« Page:Nietzsche - Aurore.djvu/191 » : différence entre les versions

Aucun résumé des modifications
État de la page (Qualité des pages)État de la page (Qualité des pages)
-
Page non corrigée
+
Page corrigée
Contenu (par transclusion) :Contenu (par transclusion) :
Ligne 1 : Ligne 1 :
prix, rendra peut-être lentement les âmes assez
prix, rendra peut-être lentement les âmes assez dures, pour que des poètes tragiques leur soient nécessaires : mais en attendant, ceux-ci sont plutôt superflus, – pour employer le mot le plus bénin. – C’est ainsi que viendra peut-être encore pour la musique une époque meilleure (elle sera certainement plus méchante !), celle où les artistes musiciens auront à s’adresser à des hommes rigoureusement personnels, durs en eux-mêmes, dominés par le sombre sérieux de leur passion propre : mais que peut apporter la musique aux âmelettes d’aujourd’hui, nées d’un âge révolu, excessivement agitées, d’une croissance imparfaite, mi-personnelles, curieuses et désireuses de tout ?
dures, pour que des poètes tragiques leur soient

nécessaires : jusqu’à présent ceux-ci étaient un peu
''superflus'', — pour employer le mot le plus bénin.
— C’est ainsi que viendra peut-être encore pour la
musique une époque meilleure (ce sera certainement
la plus ''méchante !''), celle où les artistes musiciens
auront à s’adresser à des hommes strictement
personnels, durs en eux-mêmes, dominés par le
sombre sérieux de leur passion propre : mais à quoi
sert la musique pour ces petites âmes
contemporaines de l’époque qui s’en va, âmes par trop mobiles,
d’une croissance imparfaite, mi-personnelles,
curieuses et désireuses de tout ?
== 173. ==
== 173. ==
{{sc|Les louangeurs du travail}}. — Dans la

glorification du « travail », dans les infatigables discours
{{sc|Les louangeurs du travail}}. – Dans la glorification du « travail », dans les infatigables discours sur la « bénédiction du travail », je vois la même arrière-pensée que dans les louanges des actes impersonnels et d’un intérêt général : la crainte de tout ce qui est individuel. On se rend maintenant très bien compte, à l’aspect du travail – c’est-à-dire de cette dure activité du matin au soir – que c’est là la meilleure police, qu’elle tient chacun en bride et qu’elle s’entend vigoureusement à entraver le développement de la raison, des désirs, du goût de l’indépendance. Car le travail use la force nerveuse dans des proportions extraordinaires, et la soustrait à la réflexion, à la méditation, aux rêves, aux soucis, à l’amour
de la « bénédiction du travail », je vois la même
arrière-pensée que dans les louanges des actes
impersonnels et d’un intérêt général : l’arrière-pensée
de la crainte de tout ce qui est individuel. On se
rend maintenant très bien compte, à l’aspect du
travail — c’est-à-dire de cette dure activité du
matin au soir — que c’est là la meilleure police, qu’elle
tient chacun en bride et qu’elle s’entend
vigoureusement à entraver le développement de la raison,
des convoitises, des envies d’indépendance. Car le
travail use la force nerveuse dans des proportions
extraordinaires, et retire cette force à la réflexion,
à la méditation, aux rêves, aux soucis, à l’amour