« Le Phare du bout du monde/Chapitre XIV » : différence entre les versions

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Comment peindre l’agitation dont ce fond de la baie fut alors le théâtre ?… Ce cri : « l’aviso… l’aviso ! » était tombé comme un coup de foudre, comme un arrêt de mort sur la tête de ces misérables. Le ''Santa-Fé'', c’était la justice qui arrivait sur l’île, c’était le châtiment de tant de crimes, auquel ils ne pourraient plus échapper !
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Kongre avait pris la longue-vue. Il observa le bâtiment avec une extrême attention, sans prononcer une parole.
 
Il était certain qu’on avait affaire à un steamer. On distinguait
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sa fumée s’échappant en volutes épaisses, ce qui montrait qu’il poussait activement ses feux.
 
Et, que ce steamer fût précisément l’aviso, ni Kongre ni Carcante n’en pouvaient douter. Maintes fois ils avaient vu le navire argentin pendant les travaux de construction, alors qu’il ralliait ou qu’il quittait l’Île des États. D’ailleurs, ce steamer portait directement sur la baie. Si l’intention de son capitaine eût été de donner dans le détroit de Lemaire, il aurait eu le cap plus à l’ouest, et plus au sud s’il avait voulu passer au large de la pointe Several.
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– Parce qu’il ne pourra pas relever le feu du phare, et qu’il ne se risquera pas à remonter vers la crique au milieu de l’obscurité. »
 
Ce raisonnement très juste que faisait Kongre, John Davis et Vasquez le faisaient aussi. Ils ne voulaient point quitter la place tant qu’ils pourraient être vus du haut de la galerie. Dans leur étroite cachette, ils exprimaient précisément la même pensée que le chef des pirates. Le phare aurait dû déjà être allumé, puisque le soleil venait de disparaître. En n’apercevant pas son
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feu, bien qu’il eût très probablement connaissance de l’île, le commandant Lafayate n’hésiterait-il pas à continuer sa route ?… Ne pouvant s’expliquer cette extinction, ne resterait-il pas toute la nuit à croiser au large ?… Dix fois déjà, à vrai dire, il était entré dans la baie d’Elgor, mais de jour seulement, et, n’ayant plus le phare pour lui donner la route, il ne se hasarderait certainement pas à travers cette sombre baie. D’ailleurs, il devrait penser que l’île avait été le théâtre d’événements graves, puisque les gardiens n’étaient pas à leur poste.
 
« Mais, dit alors Vasquez, si le commandant n’a pas vu la terre, et s’il continue à marcher dans l’espérance d’apercevoir le feu, ne peut-il lui arriver ce qui est arrivé au ''Century'' ? Ne peut-il venir se perdre sur les récifs du cap San Juan ? »
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Il était plus de six heures, et le crépuscule commençait à envelopper l’île.
 
Cependant les préparatifs de départ étaient conduits avec la plus grande activité à bord du ''Carcante''. Kongre voulait appareiller à tout prix. Dévoré d’inquiétude, il avait résolu de quitter immédiatement son mouillage. S’il ne le faisait qu’à la marée du matin, il s’exposait à rencontrer l’aviso. En voyant sortir ce navire, le commandant Lafayate ne le laisserait pas passer.
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Il lui donnerait ordre de mettre en panne, il interrogerait son capitaine. Assurément, il voudrait savoir pourquoi le phare n’avait pas été allumé. La présence du ''Carcante'' lui paraîtrait à bon droit suspecte. Lorsque la goélette serait arrêtée, il irait à bord, il ferait venir Kongre, il inspecterait son équipage, et, rien que sur la mine de ces hommes, il concevrait les plus légitimes soupçons. Il obligerait le bâtiment à virer de bord, à le suivre et le retiendrait dans la crique jusqu’à plus ample information.
 
Alors, quand le commandant du ''Santa-Fé'' ne retrouverait plus les trois gardiens du phare, il ne pourrait expliquer leur absence que par un attentat dont ils auraient été victimes. Et, ne serait-il pas porté à croire que les auteurs de cet attentat devaient être les gens de ce navire qui cherchaient à s’échapper ?
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Puisque Kongre et sa bande avaient aperçu le ''Santa-Fé'' au large de l’île, n’était-il pas probable, certain même, qu’ils l’avaient aperçu aussi, ceux qui, par deux fois, venaient d’attaquer le ''Carcante'' au moment où il allait sortir de la baie ? Ces ennemis inconnus auraient suivi tous les mouvements de l’aviso, ils seraient là à son arrivée dans la crique, et, si, parmi eux, comme il y avait lieu de le penser, se trouvait le troisième gardien, Kongre et les siens ne pourraient plus échapper au châtiment de leurs crimes.
 
Kongre avait entrevu toutes ces éventualités et leurs conséquences. De là le parti, le seul à prendre, auquel il s’était arrêté : appareiller sur-le-champ, et, puisque le vent, qui soufflait du nord, était favorable, profiter de la nuit pour gagner le large, en forçant de toile. Alors la goélette aurait l’Océan devant elle. Il se pouvait que l’aviso, dans l’impossibilité de relever le phare, et ne voulant pas s’approcher de la terre au milieu des ténèbres, fût, à ce moment, assez éloigné de l’Île des États. S’il le fallait, pour plus de prudence encore, au lieu de se diriger vers le
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détroit de Lemaire, Kongre piquerait au sud, irait doubler la pointe Several, et se déroberait derrière la côte méridionale. Aussi pressait-il l’appareillage.
 
John Davis et Vasquez, comprenant le plan des pirates, se demandaient comment ils pourraient l’empêcher de réussir, et, désespérés, ils sentaient toute leur impuissance !
 
Vers sept heures et demie, Carcante rappela les quelques
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hommes encore à terre. Dès que l’équipage fut au complet à bord, on hissa le canot, et Kongre ordonna de lever l’ancre.
 
John Davis et Vasquez entendirent le bruit régulier du linguet, tandis que la chaîne rentrait sous l’action du guindeau.
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Ce ne serait pas sans peine que ce changement d’amures pourrait s’exécuter, par cette brise qui tombait de plus en plus avec la nuit.
 
Cependant, la manœuvre était urgente. La barre dessous, les écoutes furent raidies à l’arrière, alors qu’on larguait celles de
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l’avant. Mais, faute de vitesse, la goélette ne parvint pas à lofer, et continua à dériver vers la côte.
 
Kongre comprit le danger. Un seul moyen lui restait. Il l’employa. Le canot fut amené, six hommes y descendirent avec une aussière, et, à force d’avirons, ils parvinrent à faire évoluer la goélette, qui prit les amures à tribord. Un quart d’heure après, elle put reprendre sa direction première sans crainte d’être jetée sur les récifs du sud.
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À son avis, le ''Santa-Fé'' devait croiser devant l’île. Il pouvait même en être très rapproché, ce qui, après tout, ne présentait pas un bien grand danger avec cette mer calme. Nul doute que le commandant Lafayate, très surpris de l’extinction du phare, ne fût là sous petite vapeur, en attendant le lever du soleil.
 
C’est bien aussi ce que pensait Kongre ; mais celui-ci se disait
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également qu’il avait les plus grandes chances de dépister l’aviso. Dès que le jusant ramènerait les eaux de la baie vers la mer, même sans avoir besoin du vent, le ''Carcante'' reprendrait sa marche, et, en moins d’une heure, il aurait gagné la pleine mer.
 
Une fois dehors, Kongre ne s’éloignerait pas vers le large. Il lui suffirait d’une de ces faibles risées, qui ne peuvent manquer de se lever de temps à autre, même par les nuits les plus tranquilles, et du courant portant au sud, pour longer impunément la côte, au milieu de cette nuit très noire. Dès qu’elle aurait doublé la pointe Several, distante au plus de sept à huit milles, la goélette serait abritée par les falaises, et elle n’aurait plus rien à craindre. Le seul danger était d’être aperçu des vigies du ''Santa-Fé'', s’il se tenait au-dessous de la baie, et non à la hauteur du cap San Juan. Assurément, le commandant Lafayate, si le ''Carcante'' était signalé à sa sortie de la baie, ne le laisserait pas s’éloigner, ne fût-ce que pour interroger son capitaine au sujet du phare. La vapeur aidant, il aurait rejoint le bâtiment fugitif avant que celui-ci n’eût disparu derrière les hauteurs du sud.
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– À terre ! » ordonna Kongre.
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