« Chronique de la quinzaine - 14 janvier 1838 » : différence entre les versions

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La discussion de l’adresse a rempli seule toute la durée de cette quinzaine. Cette discussion est chaque année un évènement d’une gravité réelle. Elle offrait, cette fois, un intérêt plus vif et plus puissant que jamais. Le ministère du 15 avril se présentait devant une nouvelle chambre, et, par un incident qu’il était facile de prévoir, il devait provoquer une décision de cette chambre sur un point de politique qui avait déjà causé la dissolution d’un cabinet. Et à combien d’influences diverses se trouvait livrée, en cette circonstance, une chambre en partie inexpérimentée, et qui n’avait pas eu le temps de se connaître elle-même; influence des hommes et influence des évènemens ! Double et triple complication, dont la chambre, le ministère, et, il faut le dire, l’opposition (l’opposition modérée), se sont tirés avec un rare bonheur.
 
D’abord les élections portaient le caractère du centre gauche, où M. Thiers a placé son avenir et sa fortune. Or, quand M. Thiers s’était noblement retiré du ministère à l’occasion d’une dissidence politique, cette dissidence avait porté sur la question de l’intervention en Espagne. Un ministère qu’on est convenu de regarder comme appartenant, par une partie de ses membres, au centre droit, avait succédé au ministère que présidait M. Thiers. La question se présentait de nouveau en présence d’un autre ministère, qui a donné un nouveau caractère à la situation par une politique conciliante, aimable, et il ne faut pas le taire, par une politique qui s’est trouvée heureuse. Cette chambre, née dans les collèges électoraux sous l’influence des idées du centre gauche, avait donc, dès les premiers jours de son existence, à se prononcer sur la question qui avait fait sortir M. Thiers des affaires, c’est-à-dire qu’elle se trouvait dans la nécessité de l’en tenir encore écarté ou de l’y faire rentrer. Elle avait encore à prononcer entre le ministère et M. Thiers, à les juger sur le point, peut-être unique, où leur politique diffère. Il s’agissait, chose délicate pour de nouveaux députés sortis des élections de 1837, de voter par un premier vote, par un vote décisif, par un vote qui engage presque toute la session, de voter avec M. Guizot et ses amis contre M. Thiers et les siens; en un mot de faire pencher la balance parlementaire du côté droit, aux oeuvresœuvres encore toutes récentes du côté gauche dans les élections.
 
Et quelle question que cette question de l’intervention, qui touche à tout, qui est devenue plus brûlante que jamais, par les sollicitations du gouvernement espagnol, par les progrès du prétendant et par les espérances que ces progrès ont fait naître au nord et au midi de l’Europe, au sein des cabinets qui ne nous sont pas favorables! D’un côté, l’honneur et l’intérêt de la France, sa sécurité intérieure, sa considération au dehors, ses engagemens avec ses alliés, de l’autre, l’éventualité d’une démarche immense, la suspension de ses réformes et de ses améliorations pacifiques; et un surcroît de dispositions défavorables chez ses adversaires, secondé peut-être par nos embarras; sans compter la responsabilité pour la chambre d’un ministère renversé par ceux-là même qui veulent son maintien... Jamais, on en conviendra, une législature ne se vit placée, dès son début, sur un terrain, plus glissant.
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Voilà donc, en deux mots, de quelle manière cette discussion s’est engagée, et cette discussion a appris à la France beaucoup plus de choses qu’on n’en a dites. A savoir, d’abord, que le ministère est loin d’avoir méconnu la nécessité qui appelle la France exercer une action constante sur la révolution espagnole, comme à empêcher le ''malheur immense'' de la contre-révolution en Espagne; et secondement, qu’au centre gauche ne siégent pas des partisans effrénés d’une expédition militaire, des esprits avides de mouvement, qui s’embarqueraient autrement qu’au dernier jour, et à la dernière heure, dans les périls et les conséquences d’une intervention. Et pour tout résumer sous deux noms, M. Molé a montré en cette occasion, une résolution et un parti pris qui ne permettent plus de le taxer d’incertitude, tandis que M. Thiers a fait assez de concessions aux temps et aux circonstances pour éviter le reproche d’opiniâtreté que lui adressaient quelques-uns de ses adversaires.
 
Les détails de cette mémorable discussion sont déjà de l’histoire. Il n’en est pas un qui ne soit un acte décisif dans la vie politique de celui qu’il intéresse. M. Saint-Marc Girardin avait été nommé rédacteur de l’adresse, avec l’assentiment du ministère ; il avait été nommé à la majorité de six voix contre quatre. Par conséquent M. Boissy d’Anglas lui avait donné la sienne, et formé ainsi une majorité dans la commission, qui semblait partagée en deux fractions égales. D’après le nom du rédacteur et les circonstances de sa nomination, on ne devait guère s’attendre à une adresse qui embarrassât le ministère et l’obligeât à chercher sur les bancs d’amis équivoques un éditeur responsable pour un amendement au projet. Ce fut pourtant ce qui arriva. M. Saint-Marc Girardin lut à la chambre une adresse où la conscience publique signala aussitôt un passage qui, rapproché du discours de la couronne, semblait indiquer, à propos de l’Espagne et du traité: de la quadruple alliance, le voeuvœu; la possibilité, la nécessité éventuelle d’une politique plus efficace que par le passé. Or c’était évidemment là la question politique de l’adresse, la seule sur laquelle pût s’engager un débat sérieux, celle qui depuis quelque temps, grace à des circonstances nouvelles, préoccupait le plus vivement l’esprit public. Comment s’expliquer une pareille dissidence entre le ministère et une commission dont la majorité lui était favorable, une pareille surprise faite à l’opinion, un résultat si différent de ce qu’on s’était promis de la nomination du rédacteur? L’explication est bien simple. Il y avait majorité dans la commission pour le ministère du 5 avril: il n’y avait pas majorité pour le système de la non-intervention absolue; il n’y avait pas majorité pour l’approbation sans réserve de ce qui s’était fait en vertu du traité de la quadruple alliance, en ce sens qu’il n’y aurait, en aucun cas, ni plus ni mieux à faire pour atteindre le but de ce traité. A l’article des relations avec les puissances étrangères, le rédacteur de l’adresse proposa d’abord une phrase insignifiante, écho inoffensif du même passage dans le discours de la couronne. Mais aussitôt on se récria dans le sein de la commission même; l’expression des sympathies de la France pour la cause de la reine Isabelle « était trop faible, dit-on, dans le projet du rédacteur; il fallait quelque chose de plus; il fallait, sans rien compromettre, sans rien imposer combiner une rédaction qui présentât plus d’espoir aux amis de l’Espagne, et qui fût d’un plus grand appui moral pour la cause constitutionnelle. - Et vous ne pouvez pas vous y opposer, disait-on avec raison à M. Saint-Marc Girardin; vos opinions sont connues, et si vous ne parliez qu’en votre nom, vous iriez certainement beaucoup plus loin, vous demanderiez beaucoup plus; vous ne seriez satisfait de rien moins que l’intervention, et peut-être même de l’intervention immédiate, à travers toutes les vicissitudes de la question espagnole, vous êtes resté fidèle à la cause de la reine Isabelle II qui n’a pas cessé d’être, à vos yeux, la cause même de la France, de la révolution de juillet et de la nouvelle dynastie! « M. Saint-Marc Girardin, avec la loyauté qui le caractérise, reconnut que c’était vrai, qu’il pensait aujourd’hui comme il pensait il y a deux ans, et comme il l’écrivait alors avec tant d’énergie, de conviction et de talent : aussi laissa-t-il substituer une autre rédaction à la sienne. Nous ne savons pas précisément qui s’en chargea ; on assure que ce fut l’honorable président de la chambre. Voilà comment le ministère se trouva embarrassé par la commission où ses amis étaient en majorité, et par un projet d’adresse dont il avait, en quelque sorte, fait nommer le rédacteur.
 
Au reste, dans cette affaire, tout a roulé sur des interprétations et des subtilités de mots que le sens qu’on est convenu d’y attacher a relevées et agrandies De ce que la rédaction primitive de la commission recommandait au gouvernement d’exécuter fidèlement le traité de la quadruple alliance, on en a conclu que la commission n’était pas bien sûr que ce traité eût été jusqu’alors fidèlement exécuté. La commission protestait au contraire, et par la bouche de M. Saint-Marc Girardin, et par celle, de M. Dufaure, qu’elle n’avait pas entendu s’occuper du passé, qu’elle ne le condamnait ni ne le flattait, et qu’elle laissait au gouvernement toute liberté sur les moyens d’atteindre le but qu’elle lui indiquait bien nettement. Une autre difficulté d’interprétation, une autre subtilité de mots s’est développée parallèlement sur l’amendement de M. Hébert. - Vous engagez le gouvernement à continuer, .disaient les adversaires de cet amendement, à continuer l’exécution donnée au traité de la quadruple alliance; c’est lui conseiller de ne pas l’exécuter autrement.- Non, répondaient M. Hébert .et le ministère, l’amendement approuve le passé, il est vrai, et nous avons besoin de cette approbation du passé; mais il respecte l’indication d’un but auquel nous reconnaissons qu’il faut tendre, et dont l’accomplissement pourrait en effet exiger d’autres mesures, des résolutions différentes.
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Non, la France est moins gênée qu’on le pense dans ses allures; sans doute, elle s’exposerait à de grands périls et à des périls mérités, j’ose le dire, si elle troublait, par son ambition, l’ordre public européen, et un statu quo qu’elle a consenti elle-même et quelle consent encore, après chaque changement qui le dérange, soit qu’il nous satisfasse ou non! Mais la France n’est pas même exposée à de pareils soupçons ; elle a donné assez de garanties de ses interventions pacifiques pour être regardée avec crainte, et, disons-le bien haut, avec respect, chaque fois qu’elle se croit forcée de faire un geste menaçant. En cette affaire d’Espagne, ce qu’elle jugera devoir faire, elle ne le fera que pour veiller à sa propre conservation, et elle pourra, nous le croyons, ne se décider que d’après un ordre d’idées prises dans ses intérêts directs. L’Europe ne se placera pas entre la France et l’Espagne, et les ''embarras du Rhin'' n’auront pas lieu tant que la France sera gouvernée par le système de politique générale actuel qui est à la fois, à quelques nuances près, celui des deux ou trois partis modérés qui se livraient bataille dans la discussion de l’adresse.
 
M .Molé a défendu avec talent la position que le cabinet voulait prendre; il a été constamment su la brèche, où l’appelaient à chaque instant des interpellations pressantes, des provocations chaleureuses. C’est à lui que le ministère doit sa victoire, dans cette grande lutte, dont l’issue a même dépassé toutes ses espérances. La chambre a voté à une majorité considérable, l’amendement de M Hébert, qui contenait l’approbation du passé, et le ministère a déclaré à plusieurs reprises qu’il ne voyait là ni l’engagement ni le conseil de rien faire de plus dans l’avenir pour atteindre le but du traité de la quadruple alliance. Pour notre compte, nous acceptons de grand coeurcœur cette interprétation de l’amendement et du vote de la chambre; nous avons fait plus, nous avons essayé de prouver, d’après tous les incidens et toutes les péripéties de la discussion, que c’était ainsi qu’il fallait interpréter l’un et l’autre. Maintenant nous nous demandons avec anxiété si l’opinion publique de l’Europe, si l’Espagne constitutionnelle, si la cour et le camp de don Carlos, si la diplomatie carliste accréditée auprès de la plupart des cabinets étrangers, ne seront pas autrement affectés, et si l’on ne verra pas dans l’adoption de l’amendement la confirmation sans réserve, à tout hasard, d’une politique qui a certainement fait plus que des voeuxvœux, qui a donné plus que des sympathies, mais qui n’a pas encore sérieusement embarrassé don Carlos: A cet égard l’avenir seul peut répondre. Cependant le principal organe du parti légitimiste a déjà anticipé sur sa décision, et le même soir il s’est formellement emparé du vote de la chambre, pour la remercier d’avoir renoncé, au nom de la France, à empêcher une restauration carliste en Espagne, si l’accomplissement de ce but, exigeait d’autres mesures que le rigoureux blocus de la frontière des Pyrénées. C’est un grand malheur assurément que la possibilité d’une interprétation pareille; mais nous avons trop de confiance dans les lumières et la loyauté de M. Molé, pour ne pas croire qu’il lui donnerait, au besoin, un démenti solennel. Nous dirons plus, nous croyons que le ministère est obligé, dès aujourd’hui, à faire quelque chose pour l’Espagne, plus ou moins, ceci ou cela; mais quelque chose de nouveau, quelque chose de suffisamment efficace, et c’est un conseil que lui donnent maintenant plusieurs de ceux qui ont adopté l’amendement Hébert. Et comment ne le lui donnerait-on pas? Il y a dans le parti doctrinaire, qui a voté en masse pour le ministère, des noms très compromis sur l’intervention et pour l’intervention ; il y a des hommes qui restent convaincus que ç’a été une faute de ne pas intervenir en 1835, et qui ont cent fois dit, écrit, imprimé, comme M. Dufaure. « L’intervention le plus tard possible, l’intervention à la dernière extrémité, l’intervention pour dernière ressource ; mais la contre-révolution, jamais. »
 
On se flatte, nous le savons bien, de ne pas voir arriver cet extrême danger pour la cause d’Isabelle II, de ne pas voir la contre-révolution imminente en Espagne. On croit que la guerre civile peut encore durer des années sans approcher sensiblement d’une solution favorable à don Carlos ; on espère qu’au moins ces tristes vicissitudes se prolongeront assez au détriment des deux partis, avec un égal affaiblissement des deux côtés, pour qu’ils transigent d’eux-mêmes sans médiation et sans garantie étrangère. Eh bien ! on se trompe peut-être ; le ministère modéré qui avait si imprudemment compté sur notre assistance, est aux abois. Il reconnaît que si la France n’accorde pas quelque secours à la cause de la reine, il sera bientôt obligé de faire place à une opinion différente, au parti anglais. Le ministère d’Ofalia, plus sincère que les administrations précédentes, dit encore que l’épuisement des finances est arrivé à son dernier terme, que les carlistes, ont réorganisé leurs forces sur tous les points, et que les armes et les généraux de la reine sont profondément découragés. Et tout cela est rigoureusement vrai ! Une expédition carliste vient en effet de passer l’Ebre; elle a opéré sa jonction avec Cabrera, et elle est entrée dans Catalayud, tandis que le général en chef de l’armée qui devait la combattre et qui aurait dû poursuivre Cabrera, donne sa démission!
 
Voilà donc la situation dans laquelle le vote et la discussion de la chambre des députés vont trouver les deux parties belligérantes. Du côté de la reine, un ministère modéré, un ministère ami de la France, qui se décourage; du côté de don Carlos, des bandes que l’on disait vaincues et démoralisées, qui reprennent coeurcœur, qui tentent, au milieu de l’hiver, de nouvelles entreprises et qui agrandissent derechef le théâtre de la guerre, momentanément resserré dans ses anciennes limites Le sort de l’Espagne peut dépendre dans une pareille situation, du sens qu’elle attachera au vote de l’amendement Hébert, réclamé par le ministère avec tant d’insistance; et comme nous craignons qu’après tout l’Espagne interprète mal ce vote, nous disons que le ministère devrait, dans son intérêt et dans un intérêt plus grand que le sien, chercher à en fixer le sens par une combinaison quelconque, de nature à servir la cause constitutionnelle. S’il ne le fait pas, tout est à redouter du désespoir des uns, et d’un redoublement d’audace chez les autres.
 
Mais, encore une fois, nous avons confiance dans le ministère. M. Molé a dit d’abord, en parlant de la contre-révolution espagnole, que ce serait un grand malheur; puis, frappé des réflexions de M. Thiers, la justesse de son esprit lui a fait ajouter que ce serait un malheur ''immense''. Ce mot est le fait qui est résulté de la discussion La France ne se résignera pas, sans de grands efforts pour le détourner, à subir un malheur immense; et si le danger ne paraît pas assez immense pour le repousser par une coopération active, le ministère aura sans doute quelque moyen à proposer à cette chambre si disposée à l’aider en tout ce qu’il demandera. Un journal dont les opinions ne sont pas toujours les nôtres, le ''Journal des Débâts'', a prononcé le mot ''subsides'', et l’a appuyé de raisons d’une justesse parfaite, alléguant qu’en fait de subsides, on peut s’arrêter où l’on veut, et rester seulement dans la mesure du sacrifice qu’on s’est imposé. Il n’y a pas là, ajoute cette feuille, de cylindre où passe toute le corps dès qu’on y a mis le doigt. La proposition nous semble à la fois honorable et judicieuse, et les raisons qu’on en donne de nature à être discutées avec avantage dans la chambre. Elle ne verrait pas dans cette proposition, comme elle l’a cru voir dans la discussion, une sorte de tendance à l’entraîner sur le terrain d’une guerre de principes, et à lui arracher un vote qui serait accueilli par les agitateurs de tous les pays comme le fameur décret de la Convention du 19 novembre 1791, qui promettait appui à tous les peuples révoltés ou prêts à se révolter contre leur gouvernement. De son côté, le gouvernement espagnol verrait assurément dans cette mesure une haute marque d’intérêt, et l’Europe saurait que si nous n’accordons que notre secours pécuniaire, c’est qu’il n’y a pas encore lieu d’accorder autre chose. Il y aurait un autre avantage dans ce mode de coopération: c’est que l’Angleterre pourrait y prendre part avec d’autant moins d’opposition qu’il se trouve conforme à tous ses antécédens.
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L’auteur de ''Volberg'', dans sa préface, essaie de nous démontrer que la poésie est encore de ce monde et que notre époque n’est pas stérile en grands écrivains; il discute gravement l’influence du progrès matériel sur les dévoloppemens variés de la pensée et de la fantaisie, et après un laborieux raisonnement, il nous assure, avec le cri de surprise qu’arrache une découverte, que la poésie doit survivre à notre siècle et qu’elle ne cessera pas d’être florissante, en dépit de la science et de l’industrie. Ce sont là, sans doute, de bien grandes vérités; mais nous engageons M. Pécontal à employer, pour nous les dire, moins de phrases prétentieuses et de périodes solennelles. En consacrant vingt pages de préface à amplifier un texte rebattu, M. Pécontal a fait preuve de maladresse ou de vanité. Ou il a crut nécessaire de prouver l’évidence, et sa préface est insignifiante au point de vue de la logique; ou il a cru pouvoir racheter la pauvreté du fond par les richesses de la forme, et alors il est coupable de vanité. Dans les deux cas, M. Pécontal aurait bien fait, puisqu’il combattait des chimères, de défendre la cause des poètes avec plus de calme et de mesure. Nous ne savons où il a entendu nier l’existence de la poésie dans les temps modernes; mais nous croyons bien que plus d’une fois on a pu, devant lui, déplorer qu’elle se manifestât si rarement dans une oeuvreœuvre digne de la représenter et ranger parmi les essais médiocres ou insignifians, la plupart des recueils lyriques ou des poèmes qui se publient de notre temps. Ceux qui pensent ainsi, ne méritent point d’être traités d’esprits ''chagrins, inquiets ou aveugles''. M. Pécontal devra au contraire, s’il est juste, reconnaître leur impartialité et leur clairvoyance.
 
Nous ne rangeons pas le poème de ''Volberg'' parmi les livres dont nous parlons. S’il a de commun avec eux une mauvaise préface et des prétentions démesurées, il les dépasse dans certaines parties par l’exécution. Quelque reproche, que méritent le choix du sujet et les réminiscences du style, on ne peut contester à l’auteur de ''Volberg'' la supériorité que nous lui accordons. Il exprime avec assez d’éclat et de facilité, des pensées graves et d’énergiques convictions. A quelques égards, ''Volberg'' se distingue donc de la foule des débuts poétiques.
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La création de Volberg, le héros du poème, n’a rien coûté à M. Pécontal. En traçant ce caractère, il s’est souvenu du René de M. de Châteaubriand, du Faust de Goethe et du Manfred de Byron. Nous ne voulons pas nous arrêter sur les nombreuses imperfections de la copie. Une fois décidé à personnifier le doute, M. Pécontal ne pouvait guère mettre en oubli les types dont nous parlons, et presque involontairement il devait chercher à les reproduire. L’ironie, le désespoir et l’orgueil s’expriment donc tour à tour par la bouche de Volberg ; mais c’est, nous l’avons dit, une imitation sans chaleur et sans portée. Il y a aussi quelques vers sur la pâleur de Volberg, sur les rides de son front et sur la tristesse de son sourire, qui rappellent tout ce que des copistes maladroits ont pu dire sur le même sujet. P. Pécontal n’a eu que la peine de traduire ou de consulter sa mémoire. Nous eussions mieux aimé qu’il se confiât en ses forces.
 
Le second personnage du drame est une personnification de la foi. Pour celui-là, M Pecontal ne s’est souvenu que de Jocelyn. Ce personnage est un curé de campagne qui emploie volontiers la parabole pour rendre plus clairement sa pensée et qui prodigue les .dissertations pieuses sur la poésie du christianisme. Mais dans le beau livre de M. de Lamartine, c’est l’amour qui égare le prêtre; dans ''Volberg'', c’est le voltairianisme qui joue le rôle de l’amour La passion, en se purifiant, ramène Jocelyn au sentiment religieux; l’ami de Volberg ne comprend le christianisme que lorsque sa raison est convaincue comme son coeurcœur. C’est la lecture de l’évangile, ou plutôt c’est le raisonnement appliqué à cette lecture qui le ramène à la foi. A part cette différence, le prêtre dans Volberg est une réminiscence évidente du pasteur de Valneige.
 
Nous ne parlerons pas du troisième personnage qui figure sans doute dans le poème, l’amour méconnu et sacrifié. Noëmi n’a d’autre emploi que de servir au dénouement. Nous serions embarrassé de lui assigner un meilleur rôle et d’expliquer autrement sa brusque apparition, au milieu des pieux entretiens de Volberg et du prêtre. Pourtant M. Pécontal paraît attacher à cette création une certaine importance. En traçant le portrait de Noëmi, il s’écrie avec un naïf enthousiasme: « C’est Ophélia, c’est Anna; c’est Elvire; on aurait tort cette fois de s’en rapporter au jugement du poète. Ni Shakespeare, ni Mozart n’ont rien à revendiquer dans la création de Noëmi.
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Il y avait assurément dans la personnification du doute, de la foi et de l’amour, tous les élémens d’une tragédie solennelle; l’action pour être vraisemblable et attachante n’avait qu’à se déduire de la philosophie. L’auteur de ''Volberg'' a-t-il su disposer avec art les matériaux précieux qu’il avait choisis ? a-t-il satisfait à toutes les exigences d’une donnée aussi vaste ? Nous ne le croyons pas, et pour justifier notre assertion il nus suffira sans doute d’exposer rapidement l’action de ''Volberg''.
 
Au début du poème, le sceptique, découragé, veut chercher dans la mort un remède à ses tourmens. Un prêtre rencontre Volberg fort à propose et relève avec indignation ses blasphèmes. Volberg ému, se résigne à vivre et assure au prêtre en le quittant, qu’il viendra le revoir. Il tient parole, et alors s’établit entre Volberg et le pasteur une controverse animée. Celui-ci réfute complaisamment toutes les attaques renouvelées de Voltaire et de l’encyclopédie, que Volberg dirige contre la bible et l’évangile. L’action est suspendue au milieu de ces doctes entretiens et on pourrait croire que le poème entier se réduit à un dialogue philosophique. Il n’en est pas ainsi pourtant, et les conversations de Volberg et du prêtre son interrompues par l’arrivée de Noëmi. Cette jeune fille a été aimée de Volberg, qui l’a abandonnée après l’avoir séduite. L’amour a troublé son esprit et elle ne vit que dans l’espoir de revoir un jour celui qui l’a trahis. Volberg en retrouvant Noëmi sent son amour renaître, et il veut réparer sa faute. Noëmi revient à la raison dans les bras de son amant ; mais cette émotion trop vive a brisé son coeurcœur, et au moment où le prêtre bénit le mariage de Noëmi et de Volberg, la jeune fille meurt en priant Dieu pour son époux. Volberg ne voit dans la perte de sa bien aimée qu’une raison pour nier devant le prêtre la bonté divine et pour maudire encore une fois la vie. Heureusement le prêtre ferme la bouche au sceptique en lui exposant le dogme de l’immortalité de l’ame. Volberg convaincu, se résigne et déclare, devant le lit de mort de Noëmi, que le doute est sorti pour jamais de son coeurcœur.
 
Il est superflu de faire ressortir l’insignifiance de cette conception. Les parties du poème qui devaient être les plus développées, sont précisément celles que l’auteur a traitées avec une concision irréfléchie. Il n’a consacré que quelques pages au triomphe de l’amour et de la foi sur le doute, et s’est plu à développer sous toutes les formes l’antithèse du savant et du prêtre. A-t-il pu croire que les raisonnemens du pasteur étaient de force à convaincre Volberg et que cette controverse religieuse préparait le dénouement ? S’il en est ainsi, que n’a-t-il fait de Volberg un esprit humble et crédule ! On concevrait peut-être alors qu’il se rendit sans trop de peine à des explications sans valeur et sans portée ; mais un homme qui a sondé tous les systèmes, épuisé toutes les jouissances, un rêveur qui a vieilli avant l’âge dans la poursuite de ses chimères, orgueilleux comme Manfred, savant comme Faust, blasé comme don Juan, peut-il se laisser convaincre par un curé de village, qui lui traduit dans un langage sans pompe et sans énergie la prose du ''Génie du Christianisme''? On comprendrait le pouvoir qu’exerceraient sur une imagination jeune et tendre des preuves puisées à cette source poétique, mais Volbert devrait depuis long-temps avoir réfuté les raisonnemens aussi frivoles. Il n’a pas demandé inutilement le secret de son origine et de sa fin aux religions de l’Inde, de la Chaldée, de l’Egypte et de la Grèce, pour trouver une solution de cette énigme dans une démonstration poétique du christianisme. Quoi qu’en dise M. Pécontal, nous ne pouvons consentir à voir dans ce Volbert un nouveau Manfred; c’est un écolier maladroit qui n’a de commun avec son maître que les rides du front et la tristesse du sourire. Mais pour peu qu’on le presse et qu’on lui expose un peu vivement des preuves insignifiantes, il reste interdit et trouve à peine dans sa mémoire les premiers mots d’une leçon mal étudiée.
 
L’erreur de M. Pécontal vient de ce qu’il n’a pas composé logiquement son oeuvreœuvre; Il ne s’est pas bien rendu compte de ce qu’il voulait démontrer. Deux manières s’offraient à lui de traiter la question du doute. Il pouvait comprendre ce mot dans son acception la plus large et attaquer le scepticisme non pas seulement dans ses rapports avec une foi déterminée, mais dans son influence universelle qui s’applique à l’amour, à la philosophie, à la science aussi bien qu’au dogme chrétien. Il pouvait aussi limiter sa tâche et ne combattre que le doute religieux ou le doute du coeurcœur. M. Pécontal s’était arrêté à ce point de vue moins vaste de la question. Son livre avait pour but de réfuter le doute religieux. Pour réaliser cette donnée, il lui fallait personnifier la foi chrétienne et le doute chrétien. L’un de ses personnages représente en effet la foi chrétienne; c’est le prêtre. Mais Volberg ne figure pas avec une égale exactitude le doute chrétien. Volberg est au contraire une personnification du doute universel. Aussi le dénouement n’est-il pas vraisemblable. Il est absurde, que des raisonnemens tirés de Jocelyn réussissent à convaincre Manfred.
 
Le style de Volberg prouve que M. Pécontal a déjà quelque habitude de la forme poétique ; en général, il est supérieur à celui des poèmes ou des odes qui révèlent chaque année au public indifférent une ambition ridicule et promptement déçue. Mais M. Pécontal fera bien de traiter désormais de moins vastes sujets, de s’imposer une tâche plus facile et qui l’expose moins à imiter maladroitement de belles œuvres. L’ode ou l’élégie conviendraient peut-être mieux au talent de M. Pécontal que le poème philosophique. Ainsi contenue, sa pensée s’exprimerait sans doute avec plus d’éclat et d’originalité.
 
Nous ne passerons point de la critique d’ensemble à la critique de détails. Nous ne croyons pas devoir insister sur les taches du style, sur les rimes hasardées, et autres incorrections. .Le mépris des poètes pour ces minuties, est un fait bien connu. Toutefois nous recommandons à M. Pécontal de ne plus confondre, comme il l’a fait dans sa préface, M. Casimir Delavigne avec Goethe et lord Byron. L’élégante versification du ''Paria'' et des ''Messéniennes'', ne peut valoir en aucune manière à M. Delavigne le rang que lui accorde si complaisamment M. Pécontal parmi les premiers poètes du siècle. Une semblable erreur, si elle se répétait, ferait mettre en doute l’instinct poétique de l’auteur de ''Volberg'', et le public serait fondé cette fois à traiter son oeuvreœuvre avec indifférence.
 
 
Une des parties les plus intéressantes et les moins connues de l’histoire .de notre littérature dramatique vient d’être traitée par .M. Onésime Leroy dans un livre intitulé: ''Etudes sur les mystères dramatiques et sur les manuscrits de Gerson''. M. Leroy est remonté aux meilleures sources, et son ouvrage est presque entièrement rédigé d’après des manuscrits d’un haut intérêt. Les qualités d’une oeuvreœuvre littéraire s’y allient d’ailleurs à celles d’un bon travail historique. Une critique judicieuse accompagne les recherches savantes et un style élégant leur prête un attrait de plus. Nous reviendrons sur ce livre intéressant, auquel le Roi vient de souscrire pour ses bibliothèques.