« Dialogues des morts (Lucien) » : différence entre les versions

Contenu supprimé Contenu ajouté
correction coquille
Guillemets
Ligne 12 :
'''Diogène'''
 
Pollux, je te recommande, aussitôt que tu seras retourné là-haut, car c’est à toi, je pense, à ressusciter demain, si tu aperçois quelque part Ménippe le chien, et tu le trouveras à Corinthe près du Uranium, ou bien au Lycée, riant des disputes des philosophes, de lui dire : « Ménippe, Diogène t’engage, si tu as assez ri de ce qui se passe sur la terre, à venir dessous rire encore davantage. En haut, tu n’es pas toujours certain d’avoir à rire ; car, comme on dit, qui sait au juste ce qu’il advient après la vie ? Mais en bas tu riras sans fin, ainsi que moi, quand tu verras les riches, les satrapes, les tyrans rabaissés, perdus dans l’ombre, sans autre distinction que des gémissements, arrachés à leur mollesse et à leur lâcheté par le souvenir des choses de là-haut ». Dis-lui cela ; et ajoute qu’il ait soin de venir la besace pleine de lupins, ou bien d’un souper d’Hécate trouvé dans quelque carrefour, d’un œuf lustral, ou enfin de quelque chose de pareil.
 
'''Pollux'''
Ligne 52 :
'''Diogène'''
 
Quant aux riches, mon cher petit Pollux, dis-leur aussi de ma part : « Pourquoi donc, insensés, gardez-vous cet or ? Pourquoi vous torturer à calculer les intérêts, à entasser talents sur talents, vous qui devrez bientôt descendre là-bas avec une seule obole ? »
 
'''Pollux'''
Ligne 1 160 :
'''Mercure'''
 
Oui, mais tu n’as pas vu cette beauté quand elle était vivante ; tu aurais dit aussi : « Il est bien naturel que pour une pareille femme nous endurions de si longs malheurs ». Ainsi, quand on voit des fleurs desséchées et privées de leur coloris, on les trouve sans grâce et sans charmes ; mais au moment où florissait leur éclat, elles semblaient ravissantes.
 
'''Ménippe'''
Ligne 1 766 :
'''Diogène'''
 
Voilà, Cratès et Antisthène, quels ont été vos compagnons de voyage : moi, je suis descendu avec l’usurier Blepsias, l’Acarnien Lampis, commandant des troupes mercenaires, et le riche Damis de Corinthe. Damis avait été empoisonné par son fils. Lampis, amoureux de la courtisane Myrtium, s’était coupé la gorge pour elle. Le malheureux Blepsias s’était laissé mourir de faim : on le voyait du reste à son excessive pâleur et à sa maigreur extrême. Je savais bien comment ils étaient morts ; cependant je leur en fis la demande ; et comme Damis accusait son fils : « Tu as bien mérité, lui dis-je, ce qu’il t’a fait : possesseur de plus de mille talents, menant joyeuse vie, malgré tes quatre-vingt-dix années, tu ne donnais que quatre oboles à un jeune homme de seize ans ; et toi, Acarnien (il gémissait et il maudissait Myrtium), pourquoi t’en prendre à l’amour et non pas à toi-même ? Jamais tu n’es tombé devant l’ennemi ; tu combattais intrépide à la tête des soldats, et je ne sais quelle courtisane, avec ses larmes feintes et ses soupirs, a vaincu ton courage ». Blepsias était le premier à s’accuser lui-même de l’excessive folie qui lui avait fait garder ses richesses pour des héritiers inconnus, s’imaginant, l’insensé, qu’il ne mourrait jamais ! Bref, je prenais un plaisir peu commun à les entendre gémir. Mais nous voici à l’entrée des enfers : il faut regarder et considérer de loin ceux qui arrivent. Bon ! quelle foule ! il y en a de toute espèce : ils pleurent tous, excepté les petits enfants et ceux qui viennent de naître : les plus âgés sont ceux qui crient le plus. Eh quoi ! y a-t-il donc un philtre qui leur fasse aimer la vie ? Je veux dire un mot à ce vieux décrépit. Pourquoi pleures-tu donc d’être mort à ton âge ? Pourquoi te fâches-tu, bonhomme, de venir ici, étant si vieux ? Est-ce que tu étais roi ?
 
'''Le mendiant'''