« Les Frères Karamazov (trad. Henri Mongault)/IX/04 » : différence entre les versions

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=== IV. Deuxième tribulation ===
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{{ChapitreNav|[[Auteur:Fédor Dostoïevski|Dostoïevski]], traduit par [[Auteur:Henri Mongault|H. Mongault]]|[[Les Frères Karamazov (trad. Henri Mongault)|Les Frères Karamazov]], 1923|Livre IX : L’Instruction préparatoire|[[../03|Chap. III]]| |[[../05|Chap. V]]}}
 
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« Vous ne sauriez croire combien votre bonne volonté nous réconforte, Dmitri Fiodorovitch, dit Nicolas Parthénovitch, dont les yeux gris clair, des yeux de myope, à fleur de tête, brillaient de satisfaction. Vous avez parlé avec raison de cette confiance mutuelle, indispensable dans les affaires d’une telle importance, si l’inculpé désire, espère et peut se justifier. De notre côté, nous ferons tout ce qui dépendra de nous, vous avez pu voir comment nous menons cette affaire… Vous êtes d’accord, Hippolyte Kirillovitch ?
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— Messieurs, je ne me fâche pas… je… bredouilla Mitia un peu confus de cette observation ; voyez-vous, ce Samsonov chez qui je suis allé… »
 
Bien entendu nous ne reproduirons pas son récit des faits que le lecteur connaît déjà. Dans son impatience, le narrateur voulait tout raconter en détail, bien que rapidement. Mais on notait au fur et à mesure ses déclarations, il fallait donc l’arrêter. Dmitri Fiodorovitch s’y résigna en maugréant. Il s’écriait parfois : « Messieurs, il y a de quoi exaspérer Dieu lui-même », ou : « Messieurs, savez-vous que vous m’agacez sans raison ? » mais malgré ces exclamations, il restait expansif. C’est ainsi qu’il raconta comment Samsonov l’avait mystifié (il s’en rendait parfaitement compte maintenant). La vente de la montre pour six roubles, afin de se procurer l’argent du voyage, intéressa fort les magistrats qui l’ignoraient encore ; à l’extrême indignation de Mitia, on jugea nécessaire de consigner en détail ce fait, qui établissait à nouveau que la veille aussi, il était déjà presque sans le sou. Peu à peu, Mitia devenait morne. Ensuite, après avoir décrit sa visite chez Liagavi, la nuit passée dans l’izba, et le commencement d’asphyxie, il aborda son retour en ville et se mit de lui-même à décrire ses tourments jaloux au sujet de Grouchegnka. Les juges l’écoutaient en silence et avec attention, notant surtout le fait que depuis longtemps, il avait un poste d’observation dans le jardin de Marie Kondratievna, pour le cas où Grouchegnka viendrait chez Fiodor Pavlovitch, et que Smerdiakov lui transmettait des renseignements ; ceci fut mentionné en bonne place. Il parla longuement de sa jalousie, malgré sa honte d’étaler ses sentiments les plus intimes, pour ainsi dire, « au déshonneur public », mais il la surmontait afin d’être véridique. La sévérité impassible des regards fixés sur lui, durant son récit, finit par le troubler assez fort : « Ce gamin, avec qui je bavardais sur les femmes, il y a quelques jours, et ce procureur maladif ne méritent pas que je leur raconte cela, songeait-il tristement ; quelle honte ! » « Supporte, résigne-toi, tais-toi156toi », concluait-il, tout en s’affermissant pour continuer. Arrivé à la visite chez Mme Khokhlakov, il redevint gai et voulut même raconter sur elle une anecdote récente, hors de propos ; mais le juge l’interrompit et l’invita à passer « à l’essentiel ». Ensuite, ayant décrit son désespoir et parlé du moment où, en sortant de chez cette dame, il avait même songé à « égorger quelqu’un pour se procurer trois mille roubles », on l’arrêta pour consigner la chose. Enfin, il raconta comment il avait appris le mensonge de Grouchegnka, repartie aussitôt de chez Samsonov, tandis qu’elle devait, affirmait-elle, rester chez le vieillard jusqu’à minuit. » Si je n’ai pas tué alors cette Fénia, messieurs, c’est uniquement parce que le temps me manquait », laissa-t-il échapper. Cela aussi fut noté. Mitia attendit d’un air morne et allait expliquer comment il était entré dans le jardin de son père, lorsque le juge l’interrompit, et ouvrant une grande serviette qui se trouvait auprès de lui, sur le divan, en sortit un pilon de cuivre.
 
« Connaissez-vous cet objet ?
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— Nous ne pouvons tenir compte d’une telle déposition, inspirée par la colère. Nos questions vous paraissent futiles et vous irritent, alors qu’elles sont très importantes, dit sèchement le procureur.
 
— De grâce, messieurs ! J’ai pris ce pilon… Pourquoi prend-on quelque chose en pareil cas ? Je l’ignore. Je l’ai pris et me suis sauvé. Voilà tout C’est honteux, messieurs ; passons157passons, sinon je vous jure que je ne dirai plus mot. »
 
Il s’accouda, la tête dans la main. Il était assis de côté, par rapport à eux, et regardait le mur, s’efforçant de surmonter un mauvais sentiment. Il avait, en effet, grande envie de se lever, de déclarer qu’il ne dirait plus un mot, « dût-on le mener au supplice ».
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— Comment donc, je vous en prie » dit le juge.
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