« L’Angélus (Maupassant) » : différence entre les versions

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{{Titre|[[Auteur:Guy de Maupassant|Guy de Maupassant]]|L’Angelus|}}
 
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Elle marchait maintenant de long en large dans le grand salon silencieux, sur ces épais tapis qui mangeaient le bruit léger de ses pas. jamais elle n’avait senti peser sur elle encore une détresse aussi épouvantable. Qu’allait-il arriver de nouveau ? Oh ! l’affreux hiver, hiver de fin du monde qui détruisait un pays entier, tuant les grands fils des pauvres mères, espoir de leurs cœurs et leur dernier soutien, et les pères des enfants sans ressources, et les maris des jeunes femmes. Elle les voyait agonisants et mutilés par le fusil, le sabre, le canon, le pied ferré des chevaux qui avaient passé dessus, et ensevelis en des nuits pareilles, sous ce suaire de neige taché de sang.
 
Elle sentit qu’elle allait pleurer, qu’elle allait crier, écrasée par la peur de l’inconnaissable lendemain, et elle regarda l’heure de nouveau. Non, elle n’attendrait pas seule le moment où son père, le curé du village et le médecin allaient venir, car ils devaient dîner chez elle. Mais pourraient-ils seulement sortir de leurs maisons et parvenir au château ? Son père surtout l’inquiétaitl’attristait. Il devait suivre dans son coupé le bord de la Seine, sur le chemin de halage, pendant plusieurs kilomètres. Le cocher était vieux et sûr, connaissant la route comme la connaissait son cheval ; mais cette nuit-là semblait prédestinée aux malheurs. Les deux autres invités, habitués de presque tous les soirs d’ailleurs, avaient à passer le fleuve en bateau, c’était pis encore. jamais la glace n’arrêtait le courant en cet endroit où le flot de la mer, à qui rien ne résiste, montait à chaque marée ; mais d’énormes glaçons charriés dans le remous descendaient de la haute France et pouvaient chavirer la barque du passeur.
 
La comtesse revint vers la cheminée, prit le cordon de sonnette et tira.