
Ligne 5 668 ⟶ 6 210 :
son gilet et dit, en en donnant une à chacun des sept frères: «On ne
fait pas la noce chez moi. Voilà.»--Les sept habits bleus sortirent de
 
==[[Page:Goncourt - Quelques créatures de ce temps, 1878.djvu/312]]==
la ruelle, se reprirent le bras et entrèrent dans un cabaret sur la
Grand'Place.
Ligne 5 687 ⟶ 6 231 :
--«Pélagie!--dit l'organiste en montant l'escalier du domicile
conjugal,--vous allez me mettre un tablier et me faire une bisque comme
celle de l'évêque.»év
==[[Page:Goncourt - Quelques créatures de ce temps, 1878.djvu/313]]==
êque.»
 
 
Ligne 5 713 ⟶ 6 259 :
L'organiste s'assit au pied du lit.--«Pélagie,--dit-il,--vous n'avez
jamais entendu parler de cela _Cantu et Musica sacra, auctore
 
==[[Page:Goncourt - Quelques créatures de ce temps, 1878.djvu/314]]==
Ger__bert_. Eh bien! je le traduis, et puis, vous le savez, je fais de
la musique... Je veux vivre très-doucement, à ma volonté....
Ligne 5 729 ⟶ 6 277 :
que voici, je viens de mettre tous les noms des plats gras que j'aime,
et dans l'autre tous les plats maigres. Selon le jour, vous prendrez
trois petits papiers dans l'un ou dans l'autre, et vous saurez ce qu'il
==[[Page:Goncourt - Quelques créatures de ce temps, 1878.djvu/315]]==
saurez ce qu'il
faudra me faire.... Je vous ai dit ce que j'avais à vous
dire.--Maintenant endormez-vous là-dessus.»
Ligne 5 754 ⟶ 6 304 :
mari, et Attila aurait pu recommencer à brûler la ville de Langres sans
qu'elle eût la moindre velléité de s'éveiller.
==[[Page:Goncourt - Quelques créatures de ce temps, 1878.djvu/316]]==
 
Au bout de quelque temps, elle tira régulièrement la loterie des dîners
Ligne 5 770 ⟶ 6 321 :
 
 
MADAME ALCIDE
==[[Page:Goncourt - Quelques créatures de ce temps, 1878.djvu/317]]==
ALCIDE
 
LE CHŒUR, _se tournant vers Indiana_.
Ligne 5 784 ⟶ 6 337 :
Littérature ont leur couvert toujours mis. Il y a des tonnelles; les
fourmis marchent sur la nappe, et les chenilles tombent dans les
assiettes. Cabaret monté de la hutte au pavillon, et de l'île à la
==[[Page:Goncourt - Quelques créatures de ce temps, 1878.djvu/318]]==
et de l'île à la
berge! il a changé ses planches contre des murailles blanches, sa
devanture de filets contre les volets verts des vieux romans, son fer
Ligne 5 801 ⟶ 6 356 :
ans, les habitués voient apprenant à lire derrière l'allumette promenée
sur un même alphabet par un vieillard en cravate blanche. Le vieillard
au chef grave, le menton monté sur sa cravate toujours blanche, émiette
==[[Page:Goncourt - Quelques créatures de ce temps, 1878.djvu/319]]==
sur sa cravate toujours blanche, émiette
du pain aux poulets et aux lapins qu'il gouverne; puis il vient
s'asseoir,--lui, ce marquis ruiné par la vieille!--à ce festin des
Ligne 5 820 ⟶ 6 377 :
de soie que la mère du Château lui envoyait, si par hasard il avait
besoin de se raccommoder.
==[[Page:Goncourt - Quelques créatures de ce temps, 1878.djvu/320]]==
 
CHŒUR.
Ligne 5 845 ⟶ 6 403 :
MADAME ALCIDE.
 
Oui, Messieurs, il m'a dit que tout ce qui n'était pas des choses
==[[Page:Goncourt - Quelques créatures de ce temps, 1878.djvu/321]]==
pas des choses
utiles, il portait ça au compte: _Gaudriole_.--Il était rat comme tout,
faut vous dire... il avait un livre de compte... un livre de compte.
Ligne 5 868 ⟶ 6 428 :
CHŒUR.
 
Madame Alcide, vous faites des cérémonies!
==[[Page:Goncourt - Quelques créatures de ce temps, 1878.djvu/322]]==
cérémonies!
 
MADAME ALCIDE.
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vin... ça me ferait déjà... et puis le charbon, le bois, et aller
chercher... est-ce que je sais!
==[[Page:Goncourt - Quelques créatures de ce temps, 1878.djvu/323]]==
 
CHŒUR.
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robe de chambre. Je voudrais avoir une robe de chambre, une robe de
chambre avec une torsade et un gland pour faire un nœud comme ça, sur le
côté;» et il se pose. Je vois son jeu de loin, je devine de longueur
==[[Page:Goncourt - Quelques créatures de ce temps, 1878.djvu/324]]==
vois son jeu de loin, je devine de longueur
que Monsieur veut s'adoniser pour cette Franconi! La moutarde me monte,
et je lui dis: «Monsieur du Château, j'ai vingt-cinq francs dans mon
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lui! Ah! je dis, par exemple, tu ne m'échapperas pas. Je vais me planter
devant la boutique. Il m'aperçoit du coin de l'œil. Il me tourne vite le
dos. Je ne bouge pas. Il sort. Je lui dis: «Je suis bien heureuse que
==[[Page:Goncourt - Quelques créatures de ce temps, 1878.djvu/325]]==
que
vous ayez fait fortune. Vous devriez bien me donner une paire de
bottines.» Il me dit: «De l'argent, vous voyez bien que je n'en ai pas;
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V'là qui veut me reconduire et monter chez moi. Ah! Messieurs, vous
savez que je ne reçois personne... et puis mon propriétaire, M. Dumon,
==[[Page:Goncourt - Quelques créatures de ce temps, 1878.djvu/326]]==
un vieux qui m'a fait la cour, n'entend pas de cette oreille-là. Je dis
à mon du Château--je ne voulais pas le vexer, rapport à mes
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plus qui, je la décroche, je la fourre sous mon châle; et je pars
_laver_ ça. Dans la rue Montmartre, il y avait des rassemblements;
==[[Page:Goncourt - Quelques créatures de ce temps, 1878.djvu/327]]==
j'aperçois M. du Château. Il avait un grand bandeau sur l'œil.
Heureusement qu'il se présenta à moi du côté droit qui n'avait pas de
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Messieurs? Personne n'en veut plus? Eh bien, j'aime autant prendre le
plat, si ça ne vous fait rien.
==[[Page:Goncourt - Quelques créatures de ce temps, 1878.djvu/328]]==
 
CHŒUR.
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fais--on va m'apporter des chapeaux.»--Ça le pique.--«Je serais curieux
de les voir.»--On les apporte. Il trouve que ça me va, et il me
dit:--«Madame, vous allez venir dîner avec moi chez Broggi. Nous irons
==[[Page:Goncourt - Quelques créatures de ce temps, 1878.djvu/329]]==
Broggi. Nous irons
à pied.» Il me fait boire; et puis je voyais que quand il me versait, il
tirait d'une boîte en or quelque chose, et mettait un peu de poudre dans
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mes vases de fleurs. J'ai vu de très-beaux flambeaux de bronze à 10
francs, rue Saint-Lazare. Vous allez aller les acheter.»--J'ai été
acheter les flambeaux. On me les a laissés à 9. Pour la pendule, il
==[[Page:Goncourt - Quelques créatures de ce temps, 1878.djvu/330]]==
laissés à 9. Pour la pendule, il
mettait à sa place tous les jours un bouquet de violettes. Il me donnait
30 francs par mois. Il logeait chez moi. Un jour il me dit: «Voulez-vous
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je lui avais fait la chatterie de faire rebattre les matelas, changer
les taies, et ça coûte tout ça! Il me dit: «Madame, puisque vous n'avez
pas su garder cet argent, je vous en aurais donné cinquante autres;
==[[Page:Goncourt - Quelques créatures de ce temps, 1878.djvu/331]]==
je vous en aurais donné cinquante autres;
vous ne les aurez pas. Du reste, Madame, je respecte trop une femme qui
est à moi pour lui offrir de l'argent.»--Au terme, je lui dis: «Il faut
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Pour trois! et sortez, Indiana.--Ah! ça, Madame Alcide, est-ce que la
roue de l
roue de la Fortune n'a pas arraché du Château de vos bras pour le
==[[Page:Goncourt - Quelques créatures de ce temps, 1878.djvu/332]]==
a Fortune n'a pas arraché du Château de vos bras pour le
porter au sommet d'une haute position?
 
Ligne 6 094 ⟶ 6 672 :
Château?»--«Même, que je lui dis, que je vous connais bien, et que quand
vous êtes venu parler à M. du Château de la part de votre maître, et
apporter une lettre rue de Laval, vous vous êtes assis à gauche en
==[[Page:Goncourt - Quelques créatures de ce temps, 1878.djvu/333]]==
en
entrant, sur une banquette.» Voilà cet homme qui voit bien que je l'ai
connu, qui m'offre le café, et qui me dit que je devrais m'adresser à M.
Ligne 6 119 ⟶ 6 699 :
MADAME ALCIDE.
 
Dans ma lettre, je lui rappelais le passé, à ce sans-cœur, et je luipas
==[[Page:Goncourt - Quelques créatures de ce temps, 1878.djvu/334]]==
sé, à ce sans-cœur, et je lui
disais que je me conformerais à toutes ses instructions; oui, enfin que
je ne parlerais jamais de ce qui s'est passé entre nous. Mais vous ne
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ongles roses et un chien de chasse, qui m'embrasserait dans l'île
Saint-Denis!
==[[Page:Goncourt - Quelques créatures de ce temps, 1878.djvu/335]]==
 
CHŒUR.
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aventures étonnent les mortels pendus à tes lèvres. Femme simple, femme
étonnante, tes amours pleins d'épisodes comme les amours d'épopées, sont
toujours liés
toujours liés à des amours sans monnaie. Ta bêtise est grandiose et
==[[Page:Goncourt - Quelques créatures de ce temps, 1878.djvu/336]]==
à des amours sans monnaie. Ta bêtise est grandiose et
cyclopéenne, créature ingénue, mariée avec le grotesque. L'odyssée de
ton existence ahurit, si j'ose m'exprimer ainsi. Alcide, toi qu'un
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PEYTEL
==[[Page:Goncourt - Quelques créatures de ce temps, 1878.djvu/337]]==
 
«_Cour d'Assises de l'Ain.--Audience du 30 août._--M. le Président
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«Le 13, Peytel a appris de M. le curé le rejet de son pourvoi. Cette
affreuse nouvelle ne lui a fait perdre ni son calme ni son énergie. Le
 
==[[Page:Goncourt - Quelques créatures de ce temps, 1878.djvu/338]]==
curé était tellement ému que Peytel s'en aperçut et lui dit: Vous êtes
agité, Monsieur le curé; pourquoi?.. Voyez, moi, je suis calme,
Ligne 6 215 ⟶ 6 803 :
possibilité de commutation de peine et la perspective du bagne le
trouvaient plus ému et moins préparé; et avant de le décider à tenter un
recours en grâce, son avocat, M. Margerand, et ses amis eurent à
==[[Page:Goncourt - Quelques créatures de ce temps, 1878.djvu/339]]==
avocat, M. Margerand, et ses amis eurent à
soutenir contre lui des luttes et des combats pendant lesquels cette
lettre s'échappait de sa plume:
Ligne 6 232 ⟶ 6 822 :
frappés à l'horloge de la ville. Le mouvement habituel de mon pouls est
de quatre et demi. C'est donc trois de plus qu'à l'ordinaire; cet état a
duré jusqu'à deux heures du matin. Alors j'ai eu un redoublement de
==[[Page:Goncourt - Quelques créatures de ce temps, 1878.djvu/340]]==
j'ai eu un redoublement de
fièvre, j'ai eu une espèce d'hallucination; j'ai vu autour de moi mon
père, mes oncles décédés, mes parents vivants. Je me suis levé, j'ai
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quelques sentiments pour moi, il vaut mieux que je meure. Qu'importe
quelques jours de plus ou de moins avec le déshonneur? La prolongation
de l'existence
de l'existence devient pesante, quelque énergie que l'homme se sente,
==[[Page:Goncourt - Quelques créatures de ce temps, 1878.djvu/341]]==
devient pesante, quelque énergie que l'homme se sente,
quelque purs que soient ses sentiments, quelque peu mérités que soient
les jugements portés contre lui, quelle que soit enfin la force et la
Ligne 6 267 ⟶ 6 861 :
grand soin, le dossier des condamnés.
 
Ce qui avait ému le plus vivement la cour, c'était ce double homicide,
==[[Page:Goncourt - Quelques créatures de ce temps, 1878.djvu/342]]==
c'était ce double homicide,
et la mort de cette jeune femme bientôt mère. Une familière des
Tuileries, madame d'Abrantès, écrivait: «On a parlé surtout de la
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vraisemblables du caractère _bilieux-sanguin_ de Peytel, dans une
circonstance habilement probabilisée, avaient indigné le roi.
«
«Avant-hier, écrivait madame d'Abrantès,--le roi a parlé de Peytel avec
==[[Page:Goncourt - Quelques créatures de ce temps, 1878.djvu/343]]==
Avant-hier, écrivait madame d'Abrantès,--le roi a parlé de Peytel avec
amertume, et l'a appelé un monstre pour avoir permis qu'on calomniât
ainsi une femme morte, et il a ajouté: «Cela seul prouve le crime.» La
Ligne 6 300 ⟶ 6 898 :
loin: «Le roi a fait écrire à Bourg, à Belley; on a répondu que, s'il
faisait grâce, il y aurait du bruit... La haine de la cour est tout à
fait nouvelle pour ces sortes d'affaires. On dirait qu'on punit en lui
==[[Page:Goncourt - Quelques créatures de ce temps, 1878.djvu/344]]==
d'affaires. On dirait qu'on punit en lui
un autre Alibaud.» Cette dernière phrase est curieuse. Le roi croyait
Peytel coupable: il se refusait à lui faire grâce, et les esprits les
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Chavonnière. Il avait fait--d'autres disent il avait fait faire par L.
D., un homme d'esprit,--_la Physiologie de la Poire_. C'était l'époque
de vogue et
de vogue et de premier succès de cette plaisanterie Philiponienne.
==[[Page:Goncourt - Quelques créatures de ce temps, 1878.djvu/345]]==
de premier succès de cette plaisanterie Philiponienne.
L'allégorie eut tout le succès qu'elle pouvait espérer; et les allusions
sur _le calice à cinq divisions ouvertes comme qui dirait cinq
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en faisceau, et formant une opinion locale ennemie de l'homme. Il
joignait à son dire les lettres sur lesquelles avait travaillé M. de
Balza
Balzac, celle par exemple qui retraçait la visite au domicile du
==[[Page:Goncourt - Quelques créatures de ce temps, 1878.djvu/346]]==
c, celle par exemple qui retraçait la visite au domicile du
prévenu: «... Ce fut un moment bien curieux pour un observateur que
l'entrée de ces messieurs dans les appartements de Peytel, ce riche
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Peytel m'écrivait: «Le 30 ou le 31, on me trouvera probablement libre;
et si vous venez, nous partirons ensemble pour je ne sais où.» Le 31,
j'étais à Bourg au petit jour. Peytel avait été condamné à mort à
==[[Page:Goncourt - Quelques créatures de ce temps, 1878.djvu/347]]==
avait été condamné à mort à
minuit. Je le vis à onze heures. Il me parla peu. Nous avions là deux
témoins, un de ses avocats et le geôlier: «Mon ami, me dit-il, je vais
Ligne 6 377 ⟶ 6 983 :
récriminations et insinuations contenues dans la lettre qu'on
va lire.]
==[[Page:Goncourt - Quelques créatures de ce temps, 1878.djvu/348]]==
 
A ce mémoire soumis au roi était jointe avec cette suscription: _Dernier
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commencements, poignante à la fin, écrite d'une petite écriture fine,
serrée, régulière, et sans tremblement; cette lettre où le malheureux,
riant un instant, faisait allusion à sa pauvre _Physiologie de la
==[[Page:Goncourt - Quelques créatures de ce temps, 1878.djvu/349]]==
sa pauvre _Physiologie de la
Poire_, Gavarni la crut bonne pour l'attendrissement; et de cette
allusion même, il espéra une impartialité plus bien-veillante du roi.
Ligne 6 411 ⟶ 7 020 :
qu'on s'est servi contre _lui_ de tous les petits moyens de procédure;
ainsi on _lui_ a signifié la liste des témoins la veille des débats,
dans ces témoins on avait substitué Jaudet, ouvrier, à Jaudet,
==[[Page:Goncourt - Quelques créatures de ce temps, 1878.djvu/350]]==
ouvrier, à Jaudet,
maître-ouvrier. Ce dernier seul avait été interrogé dans
l'instruction.--On avait refusé d'écrire quelque chose qu'il avait
Ligne 6 428 ⟶ 7 039 :
présent.--On se ferait craindre par ceux qui ont intérêt à voir mort un
pauvre malheureux,--en leur faisant savoir que mort, rien ne sera
épargné pour réhabiliter sa mémoire, et que vivant,--_banni_ ou
==[[Page:Goncourt - Quelques créatures de ce temps, 1878.djvu/351]]==
sa mémoire, et que vivant,--_banni_ ou
_déporté_,--on pourra se taire, on obtiendra leur appui par-dessous
main, tandis qu'ils sont très-hostiles..... On peut leur faire savoir
Ligne 6 445 ⟶ 7 058 :
n'avoir gardé _aucune poire_, les avoir au contraire fait
disparaître,--et aujourd'hui il ne faudrait pas lui faire perdre, pour
_conserver ses jours_, ce qu'il a de beau, de bien, dans ses actions,
==[[Page:Goncourt - Quelques créatures de ce temps, 1878.djvu/352]]==
de beau, de bien, dans ses actions,
et on le laisserait perdre s'il avançait _une chose_ pareille, qu'il ne
pourrait peut-être plus prouver aujourd'hui, mais qu'il peut
Ligne 6 463 ⟶ 7 078 :
de sentir les cavités, et ces cavités seront remplies de la matière, qui
devra être solide et non liquide, comme on le voit. Ceci est pressé, car
il a encore la possibilité de recevoir quelque chose comme une Bible,
==[[Page:Goncourt - Quelques créatures de ce temps, 1878.djvu/353]]==
comme une Bible,
mais rien autre, et il peut arriver qu'on lui retire cette
possibilité.--Pour ne compromettre personne, il laissera un écrit
Ligne 6 481 ⟶ 7 098 :
«Il devra y avoir dans la même couverture un papier explicatif de la
nature de la matière et du temps nécessaire pour produire effet complet,
et de la quantité à prendre en plus ou en moins _pour arriver au but
==[[Page:Goncourt - Quelques créatures de ce temps, 1878.djvu/354]]==
arriver au but
plutôt_ (_sic_) si cela devait (_sic_) nécessaire.--On peut envoyer le
livre à M..... ou à M....., à Bourg, qui le feront parvenir. M.......
Ligne 6 500 ⟶ 7 119 :
 
«Le roi,--écrit madame d'Abrantès à ce moment,--a été préoccupé
quarante-huit heures au point de n'en pas manger ni dormir. Il est
==[[Page:Goncourt - Quelques créatures de ce temps, 1878.djvu/355]]==
au point de n'en pas manger ni dormir. Il est
demeuré persuadé que Peytel avait tué sa femme par préméditation.»
 
Ligne 6 537 ⟶ 7 158 :
Un comédien nomade.
L'ex-maire de Rumilly.
Marius Claveton.Cla
=== no match ===
veton.
Louis Roguet.
Un aqua-fortiste.