« Du libre arbitre (Lorenzo Valla) » : différence entre les versions

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<div="1">Je voudrais tant, O Garcia, très docte et excellentissime évêque, et je demande même, instamment, à ce que tant l'ensemble des chrétiens, que ceux que l'on nomme les théologiens, cessent de témoigner ainsi de tant d'estime pour la philosophie, et d'en user autant dans leurs œuvres, et fassent de la théologie presque leur égale et leur sœur, que dis-je, leur patronne. Car ils doivent avoir une bien piètre opinion de notre religion, quand ils pensent qu'elle a besoin du renfort de la philosophie: ce n'est pas du tout comme cela qu'ils ont fait, ceux dont les œuvres déjà s'élèvent au dessus de nombreux siècles, imitateurs des apôtres, et véritables colonnes dans le temple de Dieu. Et si l'on fait bien attention, il est évident qu'à cette époque, n'importe quelle hérésie ― et nous savons qu'elles étaient nombreuses ― prenait naissance aux sources des systèmes philosophiques, car non seulement la philosophie n'a pas été utile à la très sainte religion, mais bien plus elle lui a nui avec vigueur. Mais ceux dont je parle, proclament qu'elle est faite pour détruire les hérésies, dont elle est plutôt la cause,
<div="1">Je voudrais tant, O Garcia, très docte et excellentissime évêque, et je demande même, instamment, à ce que tant l'ensemble des chrétiens, que ceux que l'on nomme les théologiens, cessent de témoigner ainsi de tant d'estime pour la philosophie, et d'en user autant dans leurs œuvres, et fassent de la théologie presque leur égale et leur sœur, que dis-je, leur patronne. Car ils doivent avoir une bien piètre opinion de notre religion, quand ils pensent qu'elle a besoin du renfort de la philosophie: ce n'est pas du tout comme cela qu'ils ont fait, ceux dont les œuvres déjà s'élèvent au dessus de nombreux siècles, imitateurs des apôtres, et véritables colonnes dans le temple de Dieu. Et si l'on fait bien attention, il est évident qu'à cette époque, n'importe quelle hérésie ― et nous savons qu'elles étaient nombreuses ― prenait naissance aux sources des systèmes philosophiques, car non seulement la philosophie n'a pas été utile à la très sainte religion, mais bien plus elle lui a nui avec vigueur. Mais ceux dont je parle, proclament qu'elle est faite pour détruire les hérésies, dont elle est plutôt la cause, et manquent de jugement, en accusant d'ignorance la très pieuse antiquité, qui n'avait pas, pour venir à bout des hérésies, les armes de la philosophie, et [qui] souvent, a combattu contre la philosophie elle-même avec acharnement, et l'a exilée comme [le fût] Tarquin, sans la laisser revenir. [Mais] étaient-ils vraiment ignorants et sans armes? Comment ont-ils alors soumis tant de monde à leur autorité? Vous, par contre, forts d'une telle armure, O' chose indigne et affligeante, ne parvenez pas même à protéger ce qu'ils vous ont légué en guise de patrimoine. Or pour quelles raisons refusez-vous de suivre les traces des anciens? Si non la Raison, du moins leur autorité et leur œuvre devaient vous amener à les imiter, plutôt qu'à rechercher une nouvelle voie. Je juge le médecin exécrable et odieux, qui ne veut pas soigner un malade, par des remèdes éprouvés déjà par l'usage, et [leur préfère d'autres], nouveaux et inconnus par l'expérience; de même le marin qui préfère suivre une route inhabituelle, plutôt que celle par laquelle tous les autres, navires et aussi marchandises, ont navigué en sûreté. Et ainsi, vous avez poussé l'impertinence jusqu'à estimer que personne ne peut devenir théologien s'il ne maîtrise les préceptes de la philosophie, et ne les a étudiés avec le plus grand soin, et en même temps, vous traitez d'imbéciles ceux qui avant elle, les ignoraient, ou voulaient les ignorer. Quelle époque, quelles mœurs! Autrefois, au sénat romain, ni le citoyen, ni l'étranger, n'avaient le droit de discourir dans une langue étrangère, mais [ils se devaient d'employer] uniquement [la langue] vernaculaire de cette ville: mais vous, pour ainsi dire sénateurs de la république chrétienne, préférez entendre et proférer des discours païens que religieux. Mais en de nombreuses occasions, nous aurons l'opportunité de discourir contre les autres; pour l'heure en vérité, nous voulons montrer que Boèce, pour nulle autre raison qu'il était un trop grand amateur de philosophie, n'aurait pas du disserter de cette manière du libre arbitre, dans le cinquième livre des consolations. </div>
et manquent de jugement, en accusant d'ignorance la très pieuse antiquité, qui n'avait pas, pour venir à bout des hérésies, les armes de la philosophie, et [qui] souvent, a combattu contre la philosophie elle-même avec acharnement, et l'a exilée comme [le fût] Tarquin, sans la laisser revenir. [Mais] étaient-ils vraiment ignorants et sans armes?
Comment ont-ils alors soumis tant de monde à leur autorité? Vous, par contre, forts d'une telle armure, O' chose indigne et affligeante, ne parvenez pas même à protéger ce qu'ils vous ont légué en guise de patrimoine. Or pour quelles raisons refusez-vous de suivre les traces des anciens? Si non la Raison, du moins leur autorité et leur œuvre devaient vous amener à les imiter, plutôt qu'à rechercher une nouvelle voie. Je juge le médecin exécrable et odieux, qui ne veut pas soigner un malade, par des remèdes éprouvés déjà par l'usage, et [leur préfère d'autres], nouveaux et inconnus par l'expérience; de même le marin qui préfère suivre une route inhabituelle, plutôt que celle par laquelle tous les autres, navires et aussi marchandises, ont navigué en sûreté. Et ainsi, vous avez poussé l'impertinence jusqu'à estimer que personne ne peut devenir théologien s'il ne maîtrise les préceptes de la philosophie, et ne les a étudiés avec le plus grand soin, et en même temps, vous traitez d'imbéciles ceux qui avant elle, les ignoraient, ou voulaient les ignorer. Quelle époque, quelles mœurs! Autrefois, au sénat romain, ni le citoyen, ni l'étranger, n'avaient le droit de discourir dans une langue étrangère, mais [ils se devaient d'employer] uniquement [la langue] vernaculaire de cette ville:
mais vous, pour ainsi dire sénateurs de la république chrétienne, préférez entendre et proférer des discours païens que religieux. Mais en de nombreuses occasions, nous aurons l'opportunité de discourir contre les autres; pour l'heure en vérité, nous voulons montrer que Boèce, pour nulle autre raison qu'il était un trop grand amateur de philosophie, n'aurait pas du disserter de cette manière du libre arbitre, dans le cinquième livre des consolations. </div>
 
<div="2">Pour ce qui est des quatre premiers livres, nous avons répondu dans notre œuvre «De vero bono»; et aussi, ce sujet en son entier, je vais être en mesure de l'examiner avec le plus grand soin, et vais m'efforcer d'en proposer une solution, dans la mesure où je ne pense pas [le faire] en vain, après que tant d'écrivains en aient disserté: car c'est de nous-mêmes que nous tirerons nos allégations, contrairement à tous les autres. Pour ce faire, alors que de mon propre gré j'y fus disposé, une discussion cependant, tenue récemment avec Antoine Glarea, homme érudit et agréablement ingénieux, a comme on dit, encouragé le coureur, et, tant parce que c'est mon habitude, que parce qu'il est un compatriote de Saint Laurent, qui m'est de loin le plus cher, j'ai rapporté les mots de cette discussion dans un livre, en les présentant comme [nous les échangeâmes] [en effet], au lieu de les narrer: « dis-je » et « dit-il » ne sont pas utilisés; ainsi faisait Marcus Tullius, homme à l'esprit immortel, bien que je ne comprenne pas pourquoi il a dit cela dans le livre qu'il a intitulé Lélius. En effet, lorsque l'auteur raconte que ce n'est pas lui qui débat, mais d'autres, où donc peut-il avec justesse utiliser « dis-je » ? Il en est ainsi dans le Lélius de Cicéron, qui consiste en une discussion entre Lélius et [ses] deux gendres, G. Fannius et Q. Scevola, racontée par Scevola lui-même, tandis que Cicéron, avec quelques amis, écoute, et, à cette époque, c'est à peine s'il va oser débattre et causer avec Scevola, qui force le respect par son grand âge ou sa dignité. Mais bref. Ainsi Antoine, alors qu'il venait chez moi un midi et ne me trouvait pas tout à fait affairé, mais assis dans l'exèdre avec quelques amis, après en guise d'introduction, un préambule approprié à l'heure et à l'occasion, poursuivit ainsi: </div>