« Dialogues des morts (Lucien) » : différence entre les versions

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Correction
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'''Terpsion'''
 
Mais c’est de cette décision même que je me plains. Il faudrait que les choses se fissent avec ordre ; que le plus vieux partît le premier, puis l’homme dont l’âge suit immédiatement, et qu’on ne vît pas, par un renversement étrange, vivre un vieillard tout cassé, n’ayant plus que trois dents, presque aveugle, appuyé sur quatre esclaves, la roupie au nez, l’œil tout plein de chassie, insensible à tous les plaisirs, sépulcre vivant, risée de la jeunesse, tandis que meurent de jeunes hommes florissants de vigueur et de beauté. C’est faire remonter un fleuve vers sa source. Du moins faudrait-il savoir, en définitive, quand mourra chacun de ces vieillards, afin de ne pas leur faire une cour inutile. Mais c’est ici le cas d’appliquer le proverbe : La charrue traîne les bœufs.
 
C’est faire remonter un fleuve vers sa source.
 
Du moins faudrait-il savoir, en définitive, quand mourra chacun de ces vieillards, afin de ne pas leur faire une cour inutile. Mais c’est ici le cas d’appliquer le proverbe : La charrue traîne les bœufs.
 
'''Pluton'''
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'''Terpsion'''
 
C’est la vérité ! Ah ! que de bons morceaux m’a avalés ce Thucrite, quaque je croyais toujours voir mourir, et qui, lorsque j’entrais, faisait entendre un gémissement sourd, un soupir exhalé du fond de sa poitrine, comme le cri plaintif du poussin qui sort de l’œuf ! Si bien que, persuadé qu’il allait bientôt descendre au cercueil, je lui faisais mille présents, afin jueque mes rivaux demeurassent au-dessous de ma munificence. Souvent je passais la nuit sans dormir, rongé de soucis, faisant mes calculs, mes dispositions. Ce sont probablement ces inquiétudes et ces insomnies qui ont causé ma mort. Et lui, après avoir avalé mon appât, riait, avant-hier, pendant qu’on m’enterrait !
 
'''Pluton'''
 
AÀ merveille, Thucrite, vis le plus longtemps possible, toujours riche, toujours riant de ces flatteurs, et ne meurs qu’après nous les avoir envoyés tous !
 
'''Terpsion'''
 
AÀ présent, Pluton, mon plus grand plaisir serait de voir mourir Chariadès avant Thucrite.
 
'''Pluton'''
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Et toi, comment es-tu mort, Callidémide ? Moi, qui étais parasite de Dinias, j’ai été étouffé pour avoir trop mangé ; tu te le rappelles, tu étais présent à ma mort.
 
'''Callidémide'''
Oui, Zénophante ; mais ce qui m’est arrivé est incroyable. Tu connais, je crois, le vieux Ptéodore.
 
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Ce vieillard sans enfants, riche, et avec qui je te voyais souvent ?
 
'''Callidémide'''
Lui-même ! Je lui faisais une cour assidue, et il me promettait que je ne perdrais rien à sa mort. Mais comme la chose traînait en longueur, et que le bonhomme vivait plus que Tithon, j’imaginai un chemin plus court pour arriver à l’héritage. J’achète du poison, j’engage l’échanson de Ptéodore à le mêler dans sa coupe, et, quand le vieillard, qui boit volontiers, demanderait à boire, à la tenir prête et à la lui présenter : je lui jure que, s’il le fait ainsi, je lui donnerai sa liberté.
 
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Eh bien ! qu’est-il arrivé ? Il me semble qu’il va se passer quelque chose d’extraordinaire.
 
'''Callidémide'''
Quand nous fûmes revenus du bain, le jeune homme, qui déjà tenait les deux coupes toutes prêtes, l’une où était le poison pour Ptéodore, l’autre pour moi, me présenta, je ne sais par quelle erreur, la coupe empoisonnée, et à Ptéodore celle qui ne l’était pas. Il boit, et moi je tombe aussitôt à la renverse et j’expire à la plaeeplace du vieillard. Eh quoi ! tu ris, Zénophante ? Tu ne devrais pas te moquer d’un ami !
 
'''Zénophante'''
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C’est que l’aventure est plaisante, cher Callidémide ! Et le vieillard ?
 
'''Callidémide'''
D’abord cette mort soudaine le troubla ; mais comprenant, je crois, ce qu’il en était, il se mit à rire du tour que m’avait joué l’échanson.
 
Ligne 660 ⟶ 656 :
C’est juste : ôte-moi cela !
 
L'''ele Philosophe'''
 
Et qui la coupera ?
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La flatterie, Mercure, qui lui a été très utile durant sa vie.
 
'''Le Philosophe'''
 
Et toi, Ménippe, laisse là ta liberté, ton franc parler, ton caractère sans souci, ton sans-gêne et ton rire : tu es ici le seul qui ne pleure point.
 
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Fort bien ! Lâche les amarres, tirons l’échelle et levons l’ancre ! Déploie la voile, nocher, prends le gouvernail, et bon voyage ! Pourquoi pleurez-vous, fous que vous êtes, toi surtout, philosophe, à qui l’on vient de couper la barbe ?
 
'''Le Philosophe'''
 
Parce que, Mercure, je croyais l’âme immortelle.
 
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'''Ménippe'''
 
Il ne fera plus de splendides soupers ; il ne sortira plus la nuit, en cachette, la tête fourrée dans son manteau, pour courir à la fonderonde les lieux de débauche ; et le matin, il n’en imposera plus aux jeunes gens, dont il touchait l’argent pour ses leçons de sagesse : voilà ce qui le chagrine.
 
'''Le Philosophe'''
 
Le Philosophe
Et toi, Ménippe ; n’es-tu pas fâché d’être mort ?