« Le Mariage de Figaro » : différence entre les versions
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Placement des acteurs
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{{acte| I}}
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{{scène|1}}
{{personnage|Figaro}}
Ligne 73 :
Tiens, Figaro, voilà mon petit chapeau : le trouves-tu mieux ainsi ?
{{personnage|Figaro}}
Sans comparaison, ma charmante. Oh ! que ce joli bouquet virginal, élevé sur la tête d’une belle fille, est doux, le matin des noces, à l’oeil amoureux d’un époux ! ...
{{personnage|Suzanne}}
Que mesures-tu donc là, mon fils ?
Ligne 193 :
Eh bien, s’il l’a détruit, il s’en repent ; et c’est de ta fiancée qu’il veut le racheter en secret aujourd’hui.
{{personnage|Figaro}},
Ma tête s’amollit de surprise, et mon front fertilisé...
Ligne 205 :
Quel danger ?
{{personnage|Suzanne}},
S’il y venait un petit bouton, des gens superstitieux...
Ligne 257 :
C’est que tu n’as pas d’idée de mon amour.
{{personnage|Suzanne}},
Quand cesserez-vous, importun, de m’en parler du matin au soir ?
{{personnage|Figaro}},
Quand je pourrai te le prouver du soir jusqu’au matin. (On sonne une seconde fois.)
{{personnage|Suzanne}},
Voilà votre baiser, monsieur ; je n’ai plus rien à vous.
{{personnage|Figaro}}
Oh ! mais ce n’est pas ainsi que vous l’avez reçu.
Ligne 277 :
{{scène|2}}
La charmante fille ! toujours riante, verdissante, pleine de gaieté, d’esprit, d’amour et de délices ! mais sage !
Ligne 285 :
{{scène|3}}
{{personnage|Figaro}}
Héééé, voilà le gros docteur : la fête sera complète. Hé ! bonjour, cher docteur de mon cœur ! Est-ce ma noce avec Suzon qui vous attire au château ?
{{personnage|Bartholo}},
Ah ! mon cher monsieur, point du tout.
Ligne 315 :
On n’aura pas pris soin de votre mule !
{{personnage|Bartholo}},
Bavard enragé ! laissez-nous.
Ligne 333 :
{{personnage|Figaro}}
Elle vous le contera de reste.
Ligne 339 :
{{scène|4}}
{{personnage|Bartholo}}
Ce drôle est toujours le même ! Et à moins qu’on ne l’écorche vif, je prédis qu’il mourra dans la peau du plus fier insolent...
{{personnage|Marceline}}
Enfin, vous voilà donc, éternel docteur ! toujours si grave et compassé, qu’on pourrait mourir en attendant vos secours, comme on s’est marié jadis, malgré vos précautions.
Ligne 373 :
Son mari la néglige.
{{personnage|Bartholo}},
Ah ! le digne époux qui me venge !
Ligne 429 :
Railleur fade et cruel, que ne vous débarrassez-vous de la mienne à ce prix ? Ne le devez-vous pas ? Où est le souvenir de vos engagements ? Qu’est devenu celui de notre petit Emmanuel, ce fruit d’un amour oublié, qui devait nous conduire à des noces ?
{{personnage|Bartholo}}
Est-ce pour écouter ces sornettes que vous m’avez fait venir de Séville ? Et cet accès d’hymen qui vous reprend si vif...
Ligne 497 :
Elle a raison. Parbleu ! c’est un bon tour que de faire épouser ma vieille gouvernante au coquin qui fit enlever ma jeune maîtresse.
{{personnage|Marceline}},
Et qui croit ajouter à ses plaisirs en trompant mes espérances.
{{personnage|Bartholo}},
Et qui m’a volé dans le temps cent écus que j’ai sur le cœur.
Ligne 521 :
{{scène|5}}
{{personnage|Suzanne}},
L’épouser, l’épouser ! Qui donc ? Mon Figaro ?
{{personnage|Marceline}},
Pourquoi non ? Vous l’épousez bien !
{{personnage|Bartholo}},
Le bon argument de femme en colère ! Nous parlions, belle Suzon, du bonheur qu’il aura de vous posséder.
Ligne 539 :
Sans compter Monseigneur, dont on ne parle pas.
{{personnage|Suzanne}},
Votre servante, madame ; il y a toujours quelque chose d’amer dans vos propos.
{{personnage|Marceline}},
Bien la vôtre, madame ; où donc est l’amertume ? N’est-il pas juste qu’un libéral seigneur partage un peu la joie qu’il procure à ses gens ?
Ligne 571 :
Et l’enfant ne l’est pas du tout ! Innocente comme un vieux juge !
{{personnage|Bartholo}},
Adieu, jolie fiancée de notre Figaro.
{{personnage|Marceline}},
L’accordée secrète de Monseigneur.
{{personnage|Suzanne}},
Qui vous estime beaucoup, madame.
{{personnage|Marceline}},
Me fera-t-elle aussi l’honneur de me chérir un peu, madame ?
{{personnage|Suzanne}},
À cet égard, madame n’a rien à désirer.
{{personnage|Marceline}},
C’est une si jolie personne que madame !
{{personnage|Suzanne}},
Eh mais ! assez pour désoler madame.
{{personnage|Marceline}},
Surtout bien respectable !
{{personnage|Suzanne}},
C’est aux duègnes à l’être.
{{personnage|Marceline}},
Aux duègnes ! aux duégnes !
{{personnage|Bartholo}},
Marceline !
Ligne 619 :
Allons, docteur, car je n’y tiendrais pas. Bonjour, madame.
Ligne 625 :
{{scène|6}}
{{personnage|Suzanne}},
Allez, madame ! allez, pédante ! je crains aussi peu vos efforts que je méprise vos outrages. - Voyez cette vieille sibylle ! parce qu’elle a fait quelques études et tourmenté la jeunesse de madame, elle veut tout dominer au château ! (Elle jette la robe qu’elle tient sur une chaise.) Je ne sais plus ce que je venais prendre.
Ligne 633 :
{{scène|7}}
{{personnage|Chérubin}},
Ah ! Suzon, depuis deux heures j’épie le moment de te trouver seule. Hélas ! tu te maries, et moi je vais partir.
Ligne 643 :
Comment mon mariage éloigne-t-il du château le premier page de Monseigneur ?
{{personnage|Chérubin}},
Suzanne, il me renvoie.
{{personnage|Suzanne}},
Chérubin, quelque sottise !
Ligne 671 :
Tu sais trop bien, méchante, que je n’ose pas oser. Mais que tu es heureuse ! à tous moments la voir, lui parler, l’habiller le matin et la déshabiller le soir, épingle à épingle ! ... Ah ! Suzon ! je donnerais... Qu’est-ce que tu tiens donc là ?
{{personnage|Suzanne}},
Hélas ! l’heureux bonnet et le fortuné ruban qui renferment la nuit les cheveux de cette belle marraine...
{{personnage|Chérubin}},
Son ruban de nuit ! donne-le-moi, mon cœur.
{{personnage|Suzanne}},
Eh ! que non pas ! - Son cœur ! Comme il est familier donc ! Si ce n’était pas un morveux sans conséquence...
{{personnage|Chérubin}},
Tu diras qu’il est égaré, gâté ; qu’il est perdu. Tu diras tout ce que tu voudras.
{{personnage|Suzanne}},
Oh ! dans trois ou quatre ans, je prédis que vous serez le plus grand petit vaurien ! ... Rendez-vous le ruban ?
{{personnage|Chérubin}},
Laisse, ah ! laisse-le-moi, Suzon ; je te donnerai ma romance ; et pendant que le souvenir de ta belle maîtresse attristera tous mes moments, le tien y versera le seul rayon de joie qui puisse encore amuser mon cœur.
{{personnage|Suzanne}},
Amuser votre cœur, petit scélérat ! vous croyez parler à votre Fanchette. On vous surprend chez elle, et vous soupirez pour madame ; et vous m’en contez à moi, par-dessus le marché !
{{personnage|Chérubin}},
Cela est vrai, d’honneur ! Je ne sais plus ce que je suis ; mais depuis quelque temps je sens ma poitrine agitée ; mon cœur palpite au seul aspect d’une femme ; les mots amour et volupté le font tressaillir et le troublent. Enfin le besoin de dire à quelqu’un Je vous aime, est devenu pour moi si pressant, que je le dis tout seul, en courant dans le parc, à ta maîtresse, à toi, aux arbres, aux nuages, au vent qui les emporte avec mes paroles perdues. - Hier je rencontrai Marceline...
{{personnage|Suzanne}},
Ah ! ah ! ah ! ah !
Ligne 721 :
{{personnage|Suzanne}}
C’est bien dommage ; écoutez donc monsieur !
{{personnage|Chérubin}},
Ah ! ouiche ! on ne l’aura, vois-tu, qu’avec ma vie. Mais si tu n’es pas contente du prix, j’y joindrai mille baisers.
{{personnage|Suzanne}},
Mille soufflets, si vous approchez. Je vais m’en plaindre à ma maîtresse ; et loin de supplier pour vous, je dirai moi-même à Monseigneur : C’est bien fait, Monseigneur ; chassez-nous ce petit voleur ; renvoyez à ses parents un petit mauvais sujet qui se donne les airs d’aimer madame, et qui veut toujours m’embrasser par contrecoup.
{{personnage|Chérubin}},
Je suis perdu !
Ligne 743 :
{{scène|8}}
{{personnage|Suzanne}}
Ah ! ...
{{personnage|Le Comte}}
Tu es émue, Suzon ! tu parlais seule, et ton petit cœur paraît dans une agitation... bien pardonnable, au reste, un jour comme celui-ci.
{{personnage|Suzanne}},
Monseigneur, que me voulez-vous ? Si l’on vous trouvait avec moi...
Ligne 759 :
{{personnage|Le Comte}}
Je serais désolé qu’on m’y surprît ; mais tu sais tout l’intérêt que je prends à toi. Bazile ne t’a pas laissé ignorer mon amour. Je n’ai qu’un instant pour t’expliquer mes vues ; écoute.
{{personnage|Suzanne}},
Je n’écoute rien.
{{personnage|Le Comte}},
Un seul mot. Tu sais que le Roi m’a nommé son ambassadeur à Londres. J’emmène avec moi Figaro ; je lui donne un excellent poste ; et, comme le devoir d’une femme est de suivre son mari...
Ligne 773 :
Ah ! si j’osais parler !
{{personnage|Le Comte}},
Parle, parle, ma chère ; use aujourd’hui d’un droit que tu prends sur moi pour la vie.
{{personnage|Suzanne}},
Je n’en veux point, Monseigneur, je n’en veux point. Quittez-moi, je vous prie.
Ligne 785 :
Mais dis auparavant.
{{personnage|Suzanne}},
Je ne sais plus ce que je disais.
Ligne 797 :
Eh bien, lorsque Monseigneur enleva la sienne de chez le docteur, et qu’il l’épousa par amour ; lorsqu’il abolit pour elle un certain affreux droit du seigneur...
{{personnage|Le Comte}},
Qui faisait bien de la peine aux filles ! Ah ! Suzette ! ce droit charmant ! Si tu venais en jaser sur la brune au jardin, je mettrais un tel prix à cette légère faveur...
{{personnage|Bazile}},
Il n’est pas chez lui, Monseigneur.
{{personnage|Le Comte}},
Quelle est cette voix ?
Ligne 817 :
Sors, pour qu’on n’entre pas.
{{personnage|Suzanne}},
Que je vous laisse ici ?
{{personnage|Bazile}},
Monseigneur était chez Madame, il en est sorti ; je vais voir.
Ligne 827 :
{{personnage|Le Comte}}
Et pas un lieu pour se cacher ! Ah ! derrière ce fauteuil... assez mal ; mais renvoie-le bien vite.
Ligne 833 :
{{scène|9}}
{{personnage|Bazile}}
Ligne 839 :
N’auriez-vous pas vu Monseigneur, mademoiselle ?
{{personnage|Suzanne}},
Hé, pourquoi l’aurais-je vu ? Laissez-moi.
{{personnage|Bazile}}
Si vous étiez plus raisonnable, il n’y aurait rien d’étonnant à ma question. C’est Figaro qui le cherche.
Ligne 851 :
Il cherche donc l’homme qui lui veut le plus de mal après vous ?
{{personnage|Le Comte}},
Voyons un peu comme il me sert.
Ligne 875 :
De toutes les choses sérieuses le mariage étant la plus bouffonne, j’avais pensé...
{{personnage|Suzanne}},
Des horreurs ! Qui vous permet d’entrer ici ?
Ligne 883 :
Là, là, mauvaise ! Dieu vous apaise ! Il n’en sera que ce que vous voulez : mais ne croyez pas non plus que je regarde monsieur Figaro comme l’obstacle qui nuit à Monseigneur ; et sans le petit page...
{{personnage|Suzanne}},
Don Chérubin ?
{{personnage|Bazile}}
Cherubino di amore, qui tourne autour de vous sans cesse, et qui ce matin encore rôdait ici pour y entrer, quand je vous ai quittée. Dites que cela n’est pas vrai ?
Ligne 899 :
On est un méchant homme, parce qu’on y voit clair. N’est-ce pas pour vous aussi, cette romance dont il fait mystère ?
{{personnage|Suzanne}},
Ah ! oui, pour moi ! ...
Ligne 907 :
À moins qu’il ne l’ait composée pour madame ! En effet, quand il sert à table, on dit qu’il la regarde avec des yeux ! ... Mais, peste, qu’il ne s’y joue pas ! Monseigneur est brutal sur l’article.
{{personnage|Suzanne}},
Et vous bien scélérat, d’aller semant de pareils bruits pour perdre un malheureux enfant tombé dans la disgrâce de son maître.
Ligne 915 :
L’ai-je inventé ? Je le dis, parce que tout le monde en parle.
{{personnage|Le Comte}}
Comment, tout le monde en parle !
Ligne 935 :
Ah ! que je suis fâché d’être entré !
{{personnage|Suzanne}},
Mon Dieu ! Mon Dieu !
{{personnage|Le Comte}},
Elle est saisie. Asseyons-la dans ce fauteuil.
{{personnage|Suzanne}}
Je ne veux pas m’asseoir. Entrer ainsi librement, c’est indigne !
Ligne 975 :
Et dans sa chambre.
{{personnage|Suzanne}},
Où Monseigneur avait sans doute affaire aussi !
{{personnage|Le Comte}},
J’en aime assez la remarque.
Ligne 987 :
Elle est d’un bon augure.
{{personnage|Le Comte}},
Mais non ; j’allais chercher ton oncle Antonio, mon ivrogne de jardinier, pour lui donner des ordres. Je frappe, on est longtemps à m’ouvrir ; ta cousine a l’air empêtré ; je prends un soupçon, je lui parle, et tout en causant j’examine. Il y avait derrière la porte une espèce de rideau, de portemanteau, de je ne sais pas quoi, lui couvrait des hardes ; sans faire semblant de rien, je vais doucement, doucement lever ce rideau
{{personnage|Bazile}}
Ligne 1 003 :
Encore mieux.
{{personnage|Le Comte}},
À merveille, mademoiselle ! à peine fiancée, vous faites de ces apprêts ? C’était pour recevoir mon page que vous désiriez d’être seule ? Et vous, monsieur, qui ne changez point de conduite, il vous manquait de vous adresser, sans respect pour votre marraine, à sa première camariste, à la femme le votre ami ! Mais je ne souffrirai pas que Figaro, qu’un homme que j’estime et que j’aime, soit victime une pareille tromperie. Etait-il avec vous, Bazile ?
{{personnage|Suzanne}},
Il n’y a ni tromperie ni victime ; il était là lorsque vous me parliez.
{{personnage|Le Comte}},
Puisses-tu mentir en le disant ! Son plus cruel ennemi n’oserait lui souhaiter ce malheur.
Ligne 1 019 :
Il me priait d’engager madame à vous demander sa grâce. Votre arrivée l’a si fort troublé, qu’il s’est masqué de ce fauteuil.
{{personnage|Le Comte}},
Ruse d’enfer ! Je m’y suis assis en entrant.
Ligne 1 035 :
Pardon ; mais c’est alors que je me suis blotti dedans.
{{personnage|Le Comte}},
C’est donc une couleuvre que ce petit... serpent-là ! Il nous écoutait !
Ligne 1 045 :
{{personnage|Le Comte}}
Ô perfidie !
{{personnage|Bazile}}
Ligne 1 051 :
Contenez-vous, on vient.
{{personnage|Le Comte}},
Il resterait là devant toute la terre !
Ligne 1 059 :
{{scène|10}}
{{personnage|Figaro}},
Il n’y a que vous, madame, qui puissiez nous obtenir cette faveur.
Ligne 1 069 :
Vous le voyez, monsieur le Comte, ils me supposent un crédit que je n’ai point, mais comme leur demande n’est pas déraisonnable...
{{personnage|Le Comte}},
Il faudrait qu’elle le fût beaucoup...
{{personnage|Figaro}},
Soutiens bien mes efforts.
{{personnage|Suzanne}},
Qui ne mèneront à rien.
{{personnage|Figaro}},
Va toujours.
{{personnage|Le Comte}},
Que voulez-vous ? ,
Ligne 1 097 :
Hé bien, ce droit n’existe plus. Que veux-tu dire ?
{{personnage|Figaro}},
Qu’il est bien temps que la vertu d’un si bon maître éclate ; elle m’est d’un tel avantage aujourd’hui, que je désire être le premier à la célébrer à mes noces.
{{personnage|Le Comte}},
Tu te moques, ami ! L’abolition d’un droit honteux n’est que l’acquit d’une dette envers l’honnêteté. Un Espagnol peut vouloir conquérir la beauté par des soins ; mais en exiger le premier, le plus doux emploi, comme une servile redevance, ah ! c’est la tyrannie d’un Vandale, et non le droit avoué d’un noble Castillan.
{{personnage|Figaro}},
Permettez donc que cette jeune créature, de qui votre sagesse a préservé l’honneur, reçoive de votre main, publiquement, la toque virginale, ornée de plumes et de rubans blancs, symbole de la pureté de vos intentions : adoptez-en la cérémonie pour tous les mariages, et qu’un quatrain chanté en chœur rappelle à jamais le souvenir...
{{personnage|Le Comte}},
Si je ne savais pas qu’amoureux, poète et musicien sont trois titres d’indulgence pour toutes les folies...
Ligne 1 121 :
Monseigneur ! Monseigneur !
{{personnage|Suzanne}},
Pourquoi fuir un éloge que vous méritez si bien ?
{{personnage|Le Comte}},
La perfide !
Ligne 1 137 :
Laisse là ma figure, et ne vantons que sa vertu.
{{personnage|Le Comte}},
C’est un jeu que tout ceci.
Ligne 1 153 :
Vivat !
{{personnage|Le Comte}},
Je suis pris.
{{personnage|Figaro}},
Eh bien, espiègle, vous n’applaudissez pas ?
Ligne 1 181 :
Pas tant que ! vous le croyez.
{{personnage|Chérubin}},
Pardonner généreusement n’est pas le droit du seigneur auquel vous avez renoncé en épousant madame.
Ligne 1 193 :
Si Monseigneur avait cédé le droit de pardonner, ce serait sûrement le premier qu’il voudrait racheter en secret.
{{personnage|Le Comte}},
Sans doute.
Ligne 1 201 :
Eh pourquoi le racheter ?
{{personnage|Chérubin}},
Je fus léger dans ma conduite, il est vrai, Monseigneur ; mais jamais la moindre indiscrétion dans mes paroles...
{{personnage|Le Comte}},
Eh bien, c’est assez...
Ligne 1 213 :
Qu’entend-il ?
{{personnage|Le Comte}},
C’est assez, c’est assez. Tout le monde exige son pardon, je l’accorde ; et j’irai plus loin : je lui donne une compagnie dans ma légion.
Ligne 1 229 :
Ah ! Monseigneur, demain.
{{personnage|Le Comte}}
Je le veux.
Ligne 1 239 :
{{personnage|Le Comte}}
Saluez votre marraine, et demandez sa protection.
{{personnage|La Comtesse}},
Puisqu’on ne peut vous garder seulement aujourd’hui, partez, jeune homme. Un nouvel état vous appelle ; allez la remplir dignement. Honorez votre bienfaiteur. Souvenez-vous de cette maison, où votre jeunesse a trouvé tant d’indulgence. Soyez soumis, honnête et brave ; nous prendrons part à vos succès.
{{personnage|Le Comte}}
Ligne 1 253 :
Je ne m’en défends pas. Qui sait le sort d’un enfant jeté dans une carrière aussi dangereuse ? Il est allié de mes parents ; et de plus, il est mon filleul.
{{personnage|Le Comte}},
Je vois que Bazile avait raison.
{{personnage|Figaro}}
Pourquoi cela, Monseigneur ? Il viendra passer ses hivers. Baise-moi donc aussi, capitaine !
{{personnage|Suzanne}}
Ligne 1 293 :
Monsieur le docteur lui donnait le bras.
{{personnage|Le Comte}},
Le docteur est ici ?
Ligne 1 301 :
Elle s’en est d’abord emparée...
{{personnage|Le Comte}},
Il ne pouvait venir plus à propos.
Ligne 1 309 :
Elle avait l’air bien échauffée ; elle parlait tout haut en marchant, puis elle s’arrêtait, et faisait comme ça de grands bras... et monsieur le docteur lui faisait comme ça de la main, en l’apaisant : elle paraissait si courroucée ! elle nommait mon cousin Figaro.
{{personnage|Le Comte}}
Cousin... futur.
{{personnage|Fanchette}},
Monseigneur, nous avez-vous pardonné d’hier ? ...
{{personnage|Le Comte}}
Bonjour, bonjour, petite.
Ligne 1 325 :
C’est son chien d’amour qui la berce : elle aurait troublé notre fête.
{{personnage|Le Comte}},
Elle la troublera, je t’en réponds.
{{personnage|Suzanne}},
Tu me rejoindras, mon fils ?
{{personnage|Figaro}},
Est-il bien enfilé.
{{personnage|Suzanne}},
Charmant garçon !
Ligne 1 345 :
{{scène|11}}
{{personnage|Figaro}}
Ligne 1 351 :
Ah ça, vous autres ! la cérémonie adoptée, ma fête de ce soir en est la suite ; il faut bravement nous recorder : ne faisons point comme ces acteurs qui ne jouent jamais si mal que le jour où la critique est le plus éveillée. Nous n’avons point de lendemain qui nous excuse, nous. Sachons bien nos rôles aujourd’hui.
{{personnage|Bazile}},
Le mien est plus difficile que tu ne crois.
{{personnage|Figaro}},
Tu es loin aussi de savoir tout le succès qu’il te vaudra.
Ligne 1 399 :
Elle s’emplit.
{{personnage|Figaro}},
Pas si bête, pourtant, pas si bête !
Ligne 1 413 :
{{scène|1}}
{{personnage|La Comtesse}}, se jette dans un bergère.
Ligne 1 479 :
Que si je ne voulais pas l’entendre, il allait protéger Marceline.
{{personnage|La Comtesse}}
Il ne m’aime plus du tout.
Ligne 1 495 :
Dès qu’il verra partir la chasse.
{{personnage|La Comtesse}},
Ouvre un peu la croisée sur le jardin. Il fait une chaleur ici ! ...
Ligne 1 501 :
{{personnage|Suzanne}}
C’est que madame parle et marche avec action.
Sans cette constance à me fuir... Les hommes sont bien coupables !
{{personnage|Suzanne}}
Ah ! voilà Monseigneur qui traverse à cheval le grand potager, suivi de Pédrille, avec deux, trois, quatre lévriers.
Ligne 1 511 :
{{personnage|La Comtesse}}
Nous avons du temps devant nous.
{{personnage|Suzanne}}
Ah ! c’est mon Figaro ! ah ! c’est mon Figaro !
Ligne 1 521 :
{{scène|2}}
{{personnage|Suzanne}}
Ligne 1 677 :
{{personnage|Figaro}}
Que, pendant l’absence de Monseigneur, je vais vous envoyer le Chérubin ; coiffez-le, habillez-le ; je le renferme et l’endoctrine ; et puis dansez, Monseigneur.
Ligne 1 683 :
{{scène|3}}
{{personnage|La Comtesse}},
Mon Dieu, Suzon, comme je suis faite ! ... Ce jeune homme qui va venir ! ...
Ligne 1 699 :
{{personnage|Suzanne}}
Faisons-lui chanter sa romance.
{{personnage|La Comtesse}}
Ligne 1 717 :
{{scène|4}}
{{personnage|Suzanne}}
Ligne 1 763 :
Oh ! madame, je suis si tremblant ! ...
{{personnage|Suzanne}},
Et gnian, gnian, gnian, gnian, gnian gnian, gnian dès que madame le veut, modeste auteur ! je vais l’accompagner.
Ligne 1 897 :
{{personnage|Suzanne}} se mesure avec lui.
Il est de ma grandeur. Otons d’abord le manteau.
{{personnage|La Comtesse}}
Ligne 1 905 :
{{personnage|Suzanne}}
Est-ce que nous faisons du mal donc ? Je vais fermer la porte
{{personnage|La Comtesse}}
Sur ma toilette, une baigneuse à moi.
Ligne 1 915 :
{{scène|5}}
{{personnage|La Comtesse}}
Ligne 1 927 :
{{personnage|La Comtesse}}
Déjà ? L’on a craint d’y perdre une minute.
Ligne 1 933 :
{{scène|6}}
{{personnage|Suzanne}} entre avec un grand bonnet.
Ligne 1 953 :
{{personnage|Suzanne}} s’assied près de la Comtesse.
Et la plus belle de toutes.
Tournez-vous donc envers ici,
Ligne 1 959 :
Jean de Lyra, mon bel ami.
Madame, il est charmant !
Ligne 1 969 :
{{personnage|Suzanne}} l’arrange.
Là... Mais voyez donc ce morveux, comme il est joli en fille ! j’en suis jalouse, moi !
{{personnage|La Comtesse}}
Qu’elle est folle ! il faut relever la manche, afin que l’amadis prenne mieux...
{{personnage|Suzanne}}
Ligne 1 981 :
{{personnage|La Comtesse}}
Il y a du sang !
{{personnage|Chérubin}}, honteux.
Ligne 1 993 :
{{personnage|Suzanne}}
Et surtout un ruban volé. - Voyons donc ce que la bossette... la courbette... la cornette du cheval... Je n’entends rien à tous ces noms-là. - Ah ! qu’il a le bras blanc ! c’est comme une femme ! plus blanc que le mien ! Regardez donc, madame !
{{personnage|La Comtesse}}, d’un ton glacé.
Ligne 2 003 :
{{scène|7}}
{{personnage|La Comtesse}}
Pour mon ruban, monsieur... comme c’est celui dont la couleur m’agrée le plus... j’étais fort en colère de l’avoir perdu.
Ligne 2 013 :
{{scène|8}}
{{personnage|Suzanne}},
Et la ligature à son bras ?
{{personnage|La Comtesse}}
En allant lui chercher tes hardes, prends le ruban d’un autre bonnet.
Ligne 2 027 :
{{scène|9}}
{{personnage|Chérubin}}, les yeux baissés.
Ligne 2 035 :
{{personnage|La Comtesse}}
Par quelle vertu ?
{{personnage|Chérubin}}, hésitant.
Ligne 2 067 :
{{personnage|La Comtesse}}, l’interrompt et lui essuie les yeux avec son mouchoir.
Taisez-vous, taisez-vous, enfant ! Il n’y a pas un brin de raison dans tout ce que vous dites.
Ligne 2 073 :
{{scène|10}}
{{personnage|Le Comte}}, en dehors.
Ligne 2 081 :
{{personnage|La Comtesse}}, troublée, se lève.
C’est mon époux ! grands dieux !
{{personnage|Le Comte}}, en dehors.
Ligne 2 101 :
{{personnage|Chérubin}}, à part.
Après les scènes d’hier et de ce matin, il me tuerait sur la place !
Ligne 2 107 :
{{scène|11}}
{{personnage|La Comtesse}},
Ah ! quelle faute ! quelle faute !
Ligne 2 115 :
{{scène|12}}
{{personnage|Le Comte}}, un peu sévère.
Ligne 2 159 :
{{personnage|Le Comte}}
Heureusement le docteur est ici.
{{personnage|La Comtesse}}, plus troublée.
Ligne 2 233 :
{{scène|13}}
{{personnage|Le Comte}}
Ils en seront plus aisés à détruire.
{{personnage|La Comtesse}}
Ligne 2 245 :
{{personnage|Le Comte}}
Si elle craint tant de se montrer, au moins elle peut parler.
{{personnage|La Comtesse}},
Suzon, je vous défends de répondre.
{{personnage|Le Comte}}
Oh ! bien, puisqu’elle ne parle pas, vêtue ou non, je la verrai.
{{personnage|La Comtesse}}
Partout ailleurs je ne puis l’empêcher ; mais j’espère aussi que chez moi...
Ligne 2 269 :
{{personnage|Le Comte}}
Fort bien, madame. En effet, j’y suffirai ; je vais à l’instant prendre chez moi ce qu’il faut...
{{personnage|La Comtesse}},
Eh ! monsieur, qui songe à vous contrarier ?
Ligne 2 277 :
{{personnage|Le Comte}}
Ah ! j’oubliais la porte qui va chez vos femmes ; il faut que je la ferme aussi, pour que vous soyez pleinement justifiée.
{{personnage|La Comtesse}},
Ô ciel ! étourderie funeste !
{{personnage|Le Comte}},
Maintenant que cette chambre est close, acceptez mon bras, je vous prie ;
{{personnage|La Comtesse}}
En vérité, monsieur, voilà bien la plus odieuse aventure...
Ligne 2 295 :
{{scène|14}}
{{personnage|Suzanne}} sort de l’alcove, accourt au cabinet et parle à la serrure.
Ligne 2 301 :
Ouvez, Chérubin, ouvez vite, c’est Suzanne ; ouvrez et sortez.
{{personnage|Chérubin}}
Ah ! Suzon, quelle horrible scène !
Ligne 2 309 :
Sortez, vous n’avez pas une minute.
{{personnage|Chérubin}},
Eh, par où sortir ?
Ligne 2 327 :
{{personnage|Chérubin}}
La fenêtre du jardin n’est peut-être pas bien haute.
{{personnage|Suzanne}},
Un grand étage ! impossible ! Ah ! ma pauvre maîtresse ! Et mon mariage, ô ciel !
Ligne 2 341 :
Il va se tuer !
{{personnage|Chérubin}},
Dans un gouffre allumé, Suzon ! oui, je m’y jetterais plutôt que de lui nuire... Et ce baiser va me porter bonheur.
Ligne 2 349 :
{{scène|15}}
{{personnage|Suzanne}}
Ah ! ...
Ligne 2 357 :
{{scène|16}}
{{personnage|Le Comte}},
Tout est bien comme je l’ai laissé. Madame, en m’exposant à briser cette porte, réfléchissez aux suites : encore une fois, voulez-vous l’ouvrir ?
Ligne 2 371 :
Amour ou vanité, vous ouvrirez la porte ; ou je vais à l’instant...
{{personnage|La Comtesse}},
Arrêtez, monsieur, je vous prie ! Me croyez-vous capable de manquer à ce que je me dois ?
Ligne 2 379 :
Tout ce qu’il vous plaira, madame ; mais je verrai qui est dans ce cabinet.
{{personnage|La Comtesse}},
Hé bien, monsieur, vous le verrez. Ecoutez-moi... tranquillement.
Ligne 2 387 :
Ce n’est donc pas Suzanne ?
{{personnage|La Comtesse}},
Au moins n’est-ce pas non plus une personne... dont vous deviez rien redouter... Nous disposions une plaisanterie... bien innocente, en vérité, pour ce soir ; et je vous jure...
Ligne 2 399 :
Que nous n’avions pas plus dessein de vous offenser l’un que l’autre.
{{personnage|Le Comte}},
L’un que l’autre ? C’est un homme.
Ligne 2 415 :
À peine osé-je le nommer !
{{personnage|Le Comte}},
Je le tuerai.
Ligne 2 435 :
Chérubin ! l’insolent ! Voilà mes soupçons et le billet expliqués.
{{personnage|La Comtesse}},
Ah ! monsieur ! gardez de penser...
{{personnage|Le Comte}},
Je trouverai partout ce maudit page !
{{personnage|La Comtesse}}
Ligne 2 447 :
Il a craint de vous irriter en se montrant.
{{personnage|Le Comte}},
Sors donc, petit malheureux !
Ligne 2 479 :
Il n’est pas coupable, il partait : c’est moi qui l’ai fait appeler.
{{personnage|Le Comte}},
Levez-vous. Otez-vous... Tu es bien audacieuse d’oser me parler pour un autre !
Ligne 2 511 :
{{scène|17}}
{{personnage|Suzanne}}
Je le tuerai, je le tuerai ! Tuez-le donc, ce méchant page.
{{personnage|Le Comte}},
Ah ! quelle école !
Ligne 2 525 :
{{scène|18}}
{{personnage|Suzanne}}
Remettez-vous, madame ; il est bien loin ; il a fait un saut...
Ligne 2 539 :
{{scène|19}}
{{personnage|Le Comte}} sort du cabinet d’un air confus. Après un court silence.
Ligne 2 545 :
Il n’y a personne, et pour le coup j’ai tort. - Madame... vous jouez fort bien la comédie.
{{personnage|Suzanne}},
Et moi, Monseigneur ?
{{personnage|Le Comte}}
Quoi ! madame, vous plaisantiez ?
{{personnage|La Comtesse}},
Eh pourquoi non, monsieur ?
Ligne 2 569 :
Nommer folies ce qui touche à l’honneur !
{{personnage|La Comtesse}},
Me suis-je unie à vous pour être éternellement dévouée à l’abandon et à la jalousie, que vous seul osez concilier ?
Ligne 2 629 :
Madame !
{{personnage|Le Comte}},
Par pitié !
Ligne 2 681 :
Ah ! dites pour moi seul. - Mais je suis encore à concevoir comment les femmes prennent si vite et si juste l’air et le ton des circonstances. Vous rougissiez, vous pleuriez, votre visage était défait... D’honneur, il l’est encore.
{{personnage|La Comtesse}},
Je rougissais... du ressentiment de vos soupçons. Mais les hommes sont-ils assez délicats pour distinguer l’indignation d’une âme honnête outragée, d’avec la confusion qui naît d’une accusation méritée ?
{{personnage|Le Comte}},
Et ce page en désordre, en veste et presque nu...
{{personnage|La Comtesse}},
Vous le voyez devant vous. N’aimez-vous pas mieux l’avoir trouvé que l’autre ? En général vous ne haïssez pas de rencontrer celui-ci.
{{personnage|Le Comte}},
Et ces prières, ces larmes feintes...
Ligne 2 759 :
{{personnage|La Comtesse}}
Ah ! Suzon, que je suis faible ! quel exemple je te donne !
{{personnage|Suzanne}}
Bon, madame, avec eux ne faut-il pas toujours en venir là ?
Ligne 2 769 :
{{scène|20}}
{{personnage|Figaro}},
On disait madame incommodée. Je suis vite accouru... je vois avec joie qu’il n’en est rien.
{{personnage|Le Comte}},
Vous êtes fort attentif.
Ligne 2 859 :
Toujours mentir contre l’évidence ! À la fin, cela m’irrite.
{{personnage|La Comtesse}},
Eh ! ce pauvre garçon ! pourquoi voulez-vous, monsieur, qu’il dise une fois la vérité ?
{{personnage|Figaro}},
Je l’avertis de son danger ; c’est tout ce qu’un honnête homme peut faire.
{{personnage|Suzanne}},
As-tu vu le petit page ?
{{personnage|Figaro}},
Encore tout froissé.
{{personnage|Suzanne}},
Ah ! pécaire !
Ligne 2 883 :
Allons, monsieur le Comte, ils brûlent de s’unir : leur impatience est naturelle ! Entrons pour la cérémonie.
{{personnage|Le Comte}},
Et Marceline, Marceline...
{{personnage|La Comtesse}}
Ligne 2 895 :
{{scène|21}}
{{personnage|Antonio}},
Monseigneur ! Monseigneur !
Ligne 2 917 :
Regardez comme on arrange mes giroflées !
{{personnage|Suzanne}},
Alerte, Figaro, alerte !
Ligne 2 929 :
Vous n’y êtes pas. C’est un petit reste d’hier. Voilà comme on fait des jugements... ténébreux.
{{personnage|Le Comte}},
Cet homme ! cet homme ! où est-il ?
Ligne 2 945 :
C’est ce que je dis. Il faut me le trouver, déjà. Je suis votre domestique ; il n’y a que moi qui prends soin de votre jardin ; il y tombe un homme ; et vous sentez... que ma réputation en est effleurée.
{{personnage|Suzanne}},
Détourne, détourne !
Ligne 2 965 :
Boire sans soif et faire l’amour en tout temps, madame, il n’y a que ça qui nous distingue des autres bêtes.
{{personnage|Le Comte}},
Réponds-moi donc, ou je vais te chasser.
Ligne 2 977 :
Comment donc ?
{{personnage|Antonio}},
Si vous n’avez pas assez de ça pour garder un bon domestique, je ne suis pas assez bête, moi, pour renvoyer un si bon maître.
{{personnage|Le Comte}},
On a, dis-tu, jeté un homme par cette fenêtre ?
Ligne 2 989 :
Oui, mon Excellence ; tout à l’heure, en veste blanche, et qui s’est enfui, jarni, courant...
{{personnage|Le Comte}},
Après ?
Ligne 2 995 :
{{personnage|Antonio}}
J’ai bien voulu courir après ; mais je me suis donné, contre la grille, une si fière gourde à la main, que je ne peux plus remuer ni pied, ni patte, de ce doigt-là.
{{personnage|Le Comte}}
Ligne 3 005 :
Oh ! que oui-dà ! si je l’avais vu pourtant !
{{personnage|Suzanne}},
Il ne l’a pas vu.
Ligne 3 047 :
{{personnage|Figaro}}
J’étais dans la chambre des femmes, en veste blanche : il fait un chaud ! ... J’attendais là, ma Suzannette, quand j’ai ouï tout à coup la voix de Monseigneur et le grand bruit qui se faisait ! je ne sais quelle crainte m’a saisi à l’occasion de ce billet ; et, s’il faut avouer ma bêtise, j’ai sauté sans réflexion sur les couches, où je me suis même un peu foulé le pied droit.
{{personnage|Antonio}}
Ligne 3 053 :
Puisque c’est vous, il est juste de vous rendre ce brimborion de papier qui a coulé de votre veste, en tombant.
{{personnage|Le Comte}}
Donne-le-moi.
{{personnage|Figaro}},
Je suis pris.
{{personnage|Le Comte}},
La frayeur ne vous aura pas fait oublier ce que contient ce papier, ni comment il se trouvait dans votre poche ?
{{personnage|Figaro}},
Non sûrement... Mais c’est que j’en ai tant. Il faut répondre à tout...
{{personnage|La Comtesse}},
Ah ! dieux ! Suzon, c’est le brevet d’officier.
{{personnage|Suzanne}},
Tout est perdu, c’est le brevet.
{{personnage|Le Comte}}
Eh bien ! l’homme aux expédients, vous ne devinez pas ?
{{personnage|Antonio}},
Monseigneur dit, si vous ne devinez pas ?
{{personnage|Figaro}}
Fi donc, vilain, qui me parle dans le nez !
Ligne 3 101 :
Pourquoi vous l’aurait-il remis ?
{{personnage|Figaro}},
Il... désirait qu’on y fît quelque chose.
{{personnage|Le Comte}}
Il n’y manque rien.
{{personnage|La Comtesse}},
Le cachet.
{{personnage|Suzanne}},
Le cachet manque.
{{personnage|Le Comte}},
Vous ne répondez pas ?
Ligne 3 133 :
D’y apposer le sceau de vos armes. Peut-être aussi que cela ne valait pas la peine.
{{personnage|Le Comte}}
Allons, il est écrit que je ne saurai rien.
{{personnage|Figaro}},
Vous sortez sans ordonner mon mariage ?
Ligne 3 145 :
{{scène|22}}
{{personnage|Marceline}},
Ne l’ordonnez pas, Monseigneur ! Avant de lui faire grâce, vous nous devez justice. Il a des engagements avec moi.
{{personnage|Le Comte}},
Voilà ma vengeance arrivée.
Ligne 3 161 :
{{personnage|Marceline}}
Oui, je m’expliquerai, malhonnête !
{{personnage|Le Comte}}
Ligne 3 175 :
Un billet, voilà tout, pour de l’argent prêté.
{{personnage|Marceline}},
Sous condition de m’épouser. Vous êtes un grand seigneur, le premier juge de la province...
Ligne 3 183 :
Présentez-vous au tribunal, j’y rendrai justice à tout le monde.
{{personnage|Bazile}},
En ce cas, Votre Grandeur permet que je fasse aussi valoir mes droits sur Marceline ?
{{personnage|Le Comte}},
Ah, voilà mon fripon du billet.
Ligne 3 195 :
Autre fou de la même espèce !
{{personnage|Le Comte}},
Vos droits ! vos droits ! Il vous convient bien de parler devant moi, maître sot !
{{personnage|Antonio}},
Il ne l’a, ma foi, pas manqué du premier coup : c’est son nom.
Ligne 3 235 :
Homme à talent sur l’orgue du village, je montre le clavecin à madame, à chanter à ses femmes, la mandoline aux pages ; et mon emploi surtout est d’amuser votre compagnie avec ma guitare, quand il vous plaît me l’ordonner.
{{personnage|Gripe-Soleil}}
J’irai bien, Monsigneu, si cela vous plaira.
Ligne 3 249 :
{{personnage|Le Comte}}
Ton zèle me plaît ; vas-y : mais vous
{{personnage|Gripe-Soleil}},
Oh ! moi, je suis de la ? ...
{{personnage|Bazile}},
Que j’accompagne Gripe-Soleil en jouant ? ...
Ligne 3 261 :
{{personnage|Le Comte}}
C’est votre emploi. Partez ou je vous chasse.
Ligne 3 267 :
{{scène|23}}
{{personnage|Bazile}},
Ah ! je n’irai pas lutter contre le pot de fer, moi qui ne suis...
Ligne 3 277 :
Qu’une cruche.
{{personnage|Bazile}},
Au lieu d’aider à leur mariage, je m’en vais assurer le mien avec Marceline.
{{personnage|Figaro}}
Conclure ! oh ! va, ne crains rien, quand même tu ne reviendrais jamais... Tu n’as pas l’air en train de chanter, veux-tu que je commence ? ... Allons, gai, haut la-mi-la pour ma fiancée.
SEGUEDILLE : Air noté.
Ligne 3 321 :
{{scène|24}}
{{personnage|La Comtesse}},
Vous voyez, Suzanne, la jolie scène que votre étourdi m’a value avec son billet.
Ligne 3 381 :
{{personnage|La Comtesse}}
Non, non. Il voudrait mettre ici du sien... Mon masque de velours et ma canne ; que j’aille y rêver sur la terrasse.
Ligne 3 387 :
{{scène|25}}
{{personnage|La Comtesse}},
Il est assez effronté, mon petit projet !
Ligne 3 395 :
{{scène|26}}
{{personnage|Suzanne}}
Ligne 3 405 :
Souviens-toi que je t’ai défendu d’en dire un mot à Figaro.
{{personnage|Suzanne}},
Madame, il est charmant votre projet ! je viens d’y réfléchir. Il rapproche tout, termine tout, embrasse tout ; et, quelque chose qui arrive, mon mariage est maintenant certain.
Pendant l’entracte, des valets arrangent la salle d’audience : on apporte les deux banquettes à dossier des avocats, que l’on place aux deux colis du théâtre, de façon que le passage soit libre par-derrière. On pose une estrade à deux marches dans le milieu du théâtre, vers le fond, sur laquelle on place le fauteuil du Comte. On met la table du greffier et son tabouret de côté sur le devant, et des sièges pour Brid’oison et d’autres juges, des deux côtés de l’estrade du Comte.
Ligne 3 415 :
{{acte|III}}
Ligne 3 421 :
{{scène|1}}
{{personnage|Le Comte}},
M’as-tu bien entendu ?
Ligne 3 429 :
{{personnage|Pédrille}}
Excellence, oui.
Ligne 3 435 :
{{scène|2}}
{{personnage|Le Comte}},
Pédrille !
Ligne 3 443 :
{{scène|3}}
{{personnage|Pédrille}}
Ligne 3 505 :
{{scène|4}}
{{personnage|Le Comte}},
J’ai fait une gaucherie en éloignant Bazile ! ... la colère n’est bonne à rien. - Ce billet remis par lui, qui m’avertit d’une entreprise sur la Comtesse ; la camariste enfermée quand j’arrive ; la maîtresse affectée d’une terreur fausse ou vraie ; un homme qui saute par la fenêtre, et l’autre après qui avoue... ou qui prétend que c’est lui... Le fil m’échappe. Il y a là-dedans une obscurité... Des libertés chez mes vassaux, qu’importe à gens de cette étoffe ? Mais la Comtesse ! si quelque insolent attentait... Où m’égaré-je ? En vérité, quand la tête se monte, l’imagination la mieux réglée devient folle comme un rêve ! - Elle s’amusait : ces ris étouffés, cette joie mal éteinte ! - Elle se respecte ; et mon honneur... où diable on l’a placé ! De l’autre part, où suis-je ? cette friponne de Suzanne a-t-elle trahi mon secret ? ... comme il n’est pas encore le sien... Qui donc m’enchaîne à cette fantaisie ? j’ai voulu vingt fois y renoncer... Etrange effet de l’irrésolution ! si je la voulais sans débat, je la désirerais mille fois moins. - Ce Figaro se fait bien attendre ! il faut le sonder adroitement
Ligne 3 513 :
{{scène|5}}
{{personnage|Figaro}},
Nous y voilà.
Ligne 3 523 :
... S’il en sait par elle un seul mot...
{{personnage|Figaro}},
je m’en suis douté.
Ligne 3 531 :
... Je lui fais épouser la vieille.
{{personnage|Figaro}},
Les amours de monsieur Bazile ?
Ligne 3 539 :
... Et voyons ce que nous ferons de la jeune.
{{personnage|Figaro}},
Ah ! ma femme, s’il vous plaît.
{{personnage|Le Comte}},
Hein ? quoi ? qu’est-ce que c’est ?
{{personnage|Figaro}}
Moi, qui me rends à vos ordres.
Ligne 3 559 :
Je n’ai rien dit.
{{personnage|Le Comte}}
Ma femme, s’il vous plaît ?
Ligne 3 567 :
C’est... la fin d’une réponse que je faisais : allez le dire à ma femme, s’il vous plaît.
{{personnage|Le Comte}}
Sa femme ! ... Je voudrais bien savoir quelle affaire peut arrêter monsieur, quand je le fais appeler ?
{{personnage|Figaro}},
Je m’étais sali sur ces couches en tombant ; je me changeais.
Ligne 3 607 :
Sur un faux avis, vous arrivez furieux, renversant tout, comme le torrent de la Morena ; vous cherchez un homme, il vous le faut, ou vous allez briser les portes, enfoncer les cloisons ! Je me trouve là par hasard : qui sait dans votre emportement si...
{{personnage|Le Comte}},
Vous pouviez fuir par l’escalier.
Ligne 3 615 :
Et vous, me prendre au corridor.
{{personnage|Le Comte}},
Au corridor !
{{personnage|Figaro}},
Voyons-le venir, et jouons serré.
{{personnage|Le Comte}},
Ce n’est pas ce que je voulais dire ; laissons cela. J’avais... oui, j’avais quelque envie de t’emmener à Londres courrier de dépêches... mais, toutes réflexions faites...
Ligne 3 653 :
{{personnage|Figaro}}
Diable ! c’est une belle langue que l’anglais ! il en faut peu pour aller loin. Avec God-dam, en Angleterre, on ne manque de rien nulle part, - Voulez-vous tâter d’un bon poulet gras ? entrez dans une taverne, et faites seulement ce geste au garçon.
{{personnage|Le Comte}},
Il veut venir à Londres ; elle n’a pas parlé.
{{personnage|Figaro}},
Il croit que je ne sais rien ; travaillons-le un peu dans son genre.
Ligne 3 721 :
{{personnage|Le Comte}}
À la fortune ?
{{personnage|Figaro}},
À mon tour maintenant.
{{personnage|Le Comte}}
Ligne 3 767 :
La politique, l’intrigue, volontiers ; mais, comme je les crois un peu germaines, en fasse qui voudra ! J’aime mieux ma mie, ô gué ! comme dit la chanson du bon Roi.
{{personnage|Le Comte}},
Il veut rester. J’entends... Suzanne m’a trahi.
{{personnage|Figaro}},
Je l’enfile, et le paye en sa monnaie.
Ligne 3 783 :
Me feriez-vous un crime de refuser une vieille fille, quand Votre Excellence se permet de nous souffler toutes les jeunes !
{{personnage|Le Comte}},
Au tribunal le magistrat s’oublie, et ne voit plus que l’ordonnance.
Ligne 3 799 :
Eh ! qui le sait, Monseigneur ? Tempo è galant’uomo, dit l’Italien ; il dit toujours la vérité : c’est lui qui m’apprendra qui me veut du mal, ou du bien.
{{personnage|Le Comte}},
Je vois qu’on lui a tout dit ; il épousera la duègne.
{{personnage|Figaro}},
Il a joué au fin avec moi, qu’a-t-il appris ?
Ligne 3 811 :
{{scène|6}}
{{personnage|Le laquais}},
Dom Gusman Brid’oison.
Ligne 3 827 :
{{personnage|Le Comte}}
Qu’il attende.
Ligne 3 833 :
{{scène|7}}
{{personnage|Figaro}}
... Est-ce là ce que Monseigneur voulait ?
{{personnage|Le Comte}},
Moi ? ... je disais d’arranger ce salon pour l’audience publique.
Ligne 3 845 :
{{personnage|Figaro}}
Hé ! qu’est-ce qu’il manque ? Le grand fauteuil pour vous, de bonnes chaises aux prud’hommes, le tabouret du greffier, deux banquettes aux avocats, le plancher pour le beau monde et la canaille derrière. Je vais renvoyer les frotteurs.
Ligne 3 851 :
{{scène|8}}
{{personnage|Le Comte}},
Le maraud m’embarrassait ! en disputant, il prend son avantage, il vous serre, vous enveloppe... Ah ! friponne et fripon, vous vous entendez pour me jouer ? Soyez amis, soyez amants, soyez ce qu’il vous plaira, j’y consens ; mais parbleu, pour époux...
Ligne 3 859 :
{{scène|9}}
{{personnage|Suzanne}},
Monseigneur... pardon, Monseigneur.
{{personnage|Le Comte}},
Qu’est-ce qu’il y a, mademoiselle ?
Ligne 3 877 :
Vous voulez quelque chose apparemment ?
{{personnage|Suzanne}},
C’est que ma maîtresse a ses vapeurs. J’accourais vous prier de nous prêter votre flacon d’éther. Je l’aurais rapporté dans l’instant,
{{personnage|Le Comte}},
Non, non, gardez-le pour vous-même. Il ne tardera pas à vous être utile.
Ligne 3 901 :
Que je vous ai promise, moi ?
{{personnage|Suzanne}},
Monseigneur, j’avais cru l’entendre.
Ligne 3 909 :
Oui, si vous consentiez à m’entendre vous-même.
{{personnage|Suzanne}},
Et n’est-ce pas mon devoir d’écouter Son Excellence ?
Ligne 3 953 :
Dame ! oui, je lui dis tout... hors ce qu’il faut lui taire,
{{personnage|Le Comte}},
Ah ! charmante ! Et tu me le promets ? Si tu manquais à ta parole, entendons-nous, mon cœur : point de rendez-vous, point de dot, point de mariage.
{{personnage|Suzanne}},
Mais aussi point de mariage, point de droit du seigneur, Monseigneur.
Ligne 3 965 :
Où prend-elle ce qu’elle dit ? d’honneur j’en raffolerai ! Mais ta maîtresse attend le flacon...
{{personnage|Suzanne}},
Aurais-je pu vous parler sans un prétexte ?
{{personnage|Le Comte}}
Délicieuse créature !
{{personnage|Suzanne}}
Voilà du monde.
{{personnage|Le Comte}},
Elle est à moi.
{{personnage|Suzanne}}
Ligne 3 989 :
{{scène|10}}
{{personnage|Figaro}}
Ligne 3 997 :
{{personnage|Suzanne}}
Plaide à présent, si tu le veux ; tu viens de gagner ton procès.
{{personnage|Figaro}}
Ah ! mais, dis donc...
Ligne 4 007 :
{{scène|11}}
{{personnage|Le Comte}}
Tu viens de gagner ton procès ! - Je donnais là dans un bon piège ! Ô mes chers insolents ! je vous punirai de façon... Un bon arrêt, bien juste... Mais s’il allait payer la duègne... Avec quoi... S’il payait... Eeeeh ! n’ai-je pas le fier Antonio, dont le noble orgueil dédaigne en Figaro un inconnu pour sa nièce ? En caressant cette manie... Pourquoi non ? dans le vaste champ de l’intrigue il faut savoir tout cultiver, jusqu’à la vanité d’un sot.
Ligne 4 015 :
{{scène|12}}
{{personnage|Marceline}},
Monsieur, écoutez mon affaire.
{{personnage|Brid’oison}},
Eh bien ! pa-arlons-en verbalement.
Ligne 4 071 :
{{personnage|Marceline}}
Non, monsieur.
{{personnage|Brid’oison}}
Ligne 4 077 :
Est-ce que j’ai a-acheté ma charge pour autre chose ?
{{personnage|Marceline}},
C’est un grand abus que de les vendre !
Ligne 4 089 :
{{scène|13}}
{{personnage|Marceline}},
Monsieur, contre ce malhonnête homme.
{{personnage|Figaro}},
Je vous gêne peut-être. - Monseigneur revient dans l’instant, monsieur le conseiller.
Ligne 4 181 :
{{scène|14}}
{{personnage|L’huissier}},
Monseigneur, messieurs.
Ligne 4 195 :
C’è-est vous qui l’êtes, monsieur le Comte. Mais je ne vais jamais san-ans elle, parce que la forme, voyez-vous, la forme ! Tel rit d’un juge en habit court, qui-i tremble au seul aspect d’un procureur en robe. La forme, la-a forme !
{{personnage|Le Comte}},
Faites entrer l’audience.
{{personnage|L’huissier}}
L’audience !
Ligne 4 207 :
{{scène|15}}
{{personnage|Brid’oison}},
Double-Main, a-appelez les causes.
{{personnage|Double-Main}}
"Noble, très noble, infiniment noble, don Pedro George, hidalgo, baron de Los Altos, y Montes Fieros, y Otros Montes ; contre Alonzo Calderon, jeune auteur dramatique. Il est question d’une comédie mort-née, que chacun désavoue et rejette sur l’autre."
Ligne 4 221 :
Ils ont raison tous deux. Hors de cour. S’ils font ensemble un autre ouvrage, pour qu’il marque un peu dans le grand monde, ordonné que le noble y mettra son nom, le poète son talent.
{{personnage|Double-Main}}
"André Pétrutebio, laboureur ; contre le receveur de la province." Il s’agit d’un forcement arbitraire.
Ligne 4 229 :
L’affaire n’est pas de mon ressort. Je servirai mieux mes vassaux en les protégeant près du Roi. Passez.
{{personnage|Double-Main}}
"Barbe - Agar - Raab - Magdelaine - Nicole - Marceline de Verte-Allure, fille majeure
{{personnage|Figaro}}
Ligne 4 245 :
C’est le mien.
{{personnage|Double-Main}}
Contre anonyme Figaro. Qualités ?
Ligne 4 255 :
{{personnage|Le Comte}}
Vous êtes gentilhomme ?
{{personnage|Figaro}}
Ligne 4 261 :
Si le ciel l’eût voulu, je serais fils d’un prince
{{personnage|Le Comte}},
Allez.
{{personnage|L’Huissier}},
Silence ! messieurs.
{{personnage|Double-Main}}
"... Pour cause d’opposition faite au mariage dudit Figaro par ladite de Verte-Allure. Le docteur Bartholo plaidant pour la demanderesse, et ledit Figaro pour lui-même, si la cour le permet, contre le vœu de l’usage et la jurisprudence du siège."
Ligne 4 285 :
Oui, promesse !
{{personnage|Bartholo}},
Elle est précise.
Ligne 4 297 :
Silence donc, messieurs !
{{personnage|L’Huissier}},
Silence !
{{personnage|Bartholo}}
"Je soussigné reconnais avoir reçu de damoiselle, etc. Marceline de Verte-Allure dans le château d’Aguas-Frescas, la somme de deux mille piastres fortes cordonnées, laquelle somme je lui rendrai à sa réquisition, dans ce château ; et je l’épouserai, par forme de reconnaissance, etc. Signé Figaro, tout court." Mes conclusions sont au paiement du billet et à l’exécution de la promesse, avec dépens.
{{personnage|Le Comte}},
Avant d’aller plus loin, avocat, convient-on de la validité du titre ?
{{personnage|Brid’oison}},
Qu’oppo... qu’oppo-osez-vous à cette lecture ?
Ligne 4 333 :
Dou-ouble-Main, lisez vous-même.
{{personnage|Double-Main}},
Et c’est le plus sûr ; car souvent les parties déguisent en lisant.
{{personnage|Brid’oison}}
Ligne 4 341 :
Un pâ-âté ? je sais ce que c’est.
{{personnage|Bartholo}},
Je soutiens, moi, que c’est la conjonction copulative ET qui lie les membres corrélatifs de la phrase ; je payerai la demoiselle, ET je l’épouserai.
{{personnage|Figaro}},
Je soutiens, moi, que c’est la conjonction alternative OU qui sépare lesdits membres ; je payerai la donzelle, OU je l’épouserai. À pédant, pédant et demi. Qu’il s’avise de parler latin, j’y suis grec ; je l’extermine.
Ligne 4 363 :
{{personnage|Bartholo}}
Et nous y adhérons. Un si mauvais refuge ne sauvera pas le coupable. Examinons le titre en ce sens.
{{personnage|Figaro}}
Ligne 4 369 :
Point du tout : la phrase est dans le sens de celle-ci : "ou la maladie vous tuera, ou ce sera le médecin" ; ou bien le médecin ; c’est incontestable. Autre exemple : "ou vous n’écrirez rien qui plaise, ou les sots vous dénigreront" ; ou bien les sots ; le sens est clair ; car, audit cas, sots ou méchants sont le substantif qui gouverne. Maître Bartholo croit-il donc que j’aie oublié ma syntaxe ? Ainsi, je la payerai dans ce château, virgule, ou je l’épouserai...
{{personnage|Bartholo}},
Sans virgule.
{{personnage|Figaro}},
Elle y est. C’est, virgule, messieurs, ou bien je l’épouserai.
{{personnage|Bartholo}},
Sans virgule, messieurs.
{{personnage|Figaro}},
Elle y était, messieurs. D’ailleurs, l’homme qui épouse est-il tenu de rembourser ?
{{personnage|Bartholo}},
Oui ; nous nous marions séparés de biens.
{{personnage|Figaro}},
Et nous de corps, dès que mariage n’est pas quittance.
{{personnage|Bartholo}}
Ligne 4 401 :
Silence, messieurs !
{{personnage|L’Huissier}},
Silence !
Ligne 4 419 :
{{personnage|Figaro}}
Continuez à déraisonner, mais cessez d’injurier. Lorsque, craignant l’emportement des plaideurs, les tribunaux ont toléré qu’on appelât des tiers, ils n’ont pas entendu que ces défenseurs modérés deviendraient impunément des insolents privilégiés. C’est dégrader le plus noble institut.
{{personnage|Antonio}},
Qu’ont-ils tant à balbucifier ?
Ligne 4 429 :
On a corrompu le grand juge ; il corrompt l’autre, et je perds mon procès.
{{personnage|Bartholo}},
J’en ai peur.
{{personnage|Figaro}},
Courage, Marceline !
{{personnage|Double-Main}}
Ah ! c’est trop fort ! je vous dénonce ; et, pour l’honneur du tribunal, je demande qu’avant faire droit sur l’autre affaire, il soit prononcé sur celle-ci.
{{personnage|Le Comte}}
Non, greffier, je ne prononcerai point sur mon injure personnelle ; un juge espagnol n’aura point à rougir d’un excès digne au plus des tribunaux asiatiques : c’est assez des autres abus ! J’en vais corriger un second, en vous motivant mon arrêt : tout juge qui s’y refuse est un grand ennemi des lois. Que peut requérir la demanderesse ? mariage à défaut de paiement : les deux ensemble impliqueraient.
Ligne 4 449 :
Silence, messieurs !
{{personnage|L’Huissier}},
Silence.
Ligne 4 457 :
Que nous répond le défendeur ? qu’il veut garder sa personne ; à lui permis.
{{personnage|Figaro}},
J’ai gagné !
Ligne 4 463 :
{{personnage|Le Comte}}
Mais comme le texte dit : "Laquelle somme je payerai à sa première réquisition, ou bien j’épouserai, etc.", la cour condamne le défendeur à payer deux mille piastres fortes à la demanderesse, ou bien à l’épouser dans le jour.
{{personnage|Figaro}},
J’ai perdu.
{{personnage|Antonio}},
Superbe arrêt !
Ligne 4 481 :
En ce que tu n’es plus mon neveu. Grand merci, monseigneur.
{{personnage|L’Huissier}},
Passez, messieurs.
{{personnage|Antonio}}
Je m’en vas tout conter à ma nièce
Ligne 4 493 :
{{scène|16}}
{{personnage|Marceline}},
Ah ! je respire !
Ligne 4 503 :
Et moi, j’étouffe.
{{personnage|Le Comte}},
Au moins je suis vengé, cela soulage.
{{personnage|Figaro}},
Et ce Bazile qui devait s’opposer au mariage de Marceline, voyez comme il revient ! -
{{personnage|Le Comte}}
Ligne 4 515 :
Tout est jugé.
{{personnage|Figaro}},
C’est ce gros enflé de conseiller...
Ligne 4 525 :
{{personnage|Figaro}}
Sans doute. Et je ne l’épouserai pas : je suis gentilhomme, une fois.
{{personnage|Bartholo}}
Ligne 4 551 :
Enfant perdu, docteur, ou plutôt enfant volé.
{{personnage|Le Comte}}
Volé, perdu, la preuve ? Il crierait qu’on lui fait injure !
Ligne 4 557 :
{{personnage|Figaro}}
Monseigneur, quand les langes à dentelles, tapis brodés et joyaux d’or trouvés sur moi par les brigands n’indiqueraient pas ma haute naissance, la précaution qu’on avait prise de me faire des marques distinctives témoignerait assez combien j’étais un fils précieux : et cet hiéroglyphe à mon bras...
{{personnage|Marceline}},
Une spatule à ton bras droit ?
Ligne 4 575 :
Oui, c’est moi.
{{personnage|Bartholo}},
Et qui ? lui !
{{personnage|Marceline}},
C’est Emmanuel.
{{personnage|Bartholo}},
Tu fus enlevé par des bohémiens ?
{{personnage|Figaro}},
Tout près d’un château. Bon docteur, si vous me rendez à ma noble famille, mettez un prix à ce service ; des monceaux d’or n’arrêteront pas mes illustres parents.
{{personnage|Bartholo}},
Voilà ta mère.
Ligne 4 611 :
Expliquez-vous.
{{personnage|Marceline}},
Voilà ton père.
{{personnage|Figaro}},
Oooh ! aie de moi !
Ligne 4 627 :
Jamais.
{{personnage|Le Comte}},
Sa mère !
Ligne 4 655 :
Des fautes si connues ! une jeunesse déplorable !
{{personnage|Marceline}},
Oui, déplorable, et plus qu’on ne croit ! Je n’entends pas nier mes fautes ; ce jour les a trop bien prouvées ! mais qu’il est dur de les expier après trente ans d’une vie modeste ! J’étais née, moi, pour être sage, et je la suis devenue sitôt qu’on m’a permis d’user de ma raison. Mais dans l’âge des illusions, de l’inexpérience et des besoins, où les séducteurs nous assiègent pendant que la misère nous poignarde, que peut opposer une enfant à tant d’ennemis rassemblés ? Tel nous juge ici sévèrement, qui, peut-être, en sa vie a perdu dix infortunées !
Ligne 4 663 :
Les plus coupables sont les moins généreux ; c’est la règle.
{{personnage|Marceline}},
Hommes plus qu’ingrats, qui flétrissez par le mépris les jouets de vos passions, vos victimes ! c’est vous qu’il faut punir des erreurs de notre jeunesse ; vous et vos magistrats, si vains du droit de nous juger, et qui nous laissent enlever, par leur coupable négligence, tout honnête moyen de subsister. Est-il un seul état pour les malheureuses filles ? Elles avaient un droit naturel à toute la parure des femmes : on y laisse former mille ouvriers de l’autre sexe.
{{personnage|Figaro}},
Ils font broder jusqu’aux soldats !
{{personnage|Marceline}},
Dans les rangs même plus élevés, les femmes n’obtiennent de vous qu’une considération dérisoire ; leurrées de respects apparents, dans une servitude réelle ; traitées en mineures pour nos biens, punies en majeures pour nos fautes ! Ah ! sous tous les aspects, votre conduite avec nous fait horreur ou pitié !
Ligne 4 679 :
Elle a raison !
{{personnage|Le Comte}},
Que trop raison !
Ligne 4 699 :
Sot événement qui me dérange !
{{personnage|Brid’oison}},
Et la noblesse, et le château ? Vous impo-osez à la justice !
Ligne 4 705 :
{{personnage|Figaro}}
Elle allait me faire faire une belle sottise, la justice ! Après que j’ai manqué, pour ces maudits cent écus, d’assommer vingt fois monsieur, qui se trouve aujourd’hui mon père ! Mais puisque le ciel sauvé ma vertu de ces dangers, mon père, agréez mes excuses... et vous, ma mère, embrassez-moi... le plus maternellement que vous pourrez
Ligne 4 711 :
{{scène|17}}
{{personnage|Suzanne}},
Monseigneur, arrêtez ; qu’on ne les marie pas : je viens payer madame avec la dot que ma maîtresse me donne.
{{personnage|Le Comte}},
Au diable la maîtresse ! Il semble que tout conspire...
Ligne 4 725 :
{{scène|18}}
{{personnage|Antonio}},
Ah ! oui, payer ! Tiens, tiens.
{{personnage|Suzanne}},
J’en vois assez : sortons, mon oncle.
{{personnage|Figaro}},
Non, s’il vous plaît. Que vois-tu donc ?
Ligne 4 747 :
Pas plus de l’une que de l’autre.
{{personnage|Suzanne}},
Et que tu l’épouses à gré, puisque tu la caresses.
{{personnage|Figaro}},
Je la caresse, mais je ne l’épouse pas.
{{personnage|Suzanne}}
Vous êtes bien insolent d’oser me retenir !
{{personnage|Figaro}},
C’est-il çà de l’amour ! Avant de nous quitter, je t’en supplie, envisage bien cette chère femme-là.
Ligne 4 779 :
Et vive la jalousie ! elle ne vous marchande pas.
{{personnage|Marceline}},
Embrasse ta mère, ma jolie Suzannette. Le méchant qui te tourmente est mon fils.
{{personnage|Suzanne}},
Vous, sa mère !
{{personnage|Antonio}}
Ligne 4 795 :
... Que je le sais.
{{personnage|Marceline}},
Non, mon cœur entraîné vers lui ne se trompait que de motif ; c’était le sang qui me parlait.
Ligne 4 803 :
Et moi le bon sens, ma mère, qui me servait d’instinct quand je vous refusais ; car j’étais loin de vous haïr, témoin l’argent...
{{personnage|Marceline}},
Il est à toi : reprends ton billet, c’est ta dot.
{{personnage|Suzanne}}
Prends encore celle-ci.
Ligne 4 815 :
Grand merci.
{{personnage|Marceline}},
Fille assez malheureuse, j’allais devenir la plus misérable des femmes, et je suis la plus fortunée des mères ! Embrassez-moi, mes deux enfants ; j’unis dans vous toutes mes tendresses. Heureuse autant que je puis l’être, ah ! mes enfants, combien je vais aimer !
{{personnage|Figaro}},
''
Arrête donc, chère mère ! arrête donc ! voudrais-tu voir se fondre en eau mes yeux noyés des premières larmes que je connaisse ? Elles sont de joie, au moins. Mais quelle stupidité ! j’ai manqué d’en être honteux : je les sentais couler entre mes doigts : regarde ;
{{personnage|Marceline}}
Ligne 4 831 :
Mon cher ami !
{{personnage|Brid’oison}},
Et bien ! moi, je suis donc bê-ête aussi !
{{personnage|Figaro}},
Chagrin, c’est maintenant que je puis te défier ! Atteins-moi, si tu l’oses, entre ces deux femmes chéries.
{{personnage|Antonio}},
Pas tant de cajoleries, s’il vous plaît. En fait de mariage dans les familles, celui des parents va devant, savez. Les vôtres se baillent-ils la main ?
Ligne 4 847 :
Ma main ! puisse-t-elle se dessécher et tomber, si jamais je la donne à la mère d’un tel drôle !
{{personnage|Antonio}},
Vous n’êtes donc qu’un père marâtre ?
{{personnage|Suzanne}}
Ligne 4 865 :
{{personnage|Antonio}}
Tarare ! ... Il ne l’aura jamais.
Ligne 4 871 :
{{scène|19}}
{{personnage|Bartholo}},
Et cherche à présent qui t’adopte.
{{personnage|Marceline}},
Arrêtez, docteur, ne sortez pas !
{{personnage|Figaro}},
Non, tous les sots d’Andalousie sont, je crois, déchaînés contre mon pauvre mariage !
{{personnage|Suzanne}},
Bon petit papa, c’est votre fils.
{{personnage|Marceline}},
De l’esprit, des talents, de la figure.
{{personnage|Figaro}},
Et qui ne vous a pas coûté une obole.
Ligne 4 901 :
Et les cent écus qu’il m’a pris ?
{{personnage|Marceline}},
Nous aurons tant soin de vous, papa !
{{personnage|Suzanne}},
Nous vous aimerons tant, petit papa !
{{personnage|Bartholo}},
Papa ! bon papa ! petit papa ! Voilà que je suis plus bête encore que monsieur, moi.
{{personnage|Figaro}}
Ligne 4 919 :
{{personnage|Tous ensemble}}
Courons, courons.
Ligne 4 925 :
{{scène|20}}
{{personnage|Brid’oison}},
Plus bê-ête encore que monsieur ! On peut se dire à soi-même ces-es sortes de choses-là, mais... I-ils ne sont pas polis du tout dan-ans cet endroit-ci.
Ligne 4 933 :
{{acte|IV}}
Ligne 4 939 :
{{scène|1}}
Figaro,
Hé bien ! amour, es-tu contente ? Elle a converti son docteur, cette fine langue dorée de ma mère ! Malgré sa répugnance, il l’épouse, et ton bourru d’oncle est bridé ; il n’y a que Monseigneur qui rage, car enfin notre hymen va devenir le prix du leur. Ris donc un peu de ce bon résultat.
Ligne 4 959 :
{{personnage|Figaro}}
Le hasard a mieux fait que nous tous, ma petite : ainsi va le monde ; on travaille, on projette, on arrange d’un côté ; la fortune accomplit de l’autre : et depuis l’affamé conquérant qui voudrait avaler la terre, jusqu’au paisible aveugle qui se laisse mener par son chien, tous sont le jouet de ses caprices ; encore l’aveugle au chien est-il souvent mieux conduit, moins trompé dans ses vues, que l’autre aveugle avec son entourage. - Pour cet aimable aveugle qu’on nomme Amour...
{{personnage|Suzanne}}
Ligne 5 055 :
{{personnage|Figaro}}
Tiens parole, et tu feras une belle exception à l’usage.
Ligne 5 061 :
{{scène|2}}
{{personnage|La Comtesse}}
Ligne 5 069 :
{{personnage|Figaro}}
Il est vrai, madame, je m’oublie. je vais leur montrer mon excuse.
La Comtesse la retient.
Ligne 5 079 :
{{scène|3}}
{{personnage|La Comtesse}}
Ligne 5 115 :
{{personnage|La Comtesse}}
Qu’enfin, d’accord avec le Comte, il vous fâche à présent de m’avoir confié ses projets. Je vous sais par cœur. Laissez-moi.
Suzanne
Au nom du ciel, espoir de tous ! Vous ne savez pas, madame, le mal que vous faites à Suzanne ! Après vos bontés continuelles et la dot que vous me donnez ! ...
La Comtesse
Hé mais... je ne sais ce que je dis ! En me cédant ta place au jardin, tu n’y vas pas, mon cœur ; tu tiens parole à ton mari, tu m’aides à ramener le mien.
Ligne 5 131 :
{{personnage|La Comtesse}}
C’est que je ne suis qu’une étourdie.
Suzanne, lui baise la main.
Ligne 5 155 :
{{personnage|La Comtesse}}
Je mets tout sur mon compte.
Chanson nouvelle, sur l’air... "Qu’il fera beau ce soir sous les grands marronniers... Qu’il fera beau ce soir... "
Ligne 5 169 :
Suzanne relit.
C’est juste.
{{personnage|La Comtesse}}
Ligne 5 189 :
La Comtesse détache sa lévite.
Prends celle-ci.
Suzanne le ramasse.
Ligne 5 211 :
{{scène|4}}
{{personnage|Fanchette}}
Ligne 5 217 :
Madame, ce sont les filles du bourg qui viennent vous présenter des fleurs.
La Comtesse,
Elles sont charmantes. Je me reproche, mes belles petites, de ne pas vous connaître toutes.
Une Bergère
Ligne 5 227 :
{{personnage|La Comtesse}}
Elle est jolie. Ne pouvant porter vingt bouquets, faisons honneur à l’étrangère.
{{personnage|Suzanne}}
Ligne 5 233 :
À s’y méprendre, en vérité.
Chérubin,
Ah ! ce baiser-là m’a été bien loin !
Ligne 5 241 :
{{scène|5}}
{{personnage|Antonio}}
Moi je vous dis, Monseigneur, qu’il y est ; elles l’ont habillé chez ma fille ; toutes ses hardes y sont encore, et voilà son chapeau d’ordonnance que j’ai retiré du paquet.
La Comtesse recule.
Ligne 5 275 :
Je serais coupable, en effet, si je dissimulais encore. Il était descendu chez moi. Nous entamions le badinage que ces enfants viennent d’achever ; vous nous avez surprises l’habillant : votre premier mouvement est si vif ! il s’est sauvé, je me suis troublée ; l’effroi général a fait le reste.
Le Comte,
Pourquoi n’êtes-vous pas parti ?
Ligne 5 299 :
Oui, Monseigneur. Au lieu de punir Chérubin, donnez-le-moi en mariage, et je vous aimerai à la folie.
Le Comte,
Etre ensorcelé par un page !
Ligne 5 319 :
{{scène|6}}
{{personnage|Figaro}}
Ligne 5 329 :
Vous, danser ! vous n’y pensez pas. Après votre chute de ce matin, qui vous a foulé le pied droit !
Figaro,
Je souffre encore un peu ; ce n’est rien.
Le Comte le retourne.
Ligne 5 373 :
Figaro, surpris.
Chérubin ! ...
{{personnage|Antonio}}
Ligne 5 405 :
{{personnage|Figaro}}
On aurait sauté deux douzaines. Et qu’est-ce que cela fait, Monseigneur, dès qu’il n’y a personne de blessé ?
Le Comte, outré.
Jouons-nous une comédie ?
{{personnage|Figaro}}
Voilà le signal de la marche. À vos postes, les belles, à vos postes. Allons, Suzanne, donne-moi le bras.
Ligne 5 419 :
{{scène|7}}
Le Comte,
En voit-on de plus audacieux ?
{{personnage|La Comtesse}}
Ligne 5 431 :
Chérubin, étourdiment.
M’ennuyer ! j’emporte à mon front du bonheur pour plus de cent années de prison,
Ligne 5 437 :
{{scène|8}}
{{personnage|Le Comte}}
Ligne 5 443 :
Qu’a-t-il au front de si heureux ?
La Comtesse,
Son... premier chapeau d’officier, sans doute ; aux enfants tout sert de hochet.
{{personnage|Le Comte}}
Ligne 5 465 :
Le Comte, à part.
La noce ! Il faut souffrir ce qu’on ne peut empêcher.
Ligne 5 557 :
{{personnage|La Comtesse}}
Suzanne ! ... Elle reviendra.
{{personnage|Marceline}}
Ligne 5 571 :
{{scène|10}}
Bazile entre en chantant sur l’air du vaudeville de la fin. (Air noté.)
Ligne 5 759 :
Le Comte, à part.
Moi, ma maîtresse !
Brid’oison, à Marceline.
Ligne 5 771 :
Tous ensemble
Vivat !
{{personnage|Le Comte}}
J’ai besoin d’une heure de retraite.
Ligne 5 781 :
{{scène|12}}
Gripe-Soleil, à Figaro.
Ligne 5 805 :
{{personnage|Le Comte}}
Sous les grands marronniers ! belle idée !
Ligne 5 811 :
{{scène|13}}
{{personnage|Figaro}}
Quel excès d’attention pour sa femme !
Marceline l’arrête.
Ligne 5 831 :
{{personnage|Figaro}}
... N’est qu’un sot enfant de l’orgueil, ou c’est la maladie d’un fou. Oh ! j’ai là-dessus, ma mère, une philosophie... imperturbable ; et si Suzanne doit me tromper un jour, je le lui pardonne d’avance ; elle aura longtemps travaillé...
Ligne 5 837 :
{{scène|14}}
{{personnage|Figaro}}
Ligne 5 923 :
{{scène|15}}
{{personnage|Figaro}}
Ligne 5 949 :
Ce cœur plein d’assurance n’était donc qu’un ballon gonflé ? une épingle a tout fait partir !
Figaro,
Mais cette épingle, ma mère, est celle qu’il a ramassée !
Ligne 5 957 :
La jalousie ! oh ! j’ai là-dessus, ma mère, une philosophie...imperturbable ; et si Suzanne m’attrape un jour, je le lui pardonne...
Figaro,
Oh, ma mère ! on parle comme on sent : mettez le plus glacé des juges à plaider dans sa propre cause, et voyez-le expliquer la loi ! - Je ne m’étonne plus s’il avait tant d’humeur sur ce feu ! - Pour la mignonne aux fines épingles, elle n’en est pas où elle le croit, ma mère, avec ses marronniers ! Si mon mariage est assez fait pour légitimer ma colère, en revanche il ne l’est pas assez pour que je n’en puisse épouser une autre, et l’abandonner...
Ligne 5 965 :
Bien conclu ! Abîmons tout sur un soupçon. Qui t’a prouvé dis-moi, que c’est toi qu’elle joue, et non le Comte ? L’as-tu étudiée de nouveau, pour la condamner sans appel ? Sais-tu si elle se rendra sous les arbres, à quelle intention elle y va ? ce qu’elle y dira, ce qu’elle y fera ? Je te croyais plus fort en jugement !
Figaro,
Elle a raison, ma mère ; elle a raison, raison, toujours raison ! Mais accordons, maman, quelque chose à la nature : on en vaut mieux après. Examinons en effet avant d’accuser et d’agir. je sais où est le rendez-vous. Adieu, ma mère.
Ligne 5 973 :
{{scène|16}}
{{personnage|Marceline}},
Adieu. Et moi aussi, je le sais. Après l’avoir arrêté, veillons sur les voies de Suzanne, ou plutôt avertissons-la ; elle est si jolie créature ! Ah ! quand l’intérêt personnel ne nous arme point les unes contre les autres, nous sommes toutes portées à soutenir notre pauvre sexe opprimé contre ce fier, ce terrible...
Ligne 5 987 :
{{scène|1}}
{{personnage|Fanchette}},
Dans le pavillon à gauche, a-t-il dit. C’est celui-ci. - S’il allais ne pas venir à présent ! mon petit rôle... Ces vilaines gens de l’office qui ne voulaient pas seulement me donner une orange et deux biscuits ! - Pour qui, mademoiselle ? - Eh bien, monsieur, c’est pour quelqu’un. - Oh ! nous savons. - Et quand ça serait ? Parce que Monseigneur ne veut pas le voir, faut-il qu’il meure de faim ? - Tout ça pourtant m’a coûté un fier baiser sur la joue ! ... Que sait-on ? il me le rendra peut-être.
Ligne 5 999 :
Figaro, d’abord seul.
C’est Fanchette !
{{personnage|Bazile}}
Ligne 6 017 :
Eh ! quels noirs apprêts fais-tu donc ? Il a l’air d’un conspirateur !
Figaro,
N’est-ce pas pour une noce, je vous prie, que vous êtes rassemblés au château ?
Ligne 6 037 :
Ah ! vraiment, je sais ce que c’est. Retirons-nous, si vous m’en croyez : il est question d’un rendez-vous ; je vous conterai cela près d’ici.
Brid’oison,
Nou-ous reviendrons.
Ligne 6 077 :
I-il l’a
Bazile,
Le Comte et sa Suzanne se sont arrangés sans moi ? Je ne suis pas fâché de l’algarade.
Figaro,
Pour vous autres, coquins, à qui j’ai donné l’ordre, illuminez-moi ces entours ; ou, par la mort que je voudrais tenir aux dents, si j’en saisis un par le bras...
Gripe-Soleil s’en va en criant et pleurant. A, a, o, oh ! damné brutal !
Ligne 6 097 :
Figaro, seul, se promenant dans l’obscurité, dit du ton le plus sombre :
Ô femme ! femme ! femme ! créature faible et décevante ! ... nul animal créé ne peut manquer à son instinct : le tien est-il donc de tromper ? ... Après m’avoir obstinément refusé quand je l’en pressais devant sa maîtresse ; à l’instant qu’elle me donne sa parole, au milieu même de la cérémonie... Il riait en lisant, le perfide ! et moi comme un benêt... Non, monsieur le Comte, vous ne l’aurez pas... vous ne l’aurez pas. Parce que vous êtes un grand seigneur, vous vous croyez un grand génie ! ... Noblesse, fortune, un rang, des places, tout cela rend si fier ! Qu’avez-vous fait pour tant de biens ? Vous vous êtes donné la peine de naître, et rien de plus. Du reste, homme assez ordinaire ; tandis que moi, morbleu ! perdu dans la foule obscure, il m’a fallu déployer plus de science et de calculs pour subsister seulement, qu’on n’en a mis depuis cent ans à gouverner toutes les Espagnes : et vous voulez jouter... On vient... c’est elle... ce n’est personne. - La nuit est noire en diable, et me voilà faisant le sot métier de mari quoique je ne le sois qu’à moitié !
Ligne 6 103 :
{{scène|4}}
Suzanne,
Oui, Marceline m’a dit que Figaro y serait.
Ligne 6 119 :
{{personnage|Marceline}}
Pour n’en pas perdre un mot, je vais me cacher dans le pavillon.
Ligne 6 125 :
{{scène|5}}
Suzanne,
Madame tremble ! Est-ce qu’elle aurait froid ?
La Comtesse,
La soirée est humide, je vais me retirer.
Suzanne,
Si madame n’avait pas besoin de moi, je prendrais l’air un moment sous ces arbres.
La Comtesse,
C’est le serein que tu prendras.
Suzanne,
J’y suis toute faite.
Figaro,
Ah oui, le serein !
Ligne 6 155 :
{{scène|6}}
Chérubin,
La, la, la, etc.
Ligne 6 183 :
La Comtesse, à part.
Si le Comte arrivait ! ...
Chérubin, s’approche et prend la main de la Comtesse qui se défend.
Ligne 6 263 :
Suzanne, à part.
Hardi comme un page.
La Comtesse, se retirant.
Ligne 6 271 :
Figaro, à part, entendant le baiser.
J’épousais une jolie mignonne !
Chérubin, tant les habits du Comte.
C’est Monseigneur !
Ligne 6 281 :
{{scène|7}}
Figaro
Je vais...
Le Comte,
Puisque vous ne redoublez pas le baiser...
Figaro,
Ah !
Ligne 6 299 :
... Voilà toujours le premier payé.
Figaro,
Tout n’est pas gain non plus, en écoutant.
Suzanne,
Ah ! ah ! ah ! ah !
Le Comte,
Entend-on quelque chose à ce page ? il reçoit le plus rude soufflet, et s’enfuit en éclatant de rire.
Figaro,
S’il s’affligeait de celui-ci ! ...
Ligne 6 317 :
{{personnage|Le Comte}}
Comment ! je ne pourrai faire un pas...
La Comtesse, imitant le parler de Suzanne.
Ligne 6 325 :
{{personnage|Le Comte}}
Après ton ingénieux billet !
{{personnage|La Comtesse}}
Ligne 6 333 :
{{personnage|Le Comte}}
Ce n’est pas pour te priver du baiser que je l’ai pris.
{{personnage|La Comtesse}}
Ligne 6 339 :
Des libertés !
Figaro,
Coquine !
Suzanne,
Charmante !
Ligne 6 351 :
Mais quelle peau fine et douce, et qu’il s’en faut que la Comtesse ait la main aussi belle !
La Comtesse,
Oh ! la prévention !
Ligne 6 423 :
Ni moi.
Figaro,
Ni moi.
Suzanne,
Ni moi.
Le Comte
Il y a de l’écho ici, parlons plus bas. Tu n’as nul besoin d’y songer, toi que l’amour a faite et si vive et si jolie ! Avec un grain de caprice, tu seras la plus agaçante maîtresse ! (Il la baise au front.) Ma Suzanne, un Castillan n’a que sa parole. Voici tout l’or promis pour le rachat du droit que je n’ai plus sur le délicieux moment que tu m’accordes. Mais comme la grâce que tu daignes y mettre est sans prix, j’y joindrai ce brillant, que tu porteras pour l’amour de moi.
La Comtesse,
Suzanne accepte tout.
Figaro,
On n’est pas plus coquine que cela.
Suzanne,
Voilà du bon bien qui nous arrive.
Le Comte,
Elle est intéressée ; tant mieux !
Ligne 6 467 :
À quoi bon ? Nous n’avons rien à lire.
Figaro,
Elle y va, ma foi ! Je m’en doutais.
Le Comte grossit sa voix en se retournant.
Ligne 6 475 :
Qui passe ici ?
Figaro,
Passer ! on vient exprès.
Le Comte,
C’est Figaro ! ...
{{personnage|La Comtesse}}
Je vous suis.
Ligne 6 491 :
{{scène|8}}
Figaro
Je n’entends plus rien ; ils sont entrés ; m’y voila.
Suzanne, qui s’est avancée doucement dans l’obscurité.
Tu vas payer tes beaux soupçons.
Figaro, extravagant.
Ligne 6 505 :
Qui va là ? Celui qui voudrait de bon cœur que la peste eût étouffé en naissant...
Suzanne,
Eh ! mais, c’est Figaro !
Ligne 6 733 :
{{scène|9}}
Le Comte,
Je la cherche en vain dans le bois, elle est peut-être entrée ici.
Suzanne,
C’est lui.
Ligne 6 747 :
Suzon, es-tu là dedans ?
Figaro,
Il la cherche, et moi je croyais...
Suzanne,
Il ne l’a pas reconnue.
Ligne 6 757 :
{{personnage|Figaro}}
Achevons-le, veux-tu ?
Le Comte, se retourne.
Un homme aux pieds de la Comtesse ! ... Ah ! je suis sans armes.
Figaro se relève tout à fait en déguisant sa voix.
Ligne 6 769 :
Le Comte, à part.
C’est l’homme du cabinet de ce matin.
Figaro continue.
Ligne 6 779 :
Massacre ! mort ! enfer !
Figaro,
Le Comte,
Ah ! tout se découvre enfin.
Suzanne,
Avant d’entrer, voyez si personne n’a suivi.
Le Comte s’écrie :
Vengeance !
Ligne 6 799 :
{{scène|10}}
Le Comte, Figaro.
Figaro, jouant la frayeur excessive.
Ligne 6 813 :
{{scène|11}}
Pédrille,
Monseigneur, je vous trouve enfin.
Ligne 6 831 :
Approche-toi de moi, et crie bien fort !
Pédrille,
Pas plus de page que sur ma main. Voilà le paquet.
Ligne 6 855 :
{{scène|12}}
Bartholo,
Tu vois qu’à ton premier signal...
Ligne 6 865 :
Pédrille, empare-toi de cette porte. (Pédrille y va.)
Bazile,
Tu l’as surpris avec Suzanne
Ligne 6 879 :
Le Comte, furieux.
Taisez-vous donc !
Figaro, froidement.
Ligne 6 903 :
Le Comte, hors de lui.
Ô rage !
Figaro, montrant l’autre avec malice.
Ligne 6 909 :
Dans celui-là ?
Le Comte,
Dans celui-ci.
Ligne 6 939 :
Le Comte, vivement.
La préf...
Brid’oison, stupéfait.
Ligne 6 947 :
Le Comte, avec fureur.
Or, quand le déshonneur est public, il faut que la vengeance le soit aussi.
Ligne 6 953 :
{{scène|13}}
{{personnage|Antonio}}
Ligne 6 959 :
C’est juste.
Brid’oison,
Qui-i donc a pris la femme de l’autre ?
Figaro,
Aucun n’a eu cette joie-là.
Ligne 6 971 :
{{scène|14}}
Le Comte,
Tous vos efforts sont inutiles ; vous êtes perdue, madame, et votre heure est bien arrivée !
Figaro s’écrie :
Ligne 6 991 :
Le Comte, hors de lui, à part.
Et toujours le page endiablé !
Chérubin, timidement.
Ligne 7 015 :
Le Comte, furieux.
Entre donc !
Ligne 7 021 :
{{scène|15}}
{{personnage|Le Comte}}
Ligne 7 027 :
Vous allez voir, messieurs, que le page n’y était pas seul.
Chérubin,
Mon sort eût été trop cruel, si quelque âme sensible n’en eût adouci l’amertume.
Ligne 7 035 :
{{scène|16}}
Antonio, attirant par le bras quelqu’un qu’on ne voit pas encore.
Ligne 7 059 :
Le Comte, outré.
Qui la savait là dedans ?
Bartholo, au devant.
Ligne 7 073 :
{{scène|17}}
Bartholo,
Ne craignez rien, madame, il ne vous sera fait aucun mal. J’en réponds.
{{personnage|Bazile}}
Ligne 7 083 :
Ha ! Ha !
Figaro,
Hé, quelle folie ! ma mère en est ?
Ligne 7 091 :
À qui pis fera.
Le Comte,
Que m’importe à moi ? La Comtesse...
Ligne 7 099 :
{{scène|18}}
{{personnage|Le Comte}}
... Ah ! la voici qui sort.
Ligne 7 109 :
{{scène|19}}
La Comtesse se jette à genoux.
Ligne 7 125 :
Le Comte veut relever la Comtesse.
Quoi ! c’était vous, Comtesse ?
La Comtesse, en riant.
Ligne 7 131 :
Vous diriez : Non, non, à ma place ; et moi, pour la troisième fois d’aujourd’hui, je l’accorde sans condition.
Suzanne se relève.
Ligne 7 143 :
Figaro se relève.
Moi aussi, il y a de l’écho ici !
{{personnage|Le Comte}}
Ligne 7 167 :
{{personnage|Le Comte}}
La réponse lui en est bien due.
{{personnage|La Comtesse}}
Chacun aura ce qui lui appartient.
Suzanne, à Figaro.
Ligne 7 191 :
La Comtesse arrache le ruban qu’elle a tant gardé dans son sein et le jette à terre.
La jarretière ? Elle était avec ses habits ; la voilà.
Chérubin, plus alerte, court la prendre, et dit.
Ligne 7 247 :
Figaro, saluant les spectateurs.
Ma femme et mon bien mis à part, tous me feront honneur et plaisir.
Vaudeville
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