« Le Mariage de Figaro » : différence entre les versions

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''{{personnage|Figaro}}, seul.''
 
La charmante fille ! toujours riante, verdissante, pleine de gaieté, d’esprit, d’amour et de délices ! mais sage ! ''(Il marche vivement en se frottant les mains.)'' Ah ! Monseigneur ! mon cher Monseigneur ! vous voulez m’en donner... à garder ? Je cherchais aussi pourquoi m’ayant nommé concierge, il m’emmène à son ambassade, et m’établit courrier de dépêches. J’entends, monsieur le Comte ; trois promotions à la fois : vous, compagnon ministre ; moi, casse-cou politique, et Suzon, dame du lieu, l’ambassadrice de poche, et puis ; fouette courrier ! Pendant que je galoperais d’un côté, vous feriez faire de l’autre à ma belle un joli chemin ! Me crottant, m’échinant pour la gloire de votre famille ; vous, daignant concourir à l’accroissement de la mienne ! Quelle douce réciprocité ! Mais, Monseigneur, il y a de l’abus. Faire à Londres, en même temps, les affaires de votre maître et celles de votre valet ! représenter à la fois le Roi et moi dans une Cour étrangère, c’est trop de moitié, c’est trop. - Pour toi, Bazile ! fripon mon cadet ! je veux t’apprendre à clocher devant les boiteux ; je veux... Non, dissimulons avec eux, pour les enferrer l’un par l’autre. Attention sur la journée, monsieur Figaro ! D’abord avancer l’heure de votre petite fête, pour épouser plus sûrement ; écarter une Marceline qui de vous est friande en diable ; empocher l’or et les présents ; donner le change aux petites passions de monsieur le Comte ; étriller rondement monsieur du Bazile, et...
 
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{{personnage|Suzanne}}, ''seule.''
 
Allez, madame ! allez, pédante ! je crains aussi peu vos efforts que je méprise vos outrages. - Voyez cette vieille sibylle ! parce qu’elle a fait quelques études et tourmenté la jeunesse de madame, elle veut tout dominer au château ! ''(Elle jette la robe qu’elle tient sur une chaise.)'' Je ne sais plus ce que je venais prendre.
 
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{{personnage|Chérubin}}
 
Il m’a trouvé hier au soir chez ta cousine Fanchette, à qui je faisais répéter son petit rôle d’innocente, pour la fête de ce soir : il s’est mis dans une fureur en me voyant ! - Sortez, m’a-t-il dit, petit... Je n’ose pas prononcer devant une femme le gros mot qu’il a dit : sortez, et demain vous ne coucherez pas au château. Si madame, si ma belle marraine ne parvient pas à l’apaiser, c’est fait, Suzon, je suis à jamais privé du bonheur de te voir.
 
{{personnage|Suzanne}}
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{{personnage|Suzanne}}, ''le retirant''
 
Eh ! que non pas ! - Son cœur ! Comme il est familier donc ! Si ce n’était pas un morveux sans conséquence... ''(Chérubin arrache le ruban.)'' Ah ! le ruban !
 
{{personnage|Chérubin}}, ''tourne autour du grand fauteuil.''
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{{personnage|Chérubin}}, ''exalté.''
 
Cela est vrai, d’honneur ! Je ne sais plus ce que je suis ; mais depuis quelque temps je sens ma poitrine agitée ; mon cœur palpite au seul aspect d’une femme ; les mots amour et volupté le font tressaillir et le troublent. Enfin le besoin de dire à quelqu’un Je vous aime, est devenu pour moi si pressant, que je le dis tout seul, en courant dans le parc, à ta maîtresse, à toi, aux arbres, aux nuages, au vent qui les emporte avec mes paroles perdues. - Hier je rencontrai Marceline...
 
{{personnage|Suzanne}}, ''riant.''
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{{personnage|Figaro}}
 
Et toi, ma petite Suzanne ? - Madame n’en doit prendre aucune. Au fait, de quoi s’agit-il ? d’une misère. Monsieur le Comte trouve notre jeune femme aimable, il voudrait en faire sa maîtresse ; et c’est bien naturel.
 
{{personnage|Suzanne}}
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{{personnage|Suzanne}}
 
Et surtout un ruban volé. - Voyons donc ce que la bossette... la courbette... la cornette du cheval... Je n’entends rien à tous ces noms-là. - Ah ! qu’il a le bras blanc ! c’est comme une femme ! plus blanc que le mien ! Regardez donc, madame ! ''(Elle les compare.)''
 
{{personnage|La Comtesse}}, ''d’un ton glacé.
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{{personnage|Le Comte}} ''sort du cabinet d’un air confus. Après un court silence.''
 
Il n’y a personne, et pour le coup j’ai tort. - Madame... vous jouez fort bien la comédie.
 
{{personnage|Suzanne}}, ''gaiement.''
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{{personnage|Le Comte}}
 
Ah ! dites pour moi seul. - Mais je suis encore à concevoir comment les femmes prennent si vite et si juste l’air et le ton des circonstances. Vous rougissiez, vous pleuriez, votre visage était défait... D’honneur, il l’est encore.
 
{{personnage|La Comtesse}}, ''s’efforçant de sourire.''
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{{personnage|Le Comte}}, ''seul, marche en rêvant.''
 
J’ai fait une gaucherie en éloignant Bazile ! ... la colère n’est bonne à rien. - Ce billet remis par lui, qui m’avertit d’une entreprise sur la Comtesse ; la camariste enfermée quand j’arrive ; la maîtresse affectée d’une terreur fausse ou vraie ; un homme qui saute par la fenêtre, et l’autre après qui avoue... ou qui prétend que c’est lui... Le fil m’échappe. Il y a là-dedans une obscurité... Des libertés chez mes vassaux, qu’importe à gens de cette étoffe ? Mais la Comtesse ! si quelque insolent attentait... Où m’égaré-je ? En vérité, quand la tête se monte, l’imagination la mieux réglée devient folle comme un rêve ! - Elle s’amusait : ces ris étouffés, cette joie mal éteinte ! - Elle se respecte ; et mon honneur... où diable on l’a placé ! De l’autre part, où suis-je ? cette friponne de Suzanne a-t-elle trahi mon secret ? ... comme il n’est pas encore le sien... Qui donc m’enchaîne à cette fantaisie ? j’ai voulu vingt fois y renoncer... Etrange effet de l’irrésolution ! si je la voulais sans débat, je la désirerais mille fois moins. - Ce Figaro se fait bien attendre ! il faut le sonder adroitement ''(Figaro paraît dans le fond, il s’arrête)'' et tâcher, dans la conversation que je vais avoir avec lui, de démêler d’une manière détournée s’il est instruit ou non de mon amour pour Suzanne.
 
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{{personnage|Figaro}}
 
Diable ! c’est une belle langue que l’anglais ! il en faut peu pour aller loin. Avec God-dam, en Angleterre, on ne manque de rien nulle part, - Voulez-vous tâter d’un bon poulet gras ? entrez dans une taverne, et faites seulement ce geste au garçon. ''(Il tourne la broche.)'' God-dam ! on vous apporte un pied de bœuf salé, sans pain. C’est admirable ! Aimez-vous à boire un coup d’excellent bourgogne ou de clairet ? rien que celui-ci. ''(Il débouche une bouteille.)'' God-dam ! on vous sert un pot de bière, en bel étain, la mousse aux bords. Quelle satisfaction ! Rencontrez-vous une de ces jolies personnes qui vont trottant menu, les yeux baissés, coudes en arrière, et tortillant un peu des hanches ? mettez mignardement tous les doigts unis sur la bouche. Ah ! God-dam ! elle vous sangle un soufflet de crocheteur : preuve qu’elle entend. Les Anglais, à la vérité, ajoutent par-ci, par-là, quelques autres mots en conversant ; mais il est bien aisé de voir que God-dam est le fond de la langue ; et si Monseigneur n’a pas d’autre motif de me laisser en Espagne...
 
{{personnage|Le Comte}}, ''à part.''
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{{personnage|Suzanne}}
 
Ce matin ? - Et le page derrière le fauteuil ?
 
{{personnage|Le Comte}}
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{{personnage|Le Comte}} ''rentre seul.''
 
Tu viens de gagner ton procès ! - Je donnais là dans un bon piège ! Ô mes chers insolents ! je vous punirai de façon... Un bon arrêt, bien juste... Mais s’il allait payer la duègne... Avec quoi... S’il payait... Eeeeh ! n’ai-je pas le fier Antonio, dont le noble orgueil dédaigne en Figaro un inconnu pour sa nièce ? En caressant cette manie... Pourquoi non ? dans le vaste champ de l’intrigue il faut savoir tout cultiver, jusqu’à la vanité d’un sot. ''(Il appelle.)'' Anto... ''(Il voit entrer Marceline, etc. Il sort.)''
 
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{{personnage|Figaro}}, ''très gaiement, à Marceline.''
 
Je vous gêne peut-être. - Monseigneur revient dans l’instant, monsieur le conseiller.
 
{{personnage|Brid’oison}}
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{{personnage|Brid’oison}}
 
San-ans doute. - Hé ! mais qu’est-ce donc qu’il dit ?
 
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{{personnage|Double-Main}} ''en prend un troisième. Bartholo et Figaro se lèvent.''
 
"Barbe - Agar - Raab - Magdelaine - Nicole - Marceline de Verte-Allure, fille majeure ''(Marceline se lève et salue)'' ; contre Figaro..." Nom de baptême en blanc ?
 
{{personnage|Figaro}}
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{{personnage|Figaro}}, ''à part.''
 
Et ce Bazile qui devait s’opposer au mariage de Marceline, voyez comme il revient ! - ''(Au Comte qui sort.)'' monseigneur, vous nous quittez ?
 
{{personnage|Le Comte}}
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''Figaro, Suzanne.''
 
{{personnage|Figaro}}, ''la tenant à bras-le-corps.''
 
Hé bien ! amour, es-tu contente ? Elle a converti son docteur, cette fine langue dorée de ma mère ! Malgré sa répugnance, il l’épouse, et ton bourru d’oncle est bridé ; il n’y a que Monseigneur qui rage, car enfin notre hymen va devenir le prix du leur. Ris donc un peu de ce bon résultat.
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{{personnage|Figaro}}
 
Le hasard a mieux fait que nous tous, ma petite : ainsi va le monde ; on travaille, on projette, on arrange d’un côté ; la fortune accomplit de l’autre : et depuis l’affamé conquérant qui voudrait avaler la terre, jusqu’au paisible aveugle qui se laisse mener par son chien, tous sont le jouet de ses caprices ; encore l’aveugle au chien est-il souvent mieux conduit, moins trompé dans ses vues, que l’autre aveugle avec son entourage. - Pour cet aimable aveugle qu’on nomme Amour... ''(Il la reprend tendrement à bras-le-corps.)''
 
{{personnage|Suzanne}}
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Pourquoi n’êtes-vous pas parti ?
 
{{personnage|Chérubin}}, '' ôtant son chapeau brusquement''.
 
Monseigneur...
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''Chérubin, Le Comte, La Comtesse.''
 
{{personnage|Le Comte}}, ''regardant aller Figaro.''
 
En voit-on de plus audacieux ? ''(Au page.)'' Pour vous, monsieur le sournois qui faites le honteux, allez vous rhabiller bien vite, et que je ne vous rencontre nulle part de la soirée.
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Il va bien s’ennuyer.
 
{{personnage|Chérubin}}, étourdiment.
 
M’ennuyer ! j’emporte à mon front du bonheur pour plus de cent années de prison, ''(Il met son chapeau et s’enfuit.)''
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Qu’a-t-il au front de si heureux ?
 
{{personnage|La Comtesse}}, ''avec embarras.''
 
Son... premier chapeau d’officier, sans doute ; aux enfants tout sert de hochet. ''(Elle veut sortir.)''
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Voici les deux noces, asseyons-nous donc pour les recevoir.
 
{{personnage|Le Comte}}, '' à part ''.
 
La noce ! Il faut souffrir ce qu’on ne peut empêcher. ''(Le Comte et la Comtesse s’asseyent vers un des côtés de la galerie.)''
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Figaro vient la recevoir des mains du Comte, et se retire avec elle à l’autre côté du salon, près de Marceline. (On danse une autre reprise du fandango pendant ce temps.)
 
{{personnage|Le Comte}}, '' pressé de lire ce qu’il a reçu, s’avance au bord du théâtre et tire le papier de son sein ; mais en le sortant il fait le geste d’un homme qui s’est cruellement piqué le doigt ; il le secoue, le presse, le suce, et, regardant le papier cacheté d’une épingle, il dit :
 
{{personnage|Le Comte}} (Pendant qu’il parle, ainsi que Figaro, l’orchestre joue pianissimo.)
 
Diantre soit des femmes, qui fourrent des épingles partout ! (Il la jette à terre, puis il lit le billet et le baise.)
 
{{personnage|Figaro}}, '' qui a tout vu, dit à sa mère et à Suzanne :
 
C’est un billet doux, qu’une fillette aura glissé dans sa main en passant. Il était cacheté d’une épingle, qui l’a outrageusement piqué.
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La danse reprend : le Comte qui a lu le billet le retourne ; il y voit l’invitation de renvoyer le cachet pour réponse. Il cherche à terre, et retrouve enfin l’épingle qu’il attache à sa manche.
 
{{personnage|Figaro}}, '' à Suzanne et à Marceline.
 
D’un objet aimé tout est cher. Le voilà qui ramasse l’épingle. Ah ! c’est une drôle de tête !
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Figaro conduit Marceline au Comte, ainsi qu’on a conduit Suzanne ; à l’instant où le Comte prend la toque, et où l’on va chanter le duo, on est interrompu par les cris suivants :
 
{{personnage|L’Huissier}}, ''criant à la porte.''
 
Arrêtez donc, messieurs ! vous ne pouvez entrer tous... Ici les gardes ! les gardes ! ''(Les gardes vont vite à cette porte.)''
 
{{personnage|Le Comte}}, '' se levant.
 
Qu’est-ce qu’il y a ?
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{{personnage|La Comtesse}}
 
{{personnage|Suzanne}} ! ... Elle reviendra. ''(À part, à Suzanne.)'' Allons changer d’habits. ''(Elle sort avec Suzanne.)''
 
{{personnage|Marceline}}
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N’est-ce pas pour voltiger ?
 
{{personnage|Figaro}}, '' s’avance à lui.
 
Oui, c’est pour cela justement qu’il a des ailes au dos. Notre ami, qu’entendez-vous par cette musique ?
 
{{personnage|Bazile}}, '' montrant Gripe-Soleil.
 
Qu’après avoir prouvé mon obéissance à Monseigneur en amusant monsieur, qui est de sa compagnie, je pourrai à mon tour réclamer sa justice.
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Ce qui m’appartient, Monseigneur, la main de Marceline ; et je viens m’opposer...
 
{{personnage|Figaro}} s’approche.
 
Y a-t-il longtemps que monsieur n’a vu la figure d’un fou ?
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Puisque mes yeux vous servent si bien de miroir, étudiez-y l’effet de ma prédiction. Si vous faites mine seulement d’approximer madame...
 
{{personnage|Bartholo}}, en riant ''.
 
Eh pourquoi ? Laisse-le parler.
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Quelle erreur !
 
{{personnage|Figaro}}, '' vite.''
 
Parce qu’il faut de plats airs de chapelle ?
 
{{personnage|Bazile}}, '' vite.''
 
Et lui, des vers comme un journal ?
 
{{personnage|Figaro}}, '' vite.''
 
Un musicien de guinguette !
 
{{personnage|Bazile}}, '' vite.''
 
Un postillon de gazette !
 
{{personnage|Figaro}}, '' vite.''
 
Cuistre d’oratorio !
 
{{personnage|Bazile}}, '' vite.''
 
Jockey diplomatique !
 
{{personnage|Le Comte}}, '' assis.
 
Insolents tous les deux !
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Et pourquoi non, si cela est vrai ? Es-tu un prince, pour qu’on te flagorne ? Souffre la vérité, coquin, puisque tu n’as pas de quoi gratifier un menteur : ou si tu la crains de notre part, pourquoi viens-tu troubler nos noces ?
 
{{personnage|Bazile}}, '' à Marceline.
 
M’avez-vous promis, oui ou non, si, dans quatre ans, vous n’étiez pas pourvue, de me donner la préférence ?
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Et le voici.
 
{{personnage|Bazile}}, '' reculant de frayeur.
 
J’ai vu le diable !
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Et vou-ous renoncez à sa chère mère ?
 
{{personnage|Bazile}}.
 
Qu’y aurait-il de plus fâcheux que d’être cru le père d’un garnement ?
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D’en être cru le fils ; tu te moques de moi !
 
{{personnage|Bazile}}, '' montrant Figaro.
 
Dès que monsieur est de quelque chose ici, je déclare, moi, que je n’y suis plus de rien. (Il sort.)
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Les Acteurs précédents, excepté Bazile.
 
{{personnage|Bartholo}}, riant ''.
 
Ah ! ah ! ah ! ah !
 
{{personnage|Figaro}}, '' sautant de joie.
 
Donc à la fin j’aurai ma femme !
 
{{personnage|Le Comte}}, '' à part ''.
 
Moi, ma maîtresse ! ''(Il se lève.)''
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Et moi, je vais aider à ranger le feu d’artifice sous les grands marronniers, comme on l’a dit.
 
{{personnage|Le Comte}} revient en courant.
 
Quel sot a donné un tel ordre ?
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Où est le mal ?
 
{{personnage|Le Comte}}, '' vivement''.
 
Et la Comtesse qui est incommodée, d’où le verra-t-elle, l’artifice ? C’est sur la terrasse qu’il le faut, vis-à-vis son appartement.
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Quel excès d’attention pour sa femme ! ''(Il veut sortir.)''
 
{{personnage|Marceline}} l’arrête.
 
Deux mots, mon fils. Je veux m’acquitter avec toi : un sentiment mal dirigé m’avait rendue injuste envers ta charmante femme ; je la supposais d’accord avec le Comte, quoique j’eusse appris de Bazile qu’elle l’avait toujours rebuté.
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{{personnage|Fanchette}}
 
À vous, petit cousin, je le dirai. - C’est... ce n’est qu’une épingle que je veux lui remettre.
 
{{personnage|Figaro}}, '' vivement''.
 
Une épingle ! une épingle ! ... Et de quelle part, coquine ? À votre âge, vous faites déjà un mét... (Il se reprend et dit d’un ton doux.) Vous faites déjà très bien tout ce que vous entreprenez, Fanchette ; et ma jolie cousine est si obligeante...
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À qui donc en a-t-il de se fâcher ? Je m’en vais.
 
{{personnage|Figaro}}, '' l’arrêtant.
 
Non, non, je badine. Tiens, ta petite épingle est celle que Monseigneur t’a dit de remettre à Suzanne, et qui servait à cacheter un petit papier qu’il tenait : tu vois que je suis au fait.
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Pourquoi donc le demander, quand vous le savez si bien ?
 
{{personnage|Figaro}}, '' cherchant.
 
C’est qu’il est assez gai de savoir comment Monseigneur s’y est pris pour t’en donner la commission.
 
Fanchette, naïvement''.
 
Pas autrement que vous le dites : Tiens, petite Fanchette, rends cette épingle à ta belle cousine, et dis-lui seulement que c’est le cachet des grands marronniers.
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Hé bien, mon fils ?
 
{{personnage|Figaro}}, '' comme étouffé.
 
Pour celui-ci ! ... Il y a réellement des choses ! ...
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Il y a des choses ! Hé, qu’est-ce qu’il y a ?
 
{{personnage|Figaro}}, '' les mains sur sa poitrine.
 
Ce que je viens d’entendre, ma mère, je l’ai là comme un plomb.
 
{{personnage|Marceline}} riant ''.
 
Ce cœur plein d’assurance n’était donc qu’un ballon gonflé ? une épingle a tout fait partir !
 
{{personnage|Figaro}}, ''furieux.''
 
Mais cette épingle, ma mère, est celle qu’il a ramassée !
 
{{personnage|Marceline}}, rappelant ce qu’il a dit.
 
La jalousie ! oh ! j’ai là-dessus, ma mère, une philosophie...imperturbable ; et si Suzanne m’attrape un jour, je le lui pardonne...
 
{{personnage|Figaro}}, ''vivement.''
 
Oh, ma mère ! on parle comme on sent : mettez le plus glacé des juges à plaider dans sa propre cause, et voyez-le expliquer la loi ! - Je ne m’étonne plus s’il avait tant d’humeur sur ce feu ! - Pour la mignonne aux fines épingles, elle n’en est pas où elle le croit, ma mère, avec ses marronniers ! Si mon mariage est assez fait pour légitimer ma colère, en revanche il ne l’est pas assez pour que je n’en puisse épouser une autre, et l’abandonner...
 
{{personnage|Marceline}}
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Bien conclu ! Abîmons tout sur un soupçon. Qui t’a prouvé dis-moi, que c’est toi qu’elle joue, et non le Comte ? L’as-tu étudiée de nouveau, pour la condamner sans appel ? Sais-tu si elle se rendra sous les arbres, à quelle intention elle y va ? ce qu’elle y dira, ce qu’elle y fera ? Je te croyais plus fort en jugement !
 
{{personnage|Figaro}}, ''lui baisant la main avec respect.''
 
Elle a raison, ma mère ; elle a raison, raison, toujours raison ! Mais accordons, maman, quelque chose à la nature : on en vaut mieux après. Examinons en effet avant d’accuser et d’agir. je sais où est le rendez-vous. Adieu, ma mère. ''(Il sort.)''
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{{personnage|Fanchette}}, ''seule, tenant d’une main deux biscuits et une orange, et de l’autre une lanterne de papier, allumée.''
 
Dans le pavillon à gauche, a-t-il dit. C’est celui-ci. - S’il allais ne pas venir à présent ! mon petit rôle... Ces vilaines gens de l’office qui ne voulaient pas seulement me donner une orange et deux biscuits ! - Pour qui, mademoiselle ? - Eh bien, monsieur, c’est pour quelqu’un. - Oh ! nous savons. - Et quand ça serait ? Parce que Monseigneur ne veut pas le voir, faut-il qu’il meure de faim ? - Tout ça pourtant m’a coûté un fier baiser sur la joue ! ... Que sait-on ? il me le rendra peut-être. ''(Elle voit Figaro qui vient l’examiner : elle fait un cri.)'' Ah ! ... ''(Elle s’enfuit, et elle entre dans le pavillon à sa gauche.)''
 
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{{scène|2}}
 
''Figaro, un grand manteau sur les épaules, un large chapeau rabattu, Bazile, Antonio, Bartholo, Brid’oison, Gripe-Soleil, Troupe de valets et de travailleurs.''
 
{{personnage|Figaro}}, '' d’abord seul.''
 
C’est Fanchette ! ''(Il parcourt des yeux les autres à mesure qu’ils arrivent, et dit d’un ton farouche.)'' Bonjour, messieurs ; bonsoir : êtes-vous tous ici ?
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Quelle heure est-il bien à peu près ?
 
{{personnage|Antonio}} ''regarde en l’air.''
 
La lune devrait être levée.
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Eh ! quels noirs apprêts fais-tu donc ? Il a l’air d’un conspirateur !
 
{{personnage|Figaro}}, ''s’agitant.''
 
N’est-ce pas pour une noce, je vous prie, que vous êtes rassemblés au château ?
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Vous n’irez pas plus loin, messieurs ; c’est ici, sous ces marronniers, que nous devons tous célébrer l’honnête fiancée que j’épouse, et le loyal seigneur qui se l’est destinée.
 
{{personnage|Bazile}}, '' se rappelant la journée.''
 
Ah ! vraiment, je sais ce que c’est. Retirons-nous, si vous m’en croyez : il est question d’un rendez-vous ; je vous conterai cela près d’ici.
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I-il l’a
 
{{personnage|Bazile}}, ''à part.''
 
Le Comte et sa Suzanne se sont arrangés sans moi ? Je ne suis pas fâché de l’algarade.
 
{{personnage|Figaro}}, ''aux valets.''
 
Pour vous autres, coquins, à qui j’ai donné l’ordre, illuminez-moi ces entours ; ou, par la mort que je voudrais tenir aux dents, si j’en saisis un par le bras... ''(Il secoue le bras de Gripe-Soleil.)''
 
{{personnage|Gripe-Soleil}} ''s’en va en criant et pleurant''. A, a, o, oh ! damné brutal !
 
{{personnage|Bazile}}, '' en s’en allant ''.
 
Le ciel vous tienne en joie, monsieur du marié ! ''(Ils sortent.)''
 
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{{scène|3}}
 
{{personnage|Figaro}}, '' seul, se promenant dans l’obscurité, dit du ton le plus sombre : ''
 
Ô femme ! femme ! femme ! créature faible et décevante ! ... nul animal créé ne peut manquer à son instinct : le tien est-il donc de tromper ? ... Après m’avoir obstinément refusé quand je l’en pressais devant sa maîtresse ; à l’instant qu’elle me donne sa parole, au milieu même de la cérémonie... Il riait en lisant, le perfide ! et moi comme un benêt... Non, monsieur le Comte, vous ne l’aurez pas... vous ne l’aurez pas. Parce que vous êtes un grand seigneur, vous vous croyez un grand génie ! ... Noblesse, fortune, un rang, des places, tout cela rend si fier ! Qu’avez-vous fait pour tant de biens ? Vous vous êtes donné la peine de naître, et rien de plus. Du reste, homme assez ordinaire ; tandis que moi, morbleu ! perdu dans la foule obscure, il m’a fallu déployer plus de science et de calculs pour subsister seulement, qu’on n’en a mis depuis cent ans à gouverner toutes les Espagnes : et vous voulez jouter... On vient... c’est elle... ce n’est personne. - La nuit est noire en diable, et me voilà faisant le sot métier de mari quoique je ne le sois qu’à moitié ! ''(Il s’assied sur un banc.)'' Est-il rien de plus bizarre que ma destinée ? Fils de je ne sais pas qui, volé par des bandits, élevé dans leurs mœurs, je m’en dégoûte et veux courir une carrière honnête ; et partout je suis repoussé ! J’apprends la chimie, la pharmacie, la chirurgie, et tout le crédit d’un grand seigneur peut à peine me mettre à la main une lancette vétérinaire ! - Las d’attrister des bêtes malades, et pour faire un métier contraire, je me jette à corps perdu dans le théâtre : me fussé-je mis une pierre au cou ! Je broche une comédie dans les mœurs du sérail. Auteur espagnol, je crois pouvoir y fronder Mahomet sans scrupule : à l’instant un envoyé... de je ne sais où se plaint que j’offense dans mes vers la Sublime-Porte, la Perse, une partie de la presqu’île de l’Inde, toute l’Egypte, les royaumes de Barca, de Tripoli, de Tunis, d’Alger et de Maroc : et voilà ma comédie flambée, pour plaire aux princes mahométans, dont pas un, je crois, ne sait lire, et qui nous meurtrissent l’omoplate, en nous disant : chiens de chrétiens ! - Ne pouvant avilir l’esprit, on se venge en le maltraitant. - Mes joues creusaient, mon terme était échu : je voyais de loin arriver l’affreux recors, la plume fichée dans sa perruque : en frémissant je m’évertue. Il s’élève une question sur la nature des richesses ; et, comme il n’est pas nécessaire de tenir les choses pour en raisonner, n’ayant pas un sol, j’écris sur la valeur de l’argent et sur son produit net : sitôt je vois du fond d’un fiacre baisser pour moi le pont d’un château fort, à l’entrée duquel je laissai l’espérance et la liberté. ''(Il se lève.)'' Que je voudrais bien tenir un de ces puissants de quatre jours, si légers sur le mal qu’ils ordonnent, quand une bonne disgrâce a cuvé son orgueil ! Je lui dirais... que les sottises imprimées n’ont d’importance qu’aux lieux où l’on en gêne le cours ; que sans la liberté de blâmer, il n’est point d’éloge flatteur ; et qu’il n’y a que les petits hommes qui redoutent les petits écrits. ''(Il se rassied.)'' Las de nourrir un obscur pensionnaire, on me met un jour dans la rue ; et comme il faut dîner, quoiqu’on ne soit plus en prison, je taille encore ma plume et demande à chacun de quoi il est question : on me dit que, pendant ma retraite économique, il s’est établi dans Madrid un système de liberté sur la vente des productions, qui s’étend même à celles de la presse ; et que, pourvu que je ne parle en mes écrits ni de l’autorité, ni du culte, ni de la politique, ni dé la morale, ni des gens en place, ni des corps en crédit, ni de l’Opéra, ni des autres spectacles, ni de personne qui tienne à quelque chose, je puis tout imprimer librement, sous l’inspection de deux ou trois censeurs. Pour profiter de cette douce liberté, j’annonce un écrit périodique, et, croyant n’aller sur les brisées d’aucun autre, je le nomme Journal inutile. Pou-ou ! je vois s’élever contre moi mille pauvres diables à la feuille, on me supprime, et me voilà derechef sans emploi ! - Le désespoir m’allait saisir ; on pense à moi pour une place, mais par malheur j’y étais propre : il fallait un calculateur, ce fut un danseur qui l’obtint. Il ne me restait plus qu’à voler ; je me fais banquier de pharaon : alors, bonnes gens ! je soupe en ville, et les personnes dites comme il faut m’ouvrent poliment leur maison, en retenant pour elles les trois quarts du profit. J’aurais bien pu me remonter ; je commençais même à comprendre que, pour gagner du bien, le savoir-faire vaut mieux que le savoir. Mais comme chacun pillait autour de moi, en exigeant que je fusse honnête, il fallut bien périr encore. Pour le coup je quittais le monde, et vingt brasses d’eau m’en allaient séparer, lorsqu’un dieu bienfaisant m’appelle à mon premier état. Je reprends ma trousse et mon cuir anglais ; puis, laissant la fumée aux sots qui s’en nourrissent, et la honte au milieu du chemin, comme trop lourde à un piéton, je vais rasant de ville en ville, et je vis enfin sans souci. Un grand seigneur passe à Séville ; il me reconnaît, je le marie ; et pour prix d’avoir eu par mes soins son épouse, il veut intercepter la mienne ! Intrigue, orage à ce sujet. Prêt à tomber dans un abîme, au moment d’épouser ma mère, mes parents m’arrivent à la file. ''(Il se lève en s’échauffant.)'' On se débat, c’est vous, c’est lui, c’est moi, c’est toi, non, ce n’est pas nous ; eh ! mais qui donc ? ''(Il retombe assis,)'' Ô bizarre suite d’événements ! Comment cela m’est-il arrivé ? Pourquoi ces choses et non pas d’autres ? Qui les a fixées sur ma tête ? Forcé de parcourir la route où je suis entré sans le savoir, comme j’en sortirai sans le vouloir, je l’ai jonchée d’autant de fleurs que ma gaieté me l’a permis : encore je dis ma gaieté sans savoir si elle est à moi plus que le reste, ni même quel est ce moi dont je m’occupe : un assemblage informe de parties inconnues ; puis un chétif être imbécile ; un petit animal folâtre ; un jeune homme ardent au plaisir, ayant tous les goûts pour jouir, faisant tous les métiers pour vivre ; maître ici, valet là, selon qu’il plaît à la fortune ; ambitieux par vanité, laborieux par nécessité, mais paresseux... avec délices ! orateur selon le danger ; poète par délassement ; musicien par occasion ; amoureux par folles bouffées, j’ai tout vu, tout fait, tout usé. Puis l’illusion s’est détruite et, trop désabusé... Désabusé... ! Suzon, Suzon, Suzon ! que tu me donnes de tourments ! ... J’entends marcher... on vient. Voici l’instant de la crise. ''(Il se retire près de la première coulisse à sa droite.)''
 
Ligne 6 060 :
''Figaro, La Comtesse avec les habits de Suzon, Suzanne avec ceux de la Comtesse, Marceline.''
 
{{personnage|Suzanne}}, ''bas à la Comtesse.''
 
Oui, Marceline m’a dit que Figaro y serait.
Ligne 6 082 :
''Figaro, La Comtesse, Suzanne.''
 
{{personnage|Suzanne}}, ''haut.''
 
Madame tremble ! Est-ce qu’elle aurait froid ?
 
{{personnage|La Comtesse}}, ''haut.''
 
La soirée est humide, je vais me retirer.
 
{{personnage|Suzanne}}, ''haut.''
 
Si madame n’avait pas besoin de moi, je prendrais l’air un moment sous ces arbres.
 
{{personnage|La Comtesse}}, ''haut.''
 
C’est le serein que tu prendras.
 
{{personnage|Suzanne}}, ''haut.''
 
J’y suis toute faite.
 
{{personnage|Figaro}}, ''à part.''
 
Ah oui, le serein ! ''(Suzanne se retire près de la coulisse, du côté opposé à Figaro.)''
Ligne 6 112 :
''Figaro, Chérubin, Le Comte, La Comtesse, Suzanne. (Figaro et Suzanne retirés de chaque côté sur le devant.)''
 
{{personnage|Chérubin}}, ''en habit d’officier, arrive en chantant gaiement la reprise de l’air de la romance.''
 
:La, la, la, etc.
:J’avais une marraine,
 
:Que toujours adorai.
J’avais une marraine,
 
Que toujours adorai.
 
{{personnage|La Comtesse}}, '' à part ''.
 
Le petit page !
 
{{personnage|Chérubin}}, ''s’arrête.''
 
On se promène ici ; gagnons vite mon asile, où la petite Fanchette... C’est une femme !
 
{{personnage|La Comtesse}}, '' écoute.''
 
Ah, grands dieux !
 
{{personnage|Chérubin}} ''se baisse en regardant de loin.''
 
Me trompé-je ? à cette coiffure en plumes qui se dessine au loin dans le crépuscule, il me semble que c’est Suzon.
 
{{personnage|La Comtesse}}, '' à part ''.
 
Si le Comte arrivait ! ... ''(Le Comte Parait dans le fond.)''
 
{{personnage|Chérubin}}, ''s’approche et prend la main de la Comtesse qui se défend.''
 
Oui, c’est la charmante fille qu’on nomme Suzanne. Eh ! Pourrais-je m’y méprendre à la douceur de cette main, à ce petit tremblement qui l’a saisie ; surtout au battement de mon cœur ! (Il veut y appuyer le dos de la main de la Comtesse ; elle la retire.)
 
{{personnage|La Comtesse}}, '' bas.''
 
Allez-vous-en !
Ligne 6 156 ⟶ 6 154 :
Figaro va venir.
 
{{personnage|Le Comte}}, '' s’avançant, dit à part ''.
 
N’est-ce pas Suzanne que j’aperçois ?
 
{{personnage|Chérubin}}, ''à la Comtesse.''
 
Je ne crains point du tout Figaro, car ce n’est pas lui que tu attends.
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Qui donc ?
 
{{personnage|Le Comte}}, '' à part ''.
 
Elle est avec quelqu’un.
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C’est Monseigneur, friponne, qui t’a demandé ce rendez-vous ce matin, quand j’étais derrière le fauteuil.
 
{{personnage|Le Comte}}, '' à part, avec fureur.''
 
C’est encore le page infernal !
 
{{personnage|Figaro}}, '' à part ''.
 
On dit qu’il ne faut pas écouter !
 
{{personnage|Suzanne}}, '' à part ''.
 
Petit bavard !
 
{{personnage|La Comtesse}} ''au page.''
 
Obligez-moi de vous retirer.
Ligne 6 196 ⟶ 6 194 :
Ce ne sera pas au moins sans avoir reçu le prix de mon obéissance.
 
{{personnage|La Comtesse}}, '' effrayée.''
 
Vous prétendez ? ...
 
{{personnage|Chérubin}}, ''avec feu.''
 
D’abord vingt baisers pour ton compte, et puis cent pour ta belle maîtresse.
Ligne 6 212 ⟶ 6 210 :
Oh ! que oui, j’oserai. Tu prends sa place auprès de Monseigneur ; moi celle du Comte auprès de toi : le plus attrapé, c’est Figaro.
 
{{personnage|Figaro}}, '' à part ''.
 
Ce brigandeau !
 
{{personnage|Suzanne}}, '' à part ''.
 
Hardi comme un page. ''(Chérubin veut embrasser la Comtesse ; le Comte se met entre deux et reçoit le baiser.)''
 
{{personnage|La Comtesse}}, '' se retirant.''
 
Ah ! ciel !
 
{{personnage|Figaro}}, '' à part, entendant le baiser.''
 
J’épousais une jolie mignonne ! ''(Il écoute.)''
 
{{personnage|Chérubin}}, tant les habits du Comte. ''(À part.)''
 
C’est Monseigneur ! ''(Il s’enfuit dans le pavillon où sont entrées Fanchette et Marceline.)''
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''Figaro, Le Comte, La Comtesse, Suzanne.''
 
{{personnage|Figaro}} ''s’approche.''
 
Je vais...
 
{{personnage|Le Comte}}, ''croyant parler au page.''
 
Puisque vous ne redoublez pas le baiser... ''(Il croit lui donner un soufflet.)''
 
{{personnage|Figaro}}, ''qui est à portée, le reçoit.''
 
Ah !
Ligne 6 254 ⟶ 6 252 :
... Voilà toujours le premier payé.
 
{{personnage|Figaro}}, ''à part, s’éloigne en se frottant la joue.''
 
Tout n’est pas gain non plus, en écoutant.
 
{{personnage|Suzanne}}, ''riant tout haut, de l’autre côté.''
 
Ah ! ah ! ah ! ah !
 
{{personnage|Le Comte}}, ''à la Comtesse, qu’il prend pour Suzanne.''
 
Entend-on quelque chose à ce page ? il reçoit le plus rude soufflet, et s’enfuit en éclatant de rire.
 
{{personnage|Figaro}}, ''à part.''
 
S’il s’affligeait de celui-ci ! ...
Ligne 6 274 ⟶ 6 272 :
Comment ! je ne pourrai faire un pas... ''(À la Comtesse.)'' Mais laissons cette bizarrerie ; elle empoisonnerait le plaisir que j’ai de te trouver dans cette salle.
 
{{personnage|La Comtesse}}, '' imitant le parler de Suzanne.''
 
L’espériez-vous ?
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Des libertés !
 
{{personnage|Figaro}}, ''à part.''
 
Coquine !
 
{{personnage|Suzanne}}, ''à part.''
 
Charmante !
 
{{personnage|Le Comte}} ''prend la main de sa femme.''
 
Mais quelle peau fine et douce, et qu’il s’en faut que la Comtesse ait la main aussi belle !
 
{{personnage|La Comtesse}}, ''à part.''
 
Oh ! la prévention !
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A-t-elle ce bras ferme et rondelet ? ces jolis doigts pleins de grâce et d’espièglerie ?
 
{{personnage|La Comtesse}}, '' de la voix de Suzanne.''
 
Ainsi l’amour ? ...
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Que vouliez-vous en elle ?
 
{{personnage|Le Comte}}, '' la caressant.''
 
Ce que je trouve en toi, ma beauté...
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...Je ne sais : moins d’uniformité peut-être, plus de piquant dans les manières, un je ne sais quoi qui fait le charme ; quelquefois un refus, que sais-je ? Nos femmes croient tout accomplir en nous aimant : cela dit une fois, elles nous aiment, nous aiment (quand elles nous aiment) et sont si complaisantes et si constamment obligeantes, et toujours, et sans relâche, qu’on est tout surpris, un beau soir, de trouver la satiété où l’on recherchait le bonheur.
 
{{personnage|La Comtesse}}, '' à part ''.
 
Ah ! quelle leçon !
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En vérité, Suzon, j’ai pensé mille fois que si nous poursuivons ailleurs ce plaisir qui nous fuit chez elles, c’est qu’elles n’étudient pas assez l’art de soutenir notre goût, de se renouveler à l’amour, de ranimer, pour ainsi dire, le charme de leur possession par celui de la variété.
 
{{personnage|La Comtesse}}, '' piquée.
 
Donc elles doivent tout ? ...
 
{{personnage|Le Comte}}, '' riant ''.
 
Et l’homme rien ? Changerons-nous la marche de la nature ? Notre tâche, à nous, fut de les obtenir ; la leur...
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Ni moi.
 
{{personnage|Figaro}}, ''à part.''
 
Ni moi.
 
{{personnage|Suzanne}}, ''à part.''
 
Ni moi.
 
{{personnage|Le Comte}} ''prend la main de sa femme.''
 
Il y a de l’écho ici, parlons plus bas. Tu n’as nul besoin d’y songer, toi que l’amour a faite et si vive et si jolie ! Avec un grain de caprice, tu seras la plus agaçante maîtresse ! ''(Il la baise au front.) ''Ma Suzanne, un Castillan n’a que sa parole. Voici tout l’or promis pour le rachat du droit que je n’ai plus sur le délicieux moment que tu m’accordes. Mais comme la grâce que tu daignes y mettre est sans prix, j’y joindrai ce brillant, que tu porteras pour l’amour de moi.
 
{{personnage|La Comtesse}}, ''une révérence.''
 
Suzanne accepte tout.
 
{{personnage|Figaro}},'' à part.''
 
On n’est pas plus coquine que cela.
 
{{personnage|Suzanne}}, ''à part.''
 
Voilà du bon bien qui nous arrive.
 
{{personnage|Le Comte}}, ''à part.''
 
Elle est intéressée ; tant mieux !
 
{{personnage|La Comtesse}} ''regarde au fond.''
 
Je vois des flambeaux.
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Sans lumière ?
 
{{personnage|Le Comte}} ''l’entraîne doucement''.
 
À quoi bon ? Nous n’avons rien à lire.
 
{{personnage|Figaro}}, ''à part.''
 
Elle y va, ma foi ! Je m’en doutais. ''(Il s’avance.)''
 
{{personnage|Le Comte}} ''grossit sa voix en se retournant.''
 
Qui passe ici ?
 
{{personnage|Figaro}}, ''en colère.''
 
Passer ! on vient exprès.
 
{{personnage|Le Comte}}, ''bas, à la Comtesse.''
 
C’est Figaro ! ... ''(Il s’enfuit.)''
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''Figaro, Suzanne, dans l’obscurité.''
 
{{personnage|Figaro}} ''cherche à voir où vont le Comte et la Comtesse, qu’il prend pour Suzanne.''
 
Je n’entends plus rien ; ils sont entrés ; m’y voila. ''(D’un ton altéré.)'' Vous autres, époux maladroits, qui tenez des espions à gages et tournez des mois entiers autour d’un soupçon, sans l’asseoir, que ne m’imitez-vous ? Dès le premier jour, je suis ma femme et je l’écoute ; en un tour de main, on est au fait : c’est charmant, plus de doutes ; on sait à quoi s’en tenir. ''(Marchant vivement''.) Heureusement que je ne m’en soucie guère, et que sa trahison ne me fait plus rien du tout. Je les tiens donc enfin !
 
{{personnage|Suzanne}}, '' qui s’est avancée doucement dans l’obscurité. ''(À part.)''
 
Tu vas payer tes beaux soupçons. ''(Du ton de voix de la Comtesse.)'' Qui va là ?
 
{{personnage|Figaro}}, '' extravagant.''
 
Qui va là ? Celui qui voudrait de bon cœur que la peste eût étouffé en naissant...
 
{{personnage|Suzanne}}, ''du ton de la Comtesse.''
 
Eh ! mais, c’est Figaro !
 
{{personnage|Figaro}} regarde et dit vivement''.
 
Madame la Comtesse !
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Parlez bas.
 
{{personnage|Figaro}}, '' vite.''
 
Ah ! madame, que le ciel vous amène à propos ! Où croyez-vous qu’est Monseigneur ?
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Que m’importe un ingrat ? Dis-moi...
 
{{personnage|Figaro}}, '' plus vite.''
 
Et Suzanne, mon épousée, où croyez-vous qu’elle soit ?
Ligne 6 488 ⟶ 6 486 :
Mais parlez bas !
 
{{personnage|Figaro}}, '' très vite.''
 
Cette Suzon qu’on croyait si vertueuse, qui faisait de la réservée ! Ils sont enfermés là-dedans. Je vais appeler.
 
{{personnage|Suzanne}}, '' lui fermant la bouche avec sa main, oublie de déguiser sa voix.''
 
N’appelez pas !
 
{{personnage|Figaro}}, '' à part ''.
 
Et c’est Suzon ! God-dam !
 
{{personnage|Suzanne}}, '' du ton de la Comtesse.''
 
Vous paraissez inquiet.
 
{{personnage|Figaro}}, '' à part ''.
 
Traîtresse ! qui veut me surprendre !
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Je ne serais donc pas de mon sexe ! Mais les hommes en ont cent moyens.
 
{{personnage|Figaro}}, '' confidemment.''
 
Madame, il n’y a personne ici de trop. Celui des femmes... les vaut tous.
 
{{personnage|Suzanne}}, '' à part ''.
 
Comme je le souffletterais !
 
{{personnage|Figaro}}, '' à part ''.
 
Il serait bien gai qu’avant la noce...
Ligne 6 540 ⟶ 6 538 :
Partout où vous n’en voyez point, croyez que le respect dissimule.
 
{{personnage|Suzanne}}, '' piquée.''
 
Je ne sais si vous le pensez de bonne foi, mais vous ne le dites pas de bonne grâce.
 
{{personnage|Figaro}}, '' avec une chaleur comique, à genoux.''
 
Ah ! madame, je vous adore. Examinez le temps, le lieu, les circonstances, et que le dépit supplée en vous aux grâces qui manquent à ma prière.
 
{{personnage|Suzanne}}, '' à part ''.
 
La main me brûle !
 
{{personnage|Figaro}}, '' à part ''.
 
Le cœur me bat.
Ligne 6 572 ⟶ 6 570 :
... Tout ce qui se diffère est perdu. Votre main, madame ?
 
{{personnage|Suzanne}}, '' de sa voix naturelle et lui donnant un soufflet.''
 
La voilà.
Ligne 6 580 ⟶ 6 578 :
Ah ! demonio ! quel soufflet !
 
{{personnage|Suzanne}} ''lui en donne un second.''
 
Quel soufflet ! Et celui-ci ?
Ligne 6 588 ⟶ 6 586 :
Et ques-à-quo ? de par le diable ! est-ce ici la journée des tapes ?
 
{{personnage|Suzanne}} ''le bat à chaque phrase.''
 
Ah ! ques-à-quo ? Suzanne ; et voilà pour tes soupçons, voilà pour tes vengeances et pour tes trahisons, tes expédients, tes injures et tes projets. C’est-il ça de l’amour ? dis donc comme ce matin ?
 
{{personnage|Figaro}} ''rit en se relevant.''
 
Santa Barbara ! oui, c’est de l’amour. Ô bonheur ! ô délices ! ô cent fois heureux Figaro ! Frappe, ma bien-aimée, sans te lasser. Mais quand tu m’auras diapré tout le corps de meurtrissures, regarde avec bonté, Suzon, l’homme le plus fortuné qui fut jamais battu par une femme.
Ligne 6 604 ⟶ 6 602 :
Ai-je pu me méprendre au son de ta jolie voix ?
 
{{personnage|Suzanne}}, '' en riant ''.
 
Tu m’as reconnue ? Ah ! comme je m’en vengerai !
Ligne 6 632 ⟶ 6 630 :
Sa femme.
 
{{personnage|Figaro}}, '' follement''.
 
Ah ! Figaro ! pends-toi ! tu n’as pas deviné celui-là, - Sa femme ? Oh ! douze ou quinze mille fois spirituelles femelles ! - Ainsi les baisers de cette salle ? ...
 
{{personnage|Suzanne}}
Ligne 6 644 ⟶ 6 642 :
Et celui du page ?
 
{{personnage|Suzanne}}, '' riant ''.
 
À monsieur.
Ligne 6 660 ⟶ 6 658 :
En êtes-vous sûre ?
 
{{personnage|Suzanne}}, '' riant ''.
 
Il pleut des soufflets, Figaro.
 
{{personnage|Figaro}} ''lui baise la main.''
 
Ce sont des bijoux que les tiens. Mais celui du Comte était de bonne guerre.
Ligne 6 672 ⟶ 6 670 :
Allons, superbe, humilie-toi !
 
{{personnage|Figaro}} ''fait tout ce qu’il annonce.''
 
Cela est juste : à genoux, bien courbé, prosterné, ventre à terre.
 
{{personnage|Suzanne}}, '' en riant ''.
 
Ah ! ce pauvre Comte ! quelle peine il s’est donnée...
 
{{personnage|Figaro}}, '' se relève sur ses genoux.''
 
... Pour faire la conquête de sa femme !
Ligne 6 690 ⟶ 6 688 :
''Le Comte entre par le fond du théâtre et va droit au pavillon à sa droite ; Figaro, Suzanne.''
 
{{personnage|Le Comte}}, ''à lui-même.''
 
Je la cherche en vain dans le bois, elle est peut-être entrée ici.
 
{{personnage|Suzanne}}, ''à Figaro parlant bas.''
 
C’est lui.
 
{{personnage|Le Comte}}, '' ouvrant le pavillon.''
 
Suzon, es-tu là dedans ?
 
{{personnage|Figaro}}, ''bas.''
 
Il la cherche, et moi je croyais...
 
{{personnage|Suzanne}}, ''bas.''
 
Il ne l’a pas reconnue.
Ligne 6 714 ⟶ 6 712 :
Achevons-le, veux-tu ? ''(Il lui baise la main.)''
 
{{personnage|Le Comte}}, '' se retourne.''
 
Un homme aux pieds de la Comtesse ! ... Ah ! je suis sans armes. ''(Il s’avance.)''
 
{{personnage|Figaro}} ''se relève tout à fait en déguisant sa voix.''
 
Pardon, madame, si je n’ai pas réfléchi que ce rendez-vous ordinaire était destiné pour la noce.
 
{{personnage|Le Comte}}, '' à part ''.
 
C’est l’homme du cabinet de ce matin. ''(Il se frappe le front.)''
 
{{personnage|Figaro}} ''continue.''
 
Mais il ne sera pas dit qu’un obstacle aussi sot aura retardé nos plaisirs.
 
{{personnage|Le Comte}}, '' à part ''.
 
Massacre ! mort ! enfer !
 
{{personnage|Figaro}}, ''la conduisant au cabinet.''
 
''(Bas.)'' Il jure. ''(Haut.)'' Pressons-nous donc, madame, et réparons le tort qu’on nous a fait tantôt, quand j’ai sauté par la fenêtre.
 
{{personnage|Le Comte}}, ''à part.''
 
Ah ! tout se découvre enfin.
 
{{personnage|Suzanne}}, ''près du pavillon à sa gauche.''
 
Avant d’entrer, voyez si personne n’a suivi. ''(Il la baise au front.)''
 
{{personnage|Le Comte}} ''s’écrie'' :
 
Vengeance ! ''(Suzanne s’enfuit dans le pavillon où sont entrés Fanchette, Marceline et Chérubin.)''
Ligne 6 756 ⟶ 6 754 :
Le Comte, Figaro. ''(Le Comte saisit le bras de Figaro.)''
 
{{personnage|Figaro}}, '' jouant la frayeur excessive.''
 
C’est mon maître !
 
{{personnage|Le Comte}} ''le reconnaît.''
 
Ah ! scélérat, c’est toi ! Holà ! quelqu’un, quelqu’un !
Ligne 6 770 ⟶ 6 768 :
''Pédrille, Le Comte, Figaro.''
 
{{personnage|Pédrille}}, ''botté.''
 
Monseigneur, je vous trouve enfin.
Ligne 6 778 ⟶ 6 776 :
Bon, c’est Pédrille. Es-tu tout seul ?
 
{{personnage|Pédrille}}
 
Arrivant de Séville, à étripe-cheval.
Ligne 6 786 ⟶ 6 784 :
Approche-toi de moi, et crie bien fort !
 
{{personnage|Pédrille}}, ''criant à tue-tête.''
 
Pas plus de page que sur ma main. Voilà le paquet.
 
{{personnage|Le Comte}} le repousse.
 
Eh ! l’animal !
 
{{personnage|Pédrille}}
 
Monseigneur me dit de crier.
 
{{personnage|Le Comte}}, '' tenant toujours Figaro.''
 
Pour appeler. - Holà, quelqu’un ! Si l’on m’entend, accourez tous !
 
{{personnage|Pédrille}}
 
Figaro et moi, nous voilà deux ; que peut-il donc vous arriver ?
Ligne 6 812 ⟶ 6 810 :
''Les Acteurs précédents, Brid’oison, Bartholo, Bazile, Antonio, Gripe-Soleil, toute la noce accourt avec des flambeaux.''
 
{{personnage|Bartholo}}, ''à Figaro.''
 
Tu vois qu’à ton premier signal...
 
{{personnage|Le Comte}}, '' montrant le pavillon à sa gauche.''
 
Pédrille, empare-toi de cette porte. ''(Pédrille y va.)''
 
{{personnage|Bazile}}, ''bas à Figaro.''
 
Tu l’as surpris avec Suzanne
 
{{personnage|Le Comte}}, '' montrant Figaro.''
 
Et vous tous, mes vassaux, entourez-moi cet homme, et m’en répondez sur la vie.
Ligne 6 832 ⟶ 6 830 :
Ha ! Ha !
 
{{personnage|Le Comte}}, '' furieux.''
 
Taisez-vous donc ! ''(À Figaro, d’un ton glacé.)'' Mon cavalier, répondez-vous à mes questions ?
 
{{personnage|Figaro}}, '' froidement''.
 
Eh ! qui pourrait m’en exempter, Monseigneur ? Vous commandez à tout ici, hors à vous-même.
 
{{personnage|Le Comte}}, '' se contenant.''
 
Hors à moi-même !
Ligne 6 848 ⟶ 6 846 :
C’est ça parler.
 
{{personnage|Le Comte}}, '' reprenant sa colère.''
 
Non, si quelque chose pouvait augmenter ma fureur, ce serait l’air calme qu’il affecte.
Ligne 6 856 ⟶ 6 854 :
Sommes-nous des soldats qui tuent et se font tuer pour des intérêts qu’ils ignorent ? Je veux savoir, moi, pourquoi je me fâche.
 
{{personnage|Le Comte}}, '' hors de lui.''
 
Ô rage ! ''(Se contenant.)'' Homme de bien qui feignez d’ignorer, nous ferez-vous au moins la faveur de nous dire quelle est la dame actuellement par vous amenée dans ce pavillon ?
 
{{personnage|Figaro}}, '' montrant l’autre avec malice.''
 
Dans celui-là ?
 
{{personnage|Le Comte}}, ''vite.''
 
Dans celui-ci.
 
{{personnage|Figaro}}, '' froidement''.
 
C’est différent. Une jeune personne qui m’honore de ses bontés particulières.
 
{{personnage|Bazile}}, '' étonné.''
 
Ha ! Ha !
 
{{personnage|Le Comte}}, '' vite.''
 
Vous l’entendez, messieurs.
 
{{personnage|Bartholo}}, ''étonné.''
 
Nous l’entendons ?
 
{{personnage|Le Comte}}, '' à Figaro.''
 
Et cette jeune personne a-t-elle un autre engagement, que vous sachiez ?
 
{{personnage|Figaro}}, '' froidement''.
 
Je sais qu’un grand seigneur s’en est occupé quelque temps, mais soit qu’il l’ait négligée ou que je lui plaise mieux qu’un plus aimable, elle me donne aujourd’hui la préférence.
 
{{personnage|Le Comte}}, '' vivement''.
 
La préf... ''(Se contenant.)'' Au moins il est naïf ! car ce qu’il avoue, messieurs, Je l’ai ouï, je vous jure, de la bouche même de sa complice.
 
{{personnage|Brid’oison}},'' stupéfait.''
 
Sa-a complice !
 
{{personnage|Le Comte}}, '' avec fureur.''
 
Or, quand le déshonneur est public, il faut que la vengeance le soit aussi. ''(Il entre dans le pavillon.)''
Ligne 6 918 ⟶ 6 916 :
Qui-i donc a pris la femme de l’autre ?
 
{{personnage|Figaro}}, ''en riant.''
 
Aucun n’a eu cette joie-là.
Ligne 6 928 ⟶ 6 926 :
''Les Acteurs précédents, Le Comte, Chérubin.''
 
{{personnage|Le Comte}}, ''parlant dans le pavillon, et attirant quelqu’un qu’on ne voit pas encore.''
 
Tous vos efforts sont inutiles ; vous êtes perdue, madame, et votre heure est bien arrivée ! ''(Il sort sans regarder.)'' Quel bonheur qu’aucun gage d’une union aussi détestée...
 
{{personnage|Figaro}} ''s’écrie'' :
 
Chérubin !
Ligne 6 944 ⟶ 6 942 :
Ha ! ha !
 
{{personnage|Le Comte}}, '' hors de lui, à part ''.
 
Et toujours le page endiablé ! ''(À Chérubin.)'' Que faisiez-vous dans ce salon ?
 
{{personnage|Chérubin}}, ''timidement''.
 
Je me cachais, comme vous me l’avez ordonné.
 
{{personnage|Pédrille}}
 
Bien la peine de crever un cheval !
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L’y a, parguenne, une bonne Providence : vous en avez tant fait dans le pays...
 
{{personnage|Le Comte}}, '' furieux.''
 
Entre donc ! ''(Antonio entre.)''
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Vous allez voir, messieurs, que le page n’y était pas seul.
 
{{personnage|Chérubin}}, ''timidement.''
 
Mon sort eût été trop cruel, si quelque âme sensible n’en eût adouci l’amertume.
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''Les Acteurs précédents, Antonio, Fanchette.''
 
{{personnage|Antonio}}, ''attirant par le bras quelqu’un qu’on ne voit pas encore.''
 
Allons, madame, il ne faut pas vous faire prier pour en sortir, puisqu’on sait que vous y êtes entrée.
 
{{personnage|Figaro}} ''s’écrie.''
 
La petite cousine !
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Fanchette !
 
{{personnage|Antonio}} ''se retourne et s’écrie.''
 
Ah ! palsambleu, Monseigneur, il est gaillard de me choisir pour montrer à la compagnie que c’est ma fille qui cause tout ce train-là !
 
{{personnage|Le Comte}}, '' outré.''
 
Qui la savait là dedans ? ''(Il veut rentrer.)''
 
{{personnage|Bartholo}}, ''au devant.''
 
Permettez, monsieur le Comte, ceci n’est pas plus clair. Je suis de sang-froid, moi... ''(Il entre.)''
 
{{personnage|Brid’oison}}
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''Les Acteurs précédents, Marceline.''
 
{{personnage|Bartholo}}, ''parlant en dedans et sortant''.
 
Ne craignez rien, madame, il ne vous sera fait aucun mal. J’en réponds. ''(Il se retourne et s’écrie : )'' Marceline !
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Ha ! Ha !
 
{{personnage|Figaro}}, ''riant.''
 
Hé, quelle folie ! ma mère en est ?
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À qui pis fera.
 
{{personnage|Le Comte}}, ''outré.''
 
Que m’importe à moi ? La Comtesse...
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{{personnage|Le Comte}}
 
... Ah ! la voici qui sort. ''(Il la prend violemment par le bras.)'' Que croyez-vous, messieurs, que mérite une odieuse... ''(Suzanne se jette à genoux la tête baissée.)'' - Le Comte : Non, non ! ''(Figaro se jette à genoux de l’autre côté.)'' - Le Comte, plus fort : Non, non ! ''(Marceline se jette à genoux devant lui.)'' - Le Comte plus fort : - Non, non ! ''(Tous se mettent à genoux, excepté Brid’oison.)'' - Le Comte hors de lui : Y fussiez-vous un cent !
 
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''Tous les Acteurs précédents, la Comtesse sort de l’autre pavillon.''
 
{{personnage|La Comtesse}} ''se jette à genoux.''
 
Au moins je ferai nombre.
 
{{personnage|Le Comte}}, '' regardant la Comtesse et Suzanne.''
 
Ah ! qu’est-ce que je vois ?
 
Brid’oison, ''riant ''.
 
Eh pardi, c’è-est madame.
 
{{personnage|Le Comte}} ''veut relever la Comtesse.''
 
Quoi ! c’était vous, Comtesse ? ''(D’un ton suppliant.)'' Il n’y a qu’un pardon bien généreux...
 
{{personnage|La Comtesse}}, '' en riant ''.
 
Vous diriez : Non, non, à ma place ; et moi, pour la troisième fois d’aujourd’hui, je l’accorde sans condition.
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''(Elle se relève.)''
 
{{personnage|Suzanne}} ''se relève''.
 
Moi aussi.
 
{{personnage|Marceline}} ''se relève.''
 
Moi aussi.
 
{{personnage|Figaro}} ''se relève.''
 
Moi aussi, il y a de l’écho ici ! ''(Tous se relèvent.)''
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{{personnage|Le Comte}}
 
De l’écho ! - J’ai voulu ruser avec eux ; ils m’ont traité comme un enfant !
 
{{personnage|La Comtesse}}, '' en riant ''.
 
Ne le regrettez pas, monsieur le Comte.
 
{{personnage|Figaro}}, '' s’essuyant les genoux avec son chapeau.''
 
Une petite journée comme celle-ci forme bien un ambassadeur !
 
{{personnage|Le Comte}}, '' à Suzanne.''
 
Ce billet fermé d’une épingle ? ...
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Chacun aura ce qui lui appartient. ''(Elle donne la bourse à Figaro et le diamant à Suzanne.)''
 
{{personnage|Suzanne}}, '' à Figaro.''
 
Encore une dot !
 
{{personnage|Figaro}}, '' frappant la bourse dans sa main.
 
Et de trois. Celle-ci fut rude à arracher !
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Comme notre mariage.
 
{{personnage|Gripe-Soleil}}
 
Et la jarretière de la mariée, l’aurons-je ?
 
{{personnage|La Comtesse}} ''arrache le ruban qu’elle a tant gardé dans son sein et le jette à terre.''
 
La jarretière ? Elle était avec ses habits ; la voilà. ''(Les garçons de la noce veulent la ramasser.)''
 
{{personnage|Chérubin}}, ''plus alerte, court la prendre, et dit.''
 
Que celui qui la veut vienne me la disputer !
 
{{personnage|Le Comte}}, '' en riant, au page.''
 
Pour un monsieur si chatouilleux, qu’avez-vous trouvé de gai à certain soufflet de tantôt ?
 
{{personnage|Chérubin}} ''recule en tirant à moitié son épée.''
 
À moi, mon Colonel ?
 
{{personnage|Figaro}}, '' avec une colère comique.''
 
C’est sur ma joue qu’il l’a reçu : voilà comme les Grands font justice !
 
{{personnage|Le Comte}}, '' riant ''.
 
C’est sur sa joue ? Ah ! ah ! ah ! qu’en dites-vous donc, ma chère Comtesse !
 
{{personnage|La Comtesse}}, '' absorbée, revient à elle et dit avec sensibilité : ''
 
Ah ! oui, cher Comte, et pour la vie, sans distraction, je vous le jure.
 
{{personnage|Le Comte}}, '' frappant sur l’épaule du juge.''
 
Et vous, don Brid’oison, votre avis maintenant ?
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Su-ur tout ce que je vois, monsieur Le Comte ? ... Ma-a foi, pour moi je-e ne sais que vous dire : voilà ma façon de penser.
 
''Tous ensemble''
 
Bien jugé !
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J’étais pauvre, on me méprisait. J’ai montré quelque esprit la haine est accourue. Une jolie femme et de la fortune...
 
{{personnage|Bartholo}}, ''en riant ''.
 
Les cœurs vont te revenir en foule.
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Je les connais.
 
{{personnage|Figaro}}, '' saluant les spectateurs.''
 
Ma femme et mon bien mis à part, tous me feront honneur et plaisir. ''(On joue la ritournelle du vaudeville. Air noté)''.
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C’est le secret de l’amour.
 
{{personnage|Figaro}} continue l’air.
 
Ce secret met en lumière
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Tout fini-it par des chansons. (Bis.)
 
''Ballet général''
 
FIN DU CINQUIEME ET DERNIER ACTE