« Chronique de la quinzaine - 31 décembre 1838 » : différence entre les versions

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Il n'est pas besoin d'ajouter que c'est le parti doctrinaire qui parlait ainsi : d'abord parce que cette marche est la plus habile; puis elle amènerait, en cas de réussite, à ce parti, la majorité pour former un ministère. On ne manquerait pas de dire : « Voyez comme tout le monde s'est rallié au parti des doctrinaires! ils ont fait adopter leurs opinions au centre ministériel et à tous leurs coalisés de l'opposition. Quelle force! quels hommes que ceux qui ont su dominer leurs alliés et leurs adversaires à ce point! » Et le pouvoir, bien malgré eux, nous n'en doutons pas, viendrait, s'offrir aux doctrinaires. Nous savons qu'on aurait beaucoup de peine à le leur faire accepter, eux qui ne demandent qu'à soutenir un ministère du centre gauche; mais, fidèles comme ils sont aux lois du gouvernement représentatif, la majorité finirait pourtant par étouffer leurs scrupules et vaincre leur désintéressement !
 
Le tiers-parti a-t-il obéi à ces ingénieuses suggestions? Le projet de l'adresse restera-t-il muet sur tout ce que réclame cette fraction de la coalition? M. Thiers se laissera-t-il lier par le silence de l'adresse? L'orateur brillant qui a si généreusement exposé sa pensée sur l'Espagne, au commencement de la dernière session, quand une réticence semblait devoir lui ouvrir les portes du ministère, accepterait-il cette année une chance semblable, à la condition de taire à la tribune la pensée qu'il a déjà exprimée ailleurs sur la Belgique. De deux choses l'une. Nous avons le gouvernement représentatif dans sa réalité, et tel que le demande la coalition, ou nous ne l'avons pas. S'il existe, M. Thiers et ses amis de la gauche ne peuvent vouloir entrer aux affaires en dissimulant à la chambre leur opinion sur une question aussi importante que celle de la Belgique, et en fuyant, en quelque sorte, le voeuvœu de la majorité. Si, au contraire, le gouvernement représentatif est faussé, comme ils le prétendent, si le roi règne et gouverne, ce que nous nions, M. Thiers sera-t-il plus heureux à l'égard de la Belgique qu'il ne l'a été à l'égard de l'Espagne? Sera-t-il assez puissant, une fois ministre, pour faire prévaloir et mettre en pratique ses opinions? Pourra-t-il anéantir, de sa volonté de ministre, les 24 articles, surtout s'il n'a pas à opposer le vote d'une majorité de la chambre à la volonté que la coalition représente comme dominante dans le conseil? Et alors à quoi bon prendre le ministère, s'il vous plaît?
 
D'ailleurs, ce calcul n'aurait peut-être pas l'effet qu'on paraît s'en promettre. Qui sait si la chambre n'est pas aussi opposée au traité des 24 articles, aussi animée contre la politique extérieure du gouvernement, que l'est M. Thiers, que le sont ses amis? La chambre ne veut pas la guerre. Mais M. Thiers ne la veut pas non plus, sans doute. Éloigné des affaires depuis deux ans et plus, il n'a pas le secret des négociations. Son opinion se base, sans doute, sur ce qu'en Espagne, en Belgique et ailleurs, les puissances reculeront devant la France. Il y a deux opinions diverses. M. Molé a déclaré, au nom du gouvernement, dans la discussion de la chambre des pairs, que le traité des 24 articles a toute la force d'un traité ratifié, car c'est l'acte qui a constitué l'indépendance de la Belgique aux yeux des puissances, et c'est le seul. La Belgique n'est pas une de ces nations qui peuvent se soulever, changer de souverain, changer leur organisation politique, sans s'inquiéter de ce qu'en dira l'Europe. La Belgique n'est pas la France, elle n'a pas trente millions d'habitans, cent lieues de côtes, et une renommée militaire de huit cents ans qui s'accroît chaque siècle, à porter en réponse aux sommations de ceux qui lui demandent qui elle est. La Belgique n'est pas même dans les conditions de ces petits états qui assurent leur indépendance, et se gouvernent à leur gré, en se mettant à l'abri des invasions derrière les rochers et les montagnes, d'où la Suisse a long-temps bravé la puissance de l'Autriche, et d'où la Grèce a jeté son premier cri de liberté contre les Turcs. La situation de la Belgique rappelle plutôt celle de la Pologne que M. Thiers regardait, en 1830, comme impropre à favoriser une nationalité indépendante, à cause de l'uniformité de son territoire, et de la facilité avec laquelle une armée peut toujours envahir les plaines qui le composent. La Belgique l'a sagement senti quand elle a sollicité à Londres les 24 articles qu'elle voudrait écarter aujourd'hui; quand ses plénipotentiaires demandaient aux cinq puissances que ces 24 articles fussent convertis en traité garanti par elles, indépendamment de la ratification du roi de Hollande, « afin que la Belgique et son souverain prissent immédiatement leur place dans le cercle commun des états reconnus. » (14 novembre 1831.)
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Sur l'affaire d'Ancône, M. Molé a prouvé que la politique actuelle du gouvernement, loin d'être la déviation de la politique suivie depuis six ans, n'en était que la conséquence. Il a cité les dépêches du général Sébastiani, alors ministre des affaires étrangères, à notre ambassadeur à Rome, les ordres du maréchal Soult, alors ministre de la guerre, au général Cubières. Ces dépêches commandaient formellement l'évacuation d'Ancône, dans le seul cas où les troupes autrichiennes sortiraient des Marches; et elles en sont sorties. L'opposition répond aujourd'hui, dans ses journaux, que ce ne sont là que des lambeaux de dépêches, qu'il ne s'agit pas de la politique ''mentale'', intentionnelle des cabinets du 13 mars et du 11 octobre, mais de sa politique agissante et que celle-là n'a pas opéré l'évacuation d'Ancône. La politique ''mentale'' est une invention tout-à-fait ingénieuse, en vérité. L'opposition nous dira-t-elle à présent que, si les Autrichiens avaient évacué les états de l'église du temps des cabinets du 13 mars et 11 octobre, ce qu'elle appelle la politique mentale ne se serait pas changée en politique agissante et effective? Nous sommes curieux de le savoir. Le maréchal Soult et le général Sébastiani, qui avaient signé ces ordres d'évacuer sans retard Ancône en pareil cas, sont intéressés à savoir quel degré d'honneur, de loyauté et de bonne foi, leur accorde la coalition.
 
M. le duc de Broglie voulait encore qu'on n'évacuât pas Ancône avant que les Russes et les Autrichiens n'eussent évacué Cracovie et Francfort. Eh quoi! le cabinet du Vatican est-il pour quelque chose dans les malheurs de la Pologne; les troupes pontificales ont-elles donc contribué à la violation du territoire de la république cracouse? C'est au saint-siège qui a tant souffert dans ses intérêts comme centre de l'église catholique romaine; c'est au saint-père, qui a tant pâti dans son coeurcœur de chrétien du système suivi par la Russie à l'égard de la Pologne, que M. le duc de Broglie voudrait que nous nous en prissions de l'anéantissement de la nationalité polonaise? Nous ferions payer au gouvernement pontifical l'occupation de Varsovie et de Francfort, à un gouvernement de qui la monarchie de juillet n'a qu'à se louer, qui s'est efforcé de modérer l'hostilité de quelques membres du clergé français contre les institutions de 1830, et qui, récemment encore, a consacré de toute son autorité sacerdotale l'occupation de l'Algérie par nos soldats, en donnant un évêque à nos possessions d'Afrique? Sont-ce bien là les principes du droit et de la justice, et M. Molé, qui s'est éloquemment opposé à ces vues, n'a-t-il pas défendu les règles de la politique la plus saine et la plus haute, en même temps que le texte des traités?
 
Un passage du discours de M. le duc de Broglie a fixé particulièrement notre attention. Le noble pair a dit que la prise d'Ancône n'a pas été un fait isolé, que ce fait se rattache à un plan de conduite tout entier, à un ensemble politique qui dure depuis six années, et, sans doute, auquel ont contribué successivement les ministères du 13 mars, du 11 octobre et peut-être du 22 février. Or la coalition a dit et répète chaque jour que la politique du 13 mars est le système particulier, personnel du roi, que cette pensée a dominé impérieusement tous les cabinets, que la présidence réelle et toutes les réalités que poursuit la coalition, ne pourront être atteintes que lorsque cette politique toute personnelle et tyrannique aura cédé devant la politique des ministres. Et voilà que vous attaquez le ministère pour avoir dévié de ce plan et de ce système! Bon ou mauvais, c'est donc son propre avis qu'il a suivi. Que deviennent alors toutes vos précédentes attaques? C'est justement pour rompre ce long système uniforme, pour faire cesser cette soumission dont vous avouez vous être rendu vous-mêmes coupables, que vous avez cimenté une coalition. N'est-ce pas là ce que M. Duvergier de Hauranne a écrit sous toutes les formes, ce que M. Guizot a écrit, ce que M. de Rémusat a écrit; ce que disent tout haut, dans les bureaux, tous les membres de la coalition? Et aujourd'hui le plus grave des orateurs de l'opposition vient nous dire que le ministère a eu une mauvaise ''inspiration'', qu'il fait des fautes, et des fautes capitales, de son propre chef, qu'il s'écarte du système du 13 mars et du 11 octobre, en un mot, qu'il obéit à sa conviction et à sa volonté.
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Nous sommes charmés de vous l'entendre dire. L'affaire suisse, que vous blâmez aussi, a été conduite en l'absence du roi. C'est alors que vous avez eu, même matériellement, la présidence réelle! Nous savions que ces négociations, bien importantes puisqu'il s'agissait de la paix ou de la guerre, avaient été menées par le ministre des affaires étrangères, sans que le roi, éloigné alors, en eût pris connaissance avant les résultats. Nous savions que la responsabilité que M. Molé réclame lui appartient légitimement, et que s'il y a blâme dans l'adresse qui doit être, selon les promesses de la coalition, un acte d'accusation et un programme politique à la fois, le blâme lui reviendra de tout droit. Rien de mieux, le ministère sera blâmé, accusé s'il le faut; mais on ne dira plus, au moins, qu'une pensée immuable dirige les affaires, et que les ministres ne sont rien. Autrement nous dirions ce que M. Molé disait à M. Cousin : « Nos adversaires se soucient peu de se mettre d'accord avec eux-mêmes! » Mais vous verrez que l'opposition soutiendra les deux thèmes à la fois.
 
L'esprit de dénégation est poussé avec une telle outrance dans la coalition, qu'on en est venu presque à nier qu'il y ait eu chez M. le général Jacqueminot une réunion de députés favorables au gouvernement. Après avoir chicané sur le chiffre, on chicane sur l'esprit de la réunion. D'abord, on s'attaque, comme d'ordinaire, à la moralité de ses membres. Il y a là, dit-on, des députés qui parlent d'une façon et qui votent de l'autre. Il y a les timorés, les timides, qui passeront à l'opposition dès la première victoire qu'elle remportera. Et pour le petit nombre de ceux dont la position est trop en vue pour qu'on puisse attaquer leur moralité et leur caractère, on dit qu'ils ont constitué cette réunion, non pour défendre le ministère, mais pour le modifier. Mais une réunion qui voudrait modifier un cabinet, ne serait pas encore son ennemie. Nous l'avons vu du temps de la réunion Fulchiron, que M. Thiers et ses amis du tiers-parti ne regardaient pas comme une assemblée de gens hostiles. Personne ne conteste le droit de la majorité, du côté du gouvernement, du moins. Elle a nommé une commission dont la majorité est hostile au ministère. Si cette commission a le courage et la loyauté d'exposer, dans son projet d'adresse, les griefs qu'elle a si hautement articulés dans les feuilles de la coalition et dans les bureaux, si la chambre se rend au voeuvœu de la commission, le pouvoir appartiendra à la coalition, c'est-à-dire à deux ou trois minorités sourdement ennemies. L'une de ces minorités, celle des doctrinaires, s'est déjà réunie. Ils étaient trente! Et cependant, nous le répétons, si chacun garde ses opinions et les expose avec conscience, les doctrinaires seuls sont en position d'entrer au pouvoir.
 
Si, au contraire, la chambre désapprouve le projet d'adresse, le ministère restera. C'est ce que sait encore tout le monde. L'opposition dit à présent que les députés qui s'apprêtent à le soutenir, veulent le modifier. Eh bien! si ces députés forment une majorité dans la chambre , il faudra bien leur obéir. ''Le Constitutionnel'' dit que le ministère doit succomber. Il se peut; mais; il ne le fera qu'en obéissant à la majorité, de même qu'il lui obéira en restant. En tout cas, il doit être prêt à subir les lois du régime représentatif. Quand on est décidé à se retirer en masse pour obéir au droit de la chambre et aux conditions de notre gouvernement, on peut bien être résigné à se retirer en détail. Mais ce n'est ni dans les journaux, ni dans les conversations de couloir, ni dans les conciliabules de salon, que s'expriment les majorités; et ce n'est pas là, nous en sommes bien sûrs, que le ministère ira prendre ses décisions.
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::Et ma mère disait : « C'est une maladie;
::Un mélange de jeux, de pleurs, de mélodie;
::C'est le coeurcœur de mon coeurcœur! Oui, ma fille, plus tard
::Vous trouverez l'amour et la vie.... autre part.»
 
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::Et long-temps à pleurer son secret sans l'apprendre;
::A pleurer de sa mort le mystère inconnu,
::Le portant tout scellé dans mon coeurcœur ingénu...
 
Et ce coeurcœur, d'avance voué en proie à l'amour, ''où pas un chant mortel n'éveillait une joie'', voilà comme elle nous le peint en son heure d'innocente et muette angoisse :
 
::On eût dit à sentir ses faibles battemens ,
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En lisant de tels vers, on pardonne les défauts qui les achètent. En effet, le tourment de l'ame a passé souvent dans l'accent de la muse. La couleur miroite. Un rayon de soleil, tombant dans une larme, empêche parfois de voir et fait tout scintiller. Plus d'un sens reste inarticulé dans l'habitude du sanglot (2).
 
Tout un roman de coeurcœur traverse ce volume, une passion çà et là voilée, mais bientôt plus forte et ne se contenant pas. Dans sa pièce à Mme Tastu, noble soeursœur qu'elle envie, notre élégiaque éplorée a pu dire.
 
::Vous dont la lampe est haute et calme sous l'autan;
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::Je me laisse entraîner où l'on entend des chaînes;
::Je juge avec mes pleurs, j'absous avec mes peines;
::J'élève mon coeurcœur veuf au Dieu des malheureux;
::C'est mon seul droit au ciel, et j'y frappe pour eux !
 
Elle frappa à d'autres portes encore : et son humble voix, enhardie dès qu'il le fallut, rencontra des cœurs dignes de l'entendre quand elle parla d'amnistie. Qu'on lise la pièce qui porte ce titre, et celle encore qu'elle a adressée, après la guerre civile, à ''Adolphe Nourrit à Lyon'', à ce généreux talent dont la voix, née du coeurcœur aussi, répond si bien à la sienne : cela s'élève tout-à-fait au dessus des inspirations personnelles de l'élégie.
 
Mme Valmore (ce recueil l'attesterait, quand l'amitié d'ailleurs ne le saurait pas) a elle-même connu une sorte d'exil, trop peu volontaire, hélas! sous le ciel d'Italie. Sa petite pièce, intitulée Milan, nous la montre plus sensible encore aux maux de la grande famille humaine qu'aux beautés de l'éblouissante nature. Mais rien ne nous a plus touché, comme grandeur, élévation et bénédiction au sein de l'amertume, que l'hymne que voici :