« Mélanges d’histoire naturelle » : différence entre les versions

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Le lotus rose est mentionné par un grand nombre d'écrivains grecs et latins, tantôt sous ce nom de lotus, qui a été aussi donné à plusieurs autres végétaux, et tantôt sous celui de lis du Nil. Quelques-uns enfin, considérant moins la beauté de la fleur que les usages économiques du fruit, ont désigné la plante par le nom prosaïque de ''fève d'Égypte''. C'est ainsi que l'appelle Théophraste, qui, d'ailleurs, nous en donne une description telle qu'on pouvait l'attendre du disciple d'Aristote :
 
« La fève d'Égypte, dit le botaniste ancien, croît dans les marais et dans les étangs. Sa tige (le pétiole et le pédoncule) a quatre coudées de long; elle est de la grosseur du doigt et égale dans toute sa longueur, à peu près comme un roseau, mais sans noeudsnœuds. Le fruit qu'elle porte a la forme d'un guêpier; il contient jusqu'à trente fèves, qui font saillie à la surface, et sont placées chacune dans une loge séparée. La fleur est deux fois plus grande que celle du pavot, et toute rose. Le fruit s'élève au-dessus de l'eau. Les feuilles sont grandes et ont la forme d'un chapeau thessalien.
 
« Lorsque l'on ouvre une des fèves implantées dans ce réceptacle en forme de guêpier dont nous avons parlé, on trouve à l'intérieur un petit corps plié sur lui-même, duquel naît la feuille. La racine de la plante est plus épaisse que celle d'un fort roseau, et offre, comme la tige de celui-ci, des divisions bien marquées. Elle sert de nourriture à ceux qui habitent près des marais; ils la mangent tantôt crue, tantôt bouillie ou rôtie. Elle croît spontanément dans ces sortes de lieux; cependant on la sème aussi, et, dans ce cas, on place la graine dans un peu de limon, qu'on entortille de paille, afin qu'elle aille au fond et ne soit pas exposée à se perdre. »
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Il semblerait qu'avec le secours de tant d'images exactes des diverses parties du lotus, et avec l'excellente description qu'en avait donnée Théophraste, il eût été impossible aux modernes de la méconnaître. C'est cependant ce qui est arrivé aux premiers botanistes qui, à l'époque de la renaissance des lettres, se sont appliqués à reconnaître. C’est cependant ce qui est arrivé aux premiers botanistes qui, à l’époque de la renaissance des lettres, se sont appliqués à reconnaître les plantes indiquées par les anciens. Cela tient à une double cause : d’abord à ce que le nelumbo élégant portait chez les anciens trois ou quatre noms, outre celui de ''lotus'', lequel, en revanche, s’appliquait à une douzaine de plantes différentes, mais surtout à ce que nos savans voulaient absolument reconnaître dans quelqu’un des végétaux de l’Egypte ce lotus nelumbo, qui en avait complètement disparu. Au reste, les voyages lointains, qui à cette époque amenèrent tant et de si importantes découvertes, firent bientôt retrouver dans un autre pays la plante perdue. Comment et quand avait-elle disparu de l'Égypte, c'est ce qu'on n'a pas manqué de se demander, et l'on en a proposé d'abord une explication qui semblait assez plausible, mais qui, comme nous le ferons voir, s'est trouvée insuffisante en ce qu'elle ne s'applique pas à d'autres faits qui évidemment sont liés à celui que nous considérons.
 
C'est, disait-on, à l'époque où le christianisme a pris racine en Égypte que le lotus a dû y être détruit, et on se sera appliqué à l'extirper, parce qu'il était devenu, comme toutes les choses qui se rattachaient à l'ancien culte, un objet d'aversion pour les nouveaux . La plante évidemment ne pouvait croître que dans les lieux qui étaient long-temps recouverts par les eaux du Nil, et rien ne nous prouve qu'elle se trouvât fort haut dans la vallée. Or, les parties du pays dans lesquelles elle se trouvait confinée, avaient alors une population si nombreuse, qu'en admettant que chacun se soit fait un point de conscience de contribuer à faire disparaître ce souvenir des faux dieux, il n'y aura pas eu besoin de beaucoup de temps pour y parvenir. Ce n'est pas, ajoutait-on, chose commune que de pouvoir faire une bonne oeuvreœuvre en suivant un mauvais penchant (le penchant à détruire, hélas! si commun parmi les enfans de tout âge); quand donc ces deux motifs d'action sont venus à agir concurremment sur des masses, leur effet a dû être irrésistible. »
 
Voilà qui est très bien pour le lotus, qui ne peut fuir ses persécuteurs ni se dérober à leur vue; mais pour un oiseau pourvu de bonnes ailes et à une époque où l'on n'avait pas encore inventé les fusils à percussion, pour un petit mammifère qui se tient tout le jour caché et auquel le moindre trou offre un asile quand on le surprend dans ses excursions nocturnes, pour un insecte qui a la double ressource de s'enfoncer dans la terre et de s'élever dans l'air, l'explication est un peu en défaut ; cependant, pour être bonne dans le premier cas, il aurait fallu qu'elle s'appliquât également aux trois autres, car l'oiseau, le quadrupède et l'insecte, figurés comme la plante sur les monumens, conservés religieusement dans les sépultures, en un mot évidemment liés à l'ancien culte, ont ''disparu'' de même, et l'on ne peut supposer qu'ils aient été ''détruits''.
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A la vérité, les rives du Nil nous présentent encore un oiseau (l’''about-hannès'', de Bruce) qui a les plus grands rapports avec celui dont nous voyons la figure sur les monumens, dont nous trouvons dans les catacombes les dépouilles embaumées. La ressemblance est même si grande, que Cuvier, qui n'avait pas eu de peine à montrer l'erreur dans laquelle étaient tombés les naturalistes en donnant pour l'ibis sacré une espèce de cigogne à bec recourbé (un ''tantale''), crut l'avoir retrouvé dans l'abou-hannès. C'est, en effet, la même taille, la même distribution de parties nues et de parties emplumées, le même arrangement de couleurs. Cependant il y a encore entre les deux espèces des différences constantes, quoique légères, tandis qu'on n'en peut reconnaître aucune quand on compare l'ibis des momies avec un ibis asiatique, dont nos collections se sont depuis quelques années enrichies.
 
Les Égyptiens étaient grands amateurs de symbolisme, et de même qu'ils voyaient dans l'ibis l'emblème de leur pays, ils voyaient celui du génie qui entretient le mouvement des sphères célestes dans certains insectes remarquables par l'habitude qu'ils ont de faire rouler à la surface du sol une boule dont je voudrais me dispenser de faire connaître la composition. Qu'il me suffise de dire que ces insectes, pour les anciens entomologistes, formaient, avec quelques autres genres dont ils se rapprochent par les moeursmœurs autant que par l'organisation, la famille des ''bousiers''. Latreille, après Weber, désigne ce genre sous le nom d’''ateuchus''; d'autres naturalistes ont préféré conserver le nom de ''scarabée'', qui est plus connu, et qui a été déjà employé par Pline pour les espèces dont nous avons à parler.
 
La figure des scarabées est répétée à profusion dans les bas-reliefs qui couvrent les monumens égyptiens. On la trouve reproduite en pierres fines, en métaux précieux, dans des bijoux, des cachets, dans des amulettes destinées à être portées au cou. Assez souvent le possesseur de ces joyaux a voulu les emporter avec lui dans la tombe; un autre, plus dévot encore, ne se sera pas contenté de l'image de l'animal vénéré : c'est un vrai scarabée qu'on a dû déposer près de lui, et que nous retrouvons aujourd'hui dans son cercueil.