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Il avait rêvé de faire de ce roman le plus parfait de ses livres, celui qui porterait témoignage de ses dons de poète et de psychologue. « Rappelez-vous ma prédiction, écrivait-il en décembre 1892 à M. Baxter : c’est ce roman-là qui sera mon chef-d’œuvre ! » Il en avait déjà, à cette époque, fixé le plan général et esquissé les principales figures. « Mon ''juge-pendeur'', écrivait-il à M. Baxter, est dès à présent une très belle chose, et, — jusqu’au point de mon récit où je suis arrivé, — le meilleur à beaucoup près de tous mes personnages. » Mais surtout il avait depuis longtemps arrêté le caractère et la portée qu’il devrait donner à son livre. A côté, au-dessus de ses romans d’aventure, où il ne cessait point de s’employer entre temps, il avait formé le projet d’une œuvre plus littéraire et plus haute, d’une façon de grande tragédie, très réaliste tout ensemble et très pathétique, telle enfin que personne, après l’avoir lue, ne pourrait plus lui reprocher d’être un simple amuseur.
Il avait rêvé de faire de ce roman le plus parfait de ses livres, celui qui porterait témoignage de ses dons de poète et de psychologue. « Rappelez-vous ma prédiction, écrivait-il en décembre 1892 à M. Baxter : c’est ce roman-là qui sera mon chef-d’œuvre ! » Il en avait déjà, à cette époque, fixé le plan général et esquissé les principales figures. « Mon ''juge-pendeur'', écrivait-il à M. Baxter, est dès à présent une très belle chose, et, — jusqu’au point de mon récit où je suis arrivé, — le meilleur à beaucoup près de tous mes personnages. » Mais surtout il avait depuis longtemps arrêté le caractère et la portée qu’il devrait donner à son livre. À côté, au-dessus de ses romans d’aventure, où il ne cessait point de s’employer entre temps, il avait formé le projet d’une œuvre plus littéraire et plus haute, d’une façon de grande tragédie, très réaliste tout ensemble et très pathétique, telle enfin que personne, après l’avoir lue, ne pourrait plus lui reprocher d’être un simple amuseur.


Aussi ce ''Weir of Hermiston'' a-t-il été, durant les quatre ou cinq dernières années de sa vie, l’incessant objet de ses préoccupations. Il en parlait dans toutes ses lettres, d’un ton parfois triomphant et parfois découragé : mais toujours infatigable à questionner ses amis sur tel nom, tel endroit, telle particularité locale, sur toute sorte de menus détails d’histoire ou de législation qu’il jugeait nécessaires à la perfection de son œuvre. Flaubert lui-même, peut-être, ne s’est pas plus obstinément ''documenté'' pour son roman carthaginois que Robert Louis Stevenson pour cette histoire tout intime d’une famille écossaise.
Aussi ce ''Weir of Hermiston'' a-t-il été, durant les quatre ou cinq dernières années de sa vie, l’incessant objet de ses préoccupations. Il en parlait dans toutes ses lettres, d’un ton parfois triomphant et parfois découragé : mais toujours infatigable à questionner ses amis sur tel nom, tel endroit, telle particularité locale, sur toute sorte de menus détails d’histoire ou de législation qu’il jugeait nécessaires à la perfection de son œuvre. Flaubert lui-même, peut-être, ne s’est pas plus obstinément ''documenté'' pour son roman carthaginois que Robert Louis Stevenson pour cette histoire tout intime d’une famille écossaise.