« Ainsi parlait Zarathoustra/Quatrième partie/La salutation » : différence entre les versions

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"Vous qui désespérez, hommes singuliers ! C'est donc votre cri de détresse que j'ai entendu ? Et maintenant je sais aussi où il faut chercher celui que j'ai cherché en vain aujourd'hui : ''l'homme supérieur'' : — il est assis dans ma propre caverne, l'homme supérieur ! Mais pourquoi m'étonnerais-je ! N'est-ce pas moi-même qui l'ai attiré vers moi par des offrandes de miel et par la maligne tentation de mon bonheur ?
 
Il me semble pourtant que vous vous entendez très mal, vos coeurscœurs se rendent moroses les uns les autres lorsque vous vous trouvez réunis ici, vous qui poussez des cris de détresse ? Il fallut d'abord qu'il vînt quelqu'un, — quelqu'un qui vous fît rire de nouveau, un bon jocrisse joyeux, un danseur, un ouragan, une girouette étourdie, quelque vieux fou : — que vous en semble ?
 
Pardonnez-moi donc, vous qui désespérez, que je parle devant vous avec des paroles aussi puériles, indignes, en vérité, de pareils hôtes ! Mais vous ne devinez pas ce qui rend mon coeurcœur pétulant : — c'est vous-mêmes et le spectacle que vous m'offrez, pardonnez-moi ! Car en regardant un désespéré chacun reprend courage. Pour consoler un désespéré — chacun se croit assez fort.
 
C'est à moi-même que vous avez donné cette force, — un don précieux, ô mes hôtes illustres ! Un véritable présent d'hôtes ! Eh bien, ne soyez pas fâchés si je vous offre aussi de ce qui m'appartient.
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Hébergés par moi, aucun de vous ne doit s'adonner au désespoir, dans mon district je protège chacun contre ses bêtes sauvages. Sécurité : c'est là la première chose que je vous offre !
 
La seconde cependant, c'est mon petit doigt. Et si vous avez mon petit doigt, vous prendrez bientôt la main tout entière. Eh bien ! je vous donne mon coeurcœur en même temps ! Soyez les bien-venus ici, salut à vous, mes hôtes !"
 
Ainsi parlait Zarathoustra et il riait d'amour et de méchanceté. Après cette salutation ses hôtes s'inclinèrent de nouveau, silencieusement et pleins de respect ; mais le roi de droite lui répondit au nom de tous.
 
"A la façon dont tu nous as présenté ta main et ton salut, ô Zarathoustra, nous reconnaissons que tu es Zarathoustra. Tu t'es abaissé devant nous ; un peu plus tu aurais blessé notre respect — : mais qui donc saurait comme toi s'abaisser avec une telle fierté ? ''Ceci'' nous redresse nous-mêmes, réconfortant nos yeux et nos coeurscœurs.
 
Rien que pour en être spectateurs nous monterions volontiers sur des montagnes plus hautes que celle-ci. Car nous sommes venus, avides de spectacle, nous voulions voir ce qui rend clair des yeux troubles.
 
Et voici, déjà c'en est fini de tous nos cris de détresse. Déjà nos sens et nos coeurscœurs s'épanouissent pleins de ravissement. Il ne s'en faudrait pas de beaucoup que notre courage ne se mette en rage.
 
Il n'y a rien de plus réjouissant sur la terre, ô Zarathoustra, qu'une volonté haute et forte. Une volonté haute et forte est la plus belle plante de la terre. Un paysage tout entier est réconforté par un pareil arbre.
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Je le compare à un pin, ô Zarathoustra, celui qui grandit comme toi : élancé, silencieux, dur, solitaire, fait du meilleur bois et du bois le plus flexible, superbe, — voulant enfin, avec des branches fortes et vertes, toucher à sa ''propre'' domination, posant de fortes questions aux vents et aux tempêtes et à tout ce qui est familier des hauteurs, — répondant plus fortement encore, ordonnateur, victorieux : ah ! qui ne monterait pas sur les hauteurs pour contempler de pareilles plantes ?
 
Tout ce qui est sombre et manqué se réconforte à la vue de ton arbre, ô Zarathoustra, ton aspect rassure l'instable et guérit le coeurcœur de l'instable.
 
Et en vérité, beaucoup de regards se dirigent aujourd'hui vers ta montagne et ton arbre ; un grand désir s'est mis en route et il y en a beaucoup qui se sont pris à demander : qui est Zarathoustra ?
 
Et tous ceux à qui tu as jamais distillé dans l'oreille ton miel et ta chanson : tous ceux qui sont cachés, solitaires et solitaires à deux, ils ont tout à coup dit à leur coeurcœur :
 
"Zarathoustra vit-il encore ? Il ne vaut plus la peine de vivre. Tout est égal, tout en vain : à moins que — nous ne vivions avec Zarathoustra !"
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J'implore votre amour de récompenser mon hospitalité en me parlant de mes enfants. C'est pour eux que je me suis fait riche, c'est pour eux que je me suis appauvri : que n'ai-je pas donné, — que ne donnerais-je pour avoir ''une'' chose : ''ces'' enfants, ''ces'' plantations vivantes, ''ces'' arbres de la vie de mon plus haut espoir !"
 
Ainsi parlait Zarathoustra et il s'arrêta soudain dans son discours : car il fut surpris par son désir, et il ferma les yeux et la bouche, tant était grand le mouvement de son coeurcœur. Et tous ses hôtes, eux aussi, se turent, immobiles et accablés : si ce n'est que le vieux devin se mit à gesticuler des bras.
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