« Le Pape » : différence entre les versions
Contenu supprimé Contenu ajouté
m coquilles |
|||
Ligne 1 :
{{TextQuality|
{{TitrePoeme|[[Victor Hugo]]||'''Le Pape'''<br><small>1878</small>}}
== '''Scène première
<poem>
''Le Vatican. La chambre du Pape. La nuit.''
Ligne 10 :
LE PAPE, '' dans son lit.''
Ah ! je
''Il
Ligne 24 :
Oubli ! trêve ! ô méchants, reposez-vous. Assez !
Vous devez être las puisque vous haïssez.
Voici
Le cœur divin envoie au cœur humain sa flamme.
La pensée a grandi car le rêve est venu.
Homme, ne te crois pas plongé dans
Tu connais tout, sachant que tu dois être juste ;
Le sort est
Dieu par la conscience inextinguible unit
Va, ta tête est au ciel par un rayon liée.
La vie est une page obscurément pliée
Que
Le sommeil est un sombre épanouissement.
Il est des voix, il est des pas, il est des ondes;
Ligne 41 :
Tout marche au but divin sous les éternels yeux.
Responsabilité, pèse, voici ton heure,
Du haut des deux, et rends
Les noirs vivants ont tous au pied le même anneau.
Sens, ô berger, le poids énorme de
Frêles puissants, tâchez que
Le gouffre est irrité
Le gouffre est menaçant, mais
Sur la protection terrible des abîmes.
Dormez, Vertus, dormez, souffrances, dormez, crimes,
Sous la sérénité du firmament vermeil.
Heureux
Que les étoiles sont sur la terre levées
Pour protéger le faible et
Qui tâche de comprendre .en dormant, et qui sent
Laissez passer sur vous les astres vénérables,
Et dormez. O vivants, princes, grands, misérables,
A cette heure au fantôme en son linceul pareils,
Ayez le tremblement du rêve en vos sommeils.
Que
Ligne 102 :
LES ROIS
Tu sais
LE PAPE
De la hauteur de Dieu je ne vois
Ligne 117 :
LE PAPE
Tout est
Ligne 127 :
LE PAPE
LES ROIS
Nous sommes ce que sont
Ce
Nous sommes une chaîne auguste de montagnes ;
Nous sommes
LE PAPE
Les monts ont au front
Dieu
LES ROIS
Ligne 156 :
LES ROIS
Alors,
LE PAPE
<center>*</center>
Ligne 169 :
<poem>
Je parle à la Cité, je parle à
Écoutez, ô vivants de tant
Le sceptre est vain, le trône est noir, la pourpre est vile.
Qui que vous soyez, fils du Père, écoutez tous.
Il
Comme deux combattants prêts à
Le prêtre est un pilote ; il doit
A la lumière afin que son âme soit blanche ;
Tout veut croître au grand jour,
La pensée ; il est temps que
Et Dieu ne nous a pas confié sa maison,
La justice, pour vivre en dehors
Grandir
Je suis comme vous tous, aveugle, ô mes amis !
Trois couronnes au front, autant que
Celui
Mes frères les vivants me semblent mes valets;
Je ne sais pas pourquoi
Je ne sais pas pourquoi je porte un diadème ;
On
Pontife souverain, Roi par le ciel choisi;
O peuples, écoutez,
Je suis un pauvre. Aussi je
Ce palais, espérant que cet or me pardonne,
Et que cette richesse et que tous ces trésors
Et que
Ne me maudiront pas
Dans cette pourpre, moi qui suis fait pour le chaume !
La conscience humaine est ma sœur, et je vais
Lui parler ;
Sans haïr le méchant ; je ne suis plus
Comme Basile, comme Honorât, comme Antoine ;
Je ne chausserai plus la sandale où la croix
Peuples, jadis Noé sortit rêveur de
Je sors aussi. Je pars. Et je me mets en marche
Sur la terre, au hasard, sous le haut firmament,
Dans
Si cela plaît au ciel, la pluie et la tempête,
Sans savoir où le soir je poserai ma tête,
Je sais que
De tout esprit qui flotte et de tout cœur qui sombre ;
Je vais dans les déserts, dans les hameaux, dans
Dans les ronces, parmi les cailloux du ravin,
Errer comme Jésus, le va-nu-pieds divin.
Pour celui qui
Que de marcher parmi
Que de créer des cœurs, que
Et
Je prends la terre aux rois, je rends aux Romains Rome,
Et je rentre chez Dieu,
Laisse-moi passer, peuple. Adieu, Rome.</poem>
Ligne 232 :
===LE SYNODE
LE PATRIARCHE
<poem>
Ligne 240 :
Allégresse et louange ! ô tribus, ô cités,
Chantez dans le vallon, chantez sur la montagne.
Sabaoth est
Peuple, je suis
''Entre un homme vêtu de bure noire, une croix de bois à la main.''
L’HOMME
Bénir le ciel est bien, bénir
LE PATRIARCHE
L’enfer !
L’HOMME
Oui,
Bénis cela. Bénis les pleurs, les cœurs sincères ;
Mais flétris, où le bien contre le mal combat ;
Bénis le dénûment, le haillon, lé grabat,
Le bagne, dont la chaîne épouvantable passe ;
Bénis
Bénis tous ceux pour gui jamais tu ne prias ;
Bénis les réprouvés, bénis les parias,
Et ce total des maux qui sur terre est la sommé
Des salaires. Bénis
Ligne 272 :
Quel est cet homme?
L’HOMME
Évêque
Te salue, et je suis ton frère. Sois prudent
Et sois pensif; car Dieu, sache-le, prêtre, existe.
Ligne 281 :
LE PATRIARCHE
Ligne 310 :
''Il fait un pas et regarde fixement le Patriarche.''
Prêtre, on souffre ! et le luxe odieux
Commence par jeter par terre ta couronne.
La couronne est gênante à
Choisir de
Sache, ô pasteur joyeux, que les peuples frissonnent ;
Sache que le ciel pâle est plein
Le tocsin des berceaux, le glas des nouveau-nés.
Prends garde aux innocents dont tu fais des damnés.
Ligne 321 :
Avec tes vanités, avec tes convoitises.
Frère, ne soyons pas des prêtres désastreux.
Les Alsaces, les Metz, les Strasbourg, les Hanovres.
Prêtre, à qui donc as-tu pris ta richesse? Aux pauvres.
Quand
Apprends
Les jeunes filles vont rôdant le soir dans
Tes rochets, ta chasuble aux topazes sans nombre,
Ta robe où
Sont des spectres qui sont noirs et vivants la nuit,
Et qui prennent Jésus dans sa crèche, et le tuent.
Sache
Parce
Le riche ayant le vice et le pauvre la faim.
Que te sert
Du velours, du damas, du satin, de la moire,
De chapes
O pauvres que
Tous ces trésors, chez vous sacrés, chez nous injustes,
Ce diamant qui met à la mitre un éclair,
Cette émeraude où semble errer toute la mer,
Ce resplendissement sombre des pierreries,
Le faste de ce prêtre, ô pauvres, représente
Ce que vous
Le loyer du logis, le tison du foyer,
La dignité du cœur qui ne veut pas ployer,
Le travail qui
Votre joie, et
Prêtre !
Escarboucles chez eux, immondices chez nous !
Quoi ! tandis que là-haut
Tandis que sans fatigue et sans fin il dépense
La lumière, et maintient les soleils au complet,
Pour que tout marche et vive, et pour prouver
Tandis que dans cette ombre où court le météore,
Il nous regarde avec ses prunelles
Tandis
Que rien ne
Le jour où dans le ciel que
Les formidables vents démuselés grondèrent;
Tandis
Plus
Plus de prodiges, noirs ou sereins, sur les grèves,
Sur les monts, dans les bois, que
Tandis
Nous prêtres, nous vieillards, drapés
Plus chargés de bijoux que des filles publiques,
Tournant vers les faux biens nos extases obliques,
Tandis que lui, celui qui ne prend ni ne vend,
Lui le sombre Seigneur de la foudre, est vivant,
Nous, sous quelque portail
Nous offrons et montrons à la foule ébahie,
Sous la pourpre
Un petit bon Dieu rose avec des yeux
Un Jésus de carton ! un Éternel de cire !
On le promène, on chante, on prêche, on le fait luire,
En marchant doucement.de crainte
En secouant
Chaque temple a son saint
Tandis que le monceau des hommes agonise
Et que la haine couve en
Tandis que la famine aux effroyables dents
Dévore
Nous étalons, avec des effets de lumière,
Des bonshommes de bois au fond
Brodés
Nous avons des saints-Jeans et des saintes-Maries
Que nous emmaillotons dans des verroteries !
Nous dépensons Golconde à vêtir le néant.
Et, pendant ce temps-là, le vice est un géant.
Et le lupanar
Et je vous le répète, allumez tous vos cierges,
Faites le tour du temple en file, deux à deux,
Vous
Oui, pendant ce temps-là, parce
Parce que votre luxe a pris son pain, un ange,
Une âme, une innocence entrera dans la nuit !
Pour vêtir de brocard
Les colombes. du ciel deviendront des orfraies !
Oui, des femmes de chair et
Honnêtes, fleurs
Paîront de leur pudeur et de leur nudité,
De toutes leurs vertus mortes et dissipées,
Votre imbécillité
Entendez-vous cela ! Comprenez-vous cela !
Trouvez-vous que je parle assez haut ! Dieu parla
Jadis de cette sorte aux songeurs sur les cimes ;
Et nous quand sur
Prêtres, ce
O mes frères, aimons, aimons, aimons, aimons !
Prêtres, la croix de bois et la robe de bure,
Le front haut chez les rois, et pas
Que le fléchissement des âmes devant Dieu !
Quoi ! les rois sont la roue et vous êtes
Le peuple est sous vos pieds, parce
Et vous faites rouler sur lui ce qui
Sachez que vos grandeurs sont des chutes ! Sachez
Ligne 427 :
O noirs vendeurs du temple, emplit votre opulence
Et que Jésus, ayant au flanc le coup de lance,
Voir le peuple affamé sous le prêtre repu !
Ne pouvant voir cela, Christ a dû disparaître !
Il
Ont la même lueur que les yeux du chacal.
O froc de bure, ô saint haillon pontifical,
Sois ma splendeur. Je sens rentrer sous cette robe
Je revis. Du linceul le prêtre est bien vêtu.
Il devient sous la bure exemple, honneur, vertu,
Ligne 446 :
Prêtres, votre richesse est un crime flagrant !
Vos cœurs sont-ils méchants ? Non, vos têtes sont dures.
Frères,
Des perles, des onyx, des saphirs, des rubis.
Oui,
Sur mon âme ; mais
Chez les pauvres.
Ligne 457 :
Seigneur et docteur, grand lévite,
Pape sublime, évêque illustre et souverain,
Les tables de la loi sont un livre
Nul
UN ÉVÊQUE
Il faut que
Il faut la perle au dogme et
Il faut que les vivants, foules, essaims; mêlées,
Volent à la lueur des mitres constellées ;
Cette clarté leur est nécessaire en leur nuit.
Le temple opulent sert et
Il sied que le pasteur comme un soleil se lève.
Ligne 484 :
La foule est faite
Pour le maître,
Le prêtre est le premier des maîtres ; le second
Ligne 492 :
Le soc dur fait le sillon fécond ;
Oui, déchirons! Ainsi
Et
AUTRE ÉVÊQUE
Frère, Dieu
AUTRE ÉVÊQUE
Le royaume des cieux est aux pauvres
Donc peu
AUTRE ÉVÊQUE
Les peuples ont pour loi
Et leur ascension est faite quand vers nous.
Ils montent les degrés dès temples à genoux,
Ligne 516 :
AUTRE ÉVÊQUE
La pensée en dehors du dogme est de
Que
Ligne 524 :
Nous avons dans nos mains la terrible clarté.
Il faut que la lumière éclaire, ou
Le prêtre est infidèle à son Dieu
Et si, devant
Le flambeau
LE PATRIARCHE
Ce
Et
Debout sur le mur noir de
Soyez des cœurs tremblants, soyez des fronts ployés,
Obéissez. Le prince est un prêtre ; le prêtre
Est un prince. Vouloir comprendre, vouloir être,
Vouloir penser,
Qui sous
Résistez, vous avez des âmes insensées.
Dieu maudit vos efforts, vos travaux, vos pensées,
Et votre raison, sœur de
Et votre vain progrès, sinistrement léché
Par la langue de feu qui sort du lac de soufre.
Voilà les vérités qui jaillirent du gouffre
Le jour où sur
LE PAPE
Frères, figurez-vous,
LES ÉVÊQUES
LE PATRIARCHE
Ligne 571 :
LE PATRIARCHE
Quoi ! vous seriez
De vos prédécesseurs glorieux ?
Ligne 577 :
LE PAPE
Un mécontentement inquiétant dans
LE PATRIARCHE
Le pilote aveuglé,
Ne changez pas de route! O Père,
Du côté de la nuit, du côté du trépas !
Ligne 610 :
LE PAPE
Ligne 621 :
Je vous dis que je vois.
Dans
Et je suis descendu, sachant que je montais.
Le dogme
Que nos fragilités ; tâchons
Oui,
Et
Mais il
Les forfaits plus épais que les branches des bois,
Et
Pleins de brocanteurs vils et de. vendeurs immondes :
Ce prêtre sur
Ce juge qui chuchote à voix basse un marché,
Cette fille à
Alors
Être bon,
Guider, sauver, guérir, supprimer les Sodomes,
Bénir, et rendre enfin Dieu respirable aux hommes !
Ligne 675 :
La chaire changée en trône est impudique.
Pauvre et nu, Jésus règne ; et, roi, le prêtre abdique.
Prêtre,
Roi, je
Je ne suis plus
Concédant, consentant, tremblant pour mes provinces,
Courtisan du plus fort, à céder toujours prêt ;
Jamais la royauté du prêtre
Sans une transparence affreuse
Je ne fais point partie, ô prêtres, du ravage,
Du supplice et du meurtre, et ne veux point
Parmi ces rois sur qui tombe
Ligne 695 :
LE PAPE
Jamais. Je suis sorti, plein
De toute votre nuit ! Quoi !
Terre, cet homme avait la garde
La plus haute que
Clarté sainte au-dessus du gouffre obscur des cœurs ;
En dépit des vents noirs rapidement vainqueurs
Ligne 705 :
Que se doivent les cieux et les âmes, rapport
Et lien entre un mât frissonnant et le port,
Échange de lueur entre
Quoi ! parce que de vains simulacres
Princes, maîtres, seigneurs, chefs, souverains, césars,
Parce que de faux dieux, composés de hasards,
Ou du hasard de vaincre ou du hasard de naître,
Parce que des puissants que le néant pénètre
Sont venus le trouver, lui le veilleur qui
Ici-bas
Et de montrer du doigt là-haut
Lui qui doit, fils de
Toujours songer, pleurant sur le mal châtié,
Au moyen de changer la lumière en pitié ;
Ligne 724 :
Offrait dans son bazar aux acheteurs funèbres,
O terreur ! le rayon qui blanchissait le ciel !
Lui
IL bénissait
Cet homme
La vérité,
Prenait le droit au peuple et le donnait au roi ;
Priait pour ce qui tue et contre ce qui tombe !
Cet homme a fait lancer la foudre à la colombe!
Il a fait de Jésus le valet
Quoi!
Il avait en dépôt notre âme, il
Il a prostitué
Non! non!
Ligne 748 :
Prêtre hautain,
Sois humble! Autel doré, dédore-toi, rayonne !
Plaie au flanc du Christ, bouche auguste
Ouvre tes lèvres, parle, et dis la vérité !
Rentre en ton patrimoine, homme déshérité.
Ligne 757 :
Plus le pontife est doux, plus le temple est sublime.
''Tout
Quoi ! plus de prêtres ! Quoi ! plus de temple !
Tout disparaît. Jadis Babel ainsi croula.
Me voilà seul ! Plus rien que
UNE VOIX AU FOND DE
Je suis là.</poem>
Ligne 775 :
<poem>
''
''UN PAUVRE. Sa famille près de lui.''
Ligne 801 :
''Il donne à
LE PAPE, ''au pauvre.''
Laisse-moi le bénir.
Ligne 822 :
LE PAPE, ''vidant une bourse sur le grabat.''
Tiens, voici de
Ligne 832 :
LE PAPE
Et de quoi vêtir
Et toi, mon frère. Hélas ! cette vie est amère.
Je te procurerai du travail. Ces grands froids
Ligne 840 :
LE PAUVRE
Ligne 849 :
<poem>
A travers la douleur,
Du fond des nuits, du fond des maux, du fond des larmes,
Venez à moi vous tous qui tremblez, qui souffrez,
Ligne 855 :
Les damnés, les vaincus, les gueux, les incurables,
Venez, venez, venez, venez, ô misérables !
Je suis à vous, je suis
Dans mes os votre fièvre immense, agonisants!
Venez, déguenillés, réprouvés, multitude !
Ligne 864 :
Le riche a beau bien faire, être sage, être juste ;
Quiconque a les pieds nus marche plus près de Dieu.
Le ciel noir montre plus
Je vous aime, et
Fils, le prêtre du-juge et le juge du prêtre.
Je ne suis
O souffrants, aidez-moi. Je tâche
Venez, partageons tout,
Je suis vieux chez les vieux et jeune avec les jeunes ;
Je suis
Toutes les volontés, toutes les convoitises ;
Je suis, comme
Attiré par les deuils, les dénûments, les pleurs ;
Je veux avoir ma part de toutes les douleurs ;
Je suis
O pauvres, donnez-moi tout ce que vous avez,
Vos jours sans pain, vos toits sans feu, vos durs pavés,
Ligne 885 :
Et le ciel étoile, plafond de vos masures.
O vous qui
Tous les malheureux ! nus, sanglants, blessés, traînés
Par tous les désespoirs et sur toutes les claies ;
Apportez-moi vos fiels, apportez-moi vos plaies,
Afin
Et que je fasse avec vos haines de
Venez, haillons, sanglots, plaintes, colères, âmes !
Fils, le malheur et moi, partout où nous passâmes
Nous avons tous les deux, chacun à sa façon,
Prouvé, lui
Il a tort, car on pleure, et raison, car on aime.
Le malheur a cela de tendre et de suprême
Le malheur
Vous avez les douleurs et moi
Je suis
On aura des besoins devant
Il serait imprudent, à
De
Sans avoir fait
Souffrants, apportez-moi votre calamité.
Je suis
Lèpres, infirmités, indigences, ulcères,
Quiconque est hors
La douleur
Et je veux, entouré des détresses sans nombre,
Qui naissent sur la terre à toute heure, en tout lieu,
Arriver avec tous les pauvres devant Dieu !
Venez, vous
''Tous les misérables viennent autour de lui de tous côtés.''
Ligne 923 :
UN PASSANT
Ligne 935 :
===
<poem>
Ah ! je suis
Ah !
Et Dieu ?
Dieu ne sait pas ce que savait Kepler,
Ce que trouva Newton, ce
Il est dépaysé sous la voûte étoilée;
Il a tous les défauts possibles ; dur, cassant,
Jaloux, inexorable, irascible; il consent
A
Il damne
Il foudroie au hasard, il châtie à côté;
Il tue en bloc ; il met le diable en liberté ;
Molière le ferait sermonner par Alceste ;
Il extermine un bouge, il épargne
Détruit Sodome, et donne à Loth un exeat ;
Il double
Il ne sait ce
Et tâche de brûler notre âme incombustible
Dans un monstrueux lac de bitume et de poix.
Ah ! vous avez voulu lui mettre un contre-poids !
Oui, vous avez voulu corriger,
Ce Dieu qui du chaos tire son origine,
Qui maudit, sans savoir pourquoi, le genre humain,
Et qui marche en tâtant du bâton le chemin;
Il a, certes, besoin
Et, grâce au compagnon qui
Malgré Pascal doutant et Voltaire niant,
Que Dieu peut-être aura moins
Donc son chien est le pape, et je comprends
Dérision lugubre ! Insulte au firmament !
Ligne 976 :
Donc le pape jamais ne chancelle et ne ment ;
Donc jamais une erreur ne tombe de sa bouche ;
Luit dans son œil suprême...
Ligne 984 :
Le passant inquiet de la terre tremblante,
Une agitation qui frissonne et qui fuit,
Un peu
Être cela ! sentir derrière soi
Et devant soi le gouffre, et se croire la cime !
Avoir
Et dire à Dieu : Je suis ton égal. Éternel !
Je suis
Et mon isolement, Dieu, vaut ta solitude ;
Le pape est avec toi le seul être debout
Sur cet immense Rien que
Tout
Je sais la fin, je sais le but, je connais
Je te tiens, ma clef
Dieu sombre, et
Dans
Je ne puis me tromper ; et ce que je décide
Tout est dit. Quand je veux que tu sois irrité,
Quand
Ta colère, et
Tu dois courber ton front énorme dans les cieux !
Le grand char étoile tourne sur deux essieux,
Ligne 1 012 :
Que dis-tu de ce tas de sinistres docteurs,
Ciel terrible, imposant leur néant au mystère,
Et tâchant
Ligne 1 026 :
Sous le givre et la pluie, allez, allez, allez !
Où donc est votre laine, ô pauvres accablés,
Vous qui nourrissez tout, hélas! et
Peuple, où donc sont tes droits? Homme, où donc est ton âme?
O laboureur, où donc est ta gerbe ? O maçon,
Ligne 1 032 :
Où donc sont les esprits mis sous votre tutelle,
Docteurs ? Et ta pudeur, ô femme, où donc est-elle ?
Hélas !
Vierge, où sont tes amours ? mère, où sont tes enfants ?
Grelottez, ô bétail, dépouillé, pauvres êtres !
Votre laine
Elle est à ceux pour
Qui sont les rois, les forts, les grands, les paresseux !
A ceux qui pour servante ont votre destinée !
Cette laine sacrée, et dans la profondeur
Dieu maudit les ciseaux lugubres du tondeur !
Ah ! malheureux en proie aux heureux ! Honte aux maîtres !
Où donc sont ces bergers
Nul ne te défend, peuple, ô troupeau qui
Et
''La nuit vient.''
Ils courent par moments; les coups inexorables
Pleuvent, et
La vérité, le droit, la raison,
Tout ce
Où donc la conduit-on, cette foule hagarde,
Tremblante sous le soir terrible ? qui la garde?
Comme ils sont harcelés, effrayés, éperdus !
Où vont ces sombres pas par derrière mordus?
Ils courent...
La bise souffle et semble un serpent qui
Est-ce que le mystère est lui-même contre eux ?
Pourquoi tant
Je les implore ! ô vents, grâce ! ô plafonds funèbres,
Ayez pitié !
Qui donc
Dans
Le vent peut se jouer, car le prophète est fort ;
Mais soufflant sur le faible en pleurs, le ciel a tort.
Oui, je te donne tort, ciel profond qui
Tout est brume, erreur, doute ; et le brouillard trompeur
Les glace et les aveugle ; ils ont froid, ils ont peur.
''
De qui ce vent farouche est-il donc le ministre ?
Allez, disparaissez à
Passe, ô blême troupeau dans la brume décru.
Que deviennent-ils donc quand ils ont disparu ?
Que deviennent-ils donc quand ils sont invisibles ?
Ils tombent dans ce gouffre obscur : tous les possibles !
Ils
Sur des pentes sans but croulant de toutes parts.
O pâle foule en fuite ! ô noirs troupeaux en marche !
Perdus dans
Nul deuil
Qui
Le destin, composé
Hélas ! met au delà de toutes les misères,
De tout ce qui gémit, saigne et
Le morne effacement des errants dans la nuit !</poem>
Ligne 1 103 :
Tout ce qui pense, vit, marche, respire, passe,
Va, vient, palpite, naît et meurt, demande grâce.
Il
Une faute ; et le sort des neveux de Japhet
La mère sur
Pourquoi tant de détresse et de calamité ?
Pourquoi le grondement du gouffre illimité ?
Pourquoi le côté noir du dogme et de la bible ?
Parce que nous péchons. De là
Et les religions toutes pleines
Tous les abîmes sont à notre marche offerts.
Terreur ! dit Eleusis. Damnation ! dit Rome.
De la bête de proie à la bête de somme,
Du soldat au forçat, du serf à
Tout est vengeance, effroi, haine, morsure, horreur.
La menace lui tend le poing dans les ténèbres.
Avance,
Homme, il est Prométhée; ange, il est Lucifer.</poem>
Ligne 1 129 :
<poem>
L’ARCHEVÊQUE
Hommes qui bâtissez une église, il importe
Pour que la foule y puisse entrer facilement ;
Employez-y le bronze et
Que la façade soit auguste, et
Ce nom, Jéhovah, comme à travers des éclairs ;
Que le clocher répande un hymne dans les airs
Ligne 1 142 :
Et que le peuple sente, enfants, vieillards et femmes,
En regardant ce temple avec un saint frisson,
Et la grandeur du lieu sur la grandeur de
Que la crypte soit vaste et que la nef soit haute ;
Que
La faute et le pardon, divin chuchotement ;
Que le saint-livre ouvert soit sur la sainte-table ;
Que
Que les, prêtres, par qui vos torts sont expiés,
Aient une natte épaisse et tiède sous leurs pieds ;
Que
Entrevoir une obscure éclosion
Comme au fond des forêts dans la vapeur des soirs ;
Que
Ait la splendeur sinistre et sombre
Car le céleste esprit combat
Et nul ne doit sans crainte approcher
Pas
Quand Salomon disait aux bâtisseurs de villes :
Hiram, maçon du temple, écoutait Salomon ;
Donc obéissez-moi. Faites un fier mélange
Du Raphaël pudique et du grand Michel-Ange ;
Peignez sur la muraille Adam
Moïse au Sinaï, Jésus au Golgotha,
Les Géants terrassés malgré leur haute taille,
Job, et
Tout ce qui foudroya, tout ce qui rayonna,
Festin de Balthasar et noces de Cana,
Doit faire flamboyer et resplendir les fresques ;
Mariez
Que la statue alterne avec les noirs tableaux ;
Une église doit être un large espace, enclos
De bons murs, préservé des vents et des tempêtes ;
Prêtres, emplissez-la de fleurs les jours de fêtes ;
Tout ce qui vient du ciel,
Un roi qui la voudrait orner comme il convient,
Épuiserait Golconde et
Prodiguez-y
Que
LE PAPE
Et mettez-y des lits pour les pauvres
Ligne 1 195 :
<poem>
Mère, je te bénis. La nourrice est sacrée.
Après
Eve
Et
Du rayon de
De souffles, de beauté, de splendeur et
Une rencontre ; et tout vient pêle-mêle éclore.
Ce que la femme donne à
Il coule autant de jour
Les étoiles sont
Les Pléiades en haut, en bas les Machabées,
Sont des groupes pareils ; toute clarté descend
Et devient notre esprit et devient notre sang.
Et dans tous les berceaux
Et
En ce monde où
La goutte de lumière et la goutte de lait.
O bénédiction, sois à jamais sur
''Rêveur.''
Ligne 1 222 :
A tous les attentats faits par toutes vos lois,
Je frissonne. Dracon est pire que Tibère.
Vous avez eu raison
Par qui tant de forfaits stupides sont commis,
Car souvent, en voyant le mal, la violence
Il arrive parfois que les lois
Lois qui frappent Jésus et sauvent Barabbas,
Lois dont
Du cri
Oui,
Un jour, je
O devoir !
On
Cette femme avait dit au juge : Je suis grosse.
Et le juge avait dit : Soit. Alors, attendons.
Comme je frémirais pour
Donnât la vie, afin de lui donner la mort.
Ainsi les hommes font dans
Pénétrer leurs décrets sans que leur raison tremble !
La mort, la vie, étaient sur cette femme ensemble.
Leur lueur éclairait le cachot étouffant ;
Horreur ! à chaque pas de
Vers elle,
Et chacun apportant la clef de la prison,
Deux fantômes venaient du fond de
Être en proie à la loi ! Quel deuil !
Ainsi le code humain peut finir, ô misère !
Par avoir la figure obscure
Et
Tu commences, ô loi, par me tuer ma mère.
O triste loi sans yeux, dans cette angoisse *amère,
La malheureuse a beau trembler, frémir, prier,
Tu charges son enfant
Son sang tient mon berceau, déjà sombre, encor vide,
Et de moi,
Tu me fais faire un crime à moi qui ne suis pas.
Je nais, je tue.
Pèse
Mesure un crime, ajoute un meurtre, multiplie
Un attentat par
Dans un affreux berceau fait éclore un cercueil,
Attend
Un tombeau sur sa tête, et dit :
Elle veut, au milieu de ce saint univers,
Quand les cieux versent
Devant le jour sans fin, devant
Dans le fourmillement des fleurs et des étoiles,
Où son enfant naîtra sous le bleu firmament !
Était là, regardait fuir
Écoutait dans la nuit le glas dire : Il le faut !
Et sentait dans son sein remuer
Ligne 1 291 :
LE PAPE
Mais quel est donc le bras qui tend cet arc affreux ?
Pourquoi ces hommes-ci
Quoi ! peuple contre peuple ! ô nations trompées !
''(
De quel droit avez-vous les mains pleines
Que faites-vous ici ?
Que veulent ces canons ? Hommes que
Dans
Plus forts que des lions et plus vains que des mouches,
Pour le plaisir de qui vous exterminez-vous ?
Tous
Dieu vous ordonne
Dieu, sous sa douce loi, cache un devoir austère ;
Comme à
Il vous a dit de croître et de multiplier.
Aimez-vous. Les palais doivent la paix aux chaumes.
Ligne 1 317 :
La gloire ; et moi je vois dés deux côtés des mères.
Je vois des deux côtés des cœurs désespérés.
Je vois
La lumière à des yeux pleins
Le deuil,
Je vois les nations que la mort joue aux dés.
Mais qui donc êtes-vous, hommes qui
Quoi ! vous êtes le nombre et vous êtes la force !
Vous êtes la racine et la tige et
Le feuillage et le fruit de
Le désert et le sable, et la mer et le sel
Sont à vous ; vous avez toutes les étendues ;
Si vous voulez planer, vos ailes éperdues,
Hommes, ont
Vous pouvez rayonner, adorer, enfanter ;
Les astres et les vents vous donnent des exemples,
Les vents pour vos essors, les astres pour vos temples ;
Vous êtes
Vous êtes le géant de Dieu, le genre humain ;
Et vous aboutissez à de vils chocs
Et le titan se fait le forçat des pygmées !
Vous êtes cela, peuple, et vous faites ceci !
Mais alors
Parce que deux néants
Parce que
Semblent grands à travers on ne sait ruel .brouillard,
Étant, le jeune, un fou, le vieux, un imbécile,
A tous les tremblements du vice et de
O peuples, sans savoir pourquoi, dans cette plaine
Votre stupidité formidable rugir !
Vous êtes des pantins que des fils font agir;
On vous met dans la main une lame pointue,
Vous ne connaissez pas celui pour qui
Vous ne connaissez pas celui que vous tuerez.
Est-ce vous qui tuerez ? est-ce vous qui mourrez?
Vous
Vous entrerez dans
Sans que vous puissiez dire au sépulcre pourquoi.
Oui, du moment que
Par un czar, un porteur quelconque de couronne,
Sans rien comprendre au bruit menteur qui
A tâtons, sans Savoir si
On
Vite, il faut
Vous mourez pour vos rois. Eux, ils ne sont pas là.
Et vous avez quitté vos femmes pour cela !
Vous jeunes, vous nombreux et forts, malgré leurs larmes,
Vous vous êtes laissés pousser par des gendarmes
Aux casernes ainsi
En guerre ! allez, Prussiens ! allez, Autrichiens !
Ici la schlague, et là le knout. Lauriers, victoire.
Ligne 1 377 :
Et vos maîtres, pendant vos exécrables luttes,
Boivent, mangent, sont gais et hautains ; et, contents,
Repus, ont autour
Vous allez être un tas de cadavres dans
Laissant derrière vous, sous le soleil superbe
Et sous
Et dans des berceaux, plaints par les nids murmurants,
O douleur, des petits aux regards de colombe !
Eh bien non ! je me mets entre vous et la tombe.
Je ne veux pas ! Tremblez,
De vous assassiner, monstres !
Jetez-vous dans les bras les uns des autres, frères !
Quoi !
Léviathan revivre et renaître Python !
Hommes, Humanité ! se représente-t-on
Ligne 1 393 :
Qui, soudain furieux, eux si calmes naguère,
Deviendraient des dragons mêlant leurs bras hideux,
Faisant tourbillonner la tempête autour
Et jetant et broyant les fleurs, les plumes blanches,
Les nids, dans la bataille effroyable des branches !
Eh bien, sous
Vous êtes ce chaos prodigieux et fou !
Ah ! vous vous enivrez
Vous êtes des vaincus, ô rêveurs de victoire,
Vous êtes les vaincus des rois, et sur le dos
Vous portez leur grandeur, leur néant, ces fardeaux ;
Vous êtes des traîneurs de boulet comme au bagne ;
Vous avez cette honte au pied, leur majesté !
Débarrassez-vous-en, brisez-moi cette chaîne !
Ligne 1 410 :
Ignorance, colère, orgueil, mensonge, à bas !
Hommes, entendez-vous. Vivez. Plus de combats.
Non, la terre
Vous êtes
Aux forfaits, et les bras utiles devenus
Scélérats, et je suis celui qui vient pieds nus
Vous supplier, lions, tigres,
Il est temps de laisser cette terre ou nous sommes
Tranquille, et de permettre aux fleurs, aux blés épais,
Aux vignes, aux vergers bénis, de croître en paix ;
Il est temps que
Que de la haine, et
Pour que nous soyons doux comme elle. Obéissons
A la vie, à
Ne sacrifions pas le monde à quelques hommes.
Soyez de votre sang vénérable économes.
Non, il ne se peut pas
Epouvante ces champs où Dieu met sa lumière.
Quoi ! des mères seront en deuil dans leur chaumière,
Ligne 1 432 :
Et sous la transparence effrayante des fleuves ;
Quoi ! toutes les douleurs, les orphelins, les veuves,
Ah! prenez garde à_vous, rois! car vos actions
Font écouter à Dieu les conseils du tonnerre !</poem>
Ligne 1 448 :
LE PAPE, ''apparaissant entre les combattants.''
Commencez par moi.
Votre sort vous accable, et vous le complétez
Par de la haine, ayant trop peu de la souffrance !
Vous vous
Toi, paysan, tu veux tuer cet ouvrier!
Pourquoi ? De quelque nom que ton travail se nomme,
Il le fait aussi, lui ! vous êtes le même homme ;
Vous semez, sur la terre où
Le grand germe sacré, toi
Il travaille, et de plus il veut aimer son frère.
Nul rie doit à la tâche auguste se soustraire ;
Dieu, la clarté qui pense, est dans la profondeur ;
Il est
Hommes, il resplendit, féconde, inspire, anime,
Et cette vénérable et sereine lueur
Veut faire sur vos fronts briller de la sueur ;
Car le travail est saint, et
Quoi ! ce
Que vous avez aux poings,
Parce que
Paysan. Il se hâte et
Peut-être. Dieu le sait. Mais est-ce une raison,
O peuple, pour emplir de spectres
Pour plonger dans
Et faire sangloter le tocsin dans les villes ?
Tout est la vie ; et Dieu
Ah !
Où les réalités sont les axes des mondes,
Si
Et si le ciel est pour la terre un ami sûr,
Si la vie est un fruit et non pas une proie,
Le travail et
Qui pour un instant jette un orage dans
Il
Terrible, qui ne doive être déconcertée
Par une mère ayant au sein son nourrisson.
Ligne 1 493 :
Quoi ! troubler le soleil glorieux, les rosées,
Les parfums, les clartés, le mois de mai si beau,
Les fleurs, par
Ah ! fussiez-vous vainqueurs,
Vous aurez le cœur froid, vous aurez
A la fraternité rien ne peut suppléer.
Ah ! réfléchissez. Dieu vous créa pour créer,
Ligne 1 511 :
Tout fuit.
Mais
Et
O Dieu, les profondeurs étant des multitudes ?
Ligne 1 521 :
===IL PARLE DEVANT LUI DANS
<poem>
Vivez, marchez, pensez, espérez, aimez-vous.
Nul
Riche, épargne le pauvre, et toi, pauvre, pardonne
Au riche, car le sort prête et jamais né donne,
Et
Tout bien qui naît du mal des autres, est bâtard ;
Et les prospérités ne sont jamais
Et menteuses, sortant des misères publiques ;
Rois, ayez peur du trône où votre orgueil
Votre âme y devient spectre, et, maîtres des royaumes,
Hélas ! sans le savoir vous êtes des fantômes;
Empereur, majesté, roi, césar, à quoi bon ?
Les Pharaons ont fait bâtir les Pyramides ;
Ligne 1 541 :
Fouettant leur peuple aux fers, durs comme les destins,
Ils eurent achevé ces monuments hautains,
O rois, cela ne sert à rien
Sésostris, ou Cyrus à qui le sort sourit,
Il vaut mieux être un pauvre appelé Jésus-Christ.
Le mal que nous faisons trop souvent nous encense ;
Hélas, qui que tu sois, puissant, crains ta puissance,
Qui, de
On est flatté par où
Vous qui faites trembler, tremblez.
Quant à toi, travailleur sur qui le fardeau pèse,
Toi qui te sens lion et
Ne perds pas patience et sache attendre, ami !
En venir aux mains ? Non. Certes, ton droit suprême,
Plus de salaire et moins de peine,
Vie, harmonie, amour, joie, hyménée, aurore.
Et remplit de clarté rose les petits doigts
Du nouveau-né riant dans sa crèche, et tu dois
Ligne 1 566 :
Protéger ton foyer, et faire face aux lois
Si leur sagesse fausse à tes droits est contraire,
Et nourrir ton enfant,
Sans blesser la patrie et meurtrir la cité !
Les Saint-Barthélemys et les Vendémiaires ;
Les principes sereins sont de hautes lumières ;
Dans la Terre Promise on ne met pas la mort ;
Peuple, sur le cloaque informe du carnage,
Quel que soit le tueur, sais-tu ce qui surnage ?
La pâle liberté morte et
Pour soi
Des fauves actions faites aveuglément.
Hélas ! sous le regard fixe du firmament,
Pas de tueurs ; laissons les bourreaux dans leurs bouges.
Je hais une victoire ayant les ongles rouges ;
Je
Et, quand il a vaincu, soit forcé de cacher
Les fentes des pavés des villes sous du sable.
Le paradis de Dieu deviendrait haïssable
Quoi ! le droit malfaiteur ! le progrès scélérat !
Homme, crains la balance où tout destin
Le mal
Crains de mettre une tache au front de
La liberté
Le progrès
Nul soleil
Si grand que soit un droit, il est moins grand
Jamais, non, même ayant la justice pour soi,
On ne peut la servir par le deuil et
La vérité qui tue, affreuse vengeresse,
A des yeux de démon sous un front de déesse ;
Une étoile
Ligne 1 614 :
Les malédictions sont sur les multitudes,
Les tonnerres profonds hantent les solitudes,
Rien
Les prêtres sont pareils à des gouffres ouverts ;
Qui regarde dedans voit des choses affreuses.
Ligne 1 621 :
O morne angoisse !
Hélas !
Que de rêves tombés ! Que de spectres debout !
Peut-être a devant lui
Quand, sentant des degrés dans
Le genre humain ignore, erre, marche à tâtons,
Souffre, et ne voit,
Tout est-il donc fatal ? Rien
La vie est une dette et la mort un paiement.
Satan règne ; le mal fait loi ;
Et
Dans la brume que nul
Les tristes nations sur qui tout
Prêtres, juges, bourreaux, scribes, princes, ministres ;
Les innombrables flots ne sont pas plus sinistres ;
Le tragique Océan
Par les souffles confus du vent démesuré.
Regarde un effrayant penchement de fantômes,
Et tremblé.
Le matin lui dit : Pleure ! et le soir lui dit : Meurs !
Dans
Les blêmes hommes nus vivants au creux des arbres,
En Grèce Bacchus ivre et traîné par des lynx,
Ligne 1 654 :
Joyeux, superposés aux supplices des hommes ;
Les courtisans dorés sont les vils astronomes
Qui contemplent
Et les rois sont contents de vivre; et leurs sommeils,
Leurs réveils, et leurs lits de pourpre, et leurs carrosses,
Leurs trônes, leurs palais, leurs festins, sont féroces.
La guerre en sort. Le prêtre est reptile au tyran.
Le Talmud
César vainqueur se fait du ciel une province.
Loyola, dur au peuple, est complaisant au prince.
Le fakir est atroce et le bonze est hideux ;
Le crucifix est glaive au poing de Jules Deux ;
Caïphe, âme où
Interprète Moïse au profit de Tibère.
O deuil ! Accablement du morne genre humain !
Pleurs et cris ! Sang des pieds aux cailloux du chemin !
Noirceur du ciel empli par
La faute est dans Je hais ! La faute est dans Je
Tout est la chute. Hélas ! que faire ? Hommes damnés !
Responsables de vivre et punis
Je médite éperdu dans la nuit formidable.
Quel labeur que jeter la sonde à
Quel gouffre que
Terreur ! tout apparaît et tout
Le deuil reste.
Oh ! disais-je, où donc est
Soudain il me sembla, comme, dans leur souffrance,
Pensif, je regardais les peuples douloureux,
Voir
Il me sembla sentir
Et je vis un rayon sur
Et je levai mes yeux au ciel, et
Là-haut, le grand passant mystérieux, Jésus.</poem>
Ligne 1 698 :
Il est le regard vierge, il est la bouche rose ;
On ne sait avec quel ange invisible il cause.
Tout ce que les meilleurs font sur terre, ou défont,
Ne vaut pas le sourire ignorant et suprême
De
Nous nous croyons le droit
Et lui qui ne se sait aucun droit sur la terre,
Les a tous. Sa fraîcheur pure nous désaltère ;
Ligne 1 711 :
Des gouffres bleus, du fond des divins empyrées ;
Ses beaux yeux sont noyés de lueurs azurées ;
Dès
Pensifs, nous comparons nos âmes à la sienne;
Le plus juste est rêveur de quelque faute ancienne ;
Il suffit, pour
Et pour que nous sentions de la noirceur en nous,
Que ce doux petit être inexprimable vive ;
Et la création entière est attentive
Aux, reproches que fait, même à ce qui reluit,
Même au ciel,
Même à la sainteté, triste quand on
Cette blancheur sans ombre et sans fond,
De quel droit sommes-nous autour
Que nous a-t-elle fait ? Nos cris couvrent ses chants.
Son aube à nos vents noirs mêle son pur zéphyre.
Ligne 1 729 :
Pour nous rendre cléments et pour dompter nos cœurs ?
Non, nous restons ingrats, amers, hautains, moqueurs,
Pleins
Existe,
Et nos siècles de fer sur ce tendre âge
Et
Vous êtes de la joie errante parmi nous,
Enfants ! riez, jouez, croissez. Vos fronts sont doux,
Et la faiblesse y met sa tremblante couronne ;
Sans vous le jour est morne et le matin se tait ;
Chantez. Quand le destin, comme
De vous avoir dans
Quand vous vous eh allez avant
Votre âme monte aux cieux dans le parfum des fleurs.
O chers petits enfants, quand, fuyant nos douleurs,
Vous faites dans
Quand un nouveau-né meurt, on dirait que, navrée,
La terre prend le deuil des jours qui vous sont dus ;
Et
Par les roses vos sœurs à vos frères les anges.
Il est dans les linceuls une aile, et, dans les langes,
Il en est une aussi;
Doux amis, sans pourtant nous quitter, pour cela.
Restez, notre prison par vous devient un temple.
Rayonnez, innocents, et donnez-nous
Croyez, priez, aimez, chantez. Soyez sans fiel.
A fait de la candeur dont elle était vêtue ?</poem>
Ligne 1 770 :
''LE BOURREAU, la hache à la main. Au fond la foule.''
LE PAPE, ''regardant
Je ne comprends pas.
Ligne 1 786 :
LE JUGE
On le prend, on lui fait son procès, et la loi
Le tue. Est-ce clair ?
Ligne 1 802 :
LE PAPE
Ligne 1 814 :
Juge, respect à Dieu.
Cet univers visible est un immense aveu
VOIX DANS LA FOULE
LE PAPE, ''à
Toi qui donnas la mort, sais-tu ce que
L’ASSASSIN
Non.
Ligne 1 838 :
LE BOURREAU
Je
LE PAPE, ''au juge.''
Et toi, sais-tu, devant ce ciel
Ce que
Ligne 1 858 :
LE JUGE
Ligne 1 867 :
Ainsi vous maniez la mort sans la connaître !
Vous êtes des méchants et des infortunés.
Dieu
Vous
O vivants ! vous
A cet homme qui seul sait ce
Es-tu coupable? vis, sachant que tu mourras.
O vivants, le ciel sent on ne sait quelle honte
Quand, vous regardant faire en votre ombre, il confronte
Le crime et
Vous saignez du côté du crime, et vous saignez
Du côté de la loi, croyant faire équilibre
Ligne 1 880 :
Donnant pour contrepoids au bandit le bourreau.
Vous tirez, vous aussi, le trépas du fourreau !
Vous allez et venez dans
Dieu fait la mort divine et vous la mort humaine !
Sombre usurpation dont frémit le penseur.
Dieu vit ; de
Peuple, et vous lui changez son coupable en victime.
Un homme monstre est là ; vous
Est-il une raison
Faut-il, tristes vivants qui devez être las,
De quel droit mettez-vous une âme toute nue,
Et faites-vous subir à cette nudité
Ce dépouillement brusque est interdit au juge.
De quel droit changez-vous en écueil le refuge ?
Dieu nous a mis à tous sur la face la nuit ;
Il ne nous a point faits transparents ; il nous couvre
Quand il veut, au moment indiqué par lui seul ;
Vivants,
Nous sommes jusque-là des inconnus ; Dieu laisse
Aux âmes un instant pour rêver, la vieillesse,
Le droit à la fatigue et le droit au remords ;
Malheur si nous faisons soudainement des morts !
Que
Étant le fond du gouffre, ouvre le précipice,
Il le peut,
Le rejeté,
Mais, vivants, votre loi,
Sur nous la forme humaine, en nous
Nous sommes des noirceurs sous le ciel étoile.
Je
Dieu seul sait qui je suis et comment je me nomme.
De quel droit faites-vous cette surprise à Dieu ?
Quoi ! vous mettez la fin de la vie au milieu !
Vous ouvrez et fermez la fatale fenêtre !
A tâtons ! Apprenez ceci : mourir
Ailleurs. Quel noir travail, ô pâles travailleurs !
Comprenez-vous ce mot épouvantable, ailleurs ?
Frémissez. Savez-vous le possible
''(Montrant le condamné.)''
Ligne 1 926 :
Cet homme a fait le mal pour nourrir une femme
Et des enfants sans pain ; mais vous, avez-vous faim ?
Vous le tuez. Pourquoi? Trouvez-vous bon
Le crime et la justice aient la même figure ?
O mort, sauvage oiseau, qui sait ton envergure ?
Tes ailes couvriraient
La blanche touche au ciel et la noire à
Que savons-nous ? Hélas ! le prêtre craint la bible.
Notre âme glisse au bord sinistre du possible.
La conscience humaine habite un cabanon.
Ce que vous faites là, le comprenez-vous ? Non.
Avez-vous jamais vu
Vous représentez-vous
Le gouffre,
Ce damné tombant là ? Vous représentez-vous
Horreur !
Lui que Dieu mit sur terre afin
La justice
O justice
Fils, croyez un vieillard, nous sommes tous
A peine aperçoit-on la faulx ; quant à la main,
Cachée en ce lieu noir
Nous ne la voyons pas. Elle frappe à son heure.
Tuer cet homme ! ô ciel ! il me fait peur. Je pleure.
Est-ce
Tuer, sans pouvoir dire au juste ce que
Avez-vous bien pesé ce que vous allez faire ?
Vous figurez-vous, juge, et toi, peuple inclément,
Vautour peut-être, hélas ! mais peut-être colombe.
Vous dites-vous ceci :
Peut-être il monte alors
Que devient votre arrêt devant Dieu? Les ténèbres
Peuvent faire à nos lois des réponses funèbres.
Soyons prudents devant ce que nous ignorons.
La terre est un point sombre avec des environs
Illimités de brume et
Tout
Et
Mêlent des quantités inégales de crime?
Vous êtes regardés par dessus
Ne faites pas pleurer les invisibles yeux.
Vous avez des témoins attentifs dans les cieux ;
Ne les indignez pas, ne leur faites pas dire :
A dans de
Ah !
De jeter quelque chose à la noirceur muette,
Sans savoir où
La hache, et
Ligne 1 988 :
La prière contemple et la science observe.
Quand, dans le cloître noir de la sainte Minerve,
Galilée abjurait, vaincu,
Dieu.
Des épaisseurs de nuit profonde nous entourent.
Les mondes par des feux échangés se secourent ;
Car, ciel sombre, on ne sait quels gouffres sont ouverts.
Parfois le mage, au fond des firmaments vermeils,
Distingue
A voir
On devine une étrange extinction
Quelque part, dans
Dieu seul sait
Par un souffle ; et ce souffle a lui-même sa loi.
Le savant dit : Comment ? le penseur dit : Pourquoi ?
La réponse
Sans cesse
Mais, ombre,
La justice, dit
Que
De tous les changements
Ligne 2 022 :
===ENTRANT À JÉRUSALEM===
<poem>
Peuple,
Plus de guerre étrangère et de guerre civile.
Plus
Égalité devant la mort, Fraternité
Devant le Père. Aimons. Force, aide la faiblesse.
Éclairez qui vous nuit ; guérissez qui vous blesse.
Paix et pardon. Soyez cléments aux criminels.
Le droit des bons
Le juste qui
Et le soleil
Les tigres et les loups de son rayonnement.
Juges, pensez ; bourreaux, reculez ; vis, Caïn.
A qui
Laissez à tous le temps de racheter les fautes.
Soyez
Riches,
Pauvres, la pauvreté
Toute bonne pensée est une délivrance.
Si noir que soit le deuil, conservez
Car rien
La haine est un vent sombre et pestilentiel;
Aimez, aimez, aimez, aimez,
Et maintenant, ayant fait face aux téméraires,
Ayant lavé le fond du vase baptismal,
Ayant diminué sur la terre le mal,
Vieillard pensif qui
Chez les peuples un pauvre et chez les rois un prêtre,
Compagnon des douleurs, des exils, des grabats,
Je viens près de celui qui fit voir ici-bas
Toute la quantité de Dieu qui tient dans
Je prends Jérusalem et je vous laisse Rome,
Jérusalem étant le véritable lieu.
Hommes, je viens me mettre en prière chez Dieu.
Je ne me sens réel que sur ce mont sévère ;
Là-haut
Quittant César pour Christ, de changer de maison,
Et je monte, appuyé sur
De ce bas-fond, le trône, à ce sommet, la tombe.
Je me fais serviteur du sépulcre, sentant
Près de moi le grand cœur de Jésus palpitant.
O rois, je hais la pourpre et
Et
Car la toute-puissance est un squelette noir.
Tantôt il court, tantôt il trébuche, et je mène
Et
Allons en avant.
Nous sentons la chaleur
Nous nous sommes trouvés ; longtemps nous nous cherchâmes.
Je vous ai dit : Je suis le jour. Pour vous je nais.
Et vous êtes venus, voyant que je venais.
O vivants, ouvriers de
Travaillez ; que
Soyez purs, soyez doux, soyez frais, soyez bons.
Tous sur le grand travail sacré nous nous courbons.
Ligne 2 086 :
Peuple, aimez. On devient lumineux en aimant.
Ce serait être injuste envers le firmament
Que de répondre aux feux
Que,
Les devoirs, les vertus, afin que leurs clartés
Illuminent le sombre intérieur des hommes ;
Et pour que, dans le monde insondable où nous sommes,
Et devant
Les cœurs ne soient pas moins étoiles que les cieux.
Peuples, aimez-vous. Paix à tous.
LES
Sois béni, père.
Ligne 2 108 :
== '''Scène deuxième
<poem>
''Le Vatican.
Ligne 2 116 :
Quel rêve affreux je viens de faire !</poem>
{{interprojet|nolink|w=Le Pape (Hugo)}}
|