« Dialogues des morts (Lucien) » : différence entre les versions

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{{Titre|Dialogue des morts|[[Lucien de Samosate]]|Traduction d'[[Eugène Talbot]]}}
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Oui, cela vaut mieux. Ainsi, détestable Paris, tu ne t’échapperas pas de mes mains.
 
'''Paris'''
 
Tu as tort, Protésilas, et surtout avec un homme de ton métier : je suis amoureux, comme toi, et soumis aux lois du même dieu. Tu sais qu’il triomphe de la volonté, qu’il mène où bon lui semble, et qu’il est impossible de lui résister.
 
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'''Ménippe'''
 
AÀ merveille, SoorateSocrate : ici même tu ne négliges pas ton métier, et ne dédaignes point les jolis garçons.
 
'''Socrate'''
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'''Ménippe'''
 
Cerbère (car je suis ton parent, en ma qualité de chien), dis-moi, par le Styx, quelle mine faisait Socrate en descendant chez vous. Comme dieu, tu ne dois pas seulement savoir aboyer, tu dois parler, quand tu yeuxveux, la langue àesdes hommes.
 
'''Cerbère'''
 
Cerbère
De loin, Ménippe, il parut à tous s’avancer d’un pas résolu, et sans craindre la mort ; il cherchait du moins à le faire croire à ceux qui étaient hors de la porte. Mais quand il eut mis la tête dans l’intérieur du gouffre et vu les ténèbres, il hésita ; et je fus obligé en même temps que la ciguë, de lui mordre les pieds pour le faire descendre ; il pleurait comme un enfant, il regrettait ses marmots, et il se tournait dans tous les sens.
 
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Ce n’était donc qu’un sophiste : il ne méprisait pas réellement la mort.
 
'''Cerbère'''
 
Non : seulement, lorsqu’il vit qu’elle était inévitable, il se donna des airs courageux, afin de ne pas paraître subir malgré lui le sort qu’il ne pouvait empêcher, et de se faire admirer des spectateurs. En général, j’en pourrais dire autant de tons les gens de cette espèce : tant qu’ils ne sont qu’à l’entrée, on les voit résolus, décidés ; à peine entrés, l’expérience est faite.
 
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Mais moi, quelle mine avais-je en descendant ici ?
 
'''Cerbère'''
 
Tu es le seul, Ménippe, avec Diogène, qui te sois montré digne de ta race. Tous les deux vous êtes entrés sans contrainte, sans violence, mais de bonne humeur, le rire sur les lèvres, et priant les autres d’aller pleurer.
 
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'''Pluton'''
 
AÀ quoi te servirait de revivre un seul jour, pour retomber bientôt après dans les mêmes regrets ?
 
'''Protésilas'''
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Tu voudrais donc, crâne nu et difforme, paraître ainsi à ta belle et jeune épouse ? Comment pourrait-elle voler dans tes bras, incapable même de te reconnaître ? Elle aura peur, sache-le bien ; elle te fuira ; et c’est pour rien que tu auras fait un si long voyage.
 
'''Proserpine'''
 
Eh bien, mon mari, tu peux y remédier : ordonne à Mercure de toucher Protésilas de sa baguette, aussitôt qu’il aura revu la lumière, et d’en faire un beau jeune homme, tel qu’il était au sortir de la chambre nuptiale.
 
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'''Diogène'''
 
AÀ cause de ta royauté, dis-tu, de ta beauté et de l’énormité de ce tombeau ?
 
''Mausole'''
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'''Diogène'''
 
EgalitéÉgalité ! non pas, mon ami, non pas. Mausole gémira sans cesse au souvenir de son bonheur chimérique sur la terre, et Diogène se rira de lui : Mausole vantera le tombeau que lui a fait élever, dans Halicarnasse, Artémise son épouse et sa sœur ; et Diogène ne sait pas même si son corps est dans une tombe. Jamais il ne s’en est inquiété ; mais il a laissé dans le cœur des gens de bien le souvenir d’un homme qui a bâti une vie plus haute que ton monument, ô le plus vil des Cariens, et posée sur des bases plus solides.
 
==25. Nirée, Thersite et Ménippe==
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''Niréee'''
 
C’est moi, sans doute, le fils d’Aglaïa et de Charops,
 
:''Le plus beau des guerriers qui sont venus à Troie.''
 
'''Ménippe'''
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Oui, mais non pas, je pense,
 
:''Le plus beau des mortels qui sont venus sous terre.''
 
Tes os sont les mêmes, ton crâne ne diffère de celui de Thersite que parce qu’il est plus facile à briser, étant plus mou et n’ayant rien de viril.
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Que ce brigand de Sostrate soit plongé dans le Pyriphlégéthon ; que ce sacrilège soit mis en pièces par la Chimère ; que ce tyran, Mercure, soit étendu près de Tityus, et qu’il ait, comme lui, le foie dévoré par des vautours ! Pour vous, hommes de bien, allez au plus tôt dans les Champs-Elysées, devenez citoyens des îles Fortunées, pour prix de vos vertus durant la vie.
 
'''Sostrate'''
 
Ecoute-moi, Minos, s’il te semble que j’aie raison.
 
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Que je t’écoute encore ? N’as-tu pas été convaincu, Sostrate, d’être un scélérat, un affreux tueur de gens ?
 
'''Sostrate'''
 
J’en ai été convaincu, mais examine s’il est juste que j’en sois puni.
 
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Certainement, si l’on doit rendre à chacun selon ses œuvres.
 
'''Sostrate'''
 
Cependant, réponds-moi, Minos : je n’ai qu’un mot à te dire.
 
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Parle ; mais sois bref : j’en ai d’autres encore à juger.
 
'''Sostrate'''
 
Tout ce que j’ai fait durant ma vie, l’ai-je fait de mon plein gré, ou la trame de mes actions n’était-elle pas filée par la Parque ?
 
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C’est la Parque qui l’avait filée.
 
'''Sostrate'''
 
En ce cas, gens de bien ou scélérats seulement en apparence, nous ne sommes donc que ses serviteurs, lorsque nous agissons.
 
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C’est juste : vous obéissez à Clotho, qui assigne à chacun, au moment de sa naissance, tout ce qu’il doit faire.
 
'''Sostrate'''
 
Si donc un homme est contraint d’en tuer un autre, sans pouvoir résister à celui qui l’y force, par exemple un bourreau, un doryphore, qui obéissent l’un au juge, l’autre au tyran, qui doit-on accuser de l’homicide ?
 
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Il est évident que c’est le juge ou le tyran : on ne peut accuser l’épée, ministre et instrument de colère, pour celui qui est la cause première du meurtre.
 
'''Sostrate'''
 
AÀ merveille, Minos : tu me fournis plus d’exemples qu’il ne m’en faut. Et maintenant, si un esclave va, par ordre de son maître, porter de l’or ou de l’argent à quelqu’un, à qui doit-on en savoir gré ? Qui doit-on inscrire au rang des bienfaiteurs ?
 
'''Minos'''
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Celui qui envoie l’esclave, Sostrate : le porteur n’est que son ministre.
 
'''Sostrate'''
 
Tu vois alors quelle injustice tu commets en nous punissant, nous les ministres des ordres de Clotho, et en récompensant les dispensateurs d’un bien qui n’était point à eux. On ne saurait dire en effet, que nous ayons été les maîtres de résister aux ordres impérieux de la Nécessité.