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On ne peut, à ce qu’il me semble du moins, expliquer ces différens faits, absolument incontestables, qu’en recourant à l’hypothèse suivante. Le ''moi'' conscient qui a entrepris les expériences fait les raisonnemens, pris les conclusions, confie à un ''sous-ordre'', à un ''sous-moi'', le soin d’exécuter la besogne courante. Ainsi, dans un Etat, l’exécution de la loi élaborée par le parlement est confiée à des administrations chargées de l’appliquer, mais ne pouvant la modifier. Dans les circonstances imprévues, ce sont ces administrations qui, par voie d’interprétation et de jurisprudence, font à leur tour des observations et des modifications que le parlement ignore. De même pour nos organes : quand un enfant apprend à marcher, toute son attention est portée sur cette étude. Il mesure avec soin la portée de ses pas, les mouvemens qu’il faut donner à ses bras et à son corps pour ne pas perdre l’équilibre. Plus tard, s’il faut marcher dans une rue, au milieu des passans et d’autres obstacles qu’il faut éviter, s’il faut monter ou descendre, etc., l’intelligence, le ''moi'', ne s’occupe plus de rien ; c’est le ''sous-ordre'' qui pare à ces cas imprévus par des raisonnemens dont ''il'' a probablement conscience, mais qui restent complètement ignorés de son supérieur.
96 REVUE DES DEUX MONDES.

On ne peut, à ce qu'il me semble du moins, expliquer ces
Helmholtz a soutenu énergiquement cette théorie dite ''empiristique'' des perceptions résultats de l’expérience acquise, contre Héring, autre élevé de J. Muller, affirmant au contraire, avec son maître, une théorie dite ''nativistique'', rattachant ces perceptions à des propriétés ''innées'' de nos organes.
différens faits, absolument incontestables, qu'en recourant à l'hy-

pothèse suivante. Le moz conscient qui a entrepris les expériences
Après trente ans, on peut peut-être trancher le débat, au moins provisoirement, par une sentence où les deux parties trouveront satisfaction.
fait les raisonnemens, pris les conclusions, confie à un sous-

ordre, à un sous-moi, le soin d'exécuter la besogne courante.
Helmholtz a raison de dire que la perception du monde extérieur est un résultat d’expériences et de raisonnemens faits sur la sensation, car nous voyons l’enfant nouveau-né recommencer cet effrayant travail à chaque génération. Mais on peut accorder à Héring et à ses partisans que le désir qui pousse l’enfant à entreprendre ce travail, l’''aptitude'' qui lui permet de le réaliser. aptitude qui, vraisemblablement, s’accroît à chaque génération aussi, rentrent bien dans cette transmission mystérieuse qu’on appelle dans la science moderne l’hérédité, en théologie la ''grâce'' ou le ''péché originel'', et qui fait, de chaque espèce, de l’animalité, de l’humanité, comme un être unique se développant à travers les âges.
Ainsi, dans un Etat, l'exécution de la loi élaborée par le parle-
ment est confiée à des administrations chargées de l'appliquer,
mais ne pouvant la modifier. Dans les circonstances imprévues,
ce sont ces administrations qui, par voie d'interprétation et de
jurisprudence, font à leur tour des observations et des modifica-
tions que le parlement ignore. De même pour nos organes :
quand un enfant apprend à marcher, toute son attention est por-
tée sur cette étude. Il mesure avec soin la portée de ses pas, les
mouvemens qu'il faut donner à ses bras et à son corps pour ne
pas perdre l'équilibre. Plus tard, s'il faut marcher dans une rue,
au milieu des passans et d'autres obstacles qu'il faut éviter, s'il
faut monter ou descendre, etc., l'intelligence, le moi, ne s'occupe
plus de rien ; c'est le jsous-ordre qui pare à ces cas imprévus par
des raisonnemens dont il a probablement conscience, mais qui
restent complètement ignorés de son supérieur.
Helmholtz a soutenu énergiquement cette théorie dite empi-
ristique des perceptions résultats de l'expérience acquise, contre
Héring, autre élève de J. Muller, affirmant au contraire, avec son
maître, une théorie dite nativistique , rattachant ces perceptions
à des propriétés innées de nos organes.
Après trente ans, on peut peut-être trancher le débat, au
moins provisoirement, par une sentence où les deux parties
trouveront satisfaction.
Helmholtz a raison de dire que la perception du monde exté-
rieur est un résultat d'expériences et de raisonnemens faits sur la
sensation, car nous voyons l'enfant nouveau-né recommencer
cet effrayant travail à chaque génération. Mais on peut accorder
à Héring et à ses partisans que le désir qui pousse l'enfant à
entreprendre ce travail, l'aptitude qui lui permet de le réaliser,
aptitude qui, vraisemblablement, s'accroît à chaque génération
aussi, rentrent bien dans cette transmission mystérieuse qu'on
appelle dans la science moderne l'hérédité, en théologie la grâce
ou le péché originel, et qui fait, de chaque espèce , de l'anima-
lité, de l'humanité, comme un être unique se développant à tra-
vers les âges.