« Les Frères Karamazov (trad. Henri Mongault)/XII/02 » : différence entre les versions

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=== II. Des témoins dangereux ===
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{{ChapitreNav|[[Auteur:Fédor Dostoïevski|Dostoïevski]], traduit par [[Auteur:Henri Mongault|H. Mongault]]|[[Les Frères Karamazov (trad. Henri Mongault)|Les Frères Karamazov]], 1923|Livre XII : Une erreur judiciaire|[[../01|Chap. I]]| |[[../03|Chap. III]]}}
 
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J’ignore si les témoins à charge et à décharge avaient été groupés par le président, et si on se proposait de les appeler dans un ordre voulu. C’est probable. En tout cas, on commença par les témoins de l’accusation. Encore un coup, je n’ai pas l’intention de reproduire in extenso les débats. D’ailleurs, ce serait en partie superflu, car le réquisitoire et la plaidoirie résumèrent clairement la marche et le sens de l’affaire, ainsi que les dépositions des témoins. J’ai noté intégralement par endroits ces deux remarquables discours que je citerai en leur temps, de même qu’un épisode inattendu du procès, qui a indubitablement influé sur son issue fatale. Dès le début, la solidité de l’accusation et la faiblesse de la défense s’affirmèrent aux yeux de tous : on vit les faits se grouper, s’accumuler, et l’horreur du crime s’étaler peu à peu au grand jour. On se rendait compte que la cause était entendue, le doute impossible, que les débats n’auraient lieu que pour la forme, la culpabilité de l’accusé étant archidémontrée. Je pense même qu’elle ne faisait aucun doute pour toutes les dames qui attendaient avec une telle impatience l’acquittement de l’intéressant prévenu. Plus encore, il me semble qu’elles se fussent affligées d’une culpabilité moins évidente, car cela eût diminué l’effet du dénouement. Chose étrange, toutes les dames crurent à l’acquittement presque jusqu’à la dernière minute. « Il est coupable, mais on l’acquittera par humanité, au nom des idées nouvelles », etc. Voilà pourquoi elles étaient accourues avec tant d’empressement. Les hommes s’intéressaient surtout à la lutte du procureur et du fameux Fétioukovitch. Tous se demandaient ce que celui-ci, avec tout son talent, pourrait faire d’une cause perdue d’avance. Aussi l’observait-on avec une attention soutenue. Mais Fétioukovitch demeura jusqu’au bout une énigme. Les gens expérimentés pressentaient qu’il avait un système, qu’il poursuivait un but, mais il était presque impossible de deviner lequel. Son assurance sautait pourtant aux yeux. En outre, on remarqua avec satisfaction que, durant son court séjour parmi nous, il s’était remarquablement mis au courant de l’affaire et qu’il « l’avait étudiée dans tous ses détails ». On admira ensuite son habileté à discréditer tous les témoins de l’accusation, à les dérouter autant que possible, et surtout à ternir leur réputation morale, et, par conséquent, leurs dépositions. D’ailleurs, on supposait qu’il agissait ainsi beaucoup par jeu, pour ainsi dire, par coquetterie juridique, afin de mettre en œuvre tous ses procédés d’avocat, car on pensait bien que ces « dénigrements » ne lui procureraient aucun avantage définitif, et lui-même, probablement, le comprenait mieux que personne ; il devait tenir en réserve une idée, une arme cachée, qu’il démasquerait au moment voulu. Pour l’instant, conscient de sa force, il paraissait folâtrer.
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Les choses se passèrent de la même façon avec presque tous les témoins les plus importants. Fétioukovitch réussit à déconsidérer chacun d’eux et à les prendre en faute. Les amateurs et les juristes l’admiraient, tout en se demandant à quoi cela pouvait servir, car, je le répète, l’accusation apparaissait de plus en plus irréfutable. Mais on voyait, à l’assurance du « grand mage », qu’il était tranquille, et on attendait patiemment : ce n’était pas un homme à venir de Pétersbourg pour rien et à s’en retourner sans résultat.
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